t>". 3te *% y* &*- /Qf m %> ■ # m 'SçrrV ■ ■ V- w a* 1& "* a«* * * w ^# i%f *v« m \ 4 < ENCYCLOPEDIE, ou DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS. T RO IS IEME È DITION m TOME DOUZIEME. I ' ENCYCLOPÉDIE, O U DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS, PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES. Mis en ordre & publié par M. DIDEROT ; & quant à la Partie Mathématique, par M. D'ALEMB ERT. Tantùm ferles junSuracjue polie t, Tantùm de medlo fumptls accedlt honoris J Ho RAT, TROISIEME ÉDITION. =âSS£- TOME DOUZIEME. 1 * &%$&• •> A GENE V E, Chez Jean-Léonard Pellet , Imprimeur de la République, A NEUFCHATEL, Chez la Société Typographique. •.' r M. D C C. L XX VI IL AUAMS ENCYCLOPEDIE, o u DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS. E L G LCANA, {Hift.facr.) de la tribu de Levi , père de Samuel & mari d'Anne , étoit de Ramatha , du canton de So- phim. En allant à Silo où étoit l'arche , il confoloit fa femme qui gémifïbit defaflérilité. Les larmes & les vœux d'Anne méritèrent que Dieu leur donnât un fils , qu'ils offrirent au Seigneur. Il y a encore du même nom un petit- fils de Coré , un pre- mier miniflre du roi Achaz , deux lévites & quelques autres. ELCATIF , ( Géograph. mod. ) ville de PArabie heureufe fur la côte occidentale du Golfe Perlique. Long. 70 , 40 ; lat. 16. ELCESAITES, ou HELCESAITES , nu ELCESAIENS , comme les appelle E L C Théodoret , hérétiques qui parurent au com- mencement du fécond fiecle , & qui prirent leur nom d'Elcéfaï ou d'Elxaï , leur chef. Elxaï étoit Juif d'origine & de fentiment , mais il n'obfervoit pas la loi. Il fe préten- dit inipiré , compofa un livre où il or— donnoit à ùs fe&ateurs une forme de fer- ment myflérieux par le fel , l'eau , la terre , le pain , le ciel , l'air & le vent. D'autres fois il leur ordonnoit de prendre fept au- tres témoins de la vérité , le ciel , l'eau , les elprits , les SS. anges de la prière , l'huile , le fel & la terre. Des livres de l'ancien & du nouveau Teftament , il n'admettoit que quelques parfàges détachés. Ce pré- tendu prophète contraignoit {es feâateurs. au mariage. Il difok qu'on pouvoit làfts 6 E L C pécher , céder à la perfécution , adorer les idoles , & diflimuler fa. foi au dehors , pourvu que le cccur n'y eût point de part: il reconnoiffbitle Chriftpour le grand roi ; mais il ne paroifîoit pas clairement, par Ton livre , fi Tous ce nom il défignoit Jefus- Chrifl ou s'il en entendoit un autre. Il dé- fendoit de prier vers l'orient , & vouloit qu'on tournât le vifâge vers Jérufalem en quelque pays que l'on fût. Il condamnoit les facrifices comme indignes de Dieu , & ne lui ayant , difoit-il , été offerts ni par les pères , c'efl-à-dire les patriarches , ni en vertu de la loi. Il défendoit de manger de la chair comme faifoient les Juifs , & rejetoit l'autel & le feu ; mais il croyoit que l'eau étoit bonne , ce qui pourroit faire conjecturer qu'il admettoit une forte de baptême. Elxaï décrivoit le Chrifl comme une vertu célefîe qui, née dès le «commence- ment du monde , avoit paru de temps en temps feus divers corps , & il en décrivoit ïiinfi les dimenfions : vingt-quatre fchœnes en longueur , c'eft-à-dire quatre-vingt-feize mille pas ; fix fchœnes en largeur , ou vingt- quatre mille pas , & l'épaifTeur à -propor- tion. Ces mefures femblent avoir été for- gées fur une interprétation grofîîere de ces paroles de S. Paul aux Ephéfiens, ch. iij y ir ? 8 y utpojjitis comprehendere cum om- nibus fanctis , quee fit latitudo y & longi- tudo y & fublimitas y & profundum. Par une erreur femblable , il donnoit au faint Efprit le fexe féminin , parce qu'en Hébreu rouats ou rouach y qui lignifie efprit y eu de ce genre. Il le faifbit femblable au Chrifl & polé devant lui , droit comme une ftatue , fur un nuage entre deux mon- tagnes , & toutefois invifible. Il donnoit à l'un & à l'autre la même mefure , & prétendoit l'avoir connue par la hauteur des montagnes , parce -que leurs têtes y atteignoient. Enfin , il enfeignoit dans fon livre une prière en termes barbares , dont il défendoit de chercher l'explication , & que faint Epiphane traduit ainfi : la baf- fejfe y la condamnation y Voppreffwn y la peine de mes pères efl pajfée par la mijjîon parfaite qui efl venue. Ce père , Ongene & Eufebe ont parlé des Elcéfaïtes. Le premier les nomme auûî Samfe'ens y du E L E mot hébreu famés 9 qui lignifie le foie il. Scaliger s'efl trompé en prétendant qu'Elxaï étoit le même qu'EJ/aïou E^en ; & par une fuite de fa première erreur, il a con- fondu les Elcéfaïtes avec la fèàe des Ef- féens. Les difciples d'Elxaï fe joignirent à ceux d'Ebion , & gardoient comme eux la circoncifion ; ils fu brillèrent plufieurs fie- cles , quoiqu'Eufebe , liv. VI y ch. xxxviij y allure le contraire. Fleury , hift. eccle'f liv. I y tome II y page zgz &gz. (G) ELCHE , ( Géograph. mod. ) ville du royaume de Valence en Efpagne. Elle eQ. fituée fur la Segre. J^ong. 17 , 25 ; lat. 38, .10. ELDAGSEN ou ELDAGSHAUSEN , ( Géogr. ) petite ville d'Allemagne , dans le cercle de bafTe Saxe , dans l'éle&orat d'Hanovre , & dans la principauté de Ca- lenberg. Elle efl ancienne & faifoit jadis partie du comté de Hallermunde : elle avoit des murs & des foffés ; elle avoit jurifdiclion criminelle & civile , & elle donnoit fon nom à un certain diftricT:. Ces avantages font à -peu -près tous perdus pour elle aujourd'hui ; il ne lui relie que fa jurifdiclion civile, un long procès avec le bailliage de Calenberg au fujet de la criminelle , & 200 & quelques maifons. (D.G.) * ELEATIQUE ( Secte ) , Hift. de la Philofophie. La fecle ele'atique fut ainfî appellée d'Elée , ville de la grande Grèce , où naquirent Parménide, Zenon & Leu- cippe , trois célèbres défenfeurs de la philo- fophie dont nous allons parler. Xénophane de Colophon pafîe pour le fondateur de YEléatiJme. On dit qu'il fuc- céda à Telauge fils de Pythagore , qui enfeignoit en Italie la doctrine de fon père. Ce qu'il y a de certain , c'efl que les Eléatiques furent quelquefois appelles Py- thagoriciens. Il fe fit un grand fchifine dans l'école ele'atique y qui la divifà en deux fortes de philofophes qui conferverent le même nom , mais dont les principes furent auffi oppofés qu'il étoit poflible qu'ils le fufïênt ; les uns fè perdant dans des abflra&ions , & éle- vant la certitude des connoiflances méra- phyfiques aux dépens de la feience des faits , regardèrent la phyfique expérimentale E L E & l'étude de la nature comme l'occu- pation vaine & trompeufe d'un homme qui , portant la vérité en lui-même , la cherchoit au dehors , & devenoit de pro- pos délibéré le jouet perpétuel de l'appa- rence & des fantômes : de ce nombre furent Xénophane , Parménide , Mélifîe & Zenon ; les autres , au contraire , per- fuadés qu'il n'y a de vérité que dans les propolîtions fondées fur le témoignage de nos fens , & que la connoiffance des phé- nomènes de la nature eft la feule vraie philofophie , fe livrèrent tout entiers à l'étude de la phyfimie : & l'on trouve à la tête de ceux-ci les noms célèbres de Leu- cippe , de Démocrite , de Protagoras , de Diagoras & d'Anaxarque. Ce fchifme nous donne la divifion de l'hiftoire de la philo- fophie éléatique y en hiftoire de VEléatifme métaphyfique , & en hiftoire de VEléatifme phyfique. Hiftoire des éléatiques métaphyjiciens. Xénophane vécut fi long-temps , qu'on ne fait à quelle année rapporter fa nahTance. La différence entre les hiftoriens eft de vingt olympiades : mais il eft difficile d'en trouver une autre que la cinquante-fixie- me , qui fatisfafîè à tous les faits donnés. Xénophane , né dans la cinquante-fixieme olympiade , put apprendre les élémens de la grammaire , tandis qu'Anaximandre flo- riffoit ; entrer dans l'école pythagoricienne à l'âge de vingt - cinq ans ; profefîer la philofophie jufqu'à l'âge de quatre-vingt- douze : être témoin de la défaite des Per- fes à Platée & à Marathon ; voir le règne d'Hiéron ; avoir Empedocle pour difciple ; atteindre le commencement de la quatre- tingt & unième olympiade , & mourir âgé de cent ans. Xénophane n'eut point de maître. Per- fécuté dans fa patrie , il fe retira à Zancle ou à Catane dans la Sicile. Il étoit poëte & philofophe. Réduit à la dernière indi- gence , il alla demander du pain à Hiéron. Demander du pain à un tyran! il valoit encore mieux chanter Ces vers dans les rues; cela eût été plus honnête & plus conforme aux mœurs du temps. Indigné des fables qu'Homère & Héfiode avoient débitées fur le compte des dieux , il écrivit contre ces deux poètes j .mais les vers E L E 7 d'Héfiode & d'Homère font parvenus jus- qu'à nous , & ceux de Xénophane font tombés dans l'oubli. Il combattit les princi- pes de Thaïes & de Pythagore , il harcela un peu le philofophe Epiménide; il écrivit l'hiftoire de fon pays ; il jeta-les rondemens d'une nouvelle philofophie dans un ouvrage intitulé : de la nature. Ses difputes avec les philofophes de fon temps fervirent au fi! d'aliment à la mauvaife humeur de Timon ; je veux dire que le mifanthrope s'en réjouie (bit intérieurement , quoiqu'il en parût fâché à l'extérieur. Nous n'avons point les ouvrages des Eléa- tiques ; & l'on accufe ceux d'entre les an- ciens qui ont fait mention de leurs princi- pes , d'avoir mis peu d'exaclitude & de fidélité dans Pexpofition qu'ils nous en ont laiffée. Il y a toute apparence que les Eléa- tiques avoient la double doctrine. Voici tout ce qu'on a pu recueillir de leur métaphyfi- que & de leur phyfique. Métaphyfique de Xénophane. Rien ne fe fait de rien. Ce qui eft , a donc toujours été : mais ce qui eft éternel , eft infini , ce quLeft infini eft un : car où il y a difîi" miîitude , il y a pluralité. Ce qui eft éter- nel , infini , un , par-tout le même , eft aufli immuable & immobile : car s'il pou- voit changer de lieu , il ne feroit pas infini ; & s'il pouvoit devenir autre , il y auroit en lui des chofes qui commen- ceroient , & des chofes qui finiroient fans caufe , il fe feroit quelque chofe de rien , & rien de quelque chofe ; ce qui eft ab- furde. Il n'y a qu'un être qui foit éternel , infini , un , immuable , immobile , tout ; & cet être eft Dieu. Dieu n'eft point corps ; cependant fa fubftance s'étendant également en tout fens , remplit un efpace immenfè fphérique. Il n'a rien de commun avec l'homme. Dieu voit tout , entend tout , eft préfent à tout ; il eft en même temps l'intelligence , la durée , la nature ; il n'a point notre forme ; il n'a point nos panions ; fes fens ne font point tels que les nôtres. Ce fyftême n'eft pas éloigné du Spino- fifme. Si Xénophane femble reconnoître deux fubftances dont l'union intime conf- titue un tout , qu'il appelle l'univers; d'un autre côté l'une de ces fubftances eft figurée, 8 E L E & ne peut , félon ce philofophe , fe concevoir diftinguée & féparée de l'autre que par abftraction. Leur nature n'eft pas eflentiellement différente ; d'ailleurs cette ame de l'univers que Xénophane paroît avoir imaginée , & que. tous les philofo- phes qui font fùivi ont adraife , n'étoit rien de ce que nous entendons par un efprit. Phyfique de Xénophane. Il n'y a qu'un univers : mais il y a une infinité de mondes. Comme il n'y a point de mouvemeni vrai , il n'y a en effet ni génération , ni dépériffe- rnent , ni altération. Il n'y a ni commen- cement , ni fin de rien , que des apparen- ces. Les apparences font les feules procef- fions réelles de l'état de poffibilité à l'état ci'exiftence , & de l'état d'exiftence a celui d'annihilation. Les fens ne peuvent nous élever à la connoiflancede la raifon première de l'univers. Ils nous trompent néceflaire- mcnt fur [es loix. Il ne nous vient de fcience fonde que de la raifon ; tout ce qui n'eft fondé que fur le témoignage des fens , eft opinion. La métaphyfique eft la fcience des chofes ; la phyfique eft l'étude des appa- rences. Ce que nous appercevons en nous , eft ; ce que nous appercevons hors de nous , nous paroît. Mais la feule vraie philofophie eu des chofes qui font , & non de celles ' qui paroiflent. Malgré ce mépris que les EUatiques faifoient de la fcience des faits & de la connoiffance de la nature, ils s'en occu- paient férieufement ; ils en jugeoient feu- lement moins favorablement que les phi— lofophes de leur temps. Ils auroient été d'accord avec les Pyrrhoniens fur l'incer- titude du rapport des fens ; mais ils au- roient défendu contre eux l'infaillibilité de la raifon. Il y a, difoient les EUatiques 9 quatre clemens ; ils fe combinent pour former la terre. La terre eft la matière de tous les êtres. Les aftres font des nuages enflam- mes" : ces gros charbons s'éteignent le jour & s'allument la nuit. Le foleil eft un amas de particules ignées , oui ie détruit & fe réforme en 24 heures ; il fe levé le matin comme un grr.nd brafier allumé de vapeurs récentes ; ces vapeurs fe confument à me- inre que fon cours s'avance ; le foir il E L E tombe épuifé fur la terre ; fon mouvement fe fait en ligne droite : c'eft la diitance qui donne à l'efpace qu'il parcourt , une courbure apparente. Il y a plufieurs foleiîs ; chaque climat, chaque zone a le fien. La lune eft un nuage condenfé ; elle eft ha- bitée ; il y a des régions , des villes. Les nuées ne font que des exhalaifons que le foleil attire de la furface de la terre ; eft-ce l'afHuence des mixtes qui fe préci- pitent dans les mers qui les fale ? Les mers ont couvert toute la terre ; ce phénomène eft démontré par la préfence des corps marins fur fa furface Sk. dans fes entrailles. Le genre humain finira lorfque la terre étant entraînée au fond des mers , cet amas d'eau fe répandra également par-tout , détrempera le globe , & n'en formera qu'un bourbier; les fiecles s'écouleront, l'immenie bourbier fe féchera , & les hommes renaî- tront. Voilà la grande révolution de tous les êtres. Ne perdons point de vue au milieu de ces puérilités , plufieurs idées qui ne font point au defTous de la philofophie de nos temps ; la diftinction des élémens , leur combinai- fon , d'où réfulte la terre ; la terre , prin- cipe général des corps ; l'apparence circu- laire , effet de la grande diftance ; la plu- ralité des mondes & des foleiîs ; la lune ha- bitée , les nuages formés des exhalaifons terreftres ; le féjour de la mer fur tous les points de la furface de la terre. Il étoit diffi- cile qu'une fcience qui en étoit à fon al- phabet , rencontrât un plus grand nombre de vérités ou d'idées heureufes. Tel étoit l'état de la philofophie éléx- tique y lorfque Parménide naquît. Il éroit d'Elée. Il eut Zenon pour dilciple. Il s'entretint avec Socrate. Il écrivit fa phi- lofophie en vers ; il ne nous en refte que des lambeaux fi découfus , qu'on n'en peut former aucun enfemble fyftématique. Il y a de l'apparence qu'il donna auffi la pré- férence à la raifon fur les fens ; qu'il re- garda la phyfique comme la fcience des opinions , & la métaphyfique comme la fcience des chofes , & qu'il laifîà YEle'a- tifme {péculatif où il en étoit, à moins qu'on ne veuille s'en rapporter à Platon, & attribuer à Parménide tout ce que le Pîatonifme a débité depuis fur les idées. Parménide ELE Parménide fe fît un fyftême de phyfique particulier. Il regarda le froid & le chaud , ou la terre & le feu, comme les principes des êtres ; il découvrit que le foïeil & la lune brilloient de la même lumière , mais que l'éclat de la lune étoit emprunté ; il plaça la terre au centre du monde , il attri- bua fon immobilité à ià diftance égale en tout fens , de chacun des autres points de l'univers. Pour expliquer la génération des fubfîances qui nous environnent , il difoit : le feu a éré. appliqué à la terre , le limon s'efl échauffé , l'homme & tout ce qui a vie a été engendré ; le monde finira ; la portion principale de l'ame humaine efl placée dans le cœur. Parménide naquit dans la fbixante-neu- vieme olympiade. On ignore le temps de fa mort. Les Eléens l'appellerent au gouverne- ment ; mais des troubles populaires le dé- goûtèrent bientôt des affaires publiques , & il fe retira pour fc livrer tout entier à la philofophie. Méliffe de Samos fleurit dans la 84e olympiade. Il fut homme d'état, avant que d'être philofophe. Il eût peut-être été plus avantageux pour les peuples qu'il eût com- mencé par être philofophe. , avant que d'être homme d'étar. Il écrivit dans fa retraite de Vitre & de la nature. Il ne changea rien à la philofophie de Tes prédé- ceffeurs : il croyoit fetilement que la nature des dieux étant incompréhenfible , il falloit s'en taire , & que ce qui n'efl pas eft impoflible ; deux principes , dont le pre- mier marque beaucoup de retenue, & le fécond beaucoup de hardiefïê. On croit que ce fut notre philofophe qui commandoit les Samiens , lorfque leur flotte battit celle des Athéniens. Zenon Yéléatîque fut un beau garçon , que Parménide ne reçut pas dans fon école fans qu'on en médît. Il fe mêla auffi des affaires publiques , avant que de s'appliquer à l'étude de la philofophie. On dit qu'il fe trouva dans Agrigente , lorfque cette ville gémiflbit fous la tyrannie de Phalaris ; qu'ayant employé fans fuccès toutes les ■ reffources de la philofophie pour adoucir cette bête féroce , il inîpira à la jeuneffe l'honnête & dangereux deffein de s'en <■ délivrer ; que Phalaris inftruit de cette Tome XII, ELE $ confpiration., fît faiflr Zenon & Pexpofa aux plus cruels tourmens , dans l' efpéranc que la violence de la douleur lui arra- cheroit les noms de fes complices ; que le philofophe ne nomma que le favori du tyran ; qu'au milieu des fupplices , fon éloquence réveilla les lâches Agrigentins; qu'ils rougirent de s'abandonner eux-mê- mes , tandis qu'un étranger expiroit à leurs yeux , pour avoir entrepris de les tirer de l'efclavage ; qu'ils fe fouleverent brus- quement, & que le tyran fut aflommé à coups de pierre. Les uns ajoutent qu'ayant invité. Phalaris à s'approcher , fous pré- texte de lui révéler tout ce qu'il defiroit (avoir , il le mordit par l'oreille , & ne lâcha priie qu'en mourant fous les coups que les bourreaux lui donnèrent. D'autres que , pour ôter à Phalaris toute efpérance de connoître le fond de la conjuration , il fe coupa la langue avec les dents , & la cracha au vifage d a tyran. Mais quelque honneur que la philofophie puifîe recueillir de ces faits , nous ne pouvons nous en diffimuler l'incertitude. Zenon ne vécut ni fous Phalaris , ni fous Denis ; & l'on ra- conte les mêmes. chofes d'Anaxarque. Zenon étoit grand dialecticien. Il avoit divifé fa logique en trois parties. Il traitoit dans la première de l'art de raifonner ; dans la féconde , de l'art de dialoguer ; & dans la troifieme , de l'art de difputer. Il n'eut point d'autre métaphyfique que celle de Xénophane. Il combattit la réalité du mouvement. Tout le monde connoît ibn fbphifme de la tortue & d'Achille. " Il » difoit : fi je fouffre fans indignation l'in- » jure du méchant , je ferai infenfïble à la a louange de l'honnête homme. » Sa phy- fique fut la même que celle de Parmémae. Il nia le vuide. S'il ajouta au froid & au chaud l'humide & le fec , ce ne fut pas proprement comme quatre difïerens princi- pes , mais comme quatre effets de deux caufès , la terre & le feu. Hiftoire des Eléatiques Phyjiclens. Leu- cippe d'Abdere , difciple de MélifTe & de Zenon , & maître de Démocrite , s'ap- perçur bientôt que la méfiance outrée du témoignage des fens détruifoit toute philo- fophie , & qu'il valoit mieux rechercher en quelles circoçftances ils nous trompoient't B io E L E que de fe perfuader à foi-même & aux autres par des fubtilités de Logique qu'ils nous trompent toujours. Il fe dégoûta de la .métaphyfique de Xénophane , des idées de Platon , des nombres de Pythagore , des fophifmes de Zenon , & s'abandonna tout entier à l'étude de la nature , à la connoif- iance de l'univers , & à la recherche des propriétés & des attributs des êtres. Le feul moyen , difoit-il , de réconcilier les fens avec la raifon , qui femblent s'être brouillés depuis l'origine de la fecte éléatique , c'eft de recueillir des faits & d'en faire la bafe de le fpéculation. Sans les faits , toutes les ir^ées iyftématiques ne portent fur rien : ce font des ombres inconfiantes qui ne le refïèm- bient qu'un inftant. On peut regarder Leucippe comme le fondateur de la philofophie corpufculaire. Ce n'eu1 pas qu'avant lui on n'eût confidéré les corps comme des amas de particules ; mais il eu le premier qui ait fait de la combinaifon de ces particules > la caufe univerfelle de toutes chofes. Il avoit pris la métaphyfique en une telle averfion , que pour ne rien laiiîer , difoit-il , d'arbitraire dans fa philofophie ,. il en avoit banni le nom de Dieu. Les philofophes qui l'avoient précédé , voyoient tout dans les. idées ; Leucippe ne voulut rien admettre que ce qu'il obfervoit dans les corps. Il fit tout émaner de l'atome , de fa figure & de fon mouvement. Il imagina l'atomilme ; Démo- crite perfectionna ce fyftême ; Epicure le porta jufqu'où. il pouvoit s'élever: Voye^ Atomisme. Leucippe & Démocrite avoient dit que les atomes difFéroienr par le mouvement , la figure & la maffe , & que c'éroit de leur coordination que naifloient tous les êtres. Epicure ajouta qu'il y avoit des atomes d'une nature fi hétérogène , qu'ils ne pou voient ni fe rencontrer , ni s'unir. Leucippe & Démocrite avoient prétendu que toutes les molécules élémentaires avoient commencé par fe mouvoir en ligne droite. Epicure remarqua que fi elles avoient commencé à- fe mouvoir toutes en ligne droite , elles n'auroient jamais changé de direâion , ne fe feroient point choquées ,, ce fe feroient point combinées , & n'au- rokot produit aucune fubûacce : d'où il E L E | conclut qu'elles s'étoient mues dans des directions un peu inclinées les unes aux autres , & convergentes vers quelque point commun , à-peu-près comme nous voyons les graves tomber vers le centre de la terre. Leucippe & Démocrite avoient animé leurs atomes d'une même force de gravitation. Epicure fit gn.viter les fiens diverfement. Voilà les principales différences de la phi- lofophie de Leucippe & d'Epicure , qui nous foient connues. Leucippe difoit encore : l'univers eu. in- fini. Il y a un vuide abfolu , & un plein abfolu : ce font les deux portions de l'es- pace en général. Les atomes fe meuvent dans le vuide. Tout naît de leurs combi- naifons. Ils forment des mondes , qui fe réfolvent en atomes. Entraînés autour d'un centre commun , ils fe rencontrent , fe choquent , fè féparent , s'unifient ; les plus- légers font jetés dans les efpaces vuides > qui embrarfent extérieurement le tourbillon: général. Les autres tendent fortement vers le centre ; ils s'y hâtent , s'y preffent , s'y accrochent , & y forment une mafîe qui augmente fans ceffe en denfité. Cette mafîe- attire à elle tout ce qui l'approche ; delà naiffent l'humide , le limoneux , le {ec , le chaud y le brûlant , l'enflammé , les eaux , la terre, les pierres , les' hommes , le feu,, la flamme , les aflres. Le foleil eft envi- ronné d'une grande atmofphere , qui lui efl extérieure. C'eft le mouvement qui en- tretient fans ceffe le feu des aflres , en por- tant au lieu qu'ils occupent des particules qui réparent les pertes qu'ils font. La Lune ne brille que d'une lumière empruntée du Soleil. Le Soleil & la Lune fouffrent des éclipfes , parce que la terre penche vers le midi.. Si les éclipfes de Lune font plus fréquentes que celles de Soleil, il en faut chercher la raifon. dans la différence de leurs orbes. Les générations ,. les dépériffemens , les altérations , font les fuites d'une loi gé- nérale & néceflaire , qui agit dans toutes \e& molécules de la matière- Quoique nous ayions perdu les ouvrages de Leucippe , il nous efl refté , comme on voit y afîez de connoifîànce des principes de fa philofophie , pour juger du rnérite de quelques-uns de nos fyflématiques moder- nes i &: nous pourrions demander aux E L E Cartéfiens , s'il y a bien loin des idées de Leucippe à celles de Defcartes. Voy. CAR- TÉSIANISME. Leucippe eut pourfuccefîèur Démocrite , un des premiers génies de l'antiquité. Dé- mocrite naquit a Abdere , où fa famille étoit riche & puifïânte. Il floriflbit au commen- cement de la guerre du Péloponefe. Dans le defîèin qu'il avoit formé de voyager, il laifîà à (es frères les biens-fonds , & il ♦ prit en argent ce qui lui revenoit de la fùcceffion de fonpere. Il parcourut l'Egypte, où il apprit la Géométrie dans les féminai- res ; la Chaldée ; l'Ethiopie , où il converfa avec les Gymnofophiftes ; la Perlé , où il interrogea les mages ; les Indjs , &c. Je n'ai rien épargné pour m'iûfiruire , difoit Démocrite ; fhi vu tous les hommes célè- bres de mon temps ,* ; 'ai parcouru toutes les centrées où j'ai efpéré rencontrer la vérité : la difiance des lieux ne m'a point effrayé ; j'ai obfen'é les différences de plujieurs climats ; j'ai recueilli les phéno- mènes de Vair y de la terre & des eaux: la fatigue des voyages ne m'a point em- pêché de méditer ; j'ai cultivé les Mathé- matiques fur les grandes routes , comme dans lejilence de mon cabinet ; je ne crois pas que perfonne me furpaffe aujourd'hui dans l'art de démontrer par les nombres & par les lignes _, je n 'en excepte pas même les prêtres de l'Egypte. Démocrite revint dans fà patrie , rempli de la fageffe de toutes les nations , mais il y fut réduit à la vie la plus étroite & la plus obfcure ; {es longs voyages avoient entièrement épuifé fa fortune ; heureu- femei-it il trouva dans l'amitié de Damafis fon frère , les fecours dont il avoit befoin. Les loix du pays refufoient la fépulture à celui qui avoit diflipé le bien de (es pères. Démocrite ne crut pas devoir expofer fa mémoire à cette injure : il obtint de la république une fomme confidérable en argent, avec une ftatue d'airain , fur la feule ledure d'un de fes ouvrages. Dans la fuite , ayant conjecturé par des obfervations météorologiques , qu'il y auroit une grande difette d'huile , il acheta à bon marché toute celle qui étoit dans le commerce , la revendit fort cher , & prouva aux dé- tracteurs de la philofophie , que le philo- E L E . ii fophe favoit acquérir des richefles quand il le vouloit. Ses concitoyens l'appellerent à l'adminiftration des affaires publiques : il fe conduifir à la tete du gouvernement , comme on l'attendoit d'un homme de fon caractère. Mais Ion goût dominant ne tarda pas à le rappeller à la contemplation & à la philofophie. Il s'e fonça dans les lieux fàuvages & folitaires ; il erra parmi les tom- beaux ; il fe livra à l'étude de la morale , de la nature , de Panatomie & des mathéma- tiques ; il confuma fa vie en expériences; il fit difTbudre des pierres ; il exprima le flic des plantes ; il diflëqua les animaux. Ses imbécilles concitoyens le prirent alternati- vement pour magicien & pour irîfenfe. Son entrevue avec Hippocrate , qu'on avoit ap- pelle pour le guérir , eft trop connue & trop incertaine , pour que j'enfaflè mention ici. Ses travaux & fon extrême fobriété n'abrégèrent point {es jours. Il vécut près d'un iiecle. Voici les principes généraux de fa philofophie. Logique de Démocrite. Démocrite difoit: il n'exifte que les atomes & le vuide ; il faut traiter le refte comme des fimulacres trompeurs. L'homme eft loin de la vérité. Chacun de nous a fon opinion ; aucun n'a la feience. Il y a deux philofophies ; l'une feniï- ble , l'autre rationelle ; il faut s'en tenir à la première , tant qu'on voit , qu'on fent, qu'on entend , qu'on goûte & qu'on touche ; il ne faut pourfuivre le phénpmene à la pointe de l'efprit , que quand il échappe à la portée des fens. La voie expérimentale efl longue , mais elle eft sûre ; la voie du raifonnement a le même défaut , & n'a pas la même certitude. D'où l'on voit que Démocrite s'étoit un peu rapproché des idées de Xénophane en métaphyfique , & qu'il s'étoit livré fins ré- ferve à la méthode de phiiofopher de Leucip- pe en phyfique. Phyfiologie de Démocrite. Démocrite difoit : rien ne fe fait de rien ; le vuide & les atomes font les caufes efficientes de tout. La matière eft un amas d'atomes , ou n'eft qu'une vaine apparence. L'atome ne naît point du vuide , ni le vuide de l'atome ; les corps exiftent dans le vuide. Ils ne aillèrent que par la combinaifon de leurs élémens. Il faut rapporter l'efpaçe aux ii E L E atomes & au vuide. Tout ce qui eft plein eft atome ; tout ce qui n'eft pas atome eft vuide. Le vuide & les atomes font deux infinis ; l'un en nombre , l'autre en étendue. Les atomes ont deux propriétés primitives , la figure & la mafle. La figure varie à l'infini ; la maffe eft la plus petite poffible. Tout ce que nous attribuons d'ailleurs aux atomes comme des propriétés , eft en nous. Ils fe meuvent dans le vuide immenfe , où il n'y a ni haut ni bas , ni commencement , ni milieu , ni fin : ce mouvement a toujours été & ne ceffera jamais. Il fe fait félon une direction oblique , telle que celle des graves. Le choc & la cohéfion font des fuites de cette obliquité & de la diverfité des figures. La juftice , le deftin, la providence, font des termes vuides de fens. Les actions réci- proques des atomes , font les feules raifons éternelles de tout. Le mouvement circu- laire en efl un effet immédiat. La matière eft une : toutes les différences émanent de l'ordre , de la figure & de la combinaifon des atomes. La génération n'eft que la co- héfion des atomes homogènes : l'altération n'eft qu'un accident de leur combinaifon ; la corruption n'eft que leur féparation ; l'augmentation , qu'une addition d'atomes ; la diminution , qu'une fouftradion d'atomes- Ce qui s'apperçoit par les fens , eft toujours vrai 'y la doétrine des atomes rend raifon de toute la diverfité de nos fènfations. Les mondes font infinis en nombre : il y en a de parfaits , d'imparfaits , de femblablcs > ce dilîérens. Les efpaces qu'ils occupent , les limites qui les circonfcrivent , les inter- valles qui les féparent , varient à l'infini. Les uns fe forment , d'autres font formés ; d'autres fe réfolvent & fe détruifent. Le monde n'a point d'ame , ou l'ame du monde e]t le mouvement ignée. Le feu eft un amas d'atomes fphériques. Il n'y a d'autres diffé- rences entre les atomes constitutifs de l'air , de l'eau & de la terre , que celle des mafles. Les affres font des amas de corpufcules ignées & légers , mus fur eux-mêmes. La lune a fes montagnes , fes vallées & Ces plaines. Le foieil eft un globe immenfe de feu. Les corps céleftes font emportés d'un mouvement général d'orient en occident. Plus leur orbe eft voifin de la terre , plus u fe meut lenteraenu Les comètes font des E L E amas de planètes fi voifines, qu'elles n'ex- citent que la fenfation d'un tout. Si l'on refferre dans un efpace trop étroit une grande quantité d'atomes , il s'y formera un courant ; fi l'on difperfe au contraire les atomes dans un vuide trop grand pour leur quantité , ils demeureront en repos. Dans le commencement , la terre fut emportée à travers l'immenfité de l'efpace d'un mou- vement irrégulier. Elle acquit dans le temps de la confiilance &c du poids ; fon mou- vement fe ralentit peu à peu , puis il ceilà. Elle doit fon repos à fon étendue & à fa gravité. C'eft un vafte difque qui divife l'eipace infini en deux hémifpheres , l'un fupérieur , & l'autre inférieur. Elle reflé immobile par l'égalité de force de ces deux hémifpheres. Si l'on confidere la fection de l'eipace univerfel relativement à deux points déterminés de cet efpace , elle fera droite ou oblique. C'eft en ce fens que l'axe de la terre eft incliné. La terre eft pleine d'eau : c'eft la diftributioa inégale de ce fluide dans Ces immenies & profondes concavi- tés , qui caufe& entretient fes mouvtmens. Les mers décroiffent fans cefîè r & tariront. Les hommes font fortis du limon & de l'eau. L'ame humaine n'eit que la chaleur des élémens du corps ; c'eft par cette cha- leur que l'homme fe meut & qu'il vit. L'ame eft mortelle ; elle fe diffipe avec le corps. La partie qui réfide dans le cœur , réfléchit , penfe & veut ; celle qui eft répandue uniformément par-tout ailleurs , fent ieu- lement. Le mouvement qui a engendré les êtres détruits , les réformera. Les animaux , les hommes & les dieux , ont chacun leurs fens propres. Les nôtres font des miroirs qui reçoivent les images des chofes. Toute fenfation n'eft qu'un toucher. La diftinction du jour & de la nuit eft une expreflion naturelle du temps. Théologie de Dermocrite. II y a des natures compofées d'atomes très - fubtils r qui ne fe montrent à nous que dans les ténèbres. Ce font des fimulacres gigantes- ques : la diffoîution en eft plus difficile & plus rare que des autres natures. Ces êtres ont des voix : ils font plus inftruits que nous. Il y a dans l'avenir des événemens qu'ils peuvent prévoir, & nous annoncer; les ,uns font bienfaifans, les autres malfaifans* E L E Ils habitant le vague des airs ; ils ont la figure \ humaine. Leur dimenfion peut s'étendre jus- qu'à remplir des cfpaces immenfes. D'où l'on voit que Démocrite avoit pris pour des êtres réels les fantômes de Ton imagina- ' tion ; & qu'il avoit compofé fa théologie de {es propres viiions ; ce qui étoit arrivé de Ton temps à beaucoup d'autres , qui ne s'en dou- tolem pas. Morale de Démocrite. La fanté du corps & le repos de l'ame font le fouverain bien de l'homme. L'homme fage ne s'attache fortement à rien de ce qui peut lui être enlevé. Il faut le confoler de ce qui efl , par la contemplation du poflible. Le phi— îofophe ne demandera rien, & méritera tout; ne s'étonnera guère, & fe fera fou- vent admirer. C'eft la loi qui fait le bien & le mal , le jufte & l'injufte , le décent & le déshonnête. La connoifïance du nécefîàire efr. plus à délirer que la jouiffance du fuperrlu. L'éducation fait plus d'honnêtes gens que la nature. Il ne faut courir après la fortune , que jufqu'au point marqué par les befoins de la nature. L'on s'épargnera bien des' peines & des entreprifes , fi l'on connoît fes forces , & fi l'on ne fe propofè rien au delà , ni dans fon domeftiquc , ni dans la fociété. Celui qui s'eff. fait un cara&ere , fait tout ce qui lui arrivera. Les loix notent la liberté qu'à ceux qui en abu- feroient. On neû point fous le malheur, tant qu'on eft loin de l'injufiice : le méchant qui ignore la difTolution finale , & qui a la confcience de fa méchanceté , vit en crainte , meurt en tranfe , & ne peut s'empêcher d'attendre d'une juftice ulté- rieure qui n'efl pas , ce qu'il a mérité de celle qui eft & à laquelle il n'ignore pas qu'il échappe en mourant. La bonne fanté eu dans la main de l'homme. L'intempérance donne de courtes joies & de longs dé- plaifirs , &c. Démocrite prit pour difcipïe Protagoras , un de (hs concitoyens ; il le tira de la condition de portefaix , pour l'élever à celle de philofophe. Démocrite ayant con- . fidéré avec . des yeux méchaniciens l'ar- tifice fingulier que Protagoras avoit ima- giné pour porter commodément un grand , fardeau , l'interrogea , conçut fur {es réponfes bonne opinion de fon elprit ; & E L E 13 fe l'attacha. Protagoras profefTa l'éloquence & la philofophie. Il fit payer chèrement Ces leçons : il écrivit un livre de la nature des dieux , qui lui mérita le nom d'impie , & qui l'expofa à des perfécutions. Son ouvrage commençoit par ces mots : Je ne fais s'il y a des dieux ; la profondeur de cette recherche y jointe à la brièveté de la rie y m'ont condamné à V ignorer toujours. Pro- tagoras fut banni , & les livres recherchés , brûlés & lus. Punitis ingeniis glifcit auc- toricas. Ce qu'on nous a tranfmis de fa philo- fophie , n'a rien de particulier ; c'eft la métaphyfique de Xénophane , & la phyfi- que de Démocrite. Délêatique Diagoras de l'île de Melos , fut un autre impie. Il naquit dans la 38e olympiade. Les défordres qu'il remarqua dans l'ordre phyfique & moral , le déter- minèrent à nier l'exiftence des dieux. Il ne renferma point fa façon de penfer , malgré les dangers auxquels il s'expofbit en la laifïânt tranfpirer. Le gouvernement mit fa tête à, prix. On éleva une colonne d'airain , par laquelle on promettoit un talent à celui qui le tueroit , & deux talens à celui qui le prendroit vif. Une de (es imprudences fut d'avoir pris , au défaut d'autre bois , une ftatue d'Hercule pour faire cuire des navets. Le vaiiîeau qui le portoit loin de fa patrie , ayant été accueilli par une violente tempête , les matelots, gens fuperftitieux dans le danger , com- mencèrent à fe reprocher de l'avoir pris fur leur bord ; mais le philofophe leur mon- trant d'autres bâtimens , qui ne couroienc pas moins de danger que le leur , leur demanda avec un grand fang - froid , fi chacun de ces vaifîèaux portoit auffi un Diagoras. Il difoiî dans une autre con- joncture à un Samothrace de fes amis , qui lui faifoit remarquer dans un temple de 'Neptune , un grand nombre d'ex vota offerts au dieu par des voyageurs qu'il . avoit fauves du naufrage , ,que les prêtres ne feroîent pas fi fiers , fi l'on avoit pu tenir regiflre des prières de tous les honnêtes gens que Neptune avoit laiffê périr. Notre athée donna de bonnes loix aux Mantinéens 3 & mourut tranq^uilieiucnf à Corinthe, i4 E L E Anaxarque d'Abdere fut plus fameux par la licence de (es mœurs , que par (es ouvrages. Il jouit de toute la faveur d'Alexandre : il s'occupa à corrompre ce jeune prince par la flatterie. Il parvint à Je rendre inacceflible à la vérité. Il eut la bafTefTe de le confoier du meurtre de Clitus. An ignoras 9 lui difoit-il, jus Ùfas Jovi ajjidere y ut quidquid rex agat y id fas juflumque putetur. Il avoit long-temps follicité auprès d'Alexandre la perte de Nicocreon , tyran de l'île de Chypre. Une tempête le jeta entre les mains de ce dangereux ennemi. Alexandre n'étoit plus. Nicocreon fit piler Anaxarque dans un mortier. Ce malheureux mourut avec une fermeté digne d'un plus honnête homme. Il s'écrioit fous les coups de pilon : Anaxar- çhi culeum y non Anaxarchum tundis. On dit aufli de lui , qu'il fe coupa la langue avec les dents . & qu'il la cracha au vifage du tyran. ELEAZAR, (-7//?./^r.)froifiemefils d'Aaron , & fon fucceflèur dans la dignité de grand-prêtre , nomb. XX y z&. Le fou- verain pontificat demeura dans fà famille jufqu'au temps du grand-prêtre Héli , qui étoit de la famille d'Ithamar. (-f-) ElÉAZAR , ( Hifl. facr. ) fils d'Abina- dab , à qui l'on confia la garde de l'arche du Seigneur , lorfqu'elle fut renvoyée par }es Philiftihs. L'écriture dit qu'on confacra Eléa^ar pour être le gardien de l'arche du Seigneur, foit que cette confécration fut .une fimple deftination à cet emploi , foit qu'on lui donnât l'onction facerdotale, ou qu'on l'obligeât à fe purifier pour re- cevoir chez lui ce dépôt làcré. (4-) ElÉAZAR, ( Hifl. facr.) fils d'Aod , frère d'Ifaï , un des trois braves qui traverferent avec impétuofité le camp des ennemis du peuple de Dieu , pour aller quérir au roi David de l'eau de la citerne qui étoit proche la porte de Bethléem. Une autre fois , les Ifraélites , faiiis d'une frayeur fubite , à la vue de l'armée nombreufe des Philifhns , prirent lâchement la fuite , & abandonnèrent David. Eléa\ar feul ar- rêta la fureur des ennemis , & en fit un fi grand carnage , que fon épée fe trouva collée à fà main, (-f-) pLÉAZAR , ( Hifl. facr. ) furnommé E L E Âuran ou 'Abaron, frère des Maccha- bées , étoit le dernier des cinq fils de Mathatias. Dans la bataille que Judas livra à l'armée d'Antiochus Eupator , Eléa\ar 9 appercevant un éléphant plus grand & plus richement enharnaché que les autres, & s'imaginant que ce pouvoit être celui du roi , réfolut de fauver fon peuple , & de s'acquérir un nom immortel ; /. Mac. ij9 44- Il fe fif donc jour à travers les plus épais bataillons , fe coula fous le ventre de l'éléphant , & le tua à coups d'épée ; mais ayant été accablé fous le poids de l'animal , il fut enfèveli fous fon propre triomphe. On efl partagé fur l'action d'J?- lca\ar , & le motif qui l'y a ' porté : les uns 1'accufent d'avoir été lui-même caufè de fa mort par un motif de vaine gloire : les autres , avec plus de raifon , louent fon action comme l'effet d'un courage héroïque. C'efl en effet un citoyen qui s'expoie à un grand péril pour le falut de fon peuple , mais non à une mort véri- table , puifqu'il pouvoit arriver que la bête tombât de telle manière , qu'il eût le temps de fe retirer. Il y auroit plus de difficulté fur le fécond motif que l'écriture femble lui attribuer , qui étoit d'acquérir un nom immortel, mais pour juffifier l'expreffion , il n'eft pas nécefTaire qu'Eléa^ar ait ctté pouffé formellement par ce motif, il fùffit que fon a&ion dût lui acquérir un grand nom chez la pofférité. (-f-) ELÉAZAR, ( Hifl. facr.) l'un des prin- cipaux docteurs de la loi chez les Juifs, qui fouffrit la mort dans la perfécution d'Antiochus Epiphanes. Ce prince voulut l'obliger de violer la loi , en mangeant de la chair de porc ; mais ce vénérable vieillard lui ayant réfiffé courageufement , Antiochusle fit cruellement fouetter, Ceux qui étoient préfens , touchés d'une corn- paflion injufte , propoferent au faint martyr de feindre de manger les viandes immo- lées aux idoles , pour s'arracher au fup- plice ; mais Elt'a^ar eut horreur d'un tel confeil » & refufa de conferver fa vie par cette lâcheté criminelle ; & les bourreaux ayant continué de le tourmenter , il ex- pira entre leurs mains. II. Mac. vj 3 ELÉAZAR , ( Hifl. facr. ) fils d'Oniaç E L E premier , & frère de Simon , furnommé le Jufte y fuccéda à Ton frère dans la ibuveraine facrificature , parce qu'Onias , fon neveu , éroit encore trop jeune pour l'exercer. Ptolémée Philadeiphe , roi d'E- gypte , lui envoya cent mille Juifs qui étoient captifs dans fon royaume , & le pria par des lettres obligeantes , accom- pagnées de riches préfens, de lui com- muniquer les loix des Juifs. Ce pontife lui envoya LXXII favans de fa nation , qui traduifirent la Bible d'hébreu en grec ; & c'eft la verfion qu'on nomme ordinairement des Septante. Il eft fait mention dans l'écriture de plu- fteurs autres Eléa^ars y dont on ne connoîr que le nom. (-{-) ELECTEURS, f. m. pi. {Hifloire & droit public d'Allemagne. ) On donne ce nom en Allemagne à des princes qui font en pofleffion du droit d'élire l'empereur. laes auteurs ne s'accordent pas fur l'origine de l'a dignité électorale dans l'Empire. Pafquier dans fes recherches } croit qu'après l'extinction de la race des Carlovingiens , l'élection des empereurs fut commife à fix des princes les plus confidérables de l'Alle- magne , auxquels on ajoutoit un feptieme en cas que les voix fufTent partagées également. Quelques-uns prétendent que l'inftitution des électeurs doit être rapportée au temps d'Othon III , d'autres au temps d'Othon IV , d'autres à celui de Frédéric II. Il s'eft aufiî trouvé des écrivains qui ont cru que c'étoit le pape de qui les électeurs dérivoient leur droit ; mais c'eft une erreur , attendu que le fouverain pontife n'ayant jamais eu aucun droit fur le temporel de l'Empire , n'a jamais pu conférer le privilège d'élire un empereur. Le fentiment le plus vrai- femblable , eft que le collège électoral prif^ naifTance fous le règne de Frédéric II , & qu'il s'établit du confentement tacite des autres princes & états de l'Empire , qui avoient lieu d'être fatigués des troubles , de la confufion & de l'anarchie qui depuis long - temps agitoient l'Allemagne ; ces malheurs étoient des fuites nécefîaires des longs interrègnes qui arrivoient lorfque l'é- lection de l'empereur fe faifoit par tous les états de l'Empire. Cependant il y a des jouteurs qui prétendent que les électeurs fe E L E 1 5 font arrogé pour toujours un droit qui ne leur avoit été originairement déféré que par la néceffité des circonftances & feule- ment pour un temps , & que toutes choies étant rentrées dans l'ordre , les autres états de l'Empire devroient aufli rentrer dans le droit de concourir à donner un chef à l'Empire. Ce qu'il y a de certain y c'eft que la bulle d'or eft la première loi de l'Empire qui fixe le nombre des électeurs , & aflîgne à chacun d'eux (es fondions : par cette loi le nombre eft fixé à fept , dont trois eccléfiaftiques , & quatre laïques. Mais en 1648 , par le traité de Weftphalie on créa un cinquième électorat féculier en faveur du duc de Bavière ; enfin en 1692 , on en créa un fixieme en faveur du» duc de Brunswick-Lunebourg , fous le nom à'élec-> torat de Hannovrc ; mais ce prince ne fut admis fans contradiction dans le collège électoral qu'en 1708 ; de forte qu'il y a préfentement neuf électeurs } trois ecclé- fiaftiques ; favoir , ceux de Mayence , de Trêves & de Cologne , & fix féculiers qui font , le roi de Bohême , le duc de Ba- vière , le duc de Saxe , le Margrave de Brandebourg , le comte Palatin du Rhin , & le duc de Brunswick-Hannovre. Ces électeurs font en pofteffion des grands offi~ ces de l'Empire qu'on appelle archi-ojficia Imptrii. \1 électeur de Mayence eft archi- chan- celier de l'Empire en Germanie. \J électeur de Trêves a le titre d'archi-chancelier de l'Empire pour les Gaules & le royaume d'Arles j Sélecteur de Cologne eft archi- chancelier de l'Empire pour l'Italie. Ces trois électeurs font archevêques. Le roi de Bohême eft archi-p'mcerna y c'eft-à-dire, grand échanfon de l'Empire^ V électeur de Bavière eft archi-dapifer y grand -maître d'hôtel. Sélecteur de Saxe' eft archi - marefcallus ? grand - raaréchaL Uélecteur de Brandebourg eft archi-came- rarius y grand - Chambellan.- \J électeur Palatin eft archi - thefaurarius , grand— tréforier de FEmpire. Quant à ïeleâeur de Hannovre , on ne lui a point encore affigné d'office. Il y a tout lieu de- croire que la dignité électorale ou le droit d'élire? l'empereur n'a été attaché aux grands offices de la couronne , que parce qu# \i E L E dans les commencemens c'étoient les grands I officiers qui înnonçoient l'élection qui avoit ' été laite par tous les états de l'Empire. Le jour du couronnement , les eleâeurs font tenus d'exercer leurs fondions auprès de l'empereur par eux-mêmes ou par leurs fubftituts , dont les offices font héréditaires dans certaines familles. Voy. l'art. EMPE- REUR , où l'on trouvera les formalités qui fè pratiquent à l'élection & au couronnement d'un empereur. Les électeurs eccléfiaftiques parviennent à la dignité électorale par le choix d.es chapitres qui en élifant un archevêque , le font électeur; d'où l'on voit que fouvent un fimple gentilhomme qui eït chanoine d'une des trois métropoles de Mayence , de Trêves , ou de Cologne , peut parvenir à cette éminente dignité. Pour que les électeurs ecclénafhques piaffent jouir du droit d'élire un empereur , il fuffit qu'ils aient été élus ou pofîulés légitimement , fans qu'il foit befoin d'attendre la confirmation du pape. Les électorats feculiers s'acquièrent par le droit de naiffance : ils font héréditaires , ne peuvent fe partager , mais appartiennent en entier aux premiers nés des maifons électora- les ; ils font majeurs à l'âge de 18 ans , & durant leur minorité , c'eft le plus proche des agnats qui eft leur tuteur. Les électeurs forment le corps le plus augufre de l'empire ; on le nomme le collège électoral. Voyez cet article 9 & l'article DlETE. Ils jouifîent d'un grand nombre de prérogatives très-conlidérables qui les mettent au delfùs des autres princes d'Al- lemagne. i°. Ils ont le droit d'élire un empereur & un roi des Romains , feuls & fans le concours des autres états de l'Empire. 2.°. Ils peuvent s'afîembler pour former une diète électorale , & délibérer de leurs afTiires particulières & de celles de tout l'Empire, fans avoir befoin pour cela du confentement de l'empereur. 3°. Us exercent dans leurs électorats une jurif- diction fouveraine fans que leurs vallàux & fujets puifîènt appeller de leurs dédiions aux tribunaux de t'Empire , c'eft-à-dire , à la chambre impériale & au confeil aulique , c'efl ce qu'on appelle en Allemagne privi- legium de non appellando. 40. L'empereur E L E ne peut pas convoquer la diète fans le confentement du collège électoral, qui lui eft aufli néceilaire dans les affaires prei- {ées &c qui ne foufrrent point de délai. 50. Chaque électeur a le droit de préfenter deux afTefîeurs ou juges de la chambre im- périale. 6°. Les électeurs font exempts de payer des droits à la chancellerie impé- riale , lorfqu'ils prennent l'inveiiiture de leurs états. Les électeurs prétendent marcher de pair avec les têtes couronnées , & même ils ne cèdent point le pas aux rois à la cour de l'empereur ; ils ont le droit d'envoyer des ambafîàdeurs. L'empereur , quand il leur écrit , traite les ^électeurs ecclefialtiques de neveux } & les feculiers d'oncles. Us veulent être feuls en droit de drefTer les articles de la capitulation impériale : mais ce droit leur eft conteflé par les autres princes & états de l'Empire ; cependant julqu'à pré- fent ils en font demeurés en pofTellion. V. Capitulation Impériale. Outre ces privilèges qui (ont communs à tous les électeurs, il y en a encore d'autres qui font particuliers à chacun d'eux , & que l'on peut voir dans les auteurs qui ont écrit fur le droit public d'Allemagne. V. Vitriarii Injiitut. juris publ. Les attributs de la dignité électorale , font le bonnet & le manteau fourrés d'hermine , l'épée, & la crofTe pour les eccléiiafHques,&c. On leur donne le titre d'altejje électorale. Le fils aine d'un électeur féculier le nomme prince électoral. (— ) ELECTEUR, f. m. (Jurif prudence. ) efl celui qui donne fon fuffrage pour l'élection qui fe fait de quelque perfonne , foit pour un bénéfice , foit pour un office , eommif- fion , ou autre place. Voye\ ci-après ELEC- TION. (A) ELECTIF, adj. {Hifi. mod.) chofe qui fe fait ou qui fe pane par élection. Voye\ Election. L'empire d'Allemagne étoit héréditaire du temps de Charlemagne & de [es fucce£- feurs jufqu'à la mort de l'empereur Louis IV , en 912.. L'Empire commença dès-lors à être électif en la perfonne de Conrad I , & depuis ce temps-la l'Empire ,• quoique quelquefois héréditaire , fut cenfé électif 9 parce que les fils ne fuccédoient à ïems pères E L E pères que du confentement du corps ger- J manique. D'ailleurs cette dignité paffa en différentes imifons, fans égard au prétendu droit de fucceffion. Jufqu'au temps de l'empereur Frédéric II, en 121 2, l'Empire a toujours été électif , jufqu'à ce que la maiibn d'Autriche , en le laiflant tel en apparence , l'ait rendu réellement hérédi- taire, comme on l'a vu depuis Charles- quint jufqu'à Charles VI. Il y a des bénéfices électifs. Les charges municipales font généralement électives en Angleterre, 6k vénales en Efpagne. La Pologne eft un royaume électif. Avant le concordat , les évêchés étoient électifs en France , 6k font maintenant à la nomi- nation du roi, &c. Chambers 6k Trév. {G) ELECTION , (Arithm. &Alg.) dans les nombres 6k les combinaifons, eft la différente manière de prendre quelques nombres ou quantités données, ou féparé- ment , ou deux à deux , ou trois à trois , fans avoir égard à leurs places. Ainfi les. quantités a> h9 c, peuvent être prifes de fept façons différentes , comme a b c , A b; a'C) b c , 6k a, b , c. Voye^ Combinaison , Alternation, Per- mutation. (O) Election, eleclio en Théologie , fîgnifie quelquefois prédestination à la grâce & à la gloire , 6k quelquefois à la grâce feulement, ou à la gloire feulement. V. Prédestination. C'eft un article de foi , que Sélection à la grâce eft purement gratuite 6k abfolu- inent indépendante de la prévifion des mé itesdel homme. Mais c'eft une queftion fur laquelle les Théologiens font partagés, que de favoir fi Yéleclion à la gloire eft antécédente ou conféquente à la prévifion des mérites de l'homme. Ceux qui founennent qu'elle eft confé- quente à cette prévifion, ont pour eux plufieurs textes de l'Ecriture qui paroiiTent décififs. Leurs adverfaires trouvent dans la tradition , 6k fur-tout dans les écrits de S. Auguftin , un grand nombre de paffages favorables à ï élection antécédente à la prévifion de nos bonnes œuvres : c'eft ce qu'on appelle en termes d'école, eleclio ou preedeftinatio ante vel pofi prœvifa mtrua, Voy. PRÉDESTINATION. (G) Tome XII. E L E 17 Election impériale. Voy, Empe- reur & Electeurs. Election d'ami ou en ami. (Jurifp.) cetermeeft ufité dans quelques provinces pour exprimer la déclaration que celui qui paroît être acquéreur ou adjudicataire d'un immeuble, fait du nom du véritable acqué- reur pour éviter doubles droirs feigneu- riaux. Le ftyle ufité dans quelques provin- ces eft que l'acquéreur ou adjudicataire dé- clare dans le contrat ou dans l'adjudica- tion qu'il acquiert pour lui , fon ami élu ou à élirez ce qu'il ftipule ainfi , afin de pou- voir faire enfuite fon élection en ami ou déclaration du nom de celui au profit duquel l'acquifition doit demeurer. Les élections en ami font ufirées dans toutes les adjudications de biens qui f© font par juftice, ces fortes d'adjudicationsTe faifant toujours à un procureur, lequel à î'inftant ou par un acte féparé déclare que l'adjudi- cation à lui faite eft pour un tel : ces élections en ami ont auffi lieu dans les ventes volontaires. Au moyen de la déclaration ou élection, en ami , il n'y a qu'une vente , 6k il n'en eft point dû doubles droits ; mais il faut pour cela que Yéleclion en ami ou déclara- tion foit faite dans le temps fixé par la loi , coutume ou ufage des lieux ; autre- ment la déclaration feroit regardée comme une revente qui produiroit de nouveaux droits au profit du feigneur. Suivant le préfident Faber, l'acquéreur ou adjudica- taire ne doit avoir que quarante jours pour faire fa déclaration , conformément aux loix du code, liv. IV. tit. 50. Siquis alteri velfibifub alterius nomine vel alidpecunid emerit. Dans quelques endroits, l'acqué- reur a un an pour faire Yéleclion en ami\ dans d'autres , deux ans ou plus. [A) Election en matière bénéfi- CIALE , {Jurifp.) eft le choix qui eft fait par plufieurs perfonnes d'un eccléiiaftique, pour remplir quelque bénéfice , office ou dignité eccléfiaftique. Cette voie eft la plus ancienne de tou- tes celles qui font ufitées pour remplir ces fortes de places , 6k elle remonte jufqu'à la naiflance de l'Êglife. La première élection qui fut faite de cette efpece , fut après l'afcenfion de J. C. i8 E L E Les apôtres s'étant retirés dans !e cénacle avec les autres difciples , lafainre Vierge, les faintes femmes , 6k les parens du Sei- gneur , S. Pierre leur propofa d'élire un apôtre à la p'ace de Judas. Après avoir invoqué le Seigneur, ils tirèrent au fort entre Barnabas 6k Matthias , ck le fort tomba fur ce dernier. L'afTemblée cù cette élection fut faite, eu comptée pour le premier concile de JérufaJem : tous les fidèles , même les femmes eurent part à Yéleciion. Au fécond concile de Jérufalem, tenu dans la même année , on fit Yéleciion des premiers diacres. Ce fut aufli dans le même temps ck par voie (Yéleciion, que S. Jacques , furnommé h Mineur ou le Jufie , fut établi premier évêque de Jérufalem. A mefure que l'on établit des évêques dans les autres villes, ils furent élus de la même manière , c'eft-à-dire par tous les fidèles du dioeefe afïemb'és à cet effet, tant le clergé que le peuple. Cette voie parut d'abord la plus naturelle ck la plus canonique pour remplir les fîeges épifeo- paux , étant à préfumer que celui quiréu- niroit en fa faveur la plus grande partie de ftiffrages du clergé 6k du peuple , feroit le plus digne de ce miniftere, 6k qu'on lui obéiroit plus volontiers. Optât dit de Cécilien, qui fut évêque de Carthage en 311, qu'il avoit été choifi par les fufFrages cle tous les fidèles. Ce fut le peuple d'Alexandrie qui voulut avoir S. Athanafe, lequel fut fait évêque de cette ville en 316; 6k ce faint prélat dit, en parlant de lui-même, que s'il avoit mérité d'être dépofé , il auroit fallu , fuivant les conftitutions eccléfiaftiques , appeller le clergé 6k le peuple pour lui donner un fuccefTeur. S. Léon , qui fut élevé furie faint fiege en 440, dit qu'avant de confacrer un évêque, il faut qu'il ait l'approbation des eedéfiaftiques , le témoignage des per- fonnes diftinguées , 6k le confentement du peuple. S. Cyprien qui vivoit encore en 54^ , veut que Ton regarde comme une tradi- tion apoftolique , que le peuple ailifte à X élection de l'évêque , afin qu'il connoiffe E L E la vie , les mœurs 6k la conduite de celui quejes évêques doivent confacrer. Cet ufage fut obfervé tant en Orient que dans l'Italie , en France ck en Afrique : le métropolirain 6k les évêques de la pro- vince afîiftoient à Yéleciion de l'évêque ; 6k après que le clergé 6k le peuple s'éioient choifi un pafteur , s'il éroit jugé digne de Pépifcopat, il étoit facré par le métropo- litain qui avoit droit de confirmer Yélec- tion. Celle de métropolitain étoit confir- mée par le patriarche ou par le primat, 6k Yéleciion cle ceux-ci étoit confirmée par les évêques afTemblés comme dans un con- cile ; le nouvel évêque, aulTi tôt après fa confécration , écrivoit une lettre au pape pour entretenir l'union de fon églife avec celle de Rome. L'élection des évêques fut ainfi faite par le clergé 6k le peuple pendant les douze premiers fiecles de l'Eglife. Cette forme fut autorifée en France par plufieurs conci- les, notamment par le cinquième concile d'Orléans en 549 , par un concile tenu à Paris en 614; 6k Yves de Chartres allure dans une de fes lettres , qu'il n'approuvera pas Yéleciion qui avoit été faite d'un évêque de Paris , à moins que le clergé 6k le peuple n'ait choifi la même perfonne , 6k quelemétropolitaincklesévêquesnel'aient approuvée d'un confentement unanime. On trouve néanmoins beaucoup d'exem- ples dans les premiers fiecles de l'Eglife , d'évêques nommés fans élection', le concile de Laodicée défendit même que l'évêque fût élu par le peuple. Il y eut aufîi un temps où les élections des évêques furent moins libres en Francej mais elles furent rétablies par un capitulaire de Louis le Débonnaire de l'an 822 , que l'on rapporte au concile d'Aftigni ^'igno- rant pas, ditl'empereur, lesfacrés canons, 6k voulant que l'Eglife jouiffe de fa liberté, nous avons accordé que les évêques foient élus par le clergé 6k par le peuple , 6k pris dans le dioeefe , en considération de leur mérite 6k de leur capacité, gratuitement 6k fans acception de perîonnes. Les religieux avoient part à Yéleciion de l'évêque, de même que les autres eedé- fiaftiques, tellement quele vingt-huitième 1 canon du concile de Latran tenu en 1 139 % E L E défend aux chanoines (de la cathédrale) fous peine d'anathême, d'exclure de Y élec- tion de févêque les hommes religieux. Il faut néanmoins obferver que dans les temps même où les évêques étoient élus par le confentement unanime du clergé, des moines , ck du peuple, les> fouverainsavoient dès-lors beaucoup de part aux élections, foit parce qu'on ne pouvoir faire aucune affemb'ée fans leur permifïïon , foit parce qu'en leur qualité de fouverains ck de protecteurs de l'Eglife ils ont intérêt d'empêcher qu'on ne mette point en p!ace fans leur agrément , des perfonnes qui pourraient être fufpev5r.es; le clergé de France a toujours donné au roi dans ces occafions des marques du refpect qu'il lui devoit. On trouve dès le temps delà première race , des preuves que nos rois avoient déjà beaucoup de part à ces élections. Quelques auteurs prétendent que les rois de cette race conféroient les évêchés à rexclufion du peuple ck du clergé , ce qui paroît néanmoins trop général. En effet , les lettres que Dagobert écrivit au fujetde l'ordination de Saint-DizierdeCahors, à S. Sulpice ck aux autres évêques de la province , font mention exprefle du con- fentement du peuple; ck dans les conciles de ce temps on recommandoit la liberté des élections , qui étoit fouvent mal obfer- vée ; ainfi l'ufage ne rut pas toujours uni- forme fur ce point. Il eft feulement certain que depuis Clo- vis jufqifen 590 , aucun évêquen'étoit inf- talté,finon pari'ordreoudu confenxement du roi. Grégoire de Tours qui écrivoit dans le même fiecle , fait fouvent mention du confentement ck de l'approbation que les rois de la première race donnoient aux évêques qui avoient été élus par le clergé ck par le peuple ; & Clotaire II , en confir- mant un concile de Paris qui déclare nulle la consécration d'un évêque faite fans le confentement du métropolitain, des ecclé- iîaftiques ck du peuple, déclara que celui qui avoir été ainfi élu canoniquement, ne devoir être facré qu'après avoir obtenu l'agrément du roi. Dans les formules du moine Marculphe E L E t^ qui vivoit clans le feptieme fiecle , il y en a trois qui ont rapport aux élections, La première eft l'ordre ou précepte par lequel le roi déclare au métropolitain , qu'ayant appris la mort d'un tel évêque, il aréfolu, de l'avis des évêques ck des grands , de lui donner un tel pour fuc- cefleur. La féconde eft une lettre pour un des évêques de la province. La troi- fieme eft la requête des citoyens de la ville épifcopale, qui demandent au roi de leur donner pour évêque un tel dont ils connoiiîent le mérite; ce qui fuppofe que l'on attendoit le confentement du peuple , mais que ce n'étoit pas par forme (Y élection. Il y eut même fous la première race plufieurs évêques nommés par le roi fans aucune élection précédente, comme S. Amant d'Utrecht ck S. Léger d'Autun. La formule du mandement que le roi faifoit expédier fur cette nomination , eft rap- portée par Marculphe. Il y eft dit que le roi, ayant conféré avec les évêques ck prin- cipaux officiers de fa cour , avoir choiii un tel pour remplir le fiege vacant. Cette manière de pourvoir aux évêchés étoit quelquefois néceftaire, pour empê- cher les brigues ck la fimonie : c'étoit aufli fouvent la faveur feule qui détermi- noit la nomination. Charlemagne ck Louis le Débonnaire firent tous leurs efforts pour rétablir l'ancienne difcipline fur les élections. Le premier difpofa néanmoins de plufieurs évêchés, par le confeil des prélats ck des grands de fa cour, fans attendre Sélec- tion du clergé ck du peuple. Plufieurs croient qu'il en ufa ainfi du confentement de l'Eglife , pour remédier aux maux dont elle étoit alors affligée : il rendit même à plufieurs églifes la liberté des élections , par des actes exprès. Il y eut fous cetre féconde race plu- fieurs canons ck capitulaires , faits pour conferver l'ufage des élections ; mais ce futtoujours fans donner atteinte aux droits. On tenoit alors pour principe qu'en cas de trouble ck d'abus le roi pouvoit nom- mer à l'évêché; tellement que l'évêque- vifiteur avertiiToit ceux qui dévoient élire, que s'ils fe laiffoient féduire par quelque C z 20 E L E moyen injufte, l'empereur nommeroit ! fans contrevenir aux canons. Les choies changèrent bien de forme fous ia troïfieme race ; les chapitres des cathédrales s'attribuèrent le droit d'élire feuls les évêques, privativement au refte du clergé & au peuple. Au commence- ment du xiij fiecle ils étoient déjaenpof- ELE déterminoient que par le mérite du fujefv L'évêquechoififfoit ordinairement deb prê- tres &t des clercs entre les plus faints moines; les abbés y confentoient pour le bien général de l'Eglife, qu'ils préféroient à l'avantage particulier de leur monaftere. Il y avoit dans le xij fiecle une grande confufîon dans les élections pour les pré- feffion d'élire ainfi feuls l'évêque & les latures; chaque églifè avoit fes règles Se métropolitains; de confirmer feuls Yélec- i fes ufages, qu'elle changeoit félon les bri- //o/z, fans appeller leurs furfragan^, comme i gués qui prévaloient. il paroît par le concile de Latran , tenu en i2i5.Les papes, auxquels ons'adref- foit ordinairement lorfqu'ii y avoit contef- tation fur la confirmation des évêques, firent de ce droit une caufe majeure réfervée au faint fiege : les droits du roi furent cependant toujours confervés. Lorfque Philippe Augufte partit pour fon expédition d'outre-mer, entre les pouvoirs qu'il laiiTa pour la régence du royaume à fa mère & à l'archevêque de Rheims , il marqua fpécialement celui d'accorder aux chapitres des cathédra- les la permiffion d'être un évêque. S. Louis accorda le même pouvoir à la reine fa mère , lorfqu'ii l'établit régente du royaume. Il ordonna cependant parla pragmatique fanclion qu'il fit dans le même temps, en 1268, que les églifes cathé- drales & autres auroient la liberté des élections. \2 élection des abbés étoit réglée fur les mêmes principes que celle des évêques. Les abbés étoient élus par les moines du monaftere qu'ils dévoient gouverner. Ils étoient ordinairement choifis entre les moines de ce monaftere ; quelquefois néan- moins on les choififToit dans un monaftere voifin, ou ailleurs. Avant de procédera Xélection , il falloit obtenir le confen- tement du roi; ÔC celui qui étoit élu abbé , ne pouvoit aufli avoir l'agrément du roi, avant d'être confirmé & béni par l'évêque. Les autres bénéfices j offices & dignités étoient conférés par les fupérieurs ecclé- fiaftiques; favoir les bénéfices féculiers parl'évêque , ck les réguliers par les abbés, chacun dans leur dépendance. Les uns & les autres n agii;oient dans leur choix Ce fut pour remédier à ces défordres,1 que le quatrième concile de Latran , tenu en 121 5, fit une règle générale, fuivant laquelle on reconnoît trois formes diffé- rentes d'élections , qui font rapportées aux décrétales , liv. I. tit. vj. capit, Quia pr opter. La première eft celle qui fe fait par ferutin. La féconde eft de nommer des corn- miffaires , auxquels tout le chapitre donne pouvoir d'élire en fon lieu & place. La troifieme forme d'élection eft celle: qui fe fait par une efpece d'infpiration divine, lorfque par acclamation tous les électeurs fe réunifient pour le choix d'un même fujet. Ce même concile de Latran , celui de Bourges en 1276, celui d'Aufch en 1300 y les conciles provinciaux de Narbonne ÔC de Touloufe, tenus à Lavaur en 1368» déclarent nulle toute élection faite par abus de l'autorité féculiere ou eccléfiaftique. La liberté des élections ayant encore été troublée en France par les entreprifes des papes, fur-tout depuis que Clément V. eut transféré le faint fiege à Avignon r le concile de Confiance en 141 8 , &c celui de Balle en 143 1 , tentèrent toutes fortes de voies pour rétablir l'ancienne difeipline. Les difficultés qu'il y eut par rapport à ces conciles , firent que Charles VII con- voqua à Bourges en 1438 une affemblée de tous les ordres du royaume , dans la- quelle fut drefiee la pragmatique fanclion , laquelle entr'autres chofes rétablit les élec- tions dans leur ancienne pureté. L'affem- blée de Bourges permit aux rois &C aux princes de leur fang, d employer leurs. qu'avec connoifïance de caufe 3 ôc ne fe i recommandations auprès des électeurs, ea E L E faveur des personnes qui auroient rendu fervice à l'état. Nos rois continuèrent en effet d'écrire des lettres de cette nature, & de nom- mer des commiiTaires pour affifter à IV- leclion. Les papes cependant firent tous leurs efforts pour obtenir la révocation de la pragmatique , aind qu'on le dira au mot Pragmatique. Enfin en 1 5 1 6 François I , voulant pré- venir les fuites fâcheufes que tes difTérens de la cour de France avec celle de Rome pouvoient occafioner , fit avec Léon X, une efpece de tranfaétion , connue fous le nom de concordat. On y fait mention des fraudes èk des brigues qui fe pratiquoient dans les élec- tions, & il eft dit que les chapitres des églifes cathédrales de France ne procéde- ront plus à l'avenir, le fiege vacant, à X élection de leurs évêques ; mais que le roi fera tenu de nommer au pape , dans les fix mois de la vacance, un dofteur ou licencié en théologie ou en droit cano- nique, âgé de 27 ans au moins, pour en être pourvu par le pape ; que fi la per- sonne nommée par le roi n'a pas les qua- lités requifes , le roi aura encore trois mois pour en nomme^un autre , à compter du jour que le pape aura fait connoitre les caufes de réeufation; qu'après ces trois mois il y fera pourvu par le pape ; que les élections qui fe feront au préjudice de ce traité, feront nulles; que les parens du roi , les perfonnes éminentes enfavoir & en doctrine , ck les religieux mendians, ne font point compris dans la rigueur de cet article; que pour les abbayes & prieu- rés conventuels vraiment électifs , il en fera ufé comme aux évêchés , à l'exception de l'âge , qui fera fixé à vingt-trois ans ; que fi le roi nomme aux prieurés un iécu- lier ou un religieux d'un autre ordre , ou un mineur de vingt-trois ans , le pape fe réferve le droit de le refufer , & d'en nommer un autre après les neuf mois pafîes, en deux termes, comme dans le? évêchés. Il eft dit que l'on n'entend paf néanmoins déroger par cer article , aux privilèges dont jouifTent quelques chapitres .& quelques monafteres qui le font main- E L E îi tenus en pofîefïïon d'élire leurs prélats & leurs Supérieurs, en gardant la forme pref- crite par le chapitre Quia pr opter. Sur la manière dont le roi en ufe pour les nominations, j'oy.EvÊCHÉS & NO- MINATION ROYALE. Le clergé de France a renouvelle en plufieurs occasions fes vœux pour leréta- bliflement des élections à l'égard des évê- chés, abbayes &: autres prélatures, comme on le voit dans le cahier qu'il préfenta aux états d'Orléans en 1560; dans celui qu'il drefTa pour être préfenté aux états de Blois , dans le concile de Rouen en 1 581 , celui de Rheims en 1 583 , le cahier de l'afïemblée générale du clergé en 1 595, & celui de i'afïémblée de 1605. L' 'article ter. de l'ordonnance d'Orléans, en 1 560 , porte que les archevêques & évêques feront déformais élus & nommés; fa voir , les archevêques par les évêques de la province & par le chapitre de la mé- tropole; les évêques, par l'archevêque, les évêques de la province , élections , voyez aux décrétâtes le titre de electione & electi potejlate ; la bibliothèque can 'nique de Bouchel , & les définitions canoniques & la jurijprudence canonique , au mot ÉLECTION \l'hifi. du droit ecclejîaflique , par M. Fleury , tome I, chapitre x, les loix ecclèfiajiiques de M, d'Héricourt, titre de /'éleélion. (A) Election E L E Election de Domicile , [Jurifp.) eft le choix que l'on fait d'un domicile momentané ou ad hoc , c'eft-à-dire qui n'eft pas le vrai & actuel domicile , mais ■qui a feulement pour objet d'indiquer un lieu où on puîflè faire des offres ou autres actes. Ces élections de domicile fe font dans les exploits , dans les contrats. Voye \ Domicile élu. Election d'héritier, {Jurifp.) eft le choix de celui qui doit recueillir une fuccefïïon. Ce choix eft ordinairement fait par celui qui dilpofe de fes biens par fon teftament : quelquefois il eft fait par contrat de mariage ; ou bien le père ma- riant un de fes enfans , fe réferve la liberté de nommer pour héritier tel de fes enfans qu'il jugera à propos. Quelquefois le teftateur défère par tes- tament le choix de fon héritier à une autre perfonne , foit en lui indiquant plufieurs perfonnes entre lesquelles elle pourra choi- fir, foit en lui lailTant la liberté entière de choifir qui bon lui femblera ; & quel- quefois cette même perfonne à laquelle le teftateur donne pouvoir d'élire , eft par lui d'abord instituée héritière , à la charge de remettre l'hoirie à un de ceux qui font, indiqués , ou à telle perfonne qu'elle jugera à propos. Le teftateur peut auffi inftituer héritier celui qui fera nommé par la perfonne à laquelle il donne ce pouvoir. Ces fortes de diipofitions font fort ufi- tées dans les pays de droit écrit , où il cil allez ordinaire que le mari & la femme s'inftituent réciproquement héritiers , à la charge de remettre l'hoirie à tel de leurs enfans que le furvivant jugera à propos. Lorfque celui qui avoit le pouvoir d'élire , décède fans avoir fait fon choix , tous les héritiers préfomptifs fuccedent également. Le conjoint furvivant qui avoit le pou- voir d'élire , ne le perd point en fe rema- riant. Quand un des enfans éligibles vient à décéder , le père ou la mère qui a le droit d'élire , peut choifir l'enfant de celui qui étoit éligible. Voye\ la trente-quatriemt çonfultation de Cochin , tome II. U élection étant une fois confommée par un a&e entie-vifs , celui qui Ta faite ne Tome XII. E L E ty peut plus varier ; mais fi c'eft par tefta- ment, Y élection eu révocable jufqu'au décès de celui qui l'a faite , de même que le furplus de (on teftament. Voye\ Henrys , tom. I. liv. IV* ch. vj. quejl. €y . Ù liv, V. que/f. iq.. z £. 16. ij. î8. 19. zo. 6l. 6z. & tome II. liv. V. quefl. zo. ZZ. $1. $z. 53. §8. &l. VI. quefl. 52. & fon quatrième plaidoyer ; le traité des élections ^héritier contractuelles & tefta-* mentaires , par M. Vulfon , confeiller au parlement de Grenoble. (A) Election de Tuteur ou Cura- teur , eft le choix qui eft fait d'un tuteur ou curateur par les parens & amis de celui auquel on le donne. Voye\ CURATEUR ù Tuteur. (A) Election d'un Officier , eft la nomination qui eft faite de quelqu'un à un office public par le fufFrage du plufieurs perfonnes. Romulus accorda au peuple le droit de fe choiiir (es magiftrats , même les féna- teurs , ce qui fè taifoit dans ces affemblées publiques appelîées comices ; & lorlque l'état monarchique de Rome fut changé en république , ie peuple élifoit auffi lui- même les confuls , qui étoient chargés di* gouvernement général de l'état. Comme if étoit difficile d'aflèmbler fou- vent le peuple, il n'élifoit que les grands officiers , & ceux-ci commettoient chacun dans leur département les moindres offi- ciers qui leur étoient fubordonnés. Les empereurs ayant ôté au peuple le droit Sélection 9 conféroient les grands offices par l'avis des principaux de leur cour , afin de conferver encore quelque forme d'élection ; c'eft pourquoi ils appel- loient fuffrages les avis & recommanda- tions des courtifans. On en ufa d'abord de même en France pour les offices , c'eft-à-dire que nos rois y nommoient par l'avis de leur confeil , ce qui étoit une efpece ^ élection. Quand le parlement eut été rendu fçden- taire à Paris , Philippe de Valois , par des lettres du mois de Février I327 » donna pouvoir au chancelier , en appellant avec lui quatre conieillers au parlement & le >révôt de Paris, de nommer , c'eft-à-dire, I d'élire entr?euxles confeiilers au châtelet. D i€ E L E Charles V ordonna en 13?!» <îue fe ' chancelier , les préfidens , & confèillers du parlement feroient élus par ferutin au par- lement ; Charles VI ordonna encore la même choie en 1400 , ce qui dura jus- qu'au mariage d'Henri , roi d'Angleterre , avec Catherine de France , fille de Charles VI ; alors le parlement nomma trois per- fonnes au roi qui. donnoit des provHions à l'un des trois ; mais comme le parlement pour fe conferver V élection nommoit ordi- nairement deux fiijets inconnus- & inca- pables afin de faire tomber la nomination fur le troifieme , Charles VII lui ôta les élections , & rentra en pofîeflion de nom- mer aux places vacantes du parlement de même qu'aux autres offices , & nos rois choififlôiént les officiers de l'avis de leur confeil , ce qui dura ainfi jufqu'à la vénalité des charges. Dès le premier temps delà monarchie, il y avoit dans chaque ville & bourg des officiers municipaux qui étoient électifs , appelles en quelques endroits échevins , en d'autres jures ou jurats, en d'autres confuls, & à Touloufe capitouls. Ces officiers font encore la plupart élus par le peuple , con- formément aux intentions du roi. Les élus qui étoient autrefois choifis par l'es trois états pour le gouvernement des aides & tailles-, ont depuis été érigés en titre d'office ; il y a néanmoins- encore des élus dans les pays d'états qui font éle&ifs. Voye\ ÉLECTIONS-, ÉLUS, & ÉTATS. (A) Election , ( Jurifp. ) ce font des jurifdidions royales, ainfi nommées à caufe des élus qui y connoiffent en première inffance des conteftations qui s'élèvent au fujet des tailles., de toutes matières, d'ai- des , & autres impofitions &ç levées des deniers du roi , tant aux entrées . des villes que des fermes du roi, a l'exception des domaines & droits domaniaux , droits de gabelle , capication , dixième , vingtième , cinquantième , & deux fous pour livre , Iorfque ces impoiitions ont lieu. Ils connoifloient cependant aufïî autre- fois des gabelles ; mais depuis long-temps il y a des juges particuliers pour cet objet , excepté dans quelques endroits où les gre- niers à fel. font unis aux élections.. E L E Il y a auflî en certains endroits des juges des traites foraines , & des juges pour la marque des fers. Avant l'infhtution des élus , c'étoient les maire & échevins des villes qui fe mêloient de faire Pailiette & levée des impoiitions , ils en étoient même refponfables ; mais dans la fuite ne pouvant vaquer à cette levée, & étant occupés à d'autres affaires de la commune , on fit choix dans le peuple d'autres perfonnes pour prendre foin de l'aifiette & levée des impofitions; & ces perfonnes furent nommées élus à caufe qu'on les établnToit par élection. L'origine des élections effc la même que celle des élus ou juges , dont ces tribu- naux font compofés. Quelques-uns rapportent ce premier éta- bliffement des élus à celui des aides du temps du roi Jean ; il eff néanmoins certain qu'il y avoit déjà depuis long-temps des élus pour veiller fur les impofitions ; mais comme il n'y avoit point encore d'impo- iitions ordinaires , & que nos rois n'en levoient qu'en temps de guerre ou pour d'autres dépenfes extraordinaires , la com- miiîion de ces élus ne duroit. que pendant la levée de l'impofition. de L OUÏS IV Denis u Dès le temps Heflélin étoit élu à Paris , ainfi que ït remarque l'auteur du traité de la pairie , pag. 2.58, S. Louis voulant que les tailles fuflent impofees avec juffice , fit en 1270 un règle- ment pour la manière de les affeoir dans les villes royales ; il ordonna qu'on éliroit trente: hommes ou quarante plus ou moins , bons & loyaux par le confeil des prêtres , c'elf- à-dire des curés de leurs paroiffes , & des autres hommes de religion , enfem- ble des bourgeois & autres prudhommes, félon la grandeur des villes ; que ceux qui feroient ainfi élus jureroient fur les faints évangiles d'élire y foie entr'eux ou parmi d'autres prudhommes de la même ville , jufqu'à douze hommes qui feroient les plus propres à affeoir la taille ; que les douze hommes nommés jureroient de même de bien & diligemment affeoir la taille , & de n'épargner ni grever psrfonne par haine , amour, prière, crainte, ou en quelque lr autre manière, que.ee fût; qu'ils aÛir oient Ê L E ladite taille à leur volonté la livre égale- ment ; qu'avec les douze hommes defTus nommés feraient élus quatre bons hommes, & feroient écrits les noms i'ecrétement ; & que cela feroit fait fi fagement , que leur élection ne fût connue de qui que ce fût jufqu'à ce que ces douze hommes euf- fènt aûis la taille. Que cela fait , avant de , mettre la taille par écrit , les quatre hom- mes élus pour faire loyalement la taille n'en dévoient rien dire jufqu'à ce que les douze hommes leur euffent fait faire ferment pardevant la juflice de bien & loyalement afleoirla taille en la manière que les douze hommes l'auraient ordonné. Il paroît fuivant cette ordonnance, que les trente ou quarante hommes qui étoient d'abord élus , font aujourd'hui repréfentés par les officiers des élections ; les douze hommes qu'on élifoit enfuite étoient pro- prement les afféeurs des tailles , dont la fonction eft aujourd'hui confondue avec celle des colledeurs ; enfin les quatre bons hommes élus étoient les vérificateurs des rôles. Les tailles furent donc la matière dont les élus ordonnèrent d'abord ; mais outre que les tailles n'étoient pas encore ordi- naires , la forme prefcrite pour leur afliette ne fur pas toujours obfervée ; car Philippe III , dans une ordonnance du 29 Novem- bre 12.74., dit ^ue les confuls de Tou- loufe dévoient s'abftenir de la contribu- tion qu'ils demandoient aux eccléfiaftiques pour les tailles , à moins que ce ne fût une charge réelle & ancienne : ilfemble- roit par-lA que c'étoïent les confuls qui ordon noient de la taille , foit ancienne ou nouvelle loriqu'elle avoit lieu : ce qui fait penfer qu'il y avoit alors des tailles non royales impofées de l'ordre des villes pour fubvenir à leurs dépenfes particulières , ce qui efl aujourd'hui repréfenté par les octrois. Louis Hutin, dans une ordonnance du mois de Décembre 131$ , & Philippe V dans une autre du mois de Mars 13 16 , difent que les clercs non mariés ne con- tribueront point aux tailles , & que les officiers du roi , officielles noflri , en tant qu'à eux appartient , ne les y contrain- dront point & ne permettront pas qu'on ELE 17 les y contraigne. Ces ordonnances ne font point mention des élus, ce qui donne lieu de croire qu'ils n'avoient point encore de jurifdiction formée , & que pour les con- traintes on s'adrefîbit aux juges ordinaires : & en efîèt on a vu que c'étoit devant eux que les élus prêtoient ferment. Il y avoit encore des élus du temps de Philippe de Valois pour la taille non royale qui fe levoit dans certaines villes , comme il paroît par une ordonnance de ce prince du mois de Mars 133 1 , touchant la ville de Laon , où il efl parlé des élus de cette ville : ces officiers n'étoient pas feulement chargés du foin de cette taille ; l'ordon- nance porte que dorénavant , de trois en trois ans , le prévôt fera afîèmbler le peuple de Laon , & en fa préfence fera élire fix perfonnes convenables de ladite ville y dont ils en feront trois leurs procureurs pour conduire toutes les affaires de la ville; que les trois autres élus avec le prévôt vifiteroient y chaque année , autant de fois qu'il feroit nécefTaire , les murs, les portes, les forterefTes , les puits , fontaines, chauf- fées , pavés , & autres aifonces communes de la ville , & verroienr les réparations nécefîâires , &c* Que toutes les fois qu'il feroit métier de faire taille y le prévôt avec ces trois élus expoieroi' au peuple les caufes pour lefquelles ilconviendroit/iz/re taille; qu'en- iuite le prévôt & lefdits élus prendroient de chaque paroifïê deux ou trois perfonnes de ceux qui peuvent le mieux lavoir les facultés de leurs voifins ; lelquelles per- fonnes & lefdits élus ayant prêté ferment lu r les laints évangiles de ne charger ni décharger perionne à leur efeient , contre raifon , le prévôt feroit impofèr & afTeoir la taille fur toutes les peribnnes qui en font tenues ; que l'impofition feroit levée par les trois élus ; qui en paieraient les rentes & les dettes de la ville ; qu'à la fin des trois années fùfdites ils compteraient de leur recette , tant des tailles que d'ail- leurs , pardevant le prévôt ou bailii de Vermandois , qui viendroit ouir ce compte à Laon & y appellerait les bonnes gens de la ville ; enfin que le compte rendu & appuré feroit envoyé par le bailli en la chambre des comptes pour voir s'il n'y D a a8 EL'E avoit rien à corriger. On voit que ces élus faifoient eux-mêmes la recette des tailles pendant trois ans ; c'efl pourquoi ils étoient comptables,, & en cette partie ils font repréfentés paroles receveurs des octrois , qui comptent encore aujourd'hui à la chambre. A l'égard des fubventions qui fe levoient pour les befoins de l'état par le minifîere des élus de chaque ville ou diocefe , on établiffoit quelquefois au dtffus d'eux une perfonne qualifiée, qui avoit le titre d'élu de la province , pour avoir la furinten- dance de la flibvention ; c'eft ainfi que lors de la guerre de Philippe de Valois contre les Anglois , Gaucher de Chatillon connétable de France fut élu par la pro- vince de Picardie , pour avoir la furintea- dance de la flibvention qu'on y levoit , ce qu'il accepta feus certains gages ; l'auteur du traité de la pairie , pag. $8 , dit en avoir vu les quittances , où il efr. qualifié d'élu de la province. Il eil encore parié de tailles dans des lettres de Philippe de Valois , du mois d'Avril 1333 -y mais il n'y efr pas parlé d'élus. Ces lettres , qui ont principalement pour objet la répartition d'une impofirion de cent cinquante mille livres fur la féné- chaufleç de Carcaficnne, ordonnent feu- lement au fenéchal de faire appeller à. cet effet pardevant lui ceux • des bonnes gens du pays qu'il vendra.. On établit aufll des députés ou élus à l'occafion des droits d'aides , dont la levée fut ordonnée fur toutes, les marchandifes & denrées qui feraient vendues dans le royaume , par une ordonnance du roi Jean , du 28 Décembre 1355. Il y avoit bien eu déjà quelques aides ou fubventions levées en temps de guerre fur tous les fujets du roi à proportion de leurs biens; mais ces nouveaux droits d'aides auxquels ce nom 'efr dans la fuite demeuré propre , étoient jufqu'alors inconnus. L'ordonnance du roi Jean porte que pour obvier aux entreprifes de Ces enne- mis ( les Anglois ) > il avoit fait affembler tes " trois états du royaume r tant de la Languedoïi que du pays coutumier^ ; que la guerre avoir été réfolue d'ans L'afTemblée 4$s états i.que pour faire l'armée & payer ELE les frais & dépens d'icelle, les états avoîent avifé que par tout le pays couturriier il feroit mis une gabelle fur le fel , & aufïi fur tous les habitans marchands & repai— rans en icelui , il feroit levé une impo- firion de h+ùt deniers pour livre fur toutes, chofes qui feroient vendues audit pays y \ excepté vente d'héritages feulement, laquelle feroit payée par le vendeur ; que ces gabelle & impofirion feroient levées félon certaines inftructions qui feroient faites fur ce ; que par les trois états feroient ordonnées Se députées certaines perfonnes bonnes &c honnêtes , folvables , loyales , & fans aucun foupçon, qui par les pays ordonneroient les chofes defTus dites ; qui auroient rece- veurs &; minifrres félon l'ordonnance & inftriiction qui feroit fur ce faite ; qu'outre les commiifaires *ou députés particuliers, des pays & des contrées feroient ordon- nées & établies par les trois états neuf perfonnes bonnes' & honnêtes, qui fe- roient généraux & kiperintendans fur tous • les autres , & qui auroient deux receveurs généraux.. Qu'aux députés, defïùs dits , tant géné- raux que-particuliers , feroient tenus d'obéir toutes manières de gens de quelque état ou condition qu'ils rufTent & quelque pri-' viiege qu'ils euifent ; qu'ils pourraient être- Contraints, par lefdits. députés par toutes voies ëc manières, que bon leur femble- roit ; que s'il y en avoit aucun rebeller que les députés particuliers ne pufTsnt contraindre , ils lesajourneroient pardevant les généraux fuperintendans, qui les pour- raient contraindre & punir félon ce que- bon leur fembleroit, & que ce qui feroit fait & ordonné par les généraux députés: vaudrait & tiendrait comme arrêt de paro- le ment.. Il eft encore dit un peu plus loin , que lefdites aides & ce qui en proviendrait, ne feroient levées ni difîribuées par les gens; ( du roi ) ni par (es tréforiers & officiers ^ mais par autres bonnes, gens , fages ,, loyaux , & folvables , ordonnés , commis,, & députés par les trois états, tant es fron- tières qu'ailleurs où conviendrait de les. diftribuer ; que ces commis & députes. jureroient au roi ou à (es gens f & aine: députés desjrois.