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DICTIONNAIRE RAISONNÉ

DES SCIENCES,

DES ARTS ET DES MÉTIERS.

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TOME DOUZIEME.

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ENCYCLOPÉDIE,

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DICTIONNAIRE RAISONNÉ

DES SCIENCES,

DES ARTS ET DES MÉTIERS,

PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES.

Mis en ordre & publié par M. DIDEROT ; & quant à la Partie Mathématique, par M. D'ALEMB ERT.

Tantùm ferles junSuracjue polie t, Tantùm de medlo fumptls accedlt honoris J Ho RAT,

TROISIEME ÉDITION.

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TOME DOUZIEME.

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A GENE V E,

Chez Jean-Léonard Pellet , Imprimeur de la République, A NEUFCHATEL,

Chez la Société Typographique.

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AUAMS

ENCYCLOPEDIE,

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DICTIONNAIRE RAISONNÉ

DES SCIENCES,

DES ARTS ET DES MÉTIERS.

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LCANA, {Hift.facr.) de la tribu de Levi , père de Samuel & mari d'Anne , étoit de Ramatha , du canton de So- phim. En allant à Silo étoit l'arche , il confoloit fa femme qui gémifïbit defaflérilité. Les larmes & les vœux d'Anne méritèrent que Dieu leur donnât un fils , qu'ils offrirent au Seigneur. Il y a encore du même nom un petit- fils de Coré , un pre- mier miniflre du roi Achaz , deux lévites & quelques autres.

ELCATIF , ( Géograph. mod. ) ville de PArabie heureufe fur la côte occidentale du Golfe Perlique. Long. 70 , 40 ; lat. 16.

ELCESAITES, ou HELCESAITES , nu ELCESAIENS , comme les appelle

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Théodoret , hérétiques qui parurent au com- mencement du fécond fiecle , & qui prirent leur nom d'Elcéfaï ou d'Elxaï , leur chef. Elxaï étoit Juif d'origine & de fentiment , mais il n'obfervoit pas la loi. Il fe préten- dit inipiré , compofa un livre il or— donnoit à ùs fe&ateurs une forme de fer- ment myflérieux par le fel , l'eau , la terre , le pain , le ciel , l'air & le vent. D'autres fois il leur ordonnoit de prendre fept au- tres témoins de la vérité , le ciel , l'eau , les elprits , les SS. anges de la prière , l'huile , le fel & la terre. Des livres de l'ancien & du nouveau Teftament , il n'admettoit que quelques parfàges détachés. Ce pré- tendu prophète contraignoit {es feâateurs. au mariage. Il difok qu'on pouvoit làfts

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pécher , céder à la perfécution , adorer les idoles , & diflimuler fa. foi au dehors , pourvu que le cccur n'y eût point de part: il reconnoiffbitle Chriftpour le grand roi ; mais il ne paroifîoit pas clairement, par Ton livre , fi Tous ce nom il défignoit Jefus- Chrifl ou s'il en entendoit un autre. Il dé- fendoit de prier vers l'orient , & vouloit qu'on tournât le vifâge vers Jérufalem en quelque pays que l'on fût. Il condamnoit les facrifices comme indignes de Dieu , & ne lui ayant , difoit-il , été offerts ni par les pères , c'efl-à-dire les patriarches , ni en vertu de la loi. Il défendoit de manger de la chair comme faifoient les Juifs , & rejetoit l'autel & le feu ; mais il croyoit que l'eau étoit bonne , ce qui pourroit faire conjecturer qu'il admettoit une forte de baptême.

Elxaï décrivoit le Chrifl comme une vertu célefîe qui, née dès le «commence- ment du monde , avoit paru de temps en temps feus divers corps , & il en décrivoit ïiinfi les dimenfions : vingt-quatre fchœnes en longueur , c'eft-à-dire quatre-vingt-feize mille pas ; fix fchœnes en largeur , ou vingt- quatre mille pas , & l'épaifTeur à -propor- tion. Ces mefures femblent avoir été for- gées fur une interprétation grofîîere de ces paroles de S. Paul aux Ephéfiens, ch. iij y ir ? 8 y utpojjitis comprehendere cum om- nibus fanctis , quee fit latitudo y & longi- tudo y & fublimitas y & profundum. Par une erreur femblable , il donnoit au faint Efprit le fexe féminin , parce qu'en Hébreu rouats ou rouach y qui lignifie efprit y eu de ce genre. Il le faifbit femblable au Chrifl & polé devant lui , droit comme une ftatue , fur un nuage entre deux mon- tagnes , & toutefois invifible. Il donnoit à l'un & à l'autre la même mefure , & prétendoit l'avoir connue par la hauteur des montagnes , parce -que leurs têtes y atteignoient. Enfin , il enfeignoit dans fon livre une prière en termes barbares , dont il défendoit de chercher l'explication , & que faint Epiphane traduit ainfi : la baf- fejfe y la condamnation y Voppreffwn y la peine de mes pères efl pajfée par la mijjîon parfaite qui efl venue. Ce père , Ongene & Eufebe ont parlé des Elcéfaïtes. Le premier les nomme auûî Samfe'ens y du

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mot hébreu famés 9 qui lignifie le foie il. Scaliger s'efl trompé en prétendant qu'Elxaï étoit le même qu'EJ/aïou E^en ; & par une fuite de fa première erreur, il a con- fondu les Elcéfaïtes avec la fèàe des Ef- féens. Les difciples d'Elxaï fe joignirent à ceux d'Ebion , & gardoient comme eux la circoncifion ; ils fu brillèrent plufieurs fie- cles , quoiqu'Eufebe , liv. VI y ch. xxxviij y allure le contraire. Fleury , hift. eccle'f liv. I y tome II y page zgz &gz. (G)

ELCHE , ( Géograph. mod. ) ville du royaume de Valence en Efpagne. Elle eQ. fituée fur la Segre. J^ong. 17 , 25 ; lat. 38, .10.

ELDAGSEN ou ELDAGSHAUSEN , ( Géogr. ) petite ville d'Allemagne , dans le cercle de bafTe Saxe , dans l'éle&orat d'Hanovre , & dans la principauté de Ca- lenberg. Elle efl ancienne & faifoit jadis partie du comté de Hallermunde : elle avoit des murs & des foffés ; elle avoit jurifdiclion criminelle & civile , & elle donnoit fon nom à un certain diftricT:. Ces avantages font à -peu -près tous perdus pour elle aujourd'hui ; il ne lui relie que fa jurifdiclion civile, un long procès avec le bailliage de Calenberg au fujet de la criminelle , & 200 & quelques maifons. (D.G.)

* ELEATIQUE ( Secte ) , Hift. de la Philofophie. La fecle ele'atique fut ainfî appellée d'Elée , ville de la grande Grèce , naquirent Parménide, Zenon & Leu- cippe , trois célèbres défenfeurs de la philo- fophie dont nous allons parler.

Xénophane de Colophon pafîe pour le fondateur de YEléatiJme. On dit qu'il fuc- céda à Telauge fils de Pythagore , qui enfeignoit en Italie la doctrine de fon père. Ce qu'il y a de certain , c'efl que les Eléatiques furent quelquefois appelles Py- thagoriciens.

Il fe fit un grand fchifine dans l'école ele'atique y qui la divifà en deux fortes de philofophes qui conferverent le même nom , mais dont les principes furent auffi oppofés qu'il étoit poflible qu'ils le fufïênt ; les uns perdant dans des abflra&ions , & éle- vant la certitude des connoiflances méra- phyfiques aux dépens de la feience des faits , regardèrent la phyfique expérimentale

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& l'étude de la nature comme l'occu- pation vaine & trompeufe d'un homme qui , portant la vérité en lui-même , la cherchoit au dehors , & devenoit de pro- pos délibéré le jouet perpétuel de l'appa- rence & des fantômes : de ce nombre furent Xénophane , Parménide , Mélifîe & Zenon ; les autres , au contraire , per- fuadés qu'il n'y a de vérité que dans les propolîtions fondées fur le témoignage de nos fens , & que la connoiffance des phé- nomènes de la nature eft la feule vraie philofophie , fe livrèrent tout entiers à l'étude de la phyfimie : & l'on trouve à la tête de ceux-ci les noms célèbres de Leu- cippe , de Démocrite , de Protagoras , de Diagoras & d'Anaxarque. Ce fchifme nous donne la divifion de l'hiftoire de la philo- fophie éléatique y en hiftoire de VEléatifme métaphyfique , & en hiftoire de VEléatifme phyfique.

Hiftoire des éléatiques métaphyjiciens. Xénophane vécut fi long-temps , qu'on ne fait à quelle année rapporter fa nahTance. La différence entre les hiftoriens eft de vingt olympiades : mais il eft difficile d'en trouver une autre que la cinquante-fixie- me , qui fatisfafîè à tous les faits donnés. Xénophane , dans la cinquante-fixieme olympiade , put apprendre les élémens de la grammaire , tandis qu'Anaximandre flo- riffoit ; entrer dans l'école pythagoricienne à l'âge de vingt - cinq ans ; profefîer la philofophie jufqu'à l'âge de quatre-vingt- douze : être témoin de la défaite des Per- fes à Platée & à Marathon ; voir le règne d'Hiéron ; avoir Empedocle pour difciple ; atteindre le commencement de la quatre- tingt & unième olympiade , & mourir âgé de cent ans.

Xénophane n'eut point de maître. Per- fécuté dans fa patrie , il fe retira à Zancle ou à Catane dans la Sicile. Il étoit poëte & philofophe. Réduit à la dernière indi- gence , il alla demander du pain à Hiéron. Demander du pain à un tyran! il valoit encore mieux chanter Ces vers dans les rues; cela eût été plus honnête & plus conforme aux mœurs du temps. Indigné des fables qu'Homère & Héfiode avoient débitées fur le compte des dieux , il écrivit contre ces deux poètes j .mais les vers

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d'Héfiode & d'Homère font parvenus jus- qu'à nous , & ceux de Xénophane font tombés dans l'oubli. Il combattit les princi- pes de Thaïes & de Pythagore , il harcela un peu le philofophe Epiménide; il écrivit l'hiftoire de fon pays ; il jeta-les rondemens d'une nouvelle philofophie dans un ouvrage intitulé : de la nature. Ses difputes avec les philofophes de fon temps fervirent au fi! d'aliment à la mauvaife humeur de Timon ; je veux dire que le mifanthrope s'en réjouie (bit intérieurement , quoiqu'il en parût fâché à l'extérieur.

Nous n'avons point les ouvrages des Eléa- tiques ; & l'on accufe ceux d'entre les an- ciens qui ont fait mention de leurs princi- pes , d'avoir mis peu d'exaclitude & de fidélité dans Pexpofition qu'ils nous en ont laiffée. Il y a toute apparence que les Eléa- tiques avoient la double doctrine. Voici tout ce qu'on a pu recueillir de leur métaphyfi- que & de leur phyfique.

Métaphyfique de Xénophane. Rien ne fe fait de rien. Ce qui eft , a donc toujours été : mais ce qui eft éternel , eft infini , ce quLeft infini eft un : car il y a difîi" miîitude , il y a pluralité. Ce qui eft éter- nel , infini , un , par-tout le même , eft aufli immuable & immobile : car s'il pou- voit changer de lieu , il ne feroit pas infini ; & s'il pouvoit devenir autre , il y auroit en lui des chofes qui commen- ceroient , & des chofes qui finiroient fans caufe , il fe feroit quelque chofe de rien , & rien de quelque chofe ; ce qui eft ab- furde. Il n'y a qu'un être qui foit éternel , infini , un , immuable , immobile , tout ; & cet être eft Dieu. Dieu n'eft point corps ; cependant fa fubftance s'étendant également en tout fens , remplit un efpace immenfè fphérique. Il n'a rien de commun avec l'homme. Dieu voit tout , entend tout , eft préfent à tout ; il eft en même temps l'intelligence , la durée , la nature ; il n'a point notre forme ; il n'a point nos panions ; fes fens ne font point tels que les nôtres.

Ce fyftême n'eft pas éloigné du Spino- fifme. Si Xénophane femble reconnoître deux fubftances dont l'union intime conf- titue un tout , qu'il appelle l'univers; d'un autre côté l'une de ces fubftances eft figurée,

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& ne peut , félon ce philofophe , fe concevoir diftinguée & féparée de l'autre que par abftraction. Leur nature n'eft pas eflentiellement différente ; d'ailleurs cette ame de l'univers que Xénophane paroît avoir imaginée , & que. tous les philofo- phes qui font fùivi ont adraife , n'étoit rien de ce que nous entendons par un efprit.

Phyfique de Xénophane. Il n'y a qu'un univers : mais il y a une infinité de mondes. Comme il n'y a point de mouvemeni vrai , il n'y a en effet ni génération , ni dépériffe- rnent , ni altération. Il n'y a ni commen- cement , ni fin de rien , que des apparen- ces. Les apparences font les feules procef- fions réelles de l'état de poffibilité à l'état ci'exiftence , & de l'état d'exiftence a celui d'annihilation. Les fens ne peuvent nous élever à la connoiflancede la raifon première de l'univers. Ils nous trompent néceflaire- mcnt fur [es loix. Il ne nous vient de fcience fonde que de la raifon ; tout ce qui n'eft fondé que fur le témoignage des fens , eft opinion. La métaphyfique eft la fcience des chofes ; la phyfique eft l'étude des appa- rences. Ce que nous appercevons en nous , eft ; ce que nous appercevons hors de nous , nous paroît. Mais la feule vraie philofophie eu des chofes qui font , & non de celles ' qui paroiflent.

Malgré ce mépris que les EUatiques faifoient de la fcience des faits & de la connoiffance de la nature, ils s'en occu- paient férieufement ; ils en jugeoient feu- lement moins favorablement que les phi— lofophes de leur temps. Ils auroient été d'accord avec les Pyrrhoniens fur l'incer- titude du rapport des fens ; mais ils au- roient défendu contre eux l'infaillibilité de la raifon.

Il y a, difoient les EUatiques 9 quatre clemens ; ils fe combinent pour former la terre. La terre eft la matière de tous les êtres. Les aftres font des nuages enflam- mes" : ces gros charbons s'éteignent le jour & s'allument la nuit. Le foleil eft un amas de particules ignées , oui ie détruit & fe réforme en 24 heures ; il fe levé le matin comme un grr.nd brafier allumé de vapeurs récentes ; ces vapeurs fe confument à me- inre que fon cours s'avance ; le foir il

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tombe épuifé fur la terre ; fon mouvement fe fait en ligne droite : c'eft la diitance qui donne à l'efpace qu'il parcourt , une courbure apparente. Il y a plufieurs foleiîs ; chaque climat, chaque zone a le fien. La lune eft un nuage condenfé ; elle eft ha- bitée ; il y a des régions , des villes. Les nuées ne font que des exhalaifons que le foleil attire de la furface de la terre ; eft-ce l'afHuence des mixtes qui fe préci- pitent dans les mers qui les fale ? Les mers ont couvert toute la terre ; ce phénomène eft démontré par la préfence des corps marins fur fa furface Sk. dans fes entrailles. Le genre humain finira lorfque la terre étant entraînée au fond des mers , cet amas d'eau fe répandra également par-tout , détrempera le globe , & n'en formera qu'un bourbier; les fiecles s'écouleront, l'immenie bourbier fe féchera , & les hommes renaî- tront. Voilà la grande révolution de tous les êtres.

Ne perdons point de vue au milieu de ces puérilités , plufieurs idées qui ne font point au defTous de la philofophie de nos temps ; la diftinction des élémens , leur combinai- fon , d'où réfulte la terre ; la terre , prin- cipe général des corps ; l'apparence circu- laire , effet de la grande diftance ; la plu- ralité des mondes & des foleiîs ; la lune ha- bitée , les nuages formés des exhalaifons terreftres ; le féjour de la mer fur tous les points de la furface de la terre. Il étoit diffi- cile qu'une fcience qui en étoit à fon al- phabet , rencontrât un plus grand nombre de vérités ou d'idées heureufes.

Tel étoit l'état de la philofophie éléx- tique y lorfque Parménide naquît. Il éroit d'Elée. Il eut Zenon pour dilciple. Il s'entretint avec Socrate. Il écrivit fa phi- lofophie en vers ; il ne nous en refte que des lambeaux fi découfus , qu'on n'en peut former aucun enfemble fyftématique. Il y a de l'apparence qu'il donna auffi la pré- férence à la raifon fur les fens ; qu'il re- garda la phyfique comme la fcience des opinions , & la métaphyfique comme la fcience des chofes , & qu'il laifîà YEle'a- tifme {péculatif il en étoit, à moins qu'on ne veuille s'en rapporter à Platon, & attribuer à Parménide tout ce que le Pîatonifme a débité depuis fur les idées.

Parménide

ELE

Parménide fe fît un fyftême de phyfique particulier. Il regarda le froid & le chaud , ou la terre & le feu, comme les principes des êtres ; il découvrit que le foïeil & la lune brilloient de la même lumière , mais que l'éclat de la lune étoit emprunté ; il plaça la terre au centre du monde , il attri- bua fon immobilité à diftance égale en tout fens , de chacun des autres points de l'univers. Pour expliquer la génération des fubfîances qui nous environnent , il difoit : le feu a éré. appliqué à la terre , le limon s'efl échauffé , l'homme & tout ce qui a vie a été engendré ; le monde finira ; la portion principale de l'ame humaine efl placée dans le cœur.

Parménide naquit dans la fbixante-neu- vieme olympiade. On ignore le temps de fa mort. Les Eléens l'appellerent au gouverne- ment ; mais des troubles populaires le dé- goûtèrent bientôt des affaires publiques , & il fe retira pour fc livrer tout entier à la philofophie.

Méliffe de Samos fleurit dans la 84e olympiade. Il fut homme d'état, avant que d'être philofophe. Il eût peut-être été plus avantageux pour les peuples qu'il eût com- mencé par être philofophe. , avant que d'être homme d'étar. Il écrivit dans fa retraite de Vitre & de la nature. Il ne changea rien à la philofophie de Tes prédé- ceffeurs : il croyoit fetilement que la nature des dieux étant incompréhenfible , il falloit s'en taire , & que ce qui n'efl pas eft impoflible ; deux principes , dont le pre- mier marque beaucoup de retenue, & le fécond beaucoup de hardiefïê. On croit que ce fut notre philofophe qui commandoit les Samiens , lorfque leur flotte battit celle des Athéniens.

Zenon Yéléatîque fut un beau garçon ,

que Parménide ne reçut pas dans fon école

fans qu'on en médît. Il fe mêla auffi des

affaires publiques , avant que de s'appliquer

à l'étude de la philofophie. On dit qu'il

fe trouva dans Agrigente , lorfque cette

ville gémiflbit fous la tyrannie de Phalaris ;

qu'ayant employé fans fuccès toutes les

reffources de la philofophie pour adoucir

cette bête féroce , il inîpira à la jeuneffe

l'honnête & dangereux deffein de s'en

<■ délivrer ; que Phalaris inftruit de cette

Tome XII,

ELE $

confpiration., fît faiflr Zenon & Pexpofa aux plus cruels tourmens , dans l' efpéranc que la violence de la douleur lui arra- cheroit les noms de fes complices ; que le philofophe ne nomma que le favori du tyran ; qu'au milieu des fupplices , fon éloquence réveilla les lâches Agrigentins; qu'ils rougirent de s'abandonner eux-mê- mes , tandis qu'un étranger expiroit à leurs yeux , pour avoir entrepris de les tirer de l'efclavage ; qu'ils fe fouleverent brus- quement, & que le tyran fut aflommé à coups de pierre. Les uns ajoutent qu'ayant invité. Phalaris à s'approcher , fous pré- texte de lui révéler tout ce qu'il defiroit (avoir , il le mordit par l'oreille , & ne lâcha priie qu'en mourant fous les coups que les bourreaux lui donnèrent. D'autres que , pour ôter à Phalaris toute efpérance de connoître le fond de la conjuration , il fe coupa la langue avec les dents , & la cracha au vifage d a tyran. Mais quelque honneur que la philofophie puifîe recueillir de ces faits , nous ne pouvons nous en diffimuler l'incertitude. Zenon ne vécut ni fous Phalaris , ni fous Denis ; & l'on ra- conte les mêmes. chofes d'Anaxarque.

Zenon étoit grand dialecticien. Il avoit divifé fa logique en trois parties. Il traitoit dans la première de l'art de raifonner ; dans la féconde , de l'art de dialoguer ; & dans la troifieme , de l'art de difputer. Il n'eut point d'autre métaphyfique que celle de Xénophane. Il combattit la réalité du mouvement. Tout le monde connoît ibn fbphifme de la tortue & d'Achille. " Il » difoit : fi je fouffre fans indignation l'in- » jure du méchant , je ferai infenfïble à la a louange de l'honnête homme. » Sa phy- fique fut la même que celle de Parmémae. Il nia le vuide. S'il ajouta au froid & au chaud l'humide & le fec , ce ne fut pas proprement comme quatre difïerens princi- pes , mais comme quatre effets de deux caufès , la terre & le feu.

Hiftoire des Eléatiques Phyjiclens. Leu- cippe d'Abdere , difciple de MélifTe & de Zenon , & maître de Démocrite , s'ap- perçur bientôt que la méfiance outrée du témoignage des fens détruifoit toute philo- fophie , & qu'il valoit mieux rechercher en quelles circoçftances ils nous trompoient't

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que de fe perfuader à foi-même & aux autres par des fubtilités de Logique qu'ils nous trompent toujours. Il fe dégoûta de la .métaphyfique de Xénophane , des idées de Platon , des nombres de Pythagore , des fophifmes de Zenon , & s'abandonna tout entier à l'étude de la nature , à la connoif- iance de l'univers , & à la recherche des propriétés & des attributs des êtres. Le feul moyen , difoit-il , de réconcilier les fens avec la raifon , qui femblent s'être brouillés depuis l'origine de la fecte éléatique , c'eft de recueillir des faits & d'en faire la bafe de le fpéculation. Sans les faits , toutes les ir^ées iyftématiques ne portent fur rien : ce font des ombres inconfiantes qui ne le refïèm- bient qu'un inftant.

On peut regarder Leucippe comme le fondateur de la philofophie corpufculaire. Ce n'eu1 pas qu'avant lui on n'eût confidéré les corps comme des amas de particules ; mais il eu le premier qui ait fait de la combinaifon de ces particules > la caufe univerfelle de toutes chofes. Il avoit pris la métaphyfique en une telle averfion , que pour ne rien laiiîer , difoit-il , d'arbitraire dans fa philofophie ,. il en avoit banni le nom de Dieu. Les philofophes qui l'avoient précédé , voyoient tout dans les. idées ; Leucippe ne voulut rien admettre que ce qu'il obfervoit dans les corps. Il fit tout émaner de l'atome , de fa figure & de fon mouvement. Il imagina l'atomilme ; Démo- crite perfectionna ce fyftême ; Epicure le porta jufqu'où. il pouvoit s'élever: Voye^ Atomisme.

Leucippe & Démocrite avoient dit que les atomes difFéroienr par le mouvement , la figure & la maffe , & que c'éroit de leur coordination que naifloient tous les êtres. Epicure ajouta qu'il y avoit des atomes d'une nature fi hétérogène , qu'ils ne pou voient ni fe rencontrer , ni s'unir. Leucippe & Démocrite avoient prétendu que toutes les molécules élémentaires avoient commencé par fe mouvoir en ligne droite. Epicure remarqua que fi elles avoient commencé à- fe mouvoir toutes en ligne droite , elles n'auroient jamais changé de direâion , ne fe feroient point choquées ,, ce fe feroient point combinées , & n'au- rokot produit aucune fubûacce : d'où il

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| conclut qu'elles s'étoient mues dans des directions un peu inclinées les unes aux autres , & convergentes vers quelque point commun , à-peu-près comme nous voyons les graves tomber vers le centre de la terre. Leucippe & Démocrite avoient animé leurs atomes d'une même force de gravitation. Epicure fit gn.viter les fiens diverfement. Voilà les principales différences de la phi- lofophie de Leucippe & d'Epicure , qui nous foient connues.

Leucippe difoit encore : l'univers eu. in- fini. Il y a un vuide abfolu , & un plein abfolu : ce font les deux portions de l'es- pace en général. Les atomes fe meuvent dans le vuide. Tout naît de leurs combi- naifons. Ils forment des mondes , qui fe réfolvent en atomes. Entraînés autour d'un centre commun , ils fe rencontrent , fe choquent , féparent , s'unifient ; les plus- légers font jetés dans les efpaces vuides > qui embrarfent extérieurement le tourbillon: général. Les autres tendent fortement vers le centre ; ils s'y hâtent , s'y preffent , s'y accrochent , & y forment une mafîe qui augmente fans ceffe en denfité. Cette mafîe- attire à elle tout ce qui l'approche ; delà naiffent l'humide , le limoneux , le {ec , le chaud y le brûlant , l'enflammé , les eaux , la terre, les pierres , les' hommes , le feu,, la flamme , les aflres. Le foleil eft envi- ronné d'une grande atmofphere , qui lui efl extérieure. C'eft le mouvement qui en- tretient fans ceffe le feu des aflres , en por- tant au lieu qu'ils occupent des particules qui réparent les pertes qu'ils font. La Lune ne brille que d'une lumière empruntée du Soleil. Le Soleil & la Lune fouffrent des éclipfes , parce que la terre penche vers le midi.. Si les éclipfes de Lune font plus fréquentes que celles de Soleil, il en faut chercher la raifon. dans la différence de leurs orbes. Les générations ,. les dépériffemens , les altérations , font les fuites d'une loi gé- nérale & néceflaire , qui agit dans toutes \e& molécules de la matière-

Quoique nous ayions perdu les ouvrages de Leucippe , il nous efl refté , comme on voit y afîez de connoifîànce des principes de fa philofophie , pour juger du rnérite de quelques-uns de nos fyflématiques moder- nes i &: nous pourrions demander aux

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Cartéfiens , s'il y a bien loin des idées de Leucippe à celles de Defcartes. Voy. CAR- TÉSIANISME.

Leucippe eut pourfuccefîèur Démocrite , un des premiers génies de l'antiquité. Dé- mocrite naquit a Abdere , fa famille étoit riche & puifïânte. Il floriflbit au commen- cement de la guerre du Péloponefe. Dans le defîèin qu'il avoit formé de voyager, il laifîà à (es frères les biens-fonds , & il prit en argent ce qui lui revenoit de la fùcceffion de fonpere. Il parcourut l'Egypte, il apprit la Géométrie dans les féminai- res ; la Chaldée ; l'Ethiopie , il converfa avec les Gymnofophiftes ; la Perlé , il interrogea les mages ; les Indjs , &c. Je n'ai rien épargné pour m'iûfiruire , difoit Démocrite ; fhi vu tous les hommes célè- bres de mon temps ,* ; 'ai parcouru toutes les centrées j'ai efpéré rencontrer la vérité : la difiance des lieux ne m'a point effrayé ; j'ai obfen'é les différences de plujieurs climats ; j'ai recueilli les phéno- mènes de Vair y de la terre & des eaux: la fatigue des voyages ne m'a point em- pêché de méditer ; j'ai cultivé les Mathé- matiques fur les grandes routes , comme dans lejilence de mon cabinet ; je ne crois pas que perfonne me furpaffe aujourd'hui dans l'art de démontrer par les nombres & par les lignes _, je n 'en excepte pas même les prêtres de l'Egypte.

Démocrite revint dans patrie , rempli de la fageffe de toutes les nations , mais il y fut réduit à la vie la plus étroite & la plus obfcure ; {es longs voyages avoient entièrement épuifé fa fortune ; heureu- femei-it il trouva dans l'amitié de Damafis fon frère , les fecours dont il avoit befoin. Les loix du pays refufoient la fépulture à celui qui avoit diflipé le bien de (es pères. Démocrite ne crut pas devoir expofer fa mémoire à cette injure : il obtint de la république une fomme confidérable en argent, avec une ftatue d'airain , fur la feule ledure d'un de fes ouvrages. Dans la fuite , ayant conjecturé par des obfervations météorologiques , qu'il y auroit une grande difette d'huile , il acheta à bon marché toute celle qui étoit dans le commerce , la revendit fort cher , & prouva aux dé- tracteurs de la philofophie , que le philo-

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fophe favoit acquérir des richefles quand il le vouloit. Ses concitoyens l'appellerent à l'adminiftration des affaires publiques : il fe conduifir à la tete du gouvernement , comme on l'attendoit d'un homme de fon caractère. Mais Ion goût dominant ne tarda pas à le rappeller à la contemplation & à la philofophie. Il s'e fonça dans les lieux fàuvages & folitaires ; il erra parmi les tom- beaux ; il fe livra à l'étude de la morale , de la nature , de Panatomie & des mathéma- tiques ; il confuma fa vie en expériences; il fit difTbudre des pierres ; il exprima le flic des plantes ; il diflëqua les animaux. Ses imbécilles concitoyens le prirent alternati- vement pour magicien & pour irîfenfe. Son entrevue avec Hippocrate , qu'on avoit ap- pelle pour le guérir , eft trop connue & trop incertaine , pour que j'enfaflè mention ici. Ses travaux & fon extrême fobriété n'abrégèrent point {es jours. Il vécut près d'un iiecle. Voici les principes généraux de fa philofophie.

Logique de Démocrite. Démocrite difoit: il n'exifte que les atomes & le vuide ; il faut traiter le refte comme des fimulacres trompeurs. L'homme eft loin de la vérité. Chacun de nous a fon opinion ; aucun n'a la feience. Il y a deux philofophies ; l'une feniï- ble , l'autre rationelle ; il faut s'en tenir à la première , tant qu'on voit , qu'on fent, qu'on entend , qu'on goûte & qu'on touche ; il ne faut pourfuivre le phénpmene à la pointe de l'efprit , que quand il échappe à la portée des fens. La voie expérimentale efl longue , mais elle eft sûre ; la voie du raifonnement a le même défaut , & n'a pas la même certitude.

D'où l'on voit que Démocrite s'étoit un peu rapproché des idées de Xénophane en métaphyfique , & qu'il s'étoit livré fins ré- ferve à la méthode de phiiofopher de Leucip- pe en phyfique.

Phyfiologie de Démocrite. Démocrite difoit : rien ne fe fait de rien ; le vuide & les atomes font les caufes efficientes de tout. La matière eft un amas d'atomes , ou n'eft qu'une vaine apparence. L'atome ne naît point du vuide , ni le vuide de l'atome ; les corps exiftent dans le vuide. Ils ne aillèrent que par la combinaifon de leurs élémens. Il faut rapporter l'efpaçe aux

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atomes & au vuide. Tout ce qui eft plein eft atome ; tout ce qui n'eft pas atome eft vuide. Le vuide & les atomes font deux infinis ; l'un en nombre , l'autre en étendue. Les atomes ont deux propriétés primitives , la figure & la mafle. La figure varie à l'infini ; la maffe eft la plus petite poffible. Tout ce que nous attribuons d'ailleurs aux atomes comme des propriétés , eft en nous. Ils fe meuvent dans le vuide immenfe , il n'y a ni haut ni bas , ni commencement , ni milieu , ni fin : ce mouvement a toujours été & ne ceffera jamais. Il fe fait félon une direction oblique , telle que celle des graves. Le choc & la cohéfion font des fuites de cette obliquité & de la diverfité des figures. La juftice , le deftin, la providence, font des termes vuides de fens. Les actions réci- proques des atomes , font les feules raifons éternelles de tout. Le mouvement circu- laire en efl un effet immédiat. La matière eft une : toutes les différences émanent de l'ordre , de la figure & de la combinaifon des atomes. La génération n'eft que la co- héfion des atomes homogènes : l'altération n'eft qu'un accident de leur combinaifon ; la corruption n'eft que leur féparation ; l'augmentation , qu'une addition d'atomes ; la diminution , qu'une fouftradion d'atomes- Ce qui s'apperçoit par les fens , eft toujours vrai 'y la doétrine des atomes rend raifon de toute la diverfité de nos fènfations. Les mondes font infinis en nombre : il y en a de parfaits , d'imparfaits , de femblablcs > ce dilîérens. Les efpaces qu'ils occupent , les limites qui les circonfcrivent , les inter- valles qui les féparent , varient à l'infini. Les uns fe forment , d'autres font formés ; d'autres fe réfolvent & fe détruifent. Le monde n'a point d'ame , ou l'ame du monde e]t le mouvement ignée. Le feu eft un amas d'atomes fphériques. Il n'y a d'autres diffé- rences entre les atomes constitutifs de l'air , de l'eau & de la terre , que celle des mafles. Les affres font des amas de corpufcules ignées & légers , mus fur eux-mêmes. La lune a fes montagnes , fes vallées & Ces plaines. Le foieil eft un globe immenfe de feu. Les corps céleftes font emportés d'un mouvement général d'orient en occident. Plus leur orbe eft voifin de la terre , plus u fe meut lenteraenu Les comètes font des

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amas de planètes fi voifines, qu'elles n'ex- citent que la fenfation d'un tout. Si l'on refferre dans un efpace trop étroit une grande quantité d'atomes , il s'y formera un courant ; fi l'on difperfe au contraire les atomes dans un vuide trop grand pour leur quantité , ils demeureront en repos. Dans le commencement , la terre fut emportée à travers l'immenfité de l'efpace d'un mou- vement irrégulier. Elle acquit dans le temps de la confiilance &c du poids ; fon mou- vement fe ralentit peu à peu , puis il ceilà. Elle doit fon repos à fon étendue & à fa gravité. C'eft un vafte difque qui divife l'eipace infini en deux hémifpheres , l'un fupérieur , & l'autre inférieur. Elle reflé immobile par l'égalité de force de ces deux hémifpheres. Si l'on confidere la fection de l'eipace univerfel relativement à deux points déterminés de cet efpace , elle fera droite ou oblique. C'eft en ce fens que l'axe de la terre eft incliné. La terre eft pleine d'eau : c'eft la diftributioa inégale de ce fluide dans Ces immenies & profondes concavi- tés , qui caufe& entretient fes mouvtmens. Les mers décroiffent fans cefîè r & tariront. Les hommes font fortis du limon & de l'eau. L'ame humaine n'eit que la chaleur des élémens du corps ; c'eft par cette cha- leur que l'homme fe meut & qu'il vit. L'ame eft mortelle ; elle fe diffipe avec le corps. La partie qui réfide dans le cœur , réfléchit , penfe & veut ; celle qui eft répandue uniformément par-tout ailleurs , fent ieu- lement. Le mouvement qui a engendré les êtres détruits , les réformera. Les animaux , les hommes & les dieux , ont chacun leurs fens propres. Les nôtres font des miroirs qui reçoivent les images des chofes. Toute fenfation n'eft qu'un toucher. La diftinction du jour & de la nuit eft une expreflion naturelle du temps.

Théologie de Dermocrite. II y a des natures compofées d'atomes très - fubtils r qui ne fe montrent à nous que dans les ténèbres. Ce font des fimulacres gigantes- ques : la diffoîution en eft plus difficile & plus rare que des autres natures. Ces êtres ont des voix : ils font plus inftruits que nous. Il y a dans l'avenir des événemens qu'ils peuvent prévoir, & nous annoncer; les ,uns font bienfaifans, les autres malfaifans*

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Ils habitant le vague des airs ; ils ont la figure \ humaine. Leur dimenfion peut s'étendre jus- qu'à remplir des cfpaces immenfes. D'où l'on voit que Démocrite avoit pris pour des êtres réels les fantômes de Ton imagina- ' tion ; & qu'il avoit compofé fa théologie de {es propres viiions ; ce qui étoit arrivé de Ton temps à beaucoup d'autres , qui ne s'en dou- tolem pas.

Morale de Démocrite. La fanté du corps & le repos de l'ame font le fouverain bien de l'homme. L'homme fage ne s'attache fortement à rien de ce qui peut lui être enlevé. Il faut le confoler de ce qui efl , par la contemplation du poflible. Le phi— îofophe ne demandera rien, & méritera tout; ne s'étonnera guère, & fe fera fou- vent admirer. C'eft la loi qui fait le bien & le mal , le jufte & l'injufte , le décent & le déshonnête. La connoifïance du nécefîàire efr. plus à délirer que la jouiffance du fuperrlu. L'éducation fait plus d'honnêtes gens que la nature. Il ne faut courir après la fortune , que jufqu'au point marqué par les befoins de la nature. L'on s'épargnera bien des' peines & des entreprifes , fi l'on connoît fes forces , & fi l'on ne fe propofè rien au delà , ni dans fon domeftiquc , ni dans la fociété. Celui qui s'eff. fait un cara&ere , fait tout ce qui lui arrivera. Les loix notent la liberté qu'à ceux qui en abu- feroient. On neû point fous le malheur, tant qu'on eft loin de l'injufiice : le méchant qui ignore la difTolution finale , & qui a la confcience de fa méchanceté , vit en crainte , meurt en tranfe , & ne peut s'empêcher d'attendre d'une juftice ulté- rieure qui n'efl pas , ce qu'il a mérité de celle qui eft & à laquelle il n'ignore pas qu'il échappe en mourant. La bonne fanté eu dans la main de l'homme. L'intempérance donne de courtes joies & de longs dé- plaifirs , &c.

Démocrite prit pour difcipïe Protagoras , un de (hs concitoyens ; il le tira de la condition de portefaix , pour l'élever à celle de philofophe. Démocrite ayant con- . fidéré avec . des yeux méchaniciens l'ar- tifice fingulier que Protagoras avoit ima- giné pour porter commodément un grand , fardeau , l'interrogea , conçut fur {es réponfes bonne opinion de fon elprit ; &

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fe l'attacha. Protagoras profefTa l'éloquence & la philofophie. Il fit payer chèrement Ces leçons : il écrivit un livre de la nature des dieux , qui lui mérita le nom d'impie , & qui l'expofa à des perfécutions. Son ouvrage commençoit par ces mots : Je ne fais s'il y a des dieux ; la profondeur de cette recherche y jointe à la brièveté de la rie y m'ont condamné à V ignorer toujours. Pro- tagoras fut banni , & les livres recherchés , brûlés & lus. Punitis ingeniis glifcit auc- toricas.

Ce qu'on nous a tranfmis de fa philo- fophie , n'a rien de particulier ; c'eft la métaphyfique de Xénophane , & la phyfi- que de Démocrite.

Délêatique Diagoras de l'île de Melos , fut un autre impie. Il naquit dans la 38e olympiade. Les défordres qu'il remarqua dans l'ordre phyfique & moral , le déter- minèrent à nier l'exiftence des dieux. Il ne renferma point fa façon de penfer , malgré les dangers auxquels il s'expofbit en la laifïânt tranfpirer. Le gouvernement mit fa tête à, prix. On éleva une colonne d'airain , par laquelle on promettoit un talent à celui qui le tueroit , & deux talens à celui qui le prendroit vif. Une de (es imprudences fut d'avoir pris , au défaut d'autre bois , une ftatue d'Hercule pour faire cuire des navets. Le vaiiîeau qui le portoit loin de fa patrie , ayant été accueilli par une violente tempête , les matelots, gens fuperftitieux dans le danger , com- mencèrent à fe reprocher de l'avoir pris fur leur bord ; mais le philofophe leur mon- trant d'autres bâtimens , qui ne couroienc pas moins de danger que le leur , leur demanda avec un grand fang - froid , fi chacun de ces vaifîèaux portoit auffi un Diagoras. Il difoiî dans une autre con- joncture à un Samothrace de fes amis , qui lui faifoit remarquer dans un temple de 'Neptune , un grand nombre d'ex vota offerts au dieu par des voyageurs qu'il . avoit fauves du naufrage , ,que les prêtres ne feroîent pas fi fiers , fi l'on avoit pu tenir regiflre des prières de tous les honnêtes gens que Neptune avoit laiffê périr. Notre athée donna de bonnes loix aux Mantinéens 3 & mourut tranq^uilieiucnf à Corinthe,

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Anaxarque d'Abdere fut plus fameux par la licence de (es mœurs , que par (es ouvrages. Il jouit de toute la faveur d'Alexandre : il s'occupa à corrompre ce jeune prince par la flatterie. Il parvint à Je rendre inacceflible à la vérité. Il eut la bafTefTe de le confoier du meurtre de Clitus. An ignoras 9 lui difoit-il, jus Ùfas Jovi ajjidere y ut quidquid rex agat y id fas juflumque putetur. Il avoit long-temps follicité auprès d'Alexandre la perte de Nicocreon , tyran de l'île de Chypre. Une tempête le jeta entre les mains de ce dangereux ennemi. Alexandre n'étoit plus. Nicocreon fit piler Anaxarque dans un mortier. Ce malheureux mourut avec une fermeté digne d'un plus honnête homme. Il s'écrioit fous les coups de pilon : Anaxar- çhi culeum y non Anaxarchum tundis. On dit aufli de lui , qu'il fe coupa la langue avec les dents . & qu'il la cracha au vifage du tyran.

ELEAZAR, (-7//?./^r.)froifiemefils d'Aaron , & fon fucceflèur dans la dignité de grand-prêtre , nomb. XX y z&. Le fou- verain pontificat demeura dans famille jufqu'au temps du grand-prêtre Héli , qui étoit de la famille d'Ithamar. (-f-)

ElÉAZAR , ( Hifl. facr. ) fils d'Abina- dab , à qui l'on confia la garde de l'arche du Seigneur , lorfqu'elle fut renvoyée par }es Philiftihs. L'écriture dit qu'on confacra Eléa^ar pour être le gardien de l'arche du Seigneur, foit que cette confécration fut .une fimple deftination à cet emploi , foit qu'on lui donnât l'onction facerdotale, ou qu'on l'obligeât à fe purifier pour re- cevoir chez lui ce dépôt làcré. (4-)

ElÉAZAR, ( Hifl. facr.) fils d'Aod , frère d'Ifaï , un des trois braves qui traverferent avec impétuofité le camp des ennemis du peuple de Dieu , pour aller quérir au roi David de l'eau de la citerne qui étoit proche la porte de Bethléem. Une autre fois , les Ifraélites , faiiis d'une frayeur fubite , à la vue de l'armée nombreufe des Philifhns , prirent lâchement la fuite , & abandonnèrent David. Eléa\ar feul ar- rêta la fureur des ennemis , & en fit un fi grand carnage , que fon épée fe trouva collée à main, (-f-)

pLÉAZAR , ( Hifl. facr. ) furnommé

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Âuran ou 'Abaron, frère des Maccha- bées , étoit le dernier des cinq fils de Mathatias. Dans la bataille que Judas livra à l'armée d'Antiochus Eupator , Eléa\ar 9 appercevant un éléphant plus grand & plus richement enharnaché que les autres, & s'imaginant que ce pouvoit être celui du roi , réfolut de fauver fon peuple , & de s'acquérir un nom immortel ; /. Mac. ij9 44- Il fe fif donc jour à travers les plus épais bataillons , fe coula fous le ventre de l'éléphant , & le tua à coups d'épée ; mais ayant été accablé fous le poids de l'animal , il fut enfèveli fous fon propre triomphe. On efl partagé fur l'action d'J?- lca\ar , & le motif qui l'y a ' porté : les uns 1'accufent d'avoir été lui-même caufè de fa mort par un motif de vaine gloire : les autres , avec plus de raifon , louent fon action comme l'effet d'un courage héroïque. C'efl en effet un citoyen qui s'expoie à un grand péril pour le falut de fon peuple , mais non à une mort véri- table , puifqu'il pouvoit arriver que la bête tombât de telle manière , qu'il eût le temps de fe retirer. Il y auroit plus de difficulté fur le fécond motif que l'écriture femble lui attribuer , qui étoit d'acquérir un nom immortel, mais pour juffifier l'expreffion , il n'eft pas nécefTaire qu'Eléa^ar ait ctté pouffé formellement par ce motif, il fùffit que fon a&ion dût lui acquérir un grand nom chez la pofférité. (-f-)

ELÉAZAR, ( Hifl. facr.) l'un des prin- cipaux docteurs de la loi chez les Juifs, qui fouffrit la mort dans la perfécution d'Antiochus Epiphanes. Ce prince voulut l'obliger de violer la loi , en mangeant de la chair de porc ; mais ce vénérable vieillard lui ayant réfiffé courageufement , Antiochusle fit cruellement fouetter, Ceux qui étoient préfens , touchés d'une corn- paflion injufte , propoferent au faint martyr de feindre de manger les viandes immo- lées aux idoles , pour s'arracher au fup- plice ; mais Elt'a^ar eut horreur d'un tel confeil » & refufa de conferver fa vie par cette lâcheté criminelle ; & les bourreaux ayant continué de le tourmenter , il ex- pira entre leurs mains. II. Mac. vj 3

ELÉAZAR , ( Hifl. facr. ) fils d'Oniaç

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premier , & frère de Simon , furnommé le Jufte y fuccéda à Ton frère dans la ibuveraine facrificature , parce qu'Onias , fon neveu , éroit encore trop jeune pour l'exercer. Ptolémée Philadeiphe , roi d'E- gypte , lui envoya cent mille Juifs qui étoient captifs dans fon royaume , & le pria par des lettres obligeantes , accom- pagnées de riches préfens, de lui com- muniquer les loix des Juifs. Ce pontife lui envoya LXXII favans de fa nation , qui traduifirent la Bible d'hébreu en grec ; & c'eft la verfion qu'on nomme ordinairement des Septante.

Il eft fait mention dans l'écriture de plu- fteurs autres Eléa^ars y dont on ne connoîr que le nom. (-{-)

ELECTEURS, f. m. pi. {Hifloire & droit public d'Allemagne. ) On donne ce nom en Allemagne à des princes qui font en pofleffion du droit d'élire l'empereur. laes auteurs ne s'accordent pas fur l'origine de l'a dignité électorale dans l'Empire. Pafquier dans fes recherches } croit qu'après l'extinction de la race des Carlovingiens , l'élection des empereurs fut commife à fix des princes les plus confidérables de l'Alle- magne , auxquels on ajoutoit un feptieme en cas que les voix fufTent partagées également. Quelques-uns prétendent que l'inftitution des électeurs doit être rapportée au temps d'Othon III , d'autres au temps d'Othon IV , d'autres à celui de Frédéric II. Il s'eft aufiî trouvé des écrivains qui ont cru que c'étoit le pape de qui les électeurs dérivoient leur droit ; mais c'eft une erreur , attendu que le fouverain pontife n'ayant jamais eu aucun droit fur le temporel de l'Empire , n'a jamais pu conférer le privilège d'élire un empereur. Le fentiment le plus vrai- femblable , eft que le collège électoral prif^ naifTance fous le règne de Frédéric II , & qu'il s'établit du confentement tacite des autres princes & états de l'Empire , qui avoient lieu d'être fatigués des troubles , de la confufion & de l'anarchie qui depuis long - temps agitoient l'Allemagne ; ces malheurs étoient des fuites nécefîaires des longs interrègnes qui arrivoient lorfque l'é- lection de l'empereur fe faifoit par tous les états de l'Empire. Cependant il y a des jouteurs qui prétendent que les électeurs fe

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font arrogé pour toujours un droit qui ne leur avoit été originairement déféré que par la néceffité des circonftances & feule- ment pour un temps , & que toutes choies étant rentrées dans l'ordre , les autres états de l'Empire devroient aufli rentrer dans le droit de concourir à donner un chef à l'Empire. Ce qu'il y a de certain y c'eft que la bulle d'or eft la première loi de l'Empire qui fixe le nombre des électeurs , & aflîgne à chacun d'eux (es fondions : par cette loi le nombre eft fixé à fept , dont trois eccléfiaftiques , & quatre laïques. Mais en 1648 , par le traité de Weftphalie on créa un cinquième électorat féculier en faveur du duc de Bavière ; enfin en 1692 , on en créa un fixieme en faveur du» duc de Brunswick-Lunebourg , fous le nom à'élec-> torat de Hannovrc ; mais ce prince ne fut admis fans contradiction dans le collège électoral qu'en 1708 ; de forte qu'il y a préfentement neuf électeurs } trois ecclé- fiaftiques ; favoir , ceux de Mayence , de Trêves & de Cologne , & fix féculiers qui font , le roi de Bohême , le duc de Ba- vière , le duc de Saxe , le Margrave de Brandebourg , le comte Palatin du Rhin , & le duc de Brunswick-Hannovre. Ces électeurs font en pofteffion des grands offi~ ces de l'Empire qu'on appelle archi-ojficia Imptrii.

\1 électeur de Mayence eft archi- chan- celier de l'Empire en Germanie. \J électeur de Trêves a le titre d'archi-chancelier de l'Empire pour les Gaules & le royaume d'Arles j Sélecteur de Cologne eft archi- chancelier de l'Empire pour l'Italie. Ces trois électeurs font archevêques.

Le roi de Bohême eft archi-p'mcerna y c'eft-à-dire, grand échanfon de l'Empire^ V électeur de Bavière eft archi-dapifer y grand -maître d'hôtel. Sélecteur de Saxe' eft archi - marefcallus ? grand - raaréchaL Uélecteur de Brandebourg eft archi-came- rarius y grand - Chambellan.- \J électeur Palatin eft archi - thefaurarius , grand— tréforier de FEmpire. Quant à ïeleâeur de Hannovre , on ne lui a point encore affigné d'office. Il y a tout lieu de- croire que la dignité électorale ou le droit d'élire? l'empereur n'a été attaché aux grands offices de la couronne , que parce qu#

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dans les commencemens c'étoient les grands I officiers qui înnonçoient l'élection qui avoit ' été laite par tous les états de l'Empire. Le jour du couronnement , les eleâeurs font tenus d'exercer leurs fondions auprès de l'empereur par eux-mêmes ou par leurs fubftituts , dont les offices font héréditaires dans certaines familles. Voy. l'art. EMPE- REUR , l'on trouvera les formalités qui pratiquent à l'élection & au couronnement d'un empereur.

Les électeurs eccléfiaftiques parviennent à la dignité électorale par le choix d.es chapitres qui en élifant un archevêque , le font électeur; d'où l'on voit que fouvent un fimple gentilhomme qui eït chanoine d'une des trois métropoles de Mayence , de Trêves , ou de Cologne , peut parvenir à cette éminente dignité. Pour que les électeurs ecclénafhques piaffent jouir du droit d'élire un empereur , il fuffit qu'ils aient été élus ou pofîulés légitimement , fans qu'il foit befoin d'attendre la confirmation du pape.

Les électorats feculiers s'acquièrent par le droit de naiffance : ils font héréditaires , ne peuvent fe partager , mais appartiennent en entier aux premiers nés des maifons électora- les ; ils font majeurs à l'âge de 18 ans , & durant leur minorité , c'eft le plus proche des agnats qui eft leur tuteur.

Les électeurs forment le corps le plus augufre de l'empire ; on le nomme le collège électoral. Voyez cet article 9 & l'article DlETE. Ils jouifîent d'un grand nombre de prérogatives très-conlidérables qui les mettent au delfùs des autres princes d'Al- lemagne. i°. Ils ont le droit d'élire un empereur & un roi des Romains , feuls & fans le concours des autres états de l'Empire. 2.°. Ils peuvent s'afîembler pour former une diète électorale , & délibérer de leurs afTiires particulières & de celles de tout l'Empire, fans avoir befoin pour cela du confentement de l'empereur. 3°. Us exercent dans leurs électorats une jurif- diction fouveraine fans que leurs vallàux & fujets puifîènt appeller de leurs dédiions aux tribunaux de t'Empire , c'eft-à-dire , à la chambre impériale & au confeil aulique , c'efl ce qu'on appelle en Allemagne privi- legium de non appellando. 40. L'empereur

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ne peut pas convoquer la diète fans le confentement du collège électoral, qui lui eft aufli néceilaire dans les affaires prei- {ées &c qui ne foufrrent point de délai. 50. Chaque électeur a le droit de préfenter deux afTefîeurs ou juges de la chambre im- périale. 6°. Les électeurs font exempts de payer des droits à la chancellerie impé- riale , lorfqu'ils prennent l'inveiiiture de leurs états.

Les électeurs prétendent marcher de pair avec les têtes couronnées , & même ils ne cèdent point le pas aux rois à la cour de l'empereur ; ils ont le droit d'envoyer des ambafîàdeurs. L'empereur , quand il leur écrit , traite les ^électeurs ecclefialtiques de neveux } & les feculiers d'oncles. Us veulent être feuls en droit de drefTer les articles de la capitulation impériale : mais ce droit leur eft conteflé par les autres princes & états de l'Empire ; cependant julqu'à pré- fent ils en font demeurés en pofTellion. V. Capitulation Impériale.

Outre ces privilèges qui (ont communs à tous les électeurs, il y en a encore d'autres qui font particuliers à chacun d'eux , & que l'on peut voir dans les auteurs qui ont écrit fur le droit public d'Allemagne. V. Vitriarii Injiitut. juris publ.

Les attributs de la dignité électorale , font le bonnet & le manteau fourrés d'hermine , l'épée, & la crofTe pour les eccléiiafHques,&c. On leur donne le titre d'altejje électorale. Le fils aine d'un électeur féculier le nomme prince électoral. (— )

ELECTEUR, f. m. (Jurif prudence. ) efl celui qui donne fon fuffrage pour l'élection qui fe fait de quelque perfonne , foit pour un bénéfice , foit pour un office , eommif- fion , ou autre place. Voye\ ci-après ELEC- TION. (A)

ELECTIF, adj. {Hifi. mod.) chofe qui fe fait ou qui fe pane par élection. Voye\

Election.

L'empire d'Allemagne étoit héréditaire du temps de Charlemagne & de [es fucce£- feurs jufqu'à la mort de l'empereur Louis IV , en 912.. L'Empire commença dès-lors à être électif en la perfonne de Conrad I , & depuis ce temps-la l'Empire ,• quoique quelquefois héréditaire , fut cenfé électif 9 parce que les fils ne fuccédoient à ïems

pères

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pères que du confentement du corps ger- J manique. D'ailleurs cette dignité paffa en différentes imifons, fans égard au prétendu droit de fucceffion. Jufqu'au temps de l'empereur Frédéric II, en 121 2, l'Empire a toujours été électif , jufqu'à ce que la maiibn d'Autriche , en le laiflant tel en apparence , l'ait rendu réellement hérédi- taire, comme on l'a vu depuis Charles- quint jufqu'à Charles VI.

Il y a des bénéfices électifs. Les charges municipales font généralement électives en Angleterre, 6k vénales en Efpagne. La Pologne eft un royaume électif. Avant le concordat , les évêchés étoient électifs en France , 6k font maintenant à la nomi- nation du roi, &c. Chambers 6k Trév. {G)

ELECTION , (Arithm. &Alg.) dans les nombres 6k les combinaifons, eft la différente manière de prendre quelques nombres ou quantités données, ou féparé- ment , ou deux à deux , ou trois à trois , fans avoir égard à leurs places. Ainfi les. quantités a> h9 c, peuvent être prifes de fept façons différentes , comme a b c , A b; a'C) b c , 6k a, b , c. Voye^ Combinaison , Alternation, Per- mutation. (O)

Election, eleclio en Théologie , fîgnifie quelquefois prédestination à la grâce & à la gloire , 6k quelquefois à la grâce feulement, ou à la gloire feulement. V. Prédestination.

C'eft un article de foi , que Sélection à la grâce eft purement gratuite 6k abfolu- inent indépendante de la prévifion des itesdel homme. Mais c'eft une queftion fur laquelle les Théologiens font partagés, que de favoir fi Yéleclion à la gloire eft antécédente ou conféquente à la prévifion des mérites de l'homme.

Ceux qui founennent qu'elle eft confé- quente à cette prévifion, ont pour eux plufieurs textes de l'Ecriture qui paroiiTent décififs. Leurs adverfaires trouvent dans la tradition , 6k fur-tout dans les écrits de S. Auguftin , un grand nombre de paffages favorables à ï élection antécédente à la prévifion de nos bonnes œuvres : c'eft ce qu'on appelle en termes d'école, eleclio ou preedeftinatio ante vel pofi prœvifa mtrua, Voy. PRÉDESTINATION. (G) Tome XII.

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Election impériale. Voy, Empe- reur & Electeurs. Election d'ami ou en ami. (Jurifp.) cetermeeft ufité dans quelques provinces pour exprimer la déclaration que celui qui paroît être acquéreur ou adjudicataire d'un immeuble, fait du nom du véritable acqué- reur pour éviter doubles droirs feigneu- riaux. Le ftyle ufité dans quelques provin- ces eft que l'acquéreur ou adjudicataire dé- clare dans le contrat ou dans l'adjudica- tion qu'il acquiert pour lui , fon ami élu ou à élirez ce qu'il ftipule ainfi , afin de pou- voir faire enfuite fon élection en ami ou déclaration du nom de celui au profit duquel l'acquifition doit demeurer. Les élections en ami font ufirées dans toutes les adjudications de biens qui font par juftice, ces fortes d'adjudicationsTe faifant toujours à un procureur, lequel à î'inftant ou par un acte féparé déclare que l'adjudi- cation à lui faite eft pour un tel : ces élections en ami ont auffi lieu dans les ventes volontaires.

Au moyen de la déclaration ou élection, en ami , il n'y a qu'une vente , 6k il n'en eft point doubles droits ; mais il faut pour cela que Yéleclion en ami ou déclara- tion foit faite dans le temps fixé par la loi , coutume ou ufage des lieux ; autre- ment la déclaration feroit regardée comme une revente qui produiroit de nouveaux droits au profit du feigneur. Suivant le préfident Faber, l'acquéreur ou adjudica- taire ne doit avoir que quarante jours pour faire fa déclaration , conformément aux loix du code, liv. IV. tit. 50. Siquis alteri velfibifub alterius nomine vel alidpecunid emerit. Dans quelques endroits, l'acqué- reur a un an pour faire Yéleclion en ami\ dans d'autres , deux ans ou plus. [A)

Election en matière bénéfi- CIALE , {Jurifp.) eft le choix qui eft fait par plufieurs perfonnes d'un eccléiiaftique, pour remplir quelque bénéfice , office ou dignité eccléfiaftique.

Cette voie eft la plus ancienne de tou- tes celles qui font ufitées pour remplir ces fortes de places , 6k elle remonte jufqu'à la naiflance de l'Êglife.

La première élection qui fut faite de cette efpece , fut après l'afcenfion de J. C.

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Les apôtres s'étant retirés dans !e cénacle avec les autres difciples , lafainre Vierge, les faintes femmes , 6k les parens du Sei- gneur , S. Pierre leur propofa d'élire un apôtre à la p'ace de Judas. Après avoir invoqué le Seigneur, ils tirèrent au fort entre Barnabas 6k Matthias , ck le fort tomba fur ce dernier. L'afTemblée cette élection fut faite, eu comptée pour le premier concile de JérufaJem : tous les fidèles , même les femmes eurent part à Yéleciion.

Au fécond concile de Jérufalem, tenu dans la même année , on fit Yéleciion des premiers diacres.

Ce fut aufli dans le même temps ck par voie (Yéleciion, que S. Jacques , furnommé h Mineur ou le Jufie , fut établi premier évêque de Jérufalem.

A mefure que l'on établit des évêques dans les autres villes, ils furent élus de la même manière , c'eft-à-dire par tous les fidèles du dioeefe afïemb'és à cet effet, tant le clergé que le peuple. Cette voie parut d'abord la plus naturelle ck la plus canonique pour remplir les fîeges épifeo- paux , étant à préfumer que celui quiréu- niroit en fa faveur la plus grande partie de ftiffrages du clergé 6k du peuple , feroit le plus digne de ce miniftere, 6k qu'on lui obéiroit plus volontiers.

Optât dit de Cécilien, qui fut évêque de Carthage en 311, qu'il avoit été choifi par les fufFrages cle tous les fidèles.

Ce fut le peuple d'Alexandrie qui voulut avoir S. Athanafe, lequel fut fait évêque de cette ville en 316; 6k ce faint prélat dit, en parlant de lui-même, que s'il avoit mérité d'être dépofé , il auroit fallu , fuivant les conftitutions eccléfiaftiques , appeller le clergé 6k le peuple pour lui donner un fuccefTeur.

S. Léon , qui fut élevé furie faint fiege en 440, dit qu'avant de confacrer un évêque, il faut qu'il ait l'approbation des eedéfiaftiques , le témoignage des per- fonnes diftinguées , 6k le confentement du peuple.

S. Cyprien qui vivoit encore en 54^ , veut que Ton regarde comme une tradi- tion apoftolique , que le peuple ailifte à X élection de l'évêque , afin qu'il connoiffe

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la vie , les mœurs 6k la conduite de celui quejes évêques doivent confacrer.

Cet ufage fut obfervé tant en Orient que dans l'Italie , en France ck en Afrique : le métropolirain 6k les évêques de la pro- vince afîiftoient à Yéleciion de l'évêque ; 6k après que le clergé 6k le peuple s'éioient choifi un pafteur , s'il éroit jugé digne de Pépifcopat, il étoit facré par le métropo- litain qui avoit droit de confirmer Yélec- tion. Celle de métropolitain étoit confir- mée par le patriarche ou par le primat, 6k Yéleciion cle ceux-ci étoit confirmée par les évêques afTemblés comme dans un con- cile ; le nouvel évêque, aulTi tôt après fa confécration , écrivoit une lettre au pape pour entretenir l'union de fon églife avec celle de Rome.

L'élection des évêques fut ainfi faite par le clergé 6k le peuple pendant les douze premiers fiecles de l'Eglife. Cette forme fut autorifée en France par plufieurs conci- les, notamment par le cinquième concile d'Orléans en 549 , par un concile tenu à Paris en 614; 6k Yves de Chartres allure dans une de fes lettres , qu'il n'approuvera pas Yéleciion qui avoit été faite d'un évêque de Paris , à moins que le clergé 6k le peuple n'ait choifi la même perfonne , 6k quelemétropolitaincklesévêquesnel'aient approuvée d'un confentement unanime.

On trouve néanmoins beaucoup d'exem- ples dans les premiers fiecles de l'Eglife , d'évêques nommés fans élection', le concile de Laodicée défendit même que l'évêque fût élu par le peuple.

Il y eut aufîi un temps les élections des évêques furent moins libres en Francej mais elles furent rétablies par un capitulaire de Louis le Débonnaire de l'an 822 , que l'on rapporte au concile d'Aftigni ^'igno- rant pas, ditl'empereur, lesfacrés canons, 6k voulant que l'Eglife jouiffe de fa liberté, nous avons accordé que les évêques foient élus par le clergé 6k par le peuple , 6k pris dans le dioeefe , en considération de leur mérite 6k de leur capacité, gratuitement 6k fans acception de perîonnes.

Les religieux avoient part à Yéleciion de l'évêque, de même que les autres eedé- fiaftiques, tellement quele vingt-huitième 1 canon du concile de Latran tenu en 1 139 %

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défend aux chanoines (de la cathédrale) fous peine d'anathême, d'exclure de Y élec- tion de févêque les hommes religieux.

Il faut néanmoins obferver que dans les temps même les évêques étoient élus par le confentement unanime du clergé, des moines , ck du peuple, les> fouverainsavoient dès-lors beaucoup de part aux élections, foit parce qu'on ne pouvoir faire aucune affemb'ée fans leur permifïïon , foit parce qu'en leur qualité de fouverains ck de protecteurs de l'Eglife ils ont intérêt d'empêcher qu'on ne mette point en p!ace fans leur agrément , des perfonnes qui pourraient être fufpev5r.es; le clergé de France a toujours donné au roi dans ces occafions des marques du refpect qu'il lui devoit.

On trouve dès le temps delà première race , des preuves que nos rois avoient déjà beaucoup de part à ces élections. Quelques auteurs prétendent que les rois de cette race conféroient les évêchés à rexclufion du peuple ck du clergé , ce qui paroît néanmoins trop général. En effet , les lettres que Dagobert écrivit au fujetde l'ordination de Saint-DizierdeCahors, à S. Sulpice ck aux autres évêques de la province , font mention exprefle du con- fentement du peuple; ck dans les conciles de ce temps on recommandoit la liberté des élections , qui étoit fouvent mal obfer- vée ; ainfi l'ufage ne rut pas toujours uni- forme fur ce point.

Il eft feulement certain que depuis Clo- vis jufqifen 590 , aucun évêquen'étoit inf- talté,finon pari'ordreoudu confenxement du roi.

Grégoire de Tours qui écrivoit dans le même fiecle , fait fouvent mention du confentement ck de l'approbation que les rois de la première race donnoient aux évêques qui avoient été élus par le clergé ck par le peuple ; & Clotaire II , en confir- mant un concile de Paris qui déclare nulle la consécration d'un évêque faite fans le confentement du métropolitain, des ecclé- iîaftiques ck du peuple, déclara que celui qui avoir été ainfi élu canoniquement, ne devoir être facré qu'après avoir obtenu l'agrément du roi.

Dans les formules du moine Marculphe

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qui vivoit clans le feptieme fiecle , il y en a trois qui ont rapport aux élections, La première eft l'ordre ou précepte par lequel le roi déclare au métropolitain , qu'ayant appris la mort d'un tel évêque, il aréfolu, de l'avis des évêques ck des grands , de lui donner un tel pour fuc- cefleur. La féconde eft une lettre pour un des évêques de la province. La troi- fieme eft la requête des citoyens de la ville épifcopale, qui demandent au roi de leur donner pour évêque un tel dont ils connoiiîent le mérite; ce qui fuppofe que l'on attendoit le confentement du peuple , mais que ce n'étoit pas par forme (Y élection.

Il y eut même fous la première race plufieurs évêques nommés par le roi fans aucune élection précédente, comme S. Amant d'Utrecht ck S. Léger d'Autun. La formule du mandement que le roi faifoit expédier fur cette nomination , eft rap- portée par Marculphe. Il y eft dit que le roi, ayant conféré avec les évêques ck prin- cipaux officiers de fa cour , avoir choiii un tel pour remplir le fiege vacant.

Cette manière de pourvoir aux évêchés étoit quelquefois néceftaire, pour empê- cher les brigues ck la fimonie : c'étoit aufli fouvent la faveur feule qui détermi- noit la nomination.

Charlemagne ck Louis le Débonnaire firent tous leurs efforts pour rétablir l'ancienne difcipline fur les élections. Le premier difpofa néanmoins de plufieurs évêchés, par le confeil des prélats ck des grands de fa cour, fans attendre Sélec- tion du clergé ck du peuple. Plufieurs croient qu'il en ufa ainfi du confentement de l'Eglife , pour remédier aux maux dont elle étoit alors affligée : il rendit même à plufieurs églifes la liberté des élections , par des actes exprès.

Il y eut fous cetre féconde race plu- fieurs canons ck capitulaires , faits pour conferver l'ufage des élections ; mais ce futtoujours fans donner atteinte aux droits. On tenoit alors pour principe qu'en cas de trouble ck d'abus le roi pouvoit nom- mer à l'évêché; tellement que l'évêque- vifiteur avertiiToit ceux qui dévoient élire, que s'ils fe laiffoient féduire par quelque C z

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moyen injufte, l'empereur nommeroit ! fans contrevenir aux canons.

Les choies changèrent bien de forme fous ia troïfieme race ; les chapitres des cathédrales s'attribuèrent le droit d'élire feuls les évêques, privativement au refte du clergé & au peuple. Au commence- ment du xiij fiecle ils étoient déjaenpof-

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déterminoient que par le mérite du fujefv L'évêquechoififfoit ordinairement deb prê- tres &t des clercs entre les plus faints moines; les abbés y confentoient pour le bien général de l'Eglife, qu'ils préféroient à l'avantage particulier de leur monaftere. Il y avoit dans le xij fiecle une grande confufîon dans les élections pour les pré-

feffion d'élire ainfi feuls l'évêque & les latures; chaque églifè avoit fes règles Se métropolitains; de confirmer feuls Yélec- i fes ufages, qu'elle changeoit félon les bri- //o/z, fans appeller leurs furfragan^, comme i gués qui prévaloient.

il paroît par le concile de Latran , tenu en i2i5.Les papes, auxquels ons'adref- foit ordinairement lorfqu'ii y avoit contef- tation fur la confirmation des évêques, firent de ce droit une caufe majeure réfervée au faint fiege : les droits du roi furent cependant toujours confervés.

Lorfque Philippe Augufte partit pour fon expédition d'outre-mer, entre les pouvoirs qu'il laiiTa pour la régence du royaume à fa mère & à l'archevêque de Rheims , il marqua fpécialement celui d'accorder aux chapitres des cathédra- les la permiffion d'être un évêque.

S. Louis accorda le même pouvoir à la reine fa mère , lorfqu'ii l'établit régente du royaume. Il ordonna cependant parla pragmatique fanclion qu'il fit dans le même temps, en 1268, que les églifes cathé- drales & autres auroient la liberté des élections.

\2 élection des abbés étoit réglée fur les mêmes principes que celle des évêques. Les abbés étoient élus par les moines du monaftere qu'ils dévoient gouverner. Ils étoient ordinairement choifis entre les moines de ce monaftere ; quelquefois néan- moins on les choififToit dans un monaftere voifin, ou ailleurs. Avant de procédera Xélection , il falloit obtenir le confen- tement du roi; ÔC celui qui étoit élu abbé , ne pouvoit aufli avoir l'agrément du roi, avant d'être confirmé & béni par l'évêque.

Les autres bénéfices j offices & dignités étoient conférés par les fupérieurs ecclé- fiaftiques; favoir les bénéfices féculiers parl'évêque , ck les réguliers par les abbés, chacun dans leur dépendance. Les uns & les autres n agii;oient dans leur choix

Ce fut pour remédier à ces défordres,1 que le quatrième concile de Latran , tenu en 121 5, fit une règle générale, fuivant laquelle on reconnoît trois formes diffé- rentes d'élections , qui font rapportées aux décrétales , liv. I. tit. vj. capit, Quia pr opter.

La première eft celle qui fe fait par ferutin.

La féconde eft de nommer des corn- miffaires , auxquels tout le chapitre donne pouvoir d'élire en fon lieu & place.

La troifieme forme d'élection eft celle: qui fe fait par une efpece d'infpiration divine, lorfque par acclamation tous les électeurs fe réunifient pour le choix d'un même fujet.

Ce même concile de Latran , celui de Bourges en 1276, celui d'Aufch en 1300 y les conciles provinciaux de Narbonne ÔC de Touloufe, tenus à Lavaur en 1368» déclarent nulle toute élection faite par abus de l'autorité féculiere ou eccléfiaftique.

La liberté des élections ayant encore été troublée en France par les entreprifes des papes, fur-tout depuis que Clément V. eut transféré le faint fiege à Avignon r le concile de Confiance en 141 8 , &c celui de Balle en 143 1 , tentèrent toutes fortes de voies pour rétablir l'ancienne difeipline.

Les difficultés qu'il y eut par rapport à ces conciles , firent que Charles VII con- voqua à Bourges en 1438 une affemblée de tous les ordres du royaume , dans la- quelle fut drefiee la pragmatique fanclion , laquelle entr'autres chofes rétablit les élec- tions dans leur ancienne pureté. L'affem- blée de Bourges permit aux rois &C aux princes de leur fang, d employer leurs.

qu'avec connoifïance de caufe 3 ôc ne fe i recommandations auprès des électeurs, ea

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faveur des personnes qui auroient rendu fervice à l'état.

Nos rois continuèrent en effet d'écrire des lettres de cette nature, & de nom- mer des commiiTaires pour affifter à IV- leclion.

Les papes cependant firent tous leurs efforts pour obtenir la révocation de la pragmatique , aind qu'on le dira au mot Pragmatique.

Enfin en 1 5 1 6 François I , voulant pré- venir les fuites fâcheufes que tes difTérens de la cour de France avec celle de Rome pouvoient occafioner , fit avec Léon X, une efpece de tranfaétion , connue fous le nom de concordat.

On y fait mention des fraudes èk des brigues qui fe pratiquoient dans les élec- tions, & il eft dit que les chapitres des églifes cathédrales de France ne procéde- ront plus à l'avenir, le fiege vacant, à X élection de leurs évêques ; mais que le roi fera tenu de nommer au pape , dans les fix mois de la vacance, un dofteur ou licencié en théologie ou en droit cano- nique, âgé de 27 ans au moins, pour en être pourvu par le pape ; que fi la per- sonne nommée par le roi n'a pas les qua- lités requifes , le roi aura encore trois mois pour en nomme^un autre , à compter du jour que le pape aura fait connoitre les caufes de réeufation; qu'après ces trois mois il y fera pourvu par le pape ; que les élections qui fe feront au préjudice de ce traité, feront nulles; que les parens du roi , les perfonnes éminentes enfavoir & en doctrine , ck les religieux mendians, ne font point compris dans la rigueur de cet article; que pour les abbayes & prieu- rés conventuels vraiment électifs , il en fera ufé comme aux évêchés , à l'exception de l'âge , qui fera fixé à vingt-trois ans ; que fi le roi nomme aux prieurés un iécu- lier ou un religieux d'un autre ordre , ou un mineur de vingt-trois ans , le pape fe réferve le droit de le refufer , & d'en nommer un autre après les neuf mois pafîes, en deux termes, comme dans le? évêchés. Il eft dit que l'on n'entend paf néanmoins déroger par cer article , aux privilèges dont jouifTent quelques chapitres .& quelques monafteres qui le font main-

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tenus en pofîefïïon d'élire leurs prélats & leurs Supérieurs, en gardant la forme pref- crite par le chapitre Quia pr opter.

Sur la manière dont le roi en ufe pour les nominations, j'oy.EvÊCHÉS & NO- MINATION ROYALE.

Le clergé de France a renouvelle en plufieurs occasions fes vœux pour leréta- bliflement des élections à l'égard des évê- chés, abbayes &: autres prélatures, comme on le voit dans le cahier qu'il préfenta aux états d'Orléans en 1560; dans celui qu'il drefTa pour être préfenté aux états de Blois , dans le concile de Rouen en 1 581 , celui de Rheims en 1 583 , le cahier de l'afïemblée générale du clergé en 1 595, & celui de i'afïémblée de 1605.

L' 'article ter. de l'ordonnance d'Orléans, en 1 560 , porte que les archevêques & évêques feront déformais élus & nommés; fa voir , les archevêques par les évêques de la province & par le chapitre de la mé- tropole; les évêques, par l'archevêque, les évêques de la province , <k les cha- noines de l'égliié cathédrale appelles avec eux, douze gentilshommes qui feront élus par la nobleffe du diocefe, & douze notables bourgeois élus en l'hôtel de la ville archiépifcopale ou épifcopale : tous lefquels s'accorderont de trois perfonnages de qualités requifes , âgés au moins de trente ans, qu'ils préfenterontàSa Ma- jefté qui choifira l'un des trois.

L'exécution de cette ordonnance a été commandée par Y art. 3 G de celle de Roufîillon; cependant cet article de l'or- donnance d'Orléans & plufieurs autres ne s'obfervent point.

Ainfi les évêchés ne font plus électifs.'

A l'égard des abbayes, toutes celles qui étoient électives , font affujetties par le concordat à la nomination royale , à i'exceptien feulement des chefs d'ordre &C des quatre filles de Cîteaux. On fuit en- core dans ces abbayes , pour les élections^ les règles preferites par la pragmatique fanction.

Pour ce qui eft des dignités des cha- pitres qui font électives, des généraux d'ordres réguliers qui n'ont pas le titre tablés , & des abbayes triennales éîec- 1 tives , les élections dépendent en partie.

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des- ufages ckftatuts particuliers de chaque églife , congrégation ou communauté.

II y a néanmoins plusieurs règles tirées du droit canonique, qui font communes à' toutes les élections.

On ne peut valablement faire aucun acte tendant à Sélection d'un nouvel abbé , ou autre bénéficier ou officier, jufqu'à ce que la place foit vacante , fait par mort ou autrement.

Avant de procéder à Sélection dans les abbayes qui font électives , il faut que le chapitre obtienne le confenteinent du roi , lequel peut nommer un commiffaire pour afïifter à Sélection, à l'effet d'empêcher les brigues, ck de faire obferver ce qui eft preferit par les canons ck les ordon- nances du royaume.

Pour que Sélection foit canonique , il faut y appeller tous ceux qui ont droit de fuffrage ; les abfens doivent être aver- tis , pourvu qu'ils ne foient pas hors du royaume.

Ceux qui font retenus ailleurs par quel- que empêchement légitime, ne peuvent donner leur fuffrage par lettres; mais ils peuvent donner leur procuration à cet effet à un ou plufieurs des capitulans , pourvu néanmoins qu'ils donnent a chacun d'eux folidairement le droit de fuffrage ; ck dans ce cas le chapitre peut choifir emr'eux celui qu'il juge à propos , pour repréfenter l'ab'ent. Celui-ci peut auffi donner pouvoir à quelqu'un qui n'eft pas de gremio , fi le chapitre veut bien l'agréer. Le fondé de procuration ne peut nommer qu'une feule perfonne , foit que la procu- ration marque le nom de la perfonne qu'il doit nommer , ou qu'elle foit laidée à fon choix.

Si l'on omettoit d'appeller un feu! c?pi- tulant , ou qu'il n'eût pas été valablement appelle, X élection feroit nulle, à moins que pour le bien de la paix il n'approuvât Sélection.

Il fuffit au refte d'avoir appelle à Sélec- tion ceux qui y ont droit de fuffrage ; s'ils négligent de s'y trouver, ou fi, après y avoir afîifté , ils fe retirent avant que lV/ef?/0/zfoitconfornmée, ckmême avant d'avoir donné leur fuffrage, ils ne peuvent, fousce prétexte, contefler Sélection,

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Les chapitres des monafreres doivent procéder à Sélection de l'abbé clans les trois mois de la vacance, à moins qu'il n'y ait quelque empêchement îégiume;autrement le droit d'y pourvoir eft dévolu au fupé- rieur immédiat.

Le temps fixé par les canons pour pro- céder à \ élection, court contre les élec- teurs, du jour qu'ils négligent de faire lever l'empêchement qui les arrête.

Le concile de Bafle veut que les élec- teurs , pour obtenir du ciel les lumières ck les grâces dont ils ont befoin, enten- dent avant Sélection la méfie du Saint- Efprit, qu'ils feconfeffent & communient; ck que ceux qui ne fatisferont pas à ces devoirs, foient privés de plein droit de la faculté d'élire , pour cette fois.

Chaque électeur doit faire ferment entre les mains de celui qui préfide , qu'il choi- fira celui qu'il croira en confeience pouvoir être le plus utile à lEglife pour le fpiri- tuel ck le temporel, ck qu'il ne donnera point fon fuffrage à ceux qu'il faura avoir promis ou donné directement ou indirec- tement quelque chofe de temporel pour fe faire élire. L'abus ne feroit pas moins grand de donner ou promettre dans la même vue quelque chofe de fpirituel.

Ceux qui procèdent £ Sélection, doi- vent faire choix d'une perfonne de bonnes mœurs , qui ait l'âge , ck les autres qua- lités ck capacités preferites par les canons, ck par les autres loix de l'Eglife ck de l'état.

Ileff également défendu par les canons d'élire ou d'être élu par fimonie : omre l'excommunication que les uns ck les autres encourent par le feul fait , les électeurs perdent pour toujours le droit d'élire; ck ceux qui font ainfi élus , font incapables de remplir jamais la dignité , le bénéfice ou office auxquels il- ont afpiré.

Lor:que les d.ffrages ont été entraînés par l'impvefTon de quelque puiffance iécu- liere , Sélection eft nulle : les é'ectturs doivent même être fufpeus pendant ois années de leur ordre ck béi éfi ces , même du droit d'élire; 6k fi celui qiu a été ainfi élu, accepte fa nomination, il ne ptut fans difper.fe êt.e élu pour une autre di- gnité, office ou bénéfice ecciefi^flique.

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Mais on ne regarde point comme un abus jf les lettres que le roi peut écrire aux élec- teurs, pbur leur recommander quelque perfonne affectionnée au fervice de l'Egli- fe , du roi 6k de l'état.

Les novices ni les frères convers ne donnent point ordinairement leurs voix pour V élection d'un abbé ou autre fupé- rieur : il y a néanmoins des monafteres de filles, tels que ceux des Cordelières, les fceurs converfes font en pofteffion de donner leur voix pour V élection de l'abbeffe.

Quant à la forme de Yélection , on doit fuivre une des trois qui font prefcrites par le iv concile de Latran , fui van t ce qui a coutume de s'obferver dans chaque Eglife ou monaftere.

On distingue dans les élections la voix active ckla voix paffive; la première eft le fuffrage même de chaque électeur , con- sidéré par rapport à celui qui le donne, ck en tant qu'il a droit de le donner; la voix paffive eft ce même fuffrage confi- déré par rapport à celui en faveur duquel il eft donné. Il y a des capitulans qui ont voix active ck paffive, c'eft-à-dire , qui peuvent élire ck être élus; d'autres qui ont voix active feulement, fans pou- voir être élus , tels que ceux qui ont patte par certaines places auxquelles ils ne peu- vent être promus de nouveau, ou du moins feulement après un certain temps : enfin ceux qui font de la maiion, fans être capitulans, n'ont point voix active ni paffive ; ceux qui font fufpens ne peuvent pareillement élire ni être élus.

CeuxNqui ont voix active , doivent tous donner leurs fuffrages en même temps ck dans le même lieu.

Les fuffrages doivent être purs ck /im- pies : on ne reçoit point ceux qui feroient donnés fous condition, ou avec quelque alternative ou autre claufequi les rendroit incertains.

V élection doit être publiée en la forme ordinaire, auffi-tôt que tous les capitulans ont donné leurs fuffrages, afin d'éviter toutes les brigues ck les fraudes ; ck ce feroit une nullité de différer la publication, pour obtenir préalablement le confeme- ?nem de celui qui efi élu,

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V élection étant notifiée à celui qui a été élu , il doit , dans un mois , à compter de cette notification , accepter ou refu- fer ; ce délai expiré, il eft déchu de fon droit , ck le chapitre peut procéder à une nouvelle élection.

Ce délai d'un mois ne court à l'égard des réguliers élus , que du jour qu'ils ont pu obtenir le conientement de leur fu- périeur.

Quand le fcrutin eft publié , les élec- teurs ne peuvent plus varier; ck ceux qui ont donné leur voix à celui qui eft élu, ou qui ont confenti à YélcUion , ne peu- vent l'attaquer fous prétexte de nullité, à moins que ce ne foit en vertu de moyens dont ils n'avoient pas connoifiance lors- qu'ils ont donné leur fuffrage ou confen- tement.

Il ne fuffit pas pour être élu , d'avoir le plus grand nombre de voix; il faut en avoir feul plus de la moitié de la totalité. Si les voix font partagées entre plufieurs, de manière qu'aucun d'eux n'en ait plus de la moitié , il faut procéder à une nou- velle élection , quand même la plus grande partie du chapitre fe réuniroit depuis la publication du fcrutin , en faveur de celui qui avoit feulement le plus grand nombre de voix.

Néanmoins dans X élection à 'une abbeffe, quand le plus grand nombre de voix don- nées à une même perfonne , ne fait pas la moitié , les autres reîigieufes peuvent s'unir au plus grand nombre , même après le fcrutin ; ck s'il y en a aflez pour faire plus de la moitié des voix , celle qui eft élue peut être confirmée par le fupérieur, fauf à faire juger l'appel , fi les oppo- fantes à l' élection ck confirmation veulent le foutenir.

Si dans ce même cas les reîigieufes ne fe réunifient pas jufqu'à concurrence de plus de la moitié , le fupérieur , avant de confirmer ck bénir celle qui a eu le plus de voix, doit examiner l'élection, ck les raifons de celles qui ne veulent pas s'unir; ôk néanmoins par provifion la religieufe nommée par le plus grand nombre , gouverne le temporel ckle fpirituel; mais elle ne peut faire aucune aliénation, ni recevoir de reîigieufes à laprofelfion.

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La plus grande partie du chapitre nom- mant une perfonne indigne , eft privée pour cette fois de Ton droit d'élire, & dans ce cas Xélection faite par la moindre partie , fubiifte.

Quoiqu'un des capitulans ait nommé une perfonne indigne, il n'eft point privé de fon droit d'élire, û le fcrutin il a donné fa voix , n'eft point fuivi d'une élec- tion valable.

Quand les électeurs ont nommé un ou plu- fieurs compromiiTaires, ils doivent recon- noître celui que les compromhTaires ont iiommé,pourvuqu'ilairlesqualitésrequifes.

Les compromiiTaires ayant commencé à procéder à X élection , le chapitre ne peut plus les révoquer, attendu que les choies ne font plus entières.

Si les compromiiTaires choifliTent une perfonne indigne, le droit d'élire retourne au chapitre : il en eft de même lorfque celui qui eft nommé refufe d'accepter.

Mais iorfque les compromiiTaires négli- gent défaire l'élection dans le temps pref- crit par les canons , alors le droit d'élire eft dévolu au fiipérieur, Sinon au cha- pitre qui doit s*imputer de s'en être rap- porté à des mandataires négligens.

L'élection téant faite par des compro- miiTaires, un d'entr'eux doit auiîi-tôr la publier.

S'il arrive que Xélection foit cafTée par un défaut de forme feulement, & non pour incapacité de la perfonne élue , la même perfonne peut être élue de nouveau.

En cas d'appel de Sélection , on ne peut procéder à une nouvelle , qu'il n'ait été ftatué fur la première.

Quand la première élection n'a pas lieu , fans que les électeurs foient déchus deleur droit , ils ont pour procéder à une nou- velle élection , le même délai qu'ils avoient eu pour la première , à compter du jour qu'il a été confiant que celle-ci n'auroit point d'effet.

Ceux qui ne peuvent être élus peuvent être poftulés, c 'eft- à- dire, demandés au fupérieur , quand les qualités qui leur man- quent font telles ,que le fupérieur en peut difpenfer ; mais le même électeur ne peut pas élire Ô* poftuler une même perfonne. Voyc{ Postulation,

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Il n'eft pas permis à celui qui eft élu y de taire aucune fonction avant d'être con- firmé, à peine de nullité. Le pape eft le feul qui n'ait pas befoin de confirmation. Voyej^ au mot PAPE.

Avant de confirmer celui qui eft élu , le fupérieur doit d'office examiner s'il eft de bonnes mœurs & de bonne doctrine ; s'il a les qualités** & capacités requifes , quand même perfonne ne critiqueroit Y élection.

Cette information dévie & mœurs doit fe faire dans les lieux celui qui eft élu demeuroit depuis quelques années.

Il y a des abbés dont Xélection doit être confirmée par l evêque diocéfain , d'autres par leur général, d'autres par le pape dont ils relèvent immédiatement.

Le chapitre , feit vacante , a droit de confirmer les élections que l'évêque auroit confirmées.

Les abbés triennaux n'ont pas befoin de confirmation pour gouverner le fpirituel, non plus que pour le temporel.

La confirma'ion doit être demandée par celui qui eft élu , dans les trois mois du jour du confentement qu'il a donné à Xélection , à moins qu'il ne foit retenu par quelque empêchement légitime; autrement il eft déchu de fon doit , &. l'on peut procéder à une nouvelle élection.

Telles font les reg!es générales que Ton fuit pour les élections ; elles reçoivent néan- moins diverlès exceptions, fuivant les fta- tuts particuliers , privilèges ck coutumes de chaque monaftere, pourvu que ces ufages foient conftans , ck qu'ils n'aient rien de contraire au droit naturel ni au droit divin.

Il y a des bénéfices électifs, fur lefquels il faut la confirma ion du fupérieur: d'au- tres qui font purement collatifs ; d'autres enfin qui font électifs - collatifs , c'eft-à- dire , que le chapitre confère en élifant , fans qu'il foit befoin d'autre collation.

Sur !e> élections , voyez aux décrétâtes le titre de electione & electi potejlate ; la bibliothèque can 'nique de Bouchel , & les définitions canoniques & la jurijprudence canonique , au mot ÉLECTION \l'hifi. du droit ecclejîaflique , par M. Fleury , tome I, chapitre x, les loix ecclèfiajiiques de M, d'Héricourt, titre de /'éleélion. (A)

Election

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Election de Domicile , [Jurifp.)

eft le choix que l'on fait d'un domicile momentané ou ad hoc , c'eft-à-dire qui n'eft pas le vrai & actuel domicile , mais ■qui a feulement pour objet d'indiquer un lieu on puîflè faire des offres ou autres actes. Ces élections de domicile fe font dans les exploits , dans les contrats. Voye \ Domicile élu.

Election d'héritier, {Jurifp.) eft le choix de celui qui doit recueillir une fuccefïïon. Ce choix eft ordinairement fait par celui qui dilpofe de fes biens par fon teftament : quelquefois il eft fait par contrat de mariage ; ou bien le père ma- riant un de fes enfans , fe réferve la liberté de nommer pour héritier tel de fes enfans qu'il jugera à propos.

Quelquefois le teftateur défère par tes- tament le choix de fon héritier à une autre perfonne , foit en lui indiquant plufieurs perfonnes entre lesquelles elle pourra choi- fir, foit en lui lailTant la liberté entière de choifir qui bon lui femblera ; & quel- quefois cette même perfonne à laquelle le teftateur donne pouvoir d'élire , eft par lui d'abord instituée héritière , à la charge de remettre l'hoirie à un de ceux qui font, indiqués , ou à telle perfonne qu'elle jugera à propos.

Le teftateur peut auffi inftituer héritier celui qui fera nommé par la perfonne à laquelle il donne ce pouvoir.

Ces fortes de diipofitions font fort ufi- tées dans les pays de droit écrit , il cil allez ordinaire que le mari & la femme s'inftituent réciproquement héritiers , à la charge de remettre l'hoirie à tel de leurs enfans que le furvivant jugera à propos.

Lorfque celui qui avoit le pouvoir d'élire , décède fans avoir fait fon choix , tous les héritiers préfomptifs fuccedent également.

Le conjoint furvivant qui avoit le pou- voir d'élire , ne le perd point en fe rema- riant.

Quand un des enfans éligibles vient à décéder , le père ou la mère qui a le droit d'élire , peut choifir l'enfant de celui qui étoit éligible. Voye\ la trente-quatriemt çonfultation de Cochin , tome II.

U élection étant une fois confommée par un a&e entie-vifs , celui qui Ta faite ne Tome XII.

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peut plus varier ; mais fi c'eft par tefta- ment, Y élection eu révocable jufqu'au décès de celui qui l'a faite , de même que le furplus de (on teftament. Voye\ Henrys , tom. I. liv. IV* ch. vj. quejl. €y . Ù liv, V. que/f. iq.. z £. 16. ij. î8. 19. zo. 6l. 6z. & tome II. liv. V. quefl. zo. ZZ. $1. $z. 53. §8. &l. VI. quefl. 52. & fon quatrième plaidoyer ; le traité des élections ^héritier contractuelles & tefta-* mentaires , par M. Vulfon , confeiller au parlement de Grenoble. (A)

Election de Tuteur ou Cura- teur , eft le choix qui eft fait d'un tuteur ou curateur par les parens & amis de celui auquel on le donne. Voye\ CURATEUR

ù Tuteur. (A) Election d'un Officier , eft la

nomination qui eft faite de quelqu'un à un office public par le fufFrage du plufieurs perfonnes.

Romulus accorda au peuple le droit de fe choiiir (es magiftrats , même les féna- teurs , ce qui taifoit dans ces affemblées publiques appelîées comices ; & lorlque l'état monarchique de Rome fut changé en république , ie peuple élifoit auffi lui- même les confuls , qui étoient chargés di* gouvernement général de l'état.

Comme if étoit difficile d'aflèmbler fou- vent le peuple, il n'élifoit que les grands officiers , & ceux-ci commettoient chacun dans leur département les moindres offi- ciers qui leur étoient fubordonnés.

Les empereurs ayant ôté au peuple le droit Sélection 9 conféroient les grands offices par l'avis des principaux de leur cour , afin de conferver encore quelque forme d'élection ; c'eft pourquoi ils appel- loient fuffrages les avis & recommanda- tions des courtifans.

On en ufa d'abord de même en France pour les offices , c'eft-à-dire que nos rois y nommoient par l'avis de leur confeil , ce qui étoit une efpece ^ élection.

Quand le parlement eut été rendu fçden- taire à Paris , Philippe de Valois , par des lettres du mois de Février I327 » donna pouvoir au chancelier , en appellant avec lui quatre conieillers au parlement & le >révôt de Paris, de nommer , c'eft-à-dire, I d'élire entr?euxles confeiilers au châtelet.

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Charles V ordonna en 13?!» <îue fe ' chancelier , les préfidens , & confèillers du parlement feroient élus par ferutin au par- lement ; Charles VI ordonna encore la même choie en 1400 , ce qui dura jus- qu'au mariage d'Henri , roi d'Angleterre , avec Catherine de France , fille de Charles VI ; alors le parlement nomma trois per- fonnes au roi qui. donnoit des provHions à l'un des trois ; mais comme le parlement pour fe conferver V élection nommoit ordi- nairement deux fiijets inconnus- & inca- pables afin de faire tomber la nomination fur le troifieme , Charles VII lui ôta les élections , & rentra en pofîeflion de nom- mer aux places vacantes du parlement de même qu'aux autres offices , & nos rois choififlôiént les officiers de l'avis de leur confeil , ce qui dura ainfi jufqu'à la vénalité des charges.

Dès le premier temps delà monarchie, il y avoit dans chaque ville & bourg des officiers municipaux qui étoient électifs , appelles en quelques endroits échevins , en d'autres jures ou jurats, en d'autres confuls, & à Touloufe capitouls. Ces officiers font encore la plupart élus par le peuple , con- formément aux intentions du roi.

Les élus qui étoient autrefois choifis par l'es trois états pour le gouvernement des aides & tailles-, ont depuis été érigés en titre d'office ; il y a néanmoins- encore des élus dans les pays d'états qui font éle&ifs. Voye\ ÉLECTIONS-, ÉLUS, & ÉTATS. (A)

Election , ( Jurifp. ) ce font des jurifdidions royales, ainfi nommées à caufe des élus qui y connoiffent en première inffance des conteftations qui s'élèvent au fujet des tailles., de toutes matières, d'ai- des , & autres impofitions levées des deniers du roi , tant aux entrées . des villes que des fermes du roi, a l'exception des domaines & droits domaniaux , droits de gabelle , capication , dixième , vingtième , cinquantième , & deux fous pour livre , Iorfque ces impoiitions ont lieu.

Ils connoifloient cependant aufïî autre- fois des gabelles ; mais depuis long-temps il y a des juges particuliers pour cet objet , excepté dans quelques endroits les gre- niers à fel. font unis aux élections..

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Il y a auflî en certains endroits des juges des traites foraines , & des juges pour la marque des fers.

Avant l'infhtution des élus , c'étoient les maire & échevins des villes qui fe mêloient de faire Pailiette & levée des impoiitions , ils en étoient même refponfables ; mais dans la fuite ne pouvant vaquer à cette levée, & étant occupés à d'autres affaires de la commune , on fit choix dans le peuple d'autres perfonnes pour prendre foin de l'aifiette & levée des impofitions; & ces perfonnes furent nommées élus à caufe qu'on les établnToit par élection.

L'origine des élections effc la même que celle des élus ou juges , dont ces tribu- naux font compofés.

Quelques-uns rapportent ce premier éta- bliffement des élus à celui des aides du temps du roi Jean ; il eff néanmoins certain qu'il y avoit déjà depuis long-temps des élus pour veiller fur les impofitions ; mais comme il n'y avoit point encore d'impo- iitions ordinaires , & que nos rois n'en levoient qu'en temps de guerre ou pour d'autres dépenfes extraordinaires , la com- miiîion de ces élus ne duroit. que pendant la levée de l'impofition.

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Dès le temps Heflélin étoit élu à Paris , ainfi que ït remarque l'auteur du traité de la pairie , pag. 2.58,

S. Louis voulant que les tailles fuflent impofees avec juffice , fit en 1270 un règle- ment pour la manière de les affeoir dans les villes royales ; il ordonna qu'on éliroit trente: hommes ou quarante plus ou moins , bons & loyaux par le confeil des prêtres , c'elf- à-dire des curés de leurs paroiffes , & des autres hommes de religion , enfem- ble des bourgeois & autres prudhommes, félon la grandeur des villes ; que ceux qui feroient ainfi élus jureroient fur les faints évangiles d'élire y foie entr'eux ou parmi d'autres prudhommes de la même ville , jufqu'à douze hommes qui feroient les plus propres à affeoir la taille ; que les douze hommes nommés jureroient de même de bien & diligemment affeoir la taille , & de n'épargner ni grever psrfonne par haine , amour, prière, crainte, ou en quelque lr autre manière, que.ee fût; qu'ils aÛir oient

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ladite taille à leur volonté la livre égale- ment ; qu'avec les douze hommes defTus nommés feraient élus quatre bons hommes, & feroient écrits les noms i'ecrétement ; & que cela feroit fait fi fagement , que leur élection ne fût connue de qui que ce fût jufqu'à ce que ces douze hommes euf- fènt aûis la taille. Que cela fait , avant de , mettre la taille par écrit , les quatre hom- mes élus pour faire loyalement la taille n'en dévoient rien dire jufqu'à ce que les douze hommes leur euffent fait faire ferment pardevant la juflice de bien & loyalement afleoirla taille en la manière que les douze hommes l'auraient ordonné.

Il paroît fuivant cette ordonnance, que les trente ou quarante hommes qui étoient d'abord élus , font aujourd'hui repréfentés par les officiers des élections ; les douze hommes qu'on élifoit enfuite étoient pro- prement les afféeurs des tailles , dont la fonction eft aujourd'hui confondue avec celle des colledeurs ; enfin les quatre bons hommes élus étoient les vérificateurs des rôles.

Les tailles furent donc la matière dont les élus ordonnèrent d'abord ; mais outre que les tailles n'étoient pas encore ordi- naires , la forme prefcrite pour leur afliette ne fur pas toujours obfervée ; car Philippe III , dans une ordonnance du 29 Novem- bre 12.74., dit ^ue les confuls de Tou- loufe dévoient s'abftenir de la contribu- tion qu'ils demandoient aux eccléfiaftiques pour les tailles , à moins que ce ne fût une charge réelle & ancienne : ilfemble- roit par-lA que c'étoïent les confuls qui ordon noient de la taille , foit ancienne ou nouvelle loriqu'elle avoit lieu : ce qui fait penfer qu'il y avoit alors des tailles non royales impofées de l'ordre des villes pour fubvenir à leurs dépenfes particulières , ce qui efl aujourd'hui repréfenté par les octrois.

Louis Hutin, dans une ordonnance du mois de Décembre 131$ , & Philippe V dans une autre du mois de Mars 13 16 , difent que les clercs non mariés ne con- tribueront point aux tailles , & que les officiers du roi , officielles noflri , en tant qu'à eux appartient , ne les y contrain- dront point & ne permettront pas qu'on

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les y contraigne. Ces ordonnances ne font point mention des élus, ce qui donne lieu de croire qu'ils n'avoient point encore de jurifdiction formée , & que pour les con- traintes on s'adrefîbit aux juges ordinaires : & en efîèt on a vu que c'étoit devant eux que les élus prêtoient ferment.

Il y avoit encore des élus du temps de Philippe de Valois pour la taille non royale qui fe levoit dans certaines villes , comme il paroît par une ordonnance de ce prince du mois de Mars 133 1 , touchant la ville de Laon , il efl parlé des élus de cette ville : ces officiers n'étoient pas feulement chargés du foin de cette taille ; l'ordon- nance porte que dorénavant , de trois en trois ans , le prévôt fera afîèmbler le peuple de Laon , & en fa préfence fera élire fix perfonnes convenables de ladite ville y dont ils en feront trois leurs procureurs pour conduire toutes les affaires de la ville; que les trois autres élus avec le prévôt vifiteroient y chaque année , autant de fois qu'il feroit nécefTaire , les murs, les portes, les forterefTes , les puits , fontaines, chauf- fées , pavés , & autres aifonces communes de la ville , & verroienr les réparations nécefîâires , &c*

Que toutes les fois qu'il feroit métier de faire taille y le prévôt avec ces trois élus expoieroi' au peuple les caufes pour lefquelles ilconviendroit/iz/re taille; qu'en- iuite le prévôt & lefdits élus prendroient de chaque paroifïê deux ou trois perfonnes de ceux qui peuvent le mieux lavoir les facultés de leurs voifins ; lelquelles per- fonnes & lefdits élus ayant prêté ferment lu r les laints évangiles de ne charger ni décharger perionne à leur efeient , contre raifon , le prévôt feroit impofèr & afTeoir la taille fur toutes les peribnnes qui en font tenues ; que l'impofition feroit levée par les trois élus ; qui en paieraient les rentes & les dettes de la ville ; qu'à la fin des trois années fùfdites ils compteraient de leur recette , tant des tailles que d'ail- leurs , pardevant le prévôt ou bailii de Vermandois , qui viendroit ouir ce compte à Laon & y appellerait les bonnes gens de la ville ; enfin que le compte rendu & appuré feroit envoyé par le bailli en la chambre des comptes pour voir s'il n'y

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avoit rien à corriger. On voit que ces élus faifoient eux-mêmes la recette des tailles pendant trois ans ; c'efl pourquoi ils étoient comptables,, & en cette partie ils font repréfentés paroles receveurs des octrois , qui comptent encore aujourd'hui à la chambre.

A l'égard des fubventions qui fe levoient pour les befoins de l'état par le minifîere des élus de chaque ville ou diocefe , on établiffoit quelquefois au dtffus d'eux une perfonne qualifiée, qui avoit le titre d'élu de la province , pour avoir la furinten- dance de la flibvention ; c'eft ainfi que lors de la guerre de Philippe de Valois contre les Anglois , Gaucher de Chatillon connétable de France fut élu par la pro- vince de Picardie , pour avoir la furintea- dance de la flibvention qu'on y levoit , ce qu'il accepta feus certains gages ; l'auteur du traité de la pairie , pag. $8 , dit en avoir vu les quittances , il efr. qualifié d'élu de la province.

Il eil encore parié de tailles dans des lettres de Philippe de Valois , du mois d'Avril 1333 -y mais il n'y efr pas parlé d'élus. Ces lettres , qui ont principalement pour objet la répartition d'une impofirion de cent cinquante mille livres fur la féné- chaufleç de Carcaficnne, ordonnent feu- lement au fenéchal de faire appeller à. cet effet pardevant lui ceux des bonnes gens du pays qu'il vendra..

On établit aufll des députés ou élus à l'occafion des droits d'aides , dont la levée fut ordonnée fur toutes, les marchandifes & denrées qui feraient vendues dans le royaume , par une ordonnance du roi Jean , du 28 Décembre 1355. Il y avoit bien eu déjà quelques aides ou fubventions levées en temps de guerre fur tous les fujets du roi à proportion de leurs biens; mais ces nouveaux droits d'aides auxquels ce nom 'efr dans la fuite demeuré propre , étoient jufqu'alors inconnus.

L'ordonnance du roi Jean porte que pour obvier aux entreprifes de Ces enne- mis ( les Anglois ) > il avoit fait affembler tes " trois états du royaume r tant de la Languedoïi que du pays coutumier^ ; que la guerre avoir été réfolue d'ans L'afTemblée 4$s états i.que pour faire l'armée & payer

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les frais & dépens d'icelle, les états avoîent avifé que par tout le pays couturriier il feroit mis une gabelle fur le fel , & aufïi fur tous les habitans marchands & repai— rans en icelui , il feroit levé une impo- firion de h+ùt deniers pour livre fur toutes, chofes qui feroient vendues audit pays y

\ excepté vente d'héritages feulement, laquelle feroit payée par le vendeur ; que ces gabelle & impofirion feroient levées félon certaines inftructions qui feroient faites fur ce ; que par les trois états feroient ordonnées Se députées certaines perfonnes bonnes &c honnêtes , folvables , loyales , & fans aucun foupçon, qui par les pays ordonneroient les chofes defTus dites ; qui auroient rece- veurs &; minifrres félon l'ordonnance & inftriiction qui feroit fur ce faite ; qu'outre les commiifaires *ou députés particuliers, des pays & des contrées feroient ordon- nées & établies par les trois états neuf perfonnes bonnes' & honnêtes, qui fe- roient généraux & kiperintendans fur tous

les autres , & qui auroient deux receveurs généraux..

Qu'aux députés, defïùs dits , tant géné- raux que-particuliers , feroient tenus d'obéir toutes manières de gens de quelque état ou condition qu'ils rufTent & quelque pri-' viiege qu'ils euifent ; qu'ils pourraient être-

Contraints, par lefdits. députés par toutes voies ëc manières, que bon leur femble- roit ; que s'il y en avoit aucun rebeller que les députés particuliers ne pufTsnt contraindre , ils lesajourneroient pardevant les généraux fuperintendans, qui les pour- raient contraindre & punir félon ce que- bon leur fembleroit, & que ce qui feroit fait & ordonné par les généraux députés: vaudrait & tiendrait comme arrêt de paro- le ment..

Il eft encore dit un peu plus loin , que lefdites aides & ce qui en proviendrait, ne feroient levées ni difîribuées par les gens; ( du roi ) ni par (es tréforiers & officiers ^ mais par autres bonnes, gens , fages ,, loyaux , & folvables , ordonnés , commis,, & députés par les trois états, tant es fron- tières qu'ailleurs conviendrait de les. diftribuer ; que ces commis & députes. jureroient au roi ou à (es gens f & aine: députés desjrois.àarsj que quelque aéceflk£

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qui advînt , ils ne donneroient ni ne diiîri- bueroient ledit argent au roi ni à autres, fors feulement aux gens d'armes & pour le fait de la guerre fufdite.

Le roi promet par cette même ordon- nance , & s'engage de faire auffi promettre fur les faints évangiles par la reine , par le dauphin , & tous les grands officiers de la couronne , fuperintendans , receveurs généraux & particuliers , & autres qui mêleront de recevoir cet argent , de ne le point employer à d'autres ufages , & de ne point adreffer de mandemens aux dé- putés , ni à leurs commis , pour diitribuer l'argent ailleurs ni autrement ; que fi , par importunité ou autrement , quelqu'un, obte- noit des lettres ou rnandemens au contraire, lefdits députés , commiflâires ou receveurs jureront fur les faints. évangiles de ne point obéir à ces lettres ou mandemens , & de ne point diftribuer l'argent ailleurs ni autrement ; que s'ils le faifoient, quelques mandemens qui leur vinffent «, ils feroienr privés de leurs offices &. mis en prifon fermée , de laquelle ils ne pourroient fbrtir ni- être élargis par ceffion de biens ou autrement jufqu'à. ce- qu'ils enflent entiè- rement payé & rendu tout ce qu'ils en auroient donné ; que fi par aventure quel- qu'un des officiers du roi ou autres , fous prétexte de tels mandemens , vouloient ou s'efforçoient de prendre ledit argent , lefdits députés & receveurs leur pourroienr & feroient tenus de réiifter de fait , & pourroient affembler leurs, voifins. des bonnes villes & autres , félon ce que bon leui fanbleroit ,. pour leur réfifrer comme dit eft..

Qn voit par- cette ordonnance qu'il y avoir deux fortes de députés élus parles états , ù voir les députés généraux , & les députés particuliers ; les uns & les autres étoient élus parles trois états , c'en1 pour- quoi les députés généraux étoient quel- quefois appelles Us élus généraux ; mais en les appelloit plus communément les généraux des aides : ceux-ci ont formé, la cour des aides..

Les députés particuliers furent d'abord nommés commis ycommiJJaires ou députés particuliers fur fait de s aides : ils étoient fiemmis. ou ordonnés.,. c'eU-àrdire dusçzr.

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les trois états , c'eff pourquoi dans la fuite le nom d'élus leur demeura propre.

On en établit dès -lors en plufieurs endroits du royaume , tant fur ks fron- tières qu'ailleurs cela parnf'néçeiïâire.

Ils prêtaient ferment tant au roi qu'aux états, étant obligés de conferver égale- ment les intérêts du roi & ceux des états qui les av oient prépofes.

Il ne paroît pas qu'ils fuflent chargés de la recette des deniers , puifqu'ils avoient fous eux des receveurs & minières à cet effet.

Leur fonction érbk feulement d'ordonner de tout ce quiconcernoit les aides , & de contraindre Jes redevables par toutes voies que bon leur fembîeroiî ; ils connohToient auffi alors de la gabelle du fef , & de toutes autres impofitions.

Ces députés particuliers ou élus, avoient pour cet effet tout droit de jurifdi&ion en première infrance ; ^ordonnance dont on vient de parler, fembie d'abord fup- pofer le contraire en ce- qu'elle dit que s'il y avoir quelques rebelles que les députés ne pufTent contraindre , ils les ajourne- roient devant les généraux fuperintendans; mais la même ordonnance donnant pouvoir aux députés d'ordonner & de contraindre par toutes fortes de voies 3 il cil évident qu'elle enrendoit auffi. leur donner une véritable jurifdiaion , 6k qu'elle n'atribua- aux généraux fuperintendans que le reiîbrt.

Gène fut pas feulement poijr ks aides qui fe Jeyoient fur les marchandifes que les trois états élurent des députés ; ils en établirent de même, pour les autres impo- fitions..

En efTer , les états tenus à Paris au mois; de Mars- fuivant , ayant accordé su roi. une aide ou efpece de" capitation qui devoir être payée par tous les fujets du roi , à proportionne leurs revenus; il fut ordonné que cette aide feroit levée par ks députés des trois états^ en chaque pays , la gabelle/ fut alors abolie :ainfî les élus n'avoient: plus occafion d'en ordonner. Les généraux : députés de Paris avoient gouvernement; & ordonnance fur tous les autres députes » il devoit y avoir en chaque- ville trois- députés particuliers ou élus , qui auroierrts : ua receveur. &- un. clerc sfoec e«x^ fie

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ordonneroient certains collecteurs par les paroiffes , qui s'informeroient des facultés de chacun ; que fi les députés en faifoient quelque doute, les collecteurs afligneroient ceux qui auroient fait la déclaration , par- devant les trois députés de la ville , lelquels pourroient faire affirmer devant eux la déclaration ; mais les collecteurs pouvoient l'aire affirmer devant eux les gens des villa- ges afin de ne les point traduire à la ville ; ceci confirme bien ce qui a déjà été dit de la jurifdiction qu'avoient dès -lors les élus. On doit auili remarquer à cette occafion , que les collecteurs avoient alors en tant qu'afféeurs des tailles une por- tion de jurifdiction , puifqu'ils faifoient prêter ferment devant eux aux gens de la campagne , par rapport à la déclaration de leurs facultés.

Il y eut en conféquence de l'ordonnance dont on vient de parler , des députés ou élus commis par les états dans chaque diocefe , & notamment en la ville de Paris, tant pour la ville que pour tout le diocefe.

Ces commiifaires députés des états pour la ville & diocefe de Paris , donnèrent le 20 Mars 1355 , fous leurs fceaux une ircf- truclion pour les commis qu'ils envoyoient dans chaque parohTe de ce diocefe ; elle eff intitulée , ordinatio per deputatos trium jîatuum generalium data : & à la manche il y a y declaraiio fubfidii , & perfonarum quje tenentur ad fubjidium. La pièce com- mence en ces termes ; les députés pour faire lever & cueillir en la ville & diocefe de Paris le fubfide dernièrement octroyé ; tel , &c. & plus loin il eft dit , pour ce efi-il que par vertu du pouvoir à nous commis ; vous mandons & commettons que tantôt & fans délai ces lettres vues , vous appelliez avec vous le curé de. . . . & par fon confeil éliriez ou preniez trois ou quatre bonnes perfonnes de bon état de ladite paroiflé avec lefquels vous alliez dans toutes les maifons demander la décla- ration de leur état & vaillant; c'eff ainfi que fe faifoit l'affiette de ces fortes d'im- pofitions.

Le roi Jean , par la même ordonnance dont on a déjà parlé , établit auflî des élus pour le fait des monnoies ; il dit en l'article vij , nous par le confeil des fuper-

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intendans élus par les trois états , élirons & établirons bonnes perfonnes & honnêtes, & fans foupçon pour le tait de nos mon- noies , lefquelles nous feront ferment en la préfence defdits fuperintendans que bien & loyaument ils exerceront l'office à eux commis. Ces commifîaires ou députés furent établis par lettres du 13 Janvier 135 5*

Les députés particuliers fur le fait des aides furent qualifiés d'élus dans une ordon- nance que Charles , dauphin de France , qui fut depuis le roi Charles V , donna au mois de Mars 1356, en qualité de lieutenant général du royaume pendant la capacité du roi Jean.

Il ordonne d'abord par le confeil des trois états , afin que les deniers prove- nans de l'aide ne ioient point détournés de leur deffination , qu'ils ne feront point reçus par les officiers du roi ni par les fiens , mais par bonnes gens fages, loyaux & folvables à ce ordonnés , élus & établis par les gens des trois états tant es fron- tières qu'ailleurs befoin fera ; que ces commis & députés généraux lui prêteront ferment & aux gens des trois états ; que les députés particuliers feront de même ferment devant les juges royaux des lieux, & que l'on y appellera une perfonne ou deux de chacun des trois états. Il paroît que ces députés dévoient avoir la même autorité que ceux qui avoient été établis dans les provinces par Y article ij de l'or- donnance du 28 Décembre 13 5 5-

II devoit y en avoir trois dans chaque diocefe , cependant la diftribution de leurs départemens étoit quelquefois faite autre- ment : en effet on voit par une commifllon donnée en exécution de cette ordonnance, que le diocefe de Clermont & celui de S. Flour avoient les mêmes élus. Cette même commiflion les autorifoit à aflembler à Clermont , à S. Flour , ou ailleurs , dans ces diocefes , tous ceux des trois états defdits diocefes que bon leur fembleroit pour raifon de l'aide.

Le dauphin Charles promit que moyen- nant cette aide, toute taille, gabelle, & autres importions cefîeroient.

Et comme il avoit eu connoiflance que plufieurs fujets du royaume avoient été fort grevés par ceux qui avoient été commis

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* lever , impofer & exploiter la gabelle , impofition & fubfides octroyés l'année pré- cédente ; que de ce que les commis levoient, il n'y en avoit pas moitié employé pour la guerre r mais à leur profit particulier ; pour remédier à ces abus , faire punir ceux qui avoient malverfé , & afin que les autres en prifTent exemple , le dauphin ordonna par la même loi que les élus des trois états par les diocefes fur le fait de l'aide , lefquels il commit à ce , verraient le compte des élus , impofiteurs , receveurs , collecteurs de l'année précédente ; qu'ils s'informe- roient le plus diligemment que faire fe pourroit , chacun en leur diocefe , de ce qui aurait été levé de ces importions , en quelle monnoie , & par qui , & le rap- porteraient à Paris le lendemain de quaji- modo pardevers le roi & les gens des trois états ,. pour y pourvoir le mieux qu'il ferait poffible.

Il eft encore dit par la même ordon- nance , que comme ceux qui étoient venus à Paris aux dernières, aflemblées d'états , avoient encouru la haine de quelques offi- ciers qui s'étoient efforcés de les navrer , ble lîèr ou mettre à mort , & qu'il en pourroit arriver autant à ceux qui vien- draient dans la fuite à ces fortes d'aflêm- blées , le prince déclare qu'il prend ces perfonnes fous la fauve-garde fpéciale du roi fon père & de lui, & leur accorde que pour la sûreté & défenfe de leur vie , ils puifïènt marcher avec fix compagnons armés dans tout le royaume toutes fois, qu'il leur plaira. Il défend à. toutes perfonnes de les molefter -, & veut qu'au . contraire ils foient gardés & confervés par tout le peuple , & enjoint à tous. juges de les laiffer aller eux & leur compagnie par-tout où, il leur plaira, fans, aucun empêchement pour raifon- du port d'armes, & de leur prêter main-forte en cas de befoin s'ils en font requis , pour les caufes defTus dites. On voit par-là que. le port d'armes .étoit dès-lors défendu. Cette ordonnance paraît auffi être la- première qui- ait établi la diltinclion des afleeurs & des collecteurs d'avec les élus.

L'inflruclion qui fut faire- par îes trois erats de la Languedoïl fiir le fait de cette aide , porte qu'il . y aurait en. la. ville, de i

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Paris dix perfonnes , & dans chaque eveché trois perfonnes des états élus tant par les gens de Paris que des évechés & diocefes autorifés de M. le duc de Normandie , (c'étoit le dauphin.)

Les bonnes villes & paroifles doivent élire trois , quatre , cinq , ou fix perfonneâ ( qui font en cet endroit les aiféeurs ) comme bon leur femblera , qui allieront par ferment ladite cueillete.

Il eft au AL ordonné qu'il fera établi par les trois, élus un ou plufieurs receveurs es villes & évêchés de leur département (ce font les collecteurs ) , qui recevront l'argent de ce fubfide en la manière & au lieu^ ordonné par les élus..

Que les élus feront auffi— rot publier que les gens d'églife & les nobles aient à donner- la declaration.de leurs biens. Que les maires & échevins ,. & autres officiers des com- munes , ou les curés dans les lieux il n'y a pas de commune , leur donneront auffi la déclaration du nombre de feux;, que les élus prendront note des bénéfices & de leur revenu , du nom des nobles & leurs poifeffions ,. du. nombre, de feux de chaque lieu..

Enfin que les élus feront- contraindre toutes lefdites perfonnes par leurs commis & députés y. comme pour, les propres dettes du roi,, favoir , les gens du clergé vivant cléricalement par les juges ordinaires de l'églife ; & il femble par-là que les élus n'euffent pas alors de. jurifdiclion fur les eccléfiaftiques.

Comme l'aide établie par l'ordonnance du Roi Jean, du 28 Décembre 1355, n'avoit heu que dans le payscoutumier, les états de la -Languedoïl accordèrent de leur part au mois de Septembre 1356 5 une aide au roi ; & à cette -occafion le Dau- phin Charles . rendit encore, une ordon- nance au mois de Février fuivant, portant que les états entretiendraient pendant un ^an içoco. hommes armés ; que pour l'en-* t retien de- ces troupes ,. chacun paierait une certaine fomme qui étoit une efpece décapitation ; qu'en outre, les Su jets des prélats & des nobles ,. & les autres habi- tans qui auraient. douze ans, & quiferoient aifés, paieraient un autre fubfide à pro- portion de. leurs biens, .

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Que fur les fommes provenantes de cts importions , la fblde des gens de guerre leur feroit payée par quatre tréforiers généraux choifis par les tfcois états ; & que ces quatre tréforiers généraux en nommeroient d'autres particuliers dans chaque fénéchauflee , pour lever les im- pofitions.

Que le paiement des gens de guerre feroit fait par les quatre tréforiers géné- raux, fous les ordres de vingt-quatre per- fonnes élues par les trois états , ou de pluiieurs d'entr'eux ; que ces vingt-quatre élus feroient appelles au confeil du lieute- nant du roi lorlqu'il le jugeroit à propos; qu'eux feuls pourroient donner une décharge fuififante aux tréforiers.

Que les trois états députeroient douze perfonnes , quatre chaque ordre pour recevoir les comptes , tant des quatre tréforiers généraux que des particuliers , & leur feroient prêter ferment à eux & à leurs commis: que les tréforiers généraux & particuliers ne rendroient compte à aucun officier du roi , quel qu'il fût , mais feulement aux douze députés des états

3ui feroient auffi pafTer en revue les gen- armes & les autres troupes , & leur fe- roient prêter ferment.

Telle fut l'origine des élus qui font en- core nommés dans les pays d'états ; mais dans ces pays il n'y a pas communément des tribunaux d'élections , excepté dans quelques-uns comme dans les généralités de Pau , Montauban & Bourgogne ; il y a auffi dans ces mêmes pays d'états des juges royaux qui connoiffent des matières d'élection, & dont l'appel en ces matières refîbrtit aux cours des aides chacune en droit foi.

Les trois états de la Languedoïl af- {èmblés à Compiegne , ayant accordé au dauphin Charles une nouvelle aide en 1358 , le dauphin fit encore une ordon- nance le 14 Mai de ladite année , par laquelle il révoque toutes lettres & com- miffions par lui données fur le fait des fub- iides & aides du temps paffé , tant aux généraux de Paris qu'aux élus particuliers par les diocefes & autrement ; que les prélats & autres gens d'églife , nobles & gen^ des bonnes villes avoient élu fk éli-

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roient des perfonnes pour gouverner lYidd qui venoit d'être octroyée.

Il ordonne enfuite que les élus des pays (de la Languedoïl) pourroient , quant aux gens autres que de fainte églife , faire mo- dération loyalement , de bonne foi , fans fraude , comme ils verroient être à faire ; & que,- quant aux gens d'églife demeurant dans lefdits plats pays connus , & qui y auroient leurs bénéfices , les prélats du lieu appelles , avec eux les élus & le receveur pourroient les modérer quant au dixième defdits bénéfices , après avoir oui lefdits élus & receveur.

Que certaines perfonnes , c'efl à favoir une de chaque état , feroient élus par les gens d'églife , nobles & bonnes villes , & commis de par le dauphin pour le fait def- dites aides ordonner & mettre fus & gou- verner es lieux ils feroient des commis & receveurs qui recevroent les deniers de cette aide. Que ces receveurs feroient ordonnés par les élus , par le confeil des bonnes gens du pays. Que les élus & rece- veurs feroient ferment au roi ou à fes officiers , de bien & loyalement com- porter fur ce fait. Il n'eft plus parlé en cet endroit de ferment envers les états.

Les élus étoient alors au nombre de trois ; car le même article dit qu'ils ne pourroient rien faire de confidérable fur ce fait l'un fans l'autre, mais'tous les trois enfemble.

Ces élus avoient des gages & régloient ceux des receveurs : en effet l'article fui- vant porte que les autres aides du temps paffé avoient été levées à grands frais , & qu'elles avoient produit peu de chofe à caufe des grands & exceffifs gages & falaires des élus particuliers , receveurs généraux à Paris. C'efl pourquoi le dauphin ordonne que chacun des élus aura pour fes gages ou falaires livres tournois pour l'année , & les receveurs au deffous de ladite fomme , félon ce que les élus régie- roient par le confeil des bonnes gens du pays.

A l'occafion de cette aide le Dauphin donna encore des lettres le même jour 14 mai 1358 , portant que dans l'afTem- blée des états de la Languedoïl, meflire Sohier de VoHïns , chevalier , avoit été élu de l'état des nobles pour ladite aide , mettre

fus

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fus & gouverner en la ville & diocefe de Paris , excepté la partie de ce diocefe qui tir. de la prévôté & reilbrt de Meaux ; que pour l'état de l'églife , ni pour les bonnes •villes & plats pays aucuns n'avoient été élus pour la ville de Paris ; & en confé- quence il mande au prévôt de Paris , ou fon lieutenant , qu'ils fafïênt alfembler Paris les gens d'églife & de la ville de Paris , & les contraindre de par le roi & le dauphin d'élire , favoir l'état de l'églife , une bonne & furfifante perfonne ; 6k pour les gens de la ville de Paris & du pays , un bon & lliffilant bourgeois , pour gouverner l'aide avec le fufdit chevalier ; que 11 ces élus étoient refufans ou délayans de s'acquitter de ladite commiflîon , ils y feroient con- traints par le prévôt de Paris , favoir lefdits chevaliers & bourgeois par prife de corps & biens , & celui qui leroit élu par l'églife , par prife de fon temporel ; que li lefdits gens d'églife & bourgeois refufoient ou dif- féraient de faire l'élection } le prévôt de Paris , ou Ion lieutenant , éliroit par bon confeil-deux bonnes & fuffifantes perionnes à ce faire , c'elî- -à- favoir de chacun def- dits états avec ledit chevalier. L'exécution de ces lettres ne fut pas adrefïee aux géné- raux des aides , attendu que par d'autres lettres du même jour toutes les commiûions de ces généraux avoient été révoquées , comme on Fa dit ci-devant.

Enfin il eft dit que les élus feront Tin- quifirion & compte du nombre des feux des bonnes villes & cités , & par le confeil des maires des villes ou aiourne's , dans les lieux il y en a , linon des perionnes les plus capables.

Le roi Jean ayant , par fon ordonnance du 5 Décembre 1360 , établi une nouvelle aide fur toutes les marchandifès & denrées qui feroient vendues dans le pays de la Languedoïl ; le grand confeil fit une inl- truâion pour la manière de lever cette «ide , & ordonna que pour gouverner l'aide en chaque cité , & pour le diocefe , il y aurait deux perionnes notables , bonnes & fuffilàntes : ainli le nombre des élus fut réduit à deux , au lieu de trois qu'ils étoient auparavant.

Il fut aufïl ordonné que l'impolîtion de

douze deniers pour livre fur toutes les mar-

Tome XIL

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cliandifes & denrées , autres que le fel , le vin & les breuvages , feroit donnée à ferme ; les cautions prifes & les deniers reçus de mois en mois par les élus & députés en, chaque, ville , pour toute la ville & dio- cefe d'icelie , tant par eux que par leurs députés.

Les députés dont il eft parlé dans cet article , & qui dans une autre ordonnance du premier Décembre 1383 , & autres ordon- nances poftérieures , font nommés commis des élus y étoient des lieutenans que les élus de chaque diocefe envoyoient dans chaque ville de leur département , pour y connokre des importions. Ces élus particuliers furent depuis érigés en titre d'office^ par Fran- çois Ier : ce qui augmenta beaucoup le nom- bre des élevions _, qui étoit d'abord feuie-r ment égal à celui des diocefes.

L'inf traction du grand confeil de 1360 , portoit encore que les élus établiraient des receveurs particuliers en chaque ville , bon leUr fèmbleroit , pour lever l'aide du. vin & des autres breuvages.

Que tous les deniers provenans de cette aide , tant de l'impolîtion des greniers à fèl , que du treizième des vins & de tout autre breuvage , feroient apportés & remis aux élus & à leur receveur , pour ce qui en auroit été levé dans la ville & dioceie de leur département ; que les deniers ainli reçus , feroient mis par eux chaque jour; en certaines huches , écrins , coffres , 04 arches , bons & forts , & en lieu sûr ; &; qu'à ces huches , coffres , &c. il y auroic trois ferrures fermantes à trois diverfes clefs , dont chacun defdits élus & rece- veurs en auroient une ; & qu'ils donne- raient fous leurs fceaux , lettres & quif^ tances des deniers reçus à ceux qui les paieraient.

Que lefdits élus & receveurs feroient tenus d'envoyer à Paris tous les deux mois pardevers les tréfbriers généraux ordonnés , & le receveur général , pour l'effet de l'aide defîus dite , tous les deniers qu'ils auraient pardevers eux ; & qu'ils en prendraient, lettres de quittance deiuits tréforiers & rece- veur général.

S'il étoit apporté quelque trouble aux élus en leurs fonctions , ou qu'ils euflén? quelque doute , l'ordonnance dit qu'ils eq

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écriront aux tréforiers généraux à Paris , lef- buels en feront leur déclaration.

Enfin il eit dit qu'il leur fera pourvu , & à leurs receveurs & députés , de gages ou falaircs fuffifans.

L'inftrudion qui efl enfuite , fur l'aide du fel , porte que dans les villes il n'y aura point de grenier établi , l'aide du fel fera vendue &: donnée à ferme par les élus dans les cités , ou par leurs députés , par mem- bres & par parties , le plus avantageufe- inent que faire fe pourra ; & que les fer- miers feront tenus de bien applégier leurs fermes , c'eft-à-dire , de donner caution , & de payer pardevers les élus & leur rece- veur , le pri* de leurs fermes : favoir , poul- ies fermes des grandes villes , à la fin de chaque mois , & pour celles du plat-pays , tous les deux mois.

Il fembleroit «, fuivant cet article ,. que les élus n'avoient plus d'infpedion fur la gabelle , que dans les lieux il n'y avoit point de grenier à. fel établi i on verra ce- pendant le contraire dans l'ordonnance de 12.79 , dont on parlera dans un moment.

Charles V , par une ordonnance du 19 juillet 1367 , régla que les élus de chaque diocefe aviferoient tel nombre d'entre les fergens royaux qui leur feroit néceffaire pour faire les contraintes ; & qu'ils arbitre- roient le falaire de ces fergens. C'efî fans doute là* l'origine des huiffiers attachés aux élections-, & peut-être un guliérement celle des huiffiers des tailles.

Ce même prince ordonna au mois d'Août 1370 , que les élus fur le fait des fubfides , dans la- ville , prévôté , vicomte & diocefe de Paris, ne feroient point garans des fer- mes de ces fubfides. qu'ils adjugeroient , ni de la régie des collecteurs qu'ils nomme- roient pour faire valoir la ferme- de ces fub- ïides , qui auroient été abandonnés par les fermiers.

Par deux ordonnances des 13 Novembre 1372 , & 6 Décembre 1373., il défendit aux élus de faire commerce publie ou caché d'aucune forte de marchandifes , à, peine d'encourir l'indignation du roi , de' perdre leurs offices , & de reflitution de leurs ga- ges ; il leur permit feulement de fe défaire inceffamment des marchandifes qu'ils rjour- xoient avoir alors..

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II ordonna aufîi que les généraux dimî- nueroient le nombre des élus.

Et dans Y article z 8 , il dit que pour ce qu'il eft voix &: commune renommée , que pour l'ignorance , négligence ou défaut d'au- cuns élus & autres officiers , fur le fait des aides , & pour l'exceQif nombre d'iceux ,. dont plufieurs avoient été mis plutôt par importimité , que pour la fuffifance d'iceux , les fermes avoient été adjugées- moins fiire- ment , & fouvent moyennant des dons ; que quelques-uns de ces officiers les avoient fait prendre à leur profit , ou y étoient in- téreflés ; qu'ils commettaient de femblables abus dans Paillette des fouagesr le chance- lier & les généraux enverroient inceffam- ment des réformateurs en tous les diocefes de Languedoc , quant au fait des aides ; que les élus & autres officiers ( apparem- ment ceux qui auroient démérité ) lèroient mis hors de leurs offices ; qu'on leur en fubrogeroit d'autres bons & fuffifans ; que ceux qui feroient trouvés prud'hommes , & avoir bien & loyalement fervi , feroient honorablement & grandement guerdonnés r c'eft-à-dire , récompenfés & employés L d'autres plus grands & plus honorables offi> ces , quand le cas y écherroit-

L'infîruction & ordonnance qu'il donna aumois d'Avril 1374 , fur la levée des droits, d'aides , porte que l'impofition de douze deniers pour livre feroit donnée à ferme dans tous les diocefes , par les élus ; qu'ils aflermeroient féparément les droits fur le vin ; que ceux qui prendroienr ces fermes ,. nommeroient leurs- cautions aux élus ; que ceux-ci ne donneroient point les fermes j à leurs parens au deffous de leur valeur ; qu'ils feroient publier les fermes dans les villes & lieux accoutumés y- par deux ou trois marchés ou dimanches , & les don- neroient au plus offrant ; que le bail fait ,. feroit envoyé aux généraux à Paris :, qu'au- cun élu ne pourra être intéreffé dans les fermes du roi, à peine de confifeation de fes biens ; que le receveur montrera cha- que femaine fon. état aux élus : enfin , ce même règlement fixe les émolumens que les élus peuvent prendre pour chaque ade de leur miniflere , & fait mention d'un règle- ment fait au confeil du roi , au mois d'Août précédent fur Y auditoire des dus.

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Cette pièce eft la première qui fafïè men- tion de Yauditoire des élus ; mais il eft confiant qu'ils dévoient, en avoir un , dès qu'on leur a attribué une jurifdiction.

Celui de X élection de Paris étoit dans l'enclos du prieuré de S. Eloy en la cité ; comme il paroît par les lettres de Charles VI, du 2. Août 1398 , dont on parlera ci- après en leur lieu. Il eft dit, au bas de ces lettres , qu'elles furent publiées à S. Cloy ; mais il eft évident qu'il y a en cet endroit un vice de plume ; & qu'au lieu de S. Çloy, il faut lire S. Eloy, qui eft le lieu font préfèntement les Barnabites.

Il paroît en effet que c'étoit en ce lieu les élus tenoient d'abord leurs féances , avant qu'ils enflent leur auditoire dans le palais il eft préfèntement.

Il y# avoit anciennement dans l'empla- cement qu'occupent les Barnabites & les maifons voifines , une vafte , belle & grande maifon , que Dagobert donna à S. Eloy , lequel établit en ce lieu une abbaye de filles , appellée d'abord S. Martial , ôc en- fuite S. Eloy. Les religieufes ayant été difperfées en 1107 , on donna aux reli- gieux de S. Maur-des-FofTés cette maifon , qui fut réduite fous le titre de prieuré de S. Eloy : ce prieuré avoit droit de juftice dans toute l'étendue de fav feigneurie , qui s'étendoit aufli fur une coulture appellée de S. Eloy y eft préfèntement la paroifîe S. Paul : elle avoit près du même lieu , fa prifon qui fubfïfte encore , appellée la pri- fon de S. Eloy ; mais la juftice du prieuré qui appartenoit depuis quelque temps à l'évêché de Paris , fut fupprimée en 1674, en même temps que plufieurs autres juftices feigneuriales qui avoient leur fiege dans cette ville.

On ignore en quel temps précifément les élus commencèrent à fiéger dans l'enclos du prieuré de S. Eloy , mais il y a apparence que ce fut dès le temps de S. Louis , lequel établit des élus pour la taille : ce prince habitoit ordinairement le palais fitué proche S. Eloy. Philippe-le-Bel y logea le parle- ment en 1302.: mais comme ce prince & plufieurs de Cqs fucceflèurs continuèrent encore pendant quelque temps d'y demeu- rer , il n'eft pas étonnant qu'on n'y eût pas placé dès -lors ï élection y non plus que

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bien d'autres tribunaux qui y ont été mis depuis.

D'ailleurs., comme la fonction des élus n'étoit pas d'abord ordinaire , ils n'avoienc pas befoin d'un fiege exprès pour eux : c'eft apparemment la raifon pour laquelle ils choi- fîrent le prieuré de S. Eloy , pour y tenir leurs afTemblées & féances ; & lorfque leur fonction devint ordinaire , & que le droit de jurifdi&ion leur fut accordé , ils établi- rent leur fiege dans le prieuré de S. Eloy, fans doute pour être plus à portée du palais, & de rendre compte de leurs opérations aux généraux des aides.

Il y avoit dans l'ancienne églife de S. Eloy,' une chapelle fondée en 12.39 , par Guillaume de Vanves & Sanceline fa femme , en l'hon- neur de S. Jacques & de S. Maur , à laquelle Guillaume Cerveau , élu des aides , fit du bien en 1417 ; ce qui donne lieu de croire que les élus de Paris avoient encore leur fiege dans ce prieuré.

On ne voir pas s'il y avoit un fiege exprès pour eux. Il eft probable qu'ils tenoient leurs féances dans Yauditoire de la juftice du prieuré ; de même qu'ils fe fervoient de la prifon de cette juftice , pour y ren- fermer ceux qui étoient. détenus en vertu de leurs ordres ; en effet , cette prifon eft en«- core celle l'on écroue les collecteurs que l'on conftitue prifonniers pour la taille , & autres perfonnes arrêtées à la requête du fermier général du roi , & en vertu des jugemens de Y élection : & la cour des aides envoie fes commiflaires faire la vifite de cette prifon toutes les fois qu'il y a féance aux prifons.

Ce ne fut probablement qu'en 1452,* que Yauditoire de Yélection de Paris fut transféré dans le palais , & en conféquence de l'ordonnance du mois d'Août de ladite année , portant que le fiege des élections1 ■feroit établi au lieu le plus convenable de leur reffort.

Comme toutes les importions , dont les élus avoient la direction , étoient levées extraordinairement , pour fubvenir aux dé-»- penfes de la guerre ; c'eft delà que dans des lettres de Charles V , du 10 Août 1374 , ils font nommés élus Ù receveurs fur le fait de la guerre ; ce qui eft une abréviation du titre qu'on leur donnoit plus fouvent d'élus

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fur le fait de l'aide ordonnée pour la guerre.

On voit par une ordonnance du 13 juillet 1376, que c'étoient les élus qui donnoient à ferme l'impolition foraine dans chaque élection ; mais il paroît aufli par des lettres <3u roi Jean , du 27 novembre 1376 , adref- ïees aux élus fur l'impofition foraine , qu'il y avoit des élus particuliers pour cette forte d'impofition.

Au mois de Novembre 1379 , Charles V fit une autre ordonnance fur le fait des aides & de la gabelle , portant qu'attendu les plaintes faites contre les élus & autres officiers ils feraient vifités , & leurs œuvres & gouvernement fus ; que ceux qui ne ièroient pas trouvés fuffifans en difcrétion , loyauté & diligence, ou n'exerceroient pas leurs offices en perfonne , en feroient mis dehors ; & qu'en leur place il en ferait mis d'autres , que le roi feroit élire au pays , ou qui ièroient pris ailleurs , fi le cas fe préfent oit.

Il défendit aux élus de mettre es villes & paroifïès du plat-pays des afTeeurs des fouages ou collecteurs , mais que ces afféeurs & collecteurs Ièroient élus par les habitans des villes 6c paroifïès ; que pour être mieux obéis , ils prendroient , s'il leur plaifbit, des élus commiâlon leur pouvoir , qui leur ieroit donnée fans frais.

Que fi l'on ne pouvoit avoir aucun fer- gent royal pour faire les contraintes , les élus ou receveurs donneroient à cet effet commiflîon aux fergeras des hauts-jufticiers.

Que fi dans les villes fermées il y avoit quelques perfonnes puiffantes qui ne vou- lufïènt pas payer , ou que l'on n'osât pas .exécuter , elles feroient exécutées par les v élus , leurs receveurs ou commis de la ma- nière la plus convenable , & contraintes de payer le principal & acceffoires fans déport,

. Le nombre des élus s'étant trop mul- tiplié , Charles V ordonna qu'il n'y en aurait que trois à Paris, deux à Rouen, pour la ville & vicomte ; un à Gifors , un à Tefcamp , & deux en chacun des autres diocefes.

Qu'aucun receveur ne feroit l'office d'élu..

11, révoqua & ôta tous les élus receveurs généraux y excepté, le receveur général de Paris.

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Il ordonna encore qu'en chaque diocefe ou ailleurs il y auroit des élus , il y auroit auffi avec eux un clerc ( ou greffier ) qui feroit gagé du roi , feroit le contrôle des livres des baux des fermes , des en- chères , tiercemens , doublemens , amen- des , tant du fait du fel , que des autres taxations , défauts & autres exploits ; qu'il feroit les commiflions du bail des fermes , & autres écritures à ce fujet , fans en pren- dre aucun profit , autres que fes gages ; que les élus ne fcelleroient ni ne délivreroient aucune commiflîon ou lettre , fi le clerc ne l'avoit d'abord fignée , & qu'il en enr- régifrreroit auparavant la fubftance par- devers lui.

Que les œuvres , c'eft-à-dire les regiftres , qui feront envoyés en la chambre des comp- tes , quand le receveur voudrait compter , feroient clos & fcellés des fceaux des élus, & fignés en la fin du total de chaque fubfide , & aufli à la fin du total du livre , du fting manuel des élus & de leur clerc.

Si le grenetier d'un grenier à fel. trouvoit quelques marchands ou autres perfonnes en contravention , il devoit requérir les élus du lieu qu'ils en fifTont punition ; fi c'étoit en lieu il n'y eût point d'élus, mais feulement grenetier & contrôleur , ils en pouvoient ordonner félon la qualité délit , Ùc.

Dans chaque diocefe, il devoit être mis certains commiflaires ( ou gardes des ga- belles) par les élus , grenetiers & contrô- leurs des lieux. Ces gardes dévoient prêter, ferment tous les ans-, aux élus &, grene- tiers, de prendre les délinquans , & de les- leur amener ; ou s'ils ne pouvoient les prendre , de révéler leurs -noms aux élus & grenetiers.

Ceux-ci dévoient auffi tous les ans faire prêter ferment fur les faint-s évangiles aux collecteurs des fouages de chaque paroifïè , , de leur donner avis des fraudes- qui pou- voient fè commettre pour -le fel. Les élus , grenetiers , clercs , contrô- leurs , & chacun d'eux , dévoient aufli s'informer- diligemment de toutes les con- traventions au fufet du fel ; & après infor- mation y punir les coupables ; ou s'ils n'en' vouloient pas connoîrre , les faire ajourner , pardevant les généraux à- Paris,.

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Les éfats d'Artois , du Bqnîonnois , du comté de Saint-Pol , ayant accordé une aide , commirent auili des élus dans leur pays pour recevoir le paiement de cette aide ; & ces élus furent autorifés par Charles VI, comme il eft dit dans une ordonnance du mois de juin 1381.

Il y avoit aufli en 1382 des élus dans la province de Normandie : car les habi- tans du Vexin-François obtinrent le 21 juin de ladite année , des lettres de Charles VI , portant qu'ils paieroient leur part de Paide qui avoit été établie à des perlonnes prépofées par eux , qui ne feroient point ïoumifes aux élus établis par les trois #états de Normandie.

Le 26 janvier de la même année I3^2> Charles VI donna des lettres , par les- quelles il autorifa les généraux des aides , toytes les fois que le cas le requerroit , de mettre , ordonner , & établir les élus , de les fubftituer ou renouveller , fi befoin étoit , en toutes les villes , diocefes, & pays , où. les aides avoient cours. Il y eut encore dans la fuite d'autres lettres & réglemens , ; qui leur confirmèrent le même pouvoir.

Dans le même temps , c'eft-à-dire le 21 janvier 1382, Charles VI fit une inftrue- tion pour la levée des- aides , . qui contient plufieurs réglemens par rapport aux élus , pour la manière dont ils dévoient adjuger les fermes à l'extinction . de. la chandelle , & pour la fixation de leurs droits. . Mais ce qui eft plus remarquable ,, c'eft ce- qui touche leur jurifdiction. Il eft dit que les élus auront connoiflànee fur les fermiers ; qu'ils feront droit fommairement> &: de plain. (de, piano) , fans figure de jugement ( ce quis'obferve encore.) ; qu'en cas d'ap- pel , les parties feront renvoyées devant les généraux fur le fait des aides à Paris, pour, en ordonner & déterminer par eux; que les élus feront ferment d'exercer leurs offices- en perfonne ; que fi aucun appelle des élus , l'appellation- viendra, pardevant les généraux, comme autrefois a été fait; ce qui eft dit ainfi , parce que l'on avoit cefîë. pendant quelques années , à caufe-des troubles , de lever des aides dans le royaume, '& que cela avoit aufli interrompu l'exercice de. toute jurifdi&on fur cette matière...

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Ce que porte ce règlement au fujet de la jurifdiction des élus & de l'appel de leurs jugemens , eft répété mot pour mot dans- une autre infini clion faite fur la même matière au mois de février 1383.

L'ordonnance que Charles VI fit en la- même année , qualifie les élus de collège 9. tant ceux des fjeges généraux , que des fie- ges particuliers ; étant dit qu'en cas d'em- pêchement , ils pourront , collégialement aiîêmblés , établir un commis ( ou lieute- nant ) , homme de bien , lettré , & expéri- menté au fait de judicature. '

Le même prince, par fon ordonnance du mois de février 1387 , réduifit encore le nombre des élus , voulant qu'en chaque diocefe il n'y en eût que deux, un clerc,, & un lai , excepté en la ville de Paris ou - il y en auroit trois, & que l'on y mettroit les plus fuffifans- par élection , appelles à ce , les gens du confeil du roi y Ù les généraux des aides.

L'inftruclion qu'il fit pour la levée des aides le II mars 1388 , portoit que dans les-plus grands diocefes il n'y auroit qu'un « élu pour le clergé , & deux élus, lais : qua- dans les lieux de recette il n'y avoit pas d'évêché , il n'y. auroit qu'un élu , moyen- nant que le receveur des aides feroit avec l'élu. toutes- les fois qu'il feroit néceflaire ; que cependant les élus qui étoient à Paris, y demeureroient jufqu'à ce que les généraux eufîënt fait leur rapport au roi i des pays ils dévoient aller. , & . qu'alors, il en feroit . ordonné par le roi.

Que les clercs ( greffiers ) des élus , fe- roient mis à leurs périls , falarres , & dépens j , fans prendre aucuns frais ni gages fur le roi ni fur le peuple, caufè de leurs let- tres ou autrement , , excepté, ce- qui leur étoit permis par l'inftruâion ancienne, -

Que comme plufieufrs élus & autres offi- ciers des aides y avoient été mis par- faveur ; , que plufieurs ne- favoient, ni lire ni écrire , , ou n'étoienr point d'ailleurs au fait, des aides - & des tailles qui avoient été.mifes en fus ; - que les généraux -réformateurs qui avoient été-ordonnés depuis peu -, feroient leurrap- - port au confeil de ceux qu'ils auroient appris - à ce fujet , & que les élus qui feroient trouvés capables , feroient confervés dans: leurs offices.; les. autres. en feroient privés,-

38 E L E

Une autre inftruction que ce même prince fit le 4. Janvier 1392- , veut que les élus lais & commis par le roi , connoiiTent du faït des aides comme par le parle , & pa- reillement l'élu pour le clergé. Il femble par-là que le roi ne commit que les élus lais , & que l'autre fut commis par le clergé.

Au mois de juillet 1388 , Charles VI fit encore une nouvelle inftruction fur les aides , portant , entre autres chofes , que fi quel- ques officiers des aides étoient maltraités dans leurs fonctions par quelque perfonne que ce fût , noble , ou non noble , les élus ou grenetiers en informer oient ; que s'ils avoient befoin pour cet effet de confeil ou de force, ils appelleroient les baillis & juges du pays, & le peuple même s'il étoit né- cefîaire ; qu'ils auroient la punition ou cor- rection des cas ainfi advenus , ou bien qu'ils pourroient la renvoyer devant les généraux confeillers , lefquels pourroient auffi les évo- quer & en prendre connoifïance , quand même les élus ou grenetiers ne la leur au- roient pas renvoyée.

Il eft auljl défendu aux élus & à leurs commis de prendre fur aucun fermier ni autre , douze deniers pour livre , comme quelques-uns s'ingéroient de prendre pour vinage ou pot de vin , ni aucun profit fur les fermes , à peine d'amende arbitraire & de privation de leurs offices. C'eft fans doute ce qui a donné occafion de charger les baux des fermes envers les cours des aides & élections y de faire chaque année certains préfens aux officiers.

Le même prince , par fon ordonnance du 2.8 mars 1395 , portant établifTement d'une aide en forme de taille , ordonna que cette aide ou taille feroit mife par les élus lur le fait des aides , es cités , diocefes & pays du royaume , qu'il avoit commis à cet effet par d'autres lettres.

Celles du 28 août 139^ , par Icfquelles il inflitua trois généraux des finances , por- tent que ces généraux pourroient ordonner, commettre & établir tous élus ; les deffituer & démettre de leurs offices s'ils le jugeoient à propos , fans que les généraux , pour le fait de la juffice , pufïent s'en entremettre en aucune manière.

Le roi laifToit quelquefois aux élus le choix d'affermer les aides , ou de les met?-

E L E

tre en régie ; comme on voit par des îef-ï très du même prince , du 2. août 1398 , adreflées A nos ame's les élus fur le fait des aides ordonnées pour la guerre dans la ville & djocefe de Paris. Ces lettres conti- nuent pour un an l'impofition de toutes denrées ou marchandées vendues , l'impo- fition des vins & autres breuvages vendus en gros , le quatrième du vin & autres breu^ vages vendus en détail ,. l'impofition foraine , & la gabelle du fel ; & le roi mande aux élus de Paris , de les faire publier & don- ner à ferme le plus proficablement que faire le pourra , ou de les fà*ire cueillir & lever par la main du roi , c'eft-à-dire , par forme de régie. Il eft marqué au bas de ces lettres , qu'elles ont eu' publiées à S. Eloy , devant les élus de Paris.

Charles VI fît encore plufieurs régle- mens concernant les élus ; par fon ordon- nance du 7 janvier 1400 , il régla qu'il n'y auroit à Paris , fur le fait des aides , que trois élus 3 & un fur le fait du cierge , c'eft-à-dire pour les décimes qui fe levoient fur le clergé.

Qu'en chacune des autres bonnes villes du royaume , & autres lieux il y avoit ordinairement Jiege d'élus y il n'y aura dorénavant que deux élus au plus avec celui du clergé ; dans les lieux il y en avoit ordinairement un , que le nombre des élus feroit encore moindre , fi faire fe pou- voit , félon l'avis des généraux ; & afin que lefdites élections fuffent mieux gouvernées , que les élus feroient pris entre les bons bourgeois , riches & prud'hommes des lieux ils feroient établis élus. Cette ordon- nance eft , à ce que je crois , la première qui ait- qualifié Sélection le fiege des élus ; & depuis ce temps , ce titre eft devenu pro- pre à ces tribunaux. On dit pourtant encore quelquefois indifféremment une fen- tenee des élus , ou une fentence de Vélec~ tion.

La même ordonnance porte encore que ceux" qui feroient ordonnés pour demeurer dans ces offices , ou qui y feroient mis de nouveau , auroient des lettres du roi fur ce , paffées par les trois généraux , & fcellées du grand fceau.

Que comme on avoit propofé de donner à ferme au profit du roi les offices des cler«

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giés des élus, & auffi les offices des greffes de leurs auditoires, cette affaire 1er oit dé- battue pour (avoir ce qui feroit le plus avan- tageux. Cette difpofition fait juger que les élus avoient alors deux greffiers , l'un pour les affaires contentieufes dont ils étoient juges , l'autre pour les opérations de finan- ces dont ils étoient chargés.

Les commiffions d'élus furent enfin éri- gées en titre d'office formel fous le rogne de Charles VII , lequel , dans une ordonnance du mois de juin 1445 , appelle les élus fes juges ordinaires.

Les élus particuliers dont nous avons déjà touché quelque chofe , furent auffi éri- gés en titre d'office par François I. L'appel de ces élus fe relevoit d'abord devant les élus en chef. Par une déclaration de Char- les VII, du 23 mars 145 1 , il fut ordonné qu'il fèroit relevé en la cour dts aides ; mais par un édit du mois de janvier 1685 , les élus particuliers ont été fupprimés & réunis aux élus en chef , & toutes les commiffions furent érigées en élection en chef.

Il y a préfentement 181 élections dans le royaume , qui font difîribuées dans les pro- vinces & généralités , qu'on appelle pays d'élections ; favoir ,

Dans la généralité de Paris y vingt-deux élections*

Paris.

Beauvais.

Compiegne.-

Senîis.

Meaûx.

Rozoy.

Coulommicrs.-

Provins.

Montereâu.

Nogent-fur-Seine.

Sens-

Pontorf«..

Vezelay.

Joigny.

Saint-Floréntin.-

Tonnerre.

Nemours.

Melun.

Étampes.

Mantes.

Mon tfort-Lam aury

Dreux.

Amiens y fx.

Amiens. .Abbeville.- Dourlens..

Peronne. Montdidier. Saint- Quentin*,

E L E

SoiJ/bns y fept.

SohTons. Crefpy.

Laon. Clermont.

Noyon. " Guife. Château -Thierry.

Orléans y dou\e.

33

Orléans.

Petiviers.

Beaugency*

Chartres.

Châteaudun.

Vendôme.

Montargis*

Gien.

Blois.

Romorantkiv

Dourdan.

Clamecy.

Bourges y fept.

Bourges* IfToudun. Château-Roux* Leblanc*

La Châtre. Saint-A#nand. La Charité-fur- Loire.

Moulins y fept.

Moulins* Gannat. Montluçon; Gueret.

Evaux.

Nevers.

Chateau-Chinon.

Lyon , cinq.

Lyon.

Saint-Etienne.-

Montbrifon.

Roanne.

Villefranche en Beau- joiois.

Riom.

Clermonts Iifoire.

Grenoble. Vienne. Roman Si

Riom y frx.

Brioude. Saint-Flour. Aurillac.

Grenoble y Jix.

Valence.

Gap.

Montelimart.

Poitiers y neuf.-

Poitiers.- Niort.

S'aint-Maixant. Fontenay. , ; Thouar-s,

Ghâtillon.

Les fables d'Olonne.

Châtellerault. .

Gonfolens.

BLE

La. Rochelle , cinq.

La Rochelle. Marenne.

Saintes. Coignac.

Saint- Jean-d'Angely.

Limoges y cinq.

Bourganeuf. Angoulême.

Limoges.

Tulles.

Brives.

Bordeaux , cinq.

Bordeaux. Agen*

Périgueux. Condom.

Sarlat.

Tours y fei^e.

Tours. Saumur.

Amboife. Château-Gontier.

Loches. Baugé.

Chinon. La Flèche.

Loudun. Le Mans.

Richelieu. Mayenne.

Angers. Laval. Montreuil-Bellay. Château-du-Loir.

Pau & Aufch^ Jix.

Aufch ou Armagnac. Cominge. Lomagne. Aftarac.

Rivière-Verdun. Les Landes.

Montauban y Jix*

Montauban. Villefranche.

Cahors.

Rhodez.

Figeac

Milhault.

Champagne 9 dou-^e.

Châlons.

Langres.

Rhetel.

Bar-fur-Auhe.

Sainte-Menehould.

Troyes.

y^'y.- .

Epernay.

Joinville.

Sezane en Brie,

Chaumont.

Rheims.

Rouen

y quatorze.

Rouen.

Andely.

Arques.

Evreux.

Eu.

Pont-de-1' Arche.

Neufchatel

Pont-1'Evêque.

Lions.

Ponteau~de-mer.

Gifors.

Caudebec.

ELE

Caen, neuf.

Çhmmonx Ù Magny.. Montiviiiier,

Caen.

Bayeux. Saint-Lo. Carentan. Valognes.

Coutances. Avranche. Vire. Mortain.

Alcnçon , neuf.

Alençon. Domphront.

Bernay. Falaifè.

Lizieux. Argentan.

Conches. Mortagne. VerneuiL,

Bourgogne y deux.

XI élection de Breffè féante à Bellay , qui

ou de Bourg , eu tant pour le

feante à Bourg. Bugey que pour les

L'élection de Bugey ' pays de Gex & Val- ez/ de Bellay , romey.

Dans les autres villes du duché de Bourgogne il y a bailliage royal , le bailliage connoît des matières d'élection ; &. l'appel de leurs jugemens dans ces ma- tières va aux cour» des Aides , chacun félon leur refïort.

Les jufHces du Cîermontois connoifîenc aufli des matières d'élection y & l'appel de leurs jugemens dans ces matières elt porté à la cour des Aides de Paris.

Chaque élection comprend un certain nombre de paroifies plus ou moins confidé- rable , félon leur arrondiffement. L'ordon- nance faite au boisdeSiraine enaoût 1452, portoiî que le refTort de chaque élection ne lèroit que de cinq à fix lieues au plus , afin que ceux qui feroient appelles devayt les élus , puffent y comparoîrre & retourner chez eux en un même jour.

Dans les pays d'états il n'y a point dY/Vc- tion , û ce n'eff dans quelques-uns , comme on l'a marqué ci-devant.

Les officiers dont chaque élection eu com- pose , font deux préfidens , un lieutenant , un aiTeffeur , & pluheurs confeillers ; un procureur du roi , un grenier ? plufieurs huifiiers , & des procureurs.

L'office de premier préfi dent fut créé en 1578 , fupprimé en 1583 , ^. rétabli au mois de mai 1585,

L'office

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L'office de fécond préfident fut créé d'abord en 1587 , enfuite fùpprimé , puis rétabli par édit du mois de mai 1702 ; & depuis , en quelques endroits > cet office a été réuni ou fupprimé. A Paris il a été acquis par la compagnie de Sélection ; le préfident a néanmoins confervé le titre de premier préfident , quoiqu'il foit préfen- tement feul préfident ; ce qui fut ainii or- donné par un édit du mois de janvier 1703 , en faveur du fieur Nicolas Auniilon , en confidération de (es fervîces , & ce titre fut en même temps attaché à fa charge.

Le lieutenant , qui efl officier de robe- longue , fut créé en 1587 , pour fiéger après les préfidens , avec le même pouvoir que les élus.

L'aflêffeur dans les élections cet office fubfifte , fiege après le lieutenant.

Le nombre des confeillers n'eft pas par- tout le même ; à Paris il y en a vingt , ou- tre le préfident , le lieutenant & l'affeffeur. Dans les autres grandes villes il devoit y en avoir huit , préfentement il n'y en a que quatre. La création des deux premiers en titre d'office , eft du temps de Charles VII , le troilieme fut créé par édit du 22 juillet 1523.

Les contrôleurs des tailles , qui furent établis par édit de janvier 15^ > & autres édits poflérieurs , faifoient aufli dans plu- fieurs élections la fonction d'élus , & en pouvoient prendre la qualité , fuivant l'édit du mois de mai 1 5S7 : c'eft ce qui a formé le quatrième office d'élus. Ces offices de contrôleurs ont depuis été réunis aux élec- tions y en forte que tous les élus peuvent prendre le titre de contrôleur ; mais il y a eu depuis d'autres contrôleurs , créés pour contrôler les quittances des tailles.

Les qualités de préfident , lieutenant , & de confeiller , furent fupprimées par édit de l'an I')99, avec défenfes à eux de prendre d'autre qualité que celle d'élus , & le nombre de ces officiers réduit à trois élus & un contrôleur ,. vacation advenant par mort ou forfaiture ; que jufqu'à ce ils fe partageroient par moitié , pour exercer alternativement autant d'officiers en une année qu'en l'autre ; mais en 1505 > les qualités de préfident , lieutenant & de con- feiller furent rétablies , &. tous furent remis] Tome XlL

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en l'exercice de leurs charges , comme auparavant , pour fervir continuellement & ordinairement , ainfi qu'ils font encore pré- fentement.

Une des principales fonctions des élus efl d'afîèoir la taille fur les paroiffes de leur département , & pour cet eflèt ils font chacun tous les ans , au mois d'août , leur chevauchée ou tournée dans un certain nombre de paroifïès , pour s'informer de l'état de chaque paroifTe ; favoir fi la récolte a été bonne , s'il y a beaucoup d'exempts & de privilégiés , & en un mot ce que la paroifTe peut jufkment porter. Voye\ ce qui en a été dit ci-devant au mot CHEVAU- CHÉE des Elus.

Suivant l'article z z de la déclaration du 16 août 1683 ■> les ^us vérifiant les rôles faits par les collecteurs , n'y peuvent rien changer , fauf aux cotifés à s'oppofer en furtaux.

Le même article leur défend de retenir les rôles plus de deux ou trois jours pour les calculer & vérifier , à peine de payer le féjour des collecteurs , & de demeurer ref- ponfables des deniers de la taille en leurs propres & privés noms.

L'article z j du règlement de 1673 » & l'article z z de la déclaration de 1683 * leur ordonnent de remettre au greffe de l'éleclion les rôles , trois jours après la vérification qu'ils en auront faite , à peine de radiation de leurs gages & droits , & d'interdiction de leurs charges pour trois mois.

Ils connoifîeiit entre toutes fortes de perfonnes , de toutes conteflations civiles & criminelles pour raifon des tailles & autres impofitions , excepté de celle dont laconnoiiîànce eft attribuée fpécialement à d'autres juges , comme les gabelles. La déclaration du n janvier 1736 , attribue au préfident la faculté de donner feul la permiflion d'informer & décerner feul les décrets ,* & en fon abfence le plus ancien officier , fuivant l'ordre du tableau , a le même pouvoir. L'exécution de cette dé- claration a été ordonnée par arrêts du con- feil des 29 mai & 20 novembre 1736 , & le 16 octobre 1743 ; il y a eu une nouvelle déclaration qui confirme celle de 173$. La déclaration du 16 octobre 1743 %

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4t ELE

l'autorife auffi à faire les interrogatoires ,. rendre hs jugemens à l'extraordinaire , & les jùgem-ens préparatoires ; procéder aux récolemens & confrontations , & généra- lement faire toute l'infïrudion & rapport du procès , &: rendre toutes les ordonnances qui peuvent être données par un feul juge dans les fieges ordinaires qui connoiffent des matières criminelles. En cas d'abfence ou autre empêchement du préfident , tou- tes ces fondions font attribuées au lieute- nant, ou autre plus ancien officier.

L'appel des f?ntences & ordonnances des élections , eft porté aux cours des aides , chacune dans leur refTbrt.

L'édit du mois de janvier IÇ^S avait uni les greniers à fel & [es élections établis dans les mêmes villes , pour ne faire qu'un même corps d'élection & grenier à fèl ; mais par édit d'odobre 1694 , les greniers à fel ont été défunis des élections.

Les officiers des élections jouiffent de plufîeurs privilèges , dont le principal eft Fexemption de la taille , chacun dans l'éten- due de leur élection. L'édit de juin 16 14 n'accordoit ce privilège qu'à ceux qui réfi- doient en la ville de leur jurifdidion : ils furent enfuite exemptés par le règlement du mois de janvier 1634 , fans être affu- jettisà la réfidence.

La déclaration du mois de novembre I°34 révoqua tous leurs privilèges.

Mais par une autre déclaration du mois de décembre 1644 > vérifiée en la cour des aides au mois d'août 1645 , le roi les a rétablis dans l'exemption de toutes tailles , crues , emprunts , fubventions , fubfiftances , contribution d étapes , logement de gens de guerre , tant en leur domicile , maifon des champs , que métairies ; paiement d'uflenfiles , & de toutes levées pour lefclits logemens , & autres contributions faites & à faire ,pour quelque caufe & occafion que ce foit , même en la jouifïànce de toutes autres impoli fions qui feroient faites par les habitans des lieux lefdits officiers- fe trouveraient demeurans , foit par. la per- miffion de Sa Majefté ou autrement , pour quelque caufe & occafion ; pour en jouir eux & leurs veuves es lieux de leur réfi- dence , pourvu qu'ils ne faffent ade déro- geant auxdits privilèges ? commerce , ou |

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tiennent ferme d'autrui ; leur laifîant k liberté d'établir leur demeure bon leur femblera , nonobftant les édits contraires

La déclaration du 22 feptembre 1627, leur donnoit auffi droit de committimus au petit fceau ; mais n'ayant pas été enré- gifhrée , ils ne jouiffent pas de ce droit, excepté ceux de T élection de Paris , aux- quels il a été attribué en particulier , tant par l'ordonnance de 1669 t que par uns déclaration pofiérieure du mois de décem- bre 1732.

Ils ont rang dans les alTemblées publi- ques , après les juges ordinaires du lieu , foit royaux ou ieigneuriaux ; ils précèdent tous autres officiers , tels que. ceux des eaux & forêts , les maire & échevins.

Les offices de judicature, foit royaux ou autres , font compatibles avec ceux des élections y fui-vant la déclaration du mois de décembre 1644. Voye\ les décijions fur les ordonnances des tailles & de la jurif diction des élus , par Dagereau ; traité des élections > par Vieville ; Chenu , des offices , th. des élections. Voye\ auffi les auteurs qui traitent de la cour des aides & des tailles , & au mot TAILLES. (A)

ELECTION fe dit aufli d'une partie de la Pharmacie , qui eft celle qui apprend à choifir les drogues médicinales & les fin> ples , & à diffinguer les bonnes & les mau- vaifès. Voye\ PHARMACIE.

Il y a des auteurs qui difringuent' une élection générale , qui- donne les règles & les caraderes des remèdes en général , & une particulière pour chaque, remède en par?- ticuliêr. Charniers.

ELECTORAL, ad jed. (Hifi.mod. ) fe dit d'une chofe qui fe rapporte ou, convient à un éledeur.

Le prince, électoral eft le fils aine d'un éledeur ,- & l'héritier préfomptif de & dignité. Voye\ P R I N C E. On traite les eledeurs dalcejje électorale. Voye^ AL- TESSE.

Les princes qui font revêtus de la dignité électorale , ont dans les aflemblées impé- riales la preiéance eu deffus de tous- les autres. Le roi de Bohême qui cède à pluiieurs autres rois , ne le cède à aucun dans les diètes pour l'eledion d'un empe- reur ou d'un ici Ots Romains ; les éledeurs

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•ont par confinent Iapréféance fur les car- dinaux : l'empereur les traite de dileclion , (ans pourtant leur donner la main. HeifT. hijioire de V Empire , tome UT.

Le collège électoral , qui eiïcQmpofé de tous les électeurs d'Allemagne, €Û ie plus iliuftre & le plus augufle corps de l'Europe. Bellarmin & Baronius attribuent i'infli'turion du collège électoral au Pape -Grégoire V , &: à l'empereur Gthon III , dans le X fïecle : pre'que tou<? les Hiiloriens & les Canoniftes (ont de ce fentiment. Wiqucfort penfe autrement , & tâche de faire voir par l'élection des empereurs fuivans , que le nombre des électeurs n'étoit point fixé , & que la dignité électorale n'étoit point annexée à certaines principautés , à l'exclufion de certains princes d'Allemagne. Il ajoute qu'il n'y a eu rien de réglé - deffus avant Char- les IV., & que la publication de la bulle d'or n'a eu pour objet que de prévenir les fchifmes , & aflurer le repos de l'Empire par un règlement en former

Ce fut donc la bulle d'or publiée en 1356, qui forma le collège électoral , & réduifit à fept le nombre des électeurs ; mais il a été depuis augmenté de deux. Voyt\ Collège & Bulle. Vcyt\ aujjfl Elec- teurs, Constitution de l'Empire, Empire , Diète , &c

Couronne électorale y c'efl un bonnet d'écarlate entouré d'hermine , fermé par un demi -cercle d'or , le tout couvert de perles : il eff furmonté d'un globe , avec une croix Bn deffus. Voye\ COURONNE. Voye\ le diclionn. de Trév. & Chambers.

ELECTORAT, f. m. ( Hifi. & droit public d'Allemagne. ) c'en1 le nom qu'on donne en Allemagne aux territoires ou fiefs immédiats qui font pofîédés par les électeurs , comme grands officiers de l'Em- pire. Voye\ Electeurs.

C'eft l'empereur qui donne l'invefliture dts électorals , comme des autres fiefs immédiats de l'Empire. On ne peut créer de nouvel électorat en Allemagne , fans le confentement non feulement des électeurs , mais encore de tous les états. Un électorat ne peut être ni vendu , ni aliéné , ni par- tagé ; mais il appartient de plein droit au premier d'un électeur laïque. Lorfque la ligne directe d'un électeur vient à man-

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quer, {'électorat doit paffèr. au p!us proche des agnats de la ligne collatérale. Quant aux électoral eccîénafîiqùes , ils font déférés à ceux qui ont été é]vs par les chapitres. Voye\ V article ELECTEURS.

ËLECTRA; (Ajjron. ) nom d'une des fept étoiles des pléiades , fituées fur le cou du taureau ; les anciens les pla— çoient fur la queue du taureau ; leur nom vient de tkw , qui fignifie naviguer , parce qu'au printemps & vers le temps de leur lever héliaque , on commençoit les grandes navigations. Les poètes difent que les Pléiades étoient filles d'Hefperis & d'Atlas; c'eft. pourquoi on les appelle aufli Hefpéri- des ou Atlantiades. Jupiter les ayant aimées, & les voyant attaquées par Orion , les plaça dans Je ciel , pour les fouflraire aux pour- fuites de fon rival.

Ovide les renferme fous le nom de Taïgetc, dans ces vers ;

Taygetemque , Hyadefque oculis , Arc* tonque notavi.

Met. III , 596.

Et il rapporte leurs noms en détail dans le IVe. liv. des Fajles , v. 16 j. Voye% Plétades, {M. de la Lande. )

ELECTRICITE , f. f. i Ptyjique. ) ce mot fignifie en général , les effets d'une matière très- fluide Ù très-fubtile , diffé- rente par lès propriétés , de toutes les autres matières fliiides que nous connoifîbns ; que l'on a reconnue capable de s'unir A pres- que tous les corps , mais à quelques-uns préférablement à d'autres ; qui paroît le mouvoir avec une très-grande vîtelîè , fui- vantdesloix particulières , & qui produit par fèsmouvemens des phénomènes très-lingu- liers , dont on va effayer dans cet article de donner une hiftaire.

Les fentimens des Physiciens font par- tagés fur la caufè de Y électricité : tous ce- pendant conviennent de l'exiftence d'une matière électrique plus ou moins ramaflee autour des corps électrifés , & qui produit par (es mouvemens [qs effets d'électricité que nous appercevons ; mais ils expliquent chacun différemment les caufes & les direc- tions de ces différens mouvemens. Voye\ FEU ÉLECTRIQUE , nous rapporterons

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leurs opinions. Nous nous contenterons? d'expofer ici les principaux phénomènes de ; X électricité > & les loix que la nature a paru j fuivre en les produifanr.

Comme on ne connoît point encore ' l'efïence de la matière électrique , il eft j impo'fllble de la définir autrement que par j fès principales propriétés. Celle d'attirer & I de repouffer les corps légers , eft une des plus remarquables , & qui pourroit d'autant mieux fervir à caractérifer la matière élec- trique , qu'elle eft jointe à prefque tous fes effets , 8f qu'elle en fait reconnoîrre aifément la préfence , même dans les corps qui en contiennent la plus petite quantité.

On trouve dans les plus anciens monu- mens de la Phyiique , que les Naturaliftes ont connu de tout temps au fuccin la propriété d'attirer des pailles & autres corps légers. On s'eft apperçu par la fuite que les corps bitumineux & réfineux , tels que lefoufre , le jais , la cire , la réjme > avoient aufli cette propriété ; que le verre y les pierres précieufés , la Joie , la laine , le crin , & prefque tous les poils des animaux , avoient la même vertu ; qu'il fuffit de bien fécher chacun de ces corps , & de les frotter un peu , pour voir voler ' vers eux tous les corps légers qu'on leur préfente. Sur ces exemples on a depuis chauffé un peu plus vivement , & frotté i avec plus de patience une infinité d'autres corps , & on leur a trouvé auffi la même propriété ; en forte qu?en po. fiant plus loin cet examen , on s'eft aiiuré que tous les \ corps de la nature peuvent devenir électri- ques , pourvu qu'ils foient auparavant par- faitement léchés & frottés.

Néanmoins les métaux fe font conftam- ment fouftraits à cette épreuve ; rougis , frottés , battus , jjmés , ils n'ont jamais don- né le moindre ligne d'attraction électrique , en forte qu'ils font une exception à la règle générale , ainfi eue l'eau & toutes les liqueurs qu'il eft impoffible de foumettre au frottement.

En examinant à quel degré tous les corps de la narure deviennent électriques par l'effet du frottement , on voit que l'on peut defeendre par une infinité de nuances de ceux qui s'électriiènt beaucoup & facile-

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ment , à ceux dont la vertu fe rend à peine fenfible , jufqu'à ce qu'on arrive aux mé- taux fur lefquels , comme on vient de le dire , le frottement n'a aucun effet ; c'eft pourquoi on a partagé en deux claffes géné- rales tous les corps de la nature , fuivant qu'ils font plus ou moins fufceptibles d'électricité.

On a compris dans la première clafïe , ceux qui s'électrifent très-facilement après avoir été un peu chauffés & frottés , & on les appelle fimpiement corps éleclriqi es : tels font,

i°- Les diamans blancs & colorés de toutes efpeces , le rubis , le faphir , le péridore , l'émeraude , l'opale , l'amethyfte , la topafe , le beril , les grenats , enfin le cryftal de roche , & tous ceux qu'on appelle cailloux du Rhin y de Médoc , &c.

2°. Le verre & tous les corps vitri- fiés ; fàvoir les émaux de toute couleur ; la porcelaine , le verre d'antimoine , de plomb , &c.

3°. Les baumes , larmes & réfines de toutes efpeces , telles que la poix noire , la poix-réfine , la térébenthine cuite , la colophane , le baume du Pérou , le maftic , la gomme-copal , la gomme-lacque , & la cire , &c.

4°. Les bitumes , lefoufre , le fuccin , le jais ,1'afphalte, &c.

5°. Certains produits des animaux , tels que la foie , les plumes , le crin , la laine , les cheveux , & tous les poils des animaux morts ou vivans.

La féconde claffe contient les corps qui ne s'électrifent pas du tout par le frotte- ment , ou du moins très-peu , & que l'on nomme pour cet effet non éleclriques ; favoir ,

i°. L'eau & toutes les liqueurs aqueufès & fpiritueufes , qui font incapables de s'épaif» fir & d'être frottées.

2°. Tous les méraux parfaits & impar- faits , & la. plupart des minéraux ; favoir l'ai- mant , l'antimoine , le zinc , le bifmuth , l'agate , le jafpe , le marbre , le grès , l'ar- doife , la pierre de taille , &c.

3°. Tous les animaux vivans , à l'excep- tion de leurs poils. On peut y joindre aufli la plupart de leurs produits ; favoir le cuir , le parchemin , ks os 3 l'ivoire , la

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corne , les dents , l'écaillé , la baleine , les coquilles , &c.

4°. Enfin les arbres & toutes les plantes vivantes , & la plupart des choies qui en dépendent , telles que le fil , la corde , la toile , le papier , &c.

Ce n'eft pas que ces corps ne puifTent jamais devenir électriques par d'autres moyens que par la chaleur & le frottement, mais parce que ces deux préparations leur font ordinairement infuffifantes. En ^effet , quoique les métaux & les liqueurs ne puif- fènt pas devenir électriques par la voie du frottement , ils le deviennent très -bien, comme nous le verrons dans la fuite , dans la fimple approche d'un autre corps élec- trilé. Il eft vrai que ces corps ne peuvent manifefter la vertu qu'ils reçoivent , que dans de certaines circonflances , & qu'ils la perdent avec la même facilité qu'ils la reçoivent , fi on ne prend pas quelque pré- caution pour la leur conferver & la fixer, pour ainfi dire , dans leur étendue. Cette précaution , pour le dire d'avance , confifte à les pofir fur des corps électriques un peu élevés , & à les éloigner fuffilàmment de ceux -qui pourroient leur enlever les cou- rans de matière électrique , à mefure qu'on les répandroit fur eux.

Ainli une barre de fer deviendra élec- trique par l'approche d'un tube de verre frotté , fi elle eft fou tenue horizontalement par deux autres tuyaux de verre bien fecs , ou fufpendue par des cordons de foie , ou enfin pofée fur un pain de réfine de quel- ques pouces d'épailleur ; & on électrifera de même l'eau & les autres métaux , ainfi que tous les autres corps qui ne pouvant être élecVifés que très-peu par le frottement , font rangés dans la claffe des non-électri- ques. Ceux-ci acquerront même beaucoup plus à électricité' par le moyen que nous venons d'indiquer , qu'on ne leur en pour- rait jamais exciter en les frottant.

Le frottement a paru néceifaire en gé- néral pour exciter les mouvemens de la matière électrique , & rendre apparens ics effets d'attraction & de répulfion , & il y a même très-peu de corps qui puiffent devenir électriques fans cette préparation ; cependant il fuffit que quelques-uns le foient devenus fans ce fecours , m celui de

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la communication , pour qu'on puiffe con- clure que le frottement n'eft pas abfoîument effentiel à la production des effets de \ élec- tricité. En effet , un gros morceau de fuc- cin ou de jais , dont la fiirface eft large & bien polie , un cône de foufre fondu dans un verre à boire bien fec , &c. conferve de la vertu électrique pendant des années entières & fans le fecours d'aucun frottement , foi- ble à la vérité , mais qui n'eft pas moins bien caractérifée par l'attraction & la ré- pulfion d'un cheveu. On peut joindre à ces exemples celui d'une pierre plate & orbi- culaire que l'on trouve dans quelques-unes des rivières de Ceylan , qui attire & rc- poufîè fucceffivement des paillettes , fans qu'il foit jamais befoin de la frotter pour exciter fa vertu.

Mais fi le frottement ne paroît pas abfo- lument nécefTaire pour produire de l'élec- tricité} on ne fauroit nier qu'il n'y contribue infiniment ; car fans parler du plus grand nombre des corps qui n'ont jamais de vertu électrique qu'à force de frottement , il eft confiant , par des expériences réitérées , que ceux même qui ont cette vertu fans ce fecours , produifent des effets électriques d'autant plus confidérables qu'ils font plus vivement frottés.

Il eft également nécefTaire que les corps que l'on veut électrifer par le frottement , foient exempts de toute humidité : celle qu'ils contiendroient dans leurs pores , & qui paroît d'ailleurs fe répandre fur eux , paroît un obftacle bien décidé à ce qu'ils deviennent électriques. On a beau frotter un corps humide , il n'a jamais qu'une vertu foible & languiffante ; au lieu que lorfqu'il eft bien fec , le moindre frottement fuffit pour exciter la matière en abon- dance , & lui faire produire les effets les plus fenfibles. De même la vertu électrique . n'eft jamais plus apparente dans un corps que lorfque l'air eft bien fèc & bien ferein , fur-tout s'il fouffle un vent frais du nord ou du nord-eft : au contraire lorlque le vent eft du iud ou de l'oueft , & que i'air fe trouve chargé de vapeurs humides , les effets de l'électricité font a peine fenfibles ; en forte que les corps qui ne montrent u'une médiocre électricité par un temps èc , paroiffent n'en point avoir du tout

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dans un temps humide & pluvieux , & c'eît fans doute parce que les grandes chaleurs font prefque toujours accompagnées d'hu- midité , que les expériences fur ^électricité réufliffent moins bien en été qu'en hiver.

Cependant cette condition n'efl pas pins efTenticIle que le frottement à la production de X électricité : l'humidité enlevé & détourne la matière électrique , mais elle n'empêche pas qu'elle ne fort excirée ; elle ne nous ôte que l'apparence de les effets fans les anéantir véritablement : car fi on refpire fur un morceau d'ambre échauffé , ou fur tin tuyau de verre , immédiatement après qu'ils aur oient été frottés , ils ce fieront tout-à-coup de paroître électriques ; mais leur vertu le rétablira aufli-tôt que l'humi- dité fe fera évaporée , en forte qu'ils pro- duiront comme auparavant tous leurs effets d'attraction & de répulfion.

La flamme paroît nuire plus poiîtivement à Y électricité ; -en approchant feulement une bougie allumée d'un tube de verre •frotté , ou d'une barre de fer éleclrifée par communication , on voit fenfiblement diminuer leur vertu élecîrique , lors même que la bougie en eft encore éloignée de 12. à 15 pouces. Cette vertu difparoît à vue -d'œil , à mefure qu'on approche la bougie de plus près ; en forte que fi on porte iubitement la flamme fur ces corps électri- ques , leur vertu cefîè aufli-tôt , & ne fe rétablit qu'avec peine par un nouveau frottement. Le charbon & tous les corps embraies produifent le même effet , auflï- foien que les métaux qu'on a fait rougir jufqu'au blanc: ceux-ci n'ont cependant pas la même propriété , quand ils font feule- ment bien échauffés & qu'ils ne commen- cent qu'à rougir ; ce qui prouveroit que ce n'eft pas par l'effet de la chaleur que dif- paroît la vertu élecîrique , mais plutôt par l'effet des vapeurs & des émanations parti- culières que les corps embrafés laifîènt échapper. On s'attend bien par cet effet de la flamme fur les corps actuellement éleclri- ^ques , que les corps enflammés ne fàuroient jguere être attirés ; aufli l'approche d'un tube (élecîrique n'excite-t-elle aucun mouvement flans la flamme d'une bougie , ni dans un morceau de papier enflammé & fuipendu ffSf mal

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•On ignore quel efl le plus élecîrique de tous les corps , à caufe de la difficulté qu'ii y a de les comparer -exactement volume à volume ; cependant on a reconnu en gé- néral que le diamant fk les pierres pré- cieufes , le cryfîal de roche , &c. devien- nent plus fortement électriques que les corps réfineux : mais il n'y en a pas dont les Phyficiens fe foient plus fervis que du verre , tant parce qu'il eff. naturellement très- électrique , que parce que l'on a la facilité de lui donner route forte de formes commodes , comme celle d'un tube, d'un globe ou d'un cylindre. Le tube a ordi- nairement trois pies de longueur, un pouce & demi de diamètre , & une ligne & demie d'épaiflêur : ces dimenfions ne font que commodes , & ne font point effentielles pour produire de Xéleclricité : il eft. plus avantageux qu'il foit fermé hermétiquement par une de fes extrémités , & que l'on puifTe boucher l'autre avec un bouchon de liège, pour empêcher la pouffiere & l'humidité de s'y introduire. On le frotte fùivant fa longueur après l'avoir un peu léché au feu ; & de toutes les matières qu'on peut em- ployer pour le frotter , il riy en a pas qui réuffhTe mieux que la main fèche , ou garnie d'un morceau de papier pour en abforber l'humidité. Les effers de cet inftrument font très-fenfibles , il efl: fou vent le plus com- mode , & c'efî par fon moyen que les Phy- ficiens ont fait leurs principales découvertes fur Yéleclricité.

Pour éviter la fatigue du frottement, & aufîï pour rendre les phénomènes électri- ques beaucoup plus forts & plus apparens , on a fubflirué au tube un globe de verre creux d'environ un pie de diamètre & aufîï d'une ligne & demie d'épaifîeur : par le moyfen de deux calottes de bois tournées & mafliquées extérieurement aux endroits de fès pôles , on peut le retenir entre deux pointes comme les ouvrages du tour , & le faire tourner rapidement fur fon axe par le mouvement d'une grande roue fèmblable à celle dont fe fervent les couteliers. ( Voye\ la figure j8 expliquée dans nos planches de phyjique. ) En appliquant les mains fous l'équateur de ce globe , tan- dis qu'il tourne avec rapidité , on excite fur cette partie de fa fùrface un-mouvement

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beaucoup plus vif qu'on ne peut faire arec le tube , la matière électrique eft excitée en bien plus grande abondance , & il en réfulte de plus grands effets. Quoiqu'il foit plus avantageux de frotter ce globe avec les mains nues & bien feches ■; quel- ques Phyficiens ont imaginé pour une plus_ grande (implicite & uniformité , de le frotter avec un couffinet un peu concave & ferré convenablement contre l'équateur du globe ; ils ont employé avec luccès différentes matières pour recouvrir ce couf- finet , & quelques-uns ont préféré une feuille de papier doré , dont- la dorure eft appliquée contre le globe. L'ufage du couf- finet a. fait imaginer de fubftitujsr au globe un vailfeau de verre cylindrique , qu'on peut faire tourner & frotter de la même manière. Voye\ la figure- 79.

Le verre frotté fous l'une ou l'autre de ces formes ,, acquiert en peu de temps une vertu électrique très-confidérabîe ; elle fait appercevoir par le mouvement des- corps légers qu'il attire vivement à la dis- tance de deux à trois pies ;. on fent alors, en appro^iant le vifage ou la main ,. l'im- preflion delà matière électrique qui fe ré- pand de deffus le verre , & qui fait l'effet d'un voile délié qu'on pafferoit très-légé- rement fur la peau de ces parties. Ces éma- nations continuent à. fe-- répandre tant que l'on frotte le verre ; &. loriqu'on ceffe de frotter , elles continuent encore quelque temps en diminuant graduellement jufqu'-à- ce qu'enfin elles s'évanouiffent^

L'application des autres corps électriques bien iecs , fur la fuperficie du tube ou du globe frottés , ne diminue pas fenfiblement leur vertu : on a beau les toucher en difré- rens endroits avec un autre tube de verre-, un morceau d'ambre , de foufre ou de cire d'Efpagne, on nappercevra aucun chan- gement , ni dans l'étendue de leurs -émana- tions , nr dans leur. vivacité à attirer ou à repouffer les corps légers -, non. plus que dans Ja durée de leur vertu. Au contraire le voifinage des corps non électriques , ou leur application immédiate fur le tube., -diminue* très-prornptement ^électricité qu'on a pro- duite par le frottement , en forte qu'on éteint prefqu'en un moment toute fa vertu , ta l'empoignant daûs l'endroit ùà il a été

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frotté , ou bien en le préfentant par cet endroit à du métal ou à quelqu'autre corps auffi peu électrique.

Cette propriété qu'ont les métaux d'é-- teindre prefque en un inftant la vertu d;un corps électrique frotté , n'a lieu qu'autant qu'ils établirent une communication entre le corps électrique & la terre , au moyen- de laquelle les émanations qu'il répand le dirigent & fe tranfmettent promptement à notre globe ; «.r fi l'on applique à l'extré- mité d'un tube un corps non électrique : quelconque , comme un morceau de métal ;.. & qu'on frotte le tube à l'ordinaire , en prenant garde que ce corps qu'on aura atta- ché au tube ne touche point à aucun autre-, non feulement ce métal ne diminuera pas ; la vertu du tube , parce qu'il n'établit plus de communication avec la terre , mais il deviendra lui-même électrique y & fera capable d'attirer &t de repouffer les- petits corps légers.

Si l'on attache à l'extrémité du tube des corps naturellement électriques , tels qu'un morceau de verre, un bâton de foufre ou *. de cire d'Efpagne , ces corps ne diminueront pas non plus , comme nous l'avons déjà dit , la- vertu du tube,, mais ils ne recevront jamais de lui, comme les métaux, la propriété d'attirer, & de repouffer de petits corps légers: d'où l'on voit que les cour-ans de la matière électrique parlent avec une très-gran- de. facilité dans les corps non électriques , puifqtie ceux-ci cn.deviennentélectriles , & qu'ils leur lèrvent de moyens pour fe difîiper &: le répandre dans la terre ; au lieu que les corps naturellement électriques ne reçoivent - rien du tube , & ne fauroient traniinettre les émanations- Voici quelques expériences qui confirmeront cette vérité;

I Expérience. Si on met une- barre de fer ou tout autre corps non électrique fur un guéridon de verre d'un pié & demi de hauteur. .&.- bien fec , ou. fur un pain de cire un peu épais , fur une maire de -foufre ou de réfine , &c. en forte que cette barre foit abfblument ifolée ùi. éloignée de tout " autre -corps ; aufli-tôt qu'on approchera * d'elle un tube de verre nouvellement frotté , , elle pourra attirer de petites feuilles d'or ba:ru , ou d'autres corps légers , de tous les points de fafurfaçe, &. elle confèrvera

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cette vertu pendant quelques minutes ; même après qu'on aura éloigné le tube.

Ces effets d'attraction & de répuliion feront d'autant plus vifs & plus fenlibles , que le tube aura été plus rapidement frotté , que l'air, de l'atmofphere fera plus fec ; ou dans l'égalité de toutes ces circonfïances , fuivant que la barre aura plus d'étendue en longueur & en furface ; en forte qu'un long tuyau de fer-blanc de quatre à cinq pouces de diamètre , ainfi éledrifé par le tube , paraîtra attirer beaucoup plus vive- ment qu'une fimple barre de fer moins groffe & beaucoup plus pefante.

Mais fi au lieu d'un corps métallique on met fur le guéridon de verre quelque corps que ce foit , facile à électrifer par le frot- tement > car exemple, un long tuyau de verre bien fec , un écheveau de foie , un pain de réfine , ou un long canon de foufre, aucun de ces corps ne deviendra électrique par l'approche du tube , ou ne recevra tout au plus qu'une très-foible vertu.

Nous exceptons cependant un cas parti- culier , dans lequel le verre affocié à des corps non électriques , reçoit beaucoup d'électricité par communication. Ce cas , dont l'examen nous meneroit trop loin , a rapport à la fameufe expérience de Leyde. Voye\ cette expérience au mot Coup FOUDROYANT.

II Expérience. Lorfqu'on électrife une barre de fer pofée fur un guéridon de verre , ii quelqu'un y applique le bout du doigt , elle ceffera' aufli - tôt d'être électrique , quelque rapidement que l'on continue de frotter le tube ; & la même chofe arrivera , fi au lieu d'y mettre le doigt , on y attache une petite chaîne de métal qui traîne jufqu'à terre. Cependant fi la perfonne qui touche la barre , eft montée fur un pain de réfine ; ou fi la chaîne , au lieu de traîner à terre , eft foutenue par un cordon de foie , non- fèulement la barre deviendra électrique , comme à l'ordinaire , en approchant le tube, mais la perfonne & la chaîne recevront àuflî de Y électricité par communication.

III Expérience. Si au lieu de toucher à la barre avec le doigt , on y touche avec un morceau de verre bien fec , un bâton de cire d'Efpagne , un morceau d'ambre ou

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de jais , elle deviendra tout aufîî électrique à l'approche du tube , que ii rien ne la touenoit.

On voit donc par ces expériences , que les corps non électriques tels que les métaux , les hommes , &c. reçoivent de la matière électrique par la fimple approche du tube de verre frotté ; qu'ils tranfmettent cette même matière & la partagent avec les autres non électriques qui leur font contigus; au lieu que les corps naturelle- ment électriques ne reçoivent rien du tube , & ne permettent pas à fes émanations de fe répandre : car fi le verre , la foie ? la cire d'Efpagne , le foufre , Ùc. n'avoient pas la propriété d'arrêter la matière électri- que , les phénomènes de ïéleclrieité ne nous fèroient jamais rendus fenfibles , & Iescourans de cette matière fe diiîiperoient dans la terre fans que nous nous en apper- çuflïons , àmefure qu'ils fortiroient du tube. C'eft pourquoi on emploie ces fortes de corps pour fupporter ceux à qui on veut communiquer de Y électricité. On fe fert de cordons de foie , de crin ou de laine , quand ils ne font pas trop pefa# , & qu'il eft plus commode de les fufpendre. On pofe les plus folides fur des piédeftaux garnis de glaces étamées pardeffous , fur des pains de cire jaune , ou fur des maffes de poix & de réfine feules ou mêlées enfèmble , & auxquelles il eft bon d'ajouter du foufre en poudre , pour leur donner plus de dureté & de féchereffe. On verfe t es matières fondues & mêlées , dans des caiffes de bois de deux pies en quarré , & de deux pouces de profondeur , ce qui forme des gâteaux très-commodes pour électrifer des hommes. On doit toujours prendre garde que tous ces fupports foient bien fecs & un peu chaufïes auparavant que de faire les expériences ; & l'on doit choifir , autant qu'il eft poffible , un lieu fec & vafte.

Les expériences fuivantes vont répandre encore plus de lumière fur toutes ces obfer- vations , en même temps qu'elles feront connoître de nouvelles propriétés de la matière électrique. Nous avons préféré de rapporter celles dans lefquelles on éleétrife par communication une ou plufieurs per- fonnes , parce qu'elles nous découvrent quelques phénomènes que le fentiment

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feul peut faire appercevoir ; mais à l'excep- tion de ces phénomènes , on doit entendre que tout ce qui arrive à des perfonnes éle&rifées , arrive auffi aux métaux & aux autres corps non électriques , pourvu qu'ils foient exactement dans les mêmes cir- conftances.

IV Expérience. Si dans un lieu fuffilam- ment fpacieux on fait monter un homme fur un pain de réfine bien fec , d'environ quinze pouces de diamètre , & de fept à huit pouces d'épaiffeur , & que d'une main cet homme touche légèrement la partie fupérieure du globe tandis qu'on le frotte & qu'il tourne avec rapidité , au bout de quelques fécondes- il deviendra électrique depuis les pies jufqu'à la tête , ainfi que dans fes habits , & on pourra obferver les phénomènes fuivans.

i°. Son autre main & toutes les parties de fon corps attireront & repoufleront de très-loin les petits corps légers ; favoir à la diftanee de trois à quatre pies , & même davantage , il le temps eit favorable.

2°. Tous les corps non électriques qu'il tiendra dans fa main , s'électriferont comme lui , pourvu qu'ils ne touchent qu'à lui feul , ou qu'ils foient fupportés par des corps électriques bien féchés. Bien - loin que ces corps en s'électrifant diminuent la vertu que la perfonne aura reçue du globe , elle pa- raîtra au contraire un peu plus forte , tant dans cette perfonne que dans les corps qu'elle tiendra : & fi on augmente prodi- ^ gieufement l'étendue de ces corps , fur-tout en furface & en longueur , par exemple , fi on fait communiquer cette perfonne à une longue chaîne de ter, ou encore mieux à de gros & longs tuyaux de fer -blanc fulpendus à des cordons de foie , la vertu électrique paroîtra de beaucoup plus forte dans la perfonne électrifée , ainfi que la furface de la chaîne ou des tuyaux.

3°. Si cette perfonne donne la main à une autre femblablement pofée fur un pain de réfine , celle - ci deviendra aullï élec- trique que la première ; & il en arrivera de même à autant de. perfonnes que l'on voudra , pourvu qu'elles foient toutes po- fées fur des matières électriques , comme des pains de réfine , &c. & qu'elles fe com- muniquent uniquement entr'elles , foit en Tome XII.

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donnant la main , foit en tenant les extrémités d'une barre ou d'une chaîne de fer , ou de tout autre corps femblable qui puiife tranfmettre ¥ électricité. Mais la vertu ceffera dans toutes à la fois , fi une per- fonne qui n'eft point électrique , en touche une feule de la bande , ou s'il y a quel- qu'autre communication directe avec des corps non électriques. Il efl cependant arrivé quelquefois, lorfque l' électricité étoit bien forte , qu'une perfonne efl defeendue de defTus le pain de réiine , & a marché quelques pas dans une chambre , fans per- dre entièrement fon électricité : mais on a toujours obièrvé que fa vertu diminuoit très-rapidement ; & que cette expérience , qui paroîr contraire aux effets ordinaires de Y électricité y n'avoit lieu que dans un temps très-fec , & fur un plancher naturel- lement un peu électrique.

4°. Si la première perfonne qui a fa main étendue fur le globe ceiîè de le tou- cher tandis qu'on le frotte , elle confer- vera pendant quelque temps Vélectricité qu'elle aura reçue , ainfi que toutes les perfonnes qui feront électrifées avec elle ; cependant les effets d'attraction & de répulfion s'affoibJ iront infenfiblement juf- qu'au point de difparoître ; mais ils s'éva- nouiroient fur le champ , fi cette per- fonne en touchoit une autre qui ne fût pas électrique.

Les grands tuyaux de fer-blanc électri- fés de cette manière , confervent leur électricité bien plus long-temps que les animaux après qu'on a interrompu leur communication avec le globe ; ce qui arrive vraifemblablement parce que leur matière électrique ne fe diflipe pas comme dans les animaux avec celle de la trans- piration ; mais ils perdent comme eux dans un inffant toute la vertu qui leur a été communiquée , âès qu'une perfonne qui n'eff. point électrique les touche du bout du doigt en quelque point que ce foit. Le départ de la matière électrique efl marqué comme fon entrée par une étincelle qui frappe le doigt de celui qui .les touche , & cette étincelle eft également vive en quelque endroit qu'on préfente le doigt.

5°. Si une perfonne qui n'eff point élec- trifée approche graduellement la main du.

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vifage de la première , elle fentira Pim- ■preiïlon d'une atmofphere fluide , qui en- vironne tout le corps de la perfonne élec- trifée , & en continuant d'approcher le doigt de quelque partie Taillante , du nez , par exemple , le doigt & le nez paraîtront lumineux dans l'obfcurité ; enfin quand ces deux parties s'approcheront encore davan- tage , il fortira avec bruit une étincelle très - éclatante qui frappera les deux per- fonnes en même temps , & leur fera fentir ine douleur d'autant plus vive que V élec- tricité fera plus forte. Cette étincelle for- tira pareillement de toutes les parties de Ja perfonne électrifée , defquelles on ap- prochera le doigt , & même au travers de ies habits.

C'eft dans Pexplolion de cette étincelle , que s'élance la matière électrique dans les corps auxquels elle fe communique ; ainfi des tuyaux de fer-blanc fufpendus par des cordons de foie , feront électrifés tout- d'un-coup par une feule étincelle qui fort du doigt de la perfonne électrifée par le globe : & toutes chofes égales d'ailleurs , cette étincelle fera , comme la vertu attrac- tive , d'autant plus forte que ces tuyaux auront plus d'étendue en furface & en longueur.

6°. Lorfqu'on s'approche allez près d'une perfonne électrifée , on fent exhaler de fon corps une odeur extraordinaire que quelques-uns rapportent à celle du phof- phore d'urine : cette odeur eft remarquable dans toutes les parties de la perfonne élec- trifée , & même dans tous les corps non électriques qu'elle tient dans fa main : elle fort de même d'un tuyau de fer - blanc électriiè immédiatement par le globe , & elle s'imprime pendant quelque temps dans les corps que l'on préfente à ceux qui font électrifés pour en faire fortir de la lumière.

V Expérience. On a pofé fur des cor- dons de foie tendus horizontalement , à quatre ou cinq pies au defïus de la furface de la terre, un fil -de -fer d'un quart de ligne de diamètre , & long d'environ deux mille toifes : une de fes extrémités étoit arrêtée par un cordon de foie au deffus du globe , afin d'en recevoir de Yéleclri- titi) & l'on a fufpendu à l'autre une balle

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de plomb , de laquelle on approchoit de temps en temps des feuiiles d'or battu , pour recorinoître fi' elle devenoit électrique.

i°. Après cinq ou fix tours de roue V élec- tricité a pafle dans le fil - de - fer , & s'eft communiquée très-promptement jufqu'à la balle de plomb , en forte que les feuilles d'or ont été attirées & repouffées à la dis- tance de cinq à fix pouces.

2°. Cette balle eft devenue pareillement électrique en quelque endroit du fil-de-fer qu'elle ait été fufpendue , foit à fon extré- mité proche du globe , foit dans fon mi- lieu , foit par-tout ailleurs dans toute fon étendue : il y a beaucoup d'apparence que la matière électrique fe répandroit également dans un fil-de-fer d'une longueur encore bien plus confidérable.

3°. Tous les corps qu'on s'eft avifé de fubftituer à la balle de plomb fe font électrifés pareillement , & ont attiré la feuille d'or , mais non pas tous avec une égale vivacité ; car les métaux , les ani- maux vivans , & les liqueurs , ont attiré toujours plus vivement que le bois , la pierre, & les autres corps un peu électri- ques ; en général ceux-ci attiroient d'au- tant plus foiblement qu'ils avoient plus de difpofition à s'électrifer par la voie du frottement.

4°. Non feulement la balle de plomb & tous les corps fufpendus ont attiré & repouffé les feuilles d'or , mais il en eft for ti , lorfqu'on leur a préfenté le doigt > des étincelles lumineufes , comme lorfqu'on électrifoit une perfonne pofée fur un gâ- teau de réfine ; & cette étincelle n'a pas été plus vive lorfque la balle étoit fuf- pendue proche du globe , que lorfqu'elle étoit à l'autre extrémité du fil-de-fer.

5°. Tous ces effets ont entièrement ceffé lorfqu'une perfonne qui n'étoit point électrique a pincé le fil-de-fer proche l'une ou l'autre de fes extrémités , & ils ont recommencé à paroître dès qu'on a cefîé de le toucher. Cependant fi cette perfonne étoit montée fur un gâteau de réfine , elle avoit beau toucher le fil-de-fer, il reftoit auffi électrique qu'auparavant.

6°. Les mêmes efièts arrivoient , quoi- qu'avec un peu plus de peine , quand on

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fcrbflituoit aux cordons de foie qui fer- voient de fupports , des cordons de crin ou de laine ; mais il ne paroifïoit rien fi les cordons étoient de chanvre , de fil , ou fi ' les cordons de foie éroient mouillés , & encore moins fi on s'étoit fervi de fil d'ar- chal ou de laiton , ou de toute autre ma- tière qui pût tranfmettre V électricité.

7°. Lorfqu'on fubftituoit au grand fil- de-fer une corde de chanvre , la balle pen- due a fon extrémité devenoit électrique , mais avec plus de difficulté que lorfqu'elle étoit au bout du fil -de -fer , fur -tout fi la corde étoit feche ; car lorfque la corde étoit bien mouillée , V électricité pafïbit beaucoup mieux.

8°. Si on fubffituoit au fil-de-fer un cordon de foie bien iec , ou un long tuyau de verre , ils ne recevoient l'un & l'autre qu'une électricité très-toible , elle n'étoit plus fenfible dans le tuyau de verre , à 12 pies du globe, 25 dans le cordon de foie.

9°. Lorfqu'on électrifoit un long fil-de- fer comme dans le premier cas de cette expérience , fi on le coupoit en un ou plu- fîeurs endroits , en forte que les extrémités coupées fufîent arrêtées vis-à-vis l'une de l'autre à une difrance moindre qu'un pie , la matière électrique s'élançoit au travers de toutes ces interruptions , & fe faifoit appercevoir jufques dans la balle fufpendue à l'extrémité la plus éloignée du fil-de-fer. Un vent très -violent que l'on excita par le moyen d'un foufHet dans une de ces interruptions , n'empêcha pas la matière électrique de parler , non plus que tous les corps naturellement électriques qu'on s'avifa d'interpofer , favoir un car- a reau de verre , une plaque de cire d'Es- pagne , un mouchoir de foie , &c. mais