àarsj que quelque aéceflk£ E L E qui advînt , ils ne donneroient ni ne diiîri- bueroient ledit argent au roi ni à autres, fors feulement aux gens d'armes & pour le fait de la guerre fufdite. Le roi promet par cette même ordon- nance , & s'engage de faire auffi promettre fur les faints évangiles par la reine , par le dauphin , & tous les grands officiers de la couronne , fuperintendans , receveurs généraux & particuliers , & autres qui fè mêleront de recevoir cet argent , de ne le point employer à d'autres ufages , & de ne point adreffer de mandemens aux dé- putés , ni à leurs commis , pour diitribuer l'argent ailleurs ni autrement ; que fi , par importunité ou autrement , quelqu'un, obte- noit des lettres ou rnandemens au contraire, lefdits députés , commiflâires ou receveurs jureront fur les faints. évangiles de ne point obéir à ces lettres ou mandemens , & de ne point diftribuer l'argent ailleurs ni autrement ; que s'ils le faifoient, quelques mandemens qui leur vinffent «, ils feroienr privés de leurs offices &. mis en prifon fermée , de laquelle ils ne pourroient fbrtir ni- être élargis par ceffion de biens ou autrement jufqu'à. ce- qu'ils enflent entiè- rement payé & rendu tout ce qu'ils en auroient donné ; que fi par aventure quel- qu'un des officiers du roi ou autres , fous prétexte de tels mandemens , vouloient ou s'efforçoient de prendre ledit argent , lefdits députés & receveurs leur pourroienr & feroient tenus de réiifter de fait , & pourroient affembler leurs, voifins. des bonnes villes & autres , félon ce que bon leui fanbleroit ,. pour leur réfifrer comme dit eft.. Qn voit par- cette ordonnance qu'il y avoir deux fortes de députés élus parles états , ù voir les députés généraux , & les députés particuliers ; les uns & les autres étoient élus parles trois états , c'en1 pour- quoi les députés généraux étoient quel- quefois appelles Us élus généraux ; mais en les appelloit plus communément les généraux des aides : ceux-ci ont formé, la cour des aides.. Les députés particuliers furent d'abord nommés commis ycommiJJaires ou députés particuliers fur lé fait de s aides : ils étoient fiemmis. ou ordonnés.,. c'eU-àrdire dusçzr. E L E 2 ces , quand le cas y écherroit- L'infîruction & ordonnance qu'il donna aumois d'Avril 1374 , fur la levée des droits, d'aides , porte que l'impofition de douze deniers pour livre feroit donnée à ferme dans tous les diocefes , par les élus ; qu'ils aflermeroient féparément les droits fur le vin ; que ceux qui prendroienr ces fermes ,. nommeroient leurs- cautions aux élus ; que ceux-ci ne donneroient point les fermes j à leurs parens au deffous de leur valeur ; qu'ils feroient publier les fermes dans les villes & lieux accoutumés y- par deux ou trois marchés ou dimanches , & les don- neroient au plus offrant ; que le bail fait ,. feroit envoyé aux généraux à Paris :, qu'au- cun élu ne pourra être intéreffé dans les fermes du roi, à peine de confifeation de fes biens ; que le receveur montrera cha- que femaine fon. état aux élus : enfin , ce même règlement fixe les émolumens que les élus peuvent prendre pour chaque ade de leur miniflere , & fait mention d'un règle- ment fait au confeil du roi , au mois d'Août précédent fur Y auditoire des dus. E L E Cette pièce eft la première qui fafïè men- tion de Yauditoire des élus ; mais il eft confiant qu'ils dévoient, en avoir un , dès qu'on leur a attribué une jurifdiction. Celui de X élection de Paris étoit dans l'enclos du prieuré de S. Eloy en la cité ; comme il paroît par les lettres de Charles VI, du 2. Août 1398 , dont on parlera ci- après en leur lieu. Il eft dit, au bas de ces lettres , qu'elles furent publiées à S. Cloy ; mais il eft évident qu'il y a en cet endroit un vice de plume ; & qu'au lieu de S. Çloy, il faut lire S. Eloy, qui eft le lieu où font préfèntement les Barnabites. Il paroît en effet que c'étoit en ce lieu où les élus tenoient d'abord leurs féances , avant qu'ils enflent leur auditoire dans le palais où il eft préfèntement. Il y# avoit anciennement dans l'empla- cement qu'occupent les Barnabites & les maifons voifines , une vafte , belle & grande maifon , que Dagobert donna à S. Eloy , lequel établit en ce lieu une abbaye de filles , appellée d'abord S. Martial , ôc en- fuite S. Eloy. Les religieufes ayant été difperfées en 1107 , on donna aux reli- gieux de S. Maur-des-FofTés cette maifon , qui fut réduite fous le titre de prieuré de S. Eloy : ce prieuré avoit droit de juftice dans toute l'étendue de fav feigneurie , qui s'étendoit aufli fur une coulture appellée de S. Eloy y où eft préfèntement la paroifîe S. Paul : elle avoit près du même lieu , fa prifon qui fubfïfte encore , appellée la pri- fon de S. Eloy ; mais la juftice du prieuré qui appartenoit depuis quelque temps à l'évêché de Paris , fut fupprimée en 1674, en même temps que plufieurs autres juftices feigneuriales qui avoient leur fiege dans cette ville. On ignore en quel temps précifément les élus commencèrent à fiéger dans l'enclos du prieuré de S. Eloy , mais il y a apparence que ce fut dès le temps de S. Louis , lequel établit des élus pour la taille : ce prince habitoit ordinairement le palais fitué proche S. Eloy. Philippe-le-Bel y logea le parle- ment en 1302.: mais comme ce prince & plufieurs de Cqs fucceflèurs continuèrent encore pendant quelque temps d'y demeu- rer , il n'eft pas étonnant qu'on n'y eût pas placé dès -lors ï élection y non plus que E l e 3r bien d'autres tribunaux qui y ont été mis depuis. D'ailleurs., comme la fonction des élus n'étoit pas d'abord ordinaire , ils n'avoienc pas befoin d'un fiege exprès pour eux : c'eft apparemment la raifon pour laquelle ils choi- fîrent le prieuré de S. Eloy , pour y tenir leurs afTemblées & féances ; & lorfque leur fonction devint ordinaire , & que le droit de jurifdi&ion leur fut accordé , ils établi- rent leur fiege dans le prieuré de S. Eloy, fans doute pour être plus à portée du palais, & de rendre compte de leurs opérations aux généraux des aides. Il y avoit dans l'ancienne églife de S. Eloy,' une chapelle fondée en 12.39 , par Guillaume de Vanves & Sanceline fa femme , en l'hon- neur de S. Jacques & de S. Maur , à laquelle Guillaume Cerveau , élu des aides , fit du bien en 1417 ; ce qui donne lieu de croire que les élus de Paris avoient encore leur fiege dans ce prieuré. On ne voir pas s'il y avoit un fiege exprès pour eux. Il eft probable qu'ils tenoient leurs féances dans Yauditoire de la juftice du prieuré ; de même qu'ils fe fervoient de la prifon de cette juftice , pour y ren- fermer ceux qui étoient. détenus en vertu de leurs ordres ; en effet , cette prifon eft en«- core celle où l'on écroue les collecteurs que l'on conftitue prifonniers pour la taille , & autres perfonnes arrêtées à la requête du fermier général du roi , & en vertu des jugemens de Y élection : & la cour des aides envoie fes commiflaires faire la vifite de cette prifon toutes les fois qu'il y a féance aux prifons. Ce ne fut probablement qu'en 1452,* que Yauditoire de Yélection de Paris fut transféré dans le palais , & en conféquence de l'ordonnance du mois d'Août de ladite année , portant que le fiege des élections1 ■feroit établi au lieu le plus convenable de leur reffort. Comme toutes les importions , dont les élus avoient la direction , étoient levées extraordinairement , pour fubvenir aux dé-»- penfes de la guerre ; c'eft delà que dans des lettres de Charles V , du 10 Août 1374 , ils font nommés élus Ù receveurs fur le fait de la guerre ; ce qui eft une abréviation du titre qu'on leur donnoit plus fouvent d'élus E 2. 56 E L E fur le fait de l'aide ordonnée pour la guerre. On voit par une ordonnance du 13 juillet 1376, que c'étoient les élus qui donnoient à ferme l'impolition foraine dans chaque élection ; mais il paroît aufli par des lettres <3u roi Jean , du 27 novembre 1376 , adref- ïees aux élus fur l'impofition foraine , qu'il y avoit des élus particuliers pour cette forte d'impofition. Au mois de Novembre 1379 , Charles V fit une autre ordonnance fur le fait des aides & de la gabelle , portant qu'attendu les plaintes faites contre les élus & autres officiers ils feraient vifités , & leurs œuvres & gouvernement fus ; que ceux qui ne ièroient pas trouvés fuffifans en difcrétion , loyauté & diligence, ou n'exerceroient pas leurs offices en perfonne , en feroient mis dehors ; & qu'en leur place il en ferait mis d'autres , que le roi feroit élire au pays , ou qui ièroient pris ailleurs , fi le cas fe préfent oit. Il défendit aux élus de mettre es villes & paroifïès du plat-pays des afTeeurs des fouages ou collecteurs , mais que ces afféeurs & collecteurs Ièroient élus par les habitans des villes 6c paroifïès ; que pour être mieux obéis , ils prendroient , s'il leur plaifbit, des élus commiâlon dé leur pouvoir , qui leur ieroit donnée fans frais. Que fi l'on ne pouvoit avoir aucun fer- gent royal pour faire les contraintes , les élus ou receveurs donneroient à cet effet commiflîon aux fergeras des hauts-jufticiers. Que fi dans les villes fermées il y avoit quelques perfonnes puiffantes qui ne vou- lufïènt pas payer , ou que l'on n'osât pas .exécuter , elles feroient exécutées par les v élus , leurs receveurs ou commis de la ma- nière la plus convenable , & contraintes de payer le principal & acceffoires fans déport, . Le nombre des élus s'étant trop mul- tiplié , Charles V ordonna qu'il n'y en aurait que trois à Paris, deux à Rouen, pour la ville & vicomte ; un à Gifors , un à Tefcamp , & deux en chacun des autres diocefes. Qu'aucun receveur ne feroit l'office d'élu.. 11, révoqua & ôta tous les élus receveurs généraux y excepté, le receveur général de Paris. E L E Il ordonna encore qu'en chaque diocefe ou ailleurs où il y auroit des élus , il y auroit auffi avec eux un clerc ( ou greffier ) qui feroit gagé du roi , feroit le contrôle des livres des baux des fermes , des en- chères , tiercemens , doublemens , amen- des , tant du fait du fel , que des autres taxations , défauts & autres exploits ; qu'il feroit les commiflions du bail des fermes , & autres écritures à ce fujet , fans en pren- dre aucun profit , autres que fes gages ; que les élus ne fcelleroient ni ne délivreroient aucune commiflîon ou lettre , fi le clerc ne l'avoit d'abord fignée , & qu'il en enr- régifrreroit auparavant la fubftance par- devers lui. Que les œuvres , c'eft-à-dire les regiftres , qui feront envoyés en la chambre des comp- tes , quand le receveur voudrait compter , feroient clos & fcellés des fceaux des élus, & fignés en la fin du total de chaque fubfide , & aufli à la fin du total du livre , du fting manuel des élus & de leur clerc. Si le grenetier d'un grenier à fel. trouvoit quelques marchands ou autres perfonnes en contravention , il devoit requérir les élus du lieu qu'ils en fifTont punition ; fi c'étoit en lieu où il n'y eût point d'élus, mais feulement grenetier & contrôleur , ils en pouvoient ordonner félon la qualité dû délit , Ùc. Dans chaque diocefe, il devoit être mis certains commiflaires ( ou gardes des ga- belles) par les élus , grenetiers & contrô- leurs des lieux. Ces gardes dévoient prêter, ferment tous les ans-, aux élus &, grene- tiers, de prendre les délinquans , & de les- leur amener ; ou s'ils ne pouvoient les prendre , de révéler leurs -noms aux élus & grenetiers. Ceux-ci dévoient auffi tous les ans faire prêter ferment fur les faint-s évangiles aux collecteurs des fouages de chaque paroifïè , , • de leur donner avis des fraudes- qui pou- voient fè commettre pour -le fel. • Les élus , grenetiers , clercs , contrô- leurs , & chacun d'eux , dévoient aufli s'informer- diligemment de toutes les con- traventions au fufet du fel ; & après infor- mation y punir les coupables ; ou s'ils n'en' vouloient pas connoîrre , les faire ajourner , pardevant les généraux à- Paris,. E LE Les éfats d'Artois , du Bqnîonnois , du comté de Saint-Pol , ayant accordé une aide , commirent auili des élus dans leur pays pour recevoir le paiement de cette aide ; & ces élus furent autorifés par Charles VI, comme il eft dit dans une ordonnance du mois de juin 1381. Il y avoit aufli en 1382 des élus dans la province de Normandie : car les habi- tans du Vexin-François obtinrent le 21 juin de ladite année , des lettres de Charles VI , portant qu'ils paieroient leur part de Paide qui avoit été établie à des perlonnes prépofées par eux , qui ne feroient point ïoumifes aux élus établis par les trois #états de Normandie. Le 26 janvier de la même année I3^2> Charles VI donna des lettres , par les- quelles il autorifa les généraux des aides , toytes les fois que le cas le requerroit , de mettre , ordonner , & établir les élus , de les fubftituer ou renouveller , fi befoin étoit , en toutes les villes , diocefes, & pays , où. les aides avoient cours. Il y eut encore dans la fuite d'autres lettres & réglemens , ; qui leur confirmèrent le même pouvoir. Dans le même temps , c'eft-à-dire le 21 janvier 1382, Charles VI fit une inftrue- tion pour la levée des- aides , . qui contient plufieurs réglemens par rapport aux élus , pour la manière dont ils dévoient adjuger les fermes à l'extinction . de. la chandelle , & pour la fixation de leurs droits. . Mais ce qui eft plus remarquable ,, c'eft ce- qui touche leur jurifdiction. Il eft dit que les élus auront connoiflànee fur les fermiers ; qu'ils feront droit fommairement> &: de plain. (de, piano) , fans figure de jugement ( ce quis'obferve encore.) ; qu'en cas d'ap- pel , les parties feront renvoyées devant les généraux fur le fait des aides à Paris, pour, en ordonner & déterminer par eux; que les élus feront ferment d'exercer leurs offices- en perfonne ; que fi aucun appelle des élus , l'appellation- viendra, pardevant les généraux, comme autrefois a été fait; ce qui eft dit ainfi , parce que l'on avoit cefîë. pendant quelques années , à caufe-des troubles , de lever des aides dans le royaume, '& que cela avoit aufli interrompu l'exercice de. toute jurifdi&on fur cette matière... ELE t7 Ce que porte ce règlement au fujet de la jurifdiction des élus & de l'appel de leurs jugemens , eft répété mot pour mot dans- une autre infini clion faite fur la même matière au mois de février 1383. L'ordonnance que Charles VI fit en la- même année , qualifie les élus de collège 9. tant ceux des fjeges généraux , que des fie- ges particuliers ; étant dit qu'en cas d'em- pêchement , ils pourront , collégialement aiîêmblés , établir un commis ( ou lieute- nant ) , homme de bien , lettré , & expéri- menté au fait de judicature. ' Le même prince, par fon ordonnance du mois de février 1387 , réduifit encore le nombre des élus , voulant qu'en chaque diocefe il n'y en eût que deux, un clerc,, & un lai , excepté en la ville de Paris ou - il y en auroit trois, & que l'on y mettroit les plus fuffifans- par élection , appelles à ■ ce , les gens du confeil du roi y Ù les généraux des aides. L'inftruclion qu'il fit pour la levée des aides le II mars 1388 , portoit que dans les-plus grands diocefes il n'y auroit qu'un « élu pour le clergé , & deux élus, lais : qua- dans les lieux de recette où il n'y avoit pas d'évêché , il n'y. auroit qu'un élu , moyen- nant que le receveur des aides feroit avec l'élu. toutes- les fois qu'il feroit néceflaire ; que cependant les élus qui étoient à Paris, y demeureroient jufqu'à ce que les généraux eufîënt fait leur rapport au roi i des pays où ils dévoient aller. , & . qu'alors, il en feroit . ordonné par le roi. Que les clercs ( greffiers ) des élus , fe- roient mis à leurs périls , falarres , & dépens j , fans prendre aucuns frais ni gages fur le roi ni fur le peuple, -à caufè de leurs let- tres ou autrement , , excepté, ce- qui leur étoit permis par l'inftruâion ancienne, - Que comme plufieufrs élus & autres offi- ciers des aides y avoient été mis par- faveur ; , que plufieurs ne- favoient, ni lire ni écrire , , ou n'étoienr point d'ailleurs au fait, des aides - & des tailles qui avoient été.mifes en fus ; - que les généraux -réformateurs qui avoient été-ordonnés depuis peu -, feroient leurrap- - port au confeil de ceux qu'ils auroient appris - à ce fujet , & que les élus qui feroient trouvés capables , feroient confervés dans: leurs offices.; les. autres. en feroient privés,- 38 E L E Une autre inftruction que ce même prince fit le 4. Janvier 1392- , veut que les élus lais & commis par le roi , connoiiTent du faït des aides comme par le parle , & pa- reillement l'élu pour le clergé. Il femble par-là que le roi ne commit que les élus lais , & que l'autre fut commis par le clergé. Au mois de juillet 1388 , Charles VI fit encore une nouvelle inftruction fur les aides , portant , entre autres chofes , que fi quel- ques officiers des aides étoient maltraités dans leurs fonctions par quelque perfonne que ce fût , noble , ou non noble , les élus ou grenetiers en informer oient ; que s'ils avoient befoin pour cet effet de confeil ou de force, ils appelleroient les baillis & juges du pays, & le peuple même s'il étoit né- cefîaire ; qu'ils auroient la punition ou cor- rection des cas ainfi advenus , ou bien qu'ils pourroient la renvoyer devant les généraux confeillers , lefquels pourroient auffi les évo- quer & en prendre connoifïance , quand même les élus ou grenetiers ne la leur au- roient pas renvoyée. Il eft auljl défendu aux élus & à leurs commis de prendre fur aucun fermier ni autre , douze deniers pour livre , comme quelques-uns s'ingéroient de prendre pour vinage ou pot de vin , ni aucun profit fur les fermes , à peine d'amende arbitraire & de privation de leurs offices. C'eft fans doute ce qui a donné occafion de charger les baux des fermes envers les cours des aides & élections y de faire chaque année certains préfens aux officiers. Le même prince , par fon ordonnance du 2.8 mars 1395 , portant établifTement d'une aide en forme de taille , ordonna que cette aide ou taille feroit mife par les élus lur le fait des aides , es cités , diocefes & pays du royaume , qu'il avoit commis à cet effet par d'autres lettres. Celles du 28 août 139^ , par Icfquelles il inflitua trois généraux des finances , por- tent que ces généraux pourroient ordonner, commettre & établir tous élus ; les deffituer & démettre de leurs offices s'ils le jugeoient à propos , fans que les généraux , pour le fait de la juffice , pufïent s'en entremettre en aucune manière. Le roi laifToit quelquefois aux élus le choix d'affermer les aides , ou de les met?- E L E tre en régie ; comme on voit par des îef-ï très du même prince , du 2. août 1398 , adreflées A nos ame's les élus fur le fait des aides ordonnées pour la guerre dans la ville & djocefe de Paris. Ces lettres conti- nuent pour un an l'impofition de toutes denrées ou marchandées vendues , l'impo- fition des vins & autres breuvages vendus en gros , le quatrième du vin & autres breu^ vages vendus en détail ,. l'impofition foraine , & la gabelle du fel ; & le roi mande aux élus de Paris , de les faire publier & don- ner à ferme le plus proficablement que faire le pourra , ou de les fà*ire cueillir & lever par la main du roi , c'eft-à-dire , par forme de régie. Il eft marqué au bas de ces lettres , qu'elles ont eu' publiées à S. Eloy , devant les élus de Paris. Charles VI fît encore plufieurs régle- mens concernant les élus ; par fon ordon- nance du 7 janvier 1400 , il régla qu'il n'y auroit à Paris , fur le fait des aides , que trois élus 3 & un fur le fait du cierge , c'eft-à-dire pour les décimes qui fe levoient fur le clergé. Qu'en chacune des autres bonnes villes du royaume , & autres lieux où il y avoit ordinairement Jiege d'élus y il n'y aura dorénavant que deux élus au plus avec celui du clergé ; dans les lieux où il y en avoit ordinairement un , que le nombre des élus feroit encore moindre , fi faire fe pou- voit , félon l'avis des généraux ; & afin que lefdites élections fuffent mieux gouvernées , que les élus feroient pris entre les bons bourgeois , riches & prud'hommes des lieux où ils feroient établis élus. Cette ordon- nance eft , à ce que je crois , la première qui ait- qualifié Sélection le fiege des élus ; & depuis ce temps , ce titre eft devenu pro- pre à ces tribunaux. On dit pourtant encore quelquefois indifféremment une fen- tenee des élus , ou une fentence de Vélec~ tion. La même ordonnance porte encore que ceux" qui feroient ordonnés pour demeurer dans ces offices , ou qui y feroient mis de nouveau , auroient des lettres du roi fur ce , paffées par les trois généraux , & fcellées du grand fceau. Que comme on avoit propofé de donner à ferme au profit du roi les offices des cler« E L E giés des élus, & auffi les offices des greffes de leurs auditoires, cette affaire 1er oit dé- battue pour (avoir ce qui feroit le plus avan- tageux. Cette difpofition fait juger que les élus avoient alors deux greffiers , l'un pour les affaires contentieufes dont ils étoient juges , l'autre pour les opérations de finan- ces dont ils étoient chargés. Les commiffions d'élus furent enfin éri- gées en titre d'office formel fous le rogne de Charles VII , lequel , dans une ordonnance du mois de juin 1445 , appelle les élus fes juges ordinaires. Les élus particuliers dont nous avons déjà touché quelque chofe , furent auffi éri- gés en titre d'office par François I. L'appel de ces élus fe relevoit d'abord devant les élus en chef. Par une déclaration de Char- les VII, du 23 mars 145 1 , il fut ordonné qu'il fèroit relevé en la cour dts aides ; mais par un édit du mois de janvier 1685 , les élus particuliers ont été fupprimés & réunis aux élus en chef , & toutes les commiffions furent érigées en élection en chef. Il y a préfentement 181 élections dans le royaume , qui font difîribuées dans les pro- vinces & généralités , qu'on appelle pays d'élections ; favoir , Dans la généralité de Paris y vingt-deux élections* Paris. Beauvais. Compiegne.- Senîis. Meaûx. Rozoy. Coulommicrs.- Provins. Montereâu. Nogent-fur-Seine. Sens- Pontorf«.. Vezelay. Joigny. Saint-Floréntin.- Tonnerre. Nemours. Melun. Étampes. Mantes. Mon tfort-Lam aury Dreux. Amiens y fx. Amiens. .Abbeville.- Dourlens.. Peronne. Montdidier. Saint- Quentin*, E L E SoiJ/bns y fept. SohTons. Crefpy. Laon. Clermont. Noyon. " Guife. Château -Thierry. Orléans y dou\e. 33 Orléans. Petiviers. Beaugency* Chartres. Châteaudun. Vendôme. Montargis* Gien. Blois. Romorantkiv Dourdan. Clamecy. Bourges y fept. Bourges* IfToudun. Château-Roux* Leblanc* La Châtre. Saint-A#nand. La Charité-fur- Loire. Moulins y fept. Moulins* Gannat. Montluçon; Gueret. Evaux. Nevers. Chateau-Chinon. Lyon , cinq. Lyon. Saint-Etienne.- Montbrifon. Roanne. Villefranche en Beau- joiois. Riom. Clermonts Iifoire. Grenoble. Vienne. Roman Si Riom y frx. • Brioude. Saint-Flour. Aurillac. Grenoble y Jix. Valence. Gap. Montelimart. Poitiers y neuf.- Poitiers.- Niort. S'aint-Maixant. Fontenay. , ; Thouar-s, Ghâtillon. Les fables d'Olonne. Châtellerault. . Gonfolens. 4« BLE La. Rochelle , cinq. La Rochelle. Marenne. Saintes. Coignac. Saint- Jean-d'Angely. Limoges y cinq. Bourganeuf. Angoulême. Limoges. Tulles. Brives. Bordeaux , cinq. Bordeaux. Agen* Périgueux. Condom. Sarlat. Tours y fei^e. Tours. Saumur. Amboife. Château-Gontier. Loches. Baugé. Chinon. La Flèche. Loudun. Le Mans. Richelieu. Mayenne. Angers. Laval. Montreuil-Bellay. Château-du-Loir. Pau & Aufch^ Jix. Aufch ou Armagnac. Cominge. Lomagne. Aftarac. Rivière-Verdun. Les Landes. Montauban y Jix* Montauban. Villefranche. Cahors. Rhodez. Figeac Milhault. Champagne 9 dou-^e. Châlons. Langres. Rhetel. Bar-fur-Auhe. Sainte-Menehould. Troyes. y^'y.- . Epernay. Joinville. Sezane en Brie, Chaumont. Rheims. Rouen y quatorze. Rouen. Andely. Arques. Evreux. Eu. Pont-de-1' Arche. Neufchatel Pont-1'Evêque. Lions. Ponteau~de-mer. Gifors. Caudebec. ELE Caen, neuf. Çhmmonx Ù Magny.. Montiviiiier, Caen. Bayeux. Saint-Lo. Carentan. Valognes. Coutances. Avranche. Vire. Mortain. Alcnçon , neuf. Alençon. Domphront. Bernay. Falaifè. Lizieux. Argentan. Conches. Mortagne. VerneuiL, Bourgogne y deux. XI élection de Breffè féante à Bellay , qui ou de Bourg , eu tant pour le feante à Bourg. Bugey que pour les L'élection de Bugey ' pays de Gex & Val- ez/ de Bellay , romey. Dans les autres villes du duché de Bourgogne où il y a bailliage royal , le bailliage connoît des matières d'élection ; &. l'appel de leurs jugemens dans ces ma- tières va aux cour» des Aides , chacun félon leur refïort. Les jufHces du Cîermontois connoifîenc aufli des matières d'élection y & l'appel de leurs jugemens dans ces matières elt porté à la cour des Aides de Paris. Chaque élection comprend un certain nombre de paroifies plus ou moins confidé- rable , félon leur arrondiffement. L'ordon- nance faite au boisdeSiraine enaoût 1452, portoiî que le refTort de chaque élection ne lèroit que de cinq à fix lieues au plus , afin que ceux qui feroient appelles devayt les élus , puffent y comparoîrre & retourner chez eux en un même jour. Dans les pays d'états il n'y a point dY/Vc- tion , û ce n'eff dans quelques-uns , comme on l'a marqué ci-devant. Les officiers dont chaque élection eu com- pose , font deux préfidens , un lieutenant , un aiTeffeur , & pluheurs confeillers ; un procureur du roi , un grenier ? plufieurs huifiiers , & des procureurs. L'office de premier préfi dent fut créé en 1578 , fupprimé en 1583 , ^. rétabli au mois de mai 1585, L'office E L E L'office de fécond préfident fut créé d'abord en 1587 , enfuite fùpprimé , puis rétabli par édit du mois de mai 1702 ; & depuis , en quelques endroits > cet office a été réuni ou fupprimé. A Paris il a été acquis par la compagnie de Sélection ; le préfident a néanmoins confervé le titre de premier préfident , quoiqu'il foit préfen- tement feul préfident ; ce qui fut ainii or- donné par un édit du mois de janvier 1703 , en faveur du fieur Nicolas Auniilon , en confidération de (es fervîces , & ce titre fut en même temps attaché à fa charge. Le lieutenant , qui efl officier de robe- longue , fut créé en 1587 , pour fiéger après les préfidens , avec le même pouvoir que les élus. L'aflêffeur dans les élections où cet office fubfifte , fiege après le lieutenant. Le nombre des confeillers n'eft pas par- tout le même ; à Paris il y en a vingt , ou- tre le préfident , le lieutenant & l'affeffeur. Dans les autres grandes villes il devoit y en avoir huit , préfentement il n'y en a que quatre. La création des deux premiers en titre d'office , eft du temps de Charles VII , le troilieme fut créé par édit du 22 juillet 1523. Les contrôleurs des tailles , qui furent établis par édit de janvier 15^ > & autres édits poflérieurs , faifoient aufli dans plu- fieurs élections la fonction d'élus , & en pouvoient prendre la qualité , fuivant l'édit du mois de mai 1 5S7 : c'eft ce qui a formé le quatrième office d'élus. Ces offices de contrôleurs ont depuis été réunis aux élec- tions y en forte que tous les élus peuvent prendre le titre de contrôleur ; mais il y a eu depuis d'autres contrôleurs , créés pour contrôler les quittances des tailles. Les qualités de préfident , lieutenant , & de confeiller , furent fupprimées par édit de l'an I')99, avec défenfes à eux de prendre d'autre qualité que celle d'élus , & le nombre de ces officiers réduit à trois élus & un contrôleur ,. vacation advenant par mort ou forfaiture ; que jufqu'à ce ils fe partageroient par moitié , pour exercer alternativement autant d'officiers en une année qu'en l'autre ; mais en 1505 > les qualités de préfident , lieutenant & de con- feiller furent rétablies , &. tous furent remis] Tome XlL E L E 41 en l'exercice de leurs charges , comme auparavant , pour fervir continuellement & ordinairement , ainfi qu'ils font encore pré- fentement. Une des principales fonctions des élus efl d'afîèoir la taille fur les paroiffes de leur département , & pour cet eflèt ils font chacun tous les ans , au mois d'août , leur chevauchée ou tournée dans un certain nombre de paroifïès , pour s'informer de l'état de chaque paroifTe ; favoir fi la récolte a été bonne , s'il y a beaucoup d'exempts & de privilégiés , & en un mot ce que la paroifTe peut jufkment porter. Voye\ ce qui en a été dit ci-devant au mot CHEVAU- CHÉE des Elus. Suivant l'article z z de la déclaration du 16 août 1683 ■> les ^us vérifiant les rôles faits par les collecteurs , n'y peuvent rien changer , fauf aux cotifés à s'oppofer en furtaux. Le même article leur défend de retenir les rôles plus de deux ou trois jours pour les calculer & vérifier , à peine de payer le féjour des collecteurs , & de demeurer ref- ponfables des deniers de la taille en leurs propres & privés noms. L'article z j du règlement de 1673 » & l'article z z de la déclaration de 1683 * leur ordonnent de remettre au greffe de l'éleclion les rôles , trois jours après la vérification qu'ils en auront faite , à peine de radiation de leurs gages & droits , & d'interdiction de leurs charges pour trois mois. Ils connoifîeiit entre toutes fortes de perfonnes , de toutes conteflations civiles & criminelles pour raifon des tailles & autres impofitions , excepté de celle dont laconnoiiîànce eft attribuée fpécialement à d'autres juges , comme les gabelles. La déclaration du n janvier 1736 , attribue au préfident la faculté de donner feul la permiflion d'informer & décerner feul les décrets ,* & en fon abfence le plus ancien officier , fuivant l'ordre du tableau , a le même pouvoir. L'exécution de cette dé- claration a été ordonnée par arrêts du con- feil des 29 mai & 20 novembre 1736 , & le 16 octobre 1743 ; il y a eu une nouvelle déclaration qui confirme celle de 173$. La déclaration du 16 octobre 1743 % F 4t ELE l'autorife auffi à faire les interrogatoires ,. rendre hs jugemens à l'extraordinaire , & les jùgem-ens préparatoires ; procéder aux récolemens & confrontations , & généra- lement faire toute l'infïrudion & rapport du procès , &: rendre toutes les ordonnances qui peuvent être données par un feul juge dans les fieges ordinaires qui connoiffent des matières criminelles. En cas d'abfence ou autre empêchement du préfident , tou- tes ces fondions font attribuées au lieute- nant, ou autre plus ancien officier. L'appel des f?ntences & ordonnances des élections , eft porté aux cours des aides , chacune dans leur refTbrt. L'édit du mois de janvier IÇ^S avait • uni les greniers à fel & [es élections établis dans les mêmes villes , pour ne faire qu'un même corps d'élection & grenier à fèl ; mais par édit d'odobre 1694 , les greniers à fel ont été défunis des élections. Les officiers des élections jouiffent de plufîeurs privilèges , dont le principal eft Fexemption de la taille , chacun dans l'éten- due de leur élection. L'édit de juin 16 14 n'accordoit ce privilège qu'à ceux qui réfi- doient en la ville de leur jurifdidion : ils furent enfuite exemptés par le règlement du mois de janvier 1634 , fans être affu- jettisà la réfidence. La déclaration du mois de novembre I°34 révoqua tous leurs privilèges. Mais par une autre déclaration du mois de décembre 1644 > vérifiée en la cour des aides au mois d'août 1645 , le roi les a rétablis dans l'exemption de toutes tailles , crues , emprunts , fubventions , fubfiftances , contribution d étapes , logement de gens de guerre , tant en leur domicile , maifon des champs , que métairies ; paiement d'uflenfiles , & de toutes levées pour lefclits logemens , & autres contributions faites & à faire ,pour quelque caufe & occafion que ce foit , même en la jouifïànce de toutes autres impoli fions qui feroient faites par les habitans des lieux où lefdits officiers- fe trouveraient demeurans , foit par. la per- miffion de Sa Majefté ou autrement , pour quelque caufe & occafion ; pour en jouir eux & leurs veuves es lieux de leur réfi- dence , pourvu qu'ils ne faffent ade déro- geant auxdits privilèges ? commerce , ou | ELE tiennent ferme d'autrui ; leur laifîant k liberté d'établir leur demeure où bon leur femblera , nonobftant les édits contraires La déclaration du 22 feptembre 1627, leur donnoit auffi droit de committimus au petit fceau ; mais n'ayant pas été enré- gifhrée , ils ne jouiffent pas de ce droit, excepté ceux de T élection de Paris , aux- quels il a été attribué en particulier , tant par l'ordonnance de 1669 t que par uns déclaration pofiérieure du mois de décem- bre 1732. Ils ont rang dans les alTemblées publi- ques , après les juges ordinaires du lieu , foit royaux ou ieigneuriaux ; ils précèdent tous autres officiers , tels que. ceux des eaux & forêts , les maire & échevins. Les offices de judicature, foit royaux ou autres , font compatibles avec ceux des élections y fui-vant la déclaration du mois de décembre 1644. Voye\ les décijions fur les ordonnances des tailles & de la jurif diction des élus , par Dagereau ; traité des élections > par Vieville ; Chenu , des offices , th. des élections. Voye\ auffi les auteurs qui traitent de la cour des aides & des tailles , & au mot TAILLES. (A) ELECTION fe dit aufli d'une partie de la Pharmacie , qui eft celle qui apprend à choifir les drogues médicinales & les fin> ples , & à diffinguer les bonnes & les mau- vaifès. Voye\ PHARMACIE. Il y a des auteurs qui difringuent' une élection générale , qui- donne les règles & les caraderes des remèdes en général , & une particulière pour chaque, remède en par?- ticuliêr. Charniers. ELECTORAL, ad jed. (Hifi.mod. ) fe dit d'une chofe qui fe rapporte ou, convient à un éledeur. Le prince, électoral eft le fils aine d'un éledeur ,- & l'héritier préfomptif de & dignité. Voye\ P R I N C E. On traite les eledeurs dalcejje électorale. Voye^ AL- TESSE. Les princes qui font revêtus de la dignité électorale , ont dans les aflemblées impé- riales la preiéance eu deffus de tous- les autres. Le roi de Bohême qui cède à pluiieurs autres rois , ne le cède à aucun dans les diètes pour l'eledion d'un empe- reur ou d'un ici Ots Romains ; les éledeurs E L E •ont par confinent Iapréféance fur les car- dinaux : l'empereur les traite de dileclion , (ans pourtant leur donner la main. HeifT. hijioire de V Empire , tome UT. Le collège électoral , qui eiïcQmpofé de tous les électeurs d'Allemagne, €Û ie plus iliuftre & le plus augufle corps de l'Europe. Bellarmin & Baronius attribuent i'infli'turion du collège électoral au Pape -Grégoire V , &: à l'empereur Gthon III , dans le X fïecle : pre'que tou & les loix que la nature a paru j fuivre en les produifanr. Comme on ne connoît point encore ' l'efïence de la matière électrique , il eft j impo'fllble de la définir autrement que par j fès principales propriétés. Celle d'attirer & I de repouffer les corps légers , eft une des plus remarquables , & qui pourroit d'autant mieux fervir à caractérifer la matière élec- trique , qu'elle eft jointe à prefque tous fes effets , 8f qu'elle en fait reconnoîrre aifément la préfence , même dans les corps qui en contiennent la plus petite quantité. On trouve dans les plus anciens monu- mens de la Phyiique , que les Naturaliftes ont connu de tout temps au fuccin la propriété d'attirer des pailles & autres corps légers. On s'eft apperçu par la fuite que les corps bitumineux & réfineux , tels que lefoufre , le jais , la cire , la réjme > avoient aufli cette propriété ; que le verre y les pierres précieufés , la Joie , la laine , le crin , & prefque tous les poils des animaux , avoient la même vertu ; qu'il fuffit de bien fécher chacun de ces corps , & de les frotter un peu , pour voir voler ' vers eux tous les corps légers qu'on leur ■ préfente. Sur ces exemples on a depuis chauffé un peu plus vivement , & frotté i avec plus de patience une infinité d'autres corps , & on leur a trouvé auffi la même propriété ; en forte qu?en po. fiant plus loin cet examen , on s'eft aiiuré que tous les \ corps de la nature peuvent devenir électri- ques , pourvu qu'ils foient auparavant par- faitement léchés & frottés. Néanmoins les métaux fe font conftam- ment fouftraits à cette épreuve ; rougis , frottés , battus , jjmés , ils n'ont jamais don- né le moindre ligne d'attraction électrique , en forte qu'ils font une exception à la règle générale , ainfi eue l'eau & toutes les liqueurs qu'il eft impoffible de foumettre au frottement. En examinant à quel degré tous les corps de la narure deviennent électriques par l'effet du frottement , on voit que l'on peut defeendre par une infinité de nuances de ceux qui s'électriiènt beaucoup & facile- EL E ment , à ceux dont la vertu fe rend à peine fenfible , jufqu'à ce qu'on arrive aux mé- taux fur lefquels , comme on vient de le dire , le frottement n'a aucun effet ; c'eft pourquoi on a partagé en deux claffes géné- rales tous les corps de la nature , fuivant qu'ils font plus ou moins fufceptibles d'électricité. On a compris dans la première clafïe , ceux qui s'électrifent très-facilement après avoir été un peu chauffés & frottés , & on les appelle fimpiement corps éleclriqi es : tels font, i°- Les diamans blancs & colorés de toutes efpeces , le rubis , le faphir , le péridore , l'émeraude , l'opale , l'amethyfte , la topafe , le beril , les grenats , enfin le cryftal de roche , & tous ceux qu'on appelle cailloux du Rhin y de Médoc , &c. 2°. Le verre & tous les corps vitri- fiés ; fàvoir les émaux de toute couleur ; la porcelaine , le verre d'antimoine , de plomb , &c. 3°. Les baumes , larmes & réfines de toutes efpeces , telles que la poix noire , la poix-réfine , la térébenthine cuite , la colophane , le baume du Pérou , le maftic , la gomme-copal , la gomme-lacque , & la cire , &c. 4°. Les bitumes , lefoufre , le fuccin , le jais ,1'afphalte, &c. 5°. Certains produits des animaux , tels que la foie , les plumes , le crin , la laine , les cheveux , & tous les poils des animaux morts ou vivans. La féconde claffe contient les corps qui ne s'électrifent pas du tout par le frotte- ment , ou du moins très-peu , & que l'on nomme pour cet effet non éleclriques ; favoir , i°. L'eau & toutes les liqueurs aqueufès & fpiritueufes , qui font incapables de s'épaif» fir & d'être frottées. 2°. Tous les méraux parfaits & impar- faits , & la. plupart des minéraux ; favoir l'ai- mant , l'antimoine , le zinc , le bifmuth , l'agate , le jafpe , le marbre , le grès , l'ar- doife , la pierre de taille , &c. 3°. Tous les animaux vivans , à l'excep- tion de leurs poils. On peut y joindre aufli la plupart de leurs produits ; favoir le cuir , le parchemin , ks os 3 l'ivoire , la E L E corne , les dents , l'écaillé , la baleine , les coquilles , &c. 4°. Enfin les arbres & toutes les plantes vivantes , & la plupart des choies qui en dépendent , telles que le fil , la corde , la toile , le papier , &c. Ce n'eft pas que ces corps ne puifTent jamais devenir électriques par d'autres moyens que par la chaleur & le frottement, mais parce que ces deux préparations leur font ordinairement infuffifantes. En ^effet , quoique les métaux & les liqueurs ne puif- fènt pas devenir électriques par la voie du frottement , ils le deviennent très -bien, comme nous le verrons dans la fuite , dans la fimple approche d'un autre corps élec- trilé. Il eft vrai que ces corps ne peuvent manifefter la vertu qu'ils reçoivent , que dans de certaines circonflances , & qu'ils la perdent avec la même facilité qu'ils la reçoivent , fi on ne prend pas quelque pré- caution pour la leur conferver & la fixer, pour ainfi dire , dans leur étendue. Cette précaution , pour le dire d'avance , confifte à les pofir fur des corps électriques un peu élevés , & à les éloigner fuffilàmment de ceux -qui pourroient leur enlever les cou- rans de matière électrique , à mefure qu'on les répandroit fur eux. Ainli une barre de fer deviendra élec- trique par l'approche d'un tube de verre frotté , fi elle eft fou tenue horizontalement par deux autres tuyaux de verre bien fecs , ou fufpendue par des cordons de foie , ou enfin pofée fur un pain de réfine de quel- ques pouces d'épailleur ; & on électrifera de même l'eau & les autres métaux , ainfi que tous les autres corps qui ne pouvant être élecVifés que très-peu par le frottement , font rangés dans la claffe des non-électri- ques. Ceux-ci acquerront même beaucoup plus à électricité' par le moyen que nous venons d'indiquer , qu'on ne leur en pour- rait jamais exciter en les frottant. Le frottement a paru néceifaire en gé- néral pour exciter les mouvemens de la matière électrique , & rendre apparens ics effets d'attraction & de répulfion , & il y a même très-peu de corps qui puiffent devenir électriques fans cette préparation ; cependant il fuffit que quelques-uns le foient devenus fans ce fecours , m celui de E L E 4, la communication , pour qu'on puiffe con- clure que le frottement n'eft pas abfoîument effentiel à la production des effets de \ élec- tricité. En effet , un gros morceau de fuc- cin ou de jais , dont la fiirface eft large & bien polie , un cône de foufre fondu dans un verre à boire bien fec , &c. conferve de la vertu électrique pendant des années entières & fans le fecours d'aucun frottement , foi- ble à la vérité , mais qui n'eft pas moins bien caractérifée par l'attraction & la ré- pulfion d'un cheveu. On peut joindre à ces exemples celui d'une pierre plate & orbi- culaire que l'on trouve dans quelques-unes des rivières de Ceylan , qui attire & rc- poufîè fucceffivement des paillettes , fans qu'il foit jamais befoin de la frotter pour exciter fa vertu. Mais fi le frottement ne paroît pas abfo- lument nécefTaire pour produire de l'élec- tricité} on ne fauroit nier qu'il n'y contribue infiniment ; car fans parler du plus grand nombre des corps qui n'ont jamais de vertu électrique qu'à force de frottement , il eft confiant , par des expériences réitérées , que ceux même qui ont cette vertu fans ce fecours , produifent des effets électriques d'autant plus confidérables qu'ils font plus vivement frottés. Il eft également nécefTaire que les corps que l'on veut électrifer par le frottement , foient exempts de toute humidité : celle qu'ils contiendroient dans leurs pores , & qui paroît d'ailleurs fe répandre fur eux , paroît un obftacle bien décidé à ce qu'ils deviennent électriques. On a beau frotter un corps humide , il n'a jamais qu'une vertu foible & languiffante ; au lieu que lorfqu'il eft bien fec , le moindre frottement fuffit pour exciter la matière en abon- dance , & lui faire produire les effets les plus fenfibles. De même la vertu électrique . n'eft jamais plus apparente dans un corps que lorfque l'air eft bien fèc & bien ferein , fur-tout s'il fouffle un vent frais du nord ou du nord-eft : au contraire lorlque le vent eft du iud ou de l'oueft , & que i'air fe trouve chargé de vapeurs humides , les effets de l'électricité font a peine fenfibles ; en forte que les corps qui ne montrent u'une médiocre électricité par un temps èc , paroiffent n'en point avoir du tout l 4 car exemple, un long tuyau de verre bien fec , un écheveau de foie , un pain de réfine , ou un long canon de foufre, aucun de ces corps ne deviendra électrique par l'approche du tube , ou ne recevra tout au plus qu'une très-foible vertu. Nous exceptons cependant un cas parti- culier , dans lequel le verre affocié à des corps non électriques , reçoit beaucoup d'électricité par communication. Ce cas , dont l'examen nous meneroit trop loin , a rapport à la fameufe expérience de Leyde. Voye\ cette expérience au mot Coup FOUDROYANT. II Expérience. Lorfqu'on électrife une barre de fer pofée fur un guéridon de verre , ii quelqu'un y applique le bout du doigt , elle ceffera' aufli - tôt d'être électrique , quelque rapidement que l'on continue de frotter le tube ; & la même chofe arrivera , fi au lieu d'y mettre le doigt , on y attache une petite chaîne de métal qui traîne jufqu'à terre. Cependant fi la perfonne qui touche la barre , eft montée fur un pain de réfine ; ou fi la chaîne , au lieu de traîner à terre , eft foutenue par un cordon de foie , non- fèulement la barre deviendra électrique , comme à l'ordinaire , en approchant le tube, mais la perfonne & la chaîne recevront àuflî de Y électricité par communication. III Expérience. Si au lieu de toucher à la barre avec le doigt , on y touche avec un morceau de verre bien fec , un bâton de cire d'Efpagne , un morceau d'ambre ou E L E de jais , elle deviendra tout aufîî électrique à l'approche du tube , que ii rien ne la touenoit. On voit donc par ces expériences , que les corps non électriques tels que les métaux , les hommes , &c. reçoivent de la matière électrique par la fimple approche du tube de verre frotté ; qu'ils tranfmettent cette même matière & la partagent avec les autres non électriques qui leur font contigus; au lieu que les corps naturelle- ment électriques ne reçoivent rien du tube , & ne permettent pas à fes émanations de fe répandre : car fi le verre , la foie ? la cire d'Efpagne , le foufre , Ùc. n'avoient pas la propriété d'arrêter la matière électri- que , les phénomènes de ïéleclrieité ne nous fèroient jamais rendus fenfibles , & Iescourans de cette matière fe diiîiperoient dans la terre fans que nous nous en apper- çuflïons , àmefure qu'ils fortiroient du tube. C'eft pourquoi on emploie ces fortes de corps pour fupporter ceux à qui on veut communiquer de Y électricité. On fe fert de cordons de foie , de crin ou de laine , quand ils ne font pas trop pefa# , & qu'il eft plus commode de les fufpendre. On pofe les plus folides fur des piédeftaux garnis de glaces étamées pardeffous , fur des pains de cire jaune , ou fur des maffes de poix & de réfine feules ou mêlées enfèmble , & auxquelles il eft bon d'ajouter du foufre en poudre , pour leur donner plus de dureté & de féchereffe. On verfe t es matières fondues & mêlées , dans des caiffes de bois de deux pies en quarré , & de deux pouces de profondeur , ce qui forme des gâteaux très-commodes pour électrifer des hommes. On doit toujours prendre garde que tous ces fupports foient bien fecs & un peu chaufïes auparavant que de faire les expériences ; & l'on doit choifir , autant qu'il eft poffible , un lieu fec & vafte. Les expériences fuivantes vont répandre encore plus de lumière fur toutes ces obfer- vations , en même temps qu'elles feront connoître de nouvelles propriétés de la matière électrique. Nous avons préféré de rapporter celles dans lefquelles on éleétrife par communication une ou plufieurs per- fonnes , parce qu'elles nous découvrent quelques phénomènes que le fentiment feul E L E feul peut faire appercevoir ; mais à l'excep- tion de ces phénomènes , on doit entendre que tout ce qui arrive à des perfonnes éle&rifées , arrive auffi aux métaux & aux autres corps non électriques , pourvu qu'ils foient exactement dans les mêmes cir- conftances. IV Expérience. Si dans un lieu fuffilam- ment fpacieux on fait monter un homme fur un pain de réfine bien fec , d'environ quinze pouces de diamètre , & de fept à huit pouces d'épaiffeur , & que d'une main cet homme touche légèrement la partie fupérieure du globe tandis qu'on le frotte & qu'il tourne avec rapidité , au bout de quelques fécondes- il deviendra électrique depuis les pies jufqu'à la tête , ainfi que dans fes habits , & on pourra obferver les phénomènes fuivans. i°. Son autre main & toutes les parties de fon corps attireront & repoufleront de très-loin les petits corps légers ; favoir à la diftanee de trois à quatre pies , & même davantage , il le temps eit favorable. 2°. Tous les corps non électriques qu'il tiendra dans fa main , s'électriferont comme lui , pourvu qu'ils ne touchent qu'à lui feul , ou qu'ils foient fupportés par des corps électriques bien féchés. Bien - loin que ces corps en s'électrifant diminuent la vertu que la perfonne aura reçue du globe , elle pa- raîtra au contraire un peu plus forte , tant dans cette perfonne que dans les corps qu'elle tiendra : & fi on augmente prodi- ^ gieufement l'étendue de ces corps , fur-tout en furface & en longueur , par exemple , fi on fait communiquer cette perfonne à une longue chaîne de ter, ou encore mieux à de gros & longs tuyaux de fer -blanc fulpendus à des cordons de foie , la vertu électrique paroîtra de beaucoup plus forte dans la perfonne électrifée , ainfi que la furface de la chaîne ou des tuyaux. 3°. Si cette perfonne donne la main à une autre femblablement pofée fur un pain de réfine , celle - ci deviendra aullï élec- trique que la première ; & il en arrivera de même à autant de. perfonnes que l'on voudra , pourvu qu'elles foient toutes po- fées fur des matières électriques , comme des pains de réfine , &c. & qu'elles fe com- muniquent uniquement entr'elles , foit en Tome XII. E L E 42 fè donnant la main , foit en tenant les extrémités d'une barre ou d'une chaîne de fer , ou de tout autre corps femblable qui puiife tranfmettre ¥ électricité. Mais la vertu ceffera dans toutes à la fois , fi une per- fonne qui n'eft point électrique , en touche une feule de la bande , ou s'il y a quel- qu'autre communication directe avec des corps non électriques. Il efl cependant arrivé quelquefois, lorfque l' électricité étoit bien forte , qu'une perfonne efl defeendue de defTus le pain de réiine , & a marché quelques pas dans une chambre , fans per- dre entièrement fon électricité : mais on a toujours obièrvé que fa vertu diminuoit très-rapidement ; & que cette expérience , qui paroîr contraire aux effets ordinaires de Y électricité y n'avoit lieu que dans un temps très-fec , & fur un plancher naturel- lement un peu électrique. 4°. Si la première perfonne qui a fa main étendue fur le globe ceiîè de le tou- cher tandis qu'on le frotte , elle confer- vera pendant quelque temps Vélectricité qu'elle aura reçue , ainfi que toutes les perfonnes qui feront électrifées avec elle ; cependant les effets d'attraction & de répulfion s'affoibJ iront infenfiblement juf- qu'au point de difparoître ; mais ils s'éva- nouiroient fur le champ , fi cette per- fonne en touchoit une autre qui ne fût pas électrique. Les grands tuyaux de fer-blanc électri- fés de cette manière , confervent leur électricité bien plus long-temps que les animaux après qu'on a interrompu leur communication avec le globe ; ce qui arrive vraifemblablement parce que leur matière électrique ne fe diflipe pas comme dans les animaux avec celle de la trans- piration ; mais ils perdent comme eux dans un inffant toute la vertu qui leur a été communiquée , âès qu'une perfonne qui n'eff. point électrique les touche du bout du doigt en quelque point que ce foit. Le départ de la matière électrique efl marqué comme fon entrée par une étincelle qui frappe le doigt de celui qui .les touche , & cette étincelle eft également vive en quelque endroit qu'on préfente le doigt. 5°. Si une perfonne qui n'eff point élec- trifée approche graduellement la main du. jo EL E vifage de la première , elle fentira Pim- ■preiïlon d'une atmofphere fluide , qui en- vironne tout le corps de la perfonne élec- trifée , & en continuant d'approcher le doigt de quelque partie Taillante , du nez , par exemple , le doigt & le nez paraîtront lumineux dans l'obfcurité ; enfin quand ces deux parties s'approcheront encore davan- tage , il fortira avec bruit une étincelle très - éclatante qui frappera les deux per- fonnes en même temps , & leur fera fentir ine douleur d'autant plus vive que V élec- tricité fera plus forte. Cette étincelle for- tira pareillement de toutes les parties de Ja perfonne électrifée , defquelles on ap- prochera le doigt , & même au travers de ies habits. C'eft dans Pexplolion de cette étincelle , que s'élance la matière électrique dans les corps auxquels elle fe communique ; ainfi des tuyaux de fer-blanc fufpendus par des cordons de foie , feront électrifés tout- d'un-coup par une feule étincelle qui fort du doigt de la perfonne électrifée par le globe : & toutes chofes égales d'ailleurs , cette étincelle fera , comme la vertu attrac- tive , d'autant plus forte que ces tuyaux auront plus d'étendue en furface & en longueur. 6°. Lorfqu'on s'approche allez près d'une perfonne électrifée , on fent exhaler de fon corps une odeur extraordinaire que quelques-uns rapportent à celle du phof- phore d'urine : cette odeur eft remarquable dans toutes les parties de la perfonne élec- trifée , & même dans tous les corps non électriques qu'elle tient dans fa main : elle fort de même d'un tuyau de fer - blanc électriiè immédiatement par le globe , & elle s'imprime pendant quelque temps dans les corps que l'on préfente à ceux qui font électrifés pour en faire fortir de la lumière. V Expérience. On a pofé fur des cor- dons de foie tendus horizontalement , à quatre ou cinq pies au defïus de la furface de la terre, un fil -de -fer d'un quart de ligne de diamètre , & long d'environ deux mille toifes : une de fes extrémités étoit arrêtée par un cordon de foie au deffus du globe , afin d'en recevoir de Yéleclri- titi) & l'on a fufpendu à l'autre une balle E L E de plomb , de laquelle on approchoit de temps en temps des feuiiles d'or battu , pour recorinoître fi' elle devenoit électrique. i°. Après cinq ou fix tours de roue V élec- tricité a pafle dans le fil - de - fer , & s'eft communiquée très-promptement jufqu'à la balle de plomb , en forte que les feuilles d'or ont été attirées & repouffées à la dis- tance de cinq à fix pouces. 2°. Cette balle eft devenue pareillement électrique en quelque endroit du fil-de-fer qu'elle ait été fufpendue , foit à fon extré- mité proche du globe , foit dans fon mi- lieu , foit par-tout ailleurs dans toute fon étendue : il y a beaucoup d'apparence que la matière électrique fe répandroit également dans un fil-de-fer d'une longueur encore bien plus confidérable. 3°. Tous les corps qu'on s'eft avifé de fubftituer à la balle de plomb fe font électrifés pareillement , & ont attiré la feuille d'or , mais non pas tous avec une égale vivacité ; car les métaux , les ani- maux vivans , & les liqueurs , ont attiré toujours plus vivement que le bois , la pierre, & les autres corps un peu électri- ques ; en général ceux-ci attiroient d'au- tant plus foiblement qu'ils avoient plus de difpofition à s'électrifer par la voie du frottement. 4°. Non feulement la balle de plomb & tous les corps fufpendus ont attiré & repouffé les feuilles d'or , mais il en eft for ti , lorfqu'on leur a préfenté le doigt > des étincelles lumineufes , comme lorfqu'on électrifoit une perfonne pofée fur un gâ- teau de réfine ; & cette étincelle n'a pas été plus vive lorfque la balle étoit fuf- pendue proche du globe , que lorfqu'elle étoit à l'autre extrémité du fil-de-fer. 5°. Tous ces effets ont entièrement ceffé lorfqu'une perfonne qui n'étoit point électrique a pincé le fil-de-fer proche l'une ou l'autre de fes extrémités , & ils ont recommencé à paroître dès qu'on a cefîé de le toucher. Cependant fi cette perfonne étoit montée fur un gâteau de réfine , elle avoit beau toucher le fil-de-fer, il reftoit auffi électrique qu'auparavant. 6°. Les mêmes efièts arrivoient , quoi- qu'avec un peu plus de peine , quand on E L E fcrbflituoit aux cordons de foie qui fer- voient de fupports , des cordons de crin ou de laine ; mais il ne paroifïoit rien fi les cordons étoient de chanvre , de fil , ou fi ' les cordons de foie éroient mouillés , & encore moins fi on s'étoit fervi de fil d'ar- chal ou de laiton , ou de toute autre ma- tière qui pût tranfmettre V électricité. 7°. Lorfqu'on fubftituoit au grand fil- de-fer une corde de chanvre , la balle pen- due a fon extrémité devenoit électrique , mais avec plus de difficulté que lorfqu'elle étoit au bout du fil -de -fer , fur -tout fi la corde étoit feche ; car lorfque la corde étoit bien mouillée , V électricité pafïbit beaucoup mieux. 8°. Si on fubffituoit au fil-de-fer un cordon de foie bien iec , ou un long tuyau de verre , ils ne recevoient l'un & l'autre qu'une électricité très-toible , elle n'étoit plus fenfible dans le tuyau de verre , à 12 pies du globe, &à 25 dans le cordon de foie. 9°. Lorfqu'on électrifoit un long fil-de- fer comme dans le premier cas de cette expérience , fi on le coupoit en un ou plu- fîeurs endroits , en forte que les extrémités coupées fufîent arrêtées vis-à-vis l'une de l'autre à une difrance moindre qu'un pie , la matière électrique s'élançoit au travers de toutes ces interruptions , & fe faifoit appercevoir jufques dans la balle fufpendue à l'extrémité la plus éloignée du fil-de-fer. Un vent très -violent que l'on excita par le moyen d'un foufHet dans une de ces interruptions , n'empêcha pas la matière électrique de parler , non plus que tous les corps naturellement électriques qu'on s'avifa d'interpofer , favoir un car- a reau de verre , une plaque de cire d'Es- pagne , un mouchoir de foie , &c. mais tous les corps non électriques , tels que la main d'un homme , la pointe d'une épée nue , & même une gaze humide , arrêtèrent la propagation de la matière électrique & l'empêchèrent de parvenir E L E Tr d'eau , dans laquelle on fit plonger un bouc de fil mouillé , qui pendoit de chacune des extrémités coupées du fil-de-fer ; la matière électrique pafîa avec la même facilité que fi le fil-de-fer n'eût jamais été coupé , & l'eau de la cuvette fe trouva entièrement électrifée. io°. Lorfqu'un homme pofé fur un gâ- teau de réfine a prélenté la pointe d'une épée dans l'une de ces interruptions du fil- de-fer ; il eff devenu aufli-tôt électrique , quoique ni I'épée ni lui n'eufîent point touché au fil-de-fer ; & dans ce cas I'épée interpolée n'a pas empêché la propagation de la matière électrique jufqu'à la balle : d'où l'on voit que la matière électrique parlé librement au travers d'une médiocre quantité d'air , fans fe déranger de fà direction, quoiqu'elle fe répande latérale- ment dans les corps qui font capables de la recevoir. ii°. Si l'on fufpend verticalement par des cordons de foie un cercle de fil de laiton d'environ trois pies de diamètre , & qu'on faffe pafTer le fil-de-fer des expé- riences précédentes, à -peu -près par le centre de fon plan fans toucher à fa cir- conférence , de manière qu'il demeure toujours perpendiculaire au plan de ce cer- cle , Y électricité communiquée du globe au fil - de - fer fe fera appercevoir très- fenfiblement dans ce cercle de laiton , à quelque diffance du globe qu'il foit placé , & on éled rifera tout autant de pareils cer- cles qu'on en placera avec de femblables précautions dans toute la longueur du fil- de-ter ; d'où l'on voit que les émanations électriques fe répandent en tout fens , & même à une diftance afTez confidérable du corps électrifé. 12°. On a difpofé le même fil-de-fer fur des cordons de foie bien fecs , de manière qu'après avoir parcouru mille toi- fes en ligne droite , il fit un double coude & revint parallèlement jufqu'auprès du globe , en laifïant 9 à 10 pies d'intervalle jufqu'à la balle. La flamme d'une bougie entre fes deux branches : chacune de fes l'arrêta fubitement , mais la fumée, ne l'interrompit pas : un glaçon interpofé & tous les corps mouillés l'interceptèrent ; enfin Ton mit fur un guéridon de verre afTez élevé une grande cuvette pleine extrémités étoit éloignée du globe de 7 à 8 pies , & arrêtée vis-à-vis un cordon de l'oie bien fec , & la balle de plomb étoit fufpendue à l'une d'elles. Une chaîne 1 de fer fixée au deflîis du globe avec un G 2 5* E L E autre cordon de foie en recevoir. Téleclri- cité par une de fes extrémités ; l'autre bout en touchant du doigt le bout de ce tuyau , pour détruire la vertu ; car alors la feuille d'or fufpendue s'y précipite : il fuffit même de préfenter le doigt à quel- que diflance du tuyau , pour faire ceffer la répulfion & faire retomber la feuille d'or : fi au lieu du doigt on préfente la pointe aiguë d'un poinçon , la répulfion cef- fera beaucoup plus promptement , favoir , lorfque le poinçon fera encore éloigné de neuf à dix- pouces. Si on prélente une feuille d'or quarrée un peu large fous une grofïe barre de fer horizontale, foutenue par des cordons de foie , & médiocrement éie&rifée , par le moyen d'une chaîne arrêtée au defîùs du globe ; cette feuille fera attirée & repoufTée enfuite, comme nous venons de le dire ; mais en tenant le doigt fort près au deffous d'elle pour la toucher à chaque fois qu'elle fera repoufTée , on pourra parvenir à la ren- dre immobile & comme fufpendue entre la barre & le doigt , fans qu'elle touche ni à l'une ni à l'autre : alors elle préfènte toujours la tranche & un de Ces angles à la barre , & l'angle oppofé efl vers le doigt. Or il efl vraifemblable qu'elle refte dans cet état, parce qu'elle communique au doigt autant de vertu électrique, qu'elle en reçoit continuellement de la barre , moins la quantité qui lui efl nécefTaire pour furpaf- fer l'effort de la gravité. Quand la feuille d'or repoufTée par un tube de verre a communiqué à l'air ou à quelque corps non éle&rique la vertu qui lui avoit été communiquée , la répulfion ceiTe , comme nous l'avons dit ; alors la feuille recommence à être attirée , pour êrr^pareillement repoufTée , dès qu'elle fera*devenue fuffifamment électrique. On peut de cette manière promener une feuille d'or autour d'une chambre , en la. repouf- fant par un tube bien éleclrifé , & la faire E L E jj bondir autant de fois qu'on voudra fur ce tube , en lui préfentant le doigt chaque fois qu'elle fera repoufTée. On voit par ces obfervations , que l'at- traclion des feuilles d'or ne précède leur répulfion , que parce qu'il efl nécefîaire qu'elles acquièrent une atmofphere d'une denfité égale à celle du tube éleclrique , auparavant que d'en être repoufTées. Car fi on met une feuille d'or defîùs une glace bien feche & d'une largeur médiocre , comme de cinq à fix pouces , qu'on appro- che enfuite pardefTous un tube nouvelle- ment frotté , la feuille d'or s'enlèvera de deffus la glace , & continuera d'être re- poufTés par le tube , fi on le lui préfènte , après avoir éloigné la glace. Or la feuille d'or pofée fur la glace a été éleclrifée par communication ( comme il le paroît en lui en préfentant une autre petite fufpen- due par une foie ) , & elle n'a commencé à être repoufTée de defTus la glace , que lorfqu'elle a été éleclrifée par le tube autant qu'il étoit poifible ; c'eft - à - dire , jufqu'à ce qu'elle eût contracté une atmofphere d'une denfité égale à celle du tube. Lorfqu'un tube repoufTe une feuille d'or , fi on lui fubflitue promptement un autre tube à-peu-près aufîi éleclrifé que le pre- mier , la feuille d'or continuera d'être re- poufTée à la même diflance ; laquelle fera cependant un peu plus grande ou moindre , fuivant que le nouveau tube fera plus ou moins éleclrifé que le premier : cependant fi on fubflituoit un tube très-foiblement éleclrique , la feuille d'or ne feroit plus repoufTée & retomberoit vers ce tube. De même fi on préfente à une feuille d'or repoufTée un bâton de cire d'Efpagne , ou un morceau d'ambre , qui n'ont jamais qu'une électricité médiocre , elle ne con- tinuera pas d'être repoufTée , & elle retom- bera ver^; ces corps. Cette différence avoit fait penfer à quelques phyficiens que la matière éleclrique , qui émane des corps réfineux , étoit d'une nature différente de celle qui fort du verre ; mais on penfe afïèz généralement aujourd'hui , que cette différence n'exifte pas , & que ces effets auxquels on ne devoit guère s'attendre , ne font dus qu'à l'inégale denfité des 56 ELE atmofpheres électriques qui émanent au verre & des corps refineux. Quand on préfente deux ou plufieurs feuil- les d'or à un tube bien éleclrifé , elles font toutes attirées & également repouffées par ce tube ; mais alors elles fe repoulîent suffi mu- tuellement fans qu'il foit poflible d'en faire joindre deux enfemble ; en forte qu'elles s'écartent d'autant. plus les unes des autres , qu'elles font repouffées chacune à une plus grande diftance du tube. Si on fait attirer & repouffer par un tube de verre une feuille d'or circulaire & dé- coupée en franges fort menues jufqu'à fôn centre , toutes ces franges s'écarteront les unes des autres dans le temps de la répul- fîon , & divergeront d'autant plus que le tube fera plus fortement éleârife : ia^même chofe arrivera à un morceau de duvet , de plume , & à tout autre corps fèmblable dont les parties pourront s'écarter. De même fi on attache à l'extrémité d'une barre de fer électrifée une aigrette formée par un afïèmblage de fils d'argent très-fins , tous les fils de cette aigrette s'écarteront les uns des autres f à mefure que l'on com- muniquera de ['électricité à la barre , & aucun d'eux ne fe touchera. Si on met de la poufliere à l'extrémité de cette même barre de fer , elle fera toute chafTée dès que la barre deviendra électrique ; fes parties s'écarteront les unes des autres dans ce mouvement de répul- fion , & leur diflipation fera bien plus prompte fi l'on préfente le do;gt à quel- ques pouces au deffus du petit monceau de poufliere. Enfin fi on attache à l'extrémité de la barre un petit vahTeau de métal plein d'eau , garni d'un fiphon dont la branche la plus longue foit extérieure & capillaire , l'eau qui ne peut couler que goutte à goutte par la branche de ce fiphon, coulera d'un feul jet, lorfqu'elle fera devenue électrique avec la barre ; & fe divifera en plufieurs filets très- fins , qui s'écarteront les uns des autres , comme les filets de l'aigrette. Tous ces effets d'attraction & de répul- fion ont aufîi.lieu dans le vuide , avec quelques circonftances particulières. Il paroît donc , par tout ce que nous venons de dire de l'attraction & de la ELE répulfîon , i°. que les corps légers font attirés par ceux qui font électriques, jufqu'à ce qu'ils foient autant éleclrifés qu'eux par la communication , & que leurs atmofphe- res foient devenues aufll denfes que celle du corps qui la leur a communiquée. 2°. Que dès le moment qu'ils ont acquis cetre atmofphere r l'attraction cefTe & la répulfîon commence. 3°. Quril n'y a de répulfîon qu'entre les corps qui font devenus également élec- triques. 4°. Que cette répulfîon dure tant que fubfifre l'égale denfité des atmofpheres , & qu'elle cefïè dès qu'on affoiblit l'une ou l'autre ; qu'alors l'attraction recom- mence jufqu'à ce que l'égale denfité foit rétablie , d'où il réfulte une nouvelle répulfîon. 5°. Que la répulfîon peut fubfifler entre deux corps qui ne fe font jamais attirés mu- tuellement , pourvu qu'ils aient des atmof- pheres également denfes ; comme entre un nouveau tube de verre , & la feuille d'or re- pouffée ; entre deux feuilles d'or repouffées par un même ou par deux difFérens tubes ; entre deux tubes de verre frottés , & fulpen- dus par des foies ; entre deux rubans de foie frottés & approchés l'un de l'autre ; enfin entre tous les corps éleclrifés par commu- nication , & qui confervent leurs atmofphe- res électriques. 6e. Que la répulfîon efl d'autant plus forte entre deux corps électriques t c'efl- à-dire , qu'ils s'éloignent davantage l'un de l'autre , qu'ils font plus fortement électri- {és ; en forte que par les efpaces dont ils s'écartent kdans leurs difFérens degrés de répulfion , on peut efhmer leurs forces réci- proques électriques. On s'en1 fervi avec avantage de cette propriété des corps élec- triques , pour mefurer leurs difrerens degrés $ électricité. Voye\ ELECTROMETRE. Nous ne faurions rapporter dans cçt article toutes les découvertes que les Phyficiens ont faites pendant ces dernières années fur Y électricité ; nous nous conten- tons d'avoir donné ici une idée générale de la diftribution de cette matière vdans les difFérens corps de la nature , & d'avoir expofé les effets de fa propriété attractive & répulfive. Nous examinerons ailleurs fes E L E {es autres propriétés. Voye\ Coup fou- droyant, Conducteur, Feu élec- trique , MÉTÉORES. Cet article eft de M. lu Monnier , médecin ordinaire de S. M. à Saint-Germain-en-Laye , O de l'académie royale des Sciences , auteur d:s articles AlMANT, AIGUILLE , &c. Électricité Médicinale. Dès le temps qu'on n'employoit encore que le tube de verre pour les expériences de Xéleclricité , quelques phyiiciens avoient recherché les effets qu'étoit capable de produire fur le corps humain la matière électrique actuellement en action. Les découvertes furent très-bornées , parce que le frottement du tube ne donnoit pas des résultats d'expérience affez fènfibles:, mais à jpeine eût on fubftitué le globe de verre au tube , que les merveilles de Xéleclricité fè « développèrent plus fènfîble- ment dans une longue fuite d'expériences , & parurent dans un plus grand jour. Les aigrettes lumineuïes , les torrens de lumière qui fortirent des barres de fer électrifées ? répandirent une odeur de phofphore qu'on n'a pas pu méconnoître. La iàlive lu mi neufe qui fort de la bouche d'une per- fbnne actuellement électrifee , le fang lumineux jailli/Tant d\ine veine ouverte , la terrible commotion , la fècoufiè que fait fentir l'étincelle foudroyante dans l'ex- périence de Leyde } ces faits principaux , fans parler des autres , firent conclure que le corps humain étoit un des plus amples magaiius de matière électrique ; que cette matière y étoit , comme dans les autres corps , d'une mobilité étonnante } qu'elle y étoit capable d'une inflammation géné- rale & fubite , ou d'une forte d'explofîon ^ qu'étant ainfi mife en action , elle par- courait en un inftant les plus petits canaux ^ qu'elle devoit par conféquent produire des changemens fiir le fluide nerveux ; & ona même foupçonné que la matière de ce fluide contenue dans les nerfs des animaux , eft de nature électrique. D'ailleurs l'idée que fournit le fourmillement produit dans les parties électrifées , a donné lieu à tenter quelque chofe pour rendre Xéleclricité utile à la Médecine. On s'eft donc déterminé à appliquer le globe électrique à la Médecine, on a tenté Tome XII. E L È 57 de guérir les paralytiques ; M. l'abbé Noîlet , avec M. de lafsône , de l'académie des Sciences , ont les premiers tenté ces expériences ; leur exemple a été bientôt fuivi par M. Morand & d'autres habiles phyiiciens. On fit d'abord fubir la commotion de Leyde pluiïeurs fois & plusieurs jours de fuite , à diiférentes perfonnes de l'un ôc de l'autre fèxe. Dans quelques-unes la commotion parut ne fe faire que peu-à- peu & par gradation , dans les parties paralyfées \ d'autres la feutirent dès les premières expériences : prefque tous eurent des douleurs feurdes , & une e(j>ece de fourmillement dans les organes paralyfés , plufieurs jours après que les expériences furent faites. Mais aucun ne fut guéri à Paris. Dans ce temps M. le Cat, célèbre chirurgien de Rouen, fit part à l'acadé- mie rGyaîe des Sciences , dout il étoit cor- refpondant . de la guéri fon d'un paralytique qu'il avoit éleètrifé. Le fait parut fur- prenant , & l'on penfa qu'il pourroit bien y avoir quelques circonftances dans cer- taines paralyfies d'où dépendroit le fuccès de Xéleclricité. M. Louis foutint à-peu-pres dans le même temps , que l'on ne pouvait guérir la paralyfie par le moyen du globe élec- trique. M. Jaîlabert , habile profeflèur de Phyfîque à Genève, communiqua à l'aca- démie royale des Sciences dont il eft cor- refpondant , un fait des plus étônnâïis» C'eft la guérifon prefque totale d'un bras paralytique & atrophié depuis plus de dix ans. M. Jaîlabert inftruit des tentatives peu heureufès qu'on avoit. faites à Paris du vafe* ? &. «flotter oit tantôt d'ua côté y 6i E L E tantôt de l'autre , on l'oblige de refter au centre de la manière fuivante. Sur la plaque H dont j'ai parlé , on fixe en croix des fils d'argent fort déliés , tels que ceux des micromètres j cette croix eft formée par des fils doubles qui taillent entre eux au centre de la plaque un petit efpace quarré , qui étant plus grand que le dia- mètre de la verge , lui permet de monter & de defeendre entre ces fils , fans éprou- ver aucun frottement feufible , &c cepen- dant fans s'écarter du centre :, il arrive même un efiêt fort fingulier , c'eft que lorfqtie toute la machine eft bien élcdtri- que , la verge eft contenue au milieu de ces fils prefque fans y toucher , parce qu'é- tant électrique comme eux, elle les évite continuellement. Après cette defeription , on imaginera fans peine comment cet inftrument fait ion effet , fur-tout fi l'on réfléchit fur ce principe d'Hydroftatique , ( voyei HY- DROSTATIQUE , ) qu'un corps plongé dans l'eau fumage ou s'y enfonce félon qu'un volume d'eau femblabîe à celui qu'il occupe eft plus léger ou plus pefant que ce même corps. Il fuit de ce principe qu'un volume d'eau égal à celui de l'œuf ïk de la partie de la verge qui trempe dans l'eau , lorfque le tout eft en repos , pefe autant que l'œuf , la petite plaque & toute la verge j conféquemment il le tout s'élève d'un pouce , la puil'Iance qui le foutiendra à cette hauteur , foutiendra un poids égal à un volume d'eau rie la grof- ièur de la verge & d'un pouce de haut , puiique le volume d'eau que l'œuf & la verge occupent alors , eft diminué de cette quantité. Si donc différentes puiiïunccs le foutiennent a i ,~ 2 , 3 , 4 pouces , &c. de hauteur au deffus du point de repos , ces puiffances feront entre elles comme ces nombres , c'eft-à-dire , doubles , tri- ples , quadruples , &c. Or l'électricité produit le même effet fur cet inftrument , e'eft-à-dire , qu'elle fait la fonction d'une puiffance qui le foutiendroit à 1,2, 3 , 4 pouces , &c. au deffus de fon point de sepos j on peut donc par fon moyen me- furer tous les différens degrés de force de cette vertu. En effet , fi l'on fuppofè pour un moment tonte la machine compofée E LE [ du vafè A B de l'œuf , &c. pofée comme elle eft en K , dans la fîg. 76 , fiir un récipient de verre , ou fur quelque autre matière qui ne laiïie point palier l'éleclricité , tk que le vaiè A B devienne électrique , la verge V le deviendra aulîi , comme la plaque L. Mais tout le monde fait que les corps électriques le repoufient \ ainfi la petite plaque L 6c la verge V étant repoufices par la grande plaque H , s'élèveront nécefiairement plus ou moins félon que l'éleclricité fera plus forte ou plus foible. L'éleclricité fera donc alors , comme je l'ai dit plus haut ? la fonction d'une, puiiiaiice qui fout:er.droit l'initru- meiit à une certaine h.auteur j & comma ces puiffances font proportionnelles aux hauteurs de l'inftrument au deffus du point de repos , ces mêmes hauteurs feront aufïi proportionnelles aux différentes forces électriques ; ce qui prouve ce que j'ai avancé , que notre infiniment meiiire exactement tous les différens degrés de la force éleclrique \ il cil donc un véritable élecïrometre : mais il y a plus , cet élec- tt&meiie peut être employé comme infini- ment , fbit pour faire mi grand nombre d'expériences fur l'électricité , foit pour déterminer les Ioix d'attraction , de répul- fiou , de diffufion , de trarffmifTîon , &c. de l'éleclricité \ propriété qui n'eft pas moins importante que celle de mefurer la force électrique. Manière de fe fervir de cet infiniment* Les corps électriques ayant cet inconvé- nient , qu'on ne peut en approcher finis leur dérober l'éleclricité , il eft clair que fi l'on étoit allez près de l' élecïrometre pour juger de fes meuvemeus avec préci- sion , on lui enlèverait l'éleclricité. Afin l'donc déparer cet inconvénient, on place dans une partie de la chambre où l'on fait ùs expériences , une grande lanterne dans laquelle on met une greffe bougie , qui projette fà lumière par un trou , fur un ou deux éleclrometres fitués comme on le voit en K dans la fig. 76. Derrière ces éleclrometres on fixe un cadre Q très- foîide , dont toute la partie X eft de bois j elle peut être de toute autre matière opa- que. Dans ce cadre 011 fait deux ouver- tures rectangulaires ou fenêtres F T 9 on E L E inet dans ces fenêtres des glaces (^G qui ne font qu'adoucies ; & fur ces glaces , ©n marque des divifions très-précifos avec de l'encre de la Chine bien noire. Il faut que ce cadre foit toujours placé de façon que la projection des éleclr ome- ttes tombe fur" ces glaces ^ & au moyen de la figure conique qu'on donne à l'ex- trémité de la verge , elle y forme une ombre très-nette. Comme ces glaces font trau (parentes , l'obfervateur placé derrière en F , voit de la manière la plus diftiu&e toutes les différentes élévations de Vélec- trometre , & eft par - là en état de juger avec la dernière préciilon de toutes ces variations. Le plan du cadre étant fop- pofé perpendiculaire à l'horizon , tk. Vélec- trometre , ou plutôt fa verge , hauffant & baiffant dans un plan parallèle , il eft évident que l'élévation & l'abaiifement de l'ombre font toujours proportionnels à ceux de V éleclrometre. On font facilement que le cadre que je viens de décrire pourroit n'avoir qu'une fenêtre \ mais Véleclrometre pouvant aufTi fervir d'inftrument , comme je l'ai dit , il eft à propos qu'il y eu ait deux , afin que Véleclrometre véritable , & celui qui ne fert que d'infiniment , étant plus près , on puiflè les obferver plus com- modément : au relie , l'intervalle entre l'un & l'autre doit être tout au moins de 30 pouces. On voit par la conftru&ion de cet élec- trometre , qu'il a les propriétés eflènîielies inftrumeut de cette efpece } car , . la force électrique étant très-foible , il faut un inftrumeut très- mobile & fort fenlîbîe } au/fi un poids de 8 grains pofé for la petite plaque , le fait-il baiiîèr de plus de 4 pouces. La force électrique éjtant fort chan- geante , il faut un inftrumeut , lequel n'a- gifiànt pas par faut , foit en état de donner à chaque inftant £es variations j & celui-ci tendant toujours au repos , & n'étant foutenu hors de cet état que par la répulflon des plaques, il baiffe au même inftant que cette répulflon diminue , & haufte de même aufîi-tôt qu'elle augmente. C'eft un fait dont des expériences fans nombre nous oitf afforés , M. d'Arcy & moi. a un ■.o E L E 65 Enfin il eft univerfel j car on voit que le véritable éleclrometre eft la verge cylin- drique V , qui détermine par le nombre de fes parties élevées au deffus cKi point de repos , la quantité de la force électri- que. Or il n'eft pas difficile d'avoir une verge cylindrique d'une ligne de diamètre. Il eft vrai que le diamètre de la petite plaque Z , & fa diftance à la grande H au point de repos , peuvent produire quel- ques différences dans la répulflon \ mais il eft facile d'obferver toutes ces propor- tions : de forte que tout le monde pourra faire un éleârometre qui s'élèvera de la même quantité pour la même force élec- trique : propriété qui me paroît une des plus remarquables de cet inftrument , & qui eft une de celles qui y font le plus à defirer , comme je l'ai remarqué au com- mencement de cet article. On objectera peut-être que la différente denfité de l'eau dans les différeus climats , formera un ob.ftacîe à cette univerfalité. Il eft clair cependant, que toutes les fois que Von fera une verge qui defeendra de 4 pouces pour 8 grains , on aura un élec- trometre qui indiquera à très peu-près les mêmes degrés de la force électrique que le. nôtre j car quoique , dans un pays chaud , une pareille verge fût un peu plus repouffée , puifqu'elle foroit plus jrofTe que la nôtre , ce feroit d'une quantité fi peu coniidérable , que cette répulfion ne pour- roit entrer en comparaifon avec celle de la plaque. Enfin on pourra alléguer encore , que les différentes pofitions de Y éleclrometre par rapport au cadre & à la lanterne , chan- geront fes élévations apparentes , mais il eft toujours facile d'avoir le rapport de ces élévations par la méthode foivante. Ayant placé Véleclrometre , & arrangé le tout , comme pour faire des expériences , char- gez la petite plaque de cet inftrument de 8 grains , par exemple , & voyez de com- bien de degrés fon ombre defeend en con- fëquence for le cadre } la fomme de ces. degrés comparée à celle qu'un même poids aura fait parcourir à 'l'ombre d'un autre éleclrometre for lequel on aura fait la même expérience , donnera le rapport précis de leurs élévations. U E L E D'après cette defcription de Vélè#ro- metre , & de la manière de s'en ièr\ ir , il pourra paroître à quelques perfomes d'un ufage peu commode, par les divefcfes at- tentions qu'il exige , &: par la nécefliié où l'on eft d'obfcurcir ie lieu où l'on fait ces expériences , pour pouvoir juger de fes élévations & de (es abaiiièmens : mais fi l'on fait attention à la nature de l'élec- tricité , & à l'impofiïbilité d'obierver de près , comme je. l'ai dit, les divers mou- vemens des corps électriques , on verra que fi cet infiniment a quelque chofe d'em- barraflant dans fon ufage , c'eft en quelque façon une fuite néceiîaire de la nature de la force électrique qu'il doit mefurer. J'ai fait voir au commencement de cet article , que de tous les phénomènes, des corps électriques la répulfion étoit le feul qui fournît un moyen fur & général de niefûrér la force de l'électricité. Cependant comme il y a des cas où l'on eft indif- penfablement obligé d'employer les étin- celles , tels que ceux , par exemple , où l'on veut , par leurs différentes grandeurs , juger des denfités refpe&ives du fluide électrique dans les corps entre lefquels ces étincelles partent , je crois devoir ajouter ici la defcription d'une efpece de fph'mcîc- rometre ou mefure-étincelles , dont je me fers , & au moyen duquel on peut être à très-peu près fur que les différentes gran- deurs ou forces de ces étincelles naiflènt uniquement des différentes forces de l'é- lectricité , ce qu'on ne peut faire en les tirant à la manière ordinaire : car félon cette manière , on peut , quoique l'élec- tricité refte toujours la même , on peut , dis-je , faire partir ces étincelles de plus près ou de plus loin , comme je l'ai dit , non feulement en les tirant de corps de figures &. de volumes différens , mais en- core en les tirant de parties plus ou moins lifl.es de la furface d'un même corps. L'inf- trument dont je viens de parler, eft cons- truit de la manière fuivante. Dans Hti tube de verre T T ( fig. 77. ; recouvert par les deux bouts de deux pla- ques PS, PI, fè meut librement , mais fans jeu , une balle de métal B , adap- tée à l'extrémité d'une verge de fer quar- rée W ; cette verge pàlfe à travers un E L E trou de la même forme , percé dans la plaque PS , dans lequel elle s'ajufte par- faitement. On voit par cette dnpoiition , qu'on peut bien faire mouvoir la baîle dans le tube d'un bout vers l'autre, mais qu'on ne peut lui faire prendre d'autre mouvement. Sur l'extrémité de la verge W , qui déborde la plaque P S , font marqués des degrés , afin qu'on puiffe ju- ger de la diftance où la balle fe trouve de la plaque PI : on pourroit pour une plus grande précifiou , en place de ces degrés , adapter à l'extrémité de la xerge une vis qui feroit la fonction du micro- mètre. D'après la defcription de cet infini- ment , il eft facile de concevoir comment 011 s'en fert , &: comment il remédie aux inconvéniens que j'ai fpécifiés plus haut* On voit en premier lieu , qu'en le prenant par le tube , & le faifànt toucher par la plaque PI fur le corps électrique dont 011 veut tirer une étincelle , cette plaque s'éledlrife au même degré que ce corps, &. qu'au moyen de la verge VV , on ap- proche graduellement de la même plaque la balle B ( qu'on en tenoit auparavant fort éloignée ) jufqu'à ce que l'étincelle parte. Or cet effet arrivant dans Titillant précis où cette balle fe trouve à la diftance re- quife pour qu'il ait lieu , on reconuoit cette diftance par le nombre de degrés marqués fur cette verge. On voit , 20. que ces dis- tances ne peuvent venir ici que de la dif- férence de la force électrique , parce que l'étincelle part toujours entre les mêmes corps ,' la plaque PI, & la balle B , Se que c'eft toujours des mêmes points de la balle & de la plaque , puifque cette balle ne pouvant que s'en éloigner ou. s'en ap- procher , les différens points de fa furface inférieure doivent toujours regarder les mêmes points refpe&ifs de cette plaque. (T) Il ne fera pas inutile de dire aufiî quel- ques mots d'un éhclrometre fort fimple , qui eft de l'invention de M. Daniel Bernoulli , & duquel j'ai vu ce favant faire un ufage très-heureux. Cet infiniment eft un fimple pefe-liqueur, dont le corps fubmergé dans l'eau eft de laiton & creux , de la groftèur d'un œuf j de E L E de ce corps monte une flèche graduée , large en tous fens d'environ une ligne : on a des plaques rondes & minces de métal qu'on peut mettre au bout de la flèche , dans une pofition horizontale ; enfin , il y a au bas du corps plongé un petit crochet pour y fufpendre de petits poids afin que l'inflrument plonge dans l'eau , jufqu'à une certaine marque de la flèche. Pour faire ufage de cet électrometre , on commence par iulpendre au conducteur une grofîè plaque de métal , épaifle d'en- viron deux lignes , & de quatre ou cinq pouces de diamètre ; on plonge Yélectro- metre dans un vafe d'eau , après avoir mis au bout de la flèche une petite plaque mince d'environ deux pouces de diamètre ; on met ce vafe fur une table , au defibus de la plaque fufpendue au conducteur , & à une dilîance plus ou moins grande de cette plaque , comme de dix-huit à vingt pouces ; fi après cela on électrife la groflè plaque , elle attire la plaque mince de Y électrometre y celui-ci monte , & c'efl cette élévation qui mefure la force de ¥ électricité. M. Bernoulli a appris de cette manière plufieurs nouvelles propriétés ; par exemple , en appliquant au haut de la flèche un autre rond du même métal & du même diamètre , mais trois fois plus épais , il lui fallut diminuer le poids fuf- pendu par le crochet plongé dans l'eau , & il remarqua que l'électricité élevoit Y élec- trometre également pour la plaque mince , & pour l'autre qui étoit trois fois plus épaifle ; cela prouve , à ce qu'il fèmble , que l'électricité agit Amplement fur les fur- faces , fans entrer dans les fubflances des corps: il efl remarquable que dans tous les aimans artificiels aflez connus , que faifoit à Baie un bon artifte nommé Die- trich ^ & qui étoient très-difFérens en grandeur , mais toujours d'une figure fem- blable , les forces de ces aimans fe iont toujours trouvées pareillement proportion- nelles à leurs furfaces ou aux racines cubi- ques des quarres de leurs poids. Al. Bernoulli a enfuite diminué la dis- tance entre les deux plaques rondes , & il nous a paru que les attractions étoient r.r peu-près en raifon réciproque des quarrc s âçs diflances ; cependant en approchait T*me XII, E L E 6$ peu à peu les deux plaques, f attraction augmentoit toujours moins ; enfin , après avoir ceflë d'augmenter , elle commençoit à diminuer : ce réfultat pouvoit paroître furprenant , mais ce qui l'explique y c'efl que l'électricité du conducteur diminuoit elle-même par l'approche du corps non électrique , favoir de Y électrometre. On peut varier ces expériences de plu- fieurs manières , & il feroit bon que quelque phyficien qui en auroit le loifir & la com- modité , voulût en prendre la peine. Suppofons , par exemple , qu'on ifole le vafe qui renferme Y électrometre : en ce cas , le conducteur ne perdra rien de fon électricité , fi on defcend peu à peu la plaque fufpendue , mais V électrometre s'é- lectrifera infenfiblement lui-même ; l'attrac* tion diminuera & fe changera enfin en répulfion , & il fera à propos d'obferver la relation qu'il y aura entre les diflances , les attractions & les répulfions. Je fuppofe encore qu'on ôte la plaque qui tient au conducteur , en ifolant le vafe de Y électrometre & en y conduifant le conducteur ; alors le vafe & Y électrometre feront électrifés , & il doit arriver que la furface de l'eau repoufTera la petite plaque appliquée à Y électrometre y & que cet ins- trument s'élèvera : il fera encore bon ici de remarquer la relation entre les éléva-: tions de Y électrometre & ,les diflances ini- tielles de la petite plaque depuis la furface de l'eau. (/. B.) * Vélectrometre de MM. d'Arcy & le Roy , dont nous avons parlé , a été adopté par quelques phyficiens , mais plufieurs l'ont rejeté , l'ayant trouvé défectueux Se peu exact; parmi ces derniers fe trouve l'abbé Nollet , qui afïùre même qu'il n'efl pas poffible d'en faire un bon. Mais , fi celui de MM. d'Arcy & le Roy ne fe rouve pas jufle ( parce qu'il efl trop com- pofé & fujet à trop de frottement), il oaroît qu'il n'efl pas impoffîble , en fe èrvant du même principe qu'ils ont em- ployé pour faire le leur , d'en trouver' n d'abord beaucoup plus Ample & par conlequent beaucoup plus exact. Celui iont nous allons donner la defeription , .1 ces deux qualités : il efl très-fimple , X M. de Saufiure qui en cft l'inventeur , I é6 E L E nous affure qu'il l'a toujours trouvé très- exact. Elecirometre de M. de SauJJure. On prend une petite planche de fapin , qui doit avoir deux pies de long , fix pouces de large, & un demi-pouce d'épaiifeur , fur laquelle on colle une feuille de papier blanc. On prendra une verge de iaitcn parfaitement cylindrique , qui auravauffi deux pies de long comme la planche & une demi-ligne d'épaiifeur; on la fixera fur le milieu de la planche iùivant ts\ longueur. Toute la longueur de cette planche fera divifée eri pouces & en quarts de pouces , que' l'on aura foin de marquer exactement de chaque côté de' la verge. On prendra après cela un fil de lin , très-délié , le plus égal qu'on pourra trouver & qui n'ait pas été lavé ; on lui donnera la même longueur qu'à la planche ; un des bouts fera attaché au haut de la verge de laiton , & on ajuitera à l'autre bout une petite boule de liège qui ne pefera qu'un quart de grain. Cet inftrument ainfl ajufté, fe placera au milieu de la chambre avec un cordon de foie , qui ira d'une paroi à l'autre , auquel on le pendra. Alors fi en établit avec une chaîne une communication du conducteur à la verge de laiton , il s'élec- crifera , de même que la boule de liège , qui en s'éloignant de la planche , indiquera par la diftance a laquelle elle en eft , la Force de l'électricité Mais afin de pouvoir la mefurer avec plus d'exactitude, il faut marquer un endroit vis-à-vis de cet infiniment au bas & à quatre pies de la planche , où on placera l'œil , & d'où l'on verra à quel degré la boule répond à mefure qu'elle s'eleve quand la force de l'électricité augmente , & d'où on la verra s'abaiffer dès que cette force diminue , jufqu'à ce qu'enfin le fil foit vertical lorfque l'électricité fera tout-à-fait diflipée. (•+•) ElECTROMETRE inventé par M. Lasse > jinglois. Voyez planche II , fig. 4 9 fuppl' des planches. A. Vaifléau de verre cylindrique de fix choc pouces de long , & de feize de circonfé- rence qu'on a fubftitué au globe. EL E S. La roue dont chaque révolution en fait faire quatre au cylindre. C. Le conducteur. D. Phiole bouchée. E. Fil de cuivre qui aboutit à une plaque mince fur laquelle pofe la phiole. F. Pilier de ïe'le chôme tre y il eft de bois & vuidé en forme de cylindre environ les ^ deux tiers de fa longueur : on le rend électrique en le failant chauffer dans un lour , en le faifant bouillir dans de l'huile de lin , & l'y remettant enfuit . Ce pilier étoit d'abord de cuivre , & il me réuflit allez pour divers uiages de la Médecine , mais l'ajTant trouve défectueux à quelques égards , je lui en ai fuMrnué un de bois. G. Cylindre de cuivre dont le bas cfî enchâffé dans le pilier. H. Vis qui fert à l'arrêter. /. Rainure dans laquelle on fait couler la vis pour hauffer ou bailler X élect'rometrt félon la hauteur des phioles. K. L'hcmiiphere de cuivre très-poli qui tient au conducteur.. L. Vis d'acier qui pallè par le haut du. cylindre , dont les pas font éloignés d'en* viron -1* de pouce l'un de l'autre. M. Globe de cuivre poli qui tient à 1» vis L y en face de K : le poli de K. & déifié détruit lorfque les explofions font fortes , & il faut les repolir lorfque les expériences demandent de. l'exactitude. N. Echelle dont les divifions marquent les tours de la vis. O. Plaque circulaire qui fe meut avec la vis , & dont chaque tour répond au*: divifions de l'échelle : elle eft divifée en douze parties pour marquer celles de chaque tour. Voici le principe félon lequel XéleBro-- mètre agir , il eft très-limple. La phiole verniffée devient incapable d'amailèr & de retenir au delà de la quantité de fluide: électrique qu'exige L'expérience, lorfqu'il fe fait une communication électrique ou non électrique de la vis H au fil d'archal E de la machine ; & cette quantité efl propor- tionnée à la diftance de K & de M f au moyen de quoi on règle l'explofion & le Par exemple , fi une perfonne tient d'une t main un fil d'archal attaché à la vis H s E LE & de l'autre un autre fil d'archal attaché à la gance E , il n'éprouvera aucun choc, fi K & Mk touchent , quoique le vaifleau cylindrique A agilL avec beaucoup de force. Que s'il tourne la vis L , de manière que le globe M Toit éloigné de K de t!» de pouce ; il fentira un petit coup , & l'explofion fe fera de K ou M : li K & M font éloignés d'un pouce , la quantité du fluide électrique lors de l'explofion , augmentera au centuple. Par exemple , il paroît par l'expérience qu'on a faite, que îi l'explofion fe fait après quatre tours de la roue B , lorfque M eft éloigné de K de A de pouce , ou d'un tour de la vis , la même chofe arrivera après que la roue aura fait huit tours , ou que M & K feront éloignés de /* de pouce : fi K & M font éloignés de trois tours de la vis , la roue • en aura fait douze lors de l'explofion. La même chofe arrivera tant que la diftance de K & de M fera égale au pouvoir con- denfatif de la phiole , fans que la matière s'épuite : cet épuifecnent a lieu lorfque la phiole eft tellement chargée , qu'une partie du fluide électrique s'échappe par fon ori- fice ou par le condudeur dans l'air , & fe communique à un corps non électrique: le nombre des tours de la roue , lorique K &cM font dans les diftances que j'ai dit ci-defîus , eft plus ou moins nombreux , félon la température de l'air , l'état du vaiiîèau cylindrique , celui du couflïnet contre lequel il frotte ; & celui de la phiole. L'explofion de celle-ci eft moins forte lorfque l'air eft humide , que lorfqu'il cil fec. s ' '. Moins la roue fait de tours , plus la machine a de force; on peut déterminer par- là la différence qu'il y a entre deux machines. Un fil d'archal vaut mieux en général qu'une chaîne , à moins qu'elle ne foit extrêmement ferrée , parce que le fluide électrique fe perd en paflant d'un chaînon à l'autre. On fait encore par expérience que la quantité du fluide électrique à chaque explofion , eft proportionnée à la furface du vernis , a la gro fleur de la phiole , de même qu'au nombre de celles qu'on emploie. Par exemple , fi l'on découvre la phiole à E L E €7 moitié de chaque côté , l'explofion fe fera après que la roue aura fait la moitié moins de tours ;& fi l'on emploie au lieu delà phiole D , une autre phiole dont le verre loit couvert du double , la roue fera une fois plus de tours : la même chofe arrivera fi l'on emploie deux phioles '-ouvertes en place de D ; fi l'on en emploie trois , le nombre des tours fera triple. {Cet article efi tiré des fournaux Anglois.) ELECTUAIRE , f. m. (Pharm. ) LV- lecluaire eft une composition pharmaceu- tique , deftinée à l'ufage intérieur , formée en incorporant une ou plufieurs poudres avec du miel ou du firop , des extraits , des pulpes , des gelées , des robs , des con- ferves, & quelquefois des vins doux. Les élecluaires font foîides ou mous. Les premiers font plus connus fous le nom de tablettes , & il eft même commode de les diftinguer par ce nom des éUcluaires mous. Voye\ TABLETTE. Les féconds doivent être d'une confiftance moyenne entre le firop & le bol , & fort approchante de celle des marmelades de fruits bien cuites : c'eft de ceux-ci que nous allons parler dans cet article. UélecTuaire eft une forme de médicament très-anciennement employé en médecine. Galien en a décrit quelques-uns ; les hiera , les confections , la thériaque d'Andro- maque , le fameux antidote attribué à Mi- thriaate , tous remèdes très-anciens, font des élecluaires. Mais le nom même à'élcauaire neft pas de la même antiquité que l'ufage du re- mède auquel nous le donnons aujourd'hui ; les Grecs & les Arabes font toujours ap- pelle antidote , quelque vertu médicinale particulière qu'il pofledât, & ils en ont préparé afîurément de toutes les diverfès vertus obfervées ou imaginées dans les re- mèdes , de roborans , de cordiaux , de céphaliques > d'alexipharmaques , de chola- gogues , d'hydragogues , de panchyma- gogues , d'emmenagogues , de narcotiques, &c. JEYius Aurelianus a employé le mot élec- tuaire , elecluarium ; mais c'eft un remède delà nature de notre looch , qu'il a dé- figné par ce nom. Voye\ LOOCH. Le nombre des élecliuiires a été pouflô I 2. 68 ELE îufqu'à un excès dont l'ignorance la plus profonde & la charlatnnerie la plus impu- dente font feuls capables. Le leul Myrep- fùs nous en a décrit jufqu'à cinq cents onze dans fon antidotaire. Les difciples des Ara- bes ne firent qu'enchérir fur la prodigieufe fécondité de leurs maîtres , & les élec- tuaires ne ceflerent de fe multiplier jus- qu'au temps où la chymie s'empara heu- reufement de la pharmacie , c'eft-à-dire , jufqu'à ce qu'on fût en état de découvrir & de démontrer que la plupart des élec- tuaires étoient des préparations monf- trueufes , fouvent inutiles , quelquefois dan- gereufes , toujours très-dégoûtantes pour les malades. En effet , YélecTuaire a d'abord tous les inconvénient des comportions comme telles : le plus grand de ces inconvéniens eft celui qui dépend de l'action chymique ou menftruelle de certains ingrédiens les uns fur les autres ; action qui détruit leurs ▼ertus refpeclives. ( V. COMPOSITION , Mélange , Formule. ) Or ce défaut doit d'autant plus décréditer tous les élec- tuaires anciens , que leurs auteurs n'a- voient aucun fecours pour l'éviter. Secon- dement, la confiflance de quelques - uns eft telle que ces remèdes font expofés à un mouvement de fermentation qui dénature tous leurs ingrédiens. Cet inconvénient a paffé pour un bien dans quelques têtes , nous lui devons en effet la vertu de la thériaque vieille : mais 11 le hafard nous a bien fèrvi à cet égard , car un produit utile de la fermentation de cent drogues cil un vrai préfent du hafard , iL nous a nui dans tous les autres cas. Un tlectuaire qui a fer- menté , eft regardé par les connoiffeurs comme un élecluaire perdu ; & voilà pour- quoi la confection hamech , par exemple , telle qu'elle efl décrite dans la pharma- copée de Paris, qui par fa conîiiiance , doir neceflairement fermenter , efl une préparation défectueufe. Troifiémement , la difficulté de faire avaler à des malades une once d'un remède auffi dégoûtant qu'un ihchiaire , doit être comptée pour beaucoup,: or c'eft-là la dofè ordinaire de ee remède ; & ne fût-elle que de deux gros, comme c'eft en effet celle de quel- ques-uns y Iêl tourment d'ayalei; deux gro*. ELE 8 élecluaire doit être épargné à un malade, s'il eft pofïîble. Non feulement les Pharmaciens devenus chymiftes arrêtèrent le débordement des élecluaires , mais même ils entreprirent de réformer ceux qui étoient le plus en ufàge. Zwelfer chez les Allemands , le Fevre > Charas , Lémery , chez les Fran- çois , fe font fur-tout diftingués par ce projet. Je n'appelle le travail de ces auteurs que projet, ou tentative ; parce que, foit qu'ils n'aient pas affez ofé contre l'auto- rité de la véritable antiquité, & l'opinion unanime des médecins de leur temps ; foit que les lumières de leur fiecle ne fufTent pas encore fuffifantes pour produire une réforme complète ; foit qu'il fût en effet impoflible de faire un bon remède d'un élecluaire , on peut avancer que les élec- maires corrigés de ces auteurs font en- core des remèdes allez imparfaits. Il me femble donc que tout confidéré5, on peut propofer de lupprimer tous les élecîuaires , au moins de n'en retenir que le petit nombre qui font le moins impars faits , tels que le diafeordium , le diaprum,, le lénitif ,. & le catholicon double , &c Voye\ Us articles particuliers. Quand on veut faire un élecluaire , on commence par préparer la poudre félon l'art: ( Vojei POUDRE ); enfuite fi elle ne doit être unie qu'à du miel ou à un. iirop r on n'a qu'à la mêler avec foin au miel: écume ( Voye\ Ml EL.) y ou au firop qu'on a préparé d'autre part ( Voye\ SlROP. ) Pour cela , on la répand à diverfesreprifes & peu à peu avec un tamis , & on l'in- troduit dans le miel ou- dans le firop , en< brajfanttwec un biftortier. S'il doir entrer dans la compofition de Y élecluaire des pulpes , des extraits, des robs , Ùc. on- Relaie ces matières avec une partie du firor>- ou du miel encore chaud , on incorpore les poudres de la manière que nous venons ds dire, & on ajoute enfin le refte du firop^ ou du miel. Les vins s'emploient à -peu.' près de la même façon que les firops & le miel , & quelquefois mêlés enfemble. Oat! peut s^en fervir auffi pour diiïbudre cer- taines matières peu-propres à être réduites en poudre , comme les fucres épaifiïs qui en- trent dans la thériaque. V. TttÉRIAOUE* E L E Tous ces mélanges fè font à froid , ou fur un feu très-léger dans quelques cas. V. les exemples particuliers. Il n'y a qu'une feule loi pour la perfec- tion de Yélecluaire , c'eft que les poudres doivent être répandues très-uniformément, en forte que Yélecluaire ne foit pas graine ou grumelé ; on voit de quelle conféquence il eft qu'on ne trouve pas dans une cer- taine portion d'un élecluaire purgatif de petits amas de poudre compofée ordinaire- ment des purgatifs les plus violens. N Synonymes François , dans un tour de v penfée noble & poli , rendu par des E L E » cxpreflîons châtiées , coulantes & gra- » cieufes à l'oreille. » Difons mieux : c'efl la réunion de toutes les grâces du ftyle , & c'efl: par-là qu'un ouvrage relu fans ceiTe, eft fans celle nouveau. La langueur & la molleiTe du ftyle font les écueils voifins de Yélégance ,• & parmi ceux qui la recherchent , il en eft peu qui les évitent : pour donner de l'ailànce à l'expreffion , ils la rendent lâche & diffùfe ; leur flyle eft poli , mais efféminé. La pre- mière caufe de cette foiblefle eft dans la manière de concevoir & de fentir. Tout ce qu'on peut exiger de Yélégance , c'efl: de ne pas énerver le fentiment ou la penfée , mais on ne doit pas s'attendre qu'elle donne de la chaleur ou de la force à ce qui n'en a pas. Le point effentiel & difficile , eft: de concilier Yélégance avec le naturel. L' élé- gance fuppofe le choix de l'exprefllon : or , le moyen de choifir , quand l'expref- fion naturelle eft unique ? Le moyen d'accorder cette vérité , ce naturel , avec toutes les convenances des mœurs , de l'ufage & du goût ; avec ces idées factices de bienféances & de nobleffe qui varient d'un fiecle à l'autre , & qui font loi dans tous les temps ? Comment faire parler naturellement un villageois , un homme du peuple , fans blefler la délicatefTe d'un homme poli , cultivé ? C'efl-là fans doute une des plus grandes difficultés de l'art , & peu d'écrivains ont fu la vaincre. Toutefois il y en a deux moyens : le choix des idées & des chofes , & le talent de placer les mots. Le flyle n'efl le plus fouvent bas & commun que par les idées. Dire comme tout U monde, ce que tout le monde a penfé , ce n'efl pas la peine d'écrire ; vouloir dire des chofes communes d'une façon nouvelle , & qui n'appartienne qu'à nous , c'efl courir le rifque d'être précieux , affecté , peu naturel ; dire des chofes que nous avons tous confufément dans l'ame , mais que perfonne n'a pris foin encore de démêler , d'exprimer , de placer à propos ; les dire dans les termes les plus fimples , & en apparence les moins recherchés , c'efl: le moyen d'être à la fois naturel & in- génieux. ELE Le fage efi ménager du temps Ù des paroles. Qui ne l'eût pas dit comme la Fontaine? Qui n'eût pas dit comme lui. Qu'un ami véritable efi une douce chofe ; Qu'il cherche nos befoins au fond de notre cceur î ou plutôt qui l'eût dit avec cette vérité fi touchante ? Le moyen le plus sûr d'avoir un ftyle à foi, ce feroit de s'exprimer comme la nature , & le poëte que je viens de citer en eu la preuve & l'exemple ; mais fi le vrai feul efi aimable , il faut avouer qu'il ne l'efl pas toujours. Il efi donc important de choifir dans la nature des détails dignes de plaire , & dont l'expreiHon naïve & fimple n'ait rien de groflier ni de bas : par exemple, tout ce qu'on peint des mœurs des villageois doit être vrai fans être dégoû- tant ; & il y a moyen de donner à. ces détails de la. grâce & de- la noblefîè. Il en eu du moral comme du phyfique ; & fi la nature efl choifie avec goût , les mots qui doivent l'exprimer , feront décens & gracieux comme elle. L'art de placer ,. d'aflbrtir les mots , de les relever l'un par l'autre , de ménager à celui qui manque de clarté, de couleur,, de noblefîè , le tfeflet d'un terme plus noble , plus lumi- neux , plus coloré , cet art , dis-je , ne peut fe preferire ; c'eft l'étude de l'exercice qui le donne , fécondé du talent , fans lequel l'exemple efl infructueux , & le travail même inutile.. On demande pourquoi il efl des auteurs dont le. ftyle a moins vieilli que celui de leurs contemporains ; en voici la caufe : il efl rare que ï'ufage retranche d'une langue les termes qui reunifTent l'harmonie , le coloris & la clarté : quoique bizarre dans tes dédiions, Ï'ufage ne lailîe pas de prendre affez fouvent confeil de l'efprit, & fur- tout de l'oreille : on peut donc compter afîèz fur le pouvoir du fentiment. & de la raifon pour garantir qu'à mérire égal , celui des poètes qui dans le. choix des ELE 71 termes aura le plus d'égard à la clarté , au coloris , à l'harmonie , fera celui qui vieillira le moins. Un fort oppofé attend ces écrivains qui s'empreffent à iaifir les mots dès qu'ils viennent d'éclore & avant même qu'ils foient reçus. Ces mots que la Bruyère appelle aventuriers 9 qui font d'abord quelque fortune dans le monde , & qui s'éclipfent au bout de flxmois , font dans le ftyle , comme dans les tableaux ces cou- leurs brillantes & fragiles , qui après nous avoir féduits quelque temps , noircilfene & font une tache. Le fecret de Pafcal eft d'avoir bien choifi Ces couleurs. Le dictionnaire d'un écrivain , ce font les poètes , les hiftoriens ,. les orateurs qui. ont excellé dans l'art d'écrire. C'efr-là. qu'il doit étudier les fineffes , les délica- tefîês , les. richeffes de fa langue ; non pas à mefare qu'il en a befoin , mais avant de prendre la plume ; non pas pour le faire un ftyle des débris de leurs phrafes & de leurs vers mutilés , mais pour faifir avec précifion.le fens des termes & leurs rapports., leur oppofition , leur analogie , leur caractère & leurs nuances , l'étendue & les limites des idées qu'on y attache , l'art de les placer ,. de les combiner , de les faire valoir l'un par l'autre , en un mot d'en former un tiffu où la nature vienne fe peindre >. comme fur la toile , fans que l'art paroiffe y avoir mis la main. Pour cela ce n'efl pas affez d'une lecture indo- lente & fuperflcielle ,. il. faut une étude ferieufe & profondément réfléchie. Cette étude feroit pénible autant qu'ennuyeufe fi elle é.toit ifolée ; mais en étudiant les modèles on étudie tout l'art a la fois, & ce qu'il, y a de fec & d'abftrait s'apprend fans qu'on s'en apperçoive , dans le temps même qu'on admire ce qu'il a de plus raviffant. ÉLÉGANCE , (Peinture.) L'élégance en peinture , coniifte principalement dans la beauté du choix ,, & la délicateffe de l'exé- cution : c'efl donc une manière d'être qui embellit les objets ou dans le deflîn ou dans la forme , ou dans la couleur , ou dans tous les trois enfemble , fans en détruire le vrai. Heureux préfent du ciel, qu'on tient de la naifTançc 3 & qui ne dépend ni des 7i ELE maîtres ni des préceptes ! Le goût naturel donne Y élégance aux ouvrages de l'artifle, le goût la fait fentir à l'amateur. Cette partie de la peinture brille admi- rablement dans l'antique & dans Raphaël. N'imaginons pas néanmoins , par cette raifon , qu'elle foit nécefTairement fondée fur la correction du deilîn , & qu'elle lui foit toujours fubordonnée ; elle peut fe trouver éminemment dans des ouvrages qui font d'ailleurs négligés. Elle fe trouve par exemple , dans la plupart des tableaux du Correge , où ce célèbre maître pèche fouvent contre la jufteffe des proportion > , tandis que dans ces mêmes tableaux il fe montre par (es contours coulans , légers & fmueux , un peintre plein de grâces & & élégance. Voye\ Correge , au motEcQLE Lombarde. Cependant celui qui joint Y élégance 3 la correction , attache encore davantage par cette perfection nos avides regards. Un peintre de cet ordre élevé notre elprit , après l'avoir agréablement étonné , remplit notre attente , & touche prefqu'au fublime de l'art, article de M. le Chevalier de J AU COURT. ELEGIAQUE, adj. {Belles-Lettres.) fe dit de ce qui appartient à l'élégie , & s'applique plias particulièrement à l'efpece de vers qui entroient dans l'élégie des anciens , & qui confritoient dans une fuite de çliitiques formés d'un hexamètre & d'un pentamètre. Voye\ les mots ÉLÉGIE , Distique , &c. Cette forme de vers a été en ufage de très-bonne heure dans les élégies, & Ho- race dit qu'on en ignore l'auteur. Quis tamen exiguos elegos emlferit auclor Grammatici certant, & adhuc fub judice lis efl. Il avoit dit auparavant que la forme du diftique avoit d'abord été employée pour exprimer la plainte , & qu'elle le fut enfuite auffi. pour exprimer la fajisfaction & la joie; Verfibus impariter junclis queerimonia primhm , pofl etiam inclufa efl voti fententia çompos, ELE Sur quoi nous propofons aux favans les queftions fuivantes : i°. Pourquoi les an- ciens avoient-ils pris d'abord cette forme de vers pour les élégies trilles ? Eil-ce parce que l'uniformité des diftiques , les repos qui fe fuccedent à intervalles égaux , & l'efpece de monotonie qui y règne , ren- doient cette forme propre à exprimer l'a- battement & la langueur qu'infpire la trif- tefîe ? 2°. Pourquoi ces mêmes vers ont- ils enfuite été employés à exprimer les fen- timens d'une ame contente ? Seroit-ce que cette même forme , ou du moins le vers pentamètre qui y entre , auroit une lorte de légèreté & de facilité propres à exprimer la' joie ? feroit-ce qu'à mefure que les hommes le font corrompus , l'ex- preffion des fentimens tendres & vrais efl devenue moins commune & moins rou-, chante , & qu'en conféquence la forme des vers confacrés à la trifteffe , a été em- ployée par les poètes ( bien ou mal-à-pro- pos ) à exprimer un fentiment contraire , par une bizarrerie à-peu-près femblable à celle qui a porté nos muficiens modernes à compofer des fonates pour la flûte , ins- trument dont le caractère fembloit être d'exprimer la tendreffe & la trifteffe? (O) M. Marmontel nous a communiqué fur ce fujet les réflexions fuivantes. L'inéga- lité des vers élégiaques les diftingue , dit- il , des vers héroïques , dont la marche foutenue caractérife la majeflé : Arma y gravi numéro y violentaque beïïa parabam Edere P materiâ conveniente modis. Par erat infçrior verfus : rijijfc Cu- pido Dicitur y atque unum fubripuijfe pedem. Ovid. Am. lib, tel. z. Mais comment cette mefure pouvoit-elle peindre également deux affections de l'ame oppofées ? c'efl ce qui cft encore fenfible pour nos oreilles, continue M. Marmontel, malgré l'altération de la profodie latine dans notre prononciation. La trilreffe & la joie ont cela de com- mun , que leurs mouvemens font inégaux & fréquemment interrompus ; l'un & l'au- tre fufpendçnt la refpiration , coupent la voix* E L E voix , rompent la mefure : l'une s'afToiblit , expire & tombe ; l'autre s'anime, trefîaille & s'élance. Or le vers pentamètre a cette propriété , que Tes interruptions peuvent être ou des chûtes ou des élans, fuivant l'exprefïzon qu'on lui donne : la mefure en eft donc également docile à peindre les mouvemens de la trifleffe & de la joie. Mais comme dans la nature les mouve- mens de l'une & de l'autre ne font pas auffi fréquemment interrompus que ceux du vers pentamètre , on y a joint , pour les fùfpendre & les foutenir, la mefure ferme du vers héroïque : delà le mélangé alter- natif de ces deux vers dans l'élégie. Cependant le pathétique en général fe peint encore mieux dans le vers ïambe , dont la mefure fimple & variée approche de la nature , autant que l'art du vers peut en approcher ; & il eft vraifemblable que fi ce vers n'a pas eu la préférence dans le genre éléglaque , comme dans le drama- tique s c'eft que l'élégie étoit mife en chant. Quintilien regarde Tibulle comme le premier des poètes éléglaques ; mais il ne parle que du Âyle , mihl ter fus atque elegans maxime vldetur. Pline le jeune préfère Ca- tule , fans doute pour des élégies qui ne font point parvenues jufqu'à nous. Ce que nous connoifîbns de lui de plus délicat & déplus touchant, ne peut guère être mis que dans la claflfe des madrigaux. Voye\ MADRIGAL. Nous n'avons d'élégies de Ca- tule, que quelques vers à Ortalus fur la mort de fon frère ; la chevelure de Bé- rénice , élégie foible , imitée de Calli- maque ; une épître à Mallius , où fa dou- leur , fa reconnoifïance & fes amours font comme entrelaiTés de l'hiftoire de Laoda- mie , avec affez peu d'art & de goût ; enfin l'aventure d'Ariane & de Théfée , épifode enchâffée dans fon poè'me fur les noces de Thétis , contre toutes les règles de l'ordonnance , des proportions & du deffin. Tous ces morceaux font des mo- dèles du ftyie éléglaque ; mais par le fond des chofes , ils ne méritent pas même , à notre avis , que l'on nomme Catule à côté de Tibulle & de Properce : auffi , M. l'abbé Souchai ne l'a— t-iî pas compté parmi les élëgiaques latins. ( Mém. de Vacad. des Infcriptions Ù Belles-Lettres , tome VIL) Tome XIL> E L E y j Le même auteur dit que Tibulle efl le feul qui ait connu & exprimé parfaitement le vrai cara&ere de l'élégie , en quoi nous ofons n'être pas de fon avis; plus éloignés encore du fentiment de ceux qui donnent la préférence à Ovide. Pqyq ÉLÉGIE. Le feul avantage qu'Ovide ait eu fur Ces ri- vaux , eft celui de l'invention ; car ils n'ont fait le plus fouvent qu'imiter les Grecs , tels que Mimnerme & Callimaque. Mail Ovide , quoique inventeur , avoit pour guides & pour exemples Tibulle & Pro- perce , qui venoient d'écrire avant lui : fe- cours important, dont il n'a pas toujours profite. Si l'on demande quel eft l'ordre dans lequel ces poètes fe font fuccédés , il efl marqué dans ces vers d'Ovide. Trifl. lib. IV. el 10. Nec amara Tibullo Tempus amicitice fata dedêre mece f Succeffor fuit hic tlbl y Galle y Pro- perdus illi ; Quartus ab hisferie temporis Ipfeful: Il ne nous refte rien de ce Gallus ; mais fi c'efl le même que le Gallus , amî de Properce , il a dû être le plus véhé- ment de tous les poètes éléglaque s , comme il a été le plus dur , au jugement de Quin- tilien. Article de M. Marmontel. M. l'abbé Souchai divife les élégiaques grecs en deux clafïès : l'une comprend ceux qui à la vérité ont fait des élégies , mais qui font plus connus par d'autres genres de littérature ; & l'autre renferme ceux qui s'étant plus particulièrement adonnés à l'é- légie, méritent aufîi plus proprement Je titre ^éléglaques. Il compte dans la pre- mière claffe Archi loque , Clonas , Polym- neflus , Sapho , Efchyle , Sophocle , Eu- ripide , Ion , Melanthus , Alexandre Eto- lien , Platon , Ariftote , Antimaque , Eu- phorion, Eratofthene, & Parthénius ; & dans la féconde clafïe , Callinus , Mim- nerme , Tyrtée , Périandre , Solon > Sa-» cadas , Xénophane , Simonide , Evenus , Critias , Denis Chatius , Philetas & Cal- limaque ; Myro de Bizance , Hermianax , &c. Mém. de Vacad, des Belles-Lettres 3 tome VU, K 74 E L E Les poètes flamands fe font diftiiïgués parmi les modernes par leurs élégies la- tines. Celles de Biderman , de Grotius & de Vallius , approchent du goût de la belle antiquité. Madame de la Suze & madame Deshoullieres fe font auffi exercées dans ce genre , dans lequel les Anglois n'ont rien que quelques pièces fugitives de Milton. te) ÉLÉGIAQUE , ( Mufique des anc. ) nome pu air de flûte trille & plaintif. ÉLÉGIE , f. f . ( Belles-Lettres. ) petit poëme dont les plaintes & la douleur font le principal caractère. La plaintive élégie en longs habits de deuil , Sait, les cheveux épars y gémir fur un 'm ^cercueil. Boil. Artpoét. Nous difons le principal caractère , car bien que ce poëme fe fixe ordinairement aux objets lugubres , il ne s'y borne pour- s tant pas uniquement : Elle peint des amans la joie & la trif- teJT€ > Flatte, menace, irrite y appaije une maitreffe. Ibidem. Les grammairiens font partagés fur I'é- tymologie de ce nom : Voffius , après Dy- dime , le tire du grec s s hfytv , dire hélas. 'L'élégie fut ainfi nommée , parce qu'elle étoit remplie de l'exclamation 5 « , fi fa- milière aux poètes tragiques , & qui échappe fi naturellement aux perfonnes affligées. Le vrai caractère de ¥ élégie confifte dans la vivacité des penfées , dans la délicateffe des fentimens , dans la (implicite des ex- -preffions. La diction dans F 'élégie doit être nette, aifée & claire , tendre & pathétique ; peindre les mœurs, n'admettre ni pointes ni jeux de mots; & le fens de chaque penfée ( au moins dans ïélégie latine ) doit être renfermé dans chaque diftique. Voye\ Mém. de Vacad. des Belles-Lettres y tom. VIL {G) \J élégie dans fa fimplicité touchante & E L E noble , réunit tout ce que la poéfie a de charmes , l'imagination & le fentiment ; c'eft cependant, depuis la renaiiiance des Lettres, l'un des genres de poéiie qu'on a le plus négligés : on y a de plus attaché l'idée d'une trilteflë fade , foit qu'on ne dis- tingue pas affez la tendrefle de la fadeur ; foit que les poètes , fur l'exemple delquels cette opinion s'eft établie , aient pris eux- mêmes le ftylc doucereux pour le ffyle tendre. Il n'eft donc pas inutile de développer ici le caractère de Y élégie , d'après les mo- dèles de l'antiquité. Comme les froids légiflateurs de la poé- fle n'ont pas jugé Vélegie digne de leur févérité , elle jouit encore de la liberté de fon premier âge. Grave ou légère , tendre ou badine , paffionnée ou tranquille , riante ou plaintive à fon gré, il n'eft point de ton , depuis l'héroïque jufqu'au familier , qu'il ne lui foit permis de prendre. Pro- perce y a décrit en paflant la formation de l'univers ; Tibulle les tourmens du tar- tare ; l'un & l'autre en ont fait des ta- bleaux dignes tour-à-tour de Raphaël , du Correge & de l'Albane : Ovide ne cefîe d'y jouer avec les flèches de l'amour. Cependant pour en déterminer le carac- tère par quelques traits plus marqués , nous la diviferons en trois genres , le paffionné , le tendre & le gracieux. Dans tous les trois elle prend également le ton de la douleur & de la joie ; car « c'eft fur-tout dans Yélégie que l'amour eft un enfant qui pour rien s'irrite , s'appaife y qui pleure & rit en même temps. Par la même raifon y le tendre , le paffionné , le gracieux , ne font pas des genres incom- patibles dans F 'élégie amoureulè ; mais dans leur mêlaHge il y a des nuances , des paP fages , des gradations à ménager. Dans la même fituation où l'on dit torqueor} in- felix ! on ne doit pas comparer la rougeur de fa maîtreflê convaincue d'infidélité , à la couleur du ciel y au lever de l'aurore y à V éclat des rofes parmi les lis , &c. ( Ovid. amor. lib. II. el. A. ) Au moment où l'en crie à fes amis : Enchaîne \-moi , je fuis un furieux y j'ai battu ma maitreffe , on ne doit penfer ni aux fureurs d'Orefte y ni à celles d'Ajax. ( Ov. lib, L cL 7» ELE Que ces écarts font bien plus naturels dans Properce ! On m'enlève ce que j'aime , dit-il à fon ami , Ù tu me défends les mencé les guerres , c'eft par-là qu'a péri Trqye .... Mais pourquoi recourir à V exemple des Grecs ? c'eft toi } Romulus, qui nous as donné celui du crime ; en en- levant les Sabines , tu appris à tes neveux à nous enlever nos amantes y &c. (Lib. II. el.7.)i En général , le fentiment domine dans le genre paffionné , c'eft le caractère de Properce ; l'imagination domine dans le gracieux , c'eft le caractère d'Ovide. Dans le premier l'imagination modefte & fou- mife ne fe joint au fentiment que pour l'embellir, & fè cache en l'embelliflànt, fubfequiturque. Dans le fécond le fenti- ment humble & docile ne fe joint à l'ima- gination que pour l'animer , & fe iailîe couvrir des fleurs qu'elle répand à pleines mains. Un coloris trop brillant refroidi- roi t l'un , comme un pathétique trop fort obfcurciroit l'autre. La paffion rejette la parure des grâces , les grâces font effrayées de l'air fombre de la paillon ; mais une émotion douce ne les rend que plus tou- chantes & plus vives : c'eft ainli qu'elles régnent dans l'élégie tendre , & c'eft le genre de Tibulle. C'eft pour avoir donné à un fentiment foible le ton du fentiment paffionné , que Y élégie eft devenue fade. Rien n'eft plus infipide qu'un défefpoir de fang-froid. On a cru que le pathétique étoit dans les mots : il eft dans les tours & dans les mouve- mensdu ftyle. Ce regret de Properce après s'être éloigné de Cinthie , Nonne fuit meliuindominœ pervincere mores ? ce regret , dis-je , feroit froid. Mais com- bien la réflexion l'anime. Quamvis dura 9 tamen rara puella fuit. C'eft une étude bien intéreflante que celle 4es mouvemens de l'ame dans les élégies ELE 7r de ce poète, & de Tibulle fon rival ! Je veux y dit Ovide , que quelque jeune homme bleffé des mêmes traits que moi , recon- larmes l II n'y a d'injures fenfibles qu'en noijfe dans mes vers tous les fignes de fa. amour c'eft par-là qu'ont com- flamme , & qu'il si * écrie après un long étonnement : Qui peut avoir appris a ce poète à fi bien peindre mes malheurs ? C'eft la règle générale de la poéfie pathé- tique. Ovide la donne ; Tibulle & Properce la fuivent , & la fuivent bien mieux que lui. Quelques poètes modernes fe font per- fùadés que l'élégie plaintive n'avoit pas befoin d'ornemens : non fans doute , lors- qu'elle eft paffionnée. Une amante éperdue -ti'a pas befoin d'être parée pour attendris en fa faveur ; fon défordre , fon égare- ment , la pâleur de fon vifage , les ruiffeaux de larmes qui coulent de fes yeux , font les armes de fa douleur , & c'eft avec ces traits que la pitié nous pénètre. Il en eft ainfi de l'élégie paffionnée. Mais une amante qui n'eft qu'affligée , doit réunir pour nous émouvoir les charmes de la beauté , la parure , ou plutôt le négligé des grâces. Telle doit être l'élégie tendre , femblable à Corine au moment de fon réveil. Scepe etiam nondùm digeftis mane capillis , Purpureo jacuit femi fupina thoro ; Tumque fuit neglecla decens. Un fentiment tranquille & doux, tel qu'il règne dans l'élégie tendre , a befoin d'être nourri fans cefle par une imagination vive & féconde. Qu'on fe figure une perfonne trifte & rêveufe qui fe promené dans une campagne , où tout ce qu'elle voit lui retrace l'objet qui l'occupe fous mille faces nouvelles : telle eft dans l'élégie tendre la fituation de l'ame a l'égard de l'imagination. Quels tableaux ne fe fait-on pas dans ces douces rêveries ? Tantôt on croit voya~ ger fur un vaiffeau avec ce qu'on aime y on eft expofé à la même tempête ; on dort furie même rocher , & à l'ombre du même arbre ; on fe déf altère à la même fource ; fou àla pouppe ,foit à la proue du navire, une planche fuffit pour deux ; on fouffre . le vent tout avec plaijir\ qu'importe que du midi , ou celui du nord , enfle ! la vailt K i 76 E L E pourvu qu'on ait les yeux attachés fur fon amante ? Jupiter embraferoit le vaijjeau , on ne tremblerait que peur elle. Prop. L. IL él. 2,8. Tantôt on fe peint foi-même expi- rant ; on tient d'une défaillante main la main d'une amante éplorée ; elle fe préci- pite fur le lit où Von expire; elle fuit fon amant jufques fur le bûcher ; elle couvre fon corps de bai fers mêlés de larmes ; on voit les jeunes garçons & les jeunes filles revenir de ce fpeclacle les yeux baijfés & mouillés de pleurs ; on voit fon amante s' arrachant les cheveux y & fe déchirant les joues ; on la conjure d'épargner les maux de fon amant ) de modérer fon défef- poir. Tib. L. I. él> l. C'eft ainfi que dans Y élégie^ tendre , le fentiment doit être fans cefTe animé par les tableaux que l'imagi- nation lui préfente. Il n'en eft pas de même de V élégie paffionnée , l'objet préfent y remplit toute l'ame ; la paflion ne rêve point- On peut entrevoir quel eft le ton du fentiment dans Tibulle & dans Properce , par les extraits que nous en avons donnés , n'ayant pas ofé les traduire. Mais ce n'eft qu'en les lifant dans l'original , qu'on peut fentir le charme de leur ftyle : tous deux faciles avec précifion , véhémens avec dou- ceur , pleins de naturel , de délicateffe , & de grâces. Quintilien regarde Tibulle comme le plus élégant & le plus poli des poètes élégiaques latins ; cependant il avoue que Properce a des partifans qui le pré- fèrent à Tibulle , & nous ne diffimulerons pas que nous forames de ce nombre. A l'égard du reproche qu'il fait à Ovide d'être ce qu'il appelle lafcivior ; foit que ce mot- là lignifie mains châtié , ou plus diffus , ou trop livré à fon imagination y trop amoureux de fon bel efprit , nimiiim ama- tor ingenii fui y ou dune molleffe trop négligée daiis fon fiyle ( car on ne fauroit l'entendre comme le lafciva puella de Virgile , dune volupté folâtre ) ; ce repro- che dans tous ces fens eft également fondé, j Aufîi Ovide n'a-t-il excellé que dans V élégie ', gracieufè , où les négligences font plus cxcu fables. Aux traits dont Ovide s'eft peint à lui- même Yélégie amoureufe , on peut juger I du ftyle & du ton qu'il lui a donnés* [ E L E Venit odoratos elegia nexa capillos Forma decens , vefiis tenuiffima, cultus amantis. limis fubrijit ocellis, Fallor ? an in dextrâ myrthea virgafuit? Il y prend quelquefois le ton plaintif, mais ce ton-là même eft un badinage. Croye\ qu'il efl des dieux fenfibles a V injure , Après mille fermens Corinefe parjure. En a-t-elle perdu quelqu'un de fes attraits , Ses yeux font-ils moins beaux y fon teint efl-il moins frais ? Ah ! ce Dieu _, s'il en efl , fans doute aime les belles ; Et ce qu'il nous défend, n' efl permis que pour elles ! L'amour avec ce front riant & cet air léger , peut être aufli ingénieux , auili brillant que l'on veut. La parure fied bien à la coquetterie ; c'eft elle qui peut avoir les cheveux entrelacés de rofes. C'eft fur le ton galant qu'un amant peut dire : Cherche un amant plus doux , plus patient que moi ; Du tribut de nies vceux ma pouppe couronnée Brave au port les fureurs de l'onde mutinée. C'eft-là que feroit placée cette métaphore fi peu naturelle , dans une élégie ferieufe ? Nec procul a métis quas penè tenere videbar , Curriculo gravis efl fada ruina meor Trift. /. IV. él. 8. Tibulle & Properce rivaux d'Ovide dans Y élégie gracieufe , l'ont ornée comme lui de tous les tréfbrs de l'imagination. Dans Tibulle , le portrait d'Apollon qu'il voit en fonge ; dans Properce , la peinture des champs élyfées ; dans Ovide , le triomphe de l'amour , le coe£-d'œuvre de fes élégies , ELE font des tableaux raviffans : & c'eft ainfi que Y élégie doit être parée de la main des grâces toutes les fois qu'elle n'eft pas animée par la paflîon , ou attendrie par le fenti- ment. C'eft à quoi les modernes n'ont pas aflez réfléchi : chez eux, le plus fouvent Y élégie eft froide & négligée , & par confé- quent plate & ennuyeufe : car il n'y a que deux moyens de plaire; amufer, ou émouvoir. Nous n'avons encore parlé ni des héroïdes d'Ovide , qu'on doit mettre au rang des élégies pafïionnées , ni de fes trifles dont fon exil eft le fujet , & que l'on doit comp- ter parmi les élégies tendres. Sans ce libertinage d'efprit , cette abon- dance d'ima ination qui refroidit prefque par-tout le ° fentiment dans Ovide , {es héroïdes fer ient à côté des plus belles élégies de Pooperce & de Tibulle. On eft d'abord furprrs d'y trouver plus de pathé- tique & d'intérêt, que dans les trifles. TLn effet il femble qu'un poëte doit être plus ému & plus capable d'émouvoir en déplo- rant {es malheurs, qu'en peignant les malheurs d'un perfonnage imaginaire. Ce- pendant Ovide eft plein de chaleur , lors- qu'il foupire au nom de Pénélope après le retour d'Ulyffe -, il eft glacé , lorfqu'il fe plaint lui-même des rigueurs de fon exil à {çs amis & à fa femme. La première raiion qui fe préfente de la foibleûe de. Ces derniers vers , eft celle qu'il en donne lui- même. Da mihi Mœoniden , & tôt circumfpiçe eafus ; Ingenium tamis excidet omne malis. 9i Qu'on me donne un Homère en bute » au même fort , «Son génie accablé cédera fous PefTôrt. Mais le malheur qu i emouffe l'efpnt , .qui afïairfe l'imagination , & qui énerve les idées , femble devoir attendrir l'arae & remuer le fentiment : or c'eft le fentiment qui eft la partie foibîe de ces élégies , tandis qu'il eft la partie dominante des héroïdes. Pourquoi ? parce que la chaleur de fon génie étoit dans fon imagination , & qu'il *'eft peint les malheurs des autres bien plus ELE 77 vivement qu'il n'a refTenti les Mens. Une preuve qu'il les refTentoit foibleinent , c'eft qu'il les a mis en vers : Sesfoibles déplaijirs s'amufent à parler^ Et quiconque fe plaint , cherche d fe confoler. A plus forte raifbn , quiconque fe plaint en cadence. Cependant il femble ridicule de prétendre qu'Ovide exilé de Rome dans les défèrts de la Scythie , ne fut point pénétré de fon malheur. Qu'on lifè pour s'en convaincre cette élégie où il fe com- pare à Ulylfe ; que d'eiprit , & combien peu d'ame ! Ofbns le dire à i'avantage des Lettres : le plaifir de chanter Ces malheurs, en étoit le charme : il les oublioit en les racontant : il en eût été accablé, s'il ne les eût pas écrits;. & fij'on demande pourquoi il les a peints froidement, c'eft parce qu'il fe plaifoit à les peindre. Mais lorfqu'il veut exprimer la douleur- d'un autre , ce n'eft plus dans fon ame , c'eft dans fon imagination qu'il en puife les couleurs; il ne prend plus fort modèle en lui-même, mais dans les poflibles : ce n'eft pas fa manière d'être , mais fa manière de concevoir qui fe reproduit dans fes vers ; & la contention du travail qui le déroboit à lui-même , ne fait que lui repréfenter plus vivement un perfonnage fuppofé. Ainfi Ovide eft plus Brifeis ou Phèdre dans les héroïdes , qu'il n'eft Ovide dans les trifles. Toutefois autant l'imagination difïîpe & afFoiblit dans le poëte le fentiment de fà fituation préfente, autant elle approfondit les traces de fa fituation pafïee. La mé- moire eft la nourrice du génie. Pour peindre lem'alheur il n'eft pas befoin d'être malheu- reux , mais il eft bon de l'avoir été. Une comparaifon va rendre fenfible la raifon que nous avons donnée» de la froi- deur d'Ovide dans les trifles. Un peintre affligé fe voit dans un miroir ; il lui vient dans l'idée de fe peindre dans cette fituation touchante ,* doit-il continuer à fe regarder dans la glace , ou fe peindre de mémoire après s'être vu la première fois? S'il continue de fe voir dans la glace, l'attention à bien faifir le caractère de fà douleur, & le deftr de le bien, rendre „ 78 ELE commencent à en afïbiblir l'expreffion dans le modèle. Ce n'eft rien encore. Il donne les premiers traits ; il voit qu'il prend la refTemblance y il s'en applaudit , le plaifir du fuccès fe griffe dans fon ame , fe mêle à fa douleur , en adoucit l'amertume ; les mêmes changemens s'opèrent fur Ton vifage, & le miroir, les lui répète: mais le progrès en eft infenfible , il copie fans s'apperce- voir qu'à chaque inftant ce ne font plus les mêmes traits. Enfin de nuance en nuance , il fe trouve avoir fait le portrait d'un homme content, au lieu du portrait d'un homme affligé. Il veut revenir à fa première idée ; il corrige , il retouche , il recherche dans la glace l'expreffion de la douleur : mais la glace ne lui rend plus qu'une douleur étudiée, qu'il peint froide comme il la voit. N'eût-il pas mieux réuiii à la rendre , s'il l'eût copiée d'après un autre, ou fi l'imagination & la mémoire lui en avoient rappelle les traits? C'eft ' ainfî qu'Ovide a manqué la nature , en voulant l'imiter d'après lui-même. Mais , dira-t-on , Properce & Tibulle ont fi bien exprimé leur fituation pré- fente , même dans la douleur ? Oui fans doute , & c'eft le propre du fentiment qui les infpiroit , de redoubler par l'attention qu'on donne à le peindre. L'imagination eu le fiege de l'amour : c'eft-ià que fes feux s'allument , s'entretiennent , & s'irri- tent ; & c'eft-là que les poètes élégiaques en ont puifé les couleurs. Il n'efl donc pas étonnant qu'ils foient plus tendres , à pro- portion qu'ils s'échauffent davantage l'ima- gination fur l'objet de leur tendreffe , & plus fenfibles à fon infidélité ou à fa perte , à meftire qu'ils s'en exagèrent le prix. Si Ovide avoit été amoureux de fa femme , la fixieme élégie du premier livre des trifies ne feroit pas compofée de froids éloges & de vaines comparaifons. La fiction tient lieu aux amans de la réalité, & les plus paffionnés n'adorent fouvent que leur propre ouvrage , comme le fculpteur de la fable. Il n'en efl pas ainfi d'un malheur réel , comme l'exil & l'infortune ; le fentiment tn eft fixe dans l'ame : c'eft une- douleur que chaque infiant , que chaque objet reproduit, & dont l'imagination n'eft ni le fiege ni la fource. Il faut donc , fi l'on ELE parle de foi-même , parler d'amour dans Vélégie pathétique. On peut bien y faire gémir une mère , une fœur , un ami tendre ; mais fi l'on eft cet ami , œtte mère , ou cette fœur , on ne fera point d'élégie , ou l'on s'y peindra foiblement. Nous ne nous arrêterons point aux élégies modernes. Les meilleures font connues fous d'autres titres, comme les idyles de Madame Deshoulieres aux mourons , aux fleurs , &c. modèle d'élégie dans le genre gracieux ; les vers de M. de Voltaire fur la mort de Made- moiièlle Lecouvrcur : modèle plus parfait en- core de Vélégie paffionnée , & auquel Tibulle & Properce même n'ont peut-être rien à op- pofer , &c. La Fontaine qui fe croyoit amoureux , a, voulu faire des élégies tendres : elles font au deffous de lui. Mais celle qu'il a faite fur la difgrace de fon protecteur , adreffée aux nymphes de Vaux , eft un chef-d'œuvre de poéfie , de fentiment , & d'éloquence. M. Fouquet du fond de fa prifon infpiroit à la Fontaine des vers fublimes , tandis qu'il n'inf- piroitpas même la pitié à fes amis ; leçon bien frappante pour les grands , & bien glorieufe pour les lettres. Du refte , les plus beaux traits de cette élégie de la Fontaine fontauffi bien exprimés dans la première du troifieme livre des tri [fie s , & n'y font pas aufîl touchans. Pourquoi ? parce qu'Ovide parle pour lui , & la Fontaine pour un autre. C'eft encore un des privilèges de l'amour, de pouvoir être humble & fuppliant fans baifeffe : mais ce n'eft qu'à lui qu'il appartient de flatter la main qui le frappe. On peut être enfant aux genoux de Corine; mais il faut être homme devant l'empereur. Article de M. Marmontel. Réflexions fur la Poéfie élégiaque. A ce difeours intérefTant fur Vélégie , joignons-y plufieurs autres réflexions pour fatisfaire complètement la curiofité du lecteur. Le mot élégie veut dire une plainte. U élé- gie a commencé vraifemblabiement par les plaintes ou lamentations , ufitées aux funé- railles dans tous les temps & chez tous les peu- ples de la terre ; & c'eft à fon origine que fe E L E rapportent les deux vers de Defpréaux , cités à la tête de cet article (a). Ces plaintes ou lamentations auxquelles en ajuftoit la flûte , s'appelloient , ainfi que Y élégie , des airs trifies & lugubres. Il eft naturel de préfumer que ces plaintes furent d'abord fans ordre , fans liaifon , fans étude : fimples exprefllons de^ la douleur, qui ne laiffoient pas de confoîer les vivans en même temps qu'elles hono- roient les morts. Comme elles étoient tendres & pathétiques , elles remuoient E L E 19 arrive que toute œuvre poétique écrite en vers pentamètres & hexamètres , quel qu'en fût le fujet , gai ou trifte , s'eft nommée élégie ; ce mot ayant changé fa première acception , & ' ne lignifiant plus qu'une pièce écrite en vers pentamètres & hexa- mètres. Il ne faut donc pas confondre élégie avec le vers élégiaque , ni par conféquent les poètes élégiaques avec les poètes élégio- graphes : qu'on me permette cette exprefllon nouvelle , mais néceffaire. l'ame ; & par les mouvemens qu'elles lui i On employa d'abord les vers élégiaques ïmprimoient , elles la tenoient tellement : dans les tfecafions lugubres ; enfuite occupée 9 qu'il ne lui reftoit plus d'attention Caliinus & Mimnerme écrivirent l'hiftoire pour l'objet même dont la perte l'afHfgeoit. de leurs temps en ces mêmes vers. Les Delà vient que l'on fit un art de ces I fages s'en fervirent pour publier leurs loix ; plaintes , & qu'elles furent bientôt auffi i Tirtée , pour chanter la valeur guerrière ; liées & auflî fuivies que le permettoit l'oc- Butas , pour expliquer les cérémonies de la cafion qui les faifoit naître , ou plutôt le ! religion ; Callimaque , pour célébrer les lujet à l'occafion duquel elles étoient louanges des dieux ; Eratofiene , pour çompofées. Mais qui eft-ce qui a donné à ces plaintes l'art & la forme qu'elles ont dans Mim- traiter des queftions de mathématique. Mais tout poëme qui employant le vers élégia- que , ne déplore point quelque malheur , nerme , & dans ceux qui l'ont fuivi ? C'eft ' ou ne peint ni la triftefle , ni la joie des ce qu'on ignore & qu'on ignoroit même du amans, n'eft point une élégie, dans le temps d'Horace , & ce qui nous intérefîê fens qu'on a généralement adopté pour ce encore moins aujourd'hui. Il nous fuffit de mot : par conféquent les vers élégiaques favoir que les Grecs dont les Latins ont des faftes d'Ovide & de (es amours ne font fuivi l'exemple , fe déterminèrent à com- point une élégie. pofer leurs poéfies plaintives , leurs élégies , Cependant , il eft certain qu'en grec & en vers pentamètres & hexamètres en- en latin le mélange des vers hexamètres trelacés : delà cette forte de vers a pris le & des vers pentamètres eft tellement affecté nom d' 'élégiaques. à Y élégie , & lui eft tellement propre , que Enfuite les poètes qui avoient employé les grammairiens n'approuveroient pas qu'on cette mefure pour foupirer leurs peines, appellât élégie, la plainte de Bion fur l'employèrent pour chanter leurs plaifirs : Adonis mort , ni celle que nous avons de delà par la bizarrerie de l'ufage , il eft Mofchus fur la mort de Bion , par la feule (a) LaPoéfie prend un ton mélancolique &affe£tueux, lorfqu'elle-devient l'interprète dr la triftefle. Le Poète, fidèle copifte de la nature , multiplie comme elle les motifs de fa douleur , fe repréfente fous différentes formes l'objet qui la caufe , Se exagérant ce qui l'attrifte , trouve toujours que la perte qu'il a faite eft la plus grande que l'on puifle faire. Les partions font un microfeope : elles groflîflent les objets de la triftefle ou de la joie du Poète. La douleur a recours aux contraftes. Tantôtil ferappelle les momens gracieux qu'il a pafles auprès de celui qu'il pleure : tantôt il remet fous fes yeux le ipectade féduifant de la nature qui ne lui paroîc plus que trifte , fombre & lugubre ; mais dans ces oppofîtions , que d'art pour pafler infenfiblemenc des idéesjagréables à des idées triftes î C'eft alors fur-tout qu'il faut connoître la magie du clair-obfcur, & empêcher par des gradations infenfibles, les couleurs d'être trop tranchantes. Tel eft l'effet du goût ; & le goût ne s'enfeigne pas. C'eft à lui feul à diriger les écarts qui doivent être fréquens dans l'élégie , puifqu'ils le fcnt dans les partions qu'elle peint. Ledéfordre eft le langage de la douleur. Elle veut & ne, veut plus ; elle S'irrite & fe confole à la vue du même objet. Elle menace & fupplie ; mais cetre irré- f;ularité apparente eft le chef-d'œuvre de la réflexion & le triomphe du talent. Réfultat des combinaifons es plus fines , elle eft la fource de l'intérêt le plus vif. Cette note efl tirée de h Poétique élémentaire. 8o E L E raifon que l'une & l'autre font conçues en vers hexamètres. Le temps nous a ravi toutes les élégies des Grecs proprement dites ; il ne nous refte du moins en entier , que celle qu'Eu- ripide a inférée dans fon Andromaque (Acte I. fcene iij.) , comme nos poètes ont inféré quelquefois des fiances dans leurs tragédies. Ce morceau eûVune véritable élégie à tous égards , en tous fens > & l'on n'en connoît point de plus belle. Andromaque dans le temple de Thétis , baignant de les larmes la ftatu&de la déeffe qu'elle tient embrafïee , fait 'en vers élé- giaqucs & en dialecte dorique , une plainte très-touchante fur l'arrivée d'Helene à Troye y fur le fac de Troye, fur la mort d'Hector , fur fon propre efclavage & fur la dureté d'Hermione. La pièce qui ne contient que 14 vers, comprend tout ce qu'une profonde & vive douleur peut raffembler de plus affligeant dans l'efprit d'une princeffe malheureufe ; car la grande affliction nous rappelle fous un feul point de vue, tous nos différens déplaifirs. » Oui, (dit cette malheureufe princeffe , en baignant de fes larmes la flatue de Thétis, qu'elle tient embrafïee) " oui , » c'efl une furie & non une époufe que 99 Paris emmena dans Iiioneny amenant » Hélène ; c'eft pour elle que la Grèce « arma mille vaiffeaux ; c'efr, elle qui a 99 perdu mon malheureux & cher époux , » dont un ennemi barbare a traîné le corps 9> pâle & défiguré autour de nos murailles. 9» Et moi arrachée de mon palais , & 93 conduite au rivage avec les triftes mar- 9> ques de la fervitude ; combien ai— je » verfé de larmes , en abandonnant une 93 ville encore fumante, & mon époux 9) indignement laiHé fur la pouffiere? Mal- 9> heureufe , hélas , que je fuis ! d'être m obligée de furvivre à tant de maux , & 9> d'y furvivre pour être l'efclave d'Her- 99 mione , de la cruelle Hermione qui me 9> réduit à me confumer en pleurs, aux ?> pies de la déeffe que j'implore & que je « tiens embraffée.» Euripide auroit pu exprimer les mêmes E L E parce que l'élégiaque étoit le plus propre pour rendre les fentimens douloureux. Si nous n'y fentons pas aujourd'hui cette propriété y cela vient fans doute , de ce que la langue grecque n'eff plus vivante, &C de ce que nous ne lavons pas la manière dont les Grecs prononçoient leurs vers : cependant pour peu qu'on fafîe de réflexion fur la forme de V élégie grecque , on recon- noîtra aifément combien le mélange des vers , la variété des pies , la période com- mençant & finiffant au gré du poëte, & à quelque mefure que ce foit , donnent de facilité à varier les vers , fuivant les varia- tions qui arrivent dans les grandes pallions & fpécialement dans les fentimens dou- loureux , & dans les accens plaintifs qui en fontrexprefîîon. Je dis Yélégie grecque , à la différence de Y élégie latine y car les Latins en prenant Aes Grecs les différentes formes de vers , les ont réduites à une forte de correction qui approche prefque de la frérilité & de la monotonie. On ne peut s'empêcher, en faifant ces réflexions fur le mérite des élégies grecques , de ne pas regretter particulièrement celles de Sapho, de Platon, de Mimnerme r de Simonide , de Philetas , de Callima- que , d'Herméfianax & de quelques autres dont les outrages du temps- nous ont privés. Il ne nous refte que deux feules pièces & quelques fragmens de toutes les poéfies de Sapho ; mais la délicateffe de ces pré- cieux refies forît regretter la perte des autres ouvrages de cette fille, que la beauté de fon génie fit furnommer/a dixième mufe, mais il efl aifé de fe perfuader , & par l'hymne qu'elle adreffe à Vénus , & par cette ode admirable où elle exprime d'une manière fi vive les fureurs de l'amour, combien Ces élégies dévoient être tendres , pathé- tiques & pafïïonnées. Je penfè aufli que celles de Platon , fî bien nommé l'Homère des phîlofophes , font dignes de nos regrets; j'en juge par le goût , les grâces, les beautés , le ffyle enchanteur de {es autres ouvrages , & chofes en vers ïambes comme il le fait par- mieux encore par les vers pafïionnés qu'il tout ailleurs ; il .auroit pu employer le vers ïiexametre ; mais il a préféré i'élégiaque , fit pour Agathon , & que M. de Fonte- nelle a traduits dans fes dialogues. Lorfqii Agathis E L E Torfqu* Agathis pour un baifer de flamme Confent à me payer des maux que j'ai fentis ; Sur mes lèvres faudain je vois voler mon ame , Qui veut pajfer fur celles d'Agathis. Mîmnerme , dont Smyrne & Colophon jfè diiputerent la naiflance , déploya /es talens fupérieurs dans ce genre de poéfie. Etant vieux ôc déjà fur le retour , il devint éperdument amoureux d'une joueufe de flûte appellée Nanno , ôc en éprouva les rigueurs. Ce fut pour fléchir cette maîtrefle inhumaine , qu'il compofa des élégies fi -tendres ôc fi belles , qu'au rapport d'Aih 'née tout le monde fe &iiok un plaiiîr de les chanter. Sa poéfie a tant de douceur ôc d'harmonie , dans les fràgxni • rai nous reftent de lui , qu'il n'eft pis furpi qu'on lui ait donné le furnom de Ligyftade , & qu'Agathocle en fît fes délices. Sa réputation le r: pandit dans tout l'univers; ôc ce qui couronne fon éloge , eft qu'Ho- race le préfère à Callimaque. Simonide à qui Tifle de Céos donna la naiflance , dans la 75 Olympiade , n'eut guère moins de fuccès que Mimnerme dans le genre élégiaque. Le caractère de là mu'e étoit fi plaintif, que les larmes de Simonide pailerent en proverbe. ^ Philétas ôc Callimaque , car je ne les féparerai point , vécurent tous deux à la cour de Ptolémée Philadelphe , dont Philétas fut précepteur , ôc Callimaque bibliothécaire. Les anciens qui font men- tion de ces deux poètes , les joignent prefque toujours eniemble. Properce invo- que à la fois leurs mânes , ôc quand il a commencé par les louanges de l'un , il finit ordinairement par les louanges de l'autre. Quintilien même en parlant de l'élégie , ne les a pas féparés. Philétas publia plufieurs élégies qui lui acquirent une grande réputation , ôc dont l'aimable Battis ou Bittis fut l'objet. Elles lui méri- tèrent une ftatue de bronze , où il étoit repréfenté chantant fous un plane , cette Bittis qu'il avoit tendrement aimée. Pour Callimaque , oa le regardoït > 1 au Tome XXL E L Ë de Quintilien comme le témoignage maître de Yélégie. Catulle le fit un hon- neur de traduire Ion poëme fur la chevelure de Bérénice , ôc de tranfporter quelquefois dans les propres écrits , les penlees Ôc les exprefTions du poète grec ; ôc Properce malgré fes talens , n'ambitionnoit que le titre de Callimaque romain. Herméfianax contemporain d'Epicure , eft le dernier poète grec dont le temps nous a ravi les élégies. Il parut dans la foule des amans de la fameufe Léontium , ôc c'eft à cette célèbre courtifane qu'il les avoit adreflees. La poéfie fut ignorée , ou peut - être méprifée des Romains jufqu'au temps que la icile parla fous leur domination. Alors Livius Andronicus , grec d'origine , fut leur infpirer avec l'amour du théâtre y quelque goût pour un art fi noble ; mais ce goût ne commença de fe perfectionner qu'après que la Grèce allujettie leur eut donné des modèles. Bientôt ils tentèrent les mêmes routes ; ôc leur émulation étant de plus en plus excitée , ils réufïirent enfin à le difputer prefque en tous les genres , à ceux-mêmes qu'ils imitoient. Parmi les hommes de goût qui contri- buèrent davantage aux progrès de leur poéfie , on vit paroître fuccefïivement Tibulle , Properce ôc Ovide (car je laifîè Galius , Valgius , PafTienus , dont le temps nous a envié les écrits) ; ôc ces trois poètes , malgré la différence de leur caractère , ont fait admirer leur talent pour le genre élégiaque : mais Tibulle ôc Properce ont finguliérement réuni tous les fulfrages ; on ne fè lafîè point de les louer. Tibulle a conçu ôc parfaitement exprimé le caractère de Yélégie : ce délordre ingé- nieux qui eft fi conforme à la nature , il a fu le jeter dans fes élégies; on diroit qu'elles font uniquement le fruit du fenti- ment. Rien de médité, rien de concerté, nul art , nulle étude en apparence. La nature feule de la paiïion eft ce qu'il s'eft propolé d'imiter , ôc qu'il a imité en en peignant les mouvemens ôc les effets , par les images les plus vives ôc les plus natu- relles. Il defire , il craint ; il blâme , il approuve ; il loue , il condamne; il détefte , il aim,e \ il" s'irrite il s'appaifej, L r Si E L È il paftè en un moment des prières aux menaces , des menaces aux fupplications. Rien dans Tes élégies qui puifle faire voir de la fiction , ni ces termes ambitieux qui forment une efpece de contraire , 8c fuppo- fent nécessairement de l'affectation , ni ces allufîons favantes qui décréditent le poète , parce qu'elles font difparoitre la nature & qu'elles détruifent la vraifem- blance. Dans Tibulle tout reipire la vérité. Il eft tendre , naturel, délicat , pafïionné , noble fans fafte , fimple fans bailèfle , élégant fans artifice. Il fent tout ce qu'il dit , 8c le dit toujours de la manière dont il faut le dire , pour perfuader qu'il le fent. Soît qu'il fe repréfente dans un défert inhabité , mais que la préfence de Sulpicie lui fait trouver aimable ; foit qu'il fe peigne accablé d'ennui , & réglant , comme s'il devoit expirer de la douleur , Tordre 8c la pompe de fes funérailles, il touche, il laifit, il pénètre; 8c quelque chofe qu'il repréfente K il tranfporce fon lecteur dans toutes les fituations qu'il décrit. Properce , exact , ingénieux , inftruit , peut le parer avec raifbn du titre de Callimaque rcmain ; il le mérite par le tour de fes expreflions , qu'il emprunte communément des Grecs , 8c par leur cadence qu'il s'eft propofé d'imiter. Ses élé- gies font l'ouvrage des grâces mêmes ; &n'en pas fentir les beautés, c'eft fe déclarer ennemi des mures. Rien n'eft au deflus de fon art , de fon travail , de fon favoir dans la fable ; peut-être quelquefois pourrait - on lui en faire un reproche ; mais fes images plaifent prcfque toujours. Cynthie eft - elle légèrement anoupie ?. telle fut ou la fille de Mines , lorfque abandonnée par un amant perfide , elle s'endormit fur le rivage ; ou la fille de Céphée , quand déli- vrée d'un monftre affreux , elle fut con- trainte de céder au iommeil qui vint la furprendre. Cynthie verfe-t-elle des larmes ? jamais cette femme fuperbe qui fut trans- formée en rocher , Niobé , n'en répandit autant. Peint - il la fimplicité des premiers âges? ce font des fleurs , des fruits , des raifins avec leurs pampres qu'il offre à fa maîtreffe. Enfin tout ce qu'il exprime eft conforme à la vérité , & l'harmonie de la >eriificati©n y répand mille charmes. Ovide eft léger E L E agréable , abondant , plein d'efprit ; il lurprend , il étonne pair Ion incomparable facilité. Il répand les fleurs à pleines mains ; mais il ne fait peindre que les grotefques ; il préfère les agrémens , les traits , les faillies , au langage de la nature ; il néglige le fentiment pour faire briller une penfée ; il fe montre toujours plus fpirituei que plein d'une véritable pafïion ; il s'égaie même lorfqu'il croit ne tracer que la peinture de3 fujets les plus férieux. En vain il fe repréfente expo'ë à périr par la tempête , dans le vaiifeau qui le porte au lieu deftiné pour fon exil ; il compte les flots qui fe fuccedent impé- tueufement les uns aux autres , 6c il a le fens froid de nommer le dixième pour le plus grand. Qui hic fluclus fupereminet venu omnes PoJIerior nono ejî , undecimoqut prior. Avec ce ftyle poétique , il ne m'intérefïè point en fa faveur ; je ne partage point fes dangers , parce que j'en apperçois toute la fiction. Quand il tenoit ce difeours , il étoit déjà parmi les Sarmates , ou du moins dans le port. En un mot , Ovide eft plus fardé , moins naturel que Tibulle & que Properce ; 8c quoique leur rival , il étoit déjà beaucoup moins goûté , moins admiré au temps de Quintilien. Mais pour ce qui concerne la préémi- nence de mérite entre Tibulle 8c Properce, je n'ai garde de la décider; c'eft peut - être une affaire de tempérament. Ainfi j lans rappeller au lecteur pour y parvenir , les grandes règles de la poéfie , ces règles primitives qui s'étendent à tous les genres , 8c dont l'obfervation eft toujours indif- penfable , parce qu'elles ont leur fondement dans la nature ; fans alléguer une autorité refpectable que les partifans de Tibulle nomment en leur faveur ; fans croire même qu'on puiffe bien juger aujourd hui de Tibulle 8c de Properce , en fe donnant la peine de les comparer fur les mêmes fujets qu'ils ont traités l'un 8c l'autre; j'entends les vices, le luxe, l'avarice de leur fieclev 8c les plaintes qu'ils font de leurs maîrrenes, •* ( Tibulle , liv. IL éttg. iv. Properce , &\ E L E $11 y élég. xij. Sec. ) je dis feulement que les gens de lettres refteront toujours par- tagés dans leurs opinions , fur La préférence des deux poètes , de qu'on ne réfoudra jamais ce problême de goût Se de fèntiment. C'eft pourquoi , loin de m'y arrêter davan- tage , je palîe à la difcufïion un peu détaillée du caractère de Y élégie , Se je vais tâcher néanmoins de n'ennuyer per- ionne. Il n'eft point de genre de poéfie qui n'ait .fon caractère particulier*, Se cette diverfité , que les anciens obferverent fi religieufe- ment , eft fondée fur la nature même des du jets imités par les poètes. Plus leurs imitations font vraies , mieux ils ont rendu les caractères qu'ils avoient à exprimer. Chaque genre d'ouvrage a les loix ; Se fes loix lui font tellement propres , qu'elles ne peuvent être appliquées à un autre genre. Ainfi Féglogue ne quitte pas fes chalu- meaux pour entonner la trompette , Se l'élégie n'emprunte point les lublimes accords de la lyre. Ne croyons donc pas que pour faire des élégies , il fufïîfe d'être palîionné , & que l'amour lêul en infpire de plus belles que l'étude jointe au talent fins l'amour. La pafïion toute feule ne produira jamais rien qui foit achevé : elle doit fins doute fournir les fentimens ; mais c'eft à l'art de les mettre en œuvre , Se d'y ajouter les grâces de l'exprefïion. Le caractère de l'élégie n'admet point , à la vérité , la méthode géométrique , Se la fcrupuleufe exactitude représente mal les paillons que peint l'élégie ; mais l'art lui devient nécenaire pour exprimer le défordre des pallions , confor- mément à la nature , que les grands maîtres ont fi bien connue. C'eft par-là que Tibulle eft admirable : s'il fe plaint ( liv. I, élég. 3 ) d'une maladie qui le retient dans une terre étrangère , Se l'empêche de fuivre Mefïala ; " il regrette »• bientôt le fiecle d'or, cet heureux liecle *> où les maux qui depuis affligèrent les •> hommes , étoient absolument ignorés. ••» Puis revenant à fa maladie , " il en demande •• à Jupiter la guérifon. » Il décrit enfuite les ch?mpS élifées , où " Vénus elle-même »» doit le conduire , fi la parque tranche le *> jîl de fes jours « : enik-i fentant, reaaîtré E L E $3 l'efpérafice dans fon eccur , « il fe flatte » que les dieux , toujours propices aux » amans , lui accorderont de revoir Délie , » que fon abfence rend inconlolable. » Il femble que l'on penferoït , que l'on par- lerait de cette manière, fi l'on étoit dans la fituation que le poë'te repréfente. Rien n'eft plus oppofé au caractère de l'élégie que l'affectation , parce qu'elle s'accorde mal avec la douleur , avec la joie , avec la tendrefle , avec les grâces ; elle n'eft propre qu'à tout gâter. L'élégie ne s'accommode point des penfées recher- chées , ni dans le genre tendre Se pafTïonné de celles qui feraient feulement ingénieufes Se brillantes ; elles pourraient faire honneur au poète dans d'autres occafions , mais l'efprit n'eft point à fa place où il ne faut que du fèntiment. De plus , les penfées font fouvent faufles ; Se bien qu'il fbit toujours indifpeniable de penfer jufte , le vrai du fèntiment doit principalement régner dans l'élégie. Les penfées fublimes , Se les images pompeufes , n'appartiennent pas non plus au caractère de l'élégie; elles font réfervées à Iode ou à l'épopée, Ce n'eft pas furie ton pompeux que Marcellus , oui M arcellus lui - même , nls d'Augufte par adoption , l'héritier de l'empire Se les délices des Romains , eft pleuré dans une des élégies de Properce , quoiqu'il paroiiïe que les images pompeufes convenoient bien au héros dont il s'agifïbit , ou du moins auraient été très-excufables dans cette occafion : cependant Properce n'a pas ofé fe les permettre ; il fe contente de dire tout iimplement : (l Une mort prématurée nous >■ a ravi Marcellus ; il ne lui a de rien » fervi d'avoir Octavie pour mère , Se de » réunir dans fa perfonne tant de vertus » héroïques. Rien ne garantit de la com- » mune loi , ni la force , ni la beauté , ni » les richeiîes , ni les triomphes. De quei- » que rang que vous fbyez , il faudra qu'un » jour vous appaifiez Cerbère , & que » vous palliez la £>àrque de l'inexorable » vieillard. » Liv. III, élég. 15. Aulîi quand ce même poè'te invoquoit les mânes de Philétas Se de Callimaque , il ne leur demandoit pas où les Mules leur avoient infpiré des vers pompeux , mais er# L % «4 ELE quel antre ils avoient trouvé l'un Se l'autre la fimplicité propre à Yéiégie. Les images funèbres conviennent parfai- tement au caractère de Yéiégie trifte ; delà nation rient dans les anciens ce tour ingénieux de ramener fouvent l'idée de leur propre mort , Se d'ordonner quelquefois la pompe de leurs funérailles ; ou bien encore de finir leurs élégies par des inferiptions fur les tombeaux. Tibulle a-r-il déclaré qu'il ne peut furvivre à la perte de Néa:ra , qui lui avoit été promife , Se qu'un rival lui avoir enlevée î il règle à l'inftant l'ordre de fes funérailles : " Il veut , quand il ne » fera plus , qu'une ombre légère , que cette » même Néa?ra , les cheveux épars , pleure » devant ion bûcher ; mais il veut qu'elle « foit accompagnée de fa mère , 8c que » toutes deux également affligées &: vêtues y> de robes noires , elles recueillent les *> cendres j qu'elles les arrofent de vin &: -»> de lait ; qu'elles les renferment dans un » tombeau de marbre , avec les plus riches » parfums; Se que pénétrées de douleur, » elles verfent des larmes fur ce tombeau. 5j II veut enfin que l'infeription faiîe con- » noître que c'eft la perte cfe Néscra qui a n caufé la mort. » Liv. III, élég. %. Il eft ordinaire de voir la grande dou- leur s'occuper de raifonnemens faux , alors le délire de cette pafïion eft du caractère cdentiel de Yél'giel " Plût à Dieu ( dit « Tibulle ) qu'on fut demeuré dans les » mœurs qui régnoient au temps de Saturne, r> lorfqu'on ne connoiiloit point encore l'art ?> de voyager , 'Se que la terre n'étoit point i-> partagée en grands chemins ! » Comme ii delà eût dépendu le départ de fa maîtrene , qui avoit entrepris un grand voyage. La douleur produit^ aufïi des defirs Se des efpérances , qui font un adoucilFemenr à nos peines , Se qui nous retracent une iituation plus heureufe. Delà viennent les «ligreilions du même Tibulle fur des plans de vie imaginaires , il jamais ion état venoit à changer. Par ces idées frivoles, entre- tenant une pafïion qui le remplit tour-à-tour d'efpérances Se de craintes , il nourrit la flamme quile dévore , Se qui ne le laiife jamais fans inquiétude. Voilà ce que l'on peut obferyej: furies 4fégies wiftes & paifiomiées, ELE Par rapport aux élégies gracieuies , M. Marmontel a remarqué qu'elles doivent être ornées de tous les tréfors del'imagi- Se je n'ai rien de plus à en dire. Quant aux élégies qui doivent repré- fenter l'état d'un cœur au comble de fes vœux , Se ne connoiflùait rien d'égal au bonheur dont il jouit, le ton peut être hardi , Se les penfées exagérées. L'extrême joie n'eft pas moins hyperbolique que l'extrême douleur , Se fouvent il arrive que les figures les plus audacieufes font l'expref- fion naturelle de ces tranfports. C'eft encore alors que les images riantes répandent dans ce genre d'élégie des grâces particulières. Pour ce qui regarde les louanges que les poètes donnent à leurs maîtreiïès dans les élégies amoureufes , ou les éloges qu'ils font de leur beauté ; comme c'eft le cœur qui dicte ces fortes de louanges , elles doivent en fuivre le langage , Se par confequent être amenées fimplement & naturellement. Voyez avec quelle naïveté , avec quel goût , avec quel coloris , Tibulle nous peint Sulpicie : " Les Grâces (dit-il) préiident » à toutes fes actions , Se font toujours » attachées à fes pas fans qu'elle daigne » s'en apercevoir. Elle plaît fi elle » arrange les cheveux avec art ; il elle les » laiffe flotter , cet air négligé lui donne » un nouvel éclat. Soit qu'elle foit vêtue » de pourpre , ou qu'elle préfère à la » pourpre une autre couleur , elle enchante , » elle ravit tous les cœurs. Tel dans » l'olympe , l'heureux Vertumne prend » mijle formes différentes , Se plaît fous » toutes également. » Liv. IV , élég. z. En un mot , de quelque genre qu'on fuppofe Yéiégie , elle doit toujours fuivre le langage de la paillon Se de la nature ; elle doit s'exprimer avec une vérité , une force , une douceur , une noblefle , Se un fentiment proportionné au fujet qu'elle traite. Il y faut le choix des penfées & des exprefïions propres ; car ce choix eft toujours ce qu'il y a de plus important Se de plus efîentiel. Ces réflexions doivent naître du fond même de la penfée, Se paraître un fentiment plutôt qu'une réflexion : il faut aufTi que l'harmonie du vers la foutienne. Enfin , iî liaifon fecrete entre faut qu'il y ait une tomes fes parties , Se que le plaji foi* E L E .«Jiftribué avec tant d'ordre & de goût , qu J'es fe fortifient les unes les autres , & augmentent infenfiblement l'intérêt , comme ces coteaux qui s'élèvent peu-à-peu , & qui femblent terminés dans un efpace éloigné par des montagnes qui touchent aux aïeux. Ce n'eft pas d'après ces règles que la plupart des modernes ont co'mpofe leurs élégies ; ils paroiilent n'avoir pas connu fon caractère. lis ont donné à leurs pro- ductions le titre à' élégie , en fe contentant d 'y donner une certaine forme ; comme fi cette forme fufSfbit toute feule pour caradrérifer un poème , fans, la matière qui lui eft propre ; ou que ce fut la nature des vers , & non pas celle de l'imitation , qui distinguât les poètes. Les uns pour briller , ie font jetés dans les écarts de l'imagination , dans des orne- mens frivoles , dans des percées recher- chées , dans des images pompe ufes , ou dans des traits d'efprit quand il s'agilïoit de peindre le fentiment. Les autres ont imaginé de plaire , ik d'émouvoir par des louanges de leurs rnaîtreiles , qui ne font que des flatteries extravagantes ; par des gémifîemens , dont la feinte faute aux yeux ; par des douleurs étudiées , &c par des défelpoirs de fahg froid. C'eft à ces derniers poètes que s'adretîènt les vers fuivans de Deipréaux : Je hais ces vains auteurs , dont la Mufe forcée M'entretient de fes feux y toujours froide 6* glacée ; Qui s'affligent par art ; & faux de fens rajjis, S'érigent , pour rimer , en amoureux tranjiî : Leurs tranfports les plus doux 'ne font que parafes vaines ; Ils ne faveni jamais que fe charger de chaînes , Que lénir leur martyre , adorer leur prifen, JEt faire quereller le fens ù ta raifon. Ce n'était pas jadis fur ce ion ridicule Qu'Amour dicloit les vers que foupiroit Tibulie. Ait poétiq. chant II. v. 45. E L Ë Sj Auffî les Anglois dégoûtés des fadenrs de Y élégie plaintive Se amoureule , ont pris le parti de confacrer quelquefois ce poème à l'éloge de l'efprit , de la valeur , & des talens ; on en verra des exemples dans Waller. Je ne déciderai point s'ils ont eu rort ou raifbn \ cet examen me meneroit trop loin. Je finis par une récapitulation. L'él'sie. doit fon origine aux plaintes ufitées de tout temps dans les funérailles. Après avoir long - temps gémi fur un cercueil , elle pleura les dilgraces de l'amour > ce paflàge fut naturel. Les plaintes continuelles des amans font une efpece de mort ; & pour parler leur langage y ils vivent uniquement dans l'objet' de leur paiïîon. Soit qu'ils louent les plaifirs de la vie champêtre , foit qu'ils déplorent les maux que la guerre entraîne après elle , ce n'elî pas par rapport à eux qu'ils louent ces plaifirs ÔC qu'ils déplorent ces maux , c'eft par rapport à leurs rnaîtreiles : " Ah , pourvu ieulement » que j'euile le bonheur d'être auprès de » vous ! »... dit Tibulie à Délie. Ainli l'élégie , derKnée dans fa première inftitution aux gémiilemens ôc aux larmes , ne s'occupa que de fes infortunes; elle n'exprima d'autres fentimens', elle ne parla d'autre langage que celui de la douleur : négligée comme il lied aux personnes affligées , elle chercha moins à plaire qu'à toucher ; elle voulut exciter la pitié , ôc non pas l'admiration. Elle retint ce même caractère dans les plaintes des amans , Ôc jufquesdans leurs chants de triomphe elle fe iouvint de fa première origine Enfin , dans toutes fes viciiTitudes' , fes penfées furent toujours vives & naturelles , lès fentimens tendre-, ôc délicats- , fes expreA fions fimples ôc -faciles ; êc toujours elle confer va cette marche inégale dont Ovide lui fait un fi grand mérite , & qui , pour le dire en paflànt , donne à la poéiie éiégiaque des anciens tant d'avantage1 fur la notre. Cependant je m'apperçpis qu'en traitant ce fujet , qui a été h bien approfondi dans piufieurs ouvrages , ôc en particulier dans les mémoires de l'académie des inf- criptions , je me fuis peut-être trop étendu , entraîné par la matière même , & par les charmes de Tibulie ôc de Properce. Mais M E L E le genre élégiaque a mille attraits , parce qu'il émeut nos pallions , parce qu'il eft limitation des objets qui nous intéreffent , parce qu'il nous fait entendre des hommes ■touchés , qui nous rendent très - feniibles à leurs peines comme à leurs plaiiîrs , en nous en entretenant eux-mêmes. Nous aimons beaucoup à être émus ( V. Emotion ) ; nous ne pouvons entendre les hommes déplorer leurs infortunes (ans •en être affligés , fans chercher eniuite à en parler aux autres , (ans profiter de la pre- mière occafion qui s'offre de décharger notre cœur, fi je puis parler ainii , d'un poids qui l'accable. Voilà pourquoi de tous les po'émes , comme l'a dit avant moi M. l'abbé Sou- <:hay, il n'en eft point après le dramati- que qui foie plus attrayant que Y élégie. Aufïi a-t-on vu dans tous les temps des génies du premier ordre faire leurs délices de ce genre de poéiie. Indépendamment les autres ne haïfïènt pas l'obfcurité 3 pourvu qu'il en réfulte une elpece de merveilleux ; mais la vérité eft fimple , ôc veut être traitée comme elle eft. Nous aurons occafion dans cet ouvrage d'appli- çuer fouvent les règles que nous venons de donner , principalement dans ce qui re- garde les ioix de la méchanique , la géo- métrie qu'on nomme de l'infini , ôc plu- iieurs autres objets ; c'eft pourquoi nous in liftons pour le préfent allez légèrement là-deflus. Pour nous borner ici à quelques règles générales , quels font dans chaque feience les principes d'où l'on doit partir î des faits (impies , bien vus ôc bien avoués ; en phyiique , Fobfervation de l'univers ; en géomérrie , les propriétés principales de 1 étendue ; en méchanique , l'impénétrabilité des corps j en métaphyfique ôc en morale , l'étude de notre ame ôc de fes affections , Se ainfi des autres. Je prends ici la méta- phyfique dans le fèns le plus rigoureux qu'elle puiile avoir , en tant qu'elle eft la feience des êtres purement fpirituels. Ce que j'en dis ici fera encore plus vrai , quand on la regardera dans un fens plus étendu , comme la feience univerlelle qui contient les principes de toutes les autres ; car fi chaque feience n'a ôc ne peut avoir que l'obtèrvation pour vrais principes , la mé- taphyfique de chique icience ne peut con- cilier que dans les conféquences générales £ui résultent de l'obier vaxkni , ^réfentées , Tome XI L ELÈ iff fbuS le point de vue le plus étendu qu'on puiile leur donner. Ainfi , duilé-je , contre mon intention , choquer encore quelques perfonnes , dont le zèle pour la métaphy- iîque eft plus ardent qu'éclairé , je me garderai bien de la définir , comme elles le veulent , la feience des idées ; car que le- roit-ce qu'une pareille feience ? La philo- fophie , fur quelque objet qu'elle s'exerce , eft la feience des faits ou celle des chi- mères. Ceft en_ effet avoir d'elle une idée bien informe & bien peu jufte , que de la croire deftinée àfè perdre dans les abftfao tions , dans les propriétés générales de l'être , ôc dans celles du mode ôc de la fubf- tance. Cette fpéculation inutile ne con- fifte qu'à préfenter fous une forme ôc un langage feientifiques , des proportions qui étant mifes en langage vulgaire , ou ne feroient que des vérités communes qu'on auroit honte d'étaler avec tant d'appareil , ou feroient pour le moins douteufes , ôc par conféquent indignes d'être érigées en principes. D'ailleurs , une telle méthode eft non feulement dangereufe , en ce qu'elle retarde par des queftions vagues ôc con- tentieufes le progrès de nos connoiflances réelles , elle eft encore contraire à la marche de l'efprit , qui , comme nous ne faurions trop le redire , ne connoit les abftradions que par l'étude des êtres particuliers. Ainfî la première chofè par où l'on doit com- mencer en bonne philofophie , c'eft de faire main-bafïè fur ces longs ôc ennuyeux pro- légomènes , fur ces nomenclatures éter- nelles , fur ces arbres ôc ces divifions fans fin ; triftes reftes d'une rniicrable fcholaf- tique ÔC de l'ignorante vanité de ces tfecles ténébreux , qui dénués d'obfervations ôc de faits , fe créoient un objet imaginaire de fpéculation & de difputes. J'en dis autant de ces queftions aufîi inutiles que mal ré- solues , fur la nature de la philofophie , fur fon exiftence /fur le premier principe des connoiflances humaines , fur l'union de la probabilité avec l'évidence , & fur une in- finité d'autres objets femblables,. Il eft dans les feiences d'autres -queftions conteftées , moins frivoles en elles-mêmes , mais aulîi inutiles en effet , qu'on doit abfolument bannir d'un livre à'élemeas. On peut juger sûrement de l'inutilité abfolus M qo E L E d'une queftîon fur laquelle on fè divife, lorfqu'on voit que les philofophes fe réu- nifient d'ailleurs fur des proportions qui néanmoins au premier coup-d'œil femble- roient tenir nécefïairement à cette queftion. Par exemple , les élémens de Géométrie , de calcul , étant les mêmes pour toutes les écoles de philofophie , il réfulte de cet accord , Se que les vérités géométriques ne tiennent point aux principes conteftés fur la nature de l'étendue , Se qu'il eft fur cette matière un point commun où toutes les lècres fe réunifient ; un principe vulgaire Se fimple d'où elles partent toutes fins s'en appercevoir ; principe qui s'eft obfcurci par les difputes , ou qu'elles ont fait négli- ger , maïs qui n'en fubfifte pas moins. De même , quoique le mouvement & fes pro- priétés principales foient l'objet de la méchanique , néanmoins la métaphylique obfcure ôc contentieufe de la nature du mouvement , eft totalement érrangere à cette feience > elle fuppofe l'exiftence du mouvement, tire de cette fuppofition une foule de vérités utiles , & laifle bien loin derrière elle la philofophie fcholaftique s'é- putfer en vaines fuhtiîités fur le mouve- ment même. Zenon chercheroit encore fi les corps fe meuvent , tandis qu' Archimede auroit trouvé les loir de l'équilibre , Huyghens celles de la pereuflion , & Newton celles du fyftême du monde. Concluons delà que le point auquel on doit s'arrêter dans la recherche des prin- cipes d'une feience , eft déterminé par la r.ature de cette feience même , c'eft-à-dire par le point de vue fous lequel elle envifage ion objet ; tout ce qui eft au delà doit être regardé ou comme appartenant à une autre feience , ou comme une région entiè- rement refufée à . nos regards. J'avoue que les principes d'où nous partons en ce cas ne ibnr peut-être eux-mêmes que des confé- quences fort éloignées des^ vrais principes qui nous font inconnus , Se qu'ainfî ils méritero'ent peut-être le nom de conclu- fwns plutôt que celui de principes. Mais il n'eft pas néceflàife que ces concluions Ibîent des principes en elles-mêmes 3 il fuffic qu'elles en Ibient pour nous. Nous n'avons parlé jufqu'à préfent que des principes proprement dits , de ces E L E vérités primitives par lefquelles on peoé non feulement guider les autres , mais fe guider foi-même dans l'étude d'une feien- ce. Il eft d'autres principes qu'on peut appel- les fecondaires ; ils dépendent moins de la nature des chofes , que du langage : ils ont principalement lieu , lorfqu'il s'agit de communiquer fes connoilTances aux autres. Je veux parler des définitions , qu'on peut , à l'exemple des Mathématiciens , regarder en effet comme des principes ; puiique dans quelque efpece à' élémens que ce puifîè être , c'eft en partie fur elles que la plupart des proportions font appuyées. Ce nouvel objet demande quelques réflexions : l'article Définition en préiente plufieurs * nousy ajouterons les fuivantes. Définir , fuivant la force du mot , c'eft marquer les bornes Se les limites d'une chofe ; ainfî définir un mot , c'eft en déterminer Se en circonferire pour ainfî dire le fens , de manière qu'on ne puifîe, ni avoir de doute fur ce fens donné , ni l'étendre , ni le reftreindre , ni enfin l'attri- buer à aucun autre terme. Pour établir les règles des définitions , remarquons d'abord que dans les Sciences on fait ufage de deux fortes de termes , de termes vulgaires , Se de termes feien- tifîques. J'appelle termes vulgaires , ceux dont on fait ufage ailleurs que dans la feience dont il s'agit , c'eft-à-dire dans le langage ordinaire, ou même dans d'autres feiences; tels font par exemple les mots efpace , mouvement en méchanique ; corps en Géo- métrie ; fon en Mufique , Se une infinité d'autres. J'appelle termes feientifiques , les mots propres Se particuliers à la feience, qu'on a été obligé de créer pour déiigner certains objets , Se qui font inconnus à ceux a qui la feience eft tout-à-fait étran- gère • Il femble d'abord que les termes vul- gaires n'ont pas befoïn d'être définis , puif- qu'étant , comme on le fuppofe , d'un ufage fréquent , l'idée qu'on attache à ces mots doit être bien déterminée 8c familière à tout le monde. Mais le langage des Sciences ne fauroit être trop précis , Se celui du vulgaire eft fbuvent vague Se obf- cur j on ne fauroit donc trop s'applicuie^ E L E \ fïxeï la lignification des mots qu'on emploie , ne fût-ce que pour éviter toute équivoque. Or pour fixer la lignification des mots , ou , ce oui revient au même , pour les définir , il faut d'abord examiner quelles font les idées fimples que ce mot renferme; j 'appelle idée fimple , celle qui ne peut être décompofée en d'autres , Ôc par ce moyen être rendue plus facile à iailïr : telle eft par exemple l'idée d'exif- tence , celle de fenfation , ôc une infinité d'autres. Ceci a befoin d'une plus ample explication. A proprement parler , il n'y a aucune de nos idées qui ne foit fimple ; car quelque compofé que foit un objet , l'opération par laquelle nc\re efprit le conçoit comme compofé, eft une opération inftantanée & unique : ainfî c'eft par une feule opération iimple que nous concevons un corps comme une fubfta'hce tout - à - la - fois étendue , impénétrable , figurée , ôc colorée. Ce n'eft donc point par la nature des opérations de l'efprit qu'on doit juger du degré de fimplicité des idées ; c'eft la /implicite plus ou moins grande de l'objet qui en décide : de plus cette fimplicité plus ou moins grande , n'eft pas celle qui eft déterminée par le nombre plus ou moins grand des parties de l'objet , mais par le nombre plus ou moins grand des propriétés qu'on y confidere à la fois ; ainfi quoique l'efpace Ôc le temps foient compofés de parties , & par conféquent ne foient pas des êtres fïmples , cependant l'idée que nous en avons eft une idée fimple , parce que toutes les parties du temps Ôc de l'ef- pace font abfolument femblables ; que l'idée que nous en avons eft abfolument la même , ôc qu'enfin cette idée ne peut être décompofée , puifqu'on ne pourroit fim- plifier l'idée de l'étendue ôc celle du temps làns les anéantir : au lieu qu'en retranchant de l'idée de corps , par exemple , l'idée d'impénétrabilité , de figure , ôc de cou- ieur , il refte encore l'idée de l'étendue. Les idées fimples dans le fens où nous l'entendons , peuvent fe réduire à deux cfpeces : les unes font des idées abftraites ; l'abftra&ion en effet n'eft autre chofe que l'opération par laquelle nous confidérons \Luis un objet une propriété particulière p E L E ^r fahs faire attention à celles qui fe joignent à celle-là pour conftituer l'eflènee de l'objet. La féconde e'pece d'idées fimples eft renfermée dans les idées primitives que nous acquérons par nos fènfations , comme celles des couleurs particulières , du froid * du chaud , Ôc plufieurs autres femblables ; auiïi n'y a-t-il point de circonlocution plus propre à taire entendre ces chofes , que le terme unique qui les exprime. Quand on a trouvé toutes les idées fimples qu'un mot renferme , on le définira en préfentant ces idées d'une manière aufTî claire , aufli courte , ôc aufïi précife qu'il fera poflible. Il fuit de ces principes , que tout mot vulgaire qui ne renfermera qu'une idée fimple , ne peut Ôc ne doit pas être défini dans quelque fcïence que ce puiflè être , puifqu'une définition ne pourroit en mieux faire connoître le fens. A l'égard des termes vulgaires qui renferment plu- fieurs idées fimples , fuflent-ils d'un ufage très-commun , il eft bon de les définir , pour développer parfaitement les idées fimples qu'ils renferment. Ainfi dans la Méchanique ou Ccience dut mouvement des corps , on ne doit définir ni l'efpace ni le temps , parce que ces mots ne renferment qu'une idée fimple; mais on peut .ÔC on doit même définir le mou- vement , quoique la notion en foit afïèiS familière à tout le monde , parce que l'idée de .mouvement eft une idée complexe qui en renferme deux fimples , celle de l'efpace parcouru , ôc celle du temps employé à le parcourir. Il fuit encore des mêmes principes , que les idées fimples qui entrent dans une définition doivent être tellement diftinctes l'une de l'autre , qu'on ne puifle en retrancher aucune. Ainfi dans la défi- nition ordinaire du triangle recHigne , on fait entrer mal - à - propos les trois côtés ÔC les trois angles > il fufrit d'y faire entrer les trois côtés , parce qu'une figure ren- fermée par trois lignes droites a néceilai- rement trois angles. C'eft à quoi on ne fauroit faire trop d'attention , pour ne pas multiplier fans néceflité les mots non plus que les êtres , ôc pour ne pas faire regardée comme deux idées diftincîes , ce qui n'effe individuellement que la même. On peut donc dire non feulement qu'un» Ml S* ILE définition doit être courte , mais que plus elle fera courte , plus elle fera claire ; car la brièveté confifte à n'employer que les idées néceilàires , Se à les- difpofer dans Tordre le plus naturel. On n'eft Couvent obfcur , que parce qu'on eft trop long : robfcurité vient principalement de ce que les idées ne font pas bien distinguées les unes des autres , & ne font pas mifes à leur place. Enfin la brièveté étant néceffaire dans les définitions , on peut & on doit même y employer des termes qui renfer- ment des idées complexes , pourvu que ces termes aient été définis auparavant , 8c qu'on ait par conféquent développé les idées Simples qu'ils contiennent. Ainfi on peut dire qu'un triangle re&iligne eft une figure terminée par trois lignes droites , ■pourvu qu'on ait défini auparavant ce qu'on entend par figure, c'eft - à - dire un elpace terminé entièrement par des lignes : ce laquelle r des deux qualités doit être préférée dans des élémens , de la facilité , ou de la rigueur exacte. Je réponds que cette queftion fuppofe une choie faullè ; elle iuppofe que la rigueur exacte puifle exifter fans la facilité, Se c'eft le contraire; plus une déduction eft rigoureufe , plus elle eft ficile à entendre : car la rigueur confîfte à réduire tout aux principes les plus fimples. D'où il s'enfuit encore que la rigueur proprement dite entraine nécessairement la méthode la plus naturelle Se la plus directe. Plus les prin- cipes feront difpofés dans Tordre conve- nable , plus la déduction fera rigoureufe ; ce n'eft pas qu'abfolument elle ne put 1 être il on fuivoit une méthode plus compofée , comme a fait Euclide dans fès élémens : mais alors l'embarras de la marche feroit aifément fèntir que cette rigueur précaire Se forcée ne ieroit qu'improprement telle. Nous n'en dirons pas davantage ici fur les règles qu'on doit obferver en général , -pour bien traiter les èUmens d'une feience. La meilleure manière de faire connoître res règles , c'eft de les appliquer aux diffé- rentes feiences ; Se c'eft ce que nous nous propofons d'exécuter dans les - différens articles de cet ouvrage. A l'égard des élémens des Belles-Lettres , ils (ont appuyés fur les principes du goût. Voy. Goût. Ces élémens , femblabîes en pîufîeurs chofes aux élémens des Sciences , ont été faits après coup fur l'obfervation des diffé- rentes chofes qui ont paru affecter agréa- blement les hommes. On trouvera de même à ['article Histoire , ce que nous penfons des élémens de l'hiftoire en général. Voye^ aujjï Collège. Nous dirons feulement ici que toutes nos connoilîances peuvent le réduire à trois efpeces ; l'Hiftoire , les Arts tant libéraux .que méchaniques , 6c les Sciences propre- ment dites , qui ont pour objet les matières .de pur raifonnement ; Se que ces trois .efpeces peuvent être réduites à une feule , à celle des Sciences proprement dites. Car , ifi. l'Hiftoire eft ou de la nature , ou des jpenfées des hommes , ou de leurs actions. ^L'hiftoire de la nature , objet de la médi- tation du philofophe , rentre dans la clafle des feiences j il en eft de même de l'hiftoire E LE des penfées des hommes , fur-tout Ci on né comprend fous ce nom que celles qui ont- été vraiment lumineufes Se utiles , Se qui fbnt aufïi les feules qu'on doive préfenter à fes lecteurs dans un livre d'élémens. A l'égard de l'hiftoire des rois , des conque- rans , Ôc des peuples , en un mot des événemens qui ont changé ou troublé la terre , elle ne peut être l'objet du philo- fophe (ju'autant qu'elle ne fe borne pas aux faits feuls ; cette connoillànce ftérile , ouvrage des yeux Se de la mémoire , n'efl qu'une connoifîance de pure convention quand on la renferme dans fes étroites limites ; mais entre les mains de l'homme qui fait penfer elle peut devenir la première de toutes. Le fige étudie l'univers moral comme le phyfique , avec cette patience , cette circonfpection , ce f ilence de préj ugés qui augmente les connoiflances en les rendant utiles ; il fuit les hommes dans leurs paffions comme la nature dans fes procédés ; il obferve , il rapproche , il compare, il joint fes propres oblervations à celles des fiecles précédens , pour tirer de ce tout les principes qui doivent l'éclairer dans fes recherches ou le guider dans fes actions : d'après cette idée , il n'envifage l'Hiftoire que comme un recueil d'expé- riences morales faites fur le genre humain , recueil qui feroit fans doute beaucoup plus complet s'il n'eût été fait que par des philofbphes , mais qui , tout informe qu'il eft y renferme encore les plus grandes leçons de conduite , comme le recueil des obler- vations médicinales de tous les âges , maigre tout ce qui lui manque Se qui lui manquera peut-être toujours , forme néanmoins la partie la plus importante Se la plus réelle de l'art de guérir. L'Hiftoire appartient donc à la claile des Sciences , quant à la manière de l'étudier Se de fe la rendre utile , c'eft-à-dire quant à la partie philofophique. i°. Il en eft de même des Arts tant méchaniques que libéraux : dans les uns Se les autres ce qui concerne les détails eft uniquement l'objet de l'artifte ; mais d'un côté les principes fondamentaux des Arts méchaniques font fondés fur les connoif- fances mathématiques Se phyfîques des hommes , c'eft-à-dire fur les deux branches les plus confidérables de h Phiiofophie $ E LE 3e l'autre , les Arts libéraux ont pour baie l'étude fine & délicate de nos fenfations. Cette métaphyiîque fubtile Se profonde qui a pour objet les matières de goût , lait y diftinguer les principes abfolurnent géné- raux Se communs à tous les hommes , d'avec ceux qui font modifiés par le carac- tère , le génie , le degré de fen (milité des nations ou des individus ; elle démêle par ce moyen le beau eilentiel Se univerfel , s'il en eft un , d'arec le beau plus ou moins arbitraire Se plus ou moins convenu : égale- ment éloignée ôc d'une décifion trop vague Se d'une difcuiîion trop fcrupuleufè , elle ne poulie l'analyfe du fentiment que jufqu'où elle doit aller , Se ne la rdferre point non plus trop en deçà du champ qu'elle peut fe permettre. En comparant les impreilîons Se les affections de notre ame , comme le métaphyficien ordinaire compare les idées purement fpéculatives , elle tire de cet examen des règles pour rappeller ces împreiïions à une fource commune , &c pour les juger par l'analogie qu'elles ont entr'elles ; mais elle s'abftient ou de les juger en elles-mêmes , ou de vouloir appré- cier les impreffions originaires & primitives par les principes d'une philofophie auffi obfcure pour nous que la itru&ure de nos organes , ou de vouloir enfin faire adopter fes règles par ceux qui ont reçu , foit de la nature foit de l'habitude , une autre façon de fentir. Ce que nous dilons ici du goût dans les Arts libéraux , s'applique de foi -- même a cette partie des Sciences qu'on appelle Belles -Lettres. C'eft ainfi que les élémens de toutes nos connoifïànces font renfermés dans ceux d'une philofophie bien entendue. VoyeT^ Philosophie". Nous n'ajouterons plus qu'un mot fur la manière d'étudier quelques foi tes à' élémens que ce puifïè être , en fuppofant ces élè mens bien faits. Ce n'eft point avec le iecours d'un maître qu'on peut remplir cet objet , mais avec beaucoup de méditation 8c de travail. Savoir des • élémens , ce n'eft pas feulement connaître ce qu'ils contiennent,, c'eft en connoître l'ufage , les applications . Se les conséquences ; c'eft pénétrer dans k- génie de l'inventeur , c'elf fe mettre en état d'aller plus loin que lui , ôc voilà ce qu'on ne fait bien qu'à force d'étude & d'exercice : voilà pourquoi oli ne fmra jamais parfaitement que ce qu'on a appris loi - même. Peut -être feroit - on bien par cetzo. ration , d'indiquer en deux mots dans des éUmens l'ufage Se les conféquences des proportions démontrées. Ce feroit pour les commençans un fujet d'exercer leur efprit en cherchant la démonftration de ces confé- quences , &c en faifant disparaître les vuides qu'on leur auroit laides à remplir. Le propre d'un bon livre â'elémens eft de laifter beau- coup à penfef. On doit être en état de juger maintenant il des élémens complets des Sciences 5 peuvent être l'ouvrage d'un homme feul : ôc comment pourroient-ils l'être, puifquils- fuppofent une connoiftance univerfeile Se approfondie de tous les objets qui occupent les hommes ? Je dis une conncijfance appro~* + fondie , car il ne faut pas s'imaginer que pour avoir effleuré les principes d'une feience , on foit en état de les enfèigner. C'eft à ce préjugé , fruit de la vanité &c de l'ignorance , qu'on doit attribuer l'extrême difette où nous fommes de bons livres élémentaires , Se , la foule de mauvais dont nous fommes chaque jour inondés. L'élevé à peine forti des premiers fentiers ; encore frappé des difficultés qu'il a éprouvées, Se que fouvent même il n'a furmontées qu'en partie , enrreprend de les faire connoître & furmonter aux autres ; cenfeur Se pla- giaire tout enfemble de ceux qui l'ont' précédé , il copie , transforme , étend ,-. renverfe , refferre , obfcurcit , prend fes idées informes êc confufes pour de; idées claires, Se l'envie qu'il a eue d'être auteur' pour le defïr d'être utile, On pourroit le comparer à un homme qui ayant parcouru- un labyrinthe à tâtons & les yeux bandés , . croiroit pouvoir en donner le plan Se en- développer les détours. D'un autre côté, les maîtres de l'art, qui par une étude longue " 'Se afliduc en ont vaincu les difficultés Se connu le; fîr.eîîê", dédaignent de reveai-r fur leurs pas pour faciliter aux autre:; 1er 'chemin qu'ils ont eu tant depeine à fuivre : peut-être encore frappés de la multitude Se. c h nature des obftacies qu'ils ont fur-- > montés," redoutent -ils le travail qui ferait- ';néceiïaïre pour les rpplanir, & qui feroit 'trop peu fenti pour qu'on pût leur enteiiir ^ E L E compte. Uniquement occupés de faire de nouveaux progrès dans Fart , pour s'élever, s'il leur eit pofïible, au deilus de leurs predéceflèurs ou de leurs contemporains , Se plus jaloux de l'admiration que de la reconnoillànce publique , ils ne penfent qu'à découvrir & à jouir , 6c préfèrent la gloire d'augmenter l'édifice au foin d'en éclairer l'entrée. Ils penfent que celui qui apporsera comme eux dans l'étude des Scienc es , un génie vraiment propre à les approfondir , n'aura pas befoin d'autres élémens que de ceux qui les ont guidés eux-mêmes; que la nature îk les réflexions fuppléeront infailliblement pour lui à ce qui manque aux livres , & qu'il eft inutile de faciliter aux autres des connoiflances qu'ils ne pourront jamais fe rendre vraiment ' propres, parce qu'ils lont tout au plus en éteZ de les recevoir (ans y rien mettre du leur. Un peu plus de réflexion eût fait ientir combien cette manière de penfer efl nuiiible au progrès & à la gloire des Sciences ; à leur progrès , parce qu'en facilitant aux génies heureux l'étude de ce qui eft connu , on les met en état d'y ajouter davantage &c plus^ promptement; à leur gloire , parce qu'en les mettant à la portée d'un çlus, grand nombre de per- ionnes , on le procure un plus grand nombre de juges éclairés. Tel eft l'avan- tage que -produiroient de bons élémens des Sciences , élémens qui ne peuvent être l'ou- vrage que d'une main fort habile & fort exercée. En effet , fi on n'eft pas parfaite- ment inftruit des vérités de détail qu'une Science renferme-, fi par un fréquent ufage on n'a pas apperçu la dépendance mutuelle de ces vérités, comment diftinguera-t-on parmi elles les proportions fondamentales dont elles dérivent, l'analogie ou la diffé- rence de ces proportions fondamentales, l'ordre qu'elles doivent obfèrver entr elles , Se fur-tout les principes au delà defquelson - ne doit pas remonter î C'eft ainii qu'un chy- mifte ne parvient à connoître les mixtes qu'a près des analyfes & des combinaifons fré quentes 3e variées. La comparaifon eft d'au- i tant plus jufte, que ces analyfes appren- nent au chymifte non feulement quels font j les principes dans lefquels un corps fe * éfcut , mais encore , ce qui n'eft pas moins ILE important , les bornes au delà defqueïïei il ne peut fe réfoudre, &c qu'une expé- rience^ longue & réitérée peut feule faire connoître. ; Des élémens bien faits , fuivant le plan que nous avons expofé _, & par des écri- vains capables d'exécuter ce plan , auraient une double utilité : ils mettraient les bons elprits fur la voie des découvertes à faire, en leur préfentant les découvertes déjà faites; de plus ils méfieraient chacun plu« à portée de diftinguer les vraies décou- vertes d'avec les fauifes ; car tout ce- qui ne pourrait point être ajouté aux élémens d'une Science comme par forme de fup- plément , ne ferait point digne du nom de découverte. Voyez ce mot. (0) Après avoir expofé ce qui -concerne les élémens des Sciences en général , nous allons maintenant dire un mot des élémens .de Mathématiques Se de Phyfique , en indi- quant , pour répondre à' l'objet de cet ouvrage , les principaux livres où ils font traités. Les élémens des Mathématiques ont été expliqués dans des cours &e des fyftêmes qu'ont donné différens auteurs. Voye^ Cours. Le premier ouvrage de cette efpece eft celui de Hérigone , publié en latin & en françois l'an 1664, en dix volumes. Cet auteur y a renfermé les élémens d'Euclide , les données du même , &c. avec les élé- mens d'Arithmétique, d'Algèbre , de Tri- gonométrie , d'Architecture , de Géogra- phie , de Navigation , d'Optique , des Sphériques , d'Aftronomie , de Mufîque , de Perfpective , &c. Cet ouvrage a cela de remarquable , que l'auteur y emploie par-tout une elpece de caractère univerfel , de manière que , fans fe fervir abfolument d'aucun langage , on peut en entendre tou- res les démonftrations , pourvu que l'on fe fouvienne feulement des caractères qui y ibnt employés. Voye^ Caractère. Depuis Hérigone , d'autres auteurs ont expliqué les élémens de différentes parties de Mathématiques , particulièrement le jéluite Schott dans fon curfus mathema- ticus , publié en 1 674 ; Jonas Moore , dans fon nouveau Syjlême de Mathéma- tiques, imprime a* anglais en i68ij E L E Dechales dans fbn curfus Mathématicus l qui parut en 1674 ; Ozanam dans fbn cours des Mathématiques , publié en 1695) : mais perfbnne n'a donné de cours de Mathématiques plus étendu ni plus appro- fondi que M. Wolf; Ton ouvrage a été publié fous le titre de elementa mathefeos univerfce , en deux volumes in-40. dont le premier parut en 171 3 , & le fécond ■en 1715 : depuis il y a eu une édition de Genève en 1733 , en cmai volumes in-40. : en général cet ouvrage fait hon- neur à ion auteur , quoiqu'il ne foit pas exempt de fautes , mais c'eft le meil- leur ou le moins mauvais que nous avions juiqu ici. Les éiémens d'Euclide font le premier , •ôc félon plufieurs perfonnes , le meilleur livre d'élémens de Géométrie. On a fait un grand nombre d'éditions &c de com- mentaires fur les quinze livres des éiémens de cet auteur. Oronce Fine eft le premier quia publié, en 1536, les fix premiers livres de ces éiémens avec des notes pour expliquer le fens d'Euclide. Peletier ht la même chofe en 1557. Nie. Tartaglia fit un commentaire vers ce même temps fur les quinze livres entiers ; il y ajouta même quelque chofe de lui. Dechales , Hérigone , & d'autres , ont pareillement travaillé beaucoup fur les éié- mens d'Euclide , ainfî que Barrow , recom- mandable fur-tout par la précifion 8c la rigueur de fes démonftrations. Mais comme les quinze livres entiers ne paroiflènt pas néceflaires , principalement aux jeunes Mathématiciens, quelques auteurs fefont appliqués feulement à bien éclaircir les flx premiers livres , avec l'onzième & le dou- zième tout au plus. On ne finiroit pas , il l'on vouloit rapporter les différentes éditions qu'on en a faites : celles qui parlent pour les meilleures , font une édition fran- çoife de Dechales 8c une latine d'André Tacquet : celle de Dechales , qu'on eftime le plus , a été faite à Paris en 1709 par Ozanam : & la meilleure de Tacquet eft une édition de Cambridge faite en 1703 par Whifton. Quelques auteurs ont réduit en fyllogif- mes toutes les démonftrations d'Euclide, pour faire voir comment l'on s'élève, par Tome XII, E L E $7 une chaîne de raifbnnemens , à une dé- monftration complète. Pierre Ramus n'ap- prouva pas l'ordre d'Euclide , comme il le paroît par fon difeours fur les quinze livres de cet auteur y c'eft ce qui le déter- mina à compiler vingt-trois nouveaux livres d'élémens , fuivant la méthode fcholafti- que , mais fans fuccès. Arnaud , en i66j,; Gafton Pardiés , Jéfuite , en 1680; le P. Lamy , en 1 685 ; Poliniere , en 1704; &c depuis 2.0 ans M. Rivard , ont public le fonds de la doctrine. d'Euclide , fuivant une nouvelle méthode particulière à chacu* d'eux. Il y a quelques années que M. Clairaut # de l'académie des Sciences de Paris , publia une Géométrie où les proportions ne paroiflènt qu'à mefure qu'elles font occafionées par les be foins des hommes qui les ont découvertes : cette méthode eft frès-lumineufe , 8c n'a point la féche- refle des précédentes j mais , outre que l'auteur y fuppofe quelquefois fans démonf- tration ce qui à la rigueur pourrait en avoir beioin , les proportions , ainfî que dan? toutes les autres méthodes , n'y font point déduites immédiatement les unes des au- tres , 8c forment plutôt un aflèmbîage qu'un édifice de propo fixions ; cependant une chaîne non interrompue de vérités -, feroit le fyftême le plus naturel 8c le plus commode , en même temps qu'elle offri- rait à l'efprit l'agréable fpectacle de géné- rations en ligne directe ; or c'eft ce que l'on a exécuté dans les inftitutions de Géométrie , imprimées à Paris en 1746 , chez de Bure l'ainé. Toutes les propoiî- tions de cet ouvrage font déduites immé- diatement les unes des autres ; 8c donnent occafion à la réfblution d'un fort grand nombre de problêmes curieux 8c utiles , ainfi quià des réflexions fur les dévelop- pemens de l'efprit humain ; ce qui répand quelque agrément fur une matière qui ne comporte par-elle même que trop de f éche- reflè. Moyennant cet appas ou cet artifice , . la Géométrie élémentaire a été mifè à la portée de la plus tendre enfance , ainfî que l'expérience l'a démontré , 8c le dér montre tous les jours. On délirerait que M. Clairaut , dans les excellens éiémens d'Algèbre qu'il a publiés . , eût mis les N 5-S Ë LE opérations du calcul plus à portée clés com- mençans. Voye^ Algèbre. Sur les élémens des différentes parties des Mathématiques , voye^ Algèbre , Dif- férentiel , Intégral , Méchanique , Optique , Astronomie , ùc. Les meilleurs élémens de Phyfique font Veflài de' Phyfique de Muffchenbroeck , les élémens de s'Gravelande , les leçons de Phyfique de "M * l'abbé Nollet , & plufieurs autres. Vcye^ Physique. ( E ) El k; m en s , ( Géomét. tranf. ) On appelle ainfi dans la Géométrie fublime , les parties infiniment petites ou différentielles d'une .ligne droite , d'une courbe , d'une furface , 4\m fblide. Ainh* ( Ph d'anal, fig. 18.) le petit efpace P M- m p , formé par les deux ordonnées infiniment proches P M, m p: & par l'arc^ Mm de la courbe , eft l'élément de l'efpace A P M; P p eft l'élément de Tablcifîè ; Mm , celui de la -courbe , ùc. Voyci^ 'Différentiel , Flu- xions , Indivisibles , Intégral , Infini , ■ ùc. ( 0 ) Elémens , en Ajlronomie. Les Aftro- îaomes. entendent communément par ce mot les principaux réfultats des obfèrva- tions agronomiques , Se généralement tous les nombres effentiels qu'ils emploient à la ^onftruétion des tables du mouvement des iplaneies, Ainii les élémens de . la théorie Globltles , ùc. Aujourd'hui les Philosophes (âges recon- noiflent , i°. qu'on ignore abfolument enr quoi confident les élémens des corps. Voye^. Configuration , Corps , Matière , Corpuscule , ùc. z°. Qu'on ignore encore , à plus forte raifon , fi les élémens des corps font tous femblables , & fi les corps différent entr'eux par la différente nature de leurs élémens , ou feulement par leur différente difpofition. 30. Qu'il y a apparence que les élémens ou particules primitives des corps font durs par eux-- mêmes. Voye^ Dureté. On fera peut- être étonné de la brièveté de cet article : mais nos connoiffances fur ce qui en fait, l'objet font encore phis courtes. (O) Elément ou premier Principe, ( CAy- mie. } Voye^ Principe. Elément , ( Médec. Phyfiol Pathol. ) ce terme eft employé dans la théorie de 1a Médecine pour défigner les premiers principes de la ftructure du corps humain. Voye^ Fibre, Nutrition, (d) ELEMENTAIRE , , adj ( Phibfophie. ) fë dit de ce qui fe rapporte aux élémens. Voyeç Elément. Ainfi les élémens d'un corps fe nomment aulîl les particules élé- mentaires de ce corps. Tout l'efpace qui eft compris dans l'or*- bite de la Lune , étoit appelle par les anciens la région élémentaire , parce que c'étoit félon eux le liège ou la fphere des quatre élémens vulgaires; C'eft par la même raifon que de prétendus philosophes ont appelle peuple élémentaire une efpece d'êtres imaginaires qu'ils ont cru -ou fuppofé habiter les quatre élémens des- anciens , ùc. En voilà allez; & trop fur ces fottifes. Sur Y air êc le feu élémentaire^ vvye^ Air. ù Feu. Elémentaire fe dit aufTT, en parlant dune feience , de la partie de cette feience qui en renferme les élémens. Ainfi on dit •ia Géométrie élémentaire ' pour- les élémens de Géométrie , la Méchaniaue élémentaire pour tes -eiémens de- Méchanique > &c. ( Oj EL'E ÏLEMI, ( Hijl. tint, des Drogues. ) télîne étrangère qui s'enflamme aifément, & qui fe diifout dans l'huile. On diftingue deux fortes cY élémi , i°. le vrai élémi ou celui d'Ethiopie & de l'Arabie heureufe , i°. Yélémi d'Amérique. Le vrai élêmi eft une réfine jaunâtre , ou d'un blanc noirâtre , lolide extérieure- ment , quoiqu'il ne foit pas entièrement &c , mou &c gluant intérieurement , formé «en morceaux cylindriques qui brûlent lors- qu'on les met fur le feu ; ion odeur forte n'eft pas défigréable , elle approche de •celle du fenouil. Ces morceaux cylindri- ques font ordinairement enveloppés de grandes feuilles de roleau ou de palmier. Nous n'avons encore rien de certain iur l'arbre dont cette réfine découle , Se même «on la trouve aujourd'hui très-rarement dans les boutiques : on eft trop heureux de rencontrer Yélémi pur d'Amérique. Celui-ci eft une efpece de réfine quel- quefois blanchâtre , quelquefois verdâtre ou jaunâtre , trartfparente , approchant de la réfine du pin , de coniiftance tantôt plus molle f tantôt plus feche , d'une odeur rélïneufe , défagréable. On l'eftime quand il eft récent , tranfparent , un peu verd , gras , gluant , odoriférant. Il nous vient du Brélil , de la nouvelle Efpagne & des îles d'Amérique : on l'apporte' en pains de deux à trois livres ; Se parce qu'ils font enveloppés dans des feuilles de cannes , on lui donne communément le nom de gomme élémi en rofeaux. L'arbre qui fournit cette réfine s'appelle ici cari bu. Voye-^ Icicariba. On xcnA pour de Yélémi naturel , celui qui , à caufe de fa ialeté , a été fondu ik recuit au feu , Se c'eft peut - être là la moindre des tromperies. On contrefait allez communément cette réfine avec du gilipor lavé dans de l'huile commune d'afpic. On fait auiïï paflèr des gommes communes &c quelques elpeces de poix- réfines jaunâtres , blanchâtres, grifés , pour Yélémi d'Amérique. Lés connoifieurs les diftinguent par l'odeur & la couleur; mais fi La chofe en valoir la peine dans la pra- tique , la meilleure connoiilànce pour un acquéreur feroit celle d'un bon droguifte, tdrtJele dt M. Iz chevalier de jAUCGURTi EL E 5)9 Élemî résine , ( Pharm, mai. Mer. ) La réiinè élémi eft plus connue dans tes boutiques fous le nom de gomme que fous celui de réfine ; cependant comme c'eft abfolument une réfine , nous l'appellerons ainfi , &c en cela nous fuivrôns M. Geoffroy , qui lui donne ce nom dans fa matière médicale. La réfine élémi s'emploie rarement feule ,: mais elle entre dans beaucoup de prépa- rations officinales externes ; "c'eft c«tle qui fait la ba-fe du baume d'A-rceus , auquel on donne quelquefois le nom d'onguent élémi, Vbye^ Baume d'Arceus. Si on diftille par la retorre la réfine- elemi , on en retire tout ce que donnent ordinairement les réfines , c'eft-à-dire , dit flegme acide , une huile allez limpide dans le commencement , & qui s epaiffit de plus en plus vers la fin de l'opération ; il ne refte dans la cornue qu'une petite quantité de caput mortuitm , iur - tout li Yélémi étoit pur. La réfine élémi appliquée extérieurement pafle pour réloudre les tumeurs , détergec les ulcères , Ôc pour être un très-bon digeftif; mais , comme nous l'avons dit , on ne l'em- ploie point feule. On ne l'emploie point non plus pour l'intérieur , cependant quelques auteurs la vantent comme diurétique. L'élémi entre dans le baume d'Arceus & dans celui de Fioraventi, 'dans les onguens- de ftyrax &: martiatum , dans les emplâtres de bitoine , oppodeltoch , d'André de la Croix , &c. (b) ' ELÉOMELI, G m. (Pharmacie.) c'eft une huile plus épaifte que le miel , ôc douce: au goàt , qui coule du tronc d'un arbre à Palmyre contrée de la Syrie. Cette huile prife dans de 'l'eau, évacue p.iv les ielles les humeurs crues ôc biiieu:'es ; les malades qui s'en fervent font attaques d'en- gourdillèment ôc perdent leurs forces , mais ces iympiomes ne font point à craindre. • On rire au 111 cette huile des bourgeons oléagineux de cet. arbre. Dïofccride & Chamb-rs. • < I ELEO - SACCHARtIM , (. CLymk & Pharmacie. ) on , appelle ainfi toute huile e'dentielle combinée -av-ec du « fncre. C'eft un moyen pour rendre ks-ihtjiles propecs..^ N i >qo E L E fe mêler avec l'eau ; ce qu'elles ne fërofent point à moins que le fucre , qui eft foluble dans l'eau , ne fervit d'intermède à cette union. Pour faire l'eleo-faccharum , on n'a qu'à verfer quelques gouttes d'une huile I eilèntielle de citron , de canelle , de lavande , &c. fur du fucre en poudre ; ou oien on n'a qu'à frotter des morceaux de fucre 'fur la peau d'une orange , d'un citron , &c. par-là le fucr fe charge d'une huile eilèntielle aromatique , ôc lui donne des entraves qui l'empêchent de fe diffiper aufïi promptement qu'elle feroir fans cela. C'eft - là le moyen qu'emploient les Ita- liens , ôc fur - tout les Napolitains , pour donner à leurs fleurs artificielles tes mêmes ©ieurs qu'ont les fleurs naturelles. Pour tY'la lis ne font que cacher un peu à'eleo- faccharum dans le calice de la fleur artifi- cielle ; cependant à la fin la partie aroma- tique fe diffipe* Dans .la Pharmacie on connoît l'eleo- faccharum carminativum , qui le fait en yerfant de l'huile eilèntielle de camomille vingt -quatre gouttes , fur douze onces de fucre blanc en poudre. Il y a aulïi l'eleo- fcccharum de faflàfras , qui fe fait avec 3 ij d'huile de faflàfras , & ? vj de fucre blanc : on dit, que- c'eft un bon remède pour les catarres. Voye^ Woyt y Ga[o -phylacium medico-phyjicum, ( — ) ELEPHANT , eîephas , f. m. ( HiJÎ. nat. Zoolog. ) le plus grand de tous les animaux quadrupèdes , & un des plus fin- guliers dans la conformation de plusieurs parties du corps. En confidérant l'éléphant relativement à l'idée que nous avons de là juftelîè des proportions, il femble être mal proportionné ôc mal deiïîné , pour ainfi dire , à caufe de fon corps gros ôc court , de fes jambes roides Ôc mal for- mées , de fes pies ronds & tortus , de la groflè tê:e , de fes petits yeux y ôc de fes grandes oreilles. On pourroit dire aulïi crue L'habit dont il paroît couvert , eft encore plus mal taillé èc plus mal fait. Sa trompe , fes défenfes , fes pies , ùc. is rendent auffi extraordinaire que la grandeur «Je fa taille. La defcription de les parties , ôc l'hiftoire de leurs ufages , ne donnera pas moins d'admiration que leur aiped caufe de furprife.. : i ri E L E Le roi de Portugal envoya en 1668 au roi de France un éléphant du royaume de Congo , âgé de dix-fept ans , ôc haut de fix pies & demi depuis terre jufqu'au dellus du dos. Il vécut dans la ménagerie de Verfailles pendant treize ans , Se ne grandit que d'un pié , fans doute parce que le changement de climat ôc de nourriture avoit . retardé fon accroiiïement ; ainfi il. n'avoir que fept pies ôc demi de hauteur lorfque MM. de l'académie royale des Sciences en firent la defcription. Le corps de cet animal avoit douze piési ôc demi de tour > fa longueur étoit prefque égale à fa hauteur. Il avok depuis le front j ulqu'au commencement de la queue , huit pies ôc demi > ôc trois pies ôc demi depuis le ventre jufqu'à terre. En prenant la mefure des jambes fur le fquelette , on a. trouvé que celles de devant avoient quatre pies ôc demi , ôc celles de derrière quatre: pies huit pouces ; mais lorfque l'animal eft revêtu de fa chair & de fa peau , les- jambes de derrière paroiflent plus courtes que celles de devant , parce qu'elles font moins dégagées de la mafle du corj& : elles: reflèmblent plus à celles de l'homme qu'à celles de la plupart des quadrupèdes , en ce que le talon pofe à terre , ôc que le pié eft fort court. Les pies de l'éléphant dont il s'agit ici étoient fi petits , qu'on ne les diftinguoit pas des jambes , qui defeendoient tout d'une venue jufqu'à terre v ôc dont la peau renfermoit les doigts des pies. La plante des pies de derrière avoit dix pouces de longueur , ôc celle des pies de devant , quatorze ; elle étoit garnie d'une corne en forme de femelle , qui étoit dure , folide ôc épaifiè d'un pouce y ôc qui débordoit comme fi elle avoit été écachée par le poids du corps , ôc formoit quelques ongles mal figurés : il n'y en avoit que trois à chaque pié , cependant il s'eft trouvé cinq doigts dans le fquelette ; mais ils .étoient recouverts par la peau , ôc n'avoient aucun rapport avec les ongles. La corne , que l'on a comparée à une femelle , formoit encore d'autres proîon- gemens que l'on auroit pu prendre pour des ongles. Il y a lieu de cro're que cette, partie varie dans diiférens individus, commç nous Je ferons voir dans la fuite» La queuq* E L E croit menue Se pointue ; elle avoit deux pics & demi de longueur , Se étoic termi- née par une houpe de gros poils longs de trois ou quatre pouces. Cet éléphant étoit femelle; l'orifice extérieur de la matrice fe trouvoit placé au milieu du ventre près du nombril , à l'extrémité d'un conduit qui formoit une éminence qui s'étendoit depuis l'anus jufqu'à la vulve, & qui ren- fermoit un clitoris de deux pies Se demi de longueur , Se de deux pouces de dia- merre ; de forte qu'on l'auroit pris , avant la diffect-ion , pour une verge , parce que cette partie eft fîtuée de la même façon dans la plupart des quadrupèdes. Il y avoit fur la poitrine deux mamelles , les mame- lons étoient petits. La tête étoit grande ; elle avoit deux boiîes par derrière > Se un creux entre deux. Le cou étoit court , le front large , les yeux petits , la bouche étroite , Se prefque cachée lous le menton ; la mâchoire inférieure fort pointue , Se les oreilles deux fois plus grandes à propor- tion que celles d'un âne > elles avoienr trois pies de hauteur , deux pies de largeur , Se feulement deux lignes d'épailïèur : leur figure approchoit de l'ovale , Se elles étoient collées contre la tête , comme celles de l'homme, Se s'étendoient en arrière. On voit par leurs dimenlions qu'aucun animal n'a les oreilles à proportion autïi grandes que {'éléphant. La trompe avoit cinq pies trois pouces de longueur après la mort de l'animal, neuf pouces de diamètre à fa racine , Se trois vers l'extrémité , qui s'élargifloit comme le haut d'un vafe , Se formoit un rebord dont la partie de delîous étoit plus épaifle que les côtés. Ce rebord s'alongeoit par le deilus en manière d'un bout de doigt r tout le rebord formoit comme une petite talle , au fond de laquelle étoient les nari- nes ; aulTî la racine de la trompe fort de l'endroit qui correfpond à celui des narines dans les autres quadrupèdes. Les défenfes avoient deux pies de longueur Se quatre pouces de diamètre vers leur racine ; elles étoient un peu recourbées en haut , & fbrtoient de la mâchoire fupérieure , à cinq pouces au defïus du bord de la lèvre : il n'y avoit que huit dents , quatre en chaque mâchoire , deux de chaque côté; la longueur de la plus, groflè étoit de quatre épais en plu- couvert de par les une îiifi- mémoires E LE loi pouces 0 la largeur , d'un pouce Se demi. Il fè trouvoit fur la peau des crins ou des foies plus grofïès que celles des fangliers j elles étoient noires - luifantes , d'une grollèur égaie depuis la racine jufqu'au bout , qui paroiffoit coupé : il y en avoit peu, Se feulement fur quelques parties ; lavoir la rrompe , les paupières , Se la queue d'un bout à l'autre , jufqu'à la houpe de l'extré- mité. La longueur des foies de la trompe - étoit d'un pouce Se demi. La peau avoit des rides de deux efpeces ; les unes étoient des lignes creufées comme nous les avons au dedans des mains; les autres étoient élevées comme elles le font au defïus des mains aux perfonnes vieilles Se maigres. Les rides rendoient la" peau de l'éléphant fort vilaine , étant couverte d'un épiderme gris-brun , fieurs endroits , cailleux , crade, Se comme déchiré nité de gerçures. Voye-^ pour fervir a l'hijîoire naturelle des ani- maux , drcjfés par M. Perrault , troifieme partie. Les élêphans fe trouvent en Afie Se en- Afrique. Ceux de l'Ane font les plus grands > on prétend qu'ils ont jufqu'à treize , qua- torze ou quinze pies , Se même plus , de hauteur depuis terre jufqu'au defïus du dos» On a vu des défenfes qui pefoient cent foixante livres : fans doute elles venoient des élêphans d'Afie , car on allure qu'il y en a du poids de deux cents livres. On prétend qu'il s'en eft trouvé en Afrique du poids de cent vingt-cinq livres ; les Anglois en ont rapporté de cette partie du monde , qui avoient plus de huit pies de longueur , Se qui pefoient quatre-vingt- dix livres. On dit que la mefure ordinaire des élêphans d'Afrique eft de neuf ou dix pies de longueur , Se de onze ou douze de hauteur. Il y a dans l'île de Ceylan un très-grand nombre êCéléphans , au rapport. du capitaine Ribeiro , Hijl. de Ceylan , ijot. Les plus grands ont neuf coudées depuis la pointe du pîé jufqu'à l'épaule. Plufieurs auteurs s'accordent à dire que les élêphans de cette île font mieux faits % plus courageux , Se ont plus d'inftintt que les autres , quoiqu'ils foient plus petits. Les élêphans fout de couleur brune 5 il y en ioi E L E a quelques-uns de blancs dans les Indes , mais ils font très-rares. L'éléphant alonge & raccourcit fà trompe ; il dirige l'extrémité en haut , en bas , de côté ou en arrière : elle eft flexible en tout iens , il la meut à (on gré & félon les beloins ; car il s'en fert comme d'un bras 8c d'une main. Il embrafiè avec fà trompe tout ce qu'il veut loulever ou en- traîner , par le moyen d'un rebord qui eft au bout , 8c du prolongement de ce rebord , qui reffemble à une forte de doigt , il faiiit les chofes les plus petites. C'eft fur- tout à l'aide de ce doigt qu'il montre une adrelîe •dont on ne croiroit pas qu'un animal fî mafïîf fut capable. Enfin c'eft avec fà trompe qu'il porte à ia bouche tous les -alimens , foit iolides , foit liquides ; mais pour entendre la méchanique qu'il emploie à ecz effet , il faut fe fouvenir que les deux ouvertures des narines font au fond de la :cavité qui fe trouve à l'extrémité de la trompe : c'eft par cet organe qu'il refpire : auflî f luiîeurs voyageurs ont regardé la trompe comme un nez fort alongé. L'air qui pailè par cette trompe dans l'infpira-- tion 8c dans la refpiration , la rend propre à la fuccion , 8c lui donne la force de .projeter les chofes qui fe trouvent dans i'a cavité. Lorfque l'animal applique les bords de l'extrémité de cette trompe fur qu.e'.que corps , 8c qu'il retire en même temps fon haleine, ce corps refte collé contre la trompe ,. 8c en luit les difFérens mouvemens. C'eft ainfi que l'éléphant enlevé des chsfes fort pefantes , Se même jufqu'au poids de deux cents livres. Lorfqu'il a k>if, il trempe le bout de ia trompe dans l'eau , 8c en infpirant il remplit d'eau toute la cavité de la trompe •; enfuite il la re- courbe en defibus , pour en .porter rextrê- mité dans fi bouche : alors l'animal pour- voit aiiement faire couler l'eau de la trompe dans la abouche , par un mouvement d'expiration ; mais de cette façon il ne l'avalerait pas fuis qu'il en entrât dans le larynx , puiique .ce mouvement d'expiration fuppofe nécefiairement que Fépiglotte eft levée : auiïi Y éléphant enfonce ia trompe >ufques dans le goder au delà de l'épiglotte , Ce on entend un grand bruit que fait l'eau çn fortant de h irompe pour defeendre E L E dans l'œfophage. D'ailleurs on ne volt aucun mouvement de fuccion dans les lèvres , ce qui prouve que l'eau eft pouftee par l'expiration , 8c non pas attirée pat la fuccion. De même quand l'éléphant prend l'herbe , il l'arrache avec fa trompe 8c en foit des paquets qu'il porte au fond de fa bouche. Ces obiervations ont fait prélumer qu'il tette aufîi avec fa trompe, mais on n'a jamais vu d'éléphant tetter; on n'a jamais vu non plus qu'il prît aucune choie immédiatement avec fa bouche, ii ce n'eft qu'il reçoit ce qu'on y jette. Il fait jaillir au loin 8c dirige à fon gré l'eau dont il a rempli fa trompe : on dit qu'elle en peut contenir plufieurs féaux. Loriqu'on mené l'éléphant au combat, on attache à l'extrémité de la trompe une chaîne ou un fabre nu , dont il fe fert avec beaucoup d'adrellè pour frapper l'ennemi. L'éléphant a beaucoup d'inftinâ: 8c de docilité ; on i'apprivoife fi aifément , 8c on le foumet_ à tant d'exercices différens , que l'on^ eft furpris qu'une bête auiïi lourde prenne fi facilement les habitudes qu'on lui donne. Pour le conduire on fe met à cheval fur fon cou ; orr tient à la main une grolîè verge de fer très - pointue par un bout , &c terminée à l'autre par un crochet très-fort & auiîi très-pointu ; on iè fert de la pointe au lieu d'éperon , 8c le cro- chet fupplée à la bride ; car on pique l'animal aux oreilles 8c au mufeau pour diriger fa marche, le conducteur étant ainiî pofté. On fe place fur le dos de l'élé- phant : les femmes fe fervent , comme les hommes , de cette monture ; mais on dit qu'elle eft fort incommode , 3c qu'on aime- roit mieux faire dix lieues fur un cheval , qu'une ieule fur un éléphant. On leur fait auflî porter des tours , dans lesquelles on place pluiieurs hommes armés pour la guerre. Ces tours, au moins celles dont parle Pietro délia Vaile dans les Voyages , font longues 8c larges comme un grand • lit, 8c placées en travers fur le dos de l'éléphant ; elles peuvent contenir fîx ou iept perionnes ailifes à la manière des Leva.nraiits : il y en a d'autres où dix ou douze combatcans peuvent fe placer. Pour les voyages dès iernmes de qualité & des £r:.r.di .iV'g-.uis / les éléihai.s on; au lieu E L E clé tours , des pavillons richement ornes , dans lefquels on peut s'afleoir ou fe cou- cher. Les éléphans portent aufli de toutes fortes de fardeaux ,. jufqu'à de petites pièces de canon fur leurs affûts. Au rapport de Thevenot ( voyage du Zev. ) x la charge des plus forts éléphans eft de plus de trois mille livres. Cet animal a le pie ii sûr , qu'il ne bronche prefque jamais. Il fait beaucoup de chemin en peu de temps , à caufe de la longueur de fes jambes : en allant le pas , il atteint un homme qui court. Lorfqu'on le prefle , il peut faire en un jour le chemin de fix journées ; il court comme le cheval , au galop , & il fend l'eau avec autant de vîtene qu'une chaloupe de dix rames. Lorfqu'on eft pour- suivi par cet animal , on ne peut l'éviter qu'en faifant des détours , parce qu'il n'eft pas auffi prompt à fe retourner de coté qu'à marcher en avant. Les éléphans plient les jambes de devant , & même celles de derrière. Lorfqu'on veut les charger on monte deffus, 6c ils aident avec lejr trompe. Lorfqu'ils font en voyage , ils ne ie couchent que rarement ; mais dans d'autres temps ils fe couchent toutes les nuits , 8c fe relè- vent avec beaucoup de facilité. Ces ani- maux font fort commodes & fort utiles pour le fervice qu'ils rendent , mais ils coûtent beaucoup à nourrir. Thevenot dans ion voyage du Levant , dit qu'à Delh'y , outre la viande qu'on leur fait manger , & l'eau -de -vie qu'on leur fait boire, on leur donne une pâte de farine, de fucre & de beurre , & chacun en confoœme au moins par jour pour une demi - piftole. Fr. Pierre de Laval rapporte dans fes voyages, qu'un éléphant mange cent livres de riz par jour : ils prennent tout ce qu'on leur donne , principalement du bifeuk. Un feul de ces animaux peut manger en un jour ce qui fuffiroit pour nourrir- trente hommes durant une femaine ; cependant on en a vu fe palier de manger pendant huit ou dix jours. Les éléphans fauvages vivent d'herbe , de fruits , 8c de branches d'arbres, dont ils mâchent du bois allez gros. Ces animaux font fort tranquilles', St ne s'irritent que lorsqu'on les oflfenfe ; alors ils ' drelfent les oreilles & la trompe,, & c'eft E L Ë io 3 avec la trompe qu'ils renverfent les hommes ou les jettent au loin , arrachent des arbres , 8c foulevent tout ce qui leur fait obftacle. Lorfqu'ils ont terraffé un homme 8c que leur fureur eft grande , ils l'entraî- nent à l'aide de leur trompe contre leurs pies de devant , 8c marchent de {fus ou le maflacrent en le frappant 8c le perçant, avec leurs défenfes. C'eft aulii par les coups redoublés de ces défenfes qu'ils abar- tent des murs , 8c qu'ils frappent fur les chofes que leur trompe ne peut pas faiiir. Ils craignent le feu ; on arrête leur fureur en leur jerant des pièces d'artifice enflam- mées. Cet animal fi grand 8c il fore eft expolé aux infultes des plus vils infectes : les mouches l'incommodent en le piquant dans les endroits où fa peau eft gercée ; c'eft pourquoi il a foin de jeter avec fa trompe de la pouffiere fur fbn corps , 8c de fe rouler fur la terre eh fortant dit bain : car il ne manque pas de fe baigner fou vent , fbit pour faire tomber la croûte ; que la pouffiere a formée fur fa peau, (bit pour ramollir fbn épidémie qui eft fujet à fe deftécher ; on le frotte d'huile pour prévenir ce defféchement. En fronçant fa peau il éerafe les mouches qui fe trouvent dans les gerçures. Ses ennemis les plus redoutables font le rhinocéros, le lion , le tygre 8C les ferpens , mais fur-tout le tygre, parce qu'il faifït l'éléphant par la trompe 8c la met en pièces. Les Nègres lui donnent la chafte , parce qu'ils- vendent fes défenfes '8c mangent fa chairr ! Lorfque les éléphants font en chaleur ils deviennent furieux ; mais , au rapport de Tavernier-, cela n'arrive guère à ceux qui font apprivoifés. On prétend que la femelle amoncelé dès feuilles avec fi trompe , en fut une- forte de lit , s'y couche fur- le- dos qusnd elle veut rece- voir le mâle, 3c l'appelle par des cris ; in-folio, fig. Art. ce M. le Chef.', de J au court. ÉLÉPHANT , nom donné à un ordre militaire ancien & fort honorable que confèrent les rois de Danemarek , & qu'ils n'accordent qu'aux perfbnnes de la plus haute qualité , & d'un mérite extraordi- naire. On l'appelle V ordre de V éléphant , parce qu'il a pour arme un éléphant d'or émaillé de blanc , chargé d'une tour d'argent ma- çonnée de fable , fur une terrafîe de fynople émaillée de rieurs. Cette marque de l'ordre efl ornée de diamans , & pend à un ruban bleu , onde comme le cordon bleu en France. Charniers. (G) ÉLÉPHANT (île de V) , ( Géogr. ) i\e de l'Indoftan fur la côte du Malabar. Elle a été ainfi nommée , de la figure d'un éléphant qu'on voit taillée dans le roc , grande comme nature. Il y a au même en- droit un cheval de pierre , une pagode , avec une quarantaine Je figures gigantes- ques , rangées fymmètriquement. Les païens de cette île en . ont fait l'objet de leur culte. Éléphant, ( Blafon ) meuble qui entre dans quelques ccus , il repréfente le plus grand des animaux quadrupèdes. L'éléphant fur les médailles efl l'hiéro- glyfe de l'éternité , parce qu'il vit plus d'un fiecle. Il efl auffi le fymbole de la piété , parce c^u'on dit qu'il s'incline devant le foleil à ion lever & à fon coucher. Heudé de Blacy en Champagne , de gueules à un éléphant d'argent y appuyé contre un palmier d'or. ÉLÉPHANTIASE ou ÉLÉPHAN- TIE, f. f. ou ELEPHANTIAS, f. m. ( Méd. ) c'efl le nom que les Grecs ont donné à la maladie de la peau , que les Arabes appellent lèpre. Celle qui eil la lèpre des Grecs , efl nommée par les Arabes , albara nigra : c'efl une efpece de gale à un plus haut degré de malignité ; ainfi elle ne diffère de la gale que l'on voit communément , que par l'intenfité des fymptomes. Voye\ Gale , I-EPRE, E LE 107 La lèpre des Arabes efî encore plus violente que celle des Grecs. De toutes les maladies dans lefquelles les tégumeris font affectés de différens genres de pullu- les , de tubercules , d'ulcères , il n'en efl point qui réunifie autant de ces divers maux , & qui afie&e fi généralement toutes les parties du corps , d'une manière fi hor- rible & fi digne de compaffion en même temps , que Yéléphantiafe ; ce qui l'a fait regarder comme un chancre univerfel par ./Eginette (lib. /K.) , & par prefque tous les auteurs qui l'ont décrite après lui. On lui a donne le nom Yéléphantiafe y foit parce que cette maladie efl aufîi .grande par la nature de fes fymptomes , & auffi forte par la difficulté de la guérir , entre toutes les autres maladies connues , que l'éléphant fuf- pafîe en grandeur & en force tous les autres* quadrupèdes ; foit parce que ceux qui font affectés de cette efpece de lèpre ont le corps & les extrémités inférieures- fur-tout tuméfiées & fi roides , qu'ils ne peuvent pas les plier : ce en quoi on les comparoit aux éléphans , dont les anciens croyoient les jambes fans jointures ; foit parce que cette maladie rend la peau gonflée , rude , iné- gale , ridée , couverte d'écaillés , de tubé- rofités , avec un grand nombre de fentes fillonnées & de crevaffes , comme l'efî celle des éléphans. Cette dernière raifon paroît la plus vraifemblable. On lui a auffi donné , félon Galien , dans fon livre de. Tumoribus 9 cap. xiv , le nom de faty- ryafmum y parce que lorfqu'elle commen- ce , elle rend les malades extrêmement las- cifs , & par-là femblables à des fàtyres * ou parce qu'elle défigure le vifage , & lui donne quelque reffemblance avec la figure fous laquelle on repréfente les fatyres. On la défigne aufîï par le nom de leontiajis ,* il efl tait mention de ce nom dans Aëtius > tetracl. 4, parce que ceux qui en font afFe&és ont le front chargé de grofîes rides f Palpée! furieux , effrayant , comme le lion : en forte que ce mal efl auffi cruel que cet animal. On l'appelle encore le mal de faint Lazare , parce qu'on le croit le même que celui du mendiant nommé Lazare , tout couvert d'ulcères , dont il efl fait mention dans l'Évangile. Cette cruelle maladie ne paroît pas tout O 2. ïoS E L E d'un coup dans toute fa force , lès Symptô- mes ne femblent naître que par degrés : car avant que les parties extérieures {oient affectées , les malades fe fentent une pe- fanteur de corps qui les engourdit & les rend lents à fe mouvoir , font fujets à la conftipation , leurs urines font femblables à celles des bêtes de fomme , leur haleine devient forte , la peau des joues s'épaifîlt , il s'élève des tumeurs dures fur le vilage & principalement fur le front ; & lorique le mai augmente plus considérablement , il fè forme des tubercules & des pullules fur toute la furface du corps. * Il y a fix fymptomes , félon Gui de Chauliac , ( mag. chirg. tract. 6. ) qui cons- tituent des lignes caractériffiques de Yele- phantiajis ; lavoir , la rondeur des yeux & des oreilles , la dépilation , l'épaifïèur , & l'élévation de la peau des fourcils ; ta dilatation & la diftorfion des narines en dehors , & le refferrement de leurs cavités en dedans ; la mauvaife odeur des lèvres , & la voix rauque , comme lorfqu'oa parle du nez ; la puanteur de la bouche & de toute la perfonne j le regard fixe & qui fait horreur. Le même auteur rapporte encore feize autres fignes équivoques de cette mala- die , dont voici les principaux : la peau fe hérifîê d'inégalités en forme d'écaillés ; il s'en fépare une grande quantité qui renaît bientôt après ; le fentiment qui eft d'abord beaucoup émouffé dans les extrémités in- férieures , avec des crampes continuelles , fe perd à la fuite entièrement > enforte qu'il ne peut prefque pas être excité par la piquure faite avec des aiguilles quoi" que enfoncées profondément ;r la peau en général devient infenfible par degrés , au point de ne relTentir à la fin aucune douleur , même par l'afperfion de l'eau bouillante qui glifife defllis comme fur un corps onctueux. Les cheveux tombent aulli bien que les poils des ailfelles , des aines , & il renaît à la place une efpece de duvet : les lèvres font enflées , épailîès , les gen- cives rongées , la langue , le pakis , les oreilles fe garnilfent d'une infinité de petits grains comme des durillons ; une foif ar- dente tourmente jour & nuit ; & félon }a delcription qu'Arctée donae ,de cette E L E maladie {lib. IV, cap. xlîj) , la ?ace > les cuilfes , les jambes s'enflent d'une manière énorme , & quelquefois tout le corps , en forte que les doigts des pies , même ceux des mains font enveloppés & cachés fous l'enflure : enfin lorique le mal eff au fuprême degré , les tubercules s'exulcerent dans toutes les parties du, corps -y les bords des ulcères deviennent calleux , & cependant très - tendres &; fufceptibles de donner du fang par la moindre irritation ; il s'en forme fouvent dans l'intérieur de la bouche , dans le gofier ; il s'y répand un pus de mauvaiie qualité, une finie, qui font de très-mau- vaife odeur ; & le corps ainfi affecté dans, toutes fes parties , ne paroît bientôt plus que couvert d'un- feul, ulcère comme uru chancre urtiverfel ; jufqu'à ce que la fièvre lente qui fe joint inévitablement à tous ces fymptomes , & la pourriture de toutes. les parties tant internes qu'externes , aient; rongé & confommé jufqu'aux os la fubf»- tance des. miférables qui font dans un fi, trille état, & leur aient ôté le peu de vie qui reftoit encore dans leur corps, changé en affreufe charogne ,. quelquefois, long - temps même avant la mort ; car malgré tant de maux qui font produits par cette maladie , elle ne laine pas d'être* ordinairement de longue durée ; elle doit par conféquent ,. félon Celfe , lib. IH >, cap. xxv [y être mife au nombre des chro-- niques h quelque violente qu'elle foit.. Telle eu l'hiftoire de cette maladie qui: porte un caractère de malignité exceffive & qui elf des plus contagieufes ; en forte- que ceux qui en font attaqués fe voient abandonnés de: tout le monde, même de leurs domeltiques & de leurs parens qui- craignent d'en approcher : c'elt en con- lequence qu'on a pourvu dans plufieurs états à leur fournir un afyle où ils puiC- fent fe mettre & finir leurs jours malheu- reux dans des hôpitaux ( dits de faint Lazare) , fondés à cet effet ; on les oblige à fe féparer de la fociété & à s'y renfermer dès qu'ils font déclarés tels ; d'autant plus que Y éléphantias fe commu- nique aiiement par le commerce ordinaire de la vie, lùr-tout li l'on couche avec ceux qui en (ont infeftés , & par ]& coït ; ÎLE iofflme ïe rapporte Gordon , Lib. T, cap. Sxijt ce qu'il confirme par plufieurs exem- ples : il peut être aufli héréditaire. C'eft mal-à-propos qu'on a voulu con- fondre Y éléphamiafe ou lèpre des Arabes avec la vérole ; attendu que celle - là toute contagieufe qu'elle eft, peut _ aufli être contractée par le défaut de régime , par l'ufage de mauvais alimens félon le témoignage des anciens médecins : ce qui n'arrive jamais par rapport à celle-ci , qui ne fe communique que par contagion. jLa vérole commence îbuvent par l'affec- tion des parties génitales , Yéléphantiafe n'attaque jamais particulièrement ces or- ganes : cette maladie-ci rend les malades extrêmement lafcifs : c'eft tout le contraire à l'égard de celle-là : celle-ci eft le plus fouvent fufceptible de guérifon ^ celle-là ne l'eft jamais loriqu'elle eft confirmée , &c. Enfin , la lèpre des Arabes ou Yéléphan- tiafe eft une maladie à peine connue & vue en Europe dans ces derniers fiecles ,. & dont le traitement n'a point été appli- qué à .la vérole : V éléphantias eft endémi- que en Syrie & en Egypte ; il eft abfo- lument étranger dans la partie du monde que nous habitons , il n'y a été répandu que deux fois félon le témoignage des his- toriens & des médecins , & il s'y eft éteint en peu de temps. Pline dit , hifl. nat. lib. III , qu'elle étoit inconnue en Italie juf* qu'au temps du grand Pompée : Lucrèce donne à entendre qu'elle étoit particulière ^.l'Egypte, lib.lV^ JEfl elephas morbUs qui propter fia- mina Nili > Qignitur JEgypto in média] 3 neque prœterea ufquam. Ce qu'il y a de sûr, c'èft qu'elle a toujours été plus commune dans les pays chauds , & que quand l'Europe en a été infe&ée , fcs parties méridionales en ont plus fouffert que les feptentrionales : & en France elle s'eft aufîi fait plus fentir en Provence & en Languedoc , que dans le refte du royaume ; il confie cependant qu'elle s'eft aufîi répandue dans quelques endroits de l'Allemagne. Pomme la lèpre des Arabes & çejle des ÎLE 109 Grecs ne fêmblent différer qu'en ce que les fymptomes de la première font portés au plus haut point de malignité ; pour ne pas tomber dans le cas de la répétition , il eft à propos de renvoyer à Yarticle LEPRE ce qui refte à dire touchant les caufes , le pronoftic & la curation de Yéléphantiafe , qui n'eft le plus fouvent fufceptible d'aucun traitement, Voye\ Lèpre. Plufieurs- médecins Arabes ont aufîi entendu par le mot elephantiafis , une- maladie bien différente de la précédente, qui afFectoit fimplement les pies avec un gonflement confidérable & des varices dans ces parties ; comme il paroît par Avicenne ,.. Rhafis y Avenzoar & autres ; fur quoi voye\ Fuchfius , lib.. III, & Foreftus r, lib.. XXIX. (d), ELEPHANTIN,adj. (Hifl:) qui appar- tient à. l'éléphant ,. ou qui en a les., qualités.. Ce mot fe dit principalement dé. certains^ livres des anciens Romains.. Dans quelques-uns de ces livres étoient enrégiftrés tous les.acles du fénat & des magiftrats de Rome : en d'autres , tout ce- qui fe pafïbit dans les provinces & dans les armées , &c. Il y en avoit outre cela 3 > gros volumes autant que des tribus , où' étoient marquées la naiffance & les claffes des citoyens. On les renouveiloit tous les cinq ans à chaque nouvelle, élection des. cenfeurs ; & on les gardoit tous dans le ..- tréfor public, au temple de Saturne. Il y en a- qui croient que ces livres avoient été. nommés éléphantins par rap- port à. leur énorme volume ; d'autres parce qu'ils étoient faits de. tablettes d'ivoire*. Chambers. (G) \ ELEPH ANXINE , flûte inventée par les Phéniciens. On conjecture qu'elle étoit d'ivoire ; & que c'eft de là que lui vient le nom à'éléphantine. (F.D. C.) j ELEPHAS , fub. f. ( Hifl. nat. bot. ) genre de plante à fleurs monopétales, anomales, tubulées & faites en forme de mafque dont la lèvre fupérieure refîemble en quelque façon à la trompe d\m élé- phant , & l'inférieure eft découpée. Il fort, du calice un piftil qui entre comme un çiou &u*s la partie joûérkvire. de. la fieur ^ rro E L E & qui devient dans la fuite un fruit divife en deux loges qui renferment des femen- ces oblongues pour l'ordinaire. Tournefort , Infi. rei. herb. corol. Voyez PLANTE. (I) ELETTE , f. f. ( cordonnier. ) eft une bande de cuir de la largeur du pouce , qui fe met en dedans du ibulier autour de l'em- peigne pour la renforcer. ELEVATION, Y. ï. (Aflron.) V élé- vation d'une étoile ou d'un autre point dans la fphere , en Aftronomie , eft un arc de cercle vertical compris entre cette étoile ou cet autre point & l'horizon. Voye\ Vertical. Ainii comme le méridien eft un cercle vertical , Y élévation ou hauteur méridienne , c'eft-à-dire, V élévation d'un point fitué dans le méridien , eft un arc du méridien intercepté entre ce point & l'horizon. V. Méridien. Elévation du pôle marque la hauteur du pôle fur l'horizon d'un lieu , ou un arc de méridien intercepté entre le pôle & l'horizon. Voye\ POLE. Ainfi , ( Planch. Aflronom. fig. 4. ) A Q étant fuppofé l'équateur , H R l'ho- rizon , H Z P N le méridien , & P le pôle, P R eft Y élévation du pôle. Dans ce fens le mot élévation eft oppofé abaiffement. Voye\ ABAISSEMENT. \J élévation du pôle eft toujours égale à la latitude du lieu , c'eft-à-dire , que l'arc de méridien intercepté entre le pôle & l'horizon eft égal à l'arc du même méridien intercepté entre féquateur & le zénith. Ainfi le p°ole boréal eft élevé fur l'ho- rizon de Paris de 48 d. 50' , & il y aie même nombre de degrés entre le zénith de Paris & l'équaceur ; de forte que Paris ie trouve à 48 d. 50' de latitude boréale. Voye\ LATITUDE. Pour trouver Yéléva- lion du pôle d'un lieu , voye\ POLE & Latitude. \J élévation de Péquateur eft un arc du méridien moindre qu'un quart de cercle , intercepté entre l'équateur & l'horizon du lieu. Voye\ EQUATEUR. Ainfi , A Z repréfentant comme ci- deflus l'équateur , H R l'horizon , P le pôle, & H Z P N le méridien; H A fera l'élévation de l'équateur . Voye\ EQUA- TEUR. ELE ' _ Les élévations de l'équateur te du poîe jointes enfemble , forment toujours un quart de cercle , & par conféquent plus l'élévation du pôle eft grande , moins celle de l'équateur doit l'être , & réci- proquement. Ainii dans la figure que nous avons déjà indiquée , P A eft fuppolé par la conftruction un quart de cercle , & A H -f- A P -\- P R , un demi-cercle , & par conféquent H A -+- P R, un quart de cercle. Trouver /'élévation de Véquateur. Trou- vez Y élévation du pôle , de la manière in- diquée à l'article POLE ; fouftrayez Y élé- vation trouvée d'un quart de cercle ; ou de 90 d. ce qui reftera , fera Y élévation de l'équateur. Ainfi Yélévation du pôle à Paris , fivoir 48 d. >o' , étant fouftraite de 90 d. le refte donne 41 d. 10' pour Yélévation de l'équateur au même lieu. Angle d'élévation en Méchanique , c'efî l'angle R A B , ( Planch. de Méchan. fig. 47') compris entre la ligne de di- rection A R d'un projectile , & la ligne horizontale A B. Voye\ PROJECTILE & Angle. Elévation d'un canon & d'un mortier, c'eft l'angle que l'axe du canon ou du mortier fait avec le plan de l'horizon. V". Canon ù Mortier. ( O) ÉLÉVATION , en Hydraulique , fe dit de la hauteur à laquelle montent les eaux jailliffantes ; elle dépend de celle àes réfer- voirs & de la jufte proportion de la fortic des ajuftages avec le diamètre des tuyaux de conduite. Les jets font afFoiblis par l'air ou l'a>th- moiphere qui les entoure , ce qui fait qu'ils ne s'élèvent jamais aufli haut que leur réfervoir. Première Formule. Connoitre la hauteur des réfervoirs par rapport à celle des jets. L'expérience a appris qu'un jet renant d'un réfervoir de $ pies de haut mon- toit un pouce de moins , & qu'il falloit compter Yélévation des jets , de 5 pies en 5 pies , & prendre le quarré du nombre de fois que 5 eft contenu dans cette élé- vation , ce qui fera connoitre la havttur. E L Ë que doivent avoir les réfervoirs -pouf que les jets ne perdent rien de la hauteur propofée. Ainfi , comme un jet de oo pies de haut a 12 fois $ dans fon nombre , on prendra le quarré de 12 qui efl 144 ; ce fera des pouces que l'on écrira à la fuite 'des 60 pies réduits en pouces qui font 720; ainfi ce jet , pour conferver la hauteur de 60 pies , demande un réfervoir élevé de 864 pouces , ou 72 pies. Les eaux de décharge & de fuperficie , de quelque hauteur qu'elles viennent , ne font que rouler dans les tuyaux , & que baver dans les baflins d'en bas ; il faut de la charge à une conduite pour élever le jet d'eau , & que le tuyau foit bien plein. La hauteur d'un jet efl plus difficile à déterminer par rapport à celle du réfer- voir ; parce que plus il eft élevé , plus il trouve de réliitance dans l'air. Les défauts des jets ou leur différence de hauteur avec celle des réfervoirs font dans la raifon des quarré s des hauteurs des mêmes jets : il faut donc connoître la hauteur du réfervoir , en fuppofer une pour le jet demandé , ou en fixer une générale dans tous les calculs. Seconde Formule. Connoître la hauteur d'un jet par rapport à celle du réfervoir. Il réfulte de la règle précédente , de compter V élévation des jets de 5 pies en 5 pies , & prendre le quarré du nombre de fois que 5 efl contenu dans cette élé- vation P que la hauteur marquée de 864 pouces pour le réfervoir d'un jet de 6c pieds de hauteur , efl compofé de deux parties : i°. de la hauteur du jet : 2°. du quarré du quotient qu'on auroit en divilànt la hauteur du jet ( fi on la connoiiïbit ) par 60 pouces , valeur des 5 pies de la règle , c'efl-à-dire , que 5 eft douze fois dans 60 , 6 que 12 eft le quotient : eniuite fi l'on quarré le quotient & qu'on ajoute fon pro- duit qui efl ici de 144 pouces à la hauteur 720 qu'on a fuppofée pour le jet , on trou- vera fûrement la hauteur du jet demandée , en augmentant ou diminuant cette hauteur fuppofée jufqu'à ce qu'on foit arrivé pré*- cifément à celle du réfervoir , qui a été propofée de 864 pouces ou 72 pies. (K) Elévation des puissances» (Arithmétique.) Voye\ ELEVER. Elévation , en Phyfique , c'eft lé mouvement d'un corps qui va de bas en haut , ou l'action par laquelle un corps s'éloigne continuellement de la terre. V» Mouvement. En ce feus , ce mot efl oppofé à defcente. Voye^ DESCENTE. Les Péripatéticicns attribuent l'élévation: fpontanée des corps à un principe de légèreté qui leur efl inhérent. Voye\ Légèreté. Les modernes nient qu'il y ait une légè- reté fpontanée , & prouvent que tout ce qui monte , le fait en vertu de quelque impulfion extérieure. C'eft ainfi que la fumée & d'autres corps raréfiés montent dans Pathmofphere ; & que l'huile , les bois légers s'élèvent au deffus de l'eau p non pas par quelque principe extérieur de légèreté , mais par l'excès de pelanteur des parties du milieu où ces corps fè trouvent- V. Pesanteur , Milieu, Athmos*. phere , Fluide , ùc L'élévation des corps légers dans un mi- lieu pefant , efl produite de la même ma- nière que I 'élévation du baflin le plus léger d'une balance : ce n'efl pas que ce baflin ait un principe intérieur par lequel il tende immédiatement en haut ; mais il y efl poufîe par la force du contre-poids de l'autre bauln,' l'excès du poids de l'un produifant cet efFec par l'augmentation de là tendance en en- bas. Voye\ Ceci plus approfondi ou éclairci aux articles PESANTEUR SPÉCIFIQUE , Fluide , Balance hydrostati^ QUE , &c. Elévation des corps fur des plans in- clinés. Voyez-en les loix à l'article PLANj INCLINÉ. L'élévation ou Yafcenfion des fluides. s'entend particulièrement de l'action par laquelle ils montent au defîùs de leur pro- pre niveau entre les furfaces des corps qui approchent fort d'être contigus , ou dans les tuyaux de verre capillaires , ou dans les vaifièaux remplis de fable , de cendre, ou d'autres femblablcs fubflances poreiifes. V, Fluide. Cet effet arrive aufii-biea dans le -vuidf fi» E L E qu'en plein air , dans les tubes recoures r que clans les droits : quelques liqueurs , comme l'eiprit-de-vin & l'huile de térében- thine,montent plus vite que d'autres liqueurs. & quelques-unes s'élèvent d'une manière dif- férente des autres. Le mercure ne s'élève point du tout au deffus de l'on niveau , au contraire , il defeend au delfous. On a parlé plus au long du phénomène des tuyaux capillaires & de Tes cauies , à i * article CAPILLAIRE. A l'égard des plans ; deux plaques de verre , de métal , de pierre ou d'autre ma- tière , bien unies & bien polies , étant dif- pofées de manière qu'elles ioient prefque contiguës , elles produiront l'effet de plu- fieurs tubes capillaires parallèles , &: les rlui- des s'élèveront entre ces plans de la même manière que dans les tubes. On. peut dire la même chofe d'un vaifieau rempli de fable , &c. la multitude des petits interfa- ces dont il elt. parfemé , forme , pour ainfi dire , une efpece de tuyau capillaire : c'eft le même principe qui a lieu dans tous ces cas ; & c'eft. vrailèmblablement à cette même caufe que l'on doit attribuer l'al- cenfion de la fève dans les végétaux. Voy. Végétation. Elévation des vapeurs. Voye\ EvAPO- ration , Nuage ou nuée , Vapeur. (O) Elévation , (Akhymie.) Les Alchy- miftes nomment ainfi les opérations par lef- quelles ils fubtilifent ou atténuent certaines fubftances , féparent la partie fpiritueufe de celle qui elt plus grofliere , la plus légère de la pefante , celle qui elt fluide de celle qui elt fixe ; ce qui revient , en langage ordi- naire , a la fublimation & à la diltillation. Voye\ Sublimation & Distilla- tion. ( — ) ÉLÉVATION , terme de Chirurgie , mouvement des doigts par lequel le chi- rurgien incife fuffifamment la veine & la .peau dans l'opération de la faignée. Voy. Phlébotomie. \? élévation le fait en retirant la lan- cette qu'on a introduite dans le vaifleau. Il n'y a que le tranchant fupérieur de la lancette qui coupe , lorfqu'on lait ^éléva- tion ; quand on ne fait pas ce mouvement , ^'ouverture de La peau n'étant pas fi grande E L E que I incifion de la veine , il s'amafle (Ju (àng autour du vaifleau ibus la peau , ce qui forme une tumeur nommée trombe-. Voyez ce mot. L^ne lancette à grain d'orge difpenfe de faire une élévation ; mais cette lancette ne convient que pour les vaiffeaux qui font gros & fuperficiels. Voye\ LAN- CETTE. (Y) Elévation , (Coupe des pierres.} Voye\ Orthographie. ÉLÉVATION , à la mejfe > ( Théol. & Hifi. eccléf. ) marque cette partie de la mefle où le prêtre élevé l'holtie & le calice plus haut que la tête , afin de faire adorer au peuple le corps & le lang de N. S. J. C, après la confécration , & après qu'il les> a lui-même adorés par une profonde génuflexion. Carloitad ôta Y élévation de la meflê ; &: Luther la retint d'abord , mais enfuito il la fupprima. M. Chambers prétend , mais fans citer aucune autorité , que faint Louis elt le premier qui ait ordonné qu'à Y élévation on fe mît à genoux , à l'exemple de cer- tains religieux qu'il ne nomme point. Ce qu'il y a de certain , c'elt que dans les anciennes liturgies , & en particulier dans le lacramentaire de faint Grégoire , on ne voit point d'autre élévation de l'holtie , que celle qui fe fait à la fin du canon , en difant per ipfum & cum ipfo & in ipfo ,• ce qui n'empêche pas que l'adoration aujourd'hui en ufage à Yéléva- tion ne foit bien fondée , puilqu'il elt de foi qu'au moment que le prêtre prononce les paroles de la confécration , le corps & le lang de Jéfus-Chrilt fe trouvent réelle- ment prélens fous les efpeces du pain & du vin : ce qui fuflit pour lui attirer l'ado- ration des fidèles ; car c'en1 principalement? par le dogme qu'il faut juger des cérémo-« nies. ( G ) ÉLÉVATION, (Mufiq.) ar/is. Uéléva- tion de la main ou du pie , en battant la mefure , fert à marquer le temps foible & s'appelle proprement levé. C'étoit le con- traire chez les anciens. L 'élévation de la voix en chantant elt le mouvement par lequel on la porte à l'aigu. (S) ELÉVATOIRE, f. *m. infiniment de Chirurgie dont on fe fert pour relever le* E LE les os 3u cfâne , qui déprimés ou enfoncis par quelque coup ou chute , compriment la dure-mere ou le cerveau. On trouve dans les anciens la defcription & la figure des élévatoires , dont on faifoit ufage de leur temps , & que la Chirurgie moderne a profcrits, parce qu'on couroit un rifque évident d'enfoncer les os qui dé- voient foutenir l'effort de ces inftrumens. Ceux qui font actuellement le plus en ulage , font des leviers de la première efpece , dont le point d'appui eft au milieu , le far- deau à une extrémité , & la puifîânce à l'autre. La longueur d'un élévatoire eft d'un demi- pié ; fa compofition eft de fer très - poli , relevé de pommettes dans le milieu ; les deux extrémités forment chacune une bran- che courbée à fens oppofé , ce qui fait un inftrument double. Ces branches font diffé- remment courbées ; les unes étant prefque droites , les autres un peu courbes , & quel- ques-unes fort coudées , parce que le coude fert quelquefois de point d'appui. Le bout de chaque branche eft arrondi ou ovale aux uns , quarré aux autres. Le dedans de l'ex- trémité de chaque branche eft garni de petites cannelures rranfverfales qui font faites comme de petits bifeaux couchés les uns fur les autres» Voye\ les fig. ify & * 5 , PL XVI. La main doit être la force mouvante & !e point d'appui des élévatoires dont on vient de faire la defcription , parce qu'en appuyant le levier fur la partie de l'os oppofée à celle qu'on veut relever > on ï'écraleroit fi elle réfiftoit beaucoup ; & en Tenfonceroit fur la dure - mère , fi elle ofrroit peu de réfiftance. Pour fe fèrvir de cet inftrument , on l'empoigne avec les quatre doigts de la main droite par le milieu de fon corps , le pouce appuyé à roppofite , on paffè enfùite l'extrémité antérieure fous la pièce d'os qu'on veut relever, obfervant d'appliquer les petits bifeaux contre fà partie intérieure : le doigt index fèrt de point d'appui dans l'action de relever l'os enfoncé : il faut foutenir exté- rieurement avec les doigts de la main gauche la portion d'os fous laquelle ['élé- vatoire agit. Feu M. Petit , fâchant que la main qui Tome XI L i ELE rrj a àfTez de force pour l'opération dont on parle , peut n'avoir pas affez de fermeté & de précifion pour empêcher que le bout de Y élévatoire ne s'échappe , ce qui pour- roit occafioner des accidens , a fait conf* rruire un nouvel élévatoire 9 dont la main n'eft point l'appui. Il s'agiffbit de trouver fur le crâne un appui pour le levier , le plus près qu'il eft poffible de l'os qu'il faut relever , & il falloit que cet appui fût fur un plan folide pour foutenir fans fe rom- pre l'effort qu'on fait pour relever l'en- fonçure. Dans ces vues , M. Petit a fait fabriquer1 un chevalet (PL XVII, fig. z.) dont les deux jambes appuient fur le crâne ; on leur donne le plus de furface qu'il eft poffible pour rendre l'appui plus ftable , & afin que l'effort que l'os doit fbutenir foit partagé fur une plus grande étendue de fa furface. Ces extrémités font garnies de chamois , tant pour les empêcher de glifler que pour qu'elles ne faflent aucune impreffion fur l'os. A la fommité du che- valet Ce trouve une entaille (fig. z y n°. z.) qui reçoit une petite pièce de fer terminée en vis. Cette vis (fig. z , n°. 3. ) eft des- tinée à entrer dans des trous taraudé» ui font à là furface de deiTous le levier fig* z y n°. 4. ) ; par ce moyen , le levier eft fixé fur le chevalet par une charnière qui permet les mouvemens de bafcule. Si à raifbn d'un grand fracas d'os ou du peu d'étendue de la plaie , il étoit impof- fible de placer le point d'appui fur les os découverts , on a un plus grand chevalet dont les branches peuvent s'appuyer au delà des bords de la plaie. Voye\ la figure de ce nouvel élévatoire , Plane. XVII 9 fig. z y n°. 1 : on en trouve la defcription plus étendue dans le premier volume des mêm. de Vacad. de Chirurg. Cet inftru- ment a paru fufceptible d'être perfectionné. On voit dans le fécond volume des mé- moires de la même académie , des remar- ques fur la conftrudion & Pufàge de Yelé- vatoire de M. Petit, par un autre acadé- micien. ( Y~) ELEVE, f. m. (Philofoph. & Arts.) celui qui eft inftruit & élevé par quelqu'un , qui eft formé de la main d'un autre dans quelque art ou dans quelque feience. Oti P ii4 ELI donna ce titre à Paris , lors de la fondation des académies des Sciences & des Infcrip- tions , aux fujets qui y étoient agrégés , & qui travailloient de concert avec les pen- sionnaires. Mais ce mot 8 élevé fignifioit feulemeat moins d'ancienneté , & une efpece de furvivance ; cependant on lui a fubftitué depuis celui ^adjoint ? qui eft en effet beaucoup plus convenable. On peut voir au mot ACADÉMIE , par quelle raifon ce titre mal Tonnant d'élevé fut fupprimé. On a mieux fait encore dans l'académie des Infcriptions que dans celle des Sciences ; on n'y a point fait de clafïè d'adjoints , & en général l'on a confèrvé beaucoup plus d'égalité dans la première de ces académies , que dans la féconde ; cependant cette égalité fi précieufe & fi effentielle dans les compagnies littéraires , n'eft parfaite que dans l'académie françoifè ; les grands feigneurs fe trouvent honorés de n'y être admis qu'à titre de gens de lettres , & de s'y voir placés à coté des Voltaire , des Montesquieu , des Fontenelle , &c. Il n'y a dans cette compagnie ni élevés y ni adjoints, ni aflbciés , ni penfionnaires , ni honoraires ; on y eft perfuadé que les vrais honoraires d'une académie , font ceux qui lui font honneur par leurs taiens & par leurs ouvrages ; que tout le monde y eft élevé , ou que perfonne ne l'eft , parce qu'il n'y a perfonne , ou du moins qu'il ne doit y avoir perfonne qui n'y reçoive & qui n'y mette tout à la fois; que les penfions attachées à certains grades , & que îes^difFerens grades eux-mêmes ont de très-grands inconvéniens , font nuifibles à l'égalité , à la liberté , à l'émulation , à l'u- nion , & aux égards réciproques. Le nom d'élevé eft demeuré particuliè- rement conftcré à la Peinture & à la Sculpture ; il lignifie un difciple qui a été inftruit & élevé dans l'école -d'un célèbre artifte : c'eft pourquoi on fe fert du mot d'école pour défigner les élevés d'un grand peintre ; & on dit dans ce Cens , l'école de Raphaël } du Titien , de Rubens. Voye\ ECOLE, & l'article fuivant. (O) ELEVE y f. m. terme de Peinture. Elevé & difciple font fvnonymes ; mais le dernier de ces termes eft ordinairement d'ufage •gpur les feiences , & le premier pour les elî arts. On dit , Platon fut difciple de Socrate , & Apelle fut élevé de Pamphile. Il feroit à fouhaiter que les philofophes ne fuflent difciples que de la fageffe & de la raifon , & que les peintres ne fufîént élevés que de la nature , il y auroit moins d'artiftes & de philolbphes ; peut-être la philofophie & les arts n'y perdroient-ils pas : cependant il faut avouer qu'un maître habile & intelli- gent qui abrège la route épineufe des con- noifTances qu'il pofTede , & qui forme de bonne-foi un difciple ou un élevé, fans craindre de fe créer un rival ou un fupé- rieur , procure un avantage ineftimable. Le bien qu'il fait feroit au defïus de tout éloge , s'il y ajoutoit celui de féparer des lumières qu'il communique , les préjugés qui lui font propres , & qui n'appartien- nent pas au fond de la feience qu'il enfei- gne ; mais il eft rare de trouver un maître afîez éclairé & allez généreux pour cela. \JéUve qui fe deftine à la peinture ne fauroit commencer trop tôt à apprendre les élémens d'un art dont l'étendue eft immenfe. Les progrès doivent être fort rapides pour échapper au temps qui les ralentit & les arrête. C'eft le feu de la jeuneffe qui doit mûrir des fruits pour lef- quels l'automne eft fouvent trop froide & dangereufe. Raphaël mort à trente-fix ans n'avoit plus rien à faire pour être le premier des artiftes. Cette vérité doit engager les élevés à employer avec vivacité , aux études nécei- faires à la pratique de leur art , le temps précieux de la pr«miere jeuneffe, puifque c'efr. alors que les organes dociles fe fou- mettent aifément au joug de l'habitude. L'ordre qu'il faut mettre à ces études , ell l'objet intéreflant du maître : l'élevé 9 fait pour fclaiffer conduire , eft une plante dont celui qui la cultive doit répondre. Au refte , j'ai tracé au mot DESSIN une partie do la route qu'on doit faire tenir au jeune éle*'e : l'obéifTance & la docilité font les devoirs qu'il doit pratiquer ; & l'on peut tirer des préfages plus juftes & plus favo- rables de ion exactitude à les remplir , que de ces defirs fuperficiels ou de ces fuccès prématurés qui font concevoir des efpéran- ces qu'on voit fi fouvent trompées» C'tft article eji de M, IVatelei\ E L E ÉLEVER , EXHAUSSER , fynonym. Le premier s'emploie au propre & au figu- ré ; élever une muraille , élever foh efprit. Le fécond ne Ce dit qu'au propre , exhauf- fer un plancher , un bâtiment : mais par Une bizarrerie de notre langue , relever & rehauffer fe difent tous deux au propre & au figuré : on relevé une chofe tombée , on rehaujfe une chofe qui eft trop baffe ; on relevé le mérite , on rehaujjè le courage. Art. de M. le Chevalier de JA uco urt. ÉLEVER , v. act. terme d'arithmétique & d'algèbre. On dit qu'on élevé un nombre au quarré , au cube , a la quatrième puif- fance , &c. lorfqu'on en prend le quarré , le cube , la quatrième punTance , &'c. ainfi 2 élevé au quarré donne 4 > au cube donne 8 , &c. Voye\ QUARRÉ , Cube , Puissance, le mot iïélever s'emploie dans ces occafi»ns , parce que les nombres dont on prend le quarré , le cube , Çfc. augmentent par cette opération. Cependant on fe fert aufîi du mot élever lorique la puiffance eft moindre que l'unité , & que par conféquent le nombre diminue par l'opération. Par exemple , on dit élever à la puiffance \ , 7 , pour dire prendre la racine quarrée , la racine cube } &c. Voy. Puissance 6 Exposant. On fe fert auffi du mot élever au qvarré ', au cube , en parlant des fractions , quoique par cette opé- ration les fractions diminuent , ainii \ élevé au quarré , donne ? ; élevé au cube , donne |. C'eft ainfi qu'on fe fert du mot multipli- cation dans les cas même où le produit eft moindre que le multiplicande. V. MULTI- PLICATION ; Voye\ auj/i DIVISION. Des définitions exactes & préeffes lèvent en ce cas toute l'équivoque. ( O ) Elever, s'Élever, (Marine.) un vaiffeau qui s'élève , c'eft-à-dire qui fait route pour s'éloigner de la côte & prendre le large. Il fe ditaufli lorfqu'on veut tenir le vent & aller au plus près. 'On dit s'élever en latitude , lorfque l'on fait route au nord ou au fud , ou à tel autre .air de vent qui n'eft pas précifément l'eft ou l'oueft. (Z) ÉLEVER , (Jardinage. ) La manière d'é- lever les jeunes plantes , confifte dans les différens foins qu'on en doit prendre. Ces foins confiftent en trois chofes , dans E L E j 1 y ' les labours , dans les arrofemens , & dans la manière de les conduire les premières années. Voyez LABOURS , ARROSER & ÉMONDER. (K) ELEUSINIES, f. pi. f. (Hifi.ane.) myfteres de la déefïè Cérès , ou cérémo- nies religieufes qui (è pratiquoient en ion honneur : on les nommoit ainfi tiÊleufii ville maritime des Athéniens , où étoit le temple de cette cléefTê , fameux par la célo-' bratton de ces myfteres. Quelques autours appellent la ville cù Ce. célébroient les éleufinies , Éîeulme , & non Eleufis. Harpocration confirme cette ortho- graphe , en faifant venir ce nom d'Êleu- Jinas fils de Mercure , & Paufanias dans lès Attiques fè déclare aufii pour ce fènri- ment. D'autres croient que cette ville avoit été nommée de la forte , d'un mot grec qui lignifie arrivée 9 parce que Cérès après avoir couru le monde pour troitver fa fille , s'y arrêta , & y termina Ces recherches. Die- • dore de Sicile , li'v. V, prétend que le nom & Eleufis lui avoit été donné pour fervir de monument à la poftérité ; que le bled &. l'art de le cultiver étoient venus dans' l'Afrique des pays étrangers. Les éleufinies étoient chez les Grecs les cérémonies les plus fqlemnelles & les plus facrées , d'où vient qu'on leur donna par excellence le nom de myfteres. On pré- tendoit que Cérès les avoit inftiruées elle- même à Éleulîs , en mémoire de l'affection. & du zèle avec lefquels les Athéniens la reçurent : c'eit ainli qu'Ifocrate en parle dans fbn panégyrique ; mais Diodore de Sicile , dit , liv. VI, que ce furent les Athé- niens qui inftituerent les éleufinies , par re- connoiftànce de ce que Cérès • leur avoit appris A mener une vie moins ruftique & moins barbare ; cependant ce même auteur- rapporte la chofe d'une autre façon au pre- mier livre de fa Bibliothèque : " Une gran- » de fécherefle ayant , dit-il , caufé une » difette afrreufe dans la Grèce , l'Egypte n qui avoit fait cette année-là même une » récolte très-abondante , fit part de Ces » richefîès aux Athéniens. » Ce fut Érecthée qui leur amena ce convoi extraordinaire de bled * & en reconnoif* fance de ce bienfait il fut créé roi d'Athè- nes , & 11 apprit aux Athéniens les myfteres P z ut ELE de Cérès , & la manière dont l'Egypte les tékbroit. Cette relation revient afîéz à ce que difent Hérodote & Paufanias , que les Grecs «voient pris leurs dieux & leur religion des Egyptiens. Théodoret, liv. I. Grœcanic. affection. écrit que ce fut Orphée, & non pasEre&hée, qui fit cet établifïement , & qui inflitua en l'honneur de Cérès les folemnités que les Egyptiens pratiquoient pour Iiis. Ce fenti- ment eft confirmé par le fcholiafle fur l'Ai— celle d'Eurypide. La ville d'Eleufis où fè célébroient ces myfleres étoit fi jaloufe de cette gloire , que réduite aux dernières extrémités par les Athéniens , elle fe rendit à eux à cette feule condition , qu'on ne lui ôteroit point les éleujihies ; cependant ce n'étoient point des cérémonies religieufes particulières à cette ville , mais communes à tous les Grecs. Ces cérémonies , fuivant Arnobe & Lactance , étoient une imitation ou repré- fentation de ce que les Mythologiftes nous enfeignent de Cérès. Elles duroient pluiieurs jours , pendant lefquels on couroit avec des torches ardentes à la main : on facri- fioit plufieurs victimes , non feulement à Cérès , mais aufli à Jupiter : on faifoit des libations de deux vafes , qu'on répandoit l'un du côté de l'orient , & l'autre du coté de l'occident : on alloit en pompe àEleulis , en faifant de temps en temps des paufes où l'on chantoit des hymnes , &c l'on im- moloit des victimes ; ce qui fe pratiquoit non feulement en allant d'Athènes àEleuils, mais encore au retour. Au refle on étoit ©bligé à un fecret inviolable , & la loi con- damnoit à mort quiconque auroit ofé publier ces myfleres. Tertullien dans fon livre contre les Va- leminiens , rapporte que la figure que l'on montroit dans les eleufiniay & qu'il étoit fi expreffément défendu de rendre publi- que , étoit celle des parties naturelles de l'homme. Selon Théodoret , Arnobe & Clément Alexandrin , c'étoit la figure des parties naturelles d'une femme. Ces imputations peuvent être mal fon- dées , car où Tertullien , Arnobe & Théo- doret aYoiem-iis lu ces particularités } ELE puifqu'il n'y avoit rien d'écrit fur les mys- tères d'Eleufine ? l'auroient - ils appris de quelques initiés ? mais il n'y a pas d'exem- ple de la plus légère indiferétion fur ce point. Cicéron qui s'étoit trouvé à Athè- nes dans le temps que les myfleres d'Eleu- fine s'y célébroient , & qui n'étoit pas na- turellement porté à favorifer le fanatifme , lbupçonne feulement au commencement des_ Tufculanes , qu'on découvroit aux initiés la véritable hiffoire de Cérès & de la fille , & qu'on les obligeoit par la reli- gion du ferment à ne jamais révéler que ces deux prétendues déefîès n'avoient été que des femmes mortelles , de peur de décréditer par-là leur culte dans l'efprit du public. Le lendemain de la fête le fénat s'afTem- bloit à Eleufis , apparemment pour examiner fi tout s'étoit pafïé dans l'ordre. Il y avoit deux fortes d'éleufinies , les grandes 6k les petites : nous venons dé- parier des premières , les petites avoient été inflituées en faveur d'Hercule. Ce héros ayant fouhaité d'être initié aux premières éleufinies , & les Athéniens ne pouvant le fatisfaire , parce que la loi défendoit d'y recevoir les étrangers , & ne voulant cepen- dant rien lui refufer , ils inflituerent de nouvelles éleufinies auxquelles il pût affilier. Les grandes fe célébroient dans le mois boedromion , qui répondoit à notre mois d'Août ; & les petites au mois d'anthifte- rion , qui répondoit à notre mois de Janvier. On n'éroit admis à la participation de ces myfleres que par degrés ; d'abord on fe purifioit , enfuite on étoit reçu aux petites éleufinies } & enfin admis & initié aux grandes. Ceux qui n'étoient que des petites , s'appeiloient myftes ; & ceux qui étoient admis aux grandes , s'appeiloient e'poptes ou éphores y c'efl-à-dire infpec~ teurs y & il falloir ordinairement fubir une épreuve de cinq ans pour pafîér des petites éleufinies aux grandes. On fe con- tentoit quelquefois d'un an , & on étoit admis immédiatement après à tout ce qu'il y avoit de plus fecret dans ces cérémonies religieufes. Meurfius a fait un traité fur les éleufinies , dans lequel il établit la , plupart 4es faits que nous venons d'avancer. UE Quoiqu'on ne fâche pas précisément en ne peut être élu évêque fans une bulle d'éligibilité. (A) ELIMINER , v. ad. ( Algèbre. ) Quel- ques auteurs commencent a fe fervir de ce mot pour dire chajjer , faire évazouir ou difparoître d'une ou plufieurs équations une ou plufieurs inconnues. Ce mot a été formé du latin éliminare , qui efl beaucoup plus en ufage. Le mot éliminer eiï forgé aflez inutilement , puifque les mo:v chajjer > faire évanouir , faire difparoître , rendent: précifément la même idée. Voye\ ÉVA- NOUIR, Equation , Inconnue, àc ELINE , ( Mufiq. des anc. ) noi« donné par les Grecs à la chanfon des tiflèrands. Voye\ Chanson. (S) ELINGUE, f. f. (Marine) grotte corde dont on lie bien fortement las. deux bouts enfemble , de forte qu'elle forme le cerceau : enfuite on la lie par le milieu un coté contre l'autre , de forte qu'elle forme la figure d'un huit de chiffre compofé de deux boucles. On fe fert fur mer de cette corde pour embraffer & faifir les plus gros tonneaux de marchandifes , un bout par une boucle , & l'autre bout par l'autre boucle ; puis parlant un crochet entre les deux parties au milieu de la corde , on enlevé ces tonneaux du fond de cale à la faveur de la mourie , & on les met à port. Elingue à pattes , c'eft celle qui n'a point de nœuds coulans , mais deux pattes de fer :. on fè fert de celle-là pour tirer du fond de cale^ les futailles pleines. ( Z ) ELINGUET , LINGUET , f. m. (Marine) c'eff une pièce de bois qui tourne horizontalement fur le poat d'un, no ELI vaifïêau ; elle a ordinairement un pie & demi ou deux pies de longueur , & fert à arrêter le cabeftan , & empêcher qu'il ne dévire. Voye\ Mar. PL. IV. fig. i. n°. îO$. fa pofition. ELISEE , ( Hifl. facr. ) fils de Saphat , difciple & fucceflèur d'Elie , dans le mi- Jiillere de la prophétie , étoit de la ville d'Abel-Meula. Elie qui avoit reçu l'ordre de l'établir en fa place r l'ayant trouvé labourant la terre avec douze paires de bœufs , jeta fon manteau fur lui , & à l'inftant même Elifée prophétifa , quitta iâ charrue , & fuivit Elie. Celui-ci en diiparoiffant , lui ayant lahTé fon double efprit de prophétie & de miracle , Elifée s'en fervit d'abord pour féparer les eaux du Jourdain , & ce prodige le fit con- noître pour fucceflèur d'Elie par les enians des prophètes. Toute la vie de ce prophète ne fut qu'une fuite de miracles. Il rendit jàines & potables les eaux falées du Jour- dain ; il fit dévorer par des ours , des enlans qui fe moquoient de lui ; & une pauvre femme veuve , que fes créanciers pourfuivoient , trouva de quoi les fatis- iaire dans la charité du prophète , qui multiplia un peu d'huile qui lui reftoit. Enfuite il obtint à une femme ftérile de Suman , chez qui il logeoit , un fils qu'il r.effufcita quelques années après , appli- quant fon Corps fur le petit corps de l'en- fant. Il guérit aulïi de la lèpre Naaman , général du roi de Syrie , en le faifant baigner dans le Jourdain , & Giezi , fer- viteur du prophète , fut affligé du même mal , parce que , contre l'ordre de fon maître , il avoit reçu de ce feigneur des préfens. Bénadad , roi de Syrie , qui était en guerre contre le roi d'Ifraël , apprenant qu' Elifée révéloit tous fes defTeins , en- voya des troupes pour le prendre , lorf- qu'il étoit à Dothan ; mais le prophète les frappa d'une efpece d'aveuglement ; & les mena , fans qu'ils s'en appsrçuf- lerit , jufques dans Samarie. Quelque temps après le même "Bénadad ayant aflîégé cette ville , que la famine réduifit à la plus grande extrémité , Elife'e prédit la levée du fîege , & le retour de l'abondance , paffa enfuite à Damas , où Hafaël l'étant jrenu eonlulter fur la maladie de Béna- EL i dad fon maître , il lui annonça fa future grandeur , & prédit tous les maux qu'il devoit caufer à Ifraë'l. Il fît auiii facrer , par un de fes difciples , Jehu pour roi d'Ifraël , en lui ordonnant de la part de Dieu d'exterminer toute la maifon d'A- chab. Le prophète étant tombé malade , Joas roi d'Ifraël le vint voir , & Elifée lui prédit autant de victoires contre les Syriens , qu'il frapper oit de fois la terre de fon javelot ; & comme il ne frappa que trois fois , il ne remporta que trois vic- toires. Elifée ajouta que s'il fût allé jufqu'à cinq ou fix fois , il auroit entièrement ruiné la Syrie. Ce prophète mourut à Samarie âgé d'environ cent ans. Un homme que des voleurs avoient tué , ayant été jeté dans fon tombeau , & ayant touché {es os , reffufeita. (-+-) ELISÉES, voye\ Elysée s. ELISION, f. f. {Belles-Lettres.) dan* la profodic latine j figure par laquelle la confonne m & toutes les voyelles & diphtongues qui fe trouvent à la fin d'un mot , fe retranchent lorfque le mot fui- vant commence par une voyelle ou diph- tongue , comme dans ce vers : Quod niji & ajjiduis terrant infectabert rafiris , qu'on feande de la forte : Quod ni s' & | affidu I is ter\ r'infec \ tabere \ rafiris. Quelquefois Yélijion fè fait de la fin d'un vers au commencement de l'autre , comme? dans ceux-ci: Qiiem non ineufavi amens hominumqui deorumque , Aut quid in everfâ vidi crudelius urbe 9 qu'on feande ainfî : Que m non \ incu \ fav'a \ mens homi J numque de \ orum Quaut quid in \ ever \fâ> &c. On doit éviter les élijions dures , & elles le font ordinairement au premier & au fixieme pié> Quelques-uns 6 L I (Quelques-uns* prétendent que Yélijtàlt ef! une licence poétique ; tk d'autres , qu'elle eft abfolument néceiïâire pour l'harmonie. Les anciens Latins retranchoient aufli Y s qui précédoit une confonne , comme dans ce vers d'Ennius : Cur volito vivu' ( pour vivus ) per ora virûm. Us & Vm leur paroifîbient dures & rudes dans la prononciation , aufli les retranche- rent-ils quand leur poéfie commença à fe polir. La même raiion a déterminé les François à ne pas faire fentir leur e féminin , ou , pour mieux dire , muet , devant les mots qui commencent par une voyelle , afin d'éviter les hiatus. Kqyq HlATUS & BAIL- LEMENT. ( G) Dans notre poéfie françoife nous n'avons -d'autre élifion que celle de Ye muet devant une voyelle , tout autre concours de deux voyelles y efl interdit ; règle qui peut pa- roître allez bizarre , pour deux raifons : la première , parce qu'il y a une grande quan- tité de mots au milieu defquels il y a con- cours de deux voyelles , & qu'il faudroit donc aufli par la même raifon interdire ces mots à la poéfie , puifqu'on ne fauroit les couper en deux : la féconde , c'efl que le concours de deux voyelles efl permis dans notre poéfie , quand la féconde efl précédée d'une h afpirée , comme dans ce héros 9 la hauteur ; c'efl-à-dire que Yhiatus n'efl permis que dans le cas où il efl le plus rude à l'oreille. On peut remarquer aufli que Yhiatus efl permis lorlque Ye muet efl précédé d'une voyelle, comme dans immolée à mes yeux ; & que pour lors la voyelle qui précède Ye muet efl plus marquée. Immolé à mes yeux n'efl pas permis en poéfie, & cependant efl moins rude que l'autre : nou- velle bizarrerie. Nous ignorons fi dans la profè latine Y élifion des voyelles avoit lieu ; il y a apparence néanmoins qu'on prononçoit la profe comme la poéfie , & il efl vraifem- blable que les voyelles qui formoient Y éli- fion en poéfie , n'étoient point prononcées , ou l'étoient très-peu ; autrement la mefure & l'harmonie du vers en auroit fouffèrt /ènfibiement. Mais pour décider cette Tome XII* 1 t t rW quefliofî , il faudroit être au fait de la pro-. nonciation des anciens ; matière totalement ignorée. Dans notre profè les hiatus ne font point détendus : il efl vrai qu'une oreille délicate feroit choquée , s'ils étoient en trop grand nombre ; mais il feroit peut - être encore plus ridicule .de vouloir les éviter tout-à- fait : ce feroit fouvent le moyen d'énerver le flyle , de lui faire perdre fa vivacité , fa précifion & fa facilité. Avec un peu d'o- reille de la part de l'écrivain , les hiatus ne feront ni fréquens ni choquans dans fa profe. On afllire que M. Leibnitz compofa un' jour une longue pièce de vers latins , fans fe permettre une feule élifion ; cette pué- rilité étoit indigne d'un fi grand homme , & de fon fiecle. Cela étoit bon du temps de Charles - le - Chauve ou de Louis -le— Jeune , lorfqu'on faifoit des vers léonins , des vers latins rimes , des pièces de vers dont tous les mots commençoient par la même lettre , & autres fottifes femblables. Faire des vers latins fans élifion , c'efl comme fi on vouloit faire des vers françois fans fe permettre d'e muet devant une voyelle. M. Leibnitz auroit eu plus d'hon- neur & de peine à faire les vers bons , fuppofé qu'un moderne puifle faire de bons vers latins. Voye\ LATINITÉ. (O) * ÉLITE , f. f. ( Commerce ) fignifTe ce qu'il y a de meilleur ou de plus par/ait dans chaque efpece de marchandise. On dit des foies, des fils y des draps d'élite. Les marchandifes (Yélite font toujours plus chères que les autres. H a été tranfporté delà à d'autres ufages , & l'on dit auffi des hommes d'élite y &c. (G) ELITER , v. act. ( Commerce. ) prendre le meilleur d'une chofè. L'auteur du diction- naire de Commerce penfe que ce terme n'a guère lieu que parmi les petites marchandes des halles de Paris , comme de grofeilles , cerifes & autres fruits ; mais il efl d'expé- rience qu'il efl aufli ufité parmi les autres marchands , & que cette expreflion , vous élite\ ma marchandife y leur efl également familière. ( G ) ÉLITER , v. a£L {Jardinage.) c'eft choifir parmi les tulipes celles qu'il faut laifler graîner* ou celles qui s'étant portée^ Tit ELI à bien , font dignes d'être placées l'année ! fuivante parmi les belles. ( K ) *ELITROLDE, adj. prisfubft. (Anat.) c'eft la même choie que vaginale : ainii on dit la membrane élitroïde des teflicules , au lieu de la membrane vaginale. Voye\ Testicule. ELIXATION , f. f. en Pharmacie, &c. opération par laquelle on fait bouillir quel- que remède dans une liqueur convenable , & à petit feu ; c'eil la même choie que ce que ceux qui apprêtent à manger appellent étuvée. Ce mot eit formé du latin lixare _, bouillir , ou bouillir dans l'eau. La liqueur dont on fe fert ordinairement dans les élixacions , elf d'eau de fource ou de ri- vière , quoiqu'on s'y ferve auflî quelquefois de lait , de petit-lait , ou d'autres choies iembiables. Le but qu'on fe propoiè ordinairement dans les élixations , c'eil d'extraire la vertu du remède , & de la communiquer à la liqueur ,' quoiqu'on s'en ferve aufli quelque- fois pour dégager les parties des animaux , des plantes , Ùc. de leurs crudités , auffi- feien que pour les amollir , pour ôter aux alîmens & aux remèdes un goût déiagréable ou quelqu'autre mauvaife qualité , pour en féparer les parties terreufes & groffieres , & dans d'autres vues. Voye\ EXTRAC- TION. La décoction eit auffi une efpece Rélixa- tion. Voye\ DÉCOCTION. Chambers. ELIXIR, f. m. {Pharmacie & matière médicale. ) Le mot élixir dérive , félon quelques auteurs, du grec imu , je tire s parce que Y élixir fe fait en tirant la partie vraiment médicamenteufe des fimple's ; fé- lon d'autres de ccKi^a , je fecours y à caufe du grand fecours qu'on fe promet de ce remède ; d'autres enfin le font venir de l'arabe al-ecjir ou al-ekfir y qui fignifie Chymie : félon cette dernière étymologie le mot élixir fignirieroit une préparation chymique y un remède préparé chymi- quement. On entend par élixir , une liqueur ordi- nairement fpiritueufè , chargée , {oit par l'extraction , foit par la distillation , des parties médicamenteufes de plufieurs dro- gues } & deftinée à l'uiâge intérieur, Ce ELI remède n*eft donc proprement qu'une teinture compoiée ou un cfprit compofé {voye\ Teinture & Esprit;) mais on n'a donné le nom $ élixir à quelques- unes de ces préparations , que lorfqu'on a prétendu qu'étant prifes par gouttes ou par cuillerées , elles dévoient produire les effets les plus merveilleux dans la guérifon des maladies contre leiquelles les remèdes ordinaires iont le plus iouvent impuiffans ,. telles que la pelle , les nffeâions foporeufes , les poifons prétendus froids , l'épilepfie , & les autres maladies convuliives , la fyn- cope , la paralyfie , l'impuifîance , la fup-* preilion des règles , la fièvre quarte , &c. iàns compter les digeflions languiffantes y les défauts d'appétit; en un mot , quand on a célébré ces préparations comme pof- iédant au plus haut degré la vertu alexitere fc cordiale , nervine , tonique, antiipaimodique,. emmenagogue , fébrifuge , &c. c'efl-à-dire. lorfqu'on l'a à-peu-près érigé en remède univerfel.. Il ne paroît pas que les Grecs ni les. Arabes aient connu V élixir : on ne trouve ni le mot ni la chofe dans leurs ouvrages , fi ce n'eil chez les Alchymifles , qui don- noient le nom $ élixir à la pierre philofo- phale confidérée comme médecine univerr ielle ; ce qui nous porte à croire que Y élixir ne fut inventé qu'après qu'Arnaud de Vil-» leneuve eut fait connoître l'efprit-de-vin , ou que Raimond Lulle l'eut employé dans • divers travaux fur, les végétaux. Ce fut fur^tout depuis Paracelfe que les: élixirs fe multiplièrent. Il publia lui-même un élixir fameux , à l'imitation duquel les. pharmaciens modernes ont compofé celui qui eil aujourd'hui en vogue fous le nom d: 'élixir de propriété de Paracelfe. Tous les difciples de ce chymifte en compoferent comme leur maître , & il n'eil' prefque point d'auteur de Chymie médicinale , ou de médecin prétendant au titre de chymifte > qui n'ait donné quelque élixir particulier. Les charlatans ont fur - tout répandu un grand nombre tf élixirs ; & c'eil fous cette forme , ou même fous ce nom , que les remèdes tenus fecrets ont fait le plus rapi-> dément fortune , fur-rtout chez les grands. Les Médecins inilruits favent a préfent ,, que ks élixirs les olus yamçs j bien- lois* EL I clPétre des fecours preique furnatureïs , font à peine des remèdes , & que la plupart ne durèrent des liqueurs que l'on fert fur nos tables , qu'en ce que celles-ci font rendues agréables au goût par le choix & la dofe des aromates , & par le fucre ; que d'ailleurs toutes ces liqueurs agréables font ftama- chiques & cordiales , feules propriétés réelles des élixirs ordinaires. Secondement , que preique tous les élixirs connus , qui font les leuls que le médecin puiffe ordon- ner , font auflï femblables entr'eux , quant a leurs propriétés réelles , que toutes les liqueurs fpirituelles de nos tables font fem- blables entr'elles. Troifiémement , que les élixirs purgatifs , qui feroient les feuls qui pufïént différer efîentiellement des élixirs purement aromatiques & des liqueurs , feroient des remèdes le plus fouvent per- nicieux , toujours inutiles ; car nous ne manquons pas de purgatifs de toutes les efpeces. Quatrièmement , que les élixirs qu'on deffineroit à réveiller ou a augmenter l'appétit vénérien , & l'aptitude à le fatis- Faire , feroient des fecours au moins très- dangereux , & que le médecin ne pourroit pas par conféquent conièiller. Pour toutes ces raiibns , l'ufage des élixirs €it peu commun dans la pratique de la Médecine dirigée par les Médecins ; & le nombre de ces élixirs ufuels efï borné tà ïîx ou fept , que la pharmacopée de Paris a retenus , & qu'on trouve ordinairement chez tous les Apothicaires de cette ville. Ces élixirs font Yélixir de propriété de Paracelfe , avec acide & fans acide , ce dernier diftillé fous le nom (Yélixir blanc ,• Vélixir de Garnis , Yélixir ftomachique , & Yélixir de vitriol. Voici la defcription de Yélixir ftomachique , & celle de Yélixir de vitriol , tirées de la pharmacopée de Paris : nous réfervons celle de Yélixir de propriété & celle de Yélixir de Garnis pour des articles particuliers qui fuivront immédia- tement celui-ci. Elixir jlomachique de la Pharmacopée de Paris. Prenez trois onces d'efprit car- minatif de Sylvius , cinq onces d'efprit de menthe , une once d'eau de canelle , une once d'eau de fleurs d'orange , quatre onces de teinture d'abfinthe : mêlez le tout enfemble , & Yélixir fera fait : on le E Lï 123 garde dans Une bouteille fermée avec foin. Voye\ la préparation de l'efprit carminatif de Sylvius au mot Esprit CARMINATIF DE SYLVIUS ; celle de l'efprit de menthe au mot MENTHE ; celle de l'eau de canelle au mot Canelle. Elixir de Vitriol. Prenez une demi-once de racine de calamus aromaticus , une demi-once de racine de gentiane , trois dragmes de fleurs de camomille romaine, 2. dragmes de feuilles de petite abfinthe , 3 dragmes de feuilles de menthe frifée , une dragme & demie de canelle , une dragme & demie de cubebes , une dragme & demie de noix mufc'ade , une dragme & demie de gingembre : pulvérifez le tout groffié- rement ; mettez - le dans un matras , & verfez defîus quatre onces d'huile de vitriol ï lorfque cette huile aura pénétré les matiè- res fufdites , vous ajouterez quatre onces d'efprit de vin rectifié , que vous ferez digérer pendant deux ou trois jours , après quoi vous verferez fur le tout douze autres onces d'efprit-de-vin rectifié , & vous bif- ferez digérer encore pendant quelques jours, après lefquels , filtrez Yélixir , & le gardez dans une bouteille exactement fermée. ( b ) Elixir de propriété de Paracelfe. Dans la defcription que Paracelie a donnée de fon elixir , il n'a point nommé le menffrue qu'il employoit , eu du moins il ne l'a défi— gné que fous un nom vague qui n'efl entendu, de perfbnne ; c'efl pourquoi il ne faut point être furpris fi on trouve chez les auteurs % des deferiptions de cet elixir fi différentes les unes des autres , chacun ayant inter- prété le mot de circulé (c'efl ainfi que Paracelfe appelle fon menftrue ) comme il l'a jugé a propos , ou du moins chacun ayant voulu fubftituer un menflrue qui pût remplir les vues de l'auteur. La defcription de cet elixir que Crollius f célèbre difciplc de Paracelfe , nous a don- née , a long-temps prévalu dans les Phar- macopées : mais cette loi pharmaceutique a été enfin abrogée ; & la préparation des pharmacopéens modernes , qui porte encore le nom d' elixir de propriété de Paracelfe y eu très-différente de celle de Paracelfe ÔC de celle de Crollius : les voici toutes ie%r trois. 124 ELI ËUxir de propriété de Paracelfe. Archi- dox, lib. VIII, n°. 6 y V de la myrrhe , de l'aloès hépatique , du fafran , de chacun parties égales : faites circuler le tout au bain de Table , à une lente chaleur , pen- dant deux mois , après quoi retirez-en par la diftillation à l'alembic une huile , que vous ferez digérer pendant un mois avec poids égal de circulé. Elixir de propriété de Paracelfe 9 tiré de la bafilique chymique de Crollius, Pre- nez myrrhe d'Alexandrie , aloès hépatique , iafran oriental , de chaque quatre onces. Ayant pulvérifé toutes ces drogues , mettez- les dans un matras ; humec~tez-les avec de bon eiprit - de - vin alkoolifé , & verfez enfuite defîus de l'huile de foufre tirée par la cloche , & rectifiée ; verfez , dis- je , de cette huile jufqu'à ce qu'elle furpaffe la matière d'environ quatre doigts ; faites digérer & circuler pendant deux jours , après quoi vous retirerez par décantation la liqueur teinte & chargée de l'extrait des drogues. Reverfez fur la matière reliante de bon efprit-de-vin , que vous circule- rez pendant deux mois , après quoi vous retirerez la liqueur , qui fera encore colo- rée , & vous la mêlerez à la première. Dif- tillez à petit feu les fèces refiantes , & ajoutez ce qui en difhllera d'abord aux teintures fufdites , & vous ferez circuler de nouveau le tout enfemble pendant un mois. Crollius ajoute qu'il faut avoir foin de commencer par arrofer les ingrédiens 'avec une fuffifante quantité d'efprit-de-vin , pour les réduire en une forme de pâte ; enfuite de verfer l'huile de foufre , autre- ment toute la matière fe brûleroit & devien- drait noire ; c'eft , dit notre auteur , ce que Paracelfe a caché avec foin. "Elixir de propriété de Paracelfe , félon la Pharmacopée de Paris, il teintures de myrrhe , quatre onces ; d'aloès , de fafran , de chaque trois onces : verfez ces teintures dans un matras ; faites-les digérer quelque temps , & gardez-les pour vous en fèrvir au befoin. Si on diftille le mélange , on aura V elixir de propriété , appelle dans les boutiques £Îixir blanc. Voyez Elixir de Garnis. Si on prend une once du premier elixir 3 & qu'on y ajoute douze gouttes d'efprit- E Lî de foufre , on aura Y elixir de propriété avec acide. Paracelfe attribuoit de grandes vertus à fon elixir ; & Crollius dit d'après lui , que c'eft le parfait elixir qui a toutes les vertus du baume naturel ; qu'il opère des prodiges dans les maladies de la poitrine & du pou- mon ; que c'eft un excellent préfervatif contre la pefîe & contre toutes les maladies qui peuvent être occafionées par un air corrompu ; qu'il purge Peftomac de toutes mauvaifes humeurs : qu'il fortifie tous les vifeeres ; qu'il eft fpécinque dans le maraf- me , dans les catarres , & dans la toux ; qu'il prévient la paralyfie & la goutte ; qu'il guérit la fièvre quarte , la mélancolie ; qu'il retarde la vieillerie , enfin que c'efl un vulnéraire parfait. Aujourd'hui nous employons notre elixir de propriété comme un très - bon fïomachique , comme un cordial ordinaire , comme un afTez bon hyftérique , & comme un excellent emmenagogue : on le fait quelquefois entrer dans les opiates fébri- fuges , & on a remarqué qu'il ne contri- buoit pas peu à les rendre efficaces. La dofe de V elixir de propriété préparé félon la pharmacopée de Paris , eft depuis 10 , 12 > *5 gouttes jufqu'à un gros. Ii eft très- important d'obferver qu'il ne faut pas pouf- fer la dofe de Y elixir de propriété au defîus d'un gros , parce qu'une dofe plus forte pur- geroit le malade , ce qu'on ne fe propofe point dans le plus grand nombre de cas ; il y a même des perfonnes qui font purgées à cette dernière dofe. On vante beaucoup dans les obftructions & dans toutes les maladies chroniques invétérées , Yélixir de propriété préparé avec de l'elprit-de-vin qu'on a chargé de terre foliée de tartre jufqu'à faturation* Voye\ Terre foliée de Tartre an mot Tartre. Elixir de Garnis. Uélixir de Garnis n'eft autre chofe , quant aux ingrédiens vraiment utiles , que Yélixir de propriété blanc ( voyez Elixir de propriété) ; l'épi- cier de Paris , dont ii porte le nom , n'a eu , pour s'enrichir en vendant fa liqueur au public , & fon fecret à l'état , qu'à mêler du firop de capillaire à Yélixir de propriété blanc , & qu'à le déguifer par l'addition de quelques nouveaux aromates E L I ?fcà première opération eft fort connue des garçons apothicaires , qui favent fort bien iè procurer fur le champ des liqueurs fort agréables , en mêlant des eaux fpiritueuiès officinales & certains firops fimples , fur- tout le firop de capillaire. On trouve dans la pharmacopée de Paris , la defcription fuivante de Y elixir de Garnis , dont la compolition eft publique depuis plufieurs années. If aloès , deux onces & demie ; myrrhe , demi-once ; fafran , deux gros ; canelle , girofle , noix mufcade , de chaque un fcrupule : pilez le tout , & le mettez dans un matras , dans lequel vous verferez efprit- de-vin rectifié , deux livres ; eau commune , deux onces : faites digérer pendant 12 heures , & retirez par la diftilation au bain-marie tout l'efprit-de-vin. Prenez Pefprit diftillé , ajoutez-y poids icgal de firop de capillaire , & tant foit peu ■d'eau de fleurs d'orange : mêlez exacte- ment , & laifTez repofer pendant quelques jours , au bout defquels vous verferez par inclination la liqueur de^ deffus les fèces , qui feront dépofées au tond du vafe où le mélange aura été fait ; c'efl ce qu'on appelle élixir de Garrus. Cet elixir ne diffère pas même des liqueurs ordinaires par l'agrément du goût & du parfum qui diftingue ces dernières ; ce n'eft ici abfolument qu'une liqueur des plus agréables ; une légère odeur de myrrhe & de fafran , & des autres aromates que l'eiprit-de-vin a emportée dans la diftilîa- tion , fait toute fa vertu particulière , s'il en a réellement quelqu'une qui ne lui foit pas commune avec toutes les eaux fpiri- rueufes aromatiques , ce dont on peut douter à très-jufte titre ; les bons effets qu'il produit , quand ils feroient auiîi réels & aulii multipliés qu'on le prétend ; tout cela , dis-je , ne pouvant pas fournir même îa plus légère préfomption en fa faveur , jufqu'à ce qu'on ait éprouvé dans les mêmes cas les autres préparations de la même claffe. La même' cônfidération doit s'é- tendre à la plupart des prétendus fpécifi- ques , mis en vogue par des charlatans , adoptés par k public , & même par les médecins , fur la foi des obfervations ; car î\?bièrvation ne peut faire un titre de ÈlLl 12 y préférence qu'après la comparaifon des remèdes analogues. En un mot une vertu abfolue n'en1 pas la même choie qu'une vertu fupérieure , éminente & exclufrve. La matière reliante dans l'alembic après h diitillation de Yélixir, étant parlée à travers une étamine , & épaiflie en confif- tance de pilules , peut fort bien remplacer les pilules de Rufus , qui font décrites dans la pharmacopée dePtiris. Voyt\ PILULES de Rufus. ( b) Elixir ouïe grand Élixir, {Alchy- mie ) c'efi un des noms myftérieux que les Alchymiftes ont donnés à la pierre philofo- phale , fur-tout lorfqu'ils l'ont confidérée du côté de les grandes vertus médicinales. Voy. Pierre philosophale ù Philoso- phie hermétique. ( b ) ELIZABETH , (Hijl d'Angleterre.) Les rares qualités de cette illuftre fouve- raine ont enrichi les faites de l'hiftoire ; & les éloges mérités qu'on lit dans les écrits de Ces apologiftes-, ne me iaiHènt plus que le foin de jultifier par le récit des faits qui l'ont immortalifee , l'enthoufiaime & l'orgueil que le fouvenir de fon règne infpire encore à la nation Angloife. Au jugement des âmes tendres & fen- fibles , des amis de l'humanité , la gloire d'Anne éclipiè celle <$ Elisabeth. Mais pour ceux qui préfèrent l'éclat de la vic- toire aux vertus pacifiques , la pompe faftueufe des conquérans à la bienfaifance des rois fages & modérés , l'Angleterre n'a point eu de fouverain qui puiife entrer en parallèle avec Eli\abeth , qui réunit aux talens des héros les vaftes connoiflan- ces qui font les légiflateurs : ce qui doit encore ajouter à l'admiration de la pofté- rité , ce font les circonflances où fe trou* voit le royaume lors de fon avènement au trône , c'efl la iituation violente &c pénible de la nation lors de la mort de la fanguinaire Marie. Que l'on fe repréfente l'Angleterre énervée , épuifée par les folles dépenfes & les caprices tyranniques de Henri VIII ; agitée , déchirée par le choc des radions tbus le malheureux Edouard ; opprimée , défolée , flétrie par les pros- criptions & l'inflexibilité de Marie. Que l'on fe repréfente la gloire du fceptre ternie jpar la perte de plufieurs villes qui étoient ïttf E L I rentrées fous la domination françoifê , & par les fuccès éclatans des Ecoftois , qui , fournis & rremblans autrefois , avoient brifé le joug , & à leur tour étoient de- venus redoutables en s'alliant avec la France. Enfin , que l'on fe reprefente l'Angleterre prelTée dans le même temps , au dehors par fes ennemis , au dedans par l'abus de la puiffance royale qui ten- doit au defpotifme le plus oppreilif , par les fureurs & les excès les plus moni- trueux de l'intolérance ; foible , accablée , fans appui ; & l'on verra qu'il ne pouvoit y avoir qu'un génie élevé-, un efprit vafle & fécond en reffources , une fermeté inébranlable , & fupérieure aux obfïacles en apparence les plus inlurmontables ; en un mot , qu'il n'y avoit qu'une ame au elle joignit un zèle adif & fou tenu pour la juftice , publia d'utiles réglemens , mit en vigueur les anciennes ordonnances , abolit les abus qui s'étoient introduits , & ne négligea rien de ce qu'elle crut propre à afîurer le bien public , & à lui concilier le refped , l'eftime & l'atta- chement de fès peuples. Cependant la régente d'EcofTè , fécon- dée par la France , preffoit avec vivacité Içs Protefkns » qui > pour fe foutenir , n'avoient eu jufqu'alors que les fècours très-foibles qu'Elisabeth leur fourniffok en fecret. Leur fituation devint fi vio- lente , que la reine d'Angleterre penfa qu'il étoit de fà gloire de défendre hau- tement la caufe qu'elle avoit embraffée , & de foutenir par la force des armes les Proteftans Ecoffois. Les grands préparatifs qu'elle fit , étonnèrent la France , qui lui fit propofer la reftitution de Calais , fi elle vouloit abandonner les rebelles d'E- cofle. Trop généreufe & trop fiere pour accepter une propofirîon qui bleffoit fa grandeur d'ame , Elisabeth la rejeta ; & la paix ne fut établie que lorfque la ré- gente eut ftipulé que les Proteftans joui- roient en Ecoffe de tous les droits de citoyens , & que Marie Smart , ainfi que François II , fon époux , renonceraient à leurs prétentions fur l'Angleterre. Cette paix irrita vivement le roi d'Efpagne , ennemi déclaré du protefrantifme , & qui parut fé préparer à déclarer la guerre à l'Angleterre. Pendant qu'Elisabeth fè difpofoit à prévenir les delfeins du roi d'Efpagne , îa mort de François II obligea Marie jfJtuart fa veuve , qu'aucun engagement E L ï ne rerenoit plus en France, de fe rendre' dans fes états, où fa beauté, fès grâces r & le defir que fes fujets avoient ce la revoir , excitèrent la joie publique : jeune r ingénieufè & reine , elle ne tarda point à recevoir les vœux de plufieurs princes de l'Europe qui aipirerent à fa main. Parmi fes adorateurs fe diiîinguoit fur-tout le duc d'Autriche, appuyé par les princes de Guife , qui preffoient leur nièce de lui donner la préférence. L'imprudente Marie refufa fon. confentement avant que d'avoir confulté la reine Elisabeth. Celle- ci qui haïffoit Marie , mais moins encore qu'elle ne déteftoit la maifon d'Autriche r diffuada Marie de cette alliance , & lui propofa pour époux mylord Dudlay fon favori , feigneur Anglois , depuis long- temps dévoué aux intérêts de fa fouve— raine. Marie n'époufa ni l'archiduc , ni Dudlay; elle fe décida tout-à-coup , 8e par une de ces paillons de caprice aux- quelles elle n'étoit que trop fujette , pour le comte de Darley fon parenr. Cette union qui eut des fuites fi funeftes , ne fit qu'ajouter à la haine d'Elisabeth , qui ne put faire alors éclater fon refïèntiment y trop occupée à foutenir la guerre contre la France , de concert avec les Proteftans- Car ceux-ci commençant à égaler en force les Catholiques , avoient reconnu pour leurs chefs le prince de Condé & l'amiral de Coîîgny. Mais Marie elle - même ne tarda point à venger Elisabeth , par le tort irréparable que lui firent à elle - même fon inconduite , & les égaremens de fa honteufe paflion pour Rizzo , italien de la plus obfcure naiffance. Cet homme vil , malgré fa baffeffe & fa difformité , avoit infpiré à Marie un amour fi violent , que le roi ne pouvant fe diffimuler l'éclat de cette intrigue, vengea l'outrage fait à la majefté royale , en faifant poignarder l'adultère Rizzo dans les bras même de fon amante. Marie auffi violente dans fon relTentirnent qu'elle l'avoit été dans fon amour , fe lia , foit par goût , foit pour afïùrer fa vengeance , avec le comte de Bothwel , le plus lâche & le plus fcéiérat des hommes i elle vécut bientôt avec lui comme elle avoit vécu avec Rizzo , & i lui promit de l'époufer aufïi - tôt qu'il l'aurait ELI Pauroit délivrée de fon époux. Bothvel remplit dans peu de jours cette affreufe condition : il étrangla fon maître de Tes propres mains , & afin de cacher fon crime, il fit fauter en l'air le cadavre, au moyen de quelques barils de poudre qu'il avoit fait placer au defîbus de la chambre où il venoit de commettre cet aiTàfïïnat. Mais cette précaution ne trompa point le peuple , qui connoifTant famé féroce de Bothwel , fes vues ambitieufes & fa nouvelle pafîion , ne chercha point ailleurs l'auteur de cet horrible parricide. D'ailleurs , quand les fentimens euffent pu être partagés, Marie eût elle-même confirmé les foupçons , lorfque très- peu de temps après on la vit fe marier publi- quement avec l'infâme Bothwel. Dès ce moment , Marie fut généralement abhor- rée ; l'EcofTe entière entra dans la conju- ration qui fe forma contre elle. Ses fujets prirent les armes , & la contraignirent d'abdiquer la couronne , en faveur d'un fils unique encore au berceau, qu'elle avoit eu du comte de Darley. Elle nomma le comte de Murrai _, fon freie naturel , régent du royaume pendant la minorité du jeune fouveiain , & crut , en acceptant ces dures conditions , fauver du moins fa vie & fa liberté : mais fes crimes avoient trop violemment foulevé fes fujets , elle fut enfermée dans un fort, d'où s'étant évadée après un an de captivité , elle tenta de remonter fur le trône : mais la petite troupe qu'elle avoit r?ffemblée , fut bat- tue , mife en fuite par le régent ; & Marie fe vit abandonnée de tout le monde , & même du lâche Botrnvel qui s'étoit réfugié enDanemarck, où il vécut dans le me* pris , & mourut dans l'indigence. Marie fon époufe , croyant fa vie menacée en Ecofle , fe retira fur les côtes d'Angle- terre , & envoya demander à Elisabeth un afyîe dans fes états. La reine d'Angle- terre facrifiant fa générofité naturelle à l'atroce plaifir de fe venger d'une rivale humiliée , oublia que Marie étoit reine comme elle , malheureufe & fuppliante: elle la fit renfermer à Turbury , d'où , quelques mois après , elle fut transférée à Cowentry , place forte fituée au centre de l'Angleterre , où l'infortunée Marie fut fi Tome XII. ELI T29 étroitement enfermée , qu'elle perdit juf- qu'à l'efpérance de s'évader. Paiïbns rapidement fur les procédés iniques ftEli^ibeth envers Marie : ces faits font trop connus pour que je penfe devoir m'y arrêter : je dirai feulement que les moyens employés par Elisabeth, n'étrillent fa mémoire : je dirai que Marie plus im- prudente que coupable , & comptant trop fur le nombre de fes partifans , eut toit de fe liguer avec les chefs de la conjura- tion qui fe forma contre la reine d'An- gleterre , & de répondre , du fond de fa prifon , aux diverfes propofitions & aux brillantes efpérances qu'on lui donnoit. Je conviendrai encore que Marie étoit cou- pable des plus honteux débordemens & du plus horrible des crimes , de l'afîaiïi- nat de fon époux ; mais enfin , Marie étoit l'égale & non la fujette $Eli\ibethi celle-ci en fe vengeant , méconnoiflbit fes propres intérêts ; elle compromet- toit les privilèges attachés au rang qu'elle occupoit , & elle aviliilolt de la plus étrange manière les droits facrés de la royauté. Tandis qu'Envahit h éteignoit dans le fang de Marie la haine que cette fouve- raine coupable & malheureufe lui avoit infpirée , Charles IX & la France égarés par le fanatifme , ofFroient à l'Europe étonnée le fpecb.cledu mafïacre âe-> Protef- tans, indignement trompés par Catherine de Médicis , égorgés par leur prince & leurs concitoyens. Afin d'amener plus facile- ment les Protefîans dans le piège infernal que Catherine leur avoit préparé , Charles IX affecta de rechercher avec emprefTe- ment l'alliance d'une reine proteftante , & il porta fa noi~e diiîimuiation jufques à faire demander la main Ck'Eli\abeth pour le dire d'Alençon. Moins perfide que Charles , mais plus politique encore , EU" \abeth difïimuîa avec art , parut écouter volontiers cette propofîtion , & fournit en même temps des fecours d'armes & d'ar- gent aux Proteftans François proferits , &: foulevés contre leur prince par le maiTàcre de leurs frères. Lorfqu'à fon tour Elisabeth n'eut plus rien à craindre , foit du côté de la France , foit du côté de l'EcofTe , ou relativement à la reine Marie , elle) R 130 ELI termina par le refus le plus abfoln , la négociation entreprife pour fon mariage avec le duc d'Alençon , & répondit qu'elle vouloit vivre & mourir célibataire. Toute- fois , ni la moit de Marie , ni les troubles qui agitoient la France , ni la foumifTion des EcoîTois ne laifToient point \ov\vEli\abeth d'une fécurité parfaite : il lui reftoit à craindre un ennemi puifTant , un rival d'autant plus formidable , qu'à des forces fupérieures , à l'éclat de fes vi&oires , il unifToit une profonde politique , une habi- leté rare , une ambition outrée , & une haine perfonnelle & implacable contre la reine d'Angleterre : cet ennemi fi redou- table étoit Philippe II , qui , toujours en- flammé du defir de monter fur le trône d'Angleterre , en vertu des droits que lui donnoit fa defcendance de la maifon de Lancafrre , profita avec adrefle du mé- contentement des Catholiques , & de l'im- preflion qu'avoit fait fur eux la mort tragique de Marie. Afin de s'afTurer du fuccês de fes vaftes projets , Philippe demanda & obtint de Sixte-Quint , qui remplifïbit alors le fiege pontifical , une bulle , par laquelle il excommunioit la reine Elisabeth , ordonnoit aux Anglois catho- liques de fecouer le joug , de dtfarmer la colère célefte , expier leurs péchés , & s'aflurer le paradis , en fe baignant dans le fang de leurs concitoyens attachés au proreftantifme , & donnoit à Philippe l'in- veftiture du royaume d'Angleterre. Dans tout autre temps , cette bulle eût opéré fans doute les plus grandes révolutions: mais le defpotiime opprefîif du pouvoir pontifical avoit éclairé les rois & les na- tions fur leurs vrais intérêts. Elisabeth méprifa la bulle de Sixte-Quint , fe rit de fes menaces, & ne s'attacha qu'aux moyens d'éloigner des côtes britanniques l'ambi- tieux Philippe , qui ne doutant point du fuccèb de fes projets d'invafion , avoit fait forrir de fes ports , fous les ordres du duc de Medina-Celi , la flotte la plus formi- dable oui eût encore paru fur l'Océan : elle étoit compofée de 150 gros vailTeaux de guerre , montés de 19000 hommes & de 1230 pièces de canon : à cette armée navale devoit fe réunir une flotte de Flan- dre , fur laquelle devoit s'embarquer le EL I duc de Parme avec une armée de 30000 hommes. Ces forces réunies , loin de déconcertée Elisabeth , ne firent au contraire qu'ajou- ter à fa vigilance & à fon adivité. Pou* s'oppofer à la defeente des Efpagnols , elle avoit fur les côtes une armée deb'0000 hommes , & la mer étoit gardée par ur.e petite flotte qui avoit pour amiral Howard duc d'Efhngam , & pour vice-amiraux les fameux Drack , Hawkin & Forbisher , officiers intrépides , & qui s'étoient déjà fîgnalés plufieurs fois contre les Efpagnols. L'amiral de Philippe entra librement dans la Manche ; mais il ne put y être joint , comme il s'y attendoit , par la flotte du duc de Parme ; & à peine il fe fut engagé plus avant , qu'il eut à combattre tout à la fois contre les vents qui devinrent contraires , contre les rochers où fes vaif- feaux alloient frapper , & contre les An- glois qui , profitant habilement des cir- conflances , triomphèrent , après quelques momes de combat y de cette énorme flotte. Tous les vailTeaux Efpagnols furent pris , coulés à tond ou brifés contre les rochers ; en forte qu'il n'en échappa aux vainqueurs que deux ou trois , qui eurent la plus grande peine à arriver , défemparés & hors d'état de fervir davantage , dans les ports d'Efpagne. Cette victoire fut le premier a&e de vengeance c\w"Eli\abeta juftement irritée exerça contre Philippe II , dans les états duquel elle porta le feu de la guerre , tandis que l'intrépide Drack & le che- valier de Nowis furprenoient la Corogr.e , incendioient la ville balle , s'emparoient des vailTeaux qui étoient dans le port , battoient la garnifon Efpagnole , & al- loient fur le Tage y fignaler leur valeur par les mêmes exploits. Peu fatislaite encore , 2 li\abeth , afin d humilier l'en- nemi qui l'avoir forcée de s'armer , fe ligua avec Henri IV , & détourn a les coups que l'Efpagne & Mayenne fe flattoient de porter à la liberté françoife. Irritcde la réfiffance que l'Angleterre oppofoit à fes entreprifes , Phili ope ne pouvant foumet- tre par la force la fiere Elisabeth , eut recours à la plus odieufe des voies ; il corrompit par fes ambaffadeurs le premier ELI médecin de la reine, que îe traitfe ébloui par une promefTe de 50000 écus, s'engagea d'empoifonner. Mais le complot fut dé- couvert peu de temps avant fon exécu- tion , & le perfide médecin fut avec fes complices , attaché au gibet. La décou- verte de cette trame honteufe , qui eût dû décourager Philippe II, ne fit que l'at- tacher encore pins étroitement au projet qu'il avoit formé de réduire l'Angleterre; & pendant qu'il faifoit les plus grands pré- paratifs pour une nouvelle expédition , il fomenta en Irlande une révolte des Ca- tholiques contre les proteftans , & contre la puiflance légitime & Elisabeth. Tandis qu'encouragés par le fecours de l'Efpagne, les Catholiques Irlandois portoient de pro- vince en province le feu de la rébellion , une énorme flotte Efpagnole s'avançoit vers les côtes Britanniques , & y touchoit déjà , lorfque les éiémens fervant Eliza- betn plus efficacement que ne l 'enflent fait fes armées , ruinèrent totalement cette flotte , dont les vaifleaux furent prefque tous brifés ou fubmergés. Ainfi le roi d'Efpagne ne retira de cette grande entre- prife, que le regret & la honte de s'être £ L î rj* bontés $Eli\abeth, & plus indigne encore d'occuper un rang diftingué. L'armée qu'il conduifit en Irlande étoit la plus belle & la plus aguerrie qu'on eût encore vue en Angleterre ; & pour vaincre , il ne lui manquoit qu'un général courageux & plus habile que le comte d'Eflèx. Il n'eut que de foible fuccès , dont il ne fut pas même profiter. Cependant il étoit le favori d'JE1- li\abeth. La nation Angloife fe plaignit hautement de la complaifance de la reine, & des fautes multipliées du comte d'Eflex. Le mécontentement devint fi général , Qx\Eli\abeth rappella le comte. Celui-ci ne doutant point desfentimens de la reine, fe juftifia aifément devant elle. Mais à peine fut-il retourné en Irlande , qu'au lieu d'agir contre les ennemis , il entra en conférence avec le comte de Tiron, chef des mécontens , fans en rien communiquer au confeil de guerre. Cette démarche fut prife pour une trahifon. Il fut accufé ; mais au lieu de venir à la cour rendre compte de fa conduite , il leva le mafque , & tâcha , autant qu'il fut en lui , d'exciter une fédition dans Londres , réfolu de perdre la vie , ou de gagner une couronne vainement donné en fpe&acle à l'Europe, j par la plus criminelle ufurpation. Il fut Une reftoit plus à Theureufe Elisabeth arrêté en Irlande , amené en Angleterre , enfermé â la Tour , jugé , condamné à que les Catholiques Irlandois à foumettre; la reine confia le commandement de l'ar- mée qu'elle envoya contre eux, au comte d'Eflex , qui depuis quelque temps avoit fupplanté le comte de Leicefter dans le cœur de la reine. Qui ne connoîtroit le célèbre comte d'Eflèx que par le portrait impofant qu'en a fait Thomas Corneille, le regarderoit fans doute comme l'un des plus habiles généraux qtû aient illuftré l'Angleterre , comme un homme ambi- tieux , mais d'ailleurs refpectable par les plus rares qualités , & fur-tout par le plus brillant héroïfme ; mais il n'y eut jamais aucun trait de reflemolance entre îe véritable comte d'Eflex & le héros de fanraihe que Corneille imagina de montrer fur la fcene franc oife. Ce trop fameux comte d'Eflex n'étoit qu'un homme ingrat , un homme vain, préfomptueux, plein de projets extravagans , violent fans valeur , emporté fans courage , mauvais foldat , général fans talens , perfide citoyen , indigne des perdre la tête , & 1' rrêt fut exécuté. On afTure que l'effort c^Eli\abeth fit fur elle- même pour ligner cette fentence de mort, abrégea le cours de fa vie : car on ne doutoit point qu'elle n'eût eu les plus tendres fentimens pour cet ingrat ; & l'on prétend que ce ne fut que pour dérober au public la honte d'un tel attachement , qu'elle parut confentir à envoyer fon lâche amant fur l'échafaud. Quoi qu'il en foit , victorieufe de Philippe II , refpectée de fes peuples , admirée de l'Europe , EU- \j.beth que la mort du comte d'Eflèx avoit pénétré de douleur , fentit fa fin appro- cher , & ne parut point délirer de reculer le terme de fes jours : un engourdifiement qui s'étoit emparé de fes membres , & qui la privoit même de l'ufage de la pa- role , la mit au tombeau , dans la ?Oe- année de fon âge , & la 44e- année de fo» règne. Elle nomma Jacques, roi d'Ecofle* & fils de Marie , pour lui fuccédex. R a iji ELI La reine Anne ne chercha qu'à fe faire aimer de Tes fujets , qu'à fe faire eftimer des puiiTances étrangères : Elisabeth, moins tendre qu'ambitieufe , voulut régner par elle-même , & voir jufqu'à quel point elle pourroit fe rendre maîtiefte de fes peuples qu'elle tint dans la fou million , tandis que par fes peuples mêmes elle tenoit fes voiiins & fes ennemis dans la crainte. Ses vues ne furent point de conquérir , mais d'em- pêcher qu'on attentât à fes poffeiTions , çu à la plénitude de fa puiflince , qu'elle fut conferver &: augmenter même par les reflburces de fa politique & par la terreur de fes armes. Ceft à ce defir feul de gou- verner & d'occuper le trône fans partage , & non comme l'a répété Moréri d'après les ridicules vidons de quelques mauvais annaliftes , aux confeils de fon médecin , qu'il faut attribuer l'éloignement $ Elisa- beth pour les nœuds du mariage. Elle ne refufa aucun des princes qui afpirerent à fa main , mais elle n'en accepta aucun ; & il elle répondit d'une manière favorable à Philippe II , aux ducs d'Anjou & d'Alen- çon , à l'archiduc d'Autriche , & au fils où elles réuiliftènt parfaitement à l'abri du foleil ; & comme elles produifent leurs fleurs au milieu de l'hiver & avant la plupart des autres plantes, on peut leur donner place dans les avenues , & dans les bordures qui font à l'ombre. C'eft-là qu'elles profperent davantage. On les multiplie, ou en en femant les graines , ou en plantant de leurs racines ELL dans un terrain léger , humide , & fans fumier. Si on choifit de les multiplier par le fecours des graines , la plante fleurira déjà au bout de la première année: mais il faut la préferver des mauvaifes herbes , qui détruiîent aifément Tes racines. Voye\ Miller fur leur culture. Article de M. le Chevalier de Jau COURT, Ellébore , ( Pharm. & Mat. med. ) lu ellébore étoit fort ufité chez les anciens qui en diftinguoient de deux efpeces, le blanc & le noir. Hippocrate s'eft fervi de l'un & de l'autre ; & Galien remarque que toutes les fois que ce père de la Médecine fe fert du mot ellébore fans y ajouter d'é- pithete , il entend hellébore blanc : au lieu qu'il ne parle jamais du noir fans le fpécifier. C'eft la racine de ces plantes qui étoit feule en ufage. Le blanc étoit employé pour faire vomir & purger fortement , mais toujours avec beaucoup de circonfpeclion. Pline nous apprend qu'on ne le donnoit point aux. vieillards , ni aux enfans , ni à ceux qui avoient le tempérament foible , non plus qu'à ceux qui étoient maigres & délicats , plus rarement aux femmes qu'aux hommes ; enfin qu'on ne le faifoit jamais prendre à ceux qui crachoient le fang , ni aux valétu- dinaires. On préparoit diverfement Vellébore , pour tâcher de tempérer fa trop grande activité. Hippocrate veut qu'on le corrige avec le daucus , le féfeli , le cumin , l'anis , ou quelqu'autre plante odoriférante, voy. Correctif. On le faifoit infufer dans la même vue dans du moût , ou dans de l'hydromel. Les maladies principales dans lefquelles les anciens faifoient prendre Vellébore , étoient l'épilepfie , le vertige , la mélan- colie , h lèpre , la goutte , l'hydropifie : mais c'étoit fur-tout pour purger les fous qu'il étoit recommandé ; on difoit même en proverbe , nuvig-ire Anticyras , aller à Anticyre , pour dire aller cherciier un remède contre la folie , parce que c'étoit de cette iliaque venoitle meilleur ellébore. L'action de Vellébore pris intérieurement, eftlesplusviolenres; il excite fou/ent les fymptomes les plus fâcheux. Mefué dit que de Ion temps les hommes ne pouvoient ELL itf fupporter le blanc , & très-difficilement le noir qui étoit plus foible , & qu'on ne regardoit que comme purgatif, le blanc étant reconnu pour un émétique violent. Aufîi depuis que la Chymie nous a fourni des vomitifs fûrs & moins dangereux , en avons-nous abfolument abandonné l'ufage ; & nous n'avons aujourd'hui qu'une feule compofition officinale où il entre ; favoir les pilules de Mathams ou de Starkei , qui font décrkes dans la pharmacopée de Paris : encore ne le donne-t-on dans cette com- pofition qu'en alTez petite dofe , eu égard à la petite quantité que l'on fiit prendre de ces pilules , où Vellébore peut même être regardé comme puifïàmment corrigé par le favon , qui fait un des ingrédiens & l'excipient de cette préparation. Vbye\ Pilules de Starkei. Nous employons auili quelquefois Vellé^ bore blanc comme fternucatoire , & fouvenc on s'en eft fervi avec fuccès pour guérir la gale des animaux , comme chevaux y boeufs , &c. mêlé avec quelque grailTe ou huile. L'ufage de Vellébore noir eft un peu plus fréquent parmi nous. On tire de fa racine, par le moyen de l'eau , un extrait qui entre dan sles pilules balfamiques de Stahl. On trouve dans la pharmacopée de Paris un firop ft ellébore , compofé fous le nom de Jirop de pomme elléborifé. \J ellébore noir entre dans l'extrait pan- chimagogue de Crollius , dans les pilules de Starkei , dans les pilules tartareufes de Quercetan > dans la teinture de Mars eîléborifée de Wedelius , &c. mais on ne prefcrit prefque plus ni l'une ni l'autre de ces racines dans les préparations magiftrales. Au refte elles font l'une &c l'autre du genre des remèdes dont l'a&ivité eft due à une partie volatile : aufti leur extrait pré- paré à la façon ordinaire ne participe-t-il que foiblement de cette vertu , en forte qu'on peut ajouter foi à ce que rapporte Oribaîius dans fon huitième livre des collections médicinales y favoir , que l'ufage d'une forte décoction d'ellébore n'étoit jamais fui vie des accidens fu nèfles qui accompagnent Pa&ion des purgatifs excef- livement violens : quoique le même auteur obferve dans le même livre , que ces accir ix6 ELL dens n'étoient qu'un effet trop commun de V elle bore donné à la iaçon ordinaire , c'efr- à-dire, apparemment en fubftance, les pré- cautions qu'on avoit coutume de prendre d'avance contre ces dangers , font présen- tées dans cet endroit fous un appareil fi effrayant qu'on ne conçoit guère comment il s'eft pu trouver des malades aflez hardis pour s'expofer à i'aclion de ce remède , ou , pour mieux dire, de ce poifon. La vertu purgative de Y elle bore eft atteftée dans les plus anciens fafresde la Médecine ; on trouve parmi les faits placés dans ces temps reculés que notre chronologie n'at- teint point , dans les fiecles des héros, que Melampe berger , poète , devin , & fils de roi, guérit les filles de Pratus devenues folles par la colère de Bacchus , ou par celle de Junon , en leur faifant prendre du lait de fes chèvres , auxquelles il avoit fait manger de V elle bore peu auparavant ; & qu'il s'avifa de cette reffource , parce qu'il avoit obfervé que ces chèvres étoient purgées après avoir brouté cetre plante. M. Leclerc remarque, dans fon hifloire de la Médecine , que c'eft-là le plus ancien exemple que nous ayions de la purgation , & qu'on pourroit croire que c'eft ce qui fit donnera Melampe le furnom de ffa&stprjK , celui qui purge , ou purifie , qui femble marquer qu'il eit le premier qui ait donné des purgatifs ; c'eft delà auffi que Y ellébore fut appelle mehmpodium. Voye\ Dicfeo- ride y liv. IV. c clxxxj. Galien parle de cette cure de Melampe dans fon livre de atrabile , c vij ; & Pline , /. XXV, c. v. Aulugelle nous a tranfmis une anecdote bien plus finguliere fur l'ufagede Y ellébore. Il rapporte ( c. xv. I. XVII. ) que Carnéade l'académicien fe difpofant à écrire contre Zenon , fe fit vomir vigou- reufement avec de Y ellébore , de peur que les humeurs corrompues dans fon eftomac , ne laiffafTent échapper quelque chofe qui parvînt jufqu'au fiege de fon ame , & en altérât les fondions, (b) Valere Maxime raconte cette hiftoire d'une manière encore plus merveilleufe qu'Aulugelle. Il dit que Carnéade prenoit de Yellébore toutes les fois qu'il devoit -difpmer avec Chryfippe , & il ajoute que ELL' le fuccés de Carnéade fît rechercher ce purgatif par tous ceux qui aimoient les louanges folides. Pline rapporte que Drufus, le plus renommé d'entre les tribuns du peuple, fut guéri de Pépileplie dans fille d'Anticyre , où l'on avoit coutume d'aller pour le prendre avec plus de fuccès & de fureté. L'Anticyrefifameufe , où tant de poètes afïignent aux fous un legement , étoit une ville fituée auprès du golfe Malliaque aujourd'hui de Zeiton , aflèz près du mont Oè'ta, d'où l'on tiroit le plus excellent ellébore. On y préparoit & corrigeoit ce remède de différentes manières , nous connoiffons même quelques-unes de ces corrections & de ces préparations. Aduarius rapporte celle - ci : on faifoit un peu macérer dans l'eau la partie fibreufe de la racine d'ellébore , en rejetant la tête ; en fuite on féchoit à l'ombre Pécorce que l'on avoit féparée de la petite moelle qu'elle renferme : on donnoit cette préparation avec des raifïns fecs ou de l'oximel , mêlé quelquefois avec des graines odoriférantes, afin que ce remède fût pins agréable. Pline dit aufîi , qu'on mêloit à Anticyre Yellébore avec une certaine graine qui croifîbit aux environs de la ville; que l'on mettoit dans du vin doux une pincée de la graine avec une obole & demie d'ellébore blanc , & que ce remède purgeoit toute forte de bile. Les anciens employoient Yellébore , non feulement pour la bile, c'eft-à-dire , la mélancolie noire & pour la folie , mais encore , comme on l'a remarqué ci- defTus , pour rhyftéïifme , la goutte , l'apo- plexie , l'épilepfie , la ladrerie , la îeuco- flegmatie , fhydropifie , en un mot pour toutes les maladies graves de l'ame & du corps. Ce remède fut en ufage dès la naiffance de la Médecine : quelquefois Hippocrate le faifoit prendre à jeun ; mais il l'ordon- noit plus ordinairement après le fouper, parce que , fuivant M. le Clerc , Yellébore mêlé avec les alimens dans l'efromac , y perdoit une partie de fa force flimulante : dans plufieurs cas Hippocrate donnoit le uslxQzkU ihKîl6opcç ;ce qui , félon le même favant , étoit une forte de préparation d'ellébore , ELC hellébore , qui afFoiblifToit fou a&îvîté vio- lente. Herophile , A&uarius , Arétée , Celfe , étoient fort prévenus en faveur de ce remède ; Diofcoride , qui en parle fort au long , nous inftruit particulièrement des cérémonies fuperftitieufes qu'obfervoient ceux qui le cueilloient en le tirant de terre. On appliquoit extérieurement l'ellébore noir dans les maladies cutanées opiniâtres ; & Galien prétend que quand on en met- toit dans une fiftule calleufè , il emportoit le caltofité en deux ou trois jours. Cependant malgré l'ufage que les anciens faifoient de V ellébore , les plus fages méde- cins n' avoient coutume de l'employer qu'a- vec une très - grande précaution. Avant que de le donner aux adultes mêmes , qui étoient en état de le fupporter , ils exami- noieiat principalement deux chofes : Tune , il la maladie étoit invétérée ; l'autre, fi les forces du malade fe foutenoient. Lorfque l'ellébore leur paroillbit convenir , ils ne l'adminiftroient encore qu'après avoir pré- paré foigneufement le malade 8c le remède. Ils préparaient le malade pendant lept jours , foit par la diète , foit par des remèdes minoratifs; Pline nous en inftruit fort au long. De fon temps , la préparation du remède , à Pvome , confiftoit à introduire les racines d'ellébore noir dans des morceaux de raifort , & de les faire cuire enfemble pour diiîîper la trop grande force de l'ellébore. Alors les uns donnoient ces raci- nes adoucies par l'ébullition , les autres fai- foient manger les raiforts , & rej étoient les racines ; d'autres enfin faifoient boire au malade cette décoction qui purgeoit lufKfamment. Quoique les anciens aient fait grand ufàge de leur ellébore , pour les maladies du corps Se de l'ame , & que les plus fages l'aient donné très - prudemment , ils l'ont décrit fi obfcurément , que nous ne recon- noifïbns plus celui qu'ils employoient. La defeription de Théophrafte eft en parti- culier trop tronquée & trop défectueufe , pour nous fervir à découvrir l'ellébore dont il parle. Nous ne retrouvons point dans aucune de nos efpeces d'ellébore noir celui de Diofcoride. Enfin l'oriental noir actuel tT Anticyre , ne quadre avec aucune des Tome XII. Ë L £ ij7 defcriptîons anciennes} c'étoi: cependant le leur , félon toute apparence , du moins a - t - il la même violence dans fon action. Tournefort , qui en a fait l'épreuve , avoue que tous ceux à qui il en a donné l'extrait, étoient tourmentés de naufées, de pefanteur d'eftomac avec acrimonie, jointe au foupçon de phlogole, qui mena- çoit la gorge &: les inteftins : il ajoute encore qu'ils avoient des douleurs de tête pendant piufieurs jours, avec des élance - mens , Se le tremblement de tous les membres, de forte qu'il fe vit obligé dé s'abftenir de ce remède. La force de celui de notre pays , eft bien moindre que dans l'Orient. Mais quelle qu'elle {bit, puifque nous ponedons des purgatifs & des émétiques également efficaces , & beaucoup plus sûrs , tels que font les préparations purgatives & vomitives de l'antimoine , il vaut mieux nous abftenir de l'ufage de tout ellébore, outre que les corps des hommes qui vivent dans nos climats , ont de la peine à en fupporter les effets. Qu'on ne dife point qu'on peut l'adoucir, le corriger avec des aromates , ou bien avec la crème de tartre , le fel de prunelle , les tamarins , i'oxymel , le fuc de coing , & autres femblables ; il eft bien plus fimple de ne pas fonger aux corre&ifs, dès qu'il eft aifé de fe paflerde la plante même. Concluons de ce principe , qu'il faut également proferire toutes les préparations d'ellébore qui fe trouvent dans les phar- macopées , fans dire ici que toutes les pré- parations galéniques & arabefques font mifé- râbles en elles-mêmes. Comme tout le monde fait que l'ellébore blanc eft le plus fort , il eft encore plus digne de la profeription que le noir. Cette plante a un fuc cauftique & brûlant , qui , refpiré par ^ les narines , excite un éternuement forcé, & c'eft un des plus puiflans fter- nutatoires dans les maladies fopporeufès. Si l'on met de cette poudre à la fource d'une fontaine , l'eau qui en découle purge violem- ment. Les feuilles , les tiges, les fleurs , Se les racines de l'ellébore blanc appliquées fur la peau d'une perfonne vivante , excorient la partie, & y produifent une exulcéïar» tion. i3fc E L L La feule faveur nauféabonde de l'ellé- bore 3 eft un ligne de fa vertu émétique ou purgative ; celle de l'ellébore blanc , qui eft fort acre Se fort arrière , indique un purgatif très-actif ; auiïi Ton place avec rai- ibn l'un & l'autre genre parmiles mochliques. J^bye^ Mochlique. Vous trouverez dans les mém. de l'acad. des Sciences, année ijoi , quelques expé- riences chymiques de M. Boulduc , fur la racine de l'ellébore noir. L'extrait de cette racine fait avec de l'eau , donne tout ce qu'on peut en tirer , & le réfîdu ne donne plus rien par l'efprit-de-vin. Enfin , les curieux peuvent confulter , s'ils le jugent à propos , Holzemii ( Petr. ) ejfen- iia kellebori rediviva; Colonise , 1616. 8. Manelphi ( Joan. ) difeeptatio de helleboro ; Roms, 1622. 8. Scobingeri ( Joh. Cafp. ) dijfert. de helleboro nigro ; Bafîl. 1721. in-4?. Caftellus (Petrus) de ellebcro apud Hippocratem & alios auctores ; Romae 1628. in- -4°. Ce dernier ouvrage eft rare , curieux Se lavant. Article de M. le Chevalier de Jaucourt. ELLEBGRiNE , HELLEBORINE , f, f. (jHiJl. nat. Botaniq. ) genre de plante à fleur anomale , compofée de fix pétales différens les uns des autres : les cinq du deiîus font dijpofés en rond ; celui du tlefïbus eft fait en forme de goutiere. Le calice devient dans la fuite, un fruit qui refiemble en quelque façon à une lan- terne ouverte de trois côtés, dont les pan- neaux font charges de femences aulïi menues que de la fciure de bois. Ajoutez aux carac- tères de ce genre , que les racines font Êbreufès. Tournèrent, infi. rei herb. Vcye{ Plante. (/) ELLERENA , ( Géogr. mod. ) ville de rEftrumadure de Léon , en Efpagne. Long. TZ. 45. lat. j#. 8. ^ ELLINGEN ou (ELLINGEN , (Géogr.) ville & château d'Allemagne dans le cercle de Franconie fur la rivieye de Rezat ; c'eft te chef-lieu d'une commanderie confîdé- rable de l'ordre Teutonique , ou rélide ordi- nairement le bailli de Franconie. ELLIPSE , f. f» terme de Grammaire ; c'eft une figure de conftructicn , ainfi appeliée du grec W>4k , manquement , vmi£ion ; on parle par ellipfe 3 lorlque l'on E L L retranche des mots qui feroient néceflaires pour rendre la conftrucrion pleine. Ce retran- chement eft en ufage dans la conftruction ufuelle de toutes les langues ; il abrège le dif- cours , Se le rend plus vif Se plus foutenu : mais il doit être autorifé par l'ufage , ce qui arrive quand le retranchement n'apporte ni équivoque ni obfcurité dans le diicours ; Se qu'il ne donne pas à l'efprit la peine de deviner ce qu'on veut dire , Se ne l'expofe pas à fe méprendre. Dans une phrafe elliptique , les mots exprimés doivent réveiller l'idée de ceux qui font fous-enten- dus , afin que l'efprit puiiîè , par analogie , faire la conftrucrâon de toute la phrafe , Si appercevoir les divers rapports que les mots ont entr'eux : par exemple , lorique nous liions qu'un Romain demandoit à un autre, où allez-vous ? Se que celui-ci répondoit ad Cajloris , la terminaifon de Cafcris fait voir que ce génitif ne fauroit être le complément de la prépofïtion ad , qu'ainfi il y a quelque mot de fbus-entendu ; les circonftaYices font connoître que ce mot eft cedem , & que par conféquent la conitrucrion pleine eft eo ad cedem Cajloris , je vais au temple de Caftor. UeUipfe fait bien voir la vérité de ce que nous avons dit de la penfée au mot D£cli- . naison & au mot Construction. La pen- fée n'a qu'un inftant , c'eft un point de vue de l'efprit ; mais il faut des mots pour la faire palier dans l'efprit des autres : or on retranche fouvent ceux qui peuvent être aife- ment fuppléés, & c'eft Yellipfe. Voye[ Ellip- tique. (F) Ellipse , ( Mufiq. ) La mufîque a fes ellip- fes aufïi-bien que la grammaire, c'eft-à- dire , qu'on omet fouvent des notes , Se même des accords , dans une phrafe harmonique ; mais pour que cela fe puifïe fans trop de dureté , il faut que Yellipfe foit telle qu'il n'y- ait aucun doute fur l'accord , ou la note qui la forme.. Il y a donc deux fortes d'etlipfe en mufî- que yellipfe dans ^harmonie \ iV lorfqu'on omet un ou plufieurs accords. 2^. L' ellipfe dans la mélodie, lorfqu'on omet une note dans le chant d'une partie. \! ellipfe dans l'harmonie a fouvent lieu , quand elle eft employée à prepos , elle produit, un très-grand effet s il eit prefque. EL t Smpoiïîble de donner des règles de la manière de pratiquer les ellipfes , parce quelles font des exceptions aux règles : en général lorf- qae Vellipfe n'eft que d'un accord , ôc que d'ailleurs l'harmonie eft régulière , on peut toujours la pratiquer. Voye^ des ellipfes dans l'harmonie , planche IX de Mufiq. fig. 6. n. z. Suppl. des planches. On voit dans cet exemple que l'accord de la tonique ut a été fauté , & qu'on a pris d'abord celui de la nouvelle dominante- tonique re. Cette ellipfe eft une des plus frap- pantes , quoiqu'une des plus uficées , parce que la feptieme/a de l'accord de dominante - tonique fur le fol , au lieu de fe fauver régu- lièrement , monte d'un lèmi-ton mineur & devient note fenfible. h' ellipfe dans la mélodie arrive lorfqu'on omet une note du chant , ôc qu'à fa place on fait une paufej ordinairement la note qui luit la paufe ou V ellipfe , eft diflonante , ik la rend plus piquante. Voye^ Vellipfe dans la mélodie ,fig. 6. n°. %. planche IX de Mufique, Supplément des planches. Ellipse , f. f. en Géométrie , eft une des fe&ions coniques qu'on appelle vulgaire- ment ovale. Voye^ Conique & Ovale. L 'ellipfe s'engendre dans le cône , en cou- pant un cône droit par un plan qui travene ce cône obliquement , c'eft-à-dire , non parallèlement à la bafe , qui ne pallè point par le fommet , ôc qui ne rencontre la bafe qu'étant prolongé hors du cône , ou qui ne fane tout au plus que râler cette baie. La condition que le cône foit droit , eft nécelfaire pour que la courbe , formée comme on vient de le dire , ioit toujours une ellipfe; car file cône eft oblique, en cou- pant ce cône obliquement, on peut quel- quefois y former un cercle ( voye^ la fin de l'article Conique , & Sous-contraire ou Anti-parallele , au mot Paral- lèle;) or la nature de V ellipfe eft d'être ovale , c'eft-à-dire , d'avoir deux axes iné- gaux. Ce mot eft formé du grec êMé/4'* défaut ; les anciens géomètres grecs ont donné ce nom à cette figure , parce que entr'autres propriétés elle a celle-ci , que les quarrés des ordonnées font moindres que les rec- tangles formés fous les paramètres &: les abiciiîes , ou leur font inégaux par défaut. E L L r^9 En effet l'équation de Y ellipfe , en pre- nant les abfciiîes au fommet, eft celle-ci y y = (ax — xx) X— , a étant l'axe» Ôc b fon paramètre. ( voye^ Paramètre , Courbe , & Equation ; voye^ auffi la. fuite de cet article.} ; donc y y < b x ; donc, &c Voyez enfin Parabole 6. Hyperbole. L 'ellipfe , pour la définir par fa forme; eft une ligne courbe , rentrante , contenue , régulière , qui renferme un efpace plus long que large , & dans laquelle fe trouvent deux points également diftins des deux: extrémités de fa longueur , Ôc tels que fi on tire de ces points deux lignes à un point quelconque de Vellipfe , leur fomme eft égale à la longueur de \' ellipfe. Ces deux points font éloignés de l'extrémité du petit axe d'une quantité égale à la moitié du grand axe. Ainfi dans Vellipfe A E B D A ( Plan- che de fecl. conique , fig. %im ) les lignes F 'a ôc Fa , tirées des deux points F f9 également diftans des deux points A ÔC B , forment une fomme égale à A B i Ôc la diftance des points F , /, au point E , ^ = CA. : ■ Souvent les Géomètres prennent Vellipfe pour l'efpace contenu ou renfermé dans cette courbe. Elle a , comme on vient de: le dire, deux axes inégaux A B Se E Dm Le grand axe A B s'appelle quelquefois axe ou diamètre tranfverfe , ÔC le petit axe D E s'appelle quelquefois Vaxe conjugue ou fécond axe. Mais on appelle en général diamètres conjugués ceux dont l'un eft paral- lèle à la tangente menée à l'extrémité de l'autre , ôc réciproquement , fbit que leurs angles foient droits , ou non. Les deux axes fè coupent toujours à angles droits. Voye^ Axe. Les deux axes font le plus grand & le moindre des diamètres de Vellipfe , mais Vellipfe a une infinité d'autres diamètres différens. Voye^ Diamètre , &c. Le centre d'une ellipfe eft le point Cdans lequel fe coupent les deux axes. V. Centre. Les deux points F , f, pris dans le grand axe , également diftans de ces deux exrré- I" mités A ôc B 3 ôc diftans chacun du point D de la valeur de A C, font nommée S z 140 E L L foyers de Yeîlipfe , ou en latin umbitici. Voye^ Foyer. Mais Yeîlipfe confédérée comme une fection conique, c'eft-à-dire , comme une courbe , provenant de la fection d'un cône , fè définit encore mieux par fa génération dans ce folide , que par la manière dont elle peut être produite fur un plan. C'eft la ligne courbe D QE qu'on forme en coupant le cône droit ACB (fig. çlî. n. z.) de la manière expliquée ci-dellus. Ou , en la définifïant par une de fes pro- priétés fuppofée connue , c'eft une ligne courbe dans kquelle le quarré de la demi- ordonnée P M (fig. %i.) eft au rectangle des fegmens A P , & BP de l'axe , comme le paramètre eft à l'axe ; ainfi fuppofant A B = a , le paramètre = b , P M = y , A P = x y on aura b ; a : : y y : a x «— - x x , & par conféquent a y y=* a b x *— b x x. Nous ne donnons point la démonftration de cette propriété , parce qu'elle fe trouve par-tout. Nous avons expofé les différentes définitions qu'on peut donner de Yeîlipfe , Si cette dernière propriété peut être regar- dée ,. fî l'on veut, comme une des défi- nitions qu'on peut en donner , auquel cas la démonftration en feroit fuperflue. Mais la meilleure manière de traiter de Yeîlipfe & de toutes les fections coniques géomé- triquement , eft de les conlîdérer a abord dans le cône , d'en déduire leur équation , & de les tranfporter delà fur le plan , pour confidérer plus facilement leurs pro- priétés , & pour trouver , fi l'on veut , la • manière de les décrire par un mouvement continu , ou par plu heurs points. Ainfi des propriétés de Yeîlipfe tranfportée & confidérée fur le plan , réfulte la defcription de Yeîlipfe telle que nous l'avons donnée au mot Conique. J'ai dit que la meilleure manière de traiter géométriquement les fections coni- ques , & en particulier Yeîlipfe, étoit de les faire naître dans le cône ; car fi on veut les confidérer algébriquement par la nature & les différences de leurs équations , la- meilleure manière eft celle dont j'ai parlé au mut Comique. Voye^ aujfi les articles Courbe & Construction» EL L Si on prenoit les abfciflès x au centre C, on trouveroit y y z== ( — — x x} x — . Quelquefois cette équation eft plus com- mode que ayy'=abx—-bxx. De cette dernière équation il s'enfuit , bxx i °. que y y = b x — ~' c'eft - à - dire , que le quarré de la demi-ordonnée eft égal au rectangle du paramètre par l'abfciflè , moins un autre rectangle formé par la même abfcifie , 8c une quatrième proportionnelle à l'axe , au paramètre , Se à rabfcilîe. 2°. Le Paramètre , l'abfcifïe, Se la demi- ordonnée d'une ellipfe , étant donnés , on trouvera l'axe en fàifant ces proportions. b : y- :y ; t> T Voye[ Construction. 3°. L'abfcifTe AP a. , l'axe AB , & l'ordonnée P M , étant donnés , on trouve le paramètre en faifànt b = ayy * *" * a x -xx conftruifant enfuite cette valeur de b fui- vant les règles expliquées au mot Cons- truction. 4°. Si du grand axe AB comme dia-. mètre {figure X%) , on décrit un cercle ACB , & que par le foyer F on mené. FC ordonnée à l'axe y FC fera la moitié du petit axe, & FD la moitié du paramètre du grand axe. Car l'abfciffe G F = V (F Ez — G E1) ~ V (aJ. _ ££); 4. 4 pa étant le quarré du petit axe. Voye^ Paramètre & Foyer. Or , C F1 == ^ .-«■ G, F \ par la propriété du cercle ; donc C F sw '■ * == la moitié du petit axe. Or CF* , eft à DF1 comme la moitié" du grand axe eft au demi-paramètre , c'eft- . à-dire , comme le quarré de la moitié du petit axe eft au quarré de la moitié du paramètre ; donc D F= la moitié du para-, mètre. Le cercle qui a pour diamètre le grand axe de Yeîlipfe , eft appelle circonf- crit à Yeîlipfe ; le cercle qui a pour dia- mètre le petit axe , eft appelle cercle inf crit : en effet le premier de ces cercles eft extérieur , h fécond intérieur à Ydlipfe. \ j°. t,e paramètre <% l'axe A M éxaiu ELL donnés , on trouvera facilement l'axe con- jugué, puifque c'eft une moyenne propor- tionnelle entre l'axe ôc le paramètre ; à quoi il faut ajouter que le quarré du demi- axe conjugué eft égal au rectangle formé fur B f Ôc f A {figure %i ) , ou fur A F ôc B F. 6°. Dans une ellipfe quelconque , les quarrés des demi-ordonnées P M , p m , Ôcc. font entr'eux comme les rectangles formés fur les fegmens de l'axe : d'où il s'enfuit que D Ci : P M1 : : CBX:AP X B P , ôc par conféquent D C : B C : : P M1 : A P X B P ; c'eft-à-dire que le quarré du petit axe eft au quarré du grand , comme le quarré de la demi - ordonnée eft au rectangle formé fur. les fegmens de l'axe. 7°. La droite F D (fig. 2.4. ) tirée du foyer F à l'extrémité du demi-axe conju- guée , étant égale à la moitié de l'axe tranfverfe AC, il s'enfuit que les axes conjugués étant donnés , on peut aifément déterminer les foyers. Pour cela on cou- pera le grand axe A B , en deux parties égales en C, on élèvera du point C , la perpendiculaire C D égale au demi - axe conjugué ; enfin du point D pris pour centre, ôc de l'intervalle C A , on décrira un arc de cercle , il déterminera les foyers W ôc f par fes injerfedions avec le grand axe. 8°. Comme la fbmme des deux droites FM & f M. , tirées des deux points F ôcf, au même point de la circonférence M , eft toujours égale au grand axe A B , il s'enfuit delà que les axes conjugués d'une ellipfe étant donnés , on peut facilement décrire Y ellipfe. Voyz\ Conique. 9°. Le rectangle formé fur les fegmens de l'axe conjugué eft au quarré de la demi- ordonnée , comme le quarré de l'axe con- jugué eft au quarré du grand axe \ d'où il s'enfuit que les coordonnées à l'axe con- jugué ont entr'elles un rapport analogue à celui qui règne entre les coordonnées au grand axe. io°. Pour déterminer la foutangente P T {fig, 23. ), & la founorrmle P R dans une ellipfe quelconque , on fera : comme le premier axe eft au paramètre , ainfi la difcuiçe, de. la demi - ordonnée, au. centre ELL founormale. Vbyc^ SoUNOR- eft à la MALE. ii°. Le rectangle fous les fegmens de l'axe eft égal au rectangle formé de la diftance de la demi-ordonnée au centre ôc de la foutangente. Voye^ Sou tangente. ii°. Le rectangle fait de la foutangente & de la diftance de l'ordonnée au centre eft égal à la différence du quarré de cette diftance ôc du quarré du demi-axe tranf- verfe. 130. Dans toute ellipfe le quarré de la demi-ordonnée à un diamètre quelconque , eft au quarré du demi - diamètre conjugué , comme le rectangle fait fous les fegmens du diamètre eft au quarré du diamètre ; ôc par conféquent le rapport des demi- ordonnées des diamètres eft le même que celui des ordonnées des axes ; le paramètre - d'un diamètre quelconque eft aufïi une troifîeme proportionnelle, à ce diamètre ôc à fon conjugué; Nous avons rapporté ces propriétés de Y ellipfe la. plupart fans démonftration , pour deux raifons : la première , afin que le lec- teur ait fous les yeux dans un allez petit efpace les principales propriétés de X ellipfe y auxquelles il peut joindre celles dont on a déjà fait mention à Y article Conique. La féconde raifon eft de donner au lecteur 1 occafîon de s'exercer en cherchant la démonf- tration de ces propriétés. Toutes celles que nous venons d'énoncer fe déduifent aifé- ment de l'équation y y '=■■■{ a x — x x) -i, ou (~- — x x) -- y félon qu'on prendra les abfcifïes au centre ou au fbmmet , pour démontrer plus fimplcment ces propriétés. Pour démontrer les propriétés des foyers, on nommera C F ( figure &l.. ) fi ôc on remarquera que fi e eft lé fécond axe , on aura a—~ ~~m-ff =^~7 == "X* ^n vo^ P^us qu'il n'en faut pour mettre le lecteur fur la voie; On peut remarquer ici en pafîànt que le cercle eft une efpece à' ellipfe dans laquelle les foyers coïncident avec le centre. Pour trouver les tangentes- de Y ellipfe , rien n'eft plus fîmple ôc plus commode que d'employer la méthode du calcul difteren- uel, on a y^ = â * = -^ > donc 2 # donc la foutan- y d x -— - iy y genre -^ " - j^g£ ^ fer articles SOU TANGENTE & T A N G E N T E. A l'égard de la fouperpendiculaire ou r i 11 n yày y b 2b xy fbunormale , elle eft y-jf ou — — ~-i = ■ Lî. En voilà allez pour démontrer les propofitions énoncées ci - deilus au fujet des ;tangences de Yellipfe. Nous avons déjà vu au mot Conique , Se nous prouverons encore au mot Qua- drature , que la quadrature de Ydlipfe .dépend de celle du cercle , puifque Yellipfe .eft au cercle circonferit en raifbn du petit axe au grand. A l'égard de la rectification -de Yellipfe , c'eft un problème d'un genre fupé- rieur à celui de la quadrature du cercle , ou du moins tout-à-fait indépendant de .cette quadrature. Voye^ Rectification ; vcyei aujfi dans les mémoires que j'ai donnés à l'académie de Berlin pour l'année 1746, éc dans le traité du calcul intégral de M. de Bougainville le jeune , les diffhennelbs qui fe rapportent à la rectification de Yel- lipfe. Au lieu de rapporter Yellipfe à des coor- données rectangles ou à des ordonnées parallèles , on peut confidérer Ton équation par rapport à l'angle que font avec l'axe îes lignes menées du foyer. Cette confidé- •ration eft utile dans TAftronomie , parce que les planètes , comme l'on fait , décri- vent des eliipfes dont le foleil eft le foyer. Or 11 on nomme a la moitié du grand axe jd'une ellipfe , f la diftance du foyer au .centre , q le connus de l'angle qu'une ligne menée du foyer à Yellipfe , fait avec l'axe , r la longueur de cette ligne; on aura r £5= -" ~Z.i> *î on apporte 1 équation au foyer le plus éloigné , & r = y£™~ » (\ on la rapporte au foyer le plus proche. Delà on peut tirer la iolution de plusieurs problêmes aftronomiques , comme de décrire une ellipfe dans laquelle trois diftances au foyer font données , &c. Voyez les mémoi- res de l'académie de Berlin pour Tannée *747 ? 8c plufieurs autres ouvrages d'ajîro- pomie, E L L Mais la manière la plus générale de confi- dérer Yellipfe en Géométrie, eft de la confidérer par l'équation aux ordonnées parallèles. Nous allons entrer dans quelques confédérations fur ce fujet, qui pourront être utiles aux commençans , peut - être même aux géomètres plus avancés. L'équation d'une ellipfe rapportée aux axes , les coordonnées étant prifes au cen- tre, eft yy~k — g x x, k exprimant un quarré ou rectangle connu, 8c g un nombre confiant 8c connu ; cela réfulte de ce qu'on a vu ci-deflus. Transformons les axes de cette courbe , de manière qu'ils ne fbient plus rectangles , fi on veut , mais qu'ils aient la même origine , 8c fervons nous pour cela des règles expliquées aux articles Courbe & Transformation ; on verra qu'en fuppofant un des axes dans une pofition quelconque , il fera pofTible de donner une telle pofition à l'autre , que l'équation transformée foit de cette forme u z/= m — n^[, m 5c n marquant aufli des circonftances déterminées. En effet luppofons que l'angle des premiers axes foit droit , que E foit l'angle du nouvel axe avec l'un des axes primitifs , 8c F l'angle que l'axe cherché fait avec l'axe conjugué à l'axe primitif ; foit finus 2s =e, cofinus E = V 1 — e&^ on aura finus 90 + E = V 1 — ee, cofinus 90 -f- E = — e ; foit finus F=f, 8c cofinus F = / ■ _ y y 1 — ff, on trouvera ^ fin. E I— // / nus 90 cof. F F — 8c \^X v -j-^ryy fin 90 _j. £ _ F = j. \ Or , finus 90 -f- E — F= fin. 90 «+- E X / 1 — // — / cofin. 90 -f- E ( royei Sinus ) = V 1 — // X V 1 — e e ■-t-fe. Subftituant ces valeurs, & chafïànt x 8c y , on aura une équation en £ 8c en u , qui fera la transformée de l'équation y y = k — g x x ; 8c fuppofant dans cette transfermée que les termes où fe trouve u ç fe dé triaient , on aura la yaleur de f en e E LL convenable pour cela , & l'équation u u = m — n [ £. Cela pofé , Il eft vifible que pour chaque [ , u a toujours deux valeurs égales , Tune pofitive , l'autre négative; que lorfque { = VfL, n onau = o dans chacune de ces deux va- leurs , & qu'ainfi la tangente à l'extrémité d'un des deux axes eft parallèle à l'autre axe , & réciproquement ; car la tangente eft une ordonnée qui coupe la courbe en deux points coïncidens. V. Tangente & Courbe. On verra de plus que/— o rend e = o ; que / = i rend e = i , 3 repréfentant le finus total; que/= — i rend e = — i , & qu'ainfi il n'y a que deux axes dans Yellipfe qui Te coupent à angles droits ; mais que / = izrtr étant moindre que i , donne deux valeurs de e aufli égales entr'elles , & qu'ainfi il y a toujours deux diamètres diftérens qui font avec leur conjugué le même angle , fi cet angle eft moindre qu'un droit. On peut auili déduire des valeurs de / en e , & de celles de m & n , que le rectangle des deux axes eft égal au parallélogramme formé fur deux diamètres conjugués , Ôc que le quarré des deux axes eft égal au quarré des deux diamètres. Mais ces proportions peuvent encore fe démontrer de la manière fui- vante , qui eft bien plus iimple. Pour démontrer que les parallélogram- mes formés autour des deux diamètres conjugués font égaux ,« imaginez un dia- mètre infiniment proche d'un des conju- gués , & enfuite imaginez le conjugué à ce diamètre infiniment proche. Achevez les deux parallélogrammes , ou plutôt le quart de ces parallélogrammes , vous verrez à l'inftant , &pourainfi dire à l'œil, parle parallélisme des tangentes aux diamètres conjugués , que ces deux parallélogrammes infiniment proches font égaux ; leur diffé- rence , s'il y en avoir , ne pouvant être qu'infiniment petite du fécond ordre par rapport à eux. Donc , ùc. Pour démontrer maintenant que la fbmme des quarrés des diamètres conjugés eft conftante , confervez la même figure , appeliez a un des demi - diamètres , b fon conjugué, a.^rda3 le demi * diamètre ELL 143 infiniment proche de a, b — db le demi- diametre conjugué \ il faut donc prouver que a a~\- b b = a a + %. ada-\-b b — % b d b ( voye^ Différentiel) ou que ad a = bd b. Or traçant du centre de Yellipfe & des rayons a , b , deux petits arcs de cercle x , (, on verra d'abord, évidemment que les deux quarts à'ellipfe- renfermés entre les demi - diamètres con- jugés, font égaux, 3c qu'ainfi ax = b^,. Or#eftà en ne faifant même changer de pofition qu'une des coordonnées. Voye^ Courbe, &c. Le fphéroïde formé par une ellipfe autour de fon axe , eft à la iphere qui a cet axe pour diamètre, comme le quarré de Taxe eft au quarré de fon conjugué ; c'eft une fuite du rapport des ordonnées correfpon- dantes de Yellipfe 8c du cercle qui a le même axe. Voye^ Sphéroïde; voye^ aujji les articles Coeur {Géométrie) & Conoïde. Nous avons dit ci-deffus ôc au mot Conique , comment on décrit Yellipfe par un mouvement continu : cette manière de la décrire eft la plus fimple qu'on puiflè employer fur le terrain , & même fur le papier : mais toutes les defcriptions orga- niques de couibes iur le papier font in- commodes. Voye[ Compas elliptique. La defcription par plufieurs points doit être préférée. Vbye{ Description & Courbe. On peut décrire Yellipfe par plufieurs points , en divifant en raifon du petit axe au grand les ordonnées du cercle circonfcrit. Voye^ à la fin du II livre des feclions coniques de M. de l'Hôpital , plufieurs autres mé- thodes très -fimples de décrire /'ellipfe par plufieurs points. Il y a des géomètres qui enfeignent à décrire Yellipfe fur le papier par un . mouvement continu , fuivant la méthode qui fera expliquée à l'article Ovale ; mais cette méthode eft fautive ; ce n'eft point une ellipfe qu'on décrit , c'eft un compofé d'arcs de cercle qui forment une ovale à la vue , 8c qui n'eft pas même proprement une courbe géométrique. Au- cune portion d'ellipfe n'eft un arc de cercle. ËLt ( K Anomalie & Exchntîucïte' )t on a la diftance r de la planète au foyer rm 7~ /coTt ; or » fuPPofant / très - petite par rapport à a , on peut aifément réduire en^ féne cette valeur de r. Vbye{ Binôme , Développement , & Série ; de plus l'élément du fecteur qui repréfente l'ano- malie moyenne ( Voye^ Loi de Kepler & Anomalie ) eft proportionnel à d / («« — //> t, v ., I .r, , . 1 a — f cof. x ) » ' d ou l[ elt ^ de conclure /cof, o par les fériés & le calcul intégral , que fi c. ainfi on a égale- 4 ment la valeur de l'anomalie moyenne par la vraie , ou celle de la vraie par la moyenne, ce qui donne la folution du problême de Kepler développé au mot Anomalie. J'ai mis ici ces formules , afin que les Aftro- nomes puiflent s'en fervir au befbin. Vcyc{ Equation du centre. Si Yellipfe eft peu excentrique , 8c qu'une des lignes menées au foyer foit a -+- ?t l'autre fera a — ç , ç étant une très-petite quantité ; donc le produit a a — [ r_ de ces deux lignes peut être regardé comme conl- tant & égal à a a , à caufe de la petiteiTè de 1 ç. Or fi des deux extrémités d'un arc infiniment petit d'ellipfe on mené des lignes à chaque foyer, on trouvera, après avoir décrit de petits arcs du foyer comme centre & des rayons a ■+• ç , a — ç , que ces petits arcs font égaux : nommant donc a chacun de ces petits arcs , on trouvera que le fecteur qui a a -+• ç pour rayon eft «. La preuve en eft , que le rayon de la déve- ( L!ZU ) , 8c que l'angle qui a a — £ pour loppée de cette courbe n'eft confiant en j z aucun endroit. On peut le démontrer d'une infinité d'autres manières. Voyci^ DÉVELOPPÉE & OSCULATEUR. On a déjà dit un mot de l'ufage de Yellipfe dans l'Aftronomie , 8c on a vu ci-deiïus que 7_ étant l'anomalie vraie , a h diftance moyenne , 8c f l'excentricité rayon eft —^r ; donc le rapport du fec- teur à l'angle eft "" ' ; donc il peut 2 être cenfé confiant , fur quoi veye^ l'article fuivant Ellipse de M. Cafïini. De ce que la fomme des lignes menées aux E L L aux foyers eft conftante , il s'enfuit, comme il eft aifé de le voir , que menant deux lignes d'un même point aux deux foyers , la différentielle de l'une eft égale à la différentielle de l'autre prife négativement. Or on conclura delà très-aifément, & par la plus fimple géométrie élémentaire , que les deux lignes dont il s'agit font des angles égaux avec la tangente qui pafîè par le point d'où elles partent. Donc un corps partant du foyer d'une ellipfe & choquant la furface , fera renvoyé à l'autre foyer. Voye\ Réflexion. Delà l'ufage de cette propriété dans PAcouftique & dans l'Opti- que. Voye\ Miroir, Echo, Cabinets SECRETS. Voilà encore une propriété de Vellipfe que le calcul différentiel , ou plutôt le fimple principe de ce calcul , démontre très-élégamment & très-fimplement. Si les deux foyers d'une ellipfe s'éloignent jufqu'à arriver aux extrémités du grand axe, Vellipfe devient alors une ligne droite ; & fi un des foyers reftant en place , l'autre s'en éloigne à l'infini , elle devient parabole. Voye\ Parabole. Ellipfes à l'infini ou de tous les genres , ce font celles qui font défîgnées par les équations générales a y m -{-a = b x >» X a — xn , & que quelques-uns appellent ellip toi de . Voye\ ElliptoïDE. Mais ces mots ou façons de parler font peu en ufage. Vellipfe ordinaire eft nommée ellipfe apollonienne ou ^Apollonius , quand on la compare à celles-ci , ou qu'on veut l'en diftinguer. Voye\ Apollonien. (O) Ellipse de M. Cafîini , autrement nommée caffinoïde , eft une courbe que feu M. Jean-Dominique Cafîini avoit ima- ginée pour expliquer les mouvemens des planètes ; cette courbe a deux foyers F , f> {fig- 24« ) dont la propriété eft telle que le produit F M Y. Mf de deux lignes quelconques menées de ces foyers à un point quelconque M de la courbe , eft toujours égal à une quantité conftante ; au lieu que dans Vellipfe ordinaire ou d'Apol- lonius, c'eft la fomme de ces lignes , & non leur produit , qui eft égale à une quantité conftante. M. l'abbé de Gu i dans fes ufages de Vanalyfe de Dejcar.es , a Tome XII. E L L 145 déterminé les principales propriétés de cette ourbe. II y examine les différentes figures qu'elle peut avoir , & dont nous avons rapporté quelques-unes à V article CONJU- GUÉ , & il conclut que cette courbe n'a pas été bien connue par ceux qui en ont parlé avant lui , fi on en excepte cependant Pilluftre M. Grégory. Voye\ afiron. p/iyf. & ge'ome'tr. élément, pag. 331. édit. de Genève, en 1726, ou les tranf. phil. Sept. 1704. Pour avoir une idée des propriétés de cette courbe , foit a fon demi-axe , f la diftance d'un des foyers au centre , x l'abfcifte prife depuis le centre , y l'or- donnée , on aura , comme il eft aifé de le prouver par le calcul (x x 2 f x -+-ff-+-yy ) ( #*-+- ifx->r:ff-Jr-yy ) ==(aa ff)x y par la propriété de cette courbe, ou {yy-\-ff-\~xxy \ff x x = (a a — f f)x » ou enfin y =^+; V[ ff x x-±V{aa //)> -\-^ffx x ] ; donc , i°. cette équatioa ne donnera jamais que deux valeurs réelles tout au plus pour y , l'une pofitive , l'autre négative , & égale à la pofitive ', car les deux valeurs qu'on auroit en mettant le figne devant V/( a a - ffl-\-%ffx x feraient imaginaires , puifque y feroit la racine d'une quantité négative. 2°. En fuppofant même le figne -f- devant cette dernière quantité , il eft vifible que la valeur de y ne fera réelle que quand ( a a ffY -f- 4 ffx x fera > ou = (ff-\- x x y , c'eft-à-dire , quand a4 — iffaa-\-i.ffxx — x\ fera > ou = o. Doncfi(aa ffY eb>(xx ffY ou {ff xxY , l'ordonnée fera réelle , finon elle fera imaginaire. Donc fi aa?=2//, l'ordonnée fera nulle au centre, & la courbe aura la fi- gure d'un 8 de chiffre ou lemnifcate ( Voye\ Lemniscate ) ; car on aura alors xx— ou > iff a a , condition pour que l'ordonnée foit nulle ou réelle. Si 2 ff > a a , les ordonnées réelles T ia6 £ l L ne commenceront qu'au point où x = + J/2//— aa, & elles finiront au point où x — a; car (afl-//)J doit aufli être > ou = ( x x — //) ». Ainfi dans ce cas la courbe fera compofée de deux courbes conjugues & ifolées , difLintes lune de l'autre de la quantité 2. V ïff—a a ; & fi dans cette fuppofition on a de plus a— l/xff — a a ou f=a, la courbe fe réduira à deux points conjugés uniques. Si/> a, la courbe fera totalement ima- ginaire. Enfin fi 2 //< a a , la courbe fera continue , & aura toutes fes ordon- nées-réelles , égales & de figne contraire, depuis x = o jufqu'à x = a. Cette courbe que M. Caiïini avoit voulu introduire dans l'aftronomie , n'eft plus qu'une courbe purement géométrique & de (impie curiolité ; car on fait que les planètes décrivent des ellipfes apollonien- nes ou ordinaires. On demandera peut-être par quelle raifon M. Caifini avoit fubifitué cette ellipfe à celle de Kepler. Voici ma conjecture fur ce fujet. On fait que la plupart des planètes décrivent des ellipfes peu excentriques. On fait aufîi , & on peut le conclure de l'article ellipfe qui précède , que dans une ellipfe peu excen- trique les feàèurs faits par les rayons vec- teurs à un foyer font proportionnels à très-peu-près aux angles correfpandans faits à l'autre foyer ; & c'eft fur cette propriété que Ward ou Sethus JVurdus a établi fa R lut ion approchée du problême comme les angles. J'ai cru cette remarque aflèz importante? pour ne la pas négliger ici. (O) Ellipse, nom que les Horlogers don- nent à une pièce adaptée fur la roue an- nuelle d'une pendule d'équation. C'eft une grande plaque de laiton dont la courbure eft irréguliere , mais reflemblant à-peu-près à celle d'une ellipfe. Cette pièce fert à faLe avancer ou retarder l'aiguille des minutes du temps vrai félon l'équation du foleil . Voye\ U-deJfus V article Pe n d U LE d'Equation , où l'on explique comment cela fe fait , & de quelle manière on donne à cette plaque la courbure requife. ( J) ELLIPSOÏDE, f. m. (Geom.) eft le nom que quelques géomètres ont donné au folide de révolution que forme 1 ellipfe en tournant autour de l'un ou de l'autre de fes axes. Voy. Sphéroïde & Conoïde. Uellipfoïde eftalongé, fi Fellipfe tourne autour de fon grand axe ; & applati 3 fi elle tourne autour de fon petit axe. lyoye\ Allongé, Applati. L'ordonnée de ['ellipfe génératrice eft toujours à l'ordon- née correfpondante du cercle qui a pour diamètre l'axe de résolution , comme l'autre axe eft à l'axe de révolution : donc les cercles décrits par ces ordonnées ( les- quels cercles forment les élémens de la fphere & de Xellipfoïde ) , font entr'eux comme le quarré de l'axe de révolution eft au quarré de l'autre axe : donc la fpherq1 eft à Xellipfoïde comme le quarré de l'axe de révolution eft au quarré de l'autre axe. El L Voyc\ Axe , Con» ugué , Cercle , Conoïde. (O) ELLIPTICITE, f. f. C^'o/77.) Quel- ques géomètres modernes ont donné ce nom à la fraction qui exprime le rapport de la différence des axes d'une ellipfe , au grand ou au petit axe de cette ellipfe. Plus cette fradion eft grande , plus , pour ainG dire, l'ellipfe eft ellipfe, c'eft-à-dire, plus elle s'éloigne du cercle par l'inégalité de fes axes ; ainli on peut dire que le degré tfellipticité d'une ellipfe eft représenté par cette fra&ion. Il feroit à fouhaiter que cette expreflion fût adoptée ; elle eft com- mode , claire eft précife. (O) ELLIPTIQUE, adjedif formé d'ellipfe. Cette phrafe eft elliptique , c'eft-à-dire , qu'il y a quelque mot de fous-entendu dans cette phrafe. La Langue latine eft prej que toute elliptique , c'eft-à-dire , que les Latins faifoient un fréquent ufage de l'ellipfe ; car comme on connoiftbit le rapport des mots par les terminaifons , la terminaifon d'un mot réveilloit aifément dans l'efprit le mot fous-entendu , qui étoit la feule caufe de la terminaifon du mot exprimé dans la phrafe elliptique : au contraire notre langue ne fait pas un ufage auiîi fréquent de l'ellipfe , parce que nos mots ne changent point de terminaifon ; nous ne pouvons en connoître le rapport que par leur place ou pofition , relativement au verbe qu'ils précèdent ou qu'ils fuivent , ou bien par les proportions dont ils font le complément. Le premier de ces deux cas exige que le verbe foit exprimé au moins dans la phrafe précédente. Que demandez-vous ? R. ce que vous m'ave\ promis : l'efprit fupplée aifément , je de- mande ce que vous myave\ promis. A l'égard des prépofitions , il faut auïTi qu'il y ait dans la phrafe précédente quelque mot qui en réveille l'idée , par exemple : Quand reviendre^-voust R. Vannée pro- chaine y c'eft-à-dire , je reviendrai dans Vannée prochaine. D. Que fere\ - vous ? R. ce qu'il vous plaira , c'eft-à-dire , ce qu'il vous plaira quejefajje. (.F) Elliptique, adj. (Géom.) fe dit de ce qui appartient à l'ellipfe. V. Ellipse. Kepler a avancé le premier que les •rbites des plantes n'étoient pas circu- E L L 147 laires, mais elliptiques ; hypotliefe qui a été foutenue enfuite par Bouillaud , Flam'f- teed, Newton, &c. d'autres, aftronomes' mooernes l'ont confirme depuis, de façon que cette hypothefe, qu'on appelloit autre- fois par mépris V hypothefe elliptique , eft maintenant univerfellement reçue. Voye\ Orbite & Planète. M. Newton démontre que 11 un corps fe meut dans un orbite elliptique , de ma- nière qu'il dérive autour d'un des foyers des aires proportionnelles au temps , fa force centrifuge ou fa gravité fera en raifon doublée inverfe de fes diftances au foyer, ou réciproquement comme les quarrés de fes diftances. Voye\ CENTRIPETE. Quelques auteurs prétendent que la meil- leure forme que l'on puifTe donner aux arcs de voûte , eft la forme elliptique. Voye\ Arc , Voûte , Cabinets , Secrets , Ellipse. Efpace elliptique , c'eft l'aire renfermée par la circonférence de l'ellipfe. Voye\ Ellipse. Conoïde ou fphéroide elliptique y c'eft la même chofe qu'ellipfoïde. V. Sphé- roïde , Conoïde , & Ellipsoïde. Compas elliptique , voye\ COMPAS. Harris & Charniers. (O) ELLIPTOIDE , f. fém. ( Géométrie. ) lignifie une efpece d'ellipfe ou plutôt de courbe délignée par l'équation générale xa , dans la- a ym-\-n = £ zn X a- quelle 772 ou n eft plus grand que 1. Voye\ Ellipse. Il y en a de différens genres ou degrés , comme Yelliptoïde cubique dans laquelle a xl = b xz X a — x. L'elliptoïde quarrée quarrée , ou furfo- lide , ou du troiileme ordre , dans laquelle a y4 = b xx X a — xz . Si on appelle une autre ordonnée u , & PabfcifTe correfpondante \ , on aura a H«B-i-/x= b \f"X a — \m , & par con- féquent a y"} -+-n : a um-\-n : : b xm Xa — z«:^»Xa — $*' , c'eft-à-dire , T2 148 E L M _ ym -f-a : um ~*~n : : xm X & ■ xn : %n Xa l«. Elliptoïde , f. m. (Géom.) fe ditaufîi quelquefois pour ellipfoïde. V. ELLIPSOÏ- DE. (O) * ELLOTIDE ou HELLOTIDE , f. f. ( Mythol. ) furnom de la Minerve de Corinthe. Les Doriens ayant mis le feu à cette ville , Ellotis prêtreffe de Mi- nerve , fut brûlée dans le temple de cette déefTe , où elle s'étoit réfugiée. Un autre fléau donna lieu à la réédification du tem- ple : ce fut une pefte qui défoloit Corin- the , & qui ne devoit cefler , félon la ré- ponfe de l'oracle , qu'aprts qu'on auroit appaifé les mânes de la prêtreffe Ellotis , & relevé les autels de Minerve. Les autels & le temple furent relevés ; & on les confacra fous le nom de Minerve-Ello- tide , afin d'honorer en même temps Mi- nerve & fa prêtreffe. *ELLOTIES, adj. pris fubft. {Myth.) Les Cretois honoroient Europe fous le nom d' Ellotis , & lui a voient confacré des fêtes appellées Elloties. On portoit dans ces fêtes une couronne de vingt cou- dées de circonférence , qu'ils avoient ap- pellée Y Ellotis , avec une grande châffe, qui renfermoit quelques os d'Europe. ELMEDIN ', ( Géogr. mod.) ville de la province d'Efcure ou Hafcore , au royaume de Maroc. ELMONASKAR , ( Géogr. ) ville de Barbarie dans le royaume d'Alger , la troifieme de la province de Beni-Araxid ou Beni-Razid. ELNBOGEN ou LOKER , ( Géogr. mod. ) ville de Bohême au cercle de même nom : elle eft fur l'Eger. Long. 30. 26. lat. jo. 20. ELNE , EAUNE , ( Géogr. ) Elna y Elena , ancienne ville de la Gaule Nar- bonnoife , que M. de Marca croit être Pllliberis ou campa Annibal. Conftantin la releva de fes ruines, y bâtit un châ- teau , & lui donna le nom de fa mère Hélène. Confiant s'étant enfui dans cette ville , y fut tué par la faction de Ma- gnence. Les rois G.ctbs lui procurèrent l'honneur d'un fiege épifcopal. L'évêque à'Elne aflifta à deux conciles tenus à Nar- È L O bonne en 589 & en 627. Jules II, en ifn, exempta Elene de la dépendance de Nar- bonne & la fournit au faint fiege ; mais le cardinal de Ferrare , archevêque de Narbonne , s'y oppofa & obtint de Léon X , en 15 17 , une bulle qui caffoit celle de Jules II. L'évêché d'Elne fut tranféré à Perpignan par Clément VIII , en 1604, la ville ayant été ruinée fous Louis XI r en 1474, & en 1641 , par le prince de Condé. Elle eft à deux lieues de Perpi- gnan.dans leRouflilion fur le Tec. Marca , Hifpan. pag. 22, Not. Gai. Val. la Mar- tiniere. Long. 20. 40. lat. 42. 30. (C) ELOCUTION , f. f. ( Belles-Lettres. ) Ce mot qui vient du latin eloqui , parler, fignifie proprement & à la rigueur le carac- tère du difours ; & en ce fens il ne s'emploie guère qu'en parlant de la converfation , les motsjlyle & diclion étant confacrés aux ouvrages ou aux difcours oratoires. On die d'un homme qui parle bien , qu'il a une belle élocution ; & d'un écrivain ou d'un orateur , que fa diclion eft correcte , que (on ftyle eft élégant, &c. Voye\ ECRIRE , Style. Voye\ aujfi Affectation ù Conversation. Elocution , dans un fens moins vul- gaire , fignifie cette partie de la Rhéto- rique qui traite de la diction & du ftyle de l'orateur ; les deux autres font l'/n- vention & la difpofition. Voye\ ces deux mots. V. aujji ORATEUR, DISCOURS. J'ai dit que Y élocution avoit pour objet la diclion & le ftyle de l'orateur ; car il ne faut pas croire que ces deux mots foient fynonymes : le dernier a une acception beaucoup plus étendue que le premier. Diclion ne fe dit proprement que des qualités générales & grammaticales du dif- cours , & ces qualités font au nombre de deux , la correction & la clarté. Elles fonC indifpenfables dans quelque ouvrage que ce puiffe être, foit d'éloquence, foit de tout autre genre ; l'étude de la langue & l'ha- bitude d'écrire les donnent prefque infail- liblement , quand on cherche de bonne foi à les acquérir. Style au contraire fe dit des qualités du difcours , plus parti- culières , plus difficiles & plus rares , qui marquent le génie & le talent de celui qui écrit ou qui parle : telles font la propriété E L O des termes , l'élégance , la facilité , la précifion , l'élévation , la noblefle , l'har- monie , la convenance avec le fujet , Ùc. Nous n'ignorons pas néanmoins que les mots flyle & diction fe prennent fouvent l'un pour l'autre , fur-tout par les auteurs qui ne s'expriment pas fur ce fujet avec une exactitude rigoureufe ; mais la diftinc- tion que nous venons d'établir, ne nous paroit pas moins réelle. On parlera plus au long au mot Style , des différentes qualités que le ftyle doit avoir en général , & pour toutes fortes de fujets : nous nous bornerons ici à ce qui regarde l'orateur. Pour fixer nos idées fur cet objet , il faut auparavant établir quelques principes. Qu'eft - ce qu'être éloquent ? Si on fe borne à la force du terme , ce n'eft autre chofe que bien parler ; mais l'ufage a donné à ce mot dans nos idées un fens plus noble & plus étendu. Etre éloquent, comme je l'ai dit ailleurs , c'eft faire pafTer avec rapidité & imprimer avec force dans l'ame des autres , le fentiment profond dont on eft pénétré. Cette définition paroît d'autant plus jufte , qu'elle s'applique à l'éloquence même du filence & à celle du gefte. On pourroit définir autrement l'élo- quence , le talent d'émouvoir ; mais la première définition eft encore plus géné- rale , en ce qu'elle s'applique même à l'éloquence tranquille qui n'émeut pas , & qui fe borne à convaincre. La perfualion intime de la vérité qu'on veut prouver, eft alors le fentiment profond dont on eft rempli , & qu'on fait pafTer dans l'ame de l'auditeur. Il faut cependant avouer _, félon l'idée la plus généralement reçue , que celui qui fe borne à prouver & qui laifte l'auditeur convaincu , mais froid & tranquille , n'eft point proprement élo- quent, & n'eft que difert. J^oy^.DlSERT. C'eft pour cette raifon que les anciens ont défini l'éloquence le talent de perfuader _, & qu'ils ont diftingué perfuader de con- vaincre y le premier de ces mots ajoutant à .l'autre l'idée d'un fentiment a&if excité dans l'ame de l'auditeur , & joint à la convi&ion. Cependant, qu'il me foit permis de le dire , il s'en faut beaucoup que la défi- nition de l'éloquence , donnée par les E L O 149 anciens , foit complète : l'éloquence ne fe borne pas à la perfualion. Il y a dans toutes les langues une infinité de morceaux très-éloquens , qui ne prouvent & par con- féquent ne perfuadent rien , mais qui font éloquens par cela feul qu'ils émeuvent puif- famment celui qui les entend ou qui les lit. Il feroit inutile d'en rapporter des exemples. Les modernes , en adoptant aveuglé- ment la définition des anciens , ont eu bien moins de raifon qu'eux. Les Grecs & les Romains , qui vivoient fous un gouvernement républicain , étoient con- tinuellement occupés de grands intérêts publics : les orateurs appliquoient princi- palement à ces objets importans le talent de la parole ; & comme il s'agiftbit tou- jours en ces occafions de remuer le peuple en le convainquant , ils appellerent élo- quence le talent de perfuader , en prenant pour le tout la partie la plus importante & la plus étendue. Cependant ils pouvoient fe convaincre dans les ouvrages mêmes de leurs philofophes , par exemple , dans ceux de Platon & dans pîufieurs autres , que l'éloquence étoit applicable à des matières purement fpéculatives. L'éloquence des modernes eft encore plus fouvent appliquée à ces fortes de matières , parce que la plupart n'ont pas , comme les anciens , de grands intérêts publics à traiter : ils ont donc eu encore plus de tort que les anciens , lorfqu'ils ont borné l'éloquence à la perfualion. J'ai appelle l'éloquence , un talent , &c non pas un art y comme ont fait tant de rhéteurs ; car l'art s'acquiert par l'étude & l'exercice , & l'éloquence eft un don de la nature. Les règles ne rendront jamais un ouvrage ou un difcours éloquent ; elles fervent feulement à empêcher que les en- droits vraiment éloquens & didés par la nature y ne foient défigurés & déparés par d'autres , fruits de la négligence ou du mauvais goût. Shakefpear a fait , fans le fecoursdes règles, le monologue admirable d'Hamlet ; avec 1e fecours des règles , il eût évité la fcene barbare & dégoûtante des fofTcyeurs. Ce que l'on conçoit bien y a dit Def- préaux , s'énonce clairement : j'ajoute , cz iço E L O que Von fent avec c.ialeur , s* énonce de même , & les mots arrivent aufîi aifément pour rendre une émotion vive , qu'une idée claire. Le foin froid & étudié que l'orateur fe donnerait pour exprimer une pareille émotion , ne ferviroit qu'à l'affoi- blir en lui , à l'éteindre même , ou peut- être à prouver qu'il ne la reffentoit pas. \ En un mot , fente\ vivement , & dites \ tout ce que vous voudre\> voilà toutes les i règles de l'éloquence proprement dite. ! Qu'on interroge les écrivains de génie fur i les plus beaux endroits de leurs ouvrages , ! ils avoueront que ces endroits font prefque I toujours ceux qui leur ont le moins coûté , j parce qu'ils ont été comme infpirés en les j prodnifant. Prétendre que des préceptes froids & didactiques donneront le moyen d'être éloquent , c'eft feulement prouver qu'on eft incapable de l'être. Mais comme pour être clair il ne faut pas concevoir à demi , il ne faut pas non plus fentir à demi pour être éloquent, j Le fentiment dont l'orateur doit être j rempli 9 eft , comme je l'ai dit , un fentiment profond , fruit d'une fenfibilité j rare & exquife , & non cette émotion j fuperficielle & paffagere qu'il excite dans la plupart de fes auditeurs ; émotion qui eft plus extérieure qu'interne , qui a pour objet l'orateur même , plutôt que ce qu'il dit, & qui dans la multitude n'eftfouvent qu'une impreflion machinale & animale, produite par l'exemple ou par le ton qu'on lui a donné. L'émotion communiquée par l'orateur , bien-loin d'être dans l'auditeur une marque certaine de fon impuifTance à produire des chofes femblables à ce qu'il admire , eft au contraire d'autant plus réelle & d'autant plus vive , que l'auditeur a plus de génie & de talent : pénétré au même degré que l'orateur , il auroit dit les mêmes chofes : tant il eft vrai que c'eft dans le degré feul du fentiment que l'éloquence confifte. Je renvoie ceux qui en douteront encore , au payfan du Danube , s'ils font capables de penfer & de fentir ; car je ne parle point aux autres. Tout cela prouve fuffifamm^nt , ce me femble , qu'un orateur vivement & pro- fondément pénétré de fon objet , n'a pas befoin d'arc pour en pénétrer les autres. E L ° J'ajoute qu'il ne peut les en pénétrer , fans en être vivement pénétré lui-même. En vain objecteroit-on que plufieurs écrivains ont eu l'art d'infpirer par leurs ouvrages l'amour des vertus qu'ils n'avoient pas : je réponds que le fentiment qui fait aimer la vertu , les remplifToit au moment qu'ils en écrivoient ; c'écoit en eux dans ce mo- ment un fentiment très-pénétrant & três- vif , mais malheureufement paffàger. En vain objecteroit-on encore qu'on peut tou- cher fans être touché , comme on peut convaincre fans être convaincu. Premiè- rement , on ne peut réellement convaincre fans être convaincu foi - même : car la conviction réelle eft la fuite de l'évidence ; & on ne peut donner l'évidence aux autres, quand on ne l'a pas. En fécond lieu , on peut (ans doute faire croire aux autres qu'ils voient clairement ce qu'ils ne voient point, c'eft une efpece de fantôme qu'on leur préfente à la place de la réalité : mais on ne peut les tromper fur leurs affections & fur leurs fentimens , on ne peut leur per- fuader qu'ils font vivement pénétrés , s'ils ne le font pas en effet : un auditeur qui fe croit touché , l'eft donc véritablement : on ne donne point ce qu'on n'a point ; on ne peut donc vivement toucher les autres fans être touché vivement foi- même , foit par le fentiment , foit au moins par l'imagination , qui produit en ce moment le même effet. Nul difcours ne fera éloquent s'il n'élevé l'ame : l'éloquence pathétique a fans doute pour objet de toucher ; mais j'en appelle aux âmes fenfibles , les mouvemens pathé- tiques font toujours en elles accompagnés d'élévation. On peut donc dire qu'éloquent Scfublimefont proprement la même chofe ; mais on a réfervé le mot de fublime pour défîgner particulièrement l'éloquence qui préfente à l'auditeur de grands objets ; & cet ufage grammatical , dont quelques littérateurs pédans & bornés peuvent êtr« la dupe , ne change rien à la vérité. Il réfulte de ces principes que l'on peut être éloquent dans quelque langue que ce foit , parce qu'il n'y a point de langue qui fe refufe à l'expreiTion vive d'un fen- timent élevé & profond. Je ne fais par quelle raifon un grand nombre d'écrivains ELO modernes nous parlent de_ Y éloquence dés chojes y comme s'il y avok une éloquence ces mots. L'éloquence n'eft jamais que dans le fujet ; & le cara&ere du fujet , ou plutôt du fentiment qu'il produit, paffe de lui-même & nécelTairement au difcours. J'ajoute que plus le difcours fera fimple dans un grand fujet , plus il fera éloquent , parce qu'il repréfentera le fentiment avec plus de vérité. L'éloquence ne confifte donc point, comme tant d'auteurs l'ont dit d'après les anciens , à dire les chofes grandes d'un ftyle fublime , mais d'un ftyle fimple ; car il n'y a point proprement de ftyle fublime ; c'eft la chofe qui doit l'être ; & comment le ftyle pourroit-il être fublime fans elle , ou plus qu'elle ? Aufli les morceaux vraiment fublimes font toujours ceux qui fe traduifent le plus aifément. Que vous refle-t-il ? moi Comment voule\-vous que je vous traite ? en roi Qu'il mourût Dieu dit : que la lumière fe faffe , Ù elle fe fit & tant d'autres morceaux fans nombre , feront toujours fublimes dans toutes les langues. L'expreiîion pourra être plus ou moins vive , plus ou moins précife , félon le génie de la langue ; mais la grandeur de Tidée fubfiltera toute entière. En un mot on peut être éloquent en quelque langue & en quelque ftyle que ce foit , parce que Yélocution n'eft que l'écorce de l'éloquence , avec laquelle il ne faut pas la confondre. Mais, dira-t-on , fi l'éloquence véritable & proprement dite a fi peu befoin des règles de Yel Kution , li elle ne doit avoir d'autre exprefîion que celle qui eft didée par la nature , pourquoi donc les anciens dans leurs écrits fur l'éloquence ont- ils traité fi à fond de Yélocution l Cette quef- tion mérite d'être approfondie. L'éloquence ne coniifte proprement que dans des traits vils & rapides ; fon effet eft d'émouvoir vivement , & toute émo- tion s'aftbiblit par la durée. L'élociuence ne peut donc régner que par intervalles dans un difcours de quelque étendue , l'éclair part & la nue fe referme. Mais fi les ombres du tableau font nécefïaires » elles ne doivent pas être trop fortes; il faut fans doute & à l'orateur &. à l'auditeur ELO ip des endroits de repos , dans ces endroits- l'auditeur doit refpirer , non s'endormir , & c'eft aux charmes tranquilles de Yélo- cution à le tenir dans cette lituation douce & agréable. Ainfi (ce qui fembîera para- doxe , fans en être moins vrai ) les règles de Yélocution n'ont lieu à proprement parler , & ne font vraiment nécefTaiiCs que pour les morceaux qui ne font pas proprement éloquens , que l'orateur com- pofe plus à froid , & où la nature a befoin de l'art. L'homme de génie ne doit craindre de tomber dans un ftyle lâche , bas & rampant, que lorfqu'il n'eft point foutenu par le fujet ; c'eft alors qu'il d-jit fonger à Yélocution , & s'en occuper. Dans les autres cas , fon élocution fera telle qu'elle doit être fans qu'il y penfe. Les anciens, fi je ne me trompe, ont fenti cette vérité, & c'eft pour cette raifon qu'ils ont traité principalement de Yélocution dans leurs ouvrages fur fart oratoire. D'ailleurs des trois parties de l'orateur , elle eft prefqne la feule dont on puiftb donner des pré- ceptes direds , détaillés & pofitifs : l'in- vention n'a point de règles , ou n'en a que de vagues & d'infuffifantes ; la difpo- fition en a peu , & appartient plutôt à la logique qu'à la rhétorique. Un autre motif a porté les anciens rhéteurs à s'étendre beaucoup fur les règles de Yélocution : leur langue étoit une efpece de mufique, fufceptible d'une mélodie à laquelle le peu- ple même étoit très- fenfible. Des préceptes fur ce fujet, étoient aufti nécefïaires dans les traités des anciens fur l'éloquence, que le font parmi nous les règles de la com- pofition muGcale dans un traité complet de mufique. Il eft vrai que ces fortes de règles ne donnent ni à l'orateur ni au muficien du talent & de l'oreille ; mais elles font propres à l'aider. Ouvrez le traité de Cicéron intitulé Orator, & dans lequel il s'eft propofé de former ou plutôt de peindre un orateur parfait ; vous verrez non-feulement que la partie de 1 élocution; eft celle à laquelle il s*attache principa- lement , mais que de toutes les qualités de Yélocution , l'harmonie qui réfuîte du choix & de l'arrangement des mots , eft celle dont il eft le plus occupé. Il paroîe même avoir regarde cet objet comme i^2 E L O très - effentiel dans des morceaux très- frappans par le fond des chofes , & ou la beauté de la penfe'e fembloit difpenfer du foin d'arranger les mots. Je n'en citerai que cet exemple. « J'étois préfent , dit . » Cicéron , lorfqueC. Carbon s'écria dans » une harangue au peuple : O Marce » Drufe y pâtre m appello ; tu dicere » foie bas , facram effe rtmpublicam ; » quicumque eam violavijfent, ab omnibus » effe el pœnas perfoluus ; patris diclum >y fapiensj terne ritasfilii comprobavit y ce » dichorée comprobavit , ajoute Cicéron , n excita par fon harmonie un cri d'ad- » miration dans toute l'afTemblée. » Le morceau que nous venons de citer renferme une idée fi noble & fi belle , qu'il eft afïiirément très-éloquent par lui-même , & je ne crains point de le traduire pour le prouver. O Marcus Drufus ( c'eft au père que je m'adrejfe , ) tu avois coutume de dire que la patrie e'toit un dépôt f acre ; que tout citoyen qui Vavoit violé en avoit porté la peine ; la témérité du fils aprouvé lafigejfe des dif cours du père. Cependant Cicéron paroît ici encore plus occupé des mots que des chofes. « Si l'orateur , dit-il , « eût fini fa période ainfï, comprobavitfilii » temeritasylh N'Y AUROIT PLUS RIEN ; « Jam nihjl erit.» Voilà pour le dire en paffant , de quoi tie fe feroient pas doutés nos prétendus latiniftes mo- dernes , qui prononcent le latin auiîi mal qu'ils le parlent. Mais cette preuve fuffit pour faire voir combien les oreilles des anciens étoient délicates fur l'harmonie. La fenfibilité que Cicéron témoigne ici fur la diction dans un morceau éloquent , ne contredit nullement ce que nous avons avancé plus haut , que l'éloquence du dis- cours eft le fruit de la nature & non pas de l'art. Il s'agit ici non de l'expreiïion en elle-même , mais de l'harmonie des mots , qui eft une chofe purement arti- ficielle , & méchanique ; cela eft fi vrai que Cicéron en renverfant la phrafe pour en dénaturer l'harmonie > en confervc tous les termes. L'expreiïion du fentiment eft dictée par la nature & par le génie; c'eft enfuite à l'oreille & à l'art à difpofer les mots de la manière la plus harmonieufe. Il en eft de l'orateur comme du muficien , E L O à qui le génie feul infpire le chant , 6c que l'oreille & l'art guident dans l'enchaî- nement des modulations. Cette comparaifon tirée de la mufique ,' conduit à une autre idée qui ne paroît pas moins jufte. La mufique a befoin d'exêV cution , elle eft muette & nulle fur le papier ; de même l'éloquence fur le papier eft prefque toujours froide & fans vie, elle a befoin de l'action & du gefte ; ces deux qualités lui font encore plus néceffaires que ïélocution ; & ce n'eft pas fans raifon que Démofthene réduifoit à l'action toutes les parties de l'orateur. Nous ne pouvons lire fans être attendris les peroraifons touchantes de Cicéron , pro Fonteio , pro Sextio y pro Plancioy pro Flacco , pro Sylla ; qu'on imagine la force qu'elles dévoient avoir dans la bouche de ce grand homme : qu'on fe repréfente Cicéron au milieu du barreau , animaat par [qs pleurs & par une voix touchante le difcours le plus pathétique , tenant le fils de Flaccus entre fes bras, le préfentant aux juges , & implorant pour lui l'huma- nité & les loix ; on ne lëra point furpris de ce qu'il nous rapporte lui-même , qu'il remplit en cette occafion le barreau de pleurs , de gémiflemens & de fanglots. Quel effet n'eût point produit la pero- ratfon pro Milone , prononcée par ce grand orateur ! L'action fait plus que d'animer le dis- cours , elle peut même infpirer l'orateur , fur-tout dans les occafions où il s'agit de traiter fur le champ & fur un grand théâtre , de grands intérêts , comme autrefois à Athènes & à Rome , & quelquefois au- jourd'hui en Angleterre. C'eft alors que l'éloquence , débarraffée de toute contrainte & de toutes règles, produit fes plus grands miracles. C'eft alors qu'on éprouve la vérité de ce pafTage de Quintilien , lib. VII y cap. x. Peclus eft quod difertos facit f 6? vis mentis ; ideoque imperitis quoque , fi modo funt aliquo ajfeclu concitati } verba. non défunt. Ce partage d'un fi grand maître ferviroit à confirmer tout ce que nous avons dit dans cet article fur Vélocution confidérée par rapport à l'éloquence , fi des vérités auffi inçonteftables avoient befoin d'autorité. Nous ELO Nous croyons qu'on nous faura gré à cette occafion , de fixer la vraie lignifi- cation du mot difertus ; il ne répond cer- tainement pas à ce que nous appelions en françois difert ,* M. Diderot Ta très-bien prouvé au mot Disert , par le partage même que nous venons de citer , &: par la définition exacte de ce que nous en- tendons par difert. On peut y joindre ce partage d'Horace , epifl. I. verf. xix. Fœ- cunui calices quem non Jecêre difertum ! qu'afturément on ne traduira point aiafi , quel ejl celui que le vin n a pas rendu dijertl Difertus chez les latins fignifioit toujours ou prefque toujours , ce que nous entendons par éloquent , c'eft-à-dire, celui qui poftede dans un fouverain degré le talent de la parole, & qui par ce talent fait frapper , émouvoir , attendrir , inté- refler, pjrfuader. Uiferti ejl , dit Cicéron dans fes dialogues de orutore , lib. I. cap. Ixxxj. ut oratione perfuadtre pqfjit. Difer- tus eft donc celui qui a le talent de perfuader par le difeours , c'eft-à-dire , qui poftede ce que les anciens appelloient eloquentia. Ils appelloient eloquens celui qui joignoit à la qualité de difertus la connoilïânce de la philofophie & des loix ; ce qui for- moit, félon eux, le parfait orateur. Si idem homo , dit à cette occafion M. Gefner dans fon Thefiurus linguoz latines , di- fertus ejl & doclus £>' fapiens y is demhm eloquens. Dans le i" liv. de oratore , Ci- céron fait dire à Marc-Antoine l'orateur : eloquentem vocavi , qui mirabiliùs 6" ma- gnifcentiùs augere poffet atque ornare qiuv Te lie t y Omn esque omnium re- RUM QUAS AD DICENDU M PERTI- JN ERE NT FONTES ANS MO AC ME- moria contineret. Qu'on life le commencement du traité de Cicéron inti- tulé Orator , on verra qu'il appe'loit di- ferti, les orateurs qui avoient eloquentiam popularem , ou comme il l'appelle encore, eloquentiam for enfe m , ornatam verbis at- que f entendis fine docîrinâ, c'eft-à-dire, le talent complet de la parole , maisdeftitué de la profondeur du favoir & de la philo- fophie : dans un autre endroit du même ouvrage , Cicéron , pour relever le mérite de l'action , dit qu'elle a fait réuflir des orateurs fans talent , infantes . & que des TomeXIL ELO r?3 orateurs eloquens , diferti , n'ont point réufli fans elle; parce que, ajoute -t- il tout de fuite , eloquentia fine aclione , nulla ,* heee autemfine eloquentia perma- gna ejl. Il eft évident que dans ce partage difertus répond à eloquentia. Il faut pour- tant avouer que dans l'endroit deja cité des dialogues fur l'orateur , cù Cicéron fait parler Marc-Antoine , difertus femble avoir à -peu -près la même lignification que difert en françois : difertos , dit JV arc- Antoine , me cogiofj'e nonnullos fcripfi , eloquentem adnuc neminem , quod eunt flatuebam difertum y qui prffet fatis acutè atque dilucidè apud médiocres iiomines , ex communi quâdam hominum opinione dicere y eloquentem vero , qui mirabiliùs , & & de beaucoup d'autres mots , eu plus fujette que les langues an- ciennes à î'ambiguité des phrafes & des i tours. On doit donc y être fort attentif, , en fe permettant néanmoins ( quoique ra- rement ) les équivoques légères & pure- ment grammaticales , lorfque le fens eft: clair d'ailleurs par lui-même , & lorfqu'on ne pourroit lever l'équivoque fans affoiblir la vivacité du difcours. L'orateur peut même fe permettre quelquefois la finelTe des penfées & des tours , pourvu que ce foit avec fobriété & dans les fujets qui en font fufceptibles , ou qui l'autorifent , c'eft-à-dire , qui ne demandent ni {impli- cite , ni élévation , ni véhémence ; ce E L O tours fins & délicats échapperont fan doute au vulgaire , mais les gens d'efpri. les faifiront & en fauront gré à l'orateur En effet, pourquoi lui refuferoit - on la liberté de réferver certains endroits de fon ouvrage aux g^is d'efprit , c'eft-à- dire, aux feules perfonnes dont il doit réel- lement ambitionner l'eftime ? Je n'ai rien à dire fur la correction , finon qu'elle confifte à obferver exa&e- ment les règles de la langue y mais non avec afiez de fcrupule , pour ne pas s'en affranchir lorfque la vivacité du difcours l'exige. La correction & la clarté font encore plus étroitement néceflaires dans un difcours fait pour être lu , que dans un difcours prononcé ; car dans ce der- nier cas , une action vive , jufte , animée , peut quelquefois aider à la clarté & fauver l'incorrection. Nous n'avons parlé jufqu'ici que de la clarté & de la correction grammaticales , qui appartiennent à la diction : il eft aufti une clarté & une correction non moins enentielles , qui appartiennent au ftyle , & qui confiftent dans la propriété des termes. C'eft principalement cette qualité qui diftingue les grands écrivains d'avec ceux qui ne le font pas : ceux - ci font , pour ainfî dire , toujours à côté de l'idée qu'ils veulent préfenter ; les autres la ren- dent & la font faifir avec jufteiîe par une expreflion propre. De la propriété des termes naiflent trois différentes qualités; la précifîon dans les matières de difcuf- fion , l'élégance dans les fujets agréables > l'énergie dans les fujets grands ou pathé- tiques. Voye\ ces mots. La convenance du ftyle avec le fujet , exige le choix & la propriété des termes ; elle dépend outre cela de la nature des idées que l'orateur emploie. Car , nous ne faurions trop le redire , il n'y a qu'une forte de ftyle , le ftyle fïmple , c'eft-à- dire celui qui rend les idées de la manière la moins détournée & la plus fenfible. Si les anciens ont diftingue trois ftyles , le fimp'e , le fublime , & le tempéré ou l'orné , il ne l'ont fait qu'eu égard aux différens objets que peut avoir le difcours : le ftyle qu'ils appelloient Jimple , eft celui qui fe borne à des idées fimples & coai- ELO munes ; le ftyle fublime peint les idées grandes , & le ftyle orné les idées riantes & agréables. En quoi confifte donc la convenance du ftyle au fujet? i°. à n'em- ployer que des idées propres au fujet , c'eft-à-dire , (impies dans un fujet (impie , nobles dans un fujet élevé , riantes dans un fujet agréable : 2°. à n'employer que les termes les plus propres pour rendre chaque idée. Par ce moyen l'orateur fera précifément de niveau à fon fujet , c'eft- à-dire, ni au deffus ni au deffous , foit par les idées , foit par les exprefîions. C'eft en quoi confifte la véritable éloquence , & même en général le vrai talent d'écrire , & non dans un ftyle qui déguife par un vain coloris des idées communes. Ce ftyle refïemble au faux bel efprit , qui n'eft autre chofe que l'art puérile & méprifable, de faire paroi tre les cho fes plus ingénieufes qu'elles ne font. De l'obfervation de ces règles réfultera la noblefTe du ftyle oratoire ; car l'orateur ne devant jamais , ni traiter de fujets bas , ni préfenter des idées baffes , fon ftyle fera noble dès qu'il fera convenable à fon fujet. La baftèfîè des idées & des fujets eft à la vérité trop fouvent arbitraire ; les anciens fe donnoient à cet égard beau- coup plus de liberté que nous , qui , en banniftànt de nos meurs la délicateffe, l'avons portée à l'excès dans nos écrits & dans nos difeours. Mais quelque arbitraires que puiffent être nos principes fur la baffefle & fur la noblefTe des fujets , il fuffit que les idées de la nation foient fixées fur ce point , pour que l'orateur ne s'y trompe pas & pour qu'il s'y conforme. En vain le génie même s'efForçeroit de braver à cet égard les opi- nions reçues ; l'orateur eft l'homme du peuple , c'eft à lui qu'il doit chercher à plaire ; & la première loi qu'il doit obfer- ver pour réufïir , eft de ne pas choquer la philofophie de la multitude , c'eft-à-dire les préjugés. Venons à l'harmonie , une des qualités qui conftituent le plus eftèntiellement le difeours oratoire. Le plaifir qui réfulte de cette harmonie eft-il purement arbi- traire & d'habitude , comme l'ont prétendu quelques écrivains ? ou y entre-t*il tout à la fois de l'habitude & du réel ? ce dernier ELO u* fentiment eft peut-être le mieux fondé. Car il en eft de l'harmonie du difeours, comme de l'harmonie poétique & de l'harmonie muficale. Tous les peuples ont une mufi- que , le plaifir qui naît de la mélodie du chant a donc fon fondement dans la nature: il y a d'ailleurs des traits de mélodie & d'harmonie qui plaifent indiftindement & du premier coup à toutes les nations ; il y a donc du réel dans le plaifir mufical : mais il y a d'autres traits plus détournés ; & un ftyle mufical particulier à chaque peuple f quidemandent que l'oreille y foit plus ou moins acecutumée ; il entre donc dans ce plaifir de l'habitude. C'eft ainfi , & d'après les mêmes principes , qu'il y a dans tous les arts un beau abfolu , & un beau de convention ; un goût réel , & un goût arbitraire. On peut appuyer cette réflexion par une autre. Nous (entons dans les vers latins en les prononçant une efpece de ca- dence & de mélodie ; cependant nous pro- nonçons très-mal le latin , nous eftropions très-fouvent la profodie de cette langue , nous feandons même les vers à contrefens , car nous feandons ainfi : Arma vi , rumque ca , no Tro , jœ qui ,' primus ab , oris , en nous arrêtant fur des brèves à quelques* uns des endroits marqués par des virgules , comme (i ces brèves étoient longues ; au lieu qu'on devroit feander : Ar y ma virum , que cano , Trojœ , qui pri y mus ab o , ris i car on doit s'arrêter fur les longues & pafTer fur les brèves , comme on fait en mufique fur des croches , en donnant à deux brèves le même temps qu'à une longue. Cependant , malgré cette pronon- ciation barbare , & ce renverfement de la mélodie & de la mefure , l'harmonie àes vers latins nous plaît , parce que d'un côté nous ne pouvons détruire entièrement celle que le poète y a mife , & que de l'autre nous nous faifons une harmonie d'habitude. Nouvelle preuve du mélange de réel Se d'arbitraire qui fe trouve dans le plaide produit par l'harmoniç. V 2 %$6 E L O L'harmonie eft fans doute î'ame de la 1 poéiie , & c'eft pour cela que les traduc- j tions des poètes ne doivent être qu'en vers ; car traduire un poète en profe , c'eft le dénaturer tout- à-fait , c'eft à-peu- près comme fi l'on vouloit traduire de la mulique italienne en mufique françoife. Mais fi la poéiie a fon harmonie particu- lière qui la cara&érife , la profe dans toutes les langues a aufïi la fienne ; les anciens l'avoient bien vu ; ils appelloient pjQ/xos le nombre pour la profe , & fiirpst celui du vers. Quoique notre poéfie & notre profe foient moins fufceptibles de mélodie que ne l'étoient la profe & la poéiie des anciens , cependant elles ont chacune une mélodie qui leur eft propre ; peut-être même celle de la profe a-t-elle un avantage en ce qu'elle eft moins mo- notone y & par conféquent moins fati- gante ; la difficulté vaincue eft le grand mérite de la poéiie. Ne feroit-ce point pour cette raifon qu'il eft rare de lire , fans être fatigué , bien des vers de fuite , & que le plaifir caufé par cette ledure , diminue à mefure qu'on avance en âge ? Quoi qu'il en foit , ce font les poètes qui ont formé les langues ; c'eft aufli l'har- monie de la poéfie > qui a fait naître celle de la profe : Malherbe faifoit parmi nous des odes harmonieufes , lorfque notre profe étoit encore barbare & grofliere ; c'eft à Balzac que nous avons l'obligation de lui avoir le premier donné de l'harmo- nie. « L'Eloquence , dit très-bien M. de 73 Voltaire , a tant de pouvoir fur les ?> hommes , qu'on admira Balzac de fon » temps , pour avoir trouvé cette petite » partie de l'art ignorée & néceflàire > ?j qui confifte dans le choix harmonieux >3 des paroles , & même pour l'avoir fou- 93 vent employée hors de fa place. » Ifocrate , félon Cicéron , eft le premier qui ait connu l'harmonie de la profe parmi les anciens. On ne remarque , dit encore Cicéron , aucune harmonie dans Hérodote, ni dans fes contemporains y ni dans fes prédéceiîeurs. L'orateur romain compare le ftyle de Thucydide , à qui il ne man- que rien que l'harmonie , au bouclier de Minerve par Phidias , qu'on auroit mis en pièces. E L O Deux chofes charment l'oreille dans le difcours , le fon & le nombre : le fon confifte dans la qualité des mots ; & le nombre , dans leur arrangement. Ainfi l'harmonie du difcours oratoire confifte à n'employer que des mots d'un fon agréable & doux ; à éviter le concours des fylla- bes rudes , & celui des voyelles , fans; affectation néanmoins ( fur quoi poye\ Varticle Elision ; ) à ne pas mettre entre les membres des phrafes trop d'inégalité , fur-tout à ne pas faire les derniers mem- bres trop courts par rapport aux premiers ; à éviter également des périodes trop lon- gues & les phrafes trop courtes , ou , comme les appelle Cicéron , à demi éclo- fes , le ftyle qui fait perdre haleine , & celui qui force à chaque inftant de la reprendre , & qui refïèmble à une forte de marqueterie ; à favoir entremêler les périodes foutenues & arrondies , avec d'au- tres qui le foient moins & qui fervent comme de repos à l'oreille. Cicéron blâme avec raifon Théopompe , pour avoir porté jufqu'à l'excès le foin minutieux d'éviter le concours des voyelles ; c'eft à l'ufage , dit ce grand orateur , à procurer feul cet avantage fans qu'on le cherche avec fati- gue. L'orateur exercé apperçoit d'un coup d'œil la fucceflion la plus harmonieufe des mots , comme un bon le&eur voit d'un coup d'œil les fyllabes qui précèdent &. celles qui fuivent. Les anciens , dans leur profe , évitaient de laifïer échapper des vers , parce que la mefure de leurs vers étoit extrêmement marquée ; le vers ïambe étoit le feul qu'ils s'y permiflent quelquefois , parce que ce vers avoit plus de licences qu'aucun autre , & une mefure moins invariable : nos vers , fi on leur ôte la rime , font à quelques égards dans le cas des vers ïambes des an- ciens ; nous n'y avons attention qu'à la multitude des fyllabes ; & non à la pro- fodie ; douze fyllabes longues ou douze fyllabes brèves , douze fyllabes réelles & phyfiques ou douze fyllabes de convention & d'ufage , font également un de nos grands vers j les vers françois font donc moins choquans dans la profe françoife.* ( quoiqu'ils ne doivent pas y être prodi- gués , ni même y être trop fenfibles , }. qaç E L O des vers latins ne l'ëtoient dans la profe latine. Il y a plus : on a remarqué que la pro- fe la plus harmonieufe contient beaucoup de vers , qui , étant de différente mefure , & fans rime , donnent à la profe un des agrémens de la poéfie , fans lui en donner le cara&ere , la monotonie, & l'uniformité. La profe de Molière eft toute pleine de vers. En voici un exemple tiré de la pre- mière fcene du Sicilien : Chut , n'avance^ pas davantage , Et demeure^ en cet endroit Jufqu'à ce que je vous appelle. Il fait noir comme dans un four , Le ciel s' efi habillé ce foir enfcaramouche , Et je ne vois pas une étoile Qui montre le bout defon ne\. Sotte condition que celle d'un efclave ! De ne vivre jamais pour foi , Et d'être toujours tout entier Aux pajfions d'un maître ! &c. On peut remarquer en pafTant , que ce font les vers de huit fyllabes qui dominent dans ce morceau , & ce font en effet ceux qui doivent le plus fréquemment fe trouver dans une profe harmonieufe. M. de la Motte , dans une des difTerta- tions qu'il a écrites contre la poéfie , a mis en profe une des fcenes de Racine fans y faire d'autre changement que de renverfer les mots qui forment les vers: Arbate , on nous faifoit un rapport fidèle . Home triomphe en effet , & Mithriddte efi mort. Les Romains ont attaqué mon père vers l'Euptirate , & trompé fa prudence ordinaire dans la nuit , &c. Il obferve que cette profe nous paroît beaucoup moins agiéable que les vers qui expriment la même chofe dans les mêmes termes ; & il en conclut que le plailir qui naît de ]a mefure des vers , eft un plaifir de con- vention & de préjugé, puifqu'à l'exception de cette mefure , rien n'a difparu du morceau cité. M. de la Motte ne faifoit pas attention , qu'outre la mefure du vers, l'harmonie qui réfulte de l'arrangement des mots avoit auffi difparu , &: que fi Racine eût voulu écrire ce morceau en profe , il I'auroit écrit autrement , & choifi des mots dont l'arrangement auroit formé une harmonie plus agréable à l'oreille» E L O if? L'harmonie fouffre quelquefois de la juftefle & de^ l'arrangement logique des mots , & réciproquement : c'eft alors à l'orateur à concilier , s'il eft poffible , l'une avec l'autre , ou à décider lui-même juf- qu'à quel point il peut facririer l'harmonie à la juftefle. La feule règle générale qu'on puiflè donner fur ce fujet , c'eft qu'on ne doit ni trop fou vent facririer l'une à l'au- tre , ni jamais violer l'une ou l'autre d'une manière trop choquante. Le mépris de la juftefle offenfera la raifon , & le mépris de l'harmonie blelîera l'organe ; l'une eft un juge févere qui pardonne difficilement, & l'autre un juge orgueilleux qu'il faut ménager^ La réunion de la juftefle & de l'harmonie , portées l'une & l'autre au fuprême degré , étoit peut-être le talent: fupérieur de Démofthene : ce font vrai- femblablement ces deux qualités qui dans les ouvrages de ce grand orateur , onc produit tant d'effet fur les Grecs , & même fur les Romains , tant que le grec a été une langue vivante & cultivée ; mais aujourd'hui , quelque fatisfaâion que fés harangues nous procurent encore par le fond des chofes , il faut avouer , fi on eft de bonne foi , que la réputation de Démofthene eft encore au-deflûs du plaifir que nous fait fa le&ure. L'intérêt vif que les Athéniens prenoient à l'objet de ces harangues , la déclamation fublime de Démofthene , fur laquelle il nous eft refte le témoignage d'Efchine même fon enne- mi , enfin l'ufage fans doute inimitable qu'il faifoit de fa langue pour la propriété des termes & pour le nombre oratoire, tout ce mérite eft ou entièrement ou pref- que entièrement perdu pour nous. Les Athéniens , nation délicate & fenfible avoient raifon d'écouter Démofthene- comme un prodige ; notre admiration , fi elle étoit égale à la leur , ne feroit qu'un enthoufiafme déplacé. L'eftime raifonnée d'un philofophe honore plus les grands écrivains , que toute la prévention des pédans. Ce que nous appelions ici harmonie dans le difcours , devroit s'appelîer plus proprement mélodie : car mélodie en notre langue eft une fuite de ions qui fe fucce— dent agréablement ; 6c narmonie eft ls içg E L O plaifir qui réfulte du mélange de plufïeurs fons qu'on entend à la fois. Les anciens qui , félonies apparences , ne connoiffoient point la mufique à plufïeurs parties , du moins au même degré que nous , appel- aient harmonia ce que nous appelions mélodie. En tranfportant ce mot au ftyle , nous avons confervé l'ide'e qu'ils y atta- choient ; & en le tranfportant à la mufi- que , nous lui en avons donné un autre. C'eft ici une obfervation purement gra.u- maticale , mais qui ne nous paroît pas inuti !^ Cicéron, dans fon traité intitulé Orator, fait confifter une des principales qualités du ftyle fimple en ce que l'orateur s'y affranchit de la fervitude du nombre , fa marche étant libre & fans contrainte , quoique fans écarts trop marqués. En effet , le plus ou le moins d'harmonie eft peut-être ce qui diftingue le plus réelle- ment les différentes efpeces de ftyle. Mais quelque harmonie qui fefafle fentir dans le difcours , rien n'eft plus oppofé à l'éloquence qu'un ftyle diffus > traînant , & lâche. Le ftyle de l'orateur doit être ferré ; c'eft par- là fur- tout qu'a excellé Démofthene. Or , en quoi confifte le ftyle ferré ? à mettre , comme nous l'a- vons dit , chaque idée à fa véritable place , à ne point omettre d'idées intermédiaires trop difficiles à fuppléer , à rendre enfin chaque idée nar le terme propre : par ce moyen on évitera toute répétition & toute circonlocution , & le ftyle aura le rare avantage d'être concis fans être fati- gant , & développé fans être lâche. Il arrive fouvent qu'on eft aufti obfcur en fuyant la brièveté , qu'en la cherchant ; on perd fa route en voulant- prendre la plus longue. La manière la plus naturelle & la plus fûre d'arriver à un objet , c'eft d'y aller par le plus court chemin , pourvu qu'on y aille en marchant , & non pas en fautant d'un lieu à un autre. On peut juger delà combien eft oppofée à l'élo- quence véritable, cette loquacité fi ordi- naire au barreau , qui confifte à dire fi peu de chofes avec tant de paroles. On prétend , il eft vrai , que les mêmes moyens doivent être préfentés différemment aux différens juges , & que par cette raifon E L O on eft obligé dans un plaidoyer de tour- ner de différens fens la même preuve. Mais ce verbiage prétendu néceftaire de- viendra évidemment inutile , fi on a foin de ranger les idées dans l'ordre conve- nable ; il réfultera de leur difpofition na- turelle une lumière qui frappera infaillible- ment & également tous les efprits , parce que l'art de raifonner eft un , & qu'il n'y a pas plus deux logiques que deux géo- métries. Le préjugé contraire eft fondé en grande partie fur les faufles idées qu'on acquiert de l'éloquence dans nos collèges ; on la fait confifter à amplifier & à étendre une penfée ; on apprend aux jeunes gens à délayer leurs idées dans un déluge de périodes infipides, au lieu de leur appren- dre à les refterrer fans obfcurité. Ceux qui douteront que la concifion puifte fub- fifter avec l'éloquence , peuvent lire pour fe délabufer les harangues de Tacite. Il ne fuffitpas au ftyle de l'orateur d'être clair , correct , propre , précis , élégant , noble , convenable au fujet , harmonieux, vif . & ferré ; il faut encore qu'il foit facile, c'eft-à-dire, que la gêne de la com- pofition ne s'y laifte point appercevoir. Le ftyle naturel , dit Pafcal , nous en- chante avec raifon ; car on s'attendoit de trouver un auteur , & on trouve un homme. Le plaifir de l'auditeur ou du îecleur diminuera à mefure que le travail & la peine fe feront fentir. Un des moyens de fe préferver de ce défaut, c'eft d'évi- ter ce ftyle figuré , poétique , chargé d'er- nemens , de métaphores , d'antithefes , & d'épithetes , qu'on appelle , je ne fais par quelle raifon , flyle académique. Ce n'eft affurément pas celui de l'académie Fran-> çoife ; il ne faut , pour s'en convaincre , que lire les ouvrages & les difcours même des principaux membres qui la compofent. C'eft tout au plus le ftyle de quelques académies de province , dont la multipli- cation excefîive & ridicule eft aufîifunefte aux progrès du bon goût , que préjudi- ciable aux vrais intérêts de l'état ; depuis Pau jufqu'à Dunkerque , tout fera bientôt académie en France. Ce ftyle académique ou prétendu %e\ , eft encore celui de la plupart de nos pré- dicateurs } du moins de plufïeurs de ceux E L O qui ont quelque réputation ; n'ayanpast affez de génie pour préTenter d'une ma- nière frappante , & cependant naturelle , les vérités connues qu'ils doivent annon- cer ; ils croient les orner par un ftyle affedé & ridicule , qui fait reffembler leurs fermons , non à l'épanchement d'un cœur pénétré de ce qu'il doit infpirer aux autres , mais à une efpece de repréfen- tation ennuyeufe & montone , ou fadeur s'applaudit fans être écouté. Ces fades harangueurs peuvent fe convaincre par la iedure réfléchie des fermons du P. Maffil- Ion , fur-tout de ceux qu'on appelle le petit carême P combien la véritable élo- quence de la chair eft oppofée à l'affec- tation du ftyle : nous ne citerons ici que le fermon qui a pour titre de V humanité des grands , modèle le plus parfait que nous connoifîions en ce genre ; difcours plein de vérité , de fimplicité & de no- blefîè , que les princes devroient lire fans ceffe pour fe former le cœur, & les ora- teurs chrétiens pour fe former le goût. L'affectation du flyle paroît fur- tout dans la profe de la plupart des poètes : accoutumés au ftyle orné & figuré , ils le tranfportent comme malgré eux dans leur profe ; ou s'ils font des efforts pour l'en bannir , leur profe devient trainante & fans vie : aufîi avons-nous très-peu de poètes qui aient bien écrit en profe. Les préfaces de Racine font foiblement écri- tes ; celles de Corneille font aufîi excel- lentes pour le fond des chofes , que dé- fedueufes du côté du ftyle ; la profe de Rouffeau eft dure , celle de Defpréaux pefante, celle de la Fontaine infïpide; celle de la Motte eft à la vérité facile & agréable, mais aufïï la Motte ne tient pas le pre- mier rang parmi les vérificateurs. M. de Voltaire eft prefque le feul de nos grands poètes dont la profe foit du moins égale à fes vers ; cette fupériorité dans deux genres fi différens , quoique fi voifins en apparence , eft une des plus rares, qualités de ce grand écrivain. Telles font les principales loix de Ye'lo- cution oratoire. On trouvera fur ce fujet un plus grand détail dans les ouvrages de Cicéron , de Quintilien , &c. fur-tout dans l'ouvrage du premier de ces deux écrivains , E L O i<$$ qui a pour titre orator, & dans lequel il traite à fond du nombre & de l'har- monie du difcours. Quoique ce qu'il en dit foit principalement relatif à la langue latine qui étoit la fienne , on peut néan- moins en tirer des règles générales d'har- monie pour toutes les langues. Nous ne parlerons point ici des figures fur lefquelles tant de rhéteurs ont écrit des volumes .- elles fervent fans doute à rendre le difcours plus animé ; mais fi la nature ne les dide , elles font froides & infipides. Elles font d'ailleurs prefque aufTi communes , même dans le difcours ordi- naire , que Tufage des mots , pris dans un fens figuré , eft commun dans toutes les langues. Vcye\ Langue, Diction- naire, Figure, Trope , Eloquence. Tant pis pour tout orateur qui fait avec réflexion & avec defîein une métonymie , une catachrefe , & d'autres figures fem- blables. Sur les qualités du ftyle en général dans toutes fortes d'ouvrages >voye\ ELEGAN- CE , Style , Grâce , Goût , &c. Je finis cet article par une obfervation, qu'il me femble que la plupart des rhé- teurs modernes n'ont point affez faite ; leurs ouvrages , calqués pour ainfi dire fur les livres de rhétorique des anciens, font remplis de définitions , de préceptes, & de détails , néceffaires peut-être pour lire les anciens avec fruit , mais abfolu- ment inutiles , & contraires même au genre d'éloquence que nous connoifîbns aujourd'hui. « Dans cet art , comme dans » tous les autres , dit très-bien M. Freret v (hift. de l'acad. des Belles-Lettres y » tome XVIII , pag. 461 , ) il faut dif- » tinguer les beautés réelles , de celles » qui étant arbitraires dépendent des » mœurs , des coutumes , & du gouver- » nement d'une nation, quelquefois même » du caprice de la mode ,,dont l'empire » s'étend à tout , & a toujours été ref- » pedé jufqu'à un certain point. » Du temps de la république romaine , où il y avoit peu de loix , & où les juges écoient fouvent pris au hafard , il fuffifoit prefque toujours de les émouvoir, ou de les rendre favorables par quelque autre moyen ; dans notre barreau , il faut les convaincre,. 160 E L O Cicéron eût perdu à la Grand-Chambre la p lupart des caufes qu'il a gagnées , parce que fes cliens étoient coupables , ofons ajourer que plufieurs endroits de fes harangues qui plaifoient peut-être avec raifon aux Romains , & que nos latiniftes modernes admirent fans favoir pourquoi , ne feroient aujourd'hui que médiocrement gourées. (O) ELOGE , f. m. {Belles Let.) louange que l'on donre à quelque perfonne ou à quelque chofe en confidération de fon ex- cellence, de fon rang ou de fes vertus, &c. La vérité fimple & exacle devroit être la bafe & 1' me de tous les éloges ; ceux qui font outrés & fans vraifemblance , font tort à celui qui les reçoit y & à celui qui les donne. Car tous les nommes fe croient en droit jufqu'à un certain point, d'établir la réputation des autres , ou d'en décider ; ils ne peuvent fouflfar qu'un pa- négyrifte s'en rende le maître , & en faffe pour ainiî dire une efpece de monopole; la louange les indifpoie , leur donne lieu de difcuter les qualités prétendues de la perfonne qu'on loue , fouvent de les con- tefter , & de démentir l'orateur. (G) Voyei au mot DICTIONNAIRE , les réflexions qui ont été faites fur les éloges qu'on peut donner dans les Dictionnaires hiftoriques : ces réflexions s'appliquent à quelque éloge que ce puilTe être. Bien pé- nétrés de leur importance & de leur vérité , les Editeurs de l'Encyclopédie déclarent qu'ils ne prétendent point adopter tous les éloges qui pourront y avoir été donnés par leurs collègues , foit à des gens de lettres, foit à d'autres , comme ils ne prétendent pas non plus adopter les critiques , ni en général les opinions avancées ou foutenues ailleurs que dans leurs propres articles. Tout eft libre dans cet ouvrage , excepté la fatyre ; mais par la raifon que tout y eft libre , chacun doit y répondre au public de ce qu'il avance , de ce qu'il blâme , & de ce qu'il loue. Voye\ Editeur. C'eft en partie pour cette raifon que nous nous fommes fait la loi de nommer dorénavant nos collègues fans aucun éloge ; la recon- noiftance eft fans doute un fentiment que nous leur devons , mais c'eft au public à apprécier leur travail, EL O Qu'il nous foit permis à cette occafion de déplorer l'abus intolérable de panégyri- ques & de fatyres , qui avilit aujourd'hui la république des Lettres. Quels ouvrages que ceux dont plufieurs de nos écrivains périodiques , ne rougilTent pas de faire l'é- loge ? quelle ineptie , ou quelle baflèiTe ? Que la poftérité feroit furprife de voir les Voltaire & les Montefquieu déchirés dans la même page où l'écrivain le plus médiocre eft célébré ! mais heureufement la pofté- rité ignorera ces louanges & ces invectives ophémeres ; & il femble que leurs auteurs l'aient prévu , tant ils ont eu peu de ref- pecl pour elle. Il eft vrai qu'un écrivain fatyiique , après avoir outragé les hommes célèbres pendant leur vie , croit réparer fes infukes par les éloges qu'il leur donne après leur mort ; il ne s'apperçok pas que ces éloges font un nouvel outrage qu'il tait au mérite , & une nouvelle manier^ ce fe déshonorer lui-même. (O) Eloge , Louange , fynon. (Gram.) ces mots différent à plufieurs égards l'un de l'autre. Lou ngea-j fingulier & précédé de l'article la , iè prend dans un iens abfclu ; (loge au lingulier & précédé de l'article , fe prend dans un fens relatif. Ainiî on dir : la louange eft quelquefois dangereufe ; Yéloge de telle perfonne eft jufte j e& outré y 6c. Louange au fingulier ne s'emploie guère , ce me îemble , quand il eft précédé du mot une ; on dit un éloge plutôt qu'une louange : du moins louange , en ce cas , ne fe dit guère que lorfqu'on loue quelqu'un d'une manière détournée & indirecte. Exemple : 2 el auteur a donné une louange bien fine à fon ami. 11 femble auiîiquelorfqu'il eft queftion des hommes, éloge dife plus que louange , du moins en ce qu'il fuppofe plus de titres & de droits pour être loué ; on dit de quelqu'un qu'il a été comblé déloges , lorfqu'il a été loué beaucoup & avec juftice ; & d'un autre qu'il a été accablé de louanges , lorfqu'on l'a loué à l'excès ou fans raifon. Au con- traire en parlant de Dieu , louange ligni- fie plus qu'éloge j car on dit les louanges de Dieu. Eloge fe dit encore des harangues prononcées , ou des ouvrages imprimés à la louange de quelqu'un ; tloge funèbre , éloge hijhriaue , éloge académique. Enfin ces E L O ces mots différent aufîî par ceux aux- quels on les joint : on dit faire t éloge de quelqu'un , & chanter les louanges de Dieu. (0) Eloges Académiques , font ceux qu'on prononce dans les académies & fb- ciétés littéraires, à l'honneur des membres qu'elles ont perclus. Il y en a de deux for- tes , d'oratoires ck d'hiftoriques. Ceux qu'on prononce dans l'académie françoife, font de la première efpece. Cette compagnie a impofé à tout nouvel académicien le devoir fi nok\c & li jufte de rendre à la mémoire de celui à qui il fuccede , les hommages qui lui font dus. Cet objet eft un de ceux que le récipiendaire doit remplir dans fon d if cours de réception. Dans ce difeours oratoire on fe borne à louer en général les talens , l'efprit , & même , fi on le juge à propos , les qualités du cœur de celui à qui l'on fuccede , fans entrer dans aucun détail fur les circonftances de fa vie. On ne doit rien dire de fes défauts :, du moins , fi on les touche , ce doit être fi légèrement , fi adroitement & avec tant de finellè , qu'on les préférée à l'auditeur ou au lecteur par un côté favorable. Au refte , il feroit peut-être à louhaiter que dans les récep- tions à l'académie françoife , un feul des deux académiciens qui parlent , favoir le récipiendaire ou le directeur , lé chargeât de Xéloge du défunt \ le directeur feroit moins expo le à répéter une partie de ce que le récipiendaire a dit , &: le champ feroit par ce moyen un peu plus libre dans ces fortes de difeours , dont la matière n'eft d'ailleurs que trop donnée : fans s'af- franchir entièrement des éloges de juftice & de devoir , on feroit plus à portée de traiter des fujets de littérature intéreffans pour le public. Plufieurs académiciens , en- trautres M. de Voltaire , ont déjà donné cet exemple , qui paroît bien digne d'être fuivi. Les éloges hiftoriques font en ufage dans nos académies des Sciences & des Belles- Lettres , & à leur exemple dans un grand nombre d'autres : c'eft le Secrétaire qui en eft chargé. Dans ces éloges on détaille toute la vie d'un académicien , depuis fa nailïance jufqu'à fa mort \ on doit néan- moins en retrancher les détails bas , pué- Tomt XII. E L O %*t riîes , indignes enfin de la majéfté dm éloge philolbphique. Ces éloges étant hiftoriques , font pro- prement des mémoires pour Servir à l'hif- toire des Lettres : la vérité doit donc en faire le caractère principal. On doit néan- moins l'adoucir , ou même la taire quel- quefois, parce que c'eft un éloge , & non: une Satyre , que l'on doit faire } mais il ne faut jamais la déguifèr ni l'altérer. Dans un éloge académique on a deux objets à peindre , la perfonne & l'auteur : l'un & l'autre iè peindront par les faits. Les réflexions philosophiques doivent fur- tout être l'âme de ces fortes d'écrits } elles feront tantôt mêlées au récit avec art & brièveté , tantôt rafîèmblées & développées dans des morceaux particuliers , où elles formeront comme des maflès de lumière qui Serviront à éclairer le refte. Ces ré- flexions féparées des faits , ou entre-mêlées avec eux , auront pour objet le caractère d'eiprit de l'auteur , l'efpece & le degré de fes talens , de fes lumières & de fes con- noiffances , le contraire ou l'accord de fes écrits & de les mœurs , de fon cœur ôî de fon efprit , & fur-tout le caractère de fes ouvrages , leur degré de mérite , ce qu'ils renferment de neuf ou de Singulier, le point de perfection où l'académicien avoit trouvé la matière qu'il a traitée , & le point de perfection où il l'a laiffée , en lia mot , l'analyfe raifonnée des écrits '7 car c'eft aux ouvrages qu'il faut principalement s'attacher dans un éloge académique : le borner à peindre la perfonne , même avec les couleurs les plus avautageufes , ce feroit faire une fatyre indirecte de fauteur & de la compagnie j ce feroit fuppofer que l'a- cadémicien étoit fans talens , & qu'il n'a été reçu qu'à titre d'honnête homme : titre très-eltimable pour la lociété , mais infuf- fifant pour une compagnie littéraire. Ce- pendant comme il n'eft pas fans exemple de voir adopter par les académies des hommes d'un talent très-foible » foit par faveur 8c malgré elles , foit autrement , c'eft alors le devoir du Secrétaire de fe rendre, pour ainfi dire, médiateur entre fa compagnie & le public , en palliant eu excuiànt l'indulgence de l'une fans manquer de relpect à l'autre , & même à la vérité. X 161 E L O Pour cela il doit réunir avec choix & pré- fenter fous un point de vue avantageux , ce qu'il peut y avoir de bon & d'utile dans les ouvrages de celui qu'il eft obligé de louer. Mais fi ces ouvrages ne fourniffent abfolument rien à dire , que faire alors ? Se tafiré. Et ii par un malheur très-rare , la conduite a déshonoré les ouvrages , quel parti prendre ? Louer les ouvrages. C'eft apparemment par ces raifbns que les académies des Sciences & des Belles- Lettres n'impofent point au fecretaire la loi rigoureufe de faire Xéloge de tous les académiciens : il fèroit pourtant jufte , & defirable même , que cette loi fût févére- meut établie j il en réfulteroit peut-être qu'on apporteroit dans le choix des fujets , «ne fevérité plus confiante & plus continue : le fecretaire , & fa compagnie par contre- coup , feroient plus intéreifés à ne choifir que des hommes louables. Concluons de ces réflexions , que le iècretaire d'une académie doit non feule- ment avoir une connoiffance étendue des différentes matières dont l'académie s'oc- cupe , mais pofféder encore le talent d'é- crire perfectionné par l'étude des Belles- Lettres , la fineffe de l'eiprit , la facilité de faifîr les objets 8t de les préfènter , enfin l'éloquence même. Cette place eft donc celle qu'il eft le plus important de bien remplir , pour l'avantage & pour l'honneur d'un corps littéraire. L'académie des Scien- ces doit certainement à M. de Fonte- nelle .une partie de la réputation dont elle jouit : fans l'art avec lequel ce célèbre écrivain a fait valoir la plupart des ouvrages de fes confrères , ces ouvrages , quoique excellens , ne feroient connus que des favans fèuls , ils refteroient ignorés de ce qu'on appelle le public ; & la considération dont jouit l'académie des Sciences , feroit moins générale. Auffi peut- on dire de M. de Fontenelle , qu'il a rendu la place dont il s'agit très-dangereufe à occuper. Les difficultés en font d'autant plus grandes , que k genre d'écrire de cet auteur célèbre eft abfolument à lui , & ne peut paffer à un autre fans s'altérer } c'eft une liqueur qui ne doit point changer de vafè \ il a eu , comme tous les grands écrivains , le ftyle de ià peniee 3 ce ftyle original & fimple E L O ne peut repréfenter agréablement & au naturel un autre efprit que le lien j en cherchant à l'imiter (j'en appelle à l'expé- rience ) , on ne lui reifemblera que par les petits défauts qu'on lui a reprochés , fans atteindre aux beautés réelles qui font oublier ces taches légères. Ainli pour réufïir après lui, s'il eft poilible . dans cette carrière épineufe , il feut iwBÉffairement prendre un ton qui ne foit pas le lien : il faut de plus , ce qui n'eft pas le moins difficile , accoutumer le public à ce ton , & lui perfuader qu'on peut être digne de lui plaire , en fè frayant une route différente de celle par laquelle il a coutume d'être conduit } car malheureufèment le public , femblable aux critiques fubalternes , juge d'abord un peu trop par imitation , il demande des chofes nouvelles , & fe ré- volte quand on lui en préfente. Il eft vrai qu'il y a cette différence entre le public & les critiques fubalternes , que celui-là revient bientôt , & que ceux-ci s'opiniâ- trent. (O) Eloge , ( Droit civil ) elogium , dans le droit écrit , fîgnifie le blâme , & non pas la louange ; de forte que ce mot , chez les jurifconfultes romains , déshonore ou du moins flétrit la probité & la répu- tation de celui qu'un teftateur rappelle dans fon teftament avec éloge. Un père , félon les loix romaines , doit eu inftituer fes enfans dans une certaine fomme , ou les déshériter nommément , à peine de nullité du teftament. Dans ce dernier cas , la raifbn que le père donne pour autorifer l'exhérédation de fon enfant , eft appellée elogium dans la jurisprudence romaine. Cicéron plaidant pour Cluentius , fait mention du teftament de Cn. Egnatius y qui avoit déshérité fon fils avec cet éloge ( c'eft à-dire avec opprobre ) , que fon fils avoit pris de l'argent pour condamner Oppiniacus. Ce feul pafTage peut fuffîre pour prouver l'ufàge que les jurifconfultes ont fait du mot elogium dans un fèns contraire à fà fîgni- fication naturelle } mais les loix qui font dans le Dig efte & dans le Code , fous les titres de liber. & pofth. & de Carbon», ediclo , ainfï que les déclamations de Quin- tilieB 3 en foiunifTent une infinité d'autres E L O exemples. Diclionn. de Richelet , dernière édition. Article de M. le chevalier de J AU COURT. ELONGATION, f. f. en Aflronomie , eft Ja digrefiîon ou la diftance dont une planète s'éloigne du Soleil par rapport à un œil placé fur la Terre , c'eft-à-dire , l'arc ou angle apparent de la planète & du Soleil , vus l'un & l'autre de la Terre. V. Planète. La plus grande diftance d'une planète au ibleil , s'appelle fa plus grande élon- gation , & elle varie par deux raifbns \ favoir , parce que la terre & la planète tournent Tune & l'autre , non dans des cercles , mais dans des ellipfès. Cette varia- tion eft plus ou moins confidérable , félon que les ellipfes que les planètes décri- vent , s'éloignent plus ou moins d'être des cercles } ainfi elle eft moindre dans Vénus que dans Mercure , dont l'orbite eft fort elliptique. C'eft fur-tout dans les mouvemens de Vénus & de Mercure qu'on a égard aux élongations. Mercure eft dans fa plus grande élongation , lorfque la ligne menée de la Terre à Mercure , eft tangente de l'orbite de cette planète ; car il eft facile de s'aflurer que l'arc compris entre le lieu de Mercure & le lieu du Soleil , c'eft-à-dire l'angle compris entre les lignes menées de la Terre au Soleil & de la Terre à Mercure , eft alors le plus grand qu'il eft pofîîble : il en eft de même de Vénus. Or fuppofànt que ces planètes , ainfi que la Terre , décrivent des cercles autour du Soleil , & qu'on connoilfe le rapport des rayons de leurs orbites , il eft facile de tirer delà l'angle de leur plus grande élongation ; car cet angle pour Mercure eft l'angle au fommet d'un triangle rectangle , dont l'hypothénufè eft la diftance de la Terre au Soleil , & dont la bafe eft la diftance de Mercure au Soleil , ou le rayon de fon orbite : & pour Vénus , c'eft l'angle du fommet d'un triangle rectangle , dont l'hypothénufe eft la même que celle du précédent , & dont la bafe eft le rayon de l'orbite de Vénus. On prend ici les triangles pour rectangles, quoiqu'ils ne le foient qu' à-peu- près , & que même ils s'en ■éloignent allez fenfiblement pour Mercure. #£, les.lnjlit. aftronom. E L O i£5 A l'exception de Vénus & de Mercure Xélongation de toutes les autres planètes - par rapport au Soleil , peut aller jufqu a i8od} ce qui eft évident , puhque la terre eft entre ces planètes & le Soleil. . La plus grande élongation de Vénus eft de 45d , & la plus grande élongation de Mercure de 3od 3 c'eft-à-dire , que la pre- mière de ces planètes ne s'éloigne jamais du Soleil de plus de 45d , ou n'en eft ja- mais vue plus diftanteque de ce nombre de degrés, & que l'autre ne s'en éloigne jamais plus que de 30e1 3 c'eft ce qui fait que Mer- cure eft fi rarement vifible , & qu'il Ce perd d'ordinaire dans la lumière du Soleil. Voy, Mercure & Vénus. Quelques auteurs fe font fervi aufti du terme ^élongation , pour marquer la diffé- rence du mouvement entre deux planètes, l'une plus rspide , & l'autre plus lente , ou la quantité d'eipace dont l'une devance l'autre. Le mouvement de la lune par rapport au foleil , ou l'arc compris entre la lune & le foleil , s'appelle téloignement de la lune au foleil ; cependant les aftronomes moder- nes le fervent prefque toujours en ce cas du mot diftance. V. les art. LUNE & SOLEIL. On dit aufîi élongation diurne , élongation. horaire , &c. Angle d 'élongation , ou angle a la terre • c'eft la différence entre le vrai lieu du foleil 8t le lieu géocentrique d'une planète ; tel eft l'angle ETR (Planches Jajlron. fig. 16. ) compris entre le lieu E du foleil , & le lieu géocentrique R de la planète. Voye-^ Géocentrique, &c. (O) ELONGATION , terme de Chirurgie; c'eft l'alongement d'une partie , caufé par le gonflement des cartilages qui encroûtent les têtes & les cavités des os , ou par un amas d'humeurs dans la cavité articulaire qui enchâiïe la tête de l'os. "L" élongation eft une efpece de luxation imparfaite. M. Petit le chirurgien a parlé dans les mémoires de f académie royale des feiences , dune luxa- tion qui fe fait peu-à-peu , & long-temps après l'action de la caufe externe. Cela arrive principalement lorfqu'à l'occafion d'un coup ou d'une chute , il y a eu une percufllon dans la cavité ,, par ia tête de l'os même. L'engorgement des caitiiajes eft A. 2 i£4 ELO un effet ordinaire de la contufion qu'ils ont fouffërte. Il y a aum" des caufes internes du déplacement de l'os. Hippocrate (ap/ior. Ix. fecl. 6. ) dit qu'il arrive par le relâche- ment des ligamens à la fuite des douleurs fciatiques } tk il recommande l'application du cautère acfuel , pour confumer l'humi- dité fiiperflue qui abreuve les ligamens , afin de les rétablir dans leur reflbrt naturel. Le feu eft un des meilleurs moyens que l'art puilfe employer pour fortifier & cor- roborer les parties } mais c'eft un remède extrême , auquel on ne doit avoir recours qu'après avoir reconnu l'inutilité des douches, des fomentations, de l'application des fachets faits avec des médicamens qui peuvent avoir la vertu de remettre les parties dans leur état naturel. (Y) ELOQUENCE , f. f. ( Belles-Lettres. ) V article fuivant nous a été envoyé par M. de Voltaire , qui , en contribuant par [on travail à la perfection de l'Encyclopédie , veut bien donner a tous les gens de Lettres citoyens , f exemple du véritable intcrh quils doivent prendre à cet ouvrage. Dans la lettr°e quil nous a fait f honneur de nous écrire à ce fujet , il a la mo défie de ne donner cet article que comme une fimple efquijfe ; mais ce qui nef regardé que comme une efquijfe par un grand maître , eft un tableau précieux pour les autres. Nous expofons donc au public cet excellent morceau, tel que nous t avons reçu de fon illuftre au- teur : y pourrions-nous toucher fans lui faire tort ? V Eloquence , dit M. de Voltaire , cft née avant le* règles de la rhétorique , comme les langues fè font formées avant la grammaire.' I#a nature rend les hommes cloquens dans les grands intérêts tk dans les grandes parlions. Quiconque eft vive- ment ému , voit les choies d'un autre œil que les autres hommes. Tout eft pour lui objet de comparaifon rapide , & de méta- phore : fans qu'il y prenne garde il anime tout , & fait parler dans ceux qui l'écou- tent , une partie de fon enthoufiafme. Un philofophe trèls éclairé a remarqué que le peuple même s'exprime par des figures -, que rien n'eft plus commun , plus naturel que les tours qu'on appelle trepes. Ainfi. dans toutes les langues le cceur bxide , le cou- E LO rage s'allume , les yeux étincellent , î'eiprrt eft accablé; il le partage, il s'épuife: le fang fe glace : la tête iè renverfe : on eft enflé d'orgueil , enivré de vengeance. La nature fe peint par-tout dans ces images fortes devenues ordinaires. C'eft elle dont l'infiincl entèigne à pren- dre d'abord un air , un ton modefte avec ceux dont on a befoin. L'envie naturelle de captiver fes juges & ks maîtres , le re- cueillement de lame profondément frappée, qui fe prépare à déployer les fentimens qui la preftent , font les premiers maîtres de l'art. C'eft cette même nature qui inlpire quel- quefois des débuts vifs & animés 3 une forte parfion , un danger preflant , appellent tout d'un coup l'imagination : ainfi un capitaine des premiers califes voyant fuir les Muful- mans , s'écria : Ou coure\-vous , ce neft pas la que font les ennemis. On vvus a dit que le calife eft tué : eh ! qu importe qu'il fvit au nombre des vivans ou des. morts y Dieu eft vivent & vous regarde , mar- che %. La nature fait donc Y éloquence , & fi on a dit que les poètes naillent & que les ora- teurs fe forment, on l'a dit quand Y éloquence a été forcée d'étudier les loix , le génie des juges , & la méthode du temps. Les préceptes font toujours venus aprè* l'art. Tiiias fut le premier qui recueillit les ioix de Yéloquence dont la nature donne les premières règles. Platon dit en fuite dans fon Gorgias r qu'un orateur doit avoir la fubtilité des dia- lecticiens , la feience des philofophes , la diclion prefque des pcëtes , la voix & les geftes des plus grands acteurs. Ariftote fit voir enfuite que la véritable philofophie eft le guide fecretde l'efpritdans tous les arts. Il creufa les fources de lV/o- quence dans fon livre de la Rhétorique ; il fit voir que la dialectique eft le fondement de l'art de perfuader , & qu'être éloquent , c'eft favoir prouver. Il diftingua les trois genres , le délibéra- tif , le démonftratif , & le judiciaire. Dans le délibératif , il s'agit d'exhorter ceux qui délibèrent, à prendre un parti fur la guerre & fur la paix , fur l'adminiftration publi- que , &c. dans le démonftratif , de faire E L G voir ce qui eft digne -de louange ou de blâme j dans le judiciaire , de periuader , d'abfoudre ou de condamner , &c. On fent allez que ces trois genres rentrent fouveiit l'un dans l'autre. Il traite enfuite des paillons 8c des mœurs que tout orateur doit connoître. Il examine quelles preuves on doit em- ployer dans ces trois genres d'éloquence. Enfin il traite à fond de l'élocutioa fans laquelle tout languit \ il recommande les métaphores, pourvu qu'elles foient juftes Se nobles \ il exige fur- tout la convenance , la bienféance. Tous fes préceptes refpirent la 'jufteile éclairée d'un philofophe , 8c la politefie d'un Athénien \ Se en donnant les règles de {'éloquence , il eft éloquent avec /implicite. Il eft à remarquer que la Grèce fut la feule contrée de la terre où l'on connût alors les loix de {'éloquence , parce que c'étoit la feule où la véritable éloquence exiftât. L'art grailler étoit chez tous les hommes } des traits fublimes ont échappé par-tout à la nature dans tous les temps : mais remuer les efprits de toute une nation , polie , plaire , convaincre 8c toucher à la fois ^ cela ne fut donné qu'aux Grecs. Les Orientaux étoieut prefque tous eiclaves : c'eft un caractère de la fervitude de tout exagérer \ ainfi l'éloquence afiatique fut monftrueufe ; l'Occident étoit barbare du temps d'Ariftote. "L'éloquence véritable commença à fe montrer dans Rome du temps des Grac- ques , 8c ne fut perfectionnée que du temps de Cicéron. Marc Antoine l'orateur , Hor- îeufius , Curion , Céfar, 8c plufieurs autres, furent des hommes éloquens. Cette éloquence périt avec la république, ainfi que celle d'Athènes. L'éloquence fu- blime n'appartient , dit-on , qu'à la liberté } c'eft qu'elle confifte à dire des vérités har- dies , à étaler des raifons & des peintures fortes. Souvent un maître n'aime pas la vé- rité , craint les raiibns , 8c aime mieux un compliment délicat que de grands traits. Cicéron , après avoir donné les exemples dans fes harangues , donna les préceptes dans fou livre de l'Orateur } il fuit prefque toute la méthode d'Ariftote , 8c l'explique ayee le ftyle de Platon. E L O j6y Il diftingue le genre {Impie . le tempéré & le fublime. Roiim a fiiivi cette divifio» dans fou traité des études } 8c ce que Ci- céron ne dit pas , il prétend que le tempéré eft une belle rivière ombragée de renés fo- rêts des deux côtés ; lefsmple , une table fer pie proprement , dont tous les irJcs font d'un goût excellent ,■ & dont on bannit tout rafi- nement ; que le fublime foudroie , & que c'efi un fleuve impétueux qui renverfe tout ce qui lui réfifle. Sans fè mettre à cette table , 8c fans fuivre ce foudre , ce fleuve 8c cette ri- vière, tout homme de bon fens voit que l'éloquence fîmple" eft celle qui a des choies fimples à expofer , 8c que la clarté 8c l'é- légance font tout ce qui lui convient. Il n'eft pas befoin d'avoir lu Ariftote, Cicé- ron 8c Quinîilien , pour fentir qu'un Avocat qui débute par un exorde pompeux au fu- jet d'un mur mitoyen . eft ridicule : c'étoit pourtant le vice du barreau jusqu'au milieu du XVII fiecle } on difoit avec emphafe des choies triviales j en pourrait compiler des volumes de ces exemples : mais tous fe réduifent à ce mot d'un avocat , homme d'eiprit, qui voyant que fou adverfaire par- lait de la guerre de Troye 8c du Scaman- dre , l'interrompit en difant , la cour ob- fervera que ma partie ne s'appelle pas Sca- mandre , mais Mickaut. Le genre fublime ne peut regarder que de puifTans intérêts traités dans une grande aflèmblée. On en voit encore de vives traces dans le parlement d'Angleterre j on a quelques harangues qui y furent pro- noncées en 1739, quand il s'agiflbit de déclarer la guerre à l'Efpague. L'efprit de Démofthene 8c de Cicéron ont dicté plu- fieurs traits de ces difeours j mais ils ne parleront pas à la poftérité comme ceux des Grecs 8c des Romains , parce qu'ils manquent de cet art & de ce charme de la diction qui mettent le fceau de l'immor- talité aux bons ouvrages. Le genre tempéré eft celui de ces dif- eours d'appareil , de ces harangues publi- ques , de ces complimens étudiés , dans les- quels il faut couvrir de fleurs la futilité de la matière. Ces trois genres rentrent encore fouvent l'un dans l'autre , ainii que les trois çbjets 166 ELO de V éloquence qu'Ariftote coufidere , oc le grand mérite de l'orateur eft de les mêler à propos. La grande éloquence n'a guère pu en France être connue au barreau , parce qu'elle ne conduit pas aux honneurs comme dans Athènes, dans Rome, &. comme au- jourd'hui dans Londres, oc n'a point pour objet de grands intérêts publics : elle s'eft réfugiée dans les craifons funèbres où elle tient un peu de la poéfie. Boffuet , & après lui Flechier , femblent avoir obéi à ce précepte de Platon , qui veut que l'élo- cution d'un orateur foit quelquefois celle même d'un poète. U éloquence de la chaire avoit été prefque barbare jufqu'au P. Bourdaloue} il fut un des premiers qui firent parler la raifon. Les Anglois ne vinrent qu'enfuite comme l'avoue Buruet , évêque de Salisburi. Ils ne connurent point l'orailon funèbre, ils évitèrent dans les fermons les traits véhé- mens qui ne leur parurent point convena- bles à la {implicite de l'Evangile , & ils fe défirent de cette méthode des divifions re- cherchées que l'archevêque Fenelon con- damne dans fes dialogues fur ïéloquence. Quoique nos fermons roulent fur i'objet le plus important de l'homme , cependant il s'y trouve peu de ces morceaux frappans qui, comme les beaux endroits de Ci- cèron & de Démofthene , font devenus les modèles de toutes les nations occidentales. Le leâeur fera pourtant bien ailé de trou- ver ici ce qui arriva la première fois que M. Mafillion , depuis évêque de Clermont , prêcha fon fameux fermon du petit nom- bre des élus : il y eut un endroit , où un tranfport de faififlement s'empara de tout l'auditoire , prefque tout le monde fe leva à moitié par un mouvement involontaire } le murmure d'acclamation Se. de furprife fut fi fort , qu'il troubla l'orateur, & ce trouble ne fervit qu'à augmenter le pathé- tique de ce morceau : le voici. «. Je fup- » pofe que ce foit ici notre dernière heure » à tous j que les cieux vont s'ouvrir fur » nos têtes : que le temps eft paffé., & que » .l'éternité commence \ que Jcfus-Chrift » va paroître pour nous juger félon nos œu- » vres , & que nous fommes tous ici pour v attendre de lui l'arrêt de la vie ou de la ELO » mort éternelle : je vous le demande , » frappé de terreur comme vous , ne fé- » ,parant point mon fort du vôtre , & me » mettant dans la même fituation où nous » devons tous paroître un jour devant Dieu » notre juge : fi J. C: , dis-je , paroiffoit » clés- à préfent pour faire la terrible fépa- » ration des juftes & des pécheurs :> croyez- » vous que le plus grand nombre fût fauve ? » croyez-vous que le nombre des juftes » fût au moins égal à celui des pécheurs? » croyez-vous que s'il faifoit maintenant la » dileuffion des œuvres du grand nombre » qui eft dans cette égîif» , il trouvât fèi:- » lement dix juftes parmi nous? en trbu- » veroit-il un fenl? &c. » ( Il y a eu plu- fieurs éditions différentes de ce difeours , mais le fond eft le même dans toutes. ) Cette figure la plus hardie qu'on ait ja- mais employée , ck en même temps la plus à fa place , eft un des plus beaux traits d'éloquence qu'on puilfe lire chez les nations anciennes & modernes j & le refte du dif- eours n'eft pas indigne de cet endroit ii faillant. De pareils chefs-d'œuvre font très- rares , tout eft d'ailleurs devenu lieu com- mun. Les prédicateurs qui ne peuvent imiter, ces grands modèles , feroient mieux de les apprendre par cœur ck de les débiter à leur auditoire ( fuppofé encore qu'ils euffent ce talent fi rare de la déclamation ) , que de prêcher dans un ftyle languiifant des chofes aufîi rebattues qu'utiles. On demande fi l'éloquence eft permifè aux hiftoriens } celle qui leur eft propre confifte dans l'art de préparer les événe- mens , dans leur expofition toujours nette ck élégante , tantôt vive ck prelîèe , tantôt étendue ck fleurie , dans la peinture vraie ck forte des mœurs générales ck des prin- cipaux perfonnages , dans les réflexions incorporées naturellement au récit , ck qui n'y paroilfent point ajoutées. L'éloquence de Démofthene ne convient pas à Thuci- dïde ; une harangue direéfe qu'on met dans la bouche d'un héros qui ne la prononça jamais , n'eft guère qu'un beau défaut. Si pourtant ces licences pouvoient quel- quefois fe permettre \ voici une occafion où Mezeray dans fa grande hiftoire femble ob- tenir grâce pour cette hardieffe approuvée chez les anciens j ii eft égal à eux pour le E L O moins dans cet endroit : c'efr. au commen- cement du règne d'Henri IV , lorfque ce prince , avec très-peu de troupes , étoit prefle auprès de Dieppe par une armée de trente mille hommes , & qu'on lui confèilloit de fe retirer en Angleterre. IVte- zeray s'élève au deliiis de lui-même en faifant parler ainfi le maréchal de Biron , qui d'ailleurs étoit un homme de génie , & qui peut fort bien avoir dit une partie de ce que l'hiflorien lui attribue. « Quoi ! fire , on vous confèille de » monter fur mer , comme s'il n'y avoit » point d'autre moyen de coviiferver votre » royaume que de le quitter ? f? vous n'étiez » pas en France , il faudroit ' percer au » travers de tous les hazards & de tous les » obftacles pour y venir : & maintenant que » vous y êtes, on voudroit que vous en » fortifiiez ? & vos amis feroient d'avis » que vous fiiîîez de votre bon gré ce que » le plus grand effort de vos ennemis ne » fauroit vous contraindre de faire ? En » l'état où vous êtes , fortir de France » feulement pour vingt -quatre heures , » c'efr. s'en bannir pour jamais. Le péril » au refte , n'efï pas fî grand qu'on vous » le dépeint } ceux qui nous penfent en- » velopper , font ou eeux-mêmes que nous » avons tenus enfermés fi lâchement dans » Paris , ou gens qui ne valent pas mieux ? » & qui auront plus d'affaires entre eux- » mêmes que contre nous. Enfin , Sire , » nous fommes en France , il nous y faut » enterrer : il s'agit d'un royaume , il faut » l'emporter ou y perdre la vie :, & quand » même il n'y auroit point d'autre fureté » pour votre facrée perfonne que la fuite , » je fais bien que vous aimeriez mieux » mille fois mourir de pié ferme , que de » vous fauver par ce moyen. Votre Ma- » jefté ne fouffriroit jamais qu'on dife qu'un » caclet de la maifbn de Lorraine lui auroit » fait perdre terre \ encore moins qu'on la » vît mendier à la porte d'un prince étran- » ger. Non , non , Sire , il n'y a ni cou- » ronne ni honneur pour vous au delà de i> la mer : fî vous allez au devant du fè- » co irs d'Angleterre , il reculera '-, fî vous •» vous préfentez au port de la Rochelle » en homme qui fè fauve , vous n'y treu- » verez que des reproches &. du mépris. E L O i6> » Je ne puis croire que vous deviez plutôt » fier votre perfonne à l'inconfrauce des » flots & à la merci de l'étranger , qu'à » tant de braves gentilshommes & tant » de vieux foldats qui font prêîs de lui » fervir de remparts & de boucliers : & je » fiiis trop ferviteur de votre majefté pour » lui diflîmuler que fî elle cherchoit fa fû- » reté ailleurs que dans leur vertu , ils » feroient obligés de chercher la leur dans » un autre parti que dans le fien. » Ce difeours fait un effet d'autant plus beau , que Mezeray met ici en effet dans la bouche du maréchal de Biron ce que Henri IV avoit dans le cœur. Il y auroit encore bien des chofès à dire fur Xéloquence , mais les livres n'en difènt que trop } & dans un fîecle éclairé , le génie aidé des exemples en fait plus que n'en difènt tous les maîtres. Voyei E LO- CUTION. M. de Marmontel va nous prouver que Xéloquence poétique eft fupérieure à Xélo- quence oratoire. Eloquence Poétique , ( Belles let- tres. ) Qui ne connoît pas le plaifîr que nous avons à infpirer nos fèntimens , à perfuader nos opinions , à répandre nos lumières , à multiplier ainfî notre ame ? C'efr. un attrait qui , dans le moral , peut fè comparer à celui de la reproduction phyfîque , & .peut-être l'un des premiers befbins de l'homme en fbciété. La poéfîe , dont c'efr. là l'obiet , a donc fa fource dans la nature. Quant aux moyens d'inftruire & de per- fuader , ils font les mêmes en philofophie r en éloquence , en poéfîe ^ & ce n'eut pas ici le lieu de les examiner. Il y a cependant un procédé que la philofophie ne connoît pas } que Xélo- quence ne devroit pas connoitre , & dans lequel la poéfîe excelle : c'efr, l'art de la féduftion , l'art de frapper l'âme du côté fènfîble , de l'intéreflèr à croire ce qu'on veut lui perfuader , &. de lui infpirer pour le fentiment ou l'opinion qu'en lui propole , un penchant qui donne à la vraifèmblanee tout le poids de la vérité. On fènt com- bien cette éloquence infînuante ou pa/îîon- née eft effentielle à la poéfîe qui n'eff. que" , feinte. & illufioii. Ceft peu de fe répaudrr j£S E L O dans le ftyle poétique comme un feu élé- mentaire y elle s'y raftemble quelquefois en un foyer lumineux & brûlant , dont elle écarte , comme autant de nuages , les or- nemens qui robfcurciroient , pu Allante de fa chaleur & brillante de fa lumière. Alors la poéfie n'eft que Xéloquence même dans toute fà force &: avec tous £es artifices. Voyez dans Xlliade la harangue de Priam aux pies d'Achille j dans Ovide , celles d'Ajax & d'Ulylfe \ celles des démons , dans les poèmes du Tafle & de Milton fon imitateur ; dans Corneille , les feenes d'Augufle & de Cimia } dans Racine , les difeours du Burrhus & de Narciiîè au jeune Néron } dans la Henriade , la ha- rangue de Potier aux états } celle de Brutus au fenat , dans la tragédie de ce nom \ dans la mort de Céfar , celle d'Antoine au peuple , &c. C'eft tour à-tour le langage de Démoflhene , de Cicéron , de Maflil- lon , de BofTuct , à quelques hardiefîés près , que la poéfie autoriie , & que Xélo- quence elle-même fe permet quelquefois. Si l'on m'aceufe de confondre ici les genres , que l'on me dite en quoi différent < Xéloquence de Burrhus parlant à Néron , dans la tragédie de Racine , & celle de Cicéron parlant à Céfar dans la péroraifon pour Ligarius ? Toute la différence que je vois entre Xéloquence -poétique & Xéloquence oratoire , c'eft. que l'une doit être l'élixir de l'autre. L'importance de la vérité rend l'auditeur patient \ au lieu que îa ficlion n'attache qu'autant qu'elle intérefîè. ^éloquence du poëte doit donc être plus animée , plus rapide , plus foutenue que celle de l'ora- teur. L'un eft libre dans le choix , dans la forme de fes fujets , il les foumet à ion génie , l'autre eft commandé par fes fujets mêmes , Se fon génie en eft dépendant :, aiirfi les détails épineux & languiiiàns qu'on pardonne à l'orateur , feroient juftement reprochés au poëte. \J éloquence du poëte n'eft donc que Xéloquence exquife de l'orateur , appliquée à des fujets intéreffans , féconds & dociles :, & les divers genres ^éloquence que les rhéteurs ont distingués , le délibératif , le démonftratif , le judiciaire , font du reffort de l'art poétique comme de l'art oratoire. E L O Mais les poètes ont foin de choifir de grandes canfes à difeuter , de grands in- térêts à débattre. Augufte doit-il abdiquer ou garder l'empire du monde ? Ptolémée doit - il accorder ou refufer Un afyle à Potnpée '5 & s'il le reçoit , doit-il le dé- fendre , doit -il le livrer à Céfar vif ou mort ? Attila doit - il s'allier au roi des François ou à l'empereur des Romains , foutenir Rome chancelante fur le pen- chant de fa ruine , ou hâter les deftins de l'empire François encore au berceau j écouter la gloire ou l'ambition ? Voilà de quoi il s'agit dans les délibérations de Cor- neille. Si la feene d'Attila eft foiblement traitée , aîi moins eft - elle grandement conçue , & l'idée feule en auroit dû im- pofer à Boileau. La feene délibérative qui mérite le mieux d'être placée à côté de celles que je viens de citer , eft l'expo- fition de Brutus : le fénat cloit-il recevoir l'arnbafîàdeur de Porfenna , & en l'écou- tant ? doit-il traiter avec l'envoyé du pro- tecteur des Tarquins : ou bien doit- il le reiufèr , & le renvoyer fans l'entendre ? Il n'eft point de fpeciateur dont l'ame ne refte comme fufpendue , tandis que de tels intérêts font balancés , Se difeutés avec chaleur. Ce qui rend encc're plus théâ- trales ces fortes de délibérations , c'eft lerque la caufe publique fe JGint à l'intérêt capital d'un perîbnnage inîéreifant , dont le fort dépend de ce qu'on va refondre j car il faut bien fe fouvenir que l'intérêt individuel d'homme à homme , eft le fcul qui nous touche vivement. Les termes collectifs de peuple , d'armée , de répu- blique , ne nous préfentent que des idées vagues. Rome , Carthage , la Grèce , la Phrygie , ne nous intérefTent que par l'en- îremhe des personnages dont le deftin dépend du leur. C'étoit une belle chofe , dans Inès , que la feene où l'on délibère ii Alphonfe doit punir ou pardonner la révolte de fon fils } mais il failoit à ce jugement terrible un appareil impoiant , & fùr-tout dans les opinions un caractère majeftueux & fombre , qni infpirât la crainte des loix & la pitié pour l'ame d'un père. Cett& feene , j'ofè ie dire , étoit au deifus des forces de la Motte : c'étoit à celui qui a peint l'ame d'Alvarez & l'ame de - \ EL O E L O e Brutus , de traiter cette fituatîon qui , j Achille indigné uite & éloquence 6k de dignité , n'eft ni ' retire feul fur 1 fe touchante ni vraifemblable. On a voulu , je ne fais pourquoi , diftl li- guer en poéfie ie difeours préméclitéd'avec celui qui n'eft pas cenfé l'être : l'exprelîion n'a fa vraifemblance que lorfqu'elle eft tel'e •que la nature doit l'infpirer dans le mo- ment. Toute la théorie de Véloquence poétique fe réduit donc à bien favoir quel eft celui qui parle , quels (ont ceux qui l'écoutent, ce qu'on veut que l'un perfuade aux autres , 6k de régler fur ces rapports le langage qu'on lui fait tenir. Mais quelquefois aufïï celui qui parle ne veut que répandre 6k foulager fon cœur. Par exemple , lorfqu'Andromaque fait à Céphife !e tableau du maiïacre de Troie, ou qu'elle lui retrace les adieux d'Hec- tor, fon deffein n'eft pas de l'inftruire , de la perfuader , de l'émouvoir : elle n'at- tend , ne veut rien d'elle. C'eft un cœur déchiré qui gémit , 6k qui , trop plein de fa douleur, ne demande qu'à l'épancher. Rien de plus naturel , rien de plus favo- rable au développement des paffions. Il eft un degré où elles font muettes , mais avant de parvenir à cet excès de fenfibilifé qui touche à i'infenfibilité même , plus on eft ému , moins on peut fe fuffire; 6k fi l'on n'a pas un ami fidèle 6k fenfible à qui fe livrer, on efpere en trouver un jour parmi les hommes; on grave les peines ou fes plaifirs fur les arbres , fur les ro- chers; on les confie dans fes écrits aux fiecles qui font à naître , 6k qui les liront quand on ne fera plus : ainfi par une illu- fion vaine , mais confolante , on fe furvit à foi- même, 6k l'on jouit en idée de l'in- térêt qu'on infpirera : c'eft -là ce qui fonde la vraifemblance de tous les genres de poéfie où l'ame , par un mouvement fpon- tanée, dépofe fes iéntimens les plus cachés, {qs affections les plus intimes : c'eft-là fur- tout que les mceur> font naïvement expri- mées ; car dans toutes les autres feenes la nature eft gênée , 6k peut fe déguifer. Plus la paillon tient de la foibleffe, plus elle eft facile à fe répandre au dehors : l'amour a plus de eonfidens que la haine 6k que l'ambition ; celles-ci fuppofent dans l'ame une foce qui fert à les renfermer. Tome XIL 169 contre Agamemnon, fe avoit aimé Briféis , il auroit eu befoin de Patrocle. Aufli l'élégie, qui n'eft autre chofe que le développement de l'ame , préfere-t-e!le l'amour à des fentimens plus férieux 6k plus profonds ; aufti nos poètes qui ont mis au théâtre cette paflion, que les Grecs dédaignoient de peindre , ont-ils trouvé dans le trouble, les com- bats, les mouvemens divers qu'elle excite, une fource intarifTabîe de la plus belle poéfie. Dans combien de fens oppofés le feul Racine n'a-t-il pas vu les plis 6k les replis du cœur d'une amante ! avec com- bien de paffions diverfes il a mêlé celle de l'amour ! C'eft fur-tout dans ces confiden- ces intimes qu'il a eu l'art de ménager, c'eft-là , dis-je , qu'il expofe ou prépare l'effet touchant des fituations, 6k qu'il éta- blit fur les mœurs la vraifemblance de la fable. Sans les trois feenes de Phèdre avec (Enone , ce rôle qui nous attendrit juf- qu'aux larmes, eût été révoltant pour nous. Qu'on fe rappelle feulement cqs vers : Je me connois > je fais toutes mes per- fidies , (Enone , & ne fuis point de ces femmes hardies , Qui goûtant dans le crime une tranquille paix , Ont fu fe faire un front qui ne rougit jamais. Je connois mes fureurs , je les rappelle toutes ; // mefemble déjà que ces murs , que ces voûtes Vont prendre la parole , 6* prêts à m'accujèr , Attendent mon époux pour ledéfabufer. C'eft-là de la vraie éloquence ; c'eft-là ce qui gagne les efprits en faveur du coupa- ble odieux à lui-même , 6k tourmenté par fes remords. La fureur jaloufe de Phèdre, la comparaifon qu'elle fait du bonheur d'Hypolite 6k de fon amante avec les maux qu'elle-même a foufferts : Ils fuivoient fans remords , leur pen- chant amoureux. Tous les jours fe levoknt clairs & fe- reins pour eux ; 170 ELO ELR Et moi , tri fte rebut de la nature entière, 'voilà ce qui fe préfente au premier conri Je me cachois au jour , je fuyois la lumière. La mort efi le feul dieu que fofois implorer, ek delà Ton égarement ck fon cîéfefpoir rendent naturel ck fupportable le filence qu'elle a gardée fur l'innocence d'Hypo- tite : mais il n'en falloit pas moins pour obtenir grâce; ck la fable d'Euripide , fans l'art de Racine , n'étoit pas digne du théâ- tre françois. On a reproché à notre fcene tragique d'avoir trop de difcours èk trop peu d'action : ce reproche bien entendu peut être jufte. Nos poètes fe font enga- gés quelquefois dans des analyfes de fen- timens aufli froides que fuperfiues ; mais fi le cœur ne s'épanche que parce qu'il eft trop plein de fa paffion r ck lorfque la vio- lence de (es mouvemens ne lui permet pas de les retenir, l'erTufion n'en fera jamais ni froide, ni languiffante. La paffion porte avec elle dans (es mouvemens tumultueux, de quoi varier eeuxdu ûyle ^ & fi le poète eft bien pénétré de (es (ituations, s'il fe laiffe guider par la nature, au lieu de vou- loir la conduire à fon gré ,. il placera ces mouvemens où la nature les follicite ; 6k biffant couler le fentiment à pleine fource, il en faura prévenir à propos l'épuifement & la langueur.. Les réflexions , tes affections de l*ame qui fervent d'alimens à cette efpece de pathétique , peuvent fe combiner , fe va- rier à l'infini. Cependant comme elles ont pour bafe un caractère ck une fituation donnée, le poète, en méditant fur les fen- timens qu'il veut développer ,. peut y obferver quelque méthode,. 6k dans les eirconftances les plus marquées, fe donner quelques points d'appui. Je fuppofe, par exemple , Ariane exhalant fa douleur fur l'infidélité de Théfée: quel eft celui qu'elle aime , à quel excès elle l'a aimé , ce qu'elle a fait pour lui , le prix qu'elle en reçoit , quels fermens il trahit , quelle amante il abandonne , en quels lieux , dans quel moment , en quel état il la laiffe , quel étoit fon bonheur fans loi , dans quel mal- heur il l'a plongée, 6k de quel fupplice il punit tant d'amour, & tant de bienfaits i, d'œil. Que le poète fe plonge dans l'illu- fion ; à mefure que fon ame s'échauffera, tous ces genres de fentiment vont (e dé- velopper d'eux-mêmes. Comme c'eft-là fur-tout que fe mani- feftent les affeclions de l'ame , 6k que les traits les plus déliés , les nuances les plus délicates des caractères fe font fentir ; cette forte de fcene exige 6k fuppofe une profonde étude des mœurs. Les com- mençans ne demandent pas mieux que de s'épargner cette étude ; 6k l'exemple du théâtre anglois , encore barbare auprès du nôtre , leur fait donner tout aux mou- vemens , aux tableaux 6k aux (ituations- y c'eft-à-dire , au fquelette de la tragédie. Aitifî , pour éviter la langueur ck la mol- leffe qu'on nous reproche , on tombe dans un excès contraire , la féchereffe ck la- dureté. Il eft plus facile de fentir que d'indiquer précifément quel eft , entre ce$= deux excès , le milieu que l'on devroit prendre ; mais on le trouvera fans peine 9 n , renonçant à la folle vanité de briller par les détails, l'on fe pénètre au fond du iéntiment que l'on exprime , ck fi l'on s'a- bandonne à la nature, qui n'en dit ni trop ni trop peu. Mais ^éloquence poétique n 'eft: jamais plus animée , plus véhémente , plus- rapide que dans les momens où les intérêts^ les fentimens , les pallions fe combattent. V. Dialogue. (M. Marmontel.\ ELOQUENT, adj. (Belles-Lettres,^ On appelle ainfi ce qui perfuade, touche.,, émeut, élevé famé : on dit un auteur éloquent , un difcours éloquent , un gefte éloquent, Voye^ aux mots EloCUTION* 6* Eloquence, les qualités que doit avoir un difcours éloquent. (O) ELOSSITES, {Hift. nat.) pierre dont on ne nous dit rien , finon qu'en la por- tant on fe guérit des douleurs de tête ;, c'eft à Ludovico Dolce que l'on eft rede- vable de ce détail. ELPH1N, (Géog. mod.) ville du comte de Rofcommon , en Irlande. Long, 19.,, 20 ; lat. 53, «ç6. ELRICH, (Géogr.J ville d'Allemagne dans le cercle de haute Saxe.; ck dans le comté de Hohnftein , fur la rivière de- Zorge , au pié du Hartz ; c'eft la capitale E LS de la feigneurîe de Klettenberg , appar- T tenante au roi de Prude, & le fiege d'une fijrintendance eccléfîaftique : il y a des ma- nufactures en divers genres. (D. G.) ELSEÇAITES. Pbysi ElcesaÏtes. ELSTÊR , ÇGéogr. mod.) ville du cer- cle de haute-Saxe, en Allemagne , elle eft fituée au confluent de l'Elfter & de l'Elbe. Long. 31 , 20 ; lat. < i , 28. ELTEMAN, (Geogr. mod.) ville de Franconie , en Allemagne ; elle eft fituée fur le Mein. Long. 28 , 21 ; lat. 49 , 58. ELU , adj. eleaus, choifî , en Théolo- gie, & fur-tout dans V Ecriture-Sainte , fe dit des faints & des prédeftinés : en ce fens les élus font ceux que Dieu a choifis, ou antécédemment ou conféquemment à leurs mérites , pour leur accorder la gloire éternelle. Voyt\ PRÉDESTINATION. Dieu, qui a prédeftiné les élus à la gloire, les aauflî prédeftinés à la grâce & à la perfévérance , qui font les moyens pour parvenir à la gloire. Dans un fens plus général , leT'apôtres ont donné aux premiers chrétiens le nom d'élus , parce qu'ils avoient reçu la grâce de la vocation au Chriftianifme. Voye^ Vocation. Chambers. (G) Elu, adj. (Jurifpr.) eft celui qui eft choifî pour remplir quelque place , ou pour recueillir une fucceffion. Celui qui acheté pour autrui , déclare que c'eft pouc fon ami élu ou à élire. Voye\ Election en ami. Elus sur le fait de l'Aide , étoient ceux qui étoient choifis par les états , pour afleoir & faire lever les aides & autres fubfides accordés au roi par les états. Voye{ ci-devant ELECTION. Elu CLERC. Voyt\ ci-après Elu DU Clergé. Elu du Clergé ou pour le Cler- gé , étoit une perfonne choifîe par le clergé de France, dans fon ordre, pour afleoir & faire lever fur tous les membres du clergé , la part qiae chacun d'eux devoit fupporter des aides &: autres fubventions que le clergé payoit au roi dans les befoins extraordinaires de l'état , de même que la noblefîe 6>c le peuple. Voyt\_ ce qui en eft dit ci-devant au mot ELECTION , ÔC ce gui fera dit au mot Etats, ELU ,7r ELU , ou Conf ciller d*une élection , eft un des juges qui font la fonétion de con- feiller dans les tribunaux appelles élections. On donne auflï quelquefois le nom d'élus à tous les officiers de ces tribunaux, c'eft- à-dire au préfident, lieutenant &c aflefîeur, de même qu'aux confeillers. Voyet ci- devant Election. Elus Conseillers de la Marées Voyt\ Elu de la Marée. Elus Conseillers de Ville : ils font nommés élus dans des privilèges de Mâcon , accordés par Philippe de Valois en février 1346; ils font aufîi ailleurs nommés prud'hommes &c élus. Elus des Décimes, étoient les mê- mes que les élus du clergé , ils faifoient l'afliette & répartition des décimes & au- tres fubventions payées par le clergé. Voy. Décimes & Elections. Elu Ecclésiastique , étoit celui qui étoit choifî par le clergé. Voyei ci" devant Elu du Clergé. Elus ou Echevins, ces termes étoient autrefois fynonymes en quelques pro- vinces. Elus des Elections. Voy. Elec- tions. Elus des Etats , c'eft-à-dire , ceux qui font élus par les états généraux du royaume ou d'une province , pour faire l'afliette & répartition des importions que le pays doit porter. Voyei ELECTIONS & Etats. Elus sur le fait des Finances des aides , étoient les mêmes que les élus fur le fait de l'aide. Elus sur le fait des Gabelles : on donnoit quelquefois ce nom aux pre- miers prépofés qui furent établis pour avoir l'intendance de la gabelle du fel , parce qu'ils étoient mis par élection des trois états , de même que les élus dés aides & des tailles : on les appella depuis grene- tiers-contrôleurs de la gabelle , &c. ou officiers des greniers àjel. Elus Généraux ; on donnoit quel- quefois ce nom à ceux qui étoient élus par les états généraux du royaume ou d'une province, ou aux généraux des aides qui étoient élus par les trois états ; dans }es derniers temps on donnoit ce nom aux y % i7i ELU élus de chaque diocefe , pour les diftin- guer des élus particuliers qu'ils cjommet- toient dans chaque ville. Voye^ ELEC- TION. Elus sur le fait de la Guerre ; dans quelques ordonnances ils font ainfi appelles par abréviation de ces termes élus fur le fait de l'aide ordonnée pour la guerre. Elus sur le fait de l'Imposi- tion FORAINE , étoient les perionnes élues par les états , qui faifoient l'affiette ck levée de l'impofition foraine. Il en eft parlé dans un règlement de Charles V, du 13 juillet 1376, ck dans des lettres du 15 novembre 1378. Voye\ ELECTIONS. Elus des Juifs , étoient une ou deux perionnes que les Juifs demeurans en Fran- ce , chdîmToient entr'eux, fuivant la per- miiTion que le roi Jean leur en avoit don- née au mois de Mars 1360 , pour ordon- ner faire afteoir & impoi'er tailles ou cueil- lettes, comme bon leur fembleroit, pour fournir à leurs dépenlés communes. ELUS Laïcs , étoient ceux qui étoient choifis par la noblefte ck par le tiers état , pour ordonner de l'affiette ck levée des aides ck autres impositions avec Y élu du clergé. Voye\ ELECTIONS. Elus de la Marée ou Conseil- lers ; c'eft ainfi que le confeil des mar- chands forains de marée eft qualifié dans les anciennes ordonnances , notamment dans des lettres de Charles V, du 20 juin 1369; c'étoient eux qui mettoient par élection les vendeurs de marée. Voye\ le tr. de la Police de la Mare, tome III , liv. V, ch. v. Elus de Mer. Voyt\ Elus de la Marée. Elus des Métiers, c'étoient les jurés de chaque métier, que l'on appelloit ainfi clans quelques villes , comme à Tour- *nay , où il 'y en avoit trois dans chaque métier; il en eft parlé dans des lettres de Charies V , du 7 février 1365. Elus sur le fait des Monnoies, furen t établis en conféquence d'une ordon- nance du roi Jean , du 28 décembre 1355 -, ils étoient différens de ceux qui furent établis pour les aides par la même ordonn ance. Elus *>ur le fait des Octrois ou ELU Tailles des villes. Voye% ce qui eti ft dit ci-devant au mot Election , à loccafion de l'ordonnance du mois de mars 1331, pour la ville de Laon. ELUS PARTICULIERS , étoient d'abord les lieutenans ou commis des élus de chaque diocefe, ils furent enfuite érigés en titre d'ofnce : mais ces élus particuliers ont été réunis aux élus généraux. Voye\ Elections. Elus des Poissonniers de la Marée fraîche , c'eft le titre que l'on donnoit en 1551 aux élus des marchands de marée. Voye{ Elus DE LA MARÉEr & la Mare , à C endroit cité. Elu de la Province , étoit une perfonne choifie par une province , pour ordonner de l'afliette ck levée des tailles. Voy. ce qui en eft dit au mot ELECTION. Elus ou Prud'hommes , ces termes étoient autrefois fouvent conjoints ck fy- nonymes , pour défigner des échevins ou conseillers de ville , des élus ou députés fur le fait des aides ou autres impositions des jurés de chaque métier. Elus sur le fait des Subsides : quelques ordonnances donnent ce titre à ceux qui étoient élus par les états pour faire afteoir ck lever les aides , tailles ck autres fubfides. Voye^ les lettres de Char- les V, du 2 feptembre 13 70, ordonnan- ces de la troifieme race. Elus pour les Tailles , étoient les perfonnes choifies par les états en confé- quence de l'ordonnance de S. Louis pour faire afteoir ck lever la taille. Voy. ELEC- TIONS. Elus pour les Tailles des vil- les ou pour les Octrois. Voyc^ au mot Elections ce qui en eft dit à l'occafion de l'ordonnance du mois de mars 13 31 , pour la ville de Laon. (A) ELVAS, (Géogr. modj ville de l'A- lentejo , en Portugal : elle eft fituée fur une montagne , proche de la Guadiana. Long. 11 , 16; lat. 38, 44. ELUL , f. m. (Hift. anc.) mois des Hébreux, qui revient à-peu-près à notre mois d'août. Il n'a que vingt-neuf jours* C'eft le douzième mois de l'année civile* ck le fixieme de l'année fainte. Le feptieme ou le. neuvième de ce mois^ ELU les Juifs jeûnent en mémoire de ce qui arriva après le retour de ceux qui étoient allés considérer la terre promife. < Le vingt-deuxième de ce mois fe fait la fête delà xylophone, dans laquelle on portoit le bois au temple. Selden prétend qu'onlacélébroit le dix-huitieme du mois ab. Voyc^ Ab & Xylophorie. Le vmgt-fixieme du mois élul, les Juifs font mémoire de la dédicace des murs de Jérufalem par Nehemie. Dictionnaire de la Bible. (G) ELUTRIATION , (Chymie .) opéra- tion méchanique, employée en Chymie, qui confifte à agiter dans un grand volume d'eau , un amas de petits corps folides non folubles dans l'eau , afin de féparer par ce moyen les parties les plus lourdes , qui gagnent les premières le fond de l'eau, des plus légères qui reftent fufpendues pendant quelque temps dans ce fluide. Cette opération eft fur tout ufirée en Mé- tallurgie , ck elle eft: plus connue fous le nom de lavage. Voye\ Lavage. On emploie quelquefois Yélutriation en pharmacie ; elle fait partie de la pulvéri- sation à l'eau. Voyei Pulvérisation a l'eau , fous le mot Pulvérisa- tion, (b) ELWANGEN, ÇGéogr. mod.) ville de la Suabe , en Allemagne ; elle eft fi tuée fur le Jart. Long. 28 , 5] ; lat. 49 , 2. ELY , (Géogr. mod.) ville du comté de Cambridge , en Angleterre ; elle eft fituéefurl'ouft.Za/z^. 17, }yylat. J2, 20. ELYERYSUM ou IMMORTELLE. Voyei Immortelle. ELYME, ( Mufique infl. des anc.) Athénéepenfe que laiiûte appellée élyme, n'étoit autre que la flûte phrygienne. Il rapporte encore que Xélyme inventée par les Phrygiens, fuivant Juba, avoitété fur- nommée fajtaliennek caufe de fagroifeur, fembiable à Celle de fajtales des Laco- niens. Voye{ Sajtale. On trouve aufli dans le Traité de Tibiis Veter. par Bar- tholin , qu'Hefychius appelle élyme la par- tie de la flûte à laquelle tenoit la glotte. On appelloit encorejlûte bérécynthitnne Yélyme , en fuppofant que ce foit la même que la phrygienne , à caufe de Bérécyn- the2 mont ck ville de Phrygie j ck comme ELY 173 Tony ajoutoit au bas une corne, voye^ FLUTE , (Mujiq. infl. des anc.) les Grecs l'appelloient encore keras , ck keraults ceux qui en jouoient. Peut-être pourtant le keras étoit un autre infiniment. Voye\ KEREU , (Mîifiq. infl. des Hébreux.) Au refte, Pollux nous apprend que Ton faifoit Vélyme de buis. (F. D. C.) ELYSËES (XhampsJ, Mytkol. en latin elyfium , elyfii , elyjîi campi ("que Virgile caradtériié fi bien en deux mots , quand il les appelle locos loztos , fedefque beatas) étoient félon la théologie païenne , un lieu dans les enfers , plein de campa- gnes admirables, de prairies charmantes % 6k de bois délicieux , qui faifoient la de- meure des gens de bien après leur mort. Orphée, Hercule, Enée, eurent le bon- heur pendant leur vie , de voir une fois ce beau féjour. A la droiie du Tartare, difent les Poè- tes , fe trouve un chemin qui conduit aux champs élyfées , dans ces îles fortunées , où les âmes de ceux qui ont bien vécu pen- dant cette vie , jouiflent d'une paix pro- fonde , 6k des plaifirs innocens. * Tout ce qui peut entrer dans les des- criptions les plus brillantes & les plus fleu- ries, eft peut-être raflemblé dans la pein- ture des champs élyfées faite par Pin- dare; du moins Anacréon ckSapho, Mo£ chus ck Bion , dont les écrits font pleins d'images douces 6k riantes , n'ont rien qui foit au deffus du tableau du poète lyrique de la Grèce; cependant Homère a donné le premier modèle de toutes les deferip- tions de Yélyfée , qu'ont fait depuis , fous différentes peintures , Virgile , Ovide , Tibulle, Lucain , 6k Claudien. Refte à favoir en quel endroit du monde étoit cette demeure fortunée , fon origine, ck l'efpace de temps que les âmes habi- toient ce féjour délicieux. Mais c*eft fur quoi les fentimens font fort partagés. Les uns établiffent lV/y/& au milieu des airs; d'autres , comme Plutarque , dans la lune ou dans le foleil ; 6k d'autres au cen- tre de la ferre. Platon le met fous la terre, c'eft-à-dire , dans l'hémifphere de la terre diamétralement oppofé au nôtre , ou pour le dire en d'autres termes, aux an- tipodes. Homère iemble placer les champs i74 ELY élyfées au pays des Cymmériens ^ que M. le Clerc croit être l'Epire; Virgile les met en Italie ; quelques modernes enten- dent par les îles fortunées, celles que nous appelions aujourd'hui les Canaries; mais elles n'étoient pas connues des anciens 9 qui n'ofoient parler le détroit, ck qui ne perdoient point les côtes de vue. Si l'on en croit quelques autres, Vély- fée étoit le charmant pays de la Bétique ("aujourd'hui la Grenade ck l'Andaloufie): tout y quadre , félon Bochard , à la des- cription des Poètes. Le plus important eft de découvrir l'origine de leurs fables touchant le féjour des âmes après la mort. On ne peut douter ici que la première notion des champs élyfées , de même que celle de l'enfer , ne foit venue d'Egypte. Voye\ Enfer. Confliltez Vofîius, le Clerc, ck autres; voye^ aum" Jacques "Windet , de vïtâ funclorum jlatu , apud Ethnicos. M.-Pluche, dans fon hiftoire du ciel, "donne à cette fable une explication a/îez fimple. Diodore de Sicile dit que lafépul- ture commune des Egyptiens étoit au delà d'un lac nommé Acherufîe ; que le mort étoit apporté fur le bord de ce lac, au piéd'un tribunal compofé de plufieurs ju- ges , qui informoient de fes vie ck mœurs. S'il n'avoit pas éré fidèle aux loix , on jetoit le corps dans une foiTe ou efpece de voirie qu'on nommoit le Tan are. S'il avoit été vertueux, un batelier conduifoit le corps au delà du lac dans une plaine embellie de prairies, de ruifleaux, de bof- quets, ck de tous les agrémens champê- tres. Ce lieu fe nommoit élifout ou les champs élyfées , c 'eft - à- dire , pleine fatisfa&ion , féjour de repos ou de joie. Hiftoire du ciel , tome I , page 1 24 & 116. (G) Au refte , fi les Poètes ont varié fur la fituatipn des champs élyfées , ils ne font pas plus d'accord fur le temps que les âmes y doivent demeurer. Anchife femble infinuer à Enée fon fils , qu'après une révolution de mille ans , les âmes buvoient de l'eau du fleuve Lethé, ck venoient dans d'autres corps; en quoi Virgile adopte en quelque manière la fameufe opinion de la pié;empfycofe qui a eu tant de partifans,, E LY ck qui devoit encore fon origine aux Egyptiens. Voye\ MÉTEMPSYCOSE. Add. de M. le Chev. DE Jav COURT. ELYTPcOIDE, f. f. en Anatomie , eft l'une des trois tuniques propres des tefticules. Ce mot vient du grec khvjfor ? pagina, gaîne , ck JeP«* , forme. Vélytroïde eft la féconde des tuniques propres des tefticules : elle reftemble à une gaîne, ce qui l'a fait nommer aufti vaginale par quelques auteurs : elle eft formée par la dilatation de la production du péritoine ; fa furface interne eft tapif- fée d'une membrane particulière très-fine, qui forme une efpece de diaphragme qui empêche la communication entre la gaîne du cordon fpermatique ck la capfule ou tunique vaginale du tefticule ; ck l'externe eft cellu'aire , ce qui la rend d'autant plus adhérente à la première des tuniques pro- près, qui fe nomme érythroide. \J érythroide qui vient des mots grecs, ld60c( rouge ck iï foi forme, eft la première des membranes propres qui environnent les tefticules. Les anciens qui fe font fervi de cette exprefîion, peuvent l'avoir appliquée aux; fibres épanouies du cremaftere , qui for- ment une efpece de gaîne rouge-pâle , dont le tefticule eft enveloppé : peut-être d'autres anciens parloient-ils du dartos : cela eft allez indifférent ; il eft fur que le tefticule de l'homme n'a que les envelop- pes fuivaintes : 1 . la peau , 2. peu de graifîe, 3. le dartos , cellulofité rouge , à caufe du grand nombre de vaifîeaux qui s'y ramifient , membrane à laquelle d'autres auteurs ont attribué des fibres mufculaires. Il ne nous paroît pas qu'il y ait dans le dartos des fibres dont la direction foit conf- tante; ck peut-être ce qui peut donner lieu d'y admettre des fibres , c'eft l'irrita- bilité dont le dartos eft pourvu , ck qui redreffe les tefticules dans la fanté robufte, au contact de l'air froid , ck dans d'autres occafions:4. une cellulofité allez copieufe, dont nous allons donner un détail d'au- tant plus néceffaire, que l'on n'a eu que depuis peu une idée complète de ces tu- niques. Il y a trois enveloppes qu'on peut ap- pelles vaginales ; la commune , celle du E L Y cordon fpermatique 6k celle du tefticule. La première enveloppe également 6k le cordon 6k le tefticule : elle eft cellu- leufe , 6k forme de grandes veffies quand on Ta foufïïée ; elle enveloppe le tefticule & s'attache fortement à la tunique vagi- nale propre du tefticule dans le bord pofté rieur; 6k à fon extrémité inférieure , elle fournit des lames qui recouvrent celles de la vaginale propre 6k qui s'y attachent. On a cru trouver une cloifon entre la vaginale commune 6k celle du tefticule , parce que l'air s'eft arrêtée l'attache de la vaginale commune à la vaginale propre du tefticule, 6k n'a pas pafle dans la cavité comprife entre le tefticule 6k la vaginale propre. L'adhérence dont nous venons de parler, arrête l'air qui fait crever les veflies de la vaginale commune quand on la prefte trop . La tunique vaginale propre du cordon eft contenue dans la cavité de la précé- dente , elle eft également cellulaire , 6k donne une gaîne à chaque vaifteau : elle s'attache fortement 6k à l'albuginée 6k à la vaginale propre des tefticules à laquelle elle fe continue. Enfin , la tunique vaginale propre des tefticules, naît de la commune ck de celle du cordon , auxquelles elle eft fortement attachée le. long du bord poftérieur du tefticule ; elle s'attache auflï ck fortement à l'épididyme qu'elle recouvre , ck à l'al- buginée. Pour parler plus exactement , elle couvre du côté interne le tefticule , & s'attache avec beaucoup de force à l'albuginée, à laquelle elle donne une lame très-fine , découverte par Antoine Moli- netti , 6k qu'on peut féparer par la ma- cération. Pour le côté externe du tefticule , ù. vaginale propre pafte pardefTus la furface du tefticule ck pardefTus celle de l'épi- didyme , ck lie cette dernière partie du tefticule à l'albuginée ck en haut ck en bas; mais dans le milieu elle retourne fur elle- même, revêt la face concave de l'épidi- dyme, remplit un cul-de-fac entre fa partie Supérieure ck inférieure, 6k fe réfléchit de nouveau fur l'albuginée à laquelle elle donne une lame extérieure. , Mais il y a dans le foetus Se dans l'a<- E L Y i7r dulte une différence par rapport à la vagi- nale , ck la fîtuation du tefticule , qui mérite d'être connue plus généralement , c'eft une découverte de M. de Haller, perfectionnée par M. Hunter. Dans le fœtus, le tefticule eft contenu dans le bas-ventre avec les inteftins ; l'al- buginée paroît alors continuée avec le péritoine ; mais il y a fous les tefticules un efpace où le péritoine eft mince , lâche ck prefque muqueux ; il eft même quelquefois ouvert , mais cette ftructure n'eft pas naturelle , ck elle caufe une hernie dès que le fœtus vient au monde, parce que le tefticule defeend par cette ouverture dans la cellulofité qui accompa- gne le cordon , ck arrive par ce chemin dans le ferotum même. Sous la place foibîe du péritoine il y a une cellulofiré qui forme une gaîne cylin- drique attachée depuis les reins jusqu'au- ferotum , qui dans le fœtus eft vuide en- core : mais pendant que le fœtus eft dans l'utérus , le tefticule s'ouvre un paftage par cet endroit foible , il entre dans la gaîne cellulaire, ck arrive peu à peu au ferotum. Quand il y eft arrivé, la gaîne fe rompt, la partie fupérieure refte attachée au péri- toine , ck il y paroît comme une légère empreinte. L'inférieure fait la vaginale, ' L'académie parle d'un rat mufqué dans lequel le tefticule defeend annuellement depuis les reins, ck remonte alternative- ment : apparemment que l'ouverture du: péritoine y refte libre. Laftrudture du chien eft cette que M„ de Haller a trouvée dans quelques fœtus humains: le péritoine y eft ouvert > ck il y a une gaîne fous cette membrane qui enveloppe le tefticule. Dans l'homme, dont le corps eft perpendiculaire, cette' ftruclure auroit été dangereufe 6k la hernie inévitable : il ne laide pas que de s*en faire , à caufe de la foibleffe d'une partie de Panneau. (H. D. G.) E M A EMAGÉ , f. m.. (Comm.) ancien droit qui fe levé fur le felen quelques endroits de Bretagne, 6k particulièrement dans les' bureaux delà prévôté de Nantes. La pan* carte de cette prévôté porte,. que le- roi ij6 E M A ck duc prend fur les fels de Poitou le fixieme denier du prix que fe monte l'an- cienne coutume appellée émage. Diction- naire de -Commerce & de Trévoux. Voy. V article S EL. (G) * EMAIL , f. m. [Art Méch.J branche de Part de la Verrerie. V émail eft une préparation particulière du verre , auquel on donne différentes couleurs, tantôt en lui confervant «ne partie de fa tranfpa- rence , tantôt enJa lui ôtant ; car il y a àes émaux tranfparens, 6k des émaux opa- ques. Voyf{ à V article VERRERIE , l'art de colorer Le verre. Les auteurs distinguent trois fortes dV- maux: ceux qui fervent à imiter & con- trefaire les pierres précieufes ; V. PlERRE PRÉCIEUSE: ceux qu'on emploie dans ia peinture fur Yémail ; ck ceux dont les émailleurs à la lampe font une infinité de petits ouvrages , tels que des magots , des animaux, des rieurs , des aigrettes, des poudres brillantes, &c. Ils prétendent qxxectsémaux font les mêmes' pour le fond, ck que s'ils différent , ce n'eft que par les couleurs & la tranfparence. Le P. Kircher elt un des premiers qui ont parlé de la peinture en émail. Voye\ ce qu'il en dit dans Ton mundus fubter- ranzus , ouvrage de génie, mais dont le mérite eft un peu rabaifTé par le mélange du vrai 6k du faux. On a cru pendant long-temps , que la peinture encauftique des anciens étoit la même chofe que notre peinture en émail. Ce fait commence à devenir très-douteux. Voyt[ l'article ENCAUSTIQUE. Il elt vrai que les anciens ont connu l'art de la verrerie, 6k qu'ils ont potTédé le fecret de porter des couleurs dans le verre ; ce qui condufoit naurellement à la peinture en émail : mais il ne paroît point qu'ils y foient arrivés. Ils touchoient à beaucoup d'autres découvertes que nous avons faites, de même que nous touchons à beaucoup d'autres que nous laiderons à faire à nos neveux , qui ne s'étonneront pas qu'elles nous aient échappé, s'ils ont un peu de philofophie. Nous allons donner en premier lieu ïa manière de faire les émaux, d'après Nen ck Kunckel; nous expliquerons en- E M A flûte la manière de les employer, ou le travail de Pémailleur , qne nous divife- rons en trois parties : l'art de peindre fur V émail , l'art d'employer les émaux clairs 6k tranfparens , 6k l'art de fouffler Yémail à la lampe. I. De la préparation des émaux. Kunc- kel , qui fè connoifloit en ouvrages de Chymie, faifoit le plus grand cas de l'art de la verrerie de Neri. Il s'eft donné la peine d'éprouver tous les p océdés que Neri a preicrits dans ce traité, ck il a trouvé dans le livre dft émaux en particulier tant d'exa&itude, qu'il ne balance point à dire que quand Neri ne nous auroit laifîé que ce morceau , il mérueroit la réputation qu'il s'eft acquife. C'eft à M. le baron d'Holback que nous devons la traduétion de l'ouvrage de Neri, des notes de Mer- ret, du commentaire de Kunckel, 6k de plufieurs autres morceaux intérefîans , qui forment enfemble un volume in-40. très- confidérable , d où nous allons extraire là première partie de cet article. Préparer une matière commune pour toutes fortes d'émaux. Prenez trente livres de plomb 6k trente livres d'étain bien purs ; faites calciner , partez les chaux au tamis, remplirez d'eau claire un vaifleau de terre verniffé , faites - y bouillir les chaux : lorsqu'elles auront un peu bouilli , retirez le vaifleau de defTus le feu , 6c verfez l'eau par inclination , elle entraî- nera avec elle la partie la plus fi.btile des chaux. Verfez de nouvelle eau fur les chaux qui resteront au fond du vaifleau , faites bouillir comme auparavant, ck dé- cantez y réirérez la même manœuvre jus- qu'à ce que l'eau n'entraîne plus aucune portion des chaux Aiors prenez ce qui en reftera au fond du vaifleau , ck le recal- cinez; opérez fur ces métaux calcinés de* rechef, ou fur ces fécondes chaux, com- me vous avez opéré , fur les pemieres. Quant à i'eau qui s'eft chargée iucceflive- men t de la partie la plus fubtile de la chaux, faites-la évaporer à un teu , que vous ob- ferverez fur-tout de ralentir fur la fin ; fans cette précaution , vous rilquerez de tacher la partie de la chaux qui touchera le fond du vaifleau. Prenez de cette chaux fi déliée , ck de la E M A la fritte de tarfè ou caillou bîanc , que vous broierez & tamifèrez avec foin , de chacune cinquante livres \ de fel de tartre blanc huit onces : mêlez ces matières y-expofez-les au feu pendant dix heures , dans un pot neuf de terre cuite j retirez-les enfuite , •& les pulvérifez j ferrez cette poudre dans un lieu fèc , &: la tenez à couvert de toute ordure \ ce fera la bafè commune de tous les émaux. Kunckel fubftitue aux huit onces de fèl de tartre huit onces de potalfe purifiée à plufieurs reprifes , & dégagée le plus exactement qu'il eir, poffible de toutes ià- htés. ' Faire un émail blanc de lait. Prenez de la matière commune pour tous les émaux , iîx livres j de magnéfie quarante - huit grains : mettez le mélange dans un pot verniffé blanc : faites-le fondre au fourneau à un feu clair , fans fumée , d'un bois de chêne bien fec , la fufion fe fera prompte- ment. Lorfqu'eîle fera parfaite , verfez le mélange dans une eau bien claire , qui l'é- teigne & la purifie \ réitérez toute cette manoeuvre trois fois de fuite. Lorfque vous aurez remis le mélange au feu pour la quatrième fois, voyez s'il vous par'oît blanc \ li vous lui trouvez un œil verdâtré , ajoutez-y im peu de magnéfie : cette addition conve- nablement faite , lui donnera la blancheur de lait. Libavius & Porta compofent cet émail d'une partie de plomb calciné , de deux parties de chaux d'étain , & de deux fois autant de verre. Kunckel veut abfolument qu'on y emploie la magnéfie , mais qu'on en faiTe l'addition petit à petit 5 obièrvant de n'en pas rendre la dofè trop forte , parce qu'elle ne fe con- fume pas , & qu'elle donne au verre une couleur de pêcher pâle. Autre émail blanc. Prenez d'antimoine &: de nitre bien mêlés & bien broyés , de chacun douze livres \ de la matière du verre commun , cent foixante & feize livres : mêlez exactement le tout } faites calciner le mélange au fourneau , & le réduifez en fritte , ou , ce qui revient au même , faites un régule d'antimoine avec de l'antimoine cruel & du nitre , comme la Chymie le preferit. Ce régule Tome XII. E M A 177 mêlé au verre , vous donnera un émail blanc & propre à recevoir toutes fortes de couleurs. Kunckel qui preferit ce procédé , dit que pour employer cet émail il faut le réduire en une poudre fine , en le broyant pendant vingt-quatre heures avec du vi- naigre diftillé y que cette attention le dif- pofe à entrer facilement en fufion : mais que pour l'appliquer, il faut l'humecter d'eau > de gomme , & commencer par tracer tout ce qu'on voudra colorer avec la couleur noire , ou le rouge brun , ou X émail même , ce qui vaut encore mieux. Faire un émail bleu turquin. Prenez de la matière commune pour tous les émaux , fîx livres : mettez dans un pot de terre verniffé en blanc , faites fondre , purifiez par l'extinction dans l'eau , ajoutez trois onces d'écaillés de cuivre , calcinées par trois fois j prenez quatre-vingt feize grains defafre, & quarante-huit grains de ma- gnéfie , réduiièz en poudre ces deux der- niers ingrédiens , mêlez bien les poudres j faites-en quatre parties , ajoutez-les à la matière commune des émaux à quatre reprifes différentes. Remuez bien le mélan- ge \ fi la couleur vous paroît belle , le pro- cédé fera fini \ fi au contraire vous la trou- vez trop foible ou trop forte , vous l'affoibli- rez par l'addition d'un peu de la matière commune des émaux: pour la fortifier , vous vous fervirez du fafre . &le plus ou le moins de matières colorantes vous donnera diffé- rentes teintes. Faire un émail bleu a*a\ur. Prsnez quatre livres à' émail blanc , deux onces de fafre , quarante-huit grains à"œs uflum calciné par trois fois : mêlez bien ces pou- dres. Expofez le mélange au fourneau de verrerie , clans m\ pot verniffé blauc ; quand il vous paroîtra bien fondu & bien purifié, éteignez le dans l'eau &le procédé fera fini. Kunckel preferit de faire fondre à la fois , dix , vingt , trente livres d'émail , de les éteindre dans l'eau , * de les faire fondre derechef , & de les garder pour l'ufàge qu'il preferit de la manière fuivante, après avoir averti que le procédé de Neri eir. excellent , & que fi l'on ne réufîrt pas , fur-tout dans les couleurs où il entre du Z i78 E M A fafre , c'eft que la qualité de cette matière varie , & que toute la chymie des émaux de- mande un grand nombre d'effais. Pour avoir différentes teintes , il faut y félon Kunckel , prendre d'abord un verre clair 8t tranfparent \ mètre un grain de .magnéfie fur une once de verre , en faire autant avec le fafre , & voir la couleur ré- sultante j puis deux grains de magnéfie , &c. Faire un émail verd. Prenez quatre livres de fritte d'émail : mettez dans un pot de terre verniffé bîanc , faites fondre & puri- fier au feu pendant dix à douze heures , étei- gnez dans l'eau, remettez au feu :, quand la matière fera en fufion , ajoutez deux onces cVœs uftum , & quarante-huit grains d'écail- lés de fer : le tout bien broyé & bien mêlé , ajoutez ce mélange de poudre à trois reprifes & petit à petit , remuez bien : cela fait , vous aurez un bel émail verd à pouvoir être mis fur l'or. Autre émail verd. Prenez fix livres de la matière commune des émaux, ajoutez-y trois onces de ferret d'Efpagne , & quarante-huit grains de fafran de Mars j le tout bien broyé: mettez ce mélange dans un pot vernilié à l'ordinaire , purifiez le en l'éteignant dans l'eau :, après i'extincl"ion , faites fondre de- rechef. Autre émail verd. Mettez au feu quatre livres à" émail , faites fondre , ftc purifiez à l'ordinaire \ faites fondre derechef j ajoutez à trois repriiès la poudre fuivante , compo- fce de deux onces d'a?s uftum & de quarante- huit grains de fafran de Mars , le tout bien pulvérifé & bien mélangé. Faire un émail noir. Prenez quatre livres de la matière commune des émaux ; de fafre & de magnéfie de Piémont , de chacun deux onces : mettez ce mélange au N fourneau dans un pot vernifle , afin qu'il fè purifie. Prenez le pot plus grand qu'il ne le faudroit , eu égard à la quantité des matières , afin qu'elles puiffent fe gonfler fans fe répandre : éteignez dans l'eau , remettez au feu , formez des gâ- teaux. Autre émail noir. Prenez de la fritte $ émail , fix livres \ du fafre , du fafran de Mars fait au vinaigre , & du ferret tTEipagne , de chacun deux onces ; mettez E M A le mélange dans un pot vernilié , & achevez le procédé comme les précéderrs. Autre émail noir. Prenez de la matière commune des émaux , quatre livres } de tar- tre rouge , quatre onces ; de magnéfie de Piémont préparée , deux onces : réduifez le tout en une poudre fine. Mêlez bien cette poudre à la matière commune des émaux ; mettez le mélange dans un pot vernhTé , de manière qu'il refte une partie du pot vuide , & achevez le procédé comme les précé- dens. Faire un émail purpurin. Prenez de fritte d'émail quatre livres , de magnéfie deux on- ces \ mettez le mélange au feu dans un pot , dont il refte une grande partie vuide. Kunckel obfèrve que la dofe de deux onces de magnéfie fur quatre, livres de fritte eft forte , & que la couleur pourra venir foncée \ mais il ajoute qu'il eft pref- que impoflible de rien prefcrire d'exact fur les dofes , parce que la qualité des ma* tieres , la nature des couleurs , & les ac- cidens du feu , occafionent de grandes variétés. Autre émail purpurin. Prenez de la ma- tière commune des émaux , fix livres \ de magnéfie , trois onces \ d'écaillés de cuivre calcinées par trois fois , fix onces ; mêlez exactement , réduifez en poudre , & procé- dez comme ci-deffus. Le fuccès de ce procédé dépend fur-tout de la qualité de la magnéfie , &: de la con- duite du feu. Trop de feu efface les couleurs^ & moins la magnéfie a de qualité , plus il en faut augmenter la dofè. Faire un émail jaune. Prenez de la ma- tière commune de X émail, fix livres j de tartre trois onces \ de magnéfie foixante & douze grains : mêlez &; incorporez bien ces, matières avec celle de ïémail, & procédant comme ci-deffus , vous aurez un émail jaune bon pour les métaux, à l'exception de l'or r à moins qu'on ne le foutienne par d'autres, couleurs. Kunckel avertit que , fi on laiffe trop long-temps au feu , le jaune s'en ira , qu'il ne faut pas peur cette couleur un tartre pur & blanc , mais un tartre fale & grof- fier ; & que fa coutume eft d'y ajouter un peu de cette poudre jaune qu'on trous» E M A dans les vieux chênes, & an défaut de cette poudre , un peu de charbon pilé. Faire un émail bleu. Prenez d'oripeau calciné deux onces , de fafre quarante-huit grains \ réduifez en poudre , mêlez les poudres , répandez les dans quatre livres de la matière commune des émaux , & achevez comme ci-deifus. Faire un émail violet. Prenez de la ma- tière commune des émaux fix livres , de magnéfie deux onces , d'écaillés de cuivre calcinées par trois fois quarante-huit grains , & achevez comme ci-deflus. Kunckel dit fur les deux derniers émaux , qu'ils donnent l'aigue-marine \ il prefcrit le fafre feul pour le bîeu , & il veut qu'on y ajoute un peu de magnéfie pour le violet : mais if fè rétracte enfuite } il approuve les deux procédés de Neri : il ajoute feu- lement qu'il importe pour ces deux cou- leurs de retirer du feu à propos j obfer- vation générale pour toutes les autres cou- leurs. Ces émaux viennent de Venifè ou de Hollande \ ils font en petits pains plats de différentes grandeurs. Ils ont ordinai- rement quatre pouces de diamètre , & quatre à cinq lignes d'épaiffeur. Chaque pain porte empreinte la marque de l'ou- vrier : cette empreinte fè donne avec un gros poinçon ; c'eft ou un nom de Jefus , ou un foleil , ou une firene , ou un fphynx, ou un finge , &c. II. L'art de peindre fur l'émail. L'art ■d'émailler fur la terre eft ancien. Il y avoit du temps de Porfenna roi des Tofcans , udé une feuille d'or pardefïus. Une pareille plaque foutient à peine un premier feu fans accident : que feroi:-ce donc fi la peinture exigeoit qu'on lui en donnât deux, trois, quatre, £< même cinq? D'où il s'enfuit ou qu'on n'a jamais fu pein- dre fur des plaques d'argent émaillées , ou que c'eft un fecret abfolument perdu. Toutes nos peintures en émail font fur l'or ou fur le cuivre. Une choie qu'il ne faut point ignorer , c'eft que toute pièce émail !ée en plein du côté que l'on doit peindre , doit être contre-émailiée de l'autre côté , à mokié moins d'émail , fi elle eft convexe; fi elle eu plane , il faut que la quantité du contre- émailioM la même que celle de X émail. On commence par le conixe-émail , ck l'on opère comme nous l'avons prefcrit ci-def- fus ; il faut feulement laifier au contre- émail un peu d'humidité, fans quoi il en pourroit tomber une partie lorfqu'on vien- clroit à frapper avec la fpatuie les côtés de EMA la plaque, pour faire ranger V émail à fa furface , comme nous l'avons prefcrit. Lorfque les pièces ont été fufnfamment chargées ckpailéesaufeu , oneft obligé de les ufer , fi elles font plates ; on fe fert pour cela de la pierre à affiler les tranchets des cordonniers : on l'humecte , on la promené fur ïémail avec du grès tamifé. Lorfque toutes les ondulations auront été atteintes ck effacées , on enlèvera le traits du fable avec l'eau ckla piere feule. Cela fait , en lavera bien la pièce , en la fayetant ck brofifant en pleine eau. S'il s'y efi formé quelques petits œillets , ck qu ils foient découverts , bouchez-les avec un grain cYémail, ck repafTez votre pièce au feu, pour la repolir. S'il en paroît qui ne foient point percés, faites-y un trou avec une ongletteou burin : remplilTez ce trou , de manière que Ycmail forme au deffus un peu d'éminence, ek remettez au feu;l'émi- nence venant à s'affaifttr par le feu, la furface de votre plaque fera plane ck égale. Lorfque la pièce ou plaque eft préparée, il s'agit de la peindre. 11 faut d'abord /è pourvoir de couleurs. La préparation de ces couleurs eft un fecret ; cependant nous avons quelque efperance de pouvoir la donner à. {'article PORCELAINE. Voye^ cet article. 11 faudroit tâcher d'avoir les couleurs broyées au point qu'e les ne fe fentent point inégales fous la molette , de les avoir en poudre, delà couleur qu'elles viendront après avoir été parfonduts,! elles que, quoiqu'elles aient été couchées fort épais , efes ne croûtent point , ne piquent point Yémail , ou ne s'enfoncent point , après plufieurs feux , au defïbus du niveau de la pièce. Les plus dures à fe parfondre paiTent pour les meilleures ; mais fi on pouvoit les accorder toutes d'un fondant qui en rendît le parfond égal, il faut con- venir que 1 artifte en travailleroit avec beaucoup plus de facili é : c'e.l-là un des points de perfection que 'ceux qui s'occu- pent de la préparation des couleurs pour 1 'émail , devroient fe propofer. li faut avoir grand loin , fur-tout dans les commence- mens , de tenir regsitte de leurs qualités , afin de s'en fervir avec quelque sûreté ; il y aura beaucoup à gagne! à taire des notes de tous les mélanges qu'on en aura ellayés. E M A Il faut tenir fes couleurs renfermées clans de pentes boîtes de buis qui foient étique- tées 6k numérotées. Pour s'afïiirer des qualités de (es couleurs, on aura de petites plaques d'émail qu'on appelle inventaires : on y exécutera au pinceau des traits larges comme des len- tilles ; on numérotera ces traits, 6k Ton mettra l'inventaire au feu. Si l'on a obfervé de coucher d'abord la couleur égale ck légère , 5c de repafTer enfuite fur cette première couche de la couleur qui fafie des épaifTeurs inégales , ces inégalités déter- mineront , au fortir du feu , la foiblelTe , la force 6k les nuances. C'eft ainfi que le peintre en émail formera fa palette , ainfi la palette d'un émailléur eft, pour ainfi dire, une fuite plus ou moins confidérable d'effais numé- rotés fur des inventaires , auxquels il a recours félon le befoin. Il eft évident que plus il a de ces efîais d'une même couleur ck de couleurs diverfes , plus il complète fa palette ; ck ces efîais font ou de couleurs pures ck primitives , ou de couleurs réful- tantes du mélange de plufieurs autres. Celles-ci fe forment pour Vémail, comme pour tout autre genre de peinture : avec cette différence que dans les autres genres de peinture les teintes reftent telles que l'artifteles aura appliquées ; au lieu quedans la peinture en émail , le feu les altérant plus ou moins d'une infinité de manières différentes , il faut que l'émail'eur en peignant ait la mémoire préfente de tous ces effets ; fans cela il lui arrivera de faire i une teinte pour une autre, 6k quelquefois j de ne pouvoir plus recouvrer la teinte qu'il I aura faite. Le peintre en émail a , pour ainfi dire , deux palettes , l'une fous les yeux , 6k l'autre dans l'efprit ; 6k il faut qu'il foit attentif à chaque coup de pinceau de les conformer entr'elles ; ce qui lui feroit très-difficile , ou peut-être impolli- ble , fi , quand il a commencé un ouvrage , il interrompoitfon travail pendantquelque temps confidérable, 11 ne fe fouviendroit plus de la manière dont il auroit compofé fes teintes , 6k il feroit expofé à placer à chaque inftant ou les unes fur les autres , ou les unes â côté des autres , des couleu rs qui ne font point faites pour aller enfemble. E M A 1S7 Qu'on juge par-là combien il eft difficile de mettre d'accord un morceau de peinture en émail , pour peu qu'il foit confidérable. Le mérite de l'accord dans un morceau , peut être fenti prefque par tout le monde ; mais il n'y a que ceux qui font initiés dans l'art, qui puilTent apprécier tout le mérite de l'artifte. Quand on a (es couleurs, il faut fe pro- curer de l'huile eftentielle de lavande , 6k tâcher de l'avoir non adultérée; quand on l'a , on la fait engraiffer : pour cet effet y on en met dans un gobelet dont le fond foit large , à la hauteur de deux doigts ; on le couvre d'une gaze en double > 6k on l'expofe au foleil, jufqu'à ce qu'en incli- nant le gobelet on s'apperçoive qu'elle coule avec moins de facilité , 6k qu'elle n'ait plus que la fluidité naturelle de l'huile d'olive : le temps qu'il lui faut pour s'en- graiffer eft plus ou moins long félon la faifon, On aura un gros pinceau à l'ordinaire qui ne ferve qu'à prendre de cette huile. Pour peindre , on en fera {faire avec du poil de queues d'hermines ; ce font les meilleurs, en ce qu'ils fe vuident facile- ment de la couleur 6k de l'huile dont ils font chargés quand on a peint. Il faut avoir un morceau de cryftal de roche , ou d'agate , que ce cryftal foit un peu arrondi par les bords ; c'eft là-deiïus qu'on broiera 6k délaiera fes couleurs ; on les broiera 6k délaiera jufqu'à ce qu'elles faflent fous la molette la nrême fenfation douce que l'huile même. "SU faut avoir pour palette un verre ou cryftal qu'on tient pofé fur un papier blanc; on portera les couleurs broyées fur ce morceau de verre ou de cryftal ; 6k le papier blanc fervira à les faire paroître à l'œil telles qu'elles font. Si l'on vouloit faire fervir des couleurs broyées du jour au lendemain, on auroit une boîte de la forme de la palette ; on colleroitun papier fur le haut de la boîte ; ce papier foutiendroit la palette qu'on cou- vriroit du couvercle même de la boîte ; caria palette ne portant que fur les bords de la boîte , elle n'empêcheroit point que le couvercle ne fe pût mettre! Mais il arri- vera que le lendemain les couleurs deman- Aa 2 188 E M A deiont à être humectées avec de l'huile nouvelle, celle de la veille s'étantengraif- fée par i'évaporation. On commencera par tracer fon deffin : pour cela , on fe fervira du rouge de mars ; on donne alors la préférence à cette cou- leur, parce qu'elle eft légère , &c qu'elle n'empêche point les.couleurs qu'on appli- que deflus , de produire l'effet qu'on en attend. On deffinera fon morceau en entier avec le rouge de mars ; il faut que ce pre- mier trait foit de la plus grande correction poffible , parce qu'il n'y a plus à y revenir. Lefeupeutdétruirecequel'artifteaurabien ou mal fait ; mais s'il ne détruit pas , il fixe & les défauts & les beautés. Il en eft de cette peinture à-peu-près ainfiquede la frefque ; il n'y en a point qui demande plus de fermeté dans le deffinateur, & il n'y a point de peintres qui foient moins 5.ûrs de leur deffin que les peintres en émail : il ne feroit point difficile d'en trouver la raifon dans la nature même de la peinture en émail; fes inconvéniens doivent rebuter les grands talens. L'artifte a à côté de lui une poêle où l'on entretient un feu doux ck modéré fous la cendre ; à mefure qu'il travaille, il met fon ouvrage fur une plaque de tôle percée de trous , & le fait fécher fur cette poêle : û on l'interrompt , il le garantit de l'im- preffion de l'air , en le tenant fous un couvercle de carton. Lorfque tout fon deffin eft achevé au rouge de mars , il met fa plaque fur un morceau de tôle , & la tôle fur un feu doux , enfuite il colorie fon deffin comme il le juge convenable. Pour cet effet , il commence par paffer fur l'endroit dont il s'occupe , une teinte égale & légère , puis il fait fécher; il pratique enfuite fur cette teinte les ombres avec la même couleur couchée plus forte ou plus foible , & fait lécher ; il accorde ainfi tout fon morceau , obfervant feulement que cette première ébauche foit par-tout extrêmement foible de couleur ; alors fon morceau eft en état de recevoir un premier feu. Pour lui donner ce premier feu, il faudra d'abord l'expofer fur la tôle percée, à un feu doux dont on augmentera la chaleur à mefure que l'huile s'évaporera. L'huile à E M A force de s'évaporer , & la pièce à force de s'échauffer , il arrivera à celle-ci de fe noircir fur toute fa furface : on la tiendra fur le feu jufqu'à ce qu'elle celle de fumer. Alors on pourra l'abandonner fur les char- bons ardens de la po'ële, & l'y lailTer juf- qu'à ce que le noir foit diffipé, & que les couleurs foient revenues dans leur premier état : c'eft le moment de la palier au feu. Pour la pafTer au feu , on oblëi vera de l'entretenir chaude ; on chargera le four- neau , comme nous l'avons prefcrit plus haut ; c'eft le temps même qu'il mettra à s'allumer, qu'on emploiera à faire fécher la pièce fur la poêle. Lorfqu'on aura lieu de préfumer , à la couleur rouge-blanche de la moufle , qu'il fera fuffifamment allumé ; on placera la pièce & fa tôle percée fous la moufle , le plus avancées vers le fond qu'on pourra. On obfervera entre les charbons qui couvriront fon entrée , ce qui s'y paf- fera. Il ne faut pas manquer l'inftant où la peinture fe parfond , on le connoîrra à un poli qu'on verra prendre à la pièce fur toute fa furface ; c'eft alors qu'il faudra la retirer. Cette manœuvre eft très-critique : elle tient Partifte dans la plus grande inquié- tude ; il n'ignore pas en quel état il a mis fa pièce au feu , ni le temps qu'il a employé à la peindre: mais il ne fait point du tout comment il l'en retirera, ck s'il ne perdra pas en un moment le travail affidu de plu- fieurs femaines. C'eft au feu , c'eft fous la moufle que fe manifeftent toutes les mau- vaises qualités du charbon, du métal , des couleurs &: de ['émail; lespiquures, les fouflures , les fentes mêmes. Un coup de feu efface quelquefois la moitié de la pein- ture ; &t de tout un tableau bien travaillé, bien accordé , bien fini , il ne refte fur le fond que des pies, des mains, des têtes, des membres épars & ifolés ; le refte du travail s'eft évanoui : auffi ai-je oui dire à des artiftes que le temps de paffer au feu , quelque court qu'il (ut, étoitprefque un temps de fièvre qui les fatiguoit davantage & nuifoit plus à leur fanté , que des jours entiers d'une occupation continue. Outre les qualités mauvaifes du charbon, des couleurs, de l'émail, du métal, aux- quelles j'ai fouvent oui attribuer les acci- dens du feu j on en accufe quelquefois E M A encore la mauvaife température de l'air \ ck même l'haleine des personnes qui ont approché de la plaque pendant qu'on la peignoit. Les artiftes vigilans éloigneront d'eux ceux qui auront mangé de l'ail, ck ceux qu'ils foupç onneront être dans les remèdes mercuriels. Il faut obferver dans l'opération de paflfer au feu , deux chofes importantes ; la pre- mière détourner ck de retourner fa pièce afin qu'elle foit par-tout également échauf- fée : la féconde , de ne pas attendre à ce premier feu que la peinture ait pris un poli vif; parce qu'on éteint d'autant plus faci- lement les couleurs que la couche en eft plus légère, ck que les couleurs une fois dégradées , Te mal eft fans remède ; car comme elles font tranfparentes , celles qu'on coucheroit defïus dans la fuite , tien- cîroient toujours de la foibleiTe ck des autres défauts de celles qui feroient delTous. Après ce premier feu , il faut difpofer la pièce à en recevoir un fécond. Pour cet effet , il faut la repeindre toute en- tière; colorier chaque partie comme il eft naturel qu'elle le foit , ck la mettre d'ac- cord aufli rigoureufement que fi le fécond feu devoit être le dernier qu'elle eût à recevoir ; il eft à propos que la couche des couleurs foit pour le fécond feu un peu plus forte , ck plus caraftéri fée qu'elle ne l'étoit pour le premier. C'eft avant le fécond feu qu'il faut rompre (es cou- leurs dans les ombres , pour les accorder avec les parties environnantes : mais cela fait , la pièce eft difpofée à recevoir un fécond feu. On la fera fécher fur la poêle comme nous l'avons preicrit pour le pre- mier , ck l'on fe conduira exactement de la même manière , excepté qu'on ne la retirera que quand elle paroîtra avoir pris fur toute fa furface un poli un peu plus vif que celui qu'on lui vouloit au premier feu. Après ce fécond feu , on la mettra en état d'en recevoir un troifieme , en la repeignant comme on l'avoit repeinte avant que de lui donner le fécond ; une attention qu'il ne faudra pas négliger, c'eft de tonifier encore les couches des cou- leurs , ck ainfi de fuite de feu en feu. E M A 1S9 On pourra porter une pièce jufqu'à cinq feux ; mais un plus grand nombre feroit fouffrir les couleurs , encore faut-il en avoir d'excellentes pour qu'elles puif- fent fupporter cinq fois le fourneau. Le dernier feu eft le moins long; on réferve pour ce feu les couleurs tendres , c'eft par cette raifon qu'il importe à lar- tifte de les bien connoître. L'artifte qui connoîtra bien fa palette , ménagera plus ou moins de feux à fes couleurs félon leurs qualités. S'il a, par exemple, un bleu tenace , il pourra l'employer dès le pre- mier feu ; fi au contraire fon rouge eft tendre, il en différera l'application juf- qu'aux derniers feux , ck ainfi des autres couleurs. Quel genre de peinture ? com- bien de difficultés à vaincre? combien d'accidens à eiïiryer ? voilà ce qui faifoit dire à un des premiers peintres en émail à qui l'on montroit un endroit foible à retoucher , ce fera pour un autre morceau. On voit par cette réponfe combien fes couleurs lui étoient connues : l'endroit qu'on reprenoit dans fon ouvrage étoit foible à la vérité, mais il y avoit plus à perdre qu'à gagner à le corriger. S'il arrive à une couleur de difparoître entièrement , on en fera quitte pour re- peindre, pourvu que cet accident n'arrive pas dans les derniers feux. Si une couleur dure a été couchée avec trop d'huile ck en trop grande quantité , elle pourra former une croûte fous laquelle il y aura infailliblement des trous : dans ce cas , il faut prendre le diamant ck gratter la croûte , reparler au feu afin d'unir ck de repolir l'endroit , repeindre toute la pièce , ck fur-tout fe modérer dans l'ufage de la couleur fufpecte. Lorfqu'un verd fe trouvera trop brun , on pourra le rehauffer avec un jaune pâle ck tendre ; les autres couleurs ne fe re- haufleront qu'avec le blanc , &c. Voilà les principales manœuvres de la peinture en émail ; c'eft à-peu-près tout ce qu'on peut en écrire; le refte eft une affaire d'expérience ck de génie. Je ne fuis plus étonné que les artiftes d'un certain ordre fe déterminent fi rarement à écrire. Comme ils s'apperçoivent que dans quel- ques détails qu'ils puiftent entrer , ils n'en 190 E M A diroient jamais allez pour ceux que la nature n'a point préparés, ils négligent de prefcrire des règles générales, com- munes , grofîieres ck matérielles qui pour- roient à la vérité fervir à la confervation de l'art , mais dont l'obfervation la plus fcrupuleufe feroit à peine un artifte mé- diocre. Voici des obfervations qui pourront fervir à ceux qui auront le. courage de s'occuper de la peinture fur l'émail ou plutôt fur la porcelaine. Ce font des notions élémentaires qui auroient leur uti- lité, fi nous avions pu les multiplier, èk en former un tout ; mais il faut efpérer que quelque homme ennemi du myftere , ck bien inftruit de tous ceux de la pein- ture fur Y émail ck fur la porcelaine , achè- vera , rectifiera même dans un traité complet ce que nous ne faifons qu'ébau- cher ici. Ceux qui connoifîent l'état où. font les chofes aujourd hui , apprécieront les peines que nous nous fouîmes données ; en profiteront , nous finiront gré du peu que nous révélons de l'art, ck trouveront notre ignorance , 6k même nos erreurs très-pardonnables* 1. Toutes les quinreftences peuvent fervir avec fuccès dans l'emploi des cou- leurs en émail. On fait de grands éloges de celle d'ambre ; mais elle eft fort chère. 2. Toutes les couleurs font tirées des métaux , ou des bols dont la teinture tient au feu. Ce font des argiles colorées par les métaux-couleurs. 3. On tire du fafre un très-beau bleu. Le cobolt donne la même couleur, mais plus belle ; auffi celui-ci eft-il plus rare ek plus cher ; car le fafre n'eft autre chofe que du cobolt adultéré. 4. Tous les verds viennent du cuivre, foit par la diflblution , foit par la calci- nation. 5. On tire les mars du fer. Ces cou- leurs font volatiles ; à un certain degré de feu elles s'évaporent ou fe noirciffent. 6. Les mars font de différentes cou- leurs , félon les difFérens fondans. Ils va- rient aufli félon la moindre variété qu'il y ait dans la réduction du métal en fafran. ? 7. La plus belle couleur que l'on puiffe fe propofer d'obtenir du fer , c'eft le rouge. E M A Les autres couleurs qu'on en tire ne font que des combinaifons de difFérens diiïol- vans de ce métal. 8. L'or donnera les pourpres , les car- mins , ck les violets. La teinture en eft fi forte , qu'un grain d'or peut colorer jufqu'à 400 fois fa pefanteur de fondant. 9. Les bruns qui viennent de l'or ne font que des pourpres manques ; ils n'en font pas moins efîentiels à l'artifte. 10. En général les couleurs qui viennent de l'or font permanentes. Elles fouffrent un degré de feu confidérable. Cet agent les altérera pourtant , fi l'on porte fon action à un degré exeeflïf. Il n'y a guère d'exception à cette règle , que le violet qui s'embellit à la violence du feu. 1 1 . On peut tirer un violet de la man- ganefe ; mais il eft plus communique celui qui vient de l'or. 12. Le jaune n'eft pour l'ordinaire qu'un émail opaque qu'on acheté en pain , ck que l'on broie très-fin. On tire encore cette couleur belle , mais foncée , du jaune de Naples. 13. Les pains de verre opaque donnent auffi des verds : ils peuvent être trop durs ; mais on les attendrira par le fondant. Alors leur couleur en deviendra moins foncée. 14. L'étain donnera du blanc. 15. On tirera un noir du fer. 16. Le plomb ou le minium donnera un fondant ; mais ce fondant n'eft pas fans déraut. Cependant on s'opiniâtre à s'en fervir , parce qu'il eft le plus facile à préparer. 17. La glace de Venife , les ftras , la rocaille de Hollande , les pierres-à-fufil bien mûres , c'eft-à-dire bien noires ; le verre deNevers, les cryftauxde Bohême, le fablon d'Etampes , en un mot toutes les matières vitririabîes non colorées , four- niront des fondans , entre lefquels un des meilleurs fera la pierre-à-fufil calcinée. 18. Entre ces fondans , c'eft à l'artifte à donner à chaque couleur celle qui lui convient. Tel fondant eft excellent pour le rouge , qui ne vaut rien pour une autre couleur. Et fans aller chercher loin un exemple , le violet ck le carmin n'ont pas le même fondant. EM A 19. En général toutes les matières cal- ! cinables ck coloriées après l'acTion du feu , donneront des couleurs pour Yémail. 20. Ces couleurs primitives produifent I par leur nv'lange une variété infinie de teintes dont fartifte doit avoir laconnoif- j fance , ainfi que de l'affinité ck de l'an- \ tipaihie qu'il peut y avoir entre elles toutes. 21. Leverd, le jaune, ck le bleu, ne s'accordent point avec les mais , quels qu'ils foient. Si vous mettez des mars fur le verd ou le jaune ou le bleu , avant que de pafTer au feu; quand votre pièce , I foie émail , foi: porcelaine, fortira de la ! moufle , les mars auront difparu , comme I fi l'on n'en avoit point employé. Il n'en 1 fera pas de même, (i le verd, le jaune, | & !e bleu ont été cuits, avant que d'avoir employé les mars. 22. Que tout artifte qui voudra s'efiayer à peindre en émail, ait plufieurs inven- taires , c'eft-à-dire, une plaque qui puiffe contenir autant de petits quarrés que de couleurs primitives; qu'il y éprouve fes couleurs dégradées de teintes , félon le plus ck le moins d'épaifTeur. Si l'on glace d'une même couleur tous ces quarrés de différentes couleurs, on parviendra nécef- fairement à des découvertes. Le feul in- convénient, c'eft d'éviter le mélange de deux couleurs qui bouillonnent, quand elles fe trouvent l'une fur l'autre avant la cuilTon. 23. Au refte, les meilleures couleurs mal employées , pourront bouillonner. Les inégalités feules d'épaifTeur peuvent jeter dans cet inconvénient ; le lijje s'en altérera. J'entends par le lijje TégaUté d'é- clat ck de fuperficie. 24. On peut peindre, foit à l'huile , foit à l'eau. Chacune de ces manières a fes avantages. Les avantages de l'eau font d'avoir une palette chargée de toutes les couleurs pour un très- long temps; de les avoir toutes à la fois fous les yeux, ck de pouvoir terminer un morceau en moins de feu, ck par conféquent avec moins de danger. D'ailleurs on expédie plub promp ement avec l'eau. Quant aux avantages de l'huile , le poinulé elt plus facile ; il en eft de même pour les petits E M A 191 détails ; ck cela à caufe de la finefTe des pinceaux qu'on emploie , & la lente éva- poration de l'huile que l'on aura eu la précaution d'engramer au foleil ou au bain-marie. 25. Pour peindre à l'eau , prenez de la couleur en poudre , broyez - la avec de l'eau filtrée : ajoutez -y la quantité de gomme néceiTaire ; laifTez - la fécher fur votre palette , en la garantifTanr de la pouffiere juiqu à ce qu'elle foit parfaite- ment (eche : alors prenez un pinceau avec de l'eau pure , enlevez pa~ le frottement avec le pinceau charge d'eau toute la fuperficie de votre couleur , pour en fé- parer la gomme q ù fe porte toujours à la furface. Quand vous aurez fait cette opération à toutes vos couleurs, peignez , m >s a\ec le moins d'eau qu'il vous fera pofiible ; car fi votre couleur eft trop fluide , elle fera fujerte à couler inéga- lement. Votre lurface fera jafpée ; c'eft une fuite du mouvement que la couleur auraconfervé après que l'artifle aura donné fa touche , 6k de la pente du fluide qui aura entraîné la couleur ; la richefle de la teinte en fouffrira aufli. Eile deviendra livide, plombée, louche , ce que les pein- tres appellent noyée. Employez donc vos couleurs les pîusfeches qu'il vous fera pof- fible , ck le plus également; vous éviterez en même temps les épatfTeurs. Lorfque vous voudrez mettre une teinte fur une autre , opérez de manière que vous ne palliez le pinceau qu'une feule fois fur le même endroit. Attendez que la couleur foit feche pour en remettre une "autre par- deffus, fans quoi vous vous expoferez à délayer celle de deflbus ; inconvénient dans lequel on tombe nécelTairement, lorfque appliquant la couleur fupérieure à plufieurs reprifes , le pinceau va ck revient plufieurs fois fur la couleur inférieure. Si vos contours ont befoin d'être châtiés, prenez, pour les diminuer d'épaifTeur , une pointe d'ivoire ou de buis, ck les rendez correéts en retranchant le fuperflu avec cette pointe; évitez fur-tout le trop de gomme dans vos couleurs. Quand elles font trop gommées , elles fe déchirent par veines, ck laifTeni au fortir du feu, en fe ramaffant fur elles - mêmes , de i^i E M A petites traces qui forment comme un réfeau très-fin , 6c le fond paroît à travers ces traces , qui font comme les fils du réfeau. N'épargnez pas les expériences , afin de conftater la jufte valeur de vos teintes. N'employez que celles dont vous ferez parfaitement fur , tan/ pour la quantité de gomme que pour Faction du feu ; vous remédierez au trop de gomme , en re- broyant les couleurs à l'eau , 6c y rajou- tant une quantité fuffifante de couleurs en poudre. 26. Le blanc eft ami de toutes les cou- leurs; mêlé avec le carmin, il donne une teinte rofe, plus ou moins foncée, félon le plus ou le moins de carmin. 27. Le blanc 6c le pourpre donnent le lilas ; ajoutez-y du bleu , & vous aurez un violet clair. Sa propriété fera d eclair- cir les couleurs, en leur donnant de l'o- pacité. 28. Le bleu & le jaune produiront le verd. Plus de jaune que de bleu donnera un verd plus foncé ck plus bleu. 29. L'addition du violet rendra le noir plus beau & plus fondant , & l'empêchera de fe déchirer; ce qui lui arrive toujours, quand il eft employé feul. 30. Le bleu 6c le pourpre formeront un violet. 3 1 . Le bleu ne perdra jamais fa beauté , à quelque feu que ce foit. 32. Les verds, jaunes , pourpres , 6k carmins , ne s'évaporent point ; mais leurs teintes s'affoibliffent , ck leur fraîcheur fe fane. 33. Les mars font tous volatils , le fer fe revivifiant par la moindre fumée , l'é- tincelle la plus légère , ils deviennent noirs & non brillans. Voilà l'alphabet affez incomplet de celui qui fe propofe de peindre , foit fur F émail, foit fur la porcelaine. Nous avons indiqué feulement les ma- tières d'où l'on tire les couleurs ; fi nous pouvons parvenir à connoître les procédés qu'il faut fuivre pour les tirer , nous les donnerons à l'are. PORCELAINE. Parmi tant de perfonnes qui s'intérefTent au fuc- cès de cet ouvrage , ne s'en trouvera-t-il aucune qui lui fafTe ce préfent ? III. L'a rt d'employer les émaux tranfpa- E M A rens & clairs. Ce travail ne fe peut faire que fur l'or; ou , fi l'on veut appliquer des émaux clairs 6c tranfparens fur le cui- vre , il faut ( félon quelques auteurs ) mettre au fond du champlever une couche de verre ou d'émail noir , 6t couvrir cette couche d'une feuille d'or qui reçoive en- fuite les autres émaux. Quand au travail fur l'or, on commencera par tracer fon deflin fur la plaque , par le champlever ôk par exécuter , comme en bas-relief, au fond du champlever, toutes fes figures, de manière que leur point le plus élevé foit cependant inférieur au filet de la plaque. La raifon en eft évidente; car ce font les différentes diftances du fond à la furface qui font les ombres ck les clairs : mais comme une peinture en général n'eft qu'un afTemblage d'ombres 6c de clairs con- venablement distribués , on parvient à grouper des figures dans le genre même de peinture dont il s'agit. On prétend qu'il faut que l'or employé foit très-pur; parce que les émaux clairs mis fur un or bas, plombent, c'eft-à-dire qu'il s'y forme un louche qui en obfcurcit la couleur 6c la bordure. Lorfque la plaque a été ébauchée à lechope , on la finit avec des outils dont le tranchant eft moufle , parce qu'il faut que tout l'ouvrage foit coupé d'un poli bruni , fans quoi on appercevroit au tra- vers des émaux les traits grofliers du deffin. Cela fait , il faut broyer des émaux. Les broyer, pour cette efpece de peinture r c'eft feulement les mettre en grain , en forte qu'on les fente graveleux fous le doigt. Plus on pourra les employer gros y plus les couleurs feront belles. On charge comme pour X émail ordi- naire , obfervant de diftribuer fur chaque partie du deflin la couleur qu'on croit lui convenir , fi le fujet eft à plusieurs cou- leurs ; 6c de charger également par-tout , û c'eft un camaïeu. On voit combien il feroit à fouhaiter pour la perfe&ion de cette peinture , qu'on eût quelque matière tranfparente 8c molle > qui pût recevoir toutes fortes de couleurs y 6c dont on pût remplir 6c vuider facilement le champlever de' la pièce. L'artifte ,. à l'aide E M A l'aide de cette matière , verfoit d'avance l'effet de (es émaux y donneroit à fon charnplever , ou plutôt aux parties de fon bas-relief, les profondeurs convenables; diftribueroir d'une manière plus sûre & mieux entendue (es ombres & Ces clairs , & formeroit un tableau beaucoup plus parfait. Je ne fais fi le vernis à l'eau de cire de M. Bachelier , n'auroit pas toutes les conditions requifes pour cet ufage. {Voye\ V article ENCAUSTIQUE. ) L'idée de perfectionner ainfi l'art d'employer les émaux tranfparens , eft de M. de Montami , qui , au milieu d'une infinité de diftrac- tiorrs , fait trouver àes inftans à donner à l'étude des fciences & des arts , qu'il aime & qu'il cultive en homme que la nature avoit évidemmenc deftiné à les per- fectionner. Lorfque la pièce eft chargée , on la laifîe fécher à l'air libre. Pour la paffer au feu , on allume le fourneau à l'ordinaire : quand il eft affez chaud , on préfente la pièce à l'entrée de la moufle ; 11 elle fume , on la laifîe fécher; fi elle ne fume pas, on la laifTe un peu s'échauffer : on la pouffe en- fuite tout-à-fait fous la moufle ; on l'y tient jufqu'à ce que les émaux fe foient fondus comme à l'ordinaire. Après ce premier feu , on la charge une féconde fois , mais feulement aux endroits où ¥ émail s'eft trop afraiffé , & qui fe trouvent trop bas. La première fois la pièce avoit été également chargée par-tout , & les émaux s'élevoient un peu au defïùs du niveau de la plaque. Après que la pièce a été rechargée dY- mail y on la paffe au feu comme la première fois. Cela fait , il s'agit d'ufer les émaux avec le grès. Cette manœuvre ne s'exécute pas- autrement que nous l'avons prefcrit dans Y art de peindre fur V émail blanc. Lorfque la pièce eft ufée , on la repaffe au feu qui l'unit & la polit ; & l'ouvrage eft achevé. Au lieu d'ufer & de polir ces émaux y comme nous l'avonsNçlit de Y émail blanc , on peut y employer le lapidaire. . Les émailleurs en émaux clairs & tranf- parens 9 ont deux verds ; le verd de pré , & le verd d'aigue-marine ; deux jaunes , un pale & un foncé : deux bleux , un Tome XII. E M A 193 foncé & un noir ; un violet ; un couleur de rofe , & un rouge. Les émaux tranfpa- rens , purpurins & violets, viennent très- beaux fur l'argent ; mais ils s'y attachent mal. La manœuvre du feu eft la même pour toutes ces couleurs , excepté pour le rou- ge ; encore y a-t-il un rouge que les artiftes appellent le pont-aux-ânes , parce qu'il vient rouge fins art , & qu'il fè trouve quelquefois aufli beau que celui qu'on traite avec beaucoup de peine & de foin. Quant à l'autre rouge, voici comment il s'emploie. Il faut le broyer à l'ordinaire, & l'appliquer fur un or à vingt-trois carats, fi l'on veut qu'il foit beau ; car le moin- dre alliage le gâte. Si l'or eft abfolument pur , le rouge viendra le plus beau qu'il efl polhble. Quand il eft broyé , on le charge à l'or- dinaire , en deux feux qu'il faut lui donner les plus violens. Il fort de ces feux d'une belle couleur de paille. Si l'on veut que la pièce foit ufée , c'efl alors qu'il faut l'ufer. Enfuite on fait revenir Y émail de couleur rouge , en le préfentant à l'entrée de la moufle , & tournant & re- tournant la pièce , jufqu'à ce que le rouge ait pris une teinte égale. Il faut que la pièce foit refroidie , quand on la préfente à l'entrée de la moufle. Pour connoître fes couleurs , il faut que l'artifte ait de petits morceaux d'or où il a pratiqué autant de logemens chample- vés , qu'il a de couleurs. Il en flinquera le fond avec un infiniment poli : il les chargera enfuite , & les parlera au feu ; voilà ce qui lui tiendra lieu de palette , & ce qui le dirigera dans l'application de fes émaux. Parmi les émaux clairs & tranfparens , il y en a beaucoup de défectueux. Leur défaut eft de laiffer trop peu de temps k l'artifte pour charger fa pièce. Pour peu qu'il foit lent à cette opération , leurs cou- leurs deviennent louches & bourbeufes , et dont on ne s'apperçoit malheureufement qu'au fortir du feu. Il eft donc important de charger vue, & plus encore de n'avoir point de ces Bb j94 E M A émaux dont les couleurs font incons- tantes. On préfume que c'eft l'eau qui les al- tère ; cependant il y en a de fi bonnes, qu'on les garderoit huit jours entiers dans l'eau , fans qu'elles perdiflent rien de leur éclat. IV. L'art d'cmploycrVémailà la lampe. C'eft de tous les arts que je connoHTe un des plus agréables & des plus amufans : il n'y a aucun objet qu'on ne puifTe exécu- ter en émail par le moyen du feu de la lampe , & cela en très-peu de temps , & plus ou moins parfaitement félon qu'on a une moindre ou une plus grande habitude de manier les émaux y & une connoif- faace plus ou moins étendue de l'art de modeler. Pour exceller dans ce genre , il ieroit donc à propos de commencer par apprendre le deiïln pendant quelque temps , & de s'occuper enfuite avec quelque affi- duité à modeler toutes fortes d'objets & de figures. Pour travailler à la lampe , il faut com- mencer par fe procurer des tubes de verre de toutes fortes de groffeurs & de toutes fortes de couleurs ; des tubes d'émail de toutes fortes de grondeurs & de toutes fortes de couleurs , & des baguettes d'émail de verre folides de toutes fortes de groffeurs & de toutes fortes de couleurs. Il faut avoir une table large & haute à difcrétion ,, autour de laquelle on puifïe placer commodément pîufieurs lampes & pluiieurs ouvriers , & fous laquelle on ait adapté un grand foufflet à double vent, que l'un des ouvriers met en mouvement avec le pié , pour aviver & exciter la flamme des lampes , qui étendue en lon- gueur par ce moyen , & refîèrrée dans un efpace infiniment étroit , relativement à celui qu'elle occupoit auparavant , en devient d'une ardeur & d'une vivacité in- croyable. Il faut que des rainures pratiquées dans l'épai fleur du deflbus de la table , & re- couvertes de parchemin , fervent à con- duire le vent à des tuyaux placés devant chaque lampe. Ces tuyaux font de verre 't ils font recourbés par le bout qui dirige le- vent dins le corps de la flamme de la iamxe» Le trou dont ils font gercés à ce E M A bout eft afTez petit. Il s'agrandit à l'ufer , mais on le rétrécit au feu de la lampe même , en le tournant quelque temps à ce feu. II faut avoir pluiieurs de ces tuyaux qui font la fonction de chalumeaux , afin d'en re- changer quand il en eft befoin : on les appelle porte-vents. Afin que l'ouvrier ne foit point incom- modé de l'ardeur de la lampe , il y a entre la lampe & lui un morceau de bois quarré , ou une platine de fer-blanc , qu'on appelle un éventail. L'éventail eft fixé dans l'établi par une queue de bois , & l'ombre en eft jetée fur le vifage de l'ouvrier. La lampe eft de cuivre ou de fer-blanc. Elle eft compofée de deux pièces ; l'une , qu'on nomme la boîte y & l'autre qui retient le nom de lampe recette dernière eft contournée en ovale ; fa furfacc eft plate , fa hauteur eft d'environ 2. pouces , & fà largeur d'environ 6 pouces. C'eft dans fa capacité qu'on verfe l'huile & qu'on met la mèche. La mèche eft un gros faifeeau de coton ; c'eft de l'huile de navette qu'on brûle. La boîte dans laquelle la lampe eft contenue , ne fert qu'à recevoir l'huile que l'ébullition caufée par la chaleur du feu pourroit faire répandre. Une pièce quarrée d'un pouce de hauteur , foutient & la boîte & la lampe. Il eft très-à-propos qu'il y ait au deflus des lampes un grand entonnoir renverfé r qui reçoive la fumée & qui la porte hors de l'attelier. On conçoit aifément qu'il faut que l'at- telier de l'émailleur à la lampe foit obfcur r & ne reçoive point de jour naturel , fans quoi la lumière naturelle éclipferoit en partie la lumière de la lampe , & l'ouvrier n'ap- percevant plus celle-ci affez diftin&ement ^ ne travailleroit pas avec afTez de fureté. L'attelier étant ainfi difpofé & garni de pîufieurs autres inftrumens dont nous ferons mention ci -après, il s'agit de travailler. Nous n'entrerons point dans le détail de tous les ouvrages qu'on peut former à la lampe : nous avons averti plus haut , qu'il n'y avoit aucun objet qu'on ne pût imiter.. Il fufHra d'expofer la manœuvre générale des plus importans. Les lampes garnies & allumées , & le foufflet mis en a&ion, fi l'émailleur fe E M A propofe de faire une figure d'homme ou d'animal , qui foit folide , & de quelque grandeur , il commence par former un périt bâti de fil d'archai ; il donne à ce petit bâti la difpofition générale des mem- bres de la figure à laquelle il fervira de foutien. Il prend le bâti d'une main , & une baguette d'email folide de l'autre : il expofe cet émail à la lampe ; & lorfqu'il eft fuffifamment en fufion , il l'attache à fon fil d'archai , fur lequel il le contourne par le moyen du feu , de (es pinces rondes & pointues , de (es fers pointus & de (es lames de canif, tout comme il le juge à propos ; car les émaux qu'il emploie font extrêmement tendres , & fe modèlent au feu comme de la pâte : il continue fon ou- vrage comme il l'a commencé ; employant & les émaux y & les verres , & les cou- leurs , comme il convient à l'ouvrage qu'il a entrepris. Si la figure n'eft pas folide , mais qu'elle foit creufe , le bâti de fil d'archai eft fuperflu : l'émailleur fe fert d'un tube d "émail ou de verre creux , de la cou- leur dont il veut le corps de fa figure ; quand il a fuffifamment chauffé ce tube à la lampe , il le fouffle ; l'haleine portée le long de la cavité du tube jufqu'à fon extrémité qui s'eft bouchée en tondant , y eft arrêtée , diftend X émail par l'effort qu'elle fait en tout fens , & le met en bouteille : l'émailieur , à l'aide du feu & de (es inftrumens , fait prendre à cette bouteille la forme qu'il juge à propos ; ce fera , fi l'on veut , le corps d'un cygne : lorfque le corps de l'oifeau eft formé, il en alonge & contourne le cou; il forme le bec & la queue ; il prend enfuite des émaux folides de la couleur convenable , avec lefquels il fait les yeux , il ourle le bec , il forme les ailes & les pattes , & l'animal eft achevé. Une petite entaille pratiquée avec le cou- λeret à l'endroit où le tube commence & a pièce finit , en détermine la féparation ; ou cette féparation fe fait à la lampe , ou d'un petit coup. Ce que nous venons de dire eft appli- cable à unit infinité d'ouvrages diftèrens. Il eft incroyable avec quelle facilité les fleurs s'expédient^ On fe fert d'un fii E M A 19 j d'archai , dont l'extrémiré fert de foutien ; le corps de la fleur & (es feuilles s'exé- cutent avec des émaux & des verres creux ou folides , & de la couleur dont il eft à propos de fe fervir félon l'efpece de fleur. Si l'on jette les yeux fur un attelier d'émailleur compofé d'un grand nombre de lampes & d'ouvriers , on en verra , ou qui foufflent des bouteilles de baromètre & de thermomètre , ou dont la lampe eft placée fur le bout de l'établi , & qui te- nant la grande pince coupante , lutent au feu & féparent à la pince des vanTeaux lûtes hermétiquement ; ou qui expofant au feu une bande de glace de miroir , filent l'aigrette ; l'un tient la bande de glace au feu , l'autre tire le fil & le porte fur le dévidoir , qu'il fait tourner de la plus grande vîteflè , & qui fe charge fuccefli- vement d'un écheveau de fil de verre d'une fmefîe incroyable , lâns qu'il y ait rien de plus compofé dans cette opération que ce que nous venons d'en dire ( voye \ V article DUCTILITÉ. ) Lorfque l'écheveau eft for- mé , on l'arrête & on le coupe à froid de la longueur qu'on veut : on lui donne com- munément depuis dix pouces jufqu'à douze. On fe fert pour le couper de la lime ou du couperet , qui fait fur X émail l'effet du diamant ; il l'entaille légèrement , & cette entaille légère dirige sûrement la caflure, de quelque grofleur que foit le filet. Voy. Verre. Tous les émaux tirés à la lampe font, ronds ; fi l'on veut qu'ils (oient plats, on fe fert pour les applatir d'une pince de fer dont le mords eft quarré : il faut fe j fervir de cette pince , tandis qu'ils font encore chauds. On verra d'autres ouvriers qui foufHe- ront de la poudre brillante. Le fecret de cette poudre confifte à prendre un tuyau capillaire de verre ; à en expofer l'extré- mité au feu de la lampe , en forte qu'elle fe fonde & fe ferme, & à foufHer dans le tube : l'extrémité qui eft en fufion forme une bouteille d'un fi grand volume , qu'elle n'a prefque plus d'épaiffeur. On laifîè refroidir cette bouteille , & on la brife en. une infinité de petits éclats : ce font ce» petits éclats qui forment la poudre brillante-, Bb 2 \€j6 E M À On donne à cette poudre des couleurs dif- férentes , en la composant des petits éclats de bulles formées de verres de différentes couleurs. Les jayets factices dont on fe fert dans les broderies , l'ont aufii faits d' 'émail. L'ar- tifice en eft tel , que chaque petite partie a lbn trou par où la foie peut palier. Ces trous fe ménagent en tirant le tube creux en long. Quand il n'a plus que le dia- mètre qu'on lui' veut , on le coupe avec la lime ou le couperet. Les maillons dont on fe fert dans le montage des métiers de plufieurs ouvriers en foie , ne fe font pas autrement. On fait avec Xémail des plumes avec lefquelles on peut écrire & peindre. On en fait aufii des boutons : on a des moules pour les former, & des cifeaux pour les couper. On en travaille des yeux artificiels , àcs cadrans de montre , des perles fauflfes. Dans un attelier de perles foufflées , les uns foufflent ou des perles à olive , ou des perles rondes , d'autres des boucles d'o- reilles , ou des perles baroques. Ces perles paflènt des mains de Pémailleur , entre les mains de différentes ouvrières ; leur travail eft de fouffler la couleur d'écaillé de poifibn dans la perle ; de faffer les perles dans je carton , afin d'étendre la couleur au dedans de la perle ; de remplir la perle de cire ; d'y paffer un petit papier roulé ; de mettre les perles en collier , Ùc. Voyez Perle. Lorfque l'émailleur travaille , il eft affis devant la table , le pie fur la marche qui fait haufler & baiffer le foufflet , tenant de la main gauche l'ouvrage qu'il veut émailler , ou les fils de fer ou de laiton qui ferviront de foutien à la figure , conduifant de la main droite le fil d'émail amolli par le feu de la lampe , & en formant des ouvrages avec une adreiïè & une patience également admirables. Il eft très-difficile de faire à la lampe de grandes pièces ; on n'en voit guère qui paf- l'ent quatre , cinq , fix pouces. Nous ne finirons pas cet article fans indiquer un ufage affez important de la lampe de l'émailleur ; c'efl: de pouvoir fa- cilement y réduire une petite quantité E M A de chaux métallique , ou y effayef une pareille quantité de minéral. Pour cet effet il faut pratiquer un creux dans un charbon de bois , y mettre la chaux à réduire, ou la matière à fondre , & faire tomber defîus la flamme de la lampe. On voit que c'efl encore un moyen très-expéditif pour fouder. Emall (Cadrans d'), (Horlog.) plaque de cuivre émaillée , lur laquelle on peint les heures. Voy. Cadran, Hor- logerie, & Plaque ( Horlog. ) * EMAIL , ( Anat. ) V émail de la dent eft une matière tout-à-fait différente de l'os ; il eft compofé d'une infinité de petits filets qui font attachés fur l'os par leurs racines , à-peu-près comme les ongles & les cornes. On diftingue très- facilement Y émail dans une dent calîée ; on y voit tous ces filets prendre leur origine vers la partie de l'os qui touche la gencive , s'incliner vers l'os , & fe cou-» cher les uns fur les autres , de manière qu'ils font prefque perpendiculaires fur la bafe de la dent ; par ce moyen , ils reflè- tent davantage à l'effort. M. de la Hire le fils a obfervé que dans les adultes l'os de la dent ne croît point , mais feulement ¥ émail ; il eft perfuadé que les filets de cet émail s'étendent comme ceux des ongles.. Si l'émail d'une dent fe détruit , l'os fèt carie, & la dent périt. Voye\ DENT» Voye\ les mémoires de V Académie } ann* 1699. EMAILLER , travadler en émail : ce. mot fe dit aufii pour fignifier peindre en émail. EMAILLEUR , f. m. {Artméch.) C'efl l'ouvrier qui travaille en émail , qui en couvre & orne les métaux , qui en fait à la lampe des ouvrages curieux. Ce nom , qui ne devroit être propre qu'à ceux qui font l'émail , eft devenu, commun aux orfèvres & joailliers qui mon- tent les piçrres précieufes , aux lapidaires ti qui les contrefont , aux peintres qui pei- gnent eo mignature fur l'émail , aux pa- tenôtriers & boutonniers en émail & en verre , aux marchands verriers , aux cou- vreurs de flacons & bouteilles d'ofier y aux financiers , &c. Mais les Emailkurs proprement dits^ E M A font ceux qu'on appelle Patenôtriers & Boutonniers en émail. Ces derniers ont compofé pendant fort long-temps une communauté particulière ; mais ils font à préfent corps avec les maîtres Verriers-Faïanciers , à qui ils ont été unis. L'édit de leur érection en corps de ju- rande a été donné en 1566' par Charles IX , & enrégiffré la même année. En 1 Çco , Henri IV confirma leurs ftatuts , & y ajouta quelques articles. Enfin Louis XIV réunit les deux communautés des Email- leurs & clés Verriers , pour ne faire à l'ave- nir qu'un feul & même corps , fans cepen- dant déroger à leurs flatuts. Les ftatuts de l'édit de Charles IX con- tiennent vingt articles , & l'augmentation accordée par les lettres patentes d'Henri IV trois autres. Par l'édit , les maîtres n'avoient que la qualité de Patenôtriers & Boutonniers en émail ; les lettres y ajoutèrent le verre &: le cryfkllin. La communauté efl régie par quatre jurés , dont deux s'élifent par année. Pour être reçu maître , il faut avoir fait cinq ans & huit jours d'apprentiffage ; & après une information préalable de vie & mœurs , un apprentif eft admis au chef- d'œuvre. Chaque maître ne peut avoir qu'un fèul apprentif à la fois. Les veuves reftant en viduité, jouifîênt du privilège de leur défunt mari ; à l'ex- ception des apprentifs qu'elles ne peuvent pas engager , mais bien les continuer. Les veuves & les filles de maîtres don- nent la franchife aux apprentifs qu'elles époufent. Les maîtres de la communauté peuvent faire toutes fortes de patenôtres , boutons d'émail , dorures fur verre & émail , pen- dans d'oreilles jolivetés , & autres ouvrages femblables , avec émail , canon , & cryf- tallin parlant par le feu & fourneau. Ils peuvent auffi enfiler toutes ceintures , carcans , chaînes , colliers , bracelets , pa- tenôtres & chapelets , de mêmes matières & de pareille fabrique , & même les en- richir & qrner d'or & d'argent battu & «aouJu» E M A \<)j En 1706 , ies Emailleurs furent unis avec les Verriers ; & il lut réglé que pen- dant les dix. premières années les quatre jurés feroient élus avec égalité , c'eft-à- dire , de façon qu'il y auroit deux Email- leurs & deux Verriers ; & qu'après les dix ans expirés , l'élection feroit entière- ment libre , & fe feroit à la pluralité des voix. Au moyen de cette union , ils ont tous également la qualité de maîtres Emailleurs 9 Patenôtriers , Boutonniers en émail , verre , & cryftalliri , marchands Verriers , Cou- vreurs de flacons & bouteilles en ofier , faïance , & autres efpeces de verres de la ville & fauxbourgs -de Paris. Voye\ les réglemens de Communautés , & le diction, de Commerce. EMAILLURE , f. f. (Art méch.) terme qui lignifie l'application de V émail fur quelque autre matière. Il fe dit fort bien aufli de l'ouvrage même qu'on a émailié. V. les articles EMAIL DEMAILLER. EMAILLURES , ( Vénerie. ) fe dit des taches roufTes qu'on voit fur les pennes de l'oifeau de proie. EMANATIONS , f. f. pi. ( Phyf. ) on appelle ainfi des écoulemens ou exhalai- fons de particules ou de corpufcules fub- tils , qui fortent d'un corps mixte par une efpece de tranfpiration. Vqy. TRANSPI- RATION. Ce mot vient du latin manare ou emanare , émaner , iortir. Il efr certain qu'il fort de pareilles éma- nations des corps qui nous environnent; par exemple , que les plantes & les animaux tranfpirent , que les fluides s'évaporent , &c. Perfonne ne doute non plus que les corps odoriférans n'envoient continuelle- ment des émanations y & que ce ne foit par le moyen de ces émanations y qu'ils excitent en nous la fenfation de l'odeur. Voye\ Odeur. Il y a des corps qui envoient des éma- nations continuelles, fans perdre fènfi— blement ni de leur volume , ni de leur poids , comme la plupart des corps odo- riférans : la perte qu'ils foufïrent par Pé- miffion continuelle de ces émanations y eft peut-être réparée par la réception d'autres émanations femblables de corps 4$ même efpece ^ répandus dans l'air. 1^8 E M A Quant à la loi de l'émifïïon de ces éma- nations y voyez ^article QUALITÉ. Voy. aujjl Emission. Ces émanations opèrent avec beaucoup d'efficacité fur les corps qui font dans la jfphere de leur activité ; c'eft ce que prouve M. Boyle dans un traité qu'il a fait exprès fur la fubtilité des émanations. Il y fait voir i°. que le nombre des corpufcules qui forment ces émanations y eft prodigieu- fement grand ; z°. qu'ils font d'une nature fort pénétrante ; 30. qu'ils fe meuvent avec une grande vîteffe , & dans toutes fortes de directions ; 40. qu'il y a fouvent une reflemblance , & d'autres fois au con- traire une différence furprenante du volu- me & de la forme de ces émanations aux pores des corps dans lefquels ils pénètrent , & fur lefquels ils agifïént ; $°. qu'en par- ticulier dans les corps des animaux , ces émanations peuvent exciter de grands mouvemens dans la machine , & produire par-là de grands changemens dans l'éco- eomie animale ; enfin qu'elles ont quelque- fois , pour ainfi dire , la faculté de tirer du fecours dans leurs opérations , des agens les plus univerfels que nous connoiffons dans la nature , comme de la gravité, de la lumière , du magnétifme , de la prefllon de l'atmofphere , &c. Les émanations peuvent s'étendre à de grandes diftances. En voici une preuve qui , félon quelques auteurs , eft d'un grand poids. Nos vins deviennent troubles dans les tonneaux, précifément au même temps où les raifins le trouvent à leur degré de maturité dans les pays éloignés d'où le vin nous a été apporté ; mais cette preuve ne paroît pas fort convaincante : car ne pourroit-on pas dire que c'eft l'air qui caufe cette fermentation , fans avoir re- cours à des particules qui s'échappent des corps qui fermentent ? Une des meilleures preuves qu'on puifîè apporter de la diftance à laquelle s'étendent les émanations 9 c'eft qu'on reçoit en pluiieurs cas les émanations odoriférantes à la diftance de plufieurs lieues. De plus , on prouve encore par plufieurs obfervations , que la plupart des émanations retiennent la couleur , l'odeur , &: les autres propriétés & effets des corps d'où elles proviennent ; & cela après même E M A qu elles ont pafle par les pores d'autres corps folides. C'eft ainfi que les émana* dons magnétiques pénetrem même le? corps les plus folides, fans fouffrir aucune altération dans leur nature , ni rien perdre de leur force. Plufieurs auteurs , à la tête defquels eft M. Newton , veulent que la lumière foit produite par une émanation de corpufcules qui s'élancent du corps lumineux. Si ce fyftême, qui eft appuyé fur des preuves très-fortes , étoit vrai , il ferviroit à prou- ver combien les émanations peuvent être fubtiles, & à quelles diftances énormes elles peuvent s'étendre. V. LUMIERE & EMISSION. Voye\ aujjî , fur les émana- tions en général , tes articles ODEUR , Vapeur , Transpiration , Exha- laison , Atmosphère , &c (O) * § EMANCHE , f. f. ( BLafon. ) pièce héraldique honorable, qui fignifie : ennemis vaincus & dépouillés. C'eft une manche antique , fort large par un côté & étroite par l'autre , laquelle étant découfùe & dé- ployée , préfente plus ou moins de pièces triangulaires , comme enclavées dans l'écii où elle eft pofée. En cet état , elle n'eft plus manche , mais émanche ( manica hojïdis dij/lita.) Plus cette pièce honorable a de parties , plus elles font aiguës. L' 'émanche fe place diverfement : en faf- ces à dextre ou feneftre , en pal , en bande , en barre ^ en chef, en pointe. A ces deux dernières pofitions , elle occupe le tiers du champ. Les partitions alternées du champ 6c d'une émanche quelconque font toujours en nombre impair ; mais on ne compte pas les partitions du champ pour des pièces t parce qu'elles font le champ lui-même. L* émanche mal déployée. Comme il y a dans le Blafon la manche mal taillée , il y a auflï Vémanche mal déployée. Cette émanche eft fi rare , qu'A peine en trouve-t-on deux ou trois exem- ples dans les auteurs qui fe font le plus étendus. Ils l'appellent pointes & piles au pluriel : mais la pointe , foit droite , foit renverfée , n'eft une pièce fur un champ que lorfqu'elle y eft feule. Ainit E M A îc champ qui porte deux ou trois de ces prétendues pointes ou piles , porte en effet «ne émanche mal déployée de deux ou trois pièces. Outre que cette forte démanche prend toutes les poiitions de démanche déployée , de plus elle monte du bas de l'écu en haut ; defcend du chef contre bas ; ou eft mouvante enfemble du chef, du flanc & de la pointe , pour aboutir au milieu de l'autre flanc. Au lieu que la pointe ou la pile ( plus étroite en fa largeur que le chappé ) ne tou- che pas l'extrémité du champ. Le champ émanché. Le champ émanché diffère du champ qui porte une émanche y comme le fafcé , de la fafce ou des fafces : le pallé , du pal ou des pals : le bandé, de la bande ou des bandes : le barré , de la barre ou des barres : le coticé , des cotices : le bu- relé , des burelles : le fufelé , le chevro- né , le lozangé , des fufées , chevrons & Jezanges Seulement, dans le champ émanché, la pièce qui borde l'un des côtés du champ ne montre que la moitié d'elle-même , à caufe de fa forme triangulaire ; l'autre moitié fe fuppofe repliée au travers de l'écu. Comme auffi, la partition oppofitedu champ n'a que la moitié des autres partitions de fon efpece. Mais , pour abréger la manière de bla- fonner , l'on compte ces deux demi-parti- tions comme fi elles étoient entières. Ainfi le métal & la couleur fe trouvant égaux en nombre & en proportions , ou étant fuppo- fès tels , leur enfemble efl néceffairement pair , en quoi il eft femblable aux fafcé , pallé , bandé , barré -, coticé , burelé , fu- felé , chevronné , lozangé. K. MEUBLES, ( Blafon. ) ÉMANCHÉ , ad), {terme de Blafon.) fe dit de l'écu divifé par émanches des deux émaux alternés : il diffère de l'éman- che , en ce qu'il y a toujours des demi- parties triangulaires mouvantes des bords. il y a des chefs émanches. Emanche & émanché y ont pris leurs noms des manches des anciens qui étoient E M A 199 fort larges en haut , fe rétréciffoient & terminoient en pointe. Hotman à Paris, originaire du pays deClé- ves; parti émanché d'argent & de gueules. De la Teifîbniere en Bourgogne & en Breffe ; parti émanché de cinq pièces & demie d'or fur gueules. Choifi de Tieblemont en Champagne; d'azur au chef d'or 9 émanché d'une demi- pièce & de quatre pièces. ( G .D. L. T. ) EMANCIPATION , f. f. ( Jurifpr. ) efl un acte qui met certaines perfonnes hors la puiffance d' autrui. Elle n'a lieu commu- nément qu'à l'égard de deux fortes de per- fonnes , qui font les mineurs , les fils de famille ; quelques-uns y comprennent la femme & les gens de main-morte. Il y a encore d'autres perfonnes qui peuvent être affranchies de la puifîance d'autrui ; mais les actes qui leur procurent cet affranchiflê- ment , ne font pas qualifiés d'émancipation. Chez les Romains ^émancipation avoit lieu feulement pour deux fortes de per- fonnes , les mineurs & les fils de famille. La première fe faifoit en vertu de lettres du prince, de même qu'elle fe pratique encore parmi nous. V. EMANCIPATION de Mineur. L'autre, c'eft-à-dire, celle des fils de famille, fe faifoit en diverfes manières. V. EMANCIPATION ANASTA- SIENNE , ANCIENNE , contracta fidu- ciâ y de la Femme, d'un Fils de Famille , légale , Légitime , jus- tinienne , tacite. (a) Emancipation anastasienne , étoit celle qui fe faifoit en faveur des fils de famille , en vertu d'un referit du prince. On l'appelloit anaftajienne , parce que cette forme nouvelle fut introduite par une conftitution de l'empereur Anaffafe , au lieu de l'émancipation ancienne ou légi- time , dont il fera parlé ci-après. U anaf- tajienne étoit beausoup plus fimple & plus commode que l'autre , n'y ayant à celle-ci d'autre formalité que de faire infirmer juri- diquement un referit , par lequel l'empereur émancipok le fils de famille. Notre éman- cipation des mineurs par lettres de bénéfice cTâge, revient afïez à cette émancipation anaftafienne. (A) ÉMANCIPATION ANCIENNE ou LÉ- GITIME , étoit la première forme dont 200 E M A on ufoit d'abord chez les Romains pour Y émancipation des fils de famille. On Tappelloit ancienne &: légitime } parce qu'elle dérivoit de l'interprétation de la loi des douze tables. Cette loi portoit , que quand un père avoit vendu Ton fils jufqu'à trois fois , le fils ceflbit d'être lous fa puiffance. Denis d'HalicarnafTe a prétendu que cette loi devoit être prife à la lettre , c'efl-à-dire qu'il falloir trois ventes réelles du fils de famille pour opérer l'émanci- pation , en quoi la condition du fils de famille auroit été plus rude que celle d'un efclave , lequel, après avoir été une fois affranchi , jouifloit pour toujours de la liberté. Il eft vrai que la vente du fils n'étoit pas un véritable affranchiffement de toute puifîànce ; il pafToit de celle du père en celle de l'acheteur. Mais tous les auteurs anciens & modernes conviennent que ces trois ventes du fils de famille étoient fimulé'-s, & faites feulement pour opérer Y émancipation. Au commencement le fils de famille , par le moyen de ces ventes , pafToit en la puifîànce de l'acheteur comme s'il fût de- venu de condition fervile. Dans la fuite les jurifconfultes ajoutèrent aux trois ventes autant de manumiflions de la part de l'ache- teur ; & il fut d'ufage , qu'à l'exception des fils , les filles & les petits-enfans mâles & femelles feroient émancipés par une feule vente & une feule manumiflion. On s'imaginoit qu'il en falloit davantage pour le fils , comme étant lie plus étroitement avec le père. Ces ventes & manumiflions fe faifoient d'abord devant le préfident ou gouverneur de la province ; enfuite on les fit devant le préfident de la curie. La forme de ces émancipations étoit, que le père naturel, en préicnce de cinq témoins & de l'officier appelle libripens tenant fa balance , faifoit une vente fictive de fon fils à un étranger , en lui difant : mancupo tibi hune filium qui meus efi ,* Caïus , Uv. I , fit. viij de fes infiitutes > dit même qu'il falloit fept témoins citoyens romains. L'acheteur donnoit au père par forme de prix , une pièce de monnoie , en difant ; E M A hune hommem ex jure quiritum meum ejje aio y if que mihi emptus eft hoc œre ccneâque librd : au moyen de quoi le fils de fa- mille paffoit fbus la puiifance de l'ache- teur comme ion elckve ; enfuite ce même acheteur affranchiffoit le fils de famille , lequel par un droit tacite , retournoit en la puifîànce de fon père naturel : celui-ci vendoit encore de même fon fils une fé- conde & une troifieme fois , & l'acheteur faifoit autant de manumiflions ; & après la troifieme manumiflion , le fils de famille ne retournoit plus en la puifîànce de fon père naturel , mais iléroit confidéré comme l'affranchi de l'acheteur , lequel en qualité de patron fuccédoit au fils de famille ainfî émancipé , & avoit fur lui tous les autres droits légitimes. Mais pour empêcher que Y émancipation ne iix ce préjudice au père naturel , l'ufage introduifit que ce père , en faifant la vente imaginaire de fon fils , pourroit fi ipuler que l'acheteur feroit tenu de le lui revendre ; & à cet effet , en faifant la troifieme vente , le père naturel difoit à l'acheteur : ego verb hune filium meum tibi mancupo _, eâ conditione ut mihi remancupes ut inter bonos bene agiet , ( id eft âge re ) ; oportet- ne propter te tuamquefidem frauder ? L'ob- jet de cette revente étoit afin que le père naturel pût lui-même affranchir fon fils , & par ce moyen devenir fon patron & fon légitime fuccefîèur. C'eft delà que ce pade de revente s'appellôit paclum fiducix ; IV- mancipation faite en cette forme, emaji- cipatio contracta fi duc iâ j & l'acheteur qui promettoit de revendre le fils de famille , pater fiduciarius. Si ce paclum fiducies étoit omis dans la vente , tous les droits fur la perfonne du fils vendu demeuroient par- devers l'acheteur. Caïus dit cependant que fi les enfans , après avoir été vendus par leur père natu- rel , mouroient en la puiffance de leur père fiduciaire, le père naturel ne pouvoitpas leur fuccéder ; que c'étoit le père fiduciaire qui recueilloit leur iucceflion quand il les avoit affranchis ; mais il eff évident que Caïus n'a entendu parler que du cas où les fils de famille mourroient dans l'intervalle de la première à la troifieme vente : alors c'étoit le père fiduciaire qui fuccédoit , parce E M A parce que la première &c la féconde vente tranfporroient véritablement au père fidu- ciaire la propriété du fils vendu , lequel ne rentroit dans la famille de (on père natu- rel que lors de la troifieme revente , par un acte appelle émane ipatio , ainiî que l'ob- ferve M. Terraflbn en fbn hijioire de la ju- rifpr. rom. Il eût été facile cependant d'appofer le pacte de revente dès la première vente , comme dans la troifieme , & il ne falloir pas tant de détours & de fictions pour dire que le père fe défiftoit volontairement en faveur de fon fils du droit de puiflance qu'il avoit fur lui ; c'eft pourquoi cette ancienne forme à! émancipation tomba en non-ufage , lorfque l'empereur Anaftafe en eut intro- duit une plus fimple , quoiqu'il n'eût pas abrogé l'autre. Voye-i^ ci-dev. Emancipa- tion anastasienne , & ci-après Eman- cipation JUSTINIENNE. {A) Emancipation contracta fiducid , étoit chez les Romains une des formes de l'e- mancipation ancienne , qui fe faiioit pir le moyen des trois ventes imaginaires avec le paclum fiducies , c'eft-à-dire la condition de revendre le fils de famille à fon père natu- rel. Voyei ci-dev. Emancipation An- cienne. (A) Emancipation coutumiere , Voye-^ ci-aprh Emancipation légale. Emancipation par le décès de la Mère , étoit une efpece à' émancipation lé- gale qui avoit lieu dans certaines coutu- mes en faveur des enfans par le décès de la mère , quoique le père fût encore vivant. Dans ces provinces , les enfans étoient comme folidairement en la puiflance de leurs pères Se mères conjointement. Telles font les difpofitions des coutumes de Mon- targis , ch.vij. art. q , Vitry , art. 100 tk 24J. Château-Neuf, art. 134. Chartres, art. 103 , &c Dreux , art. 93. Emancipation expresse , eft celle qui fe fait par un ade exprès , à la diffé- rence des émancipations tacites , qui ont lieu fans qu'il y ait aucun acte à cet effet de la part du perc , mais feulement en vertu d'un confentement tacite de fa part. (A) Emancipation de la Femme , c'eft ainfi que la féparation de la femme d'avec Tome XI I. E M A ' 201 fbn mari eft appellée dans la coutume de la Rue-Indre locale de Blois , ch. x. art, 3U(J) Emancipation d'un Fils de famille ,' s'entend de l'acte par lequel un fils , ou fille , ou quelqu'un des petits-enfans étant à la puiflance du père de famille eft mis hors de fa puiflance. Cette émancipation qui dérive du droit romain , a lieu dans tous les pays de droit écrit , &c dans quelques coutumes où la puiflance paternelle a lieu. Le père de famille peut émanciper les enfans à tout âge , foit majeurs ou mi- neurs , parce que la majorité ne fait pas ceflèr la puiflance paternelle. L'émancipa^ tion ne met pis non plus les enfans hors de tutele , s'ils font encore impubères ; en ce cas le père devient leur tuteur lé- gitime. En pays de droit écrit , V émancipation doit fe faire en j ugement par une déclara- tion que fait le père , qu'il met l'enfant hors de fa puiflance ; néanmoins dans le rcflbrt du parlement de Touloufe , l'e- mancipation fe peut faire devant notaires. Dans les coutumes où la puiflance pater- nelle a lieu , le père peut émanciper en jugement ou devant notaires. L'émancipation des enfans de famille fait ceflèr la puiflance paternelle; elle ne rend cependant pas les enfans étrangers à la fa- mille du père , en forte qu'ils lui fuccedent conjointement avec leurs frères 5c fœurs qu'il a retenus en fa puiflance. Elle n'a d'autre effet à l'égard du pere , que de délivrer l'enfant de la puiflance pa- ternelle , d'ôter au pere l'ufufruit qu'il au- rait pu avoir fur les biens de fon enfant , & de rendre l'enfant capable de s'obliger. Voye^ Fils de famille , Puissance paternelle. {A.) Emancipation de Gens de main- morte , c'eft l'affranchiflèment que le Cei- gneur accorde à des gens qui font fes ferfs. V. Affranchissement , Gens de main- morte y Serfs. (A) Emancipation justinienne , étoit celle dont la forme fut réglée par l'empe- reur Juftinien , lequel ayant rejeté toutes les ventes êc manumiflîons imaginaires dont on ufoit par le pafle dans les émancipations , Ce 201 E M A permit aux pères de famille d'émanciper leurs enfans , loir en obtenant à cet effet un referit du Prince , ou même fans ref- crit , en faifant leur déclaration à cet effet devant on magiftrat compétent , auquel la loi ou la coutume attribuoit le pouvoir d'émanciper. On donnoit au père après cette émancipation , en vertu de Inédit du préteur , le même droit fur les biens de fes enfans émancipés décédés fans enfans , que le patron auroit eu en pareil cas fur les biens de fes affranchis ; mais par la dernière jurifprudence , le père hérite de fes enfans par droit de fuccefïion des afeendans , & non pas feulement en qualité de patron. U) Emancipation légale , eft celle qui a lieu de plein droit , en vertu de la loi ou de la coutume. On l'appelle aulïi éman- cipation tacite , parce qu'elle a lieu fans que le père faflè aucun acte à ce fujet. Telles font à l'égard des mineurs , les émancipations qui ont Heu par l'âge de fmberté , par la majorité coutumiere , par a pleine majorité , par le mariage; telles font pour les fils de famille les émancipa- tions qui ont lieu en certains pays par le mariage , par l'acquifition de quelque di- giaité, par Pordrede prêtrife, par l'habitation féparée , & par le négoce féparé. ( A ) Emancipation légitime ou ancienne, étoit celle qui fe faifoit en vertu de la loi des douze tables. Voye^ci-dev. Emancipa- tion ancienne. {A) Emancipation par lettres duPrince, a lieu , tant en faveur des mineurs que des fils de famille. L'ufage de ces émancipations vient des Romains. V. ce qui en tît dit à l'artick Emancipation de mineur & Emancipation Justi- nienne. Ces lettres qu'on appelle commu- nément lettres de bénéfice d'âge , s'obtien- nent en la petite chancellerie ; elles font adrefïées au j uge royal qui a fait la tutele ou curatelle ■■> ou fi c'eft un juge de fei- gaeur , on lesadrefîè à un fèrgent royal , qui fait commandement au juge de procé- der à l'entérinement : ce qui ne fe fait qu'a- près avoir pris l'avis des parens & amis du mineur. ( A ) Emancipation de majorité cou- TUmierç. , eft celle que quelques cou- E M A tûmes ' accordent au mineur à [l'âge de pleine puberté , lequel eft réglé différem- ment par les coutumes. V. Emancipation de mineur. {A) Emancipation par mariage , eft une émancipation tacite que dans certains pays le mariage opère de plein droit & fans lettres du Prince , en faveur des mineurs & des; fils de famille. Cette émancipation tacite n'a. pas lieu dans les pays de droit écrit , excepté dans ceux qui font du reiïbrt du parlement de Paris. Pour ce qui eft des pays coutumiers , le mariage n'y a pas toujours opéré Y éman- cipation j car Gaucher de Chatillon conné- table j mariant fa fille en 1 3 00 , promit de l'émanciper & de la fortir hors de fa puifïance. Préfentement toutes les coutumes don- nent au mariage l'effet d'émanciper , ex- cepté celle de Poitou qui requiert à l'égard des nobles une émancipation exprefle outre- le mariage. Celle de Saintonge veut qu'il y ait habitation féparée de celle du père ; celle de Bretagne requiert que le mariage; foit fait du confentement du père , con- dition qui doit être fous-entendue dans toutes les coutumes ; celle de Bourbonnois dit que le mariage émancipe , mais elle met une reftricr.ion , fi ce n'eft qu'il fût autre- ment convenu en faifant le mariage. Voye^ le recueil des que/lions de M. Bretonnier , au» mot purjfance paternelle., U émancipation par mariage n'bpere pas. plus d'effet que celle qui fe fait en vertu de lettres du Prince , fi ce n'eft que la première emporte la liberté de fe remarier fans le confentement du père , quoique, celui ou celle qui veut fe. remarier n'ait pas, %$- ans. ( A) Emancipation de Mineur, eft : l'acte.- qui met un mineur hors de la puiflance de. fon tuteur , & lui donne le droit de jouir- de fes revenus , même de difpofer. de fes. meubles. L'émancipation dès mineurs avoit lieui chez les Romains ; elle fe faifoit en vertu, de lettres du Prince : cela fait la matière, du titre du code de his qui eetatis veniam: impetraverunt. La loi 2 qui eft dé l'empe- reur Conftantin , dit que tous les je.unes, gens , lefquels étant de bonne conduite.* .fdefixcnt de gouverner, leut patrimoine.* E M A ayant befbin pour cela de lettres du Prince , pourront impétrer cette grâce quand ils auront vingt ans accomplis ; de manière qu'ils préfenteront eux-mêmes leurs lettres au juge , & prouveront leur âge par écrit , 6c justifieront de. leur bonne conduite & mœurs par des témoins dignes de foi : la loi permet néanmoins aux filles de pré- fenter leurs lettres par procureur , Ôc de les obtenir à Page de dix-huit ans , pour pouvoir jouir de leurs biens fans pouvoir aliéner les fonds , en forte qu'elles aient en toutes affaires autant de droit ôc de pou- voir que les hommes. La raifbn pour la- quelle la loi fait mention nommément des filles , eft que dans l'ancien droit romain , les femmes étoient perpétuellement en cu- ratelle. Il paroît fingulier que cette loi oblige les mineurs qui veulent jouir de leur re- venu , de prendre des lettres , vu que , fuivant le droit romain , la tutele finit à l'âge de puberté , qui eft de quatorze ans pour les mâles , & de douze ans pour les filles ; & que , fuivant ce même droit , il eft libre au mineur pubère de ne pas de- mander de curateur. Mais il eft évident que la loi a entendu parler du cas où le mineur a un curateur , comme on lui en donne uni ordinairement en fortant de la tutele : ce qui eft fondé fur la difpofition de cette même loi , qui fuppofe qu'un mineur n'eft pas capable de gouverner fon bien au plutôt qu'à l'âge de vingt ans accomplis. Néanmoins dans notre ufage les lettres de bénéfice d'âge s'obtiennent' fouvent plutôt tant en pays coutumier , que dans les pays de droit écrit : cela dépend de la capacité des mineurs , de l'avis des parens , & de l'ordonnance du juge ; mais ordinai- rement on n'accorde point de lettres de bénéfice d'âge au deffous de la puberté. Les mineurs peuvent auiïî être émanci- pés par mariage , ou par la majorité cou- tumiere , que les coutumes fixent diffé- remment ; mais en ce cas ils ont toujours befoin de lettres du Prince ; de forte que les coutumes qui femblent accorder [V- mancipation à celui qui atteint l'âge de ma- jorité coutumiere , ne font proprement que régler l'âge auquel on peut obtenir des let- tres à' émancipation. E M A 103 La majorité parfaite opère aufTi une ei- pece ai émancipation légale. Le mineur émancipé peut faire feul tous acles d'adminiftration ; mais il ne peut aliéner ni hypothéquer fes immeubles fans avis de parens Se décret du juge. Il ne peut aulli efter en jugement , fans être aiîifté d'un curateur. ( A ) Emancipation de Moines : on s'eft quelquefois fervi de ce terme dans les mo- nafteres , en parlant des moines promus à quelque dignité , ou tirés hors de l'obéif- fance de leurs fupérieurs. Voy. le glojf. de Ducangè , au mot Emancipatio. ( A) Emancipation d'un Monastère eft dite dans quelques anciens auteurs , pour exemption de la jurifdiclion de l'ordinaire. Voye-^ Ducange ibid. (A) Emancipation per as & libram , voye^ Emancipation ancienne. Emancipation tacite , eft celle qui a lieu de plein droit en faveur du mineur ou du fils de famille , fans le confentement du père , ôc fans lettres du Prince : telles font celles qui ont lieu par le mariage , par l'acquifition de quelque dignité, par l'ordre de prêtrife , par une habitation ou un com- jjierce féparé. r Suivant le droit romain , il n'y avoit que la dignité de patrice capable d'éman- ciper ; celle de fénateur n'avoit pas cet effet. En France , les premières dignités des parlemens , telles que celles de préfidens , de procureurs & avocats généraux , éman- cipent. Les grandes dignités de l'épée ôc de la cour émancipent auffi. Pour ce qui eft des dignités eccléfiafti- ques , en pays de droit écrit , l'épifeopat eft la feule qui ait l'effet d'émanciper. Les dignités d'abbé , de prieur Ôc de curé , n'émancipent point. En pays coutumier la prêtrife émancipe , comme le décide la coutume de Bourbon- nois , ôc que Coquille l'obferve fur celle de Nivemois : mais Failànd , fur celle de Bourgogne , dit que la prêtrife n'émancipe que quand le prêtre poflede un bénéfice qui requiert réfidence. L'habitation feparée n'émancipe que dans les pays coutumiers : encore la coutume de Châlons eft-elle la feule qui fe contente Ce: 204 E M A de cette circonstance. Celle de Bretagne 5c de Bordeaux veulent en outre l'âge de vingt-cinq ans -, celle de Poitou requiert le mariage avec l'habitation féparée •■, celle de Saintonge veut tout-à-la-fois le mariage , l'âge de vingt ans pour les nobles, de vingt- cinq ans pour les roturiers , 5c l'habitation féparée. Le commerce ou négoce féparé éman- cipe auffi en pays coutumier , comme le décident les coutumes de Berri , Bour- bonnois , & Bordeaux : ce qui eft con- forme à l'article 6 du tit.j. de l'ordonnance du commerce , qui répute majeurs tous négocians 5c marchands , mais feulement pour le fait du commerce dont ils fe mê- lent. (A) EMANCIPE , {Jurifprud. ) eft celui qui jouit de fes droits , au moyen de l'é- mancipation exprefle ou tacite qu'il a acquife. Le mineur émancipé peut toucher fes revenus 5c difpofer de fon mobilier ; mais il ne peut aliéner ni hypothéquer fes im- meubles , fans avis de parens homologué par le juge. Il ne peut aufïi efter en juge- ment s fans être aiîifté de curateur. Le fils de famille , majeur lorfqu'il eft émancipé , jouit de tous les droits des majeurs qui font fui juris. Voyez ci-devant Emancipation. {A) * EM ANUEL y furnommé le Fortuné s roi de Portugal , ( Hijf. de Portugal. ) monta fur le trône en 1495 , après la mort de fon coufin Jean II , mort fans enfans légitimes. L'empereur Maximilien préten- doit que la couronne de Portugal lui ap- partenoit ; mais Emanuel fut proclamé , fins que l'on eût aucun égard aux pré- tentions de Maximilien. Il fignala fon avènement par des traits de généralité , tels que la grâce des enfans du duc de Bragance , qu'il rappella, de auxquels il fît rendre leurs biens , en dédommageant amplement ceux qui les poflédoient, 8c la remife du tribut que fon prédécefïeur avoit impofé aux Juifs. Mais fon amour pour Ifabelle , veuve d'Alphonfe , fils de Jean II , endurcit fon cœur au point de lui faire commettre plufieurs injuftices. Cette princefle jeune & belle étoit ani- mée d'un zèle violent contre les Maures E M A &c les Juifs. Emanuel , épris de fes char- mes , ne put obtenir fa main qu'à condition qu'il chalferoit les Maures 5c les Juifs de fes états. Son confeil condamnoit cette vio- lence , comme préjudiciable à l'état ÔC contraire à l'équité naturelle. La pailion du prince prévalut. Les Maures & les Juifs eurent ordre de fortir du royaume , fous peine de demeurer efclaves s'ils n'o- béilloient promptement. Les Maures paflè- rent en Afrique. Les Juifs , en fuyant , ne purent pas emmener avec eux leurs enfans au deiîous de quatorze ans. On les retint de force pour les inftruire des principes du Chriftianifme. Les découvertes & les conquêtes de Vafco de Gama , d'Alvarès Cabrai , & d'Albuquerque , portèrent la gloire à' Ema- nuel 5c de la nation Portugaife au plus haut degré. Jamais le Portugal ne fut plus floriflant que fous le règne de ce prince , qui fut appelle Y âge d'or du Portugal. Heureux dans toutes les entreprifes au dehors , il ne négligeoit point ce qui pouvoit établir le bon ordre 5c la pros- périté au dedans de fon royaume. Il fit de fages ordonnances que l'on refpe&e encore. Ami des lettres , il cultiva les feiences & honora les favans , 5c favoit diftinguer les talens fupérieurs des médio- cres ; il récompenfoit les uns 5c encou- rageoit les autres. Emanuel mourut à l'âge de cinquante-deux ans : il en avoit régné vingt-fix. Les larmes de fes fujets prouvè- rent fenfiblement combien il leur étoit cher. EMARGEMENT , f. m. {Fin. ) Fac- tion de tranfporter à la marge. On a fait de ce fubftantif le verbe émarger. Voyez l'article Marge. EMASCULATION , f. f. l'action par laquelle on enlevé à un mâle les parties qui cara&érifent fon fexe. V. Castration. U) * EM ATURIES , f. f. d'eti^troa cruento > ( Myth. ) fêtes qui fe célébraient à La- cédémone au tombeau de Pélops ; là de jeunes garçons fe fouettoient juiqu'à ce que le tombeau fut arrofé de leur fang. Voilà des fêtes qui fe fentent bien du ca- ractère dur 5c auftere du peuple, Voye^ Fêtes. E M A § EMAUX , f. m. plur. ( terme de Sla- foti. ) gcntilitii fcuti metalla & colores. Il y a neuf émaux , dont deux métaux , cinq couleurs 8c deux fourrures. Les métaux font le jaune, qu'on nomme or ; le blanc , argent. Les couleurs font le bleu , qu'on nomme at^ir ; le rouge , gueules \ le verd , finople ; le noir , fable ; 8c le violet , pourpre. Les fourrures font le vair 8c l'hermine. Ces émaux fe marquent en gravure par des points , traits ou hachures. L'or par grand nombre de petits points. L'argent , tout blanc , c'eft-à-dire , fans aucune hachure. L'azur, par des lignes horizontales, Le gueules , par des lignes perpendi- culaires. Le finople , par des lignes diagonales à droite. Le fable , par des lignes horizontales 8c perpendiculaires croifées les unes fur les autres. Le pourpre , par des lignes diagonales à gauche. Le vair , par l'azur chargé de pentes pièces d'argent en forme de clochettes renverfées. L'hermine, par l'argent chargé de mou- chetures de fable. Signification des émaux. L'or fîgnifîe richejfe , force 3foi, pureté & confiance. L'argent , innocence , blancheur , vir- ginité. L'azur , royauté , majefié , beauté , erenrte. Le gueules , courage > hardiejfe , intré- pidité. Le finople , liberté , efpérance , abon- dance. Le fable , fcience , modefiie , afiliclion. Le pourpre , dignité , puijfance , fouve- raineté. Le vair 8c l'hermine , grandeur , auto- rité ù empire. A ces neuf émaux 3 on en ajoute deux autres. Le couleur de chair , que l'on nomme de carnation , pour les parties du corps E M B 205 1 humain , telles que le vifage , les mains 3 les pies. La couleur naturelle , pour les arbres , plantes , fruits & animaux , s'ils font tels que la nature les repréfente , alors on les dit au naturel. Eiymologie des émaux. Le mot émail ( au pluriel émaux ) vient de VhsXitn fmalto , félon Ménage. D'autres le dérivent de l'hébreu hhaf- mal y traduit par eleârum , forte d'émail compofé d'or 8c d'argent ; les Latins de la bafle latinité en ont hitfmaltufn d'où eft venu émail. Et ce mot émail a été introduit dans l'art héraldique , parce que anciennement on repréfentoit en émaux de diverfes cou- leurs ( furies écus , cote-d'armes , boucliers* 8c autres armes offenfives 8c défenuves ) , les pièces deblafonqueleschevaliers «voient pri(ès pour fe diftinguer 8c reconnoitre dans les tournois. EMBACLE , f. f. terme de rivière , dont on fe fert pour exprimer l'embarras de plu- sieurs cordes de bois que l'on a miles à flot , 8c qui font arrêtées par quelques obftacles. Voye^ Cordes , Bois. Voye^ auffi l'article Train. EMBALLAGE 3 f. m. terme de douane & de commerce , qui a plufieurs fignifi- cations. i°. Emballage s'entend de l'action même d'emballer. Voye^ Emballer. 20. Emballage comprend tout ce qui fert à emballer les marchandifes , comme le papier , le carton , les caiflès , tonneaux , bannettes , toiles cirées , ferpilieres , cor- dages , &c. pour lefquels il n'eft fait au- cune déduction de poids pour les droits d'entrée 8c de fortie , félon le tarif de 1664 8c l'ordonnance de 1 667 , fî ce n'eft pour les marchandifes d'or 8c d'argent , 8c pour les drogueries 8c épiceries. 30. Emballage ne lignifie fou vent que les toiles ou ferpilieres qui fervent à empaque- ter les marchandifes. Une toile d'emballage eft une forte de toile grofïiere , mais forte , qui fert à em- baller : elle eft différente de la ferpiliere , quoiqu'on fe ferve auiïï de celle-ci pour io6 E M B emballer. Voye^ Serhliere. Diction, de comm. de Trév. & Chambers. (G) EMBALLER, v. a&. ( Comm. ) faire Temballagc d'une cairfe de marchandifes , l'envelopper de toile 8c la garnir de paille , pour la conferver 5c la garantir de la pluie , au mauvais temps 8c autres accïdens , lorf- qu'on eft obligé de la tranfporter au loin , foit par des voitures de terre ou de rivière , Toit par mer , & pour les voyages de long cours. Il y a plufieurs manières d'emballer les marchandises ; les unes s'emballent feule- ment avec de la paille 8c de la groflè toile ; les autres dans des bannes ou bannettes d'ofier ou de bois de châtaignier , ou dans des caiftes de bois de lapin qu'on couvre d'une toile cirée graflè , toute chaude ; d'autres dans de gros cartons qu'on enve- loppe de toiles cirées feches , quelquefois fans autre couverture , mais le plus (bu- vent avec de la paille 8c de la toile. Dans tous ces emballages on coud la toile avec de la ficelle & une groflè aiguille , 8c on la ferre pardeffus avec une forte corde , qui failant plufieurs tours de divers fens autour du ballot , aboutit à un des coins , où elle eft enfin liée 8c arrêtée. C'eft à ce bout de la corde que les vifiteurs ou autres commis des douanes mettent leur plomb , afin que la balle ne- puiflè s'ouvrir fans le lever , Se que les marchandifes qu'ils ont vifitées ne puifTent être changées ni aug- mentées au préjudice des droits du roi. Dans les échelles du Levant , comme à Alep , Smyrne , &c. les emballages , particulièrement ceux des foies , ont tou- jours deux toiles ; l'une intérieure , qu'on appelle la chemife ; l'autre extérieure , qui eft la couverture. Les Levantins remplif- ient l'entre-deux de ces toiles , de paille , ÔC quelquefois de coton. Dictionnaires de Commerce , de Trévoux , & Chambers. (G) EMBALLEUR , f. m. ( Comm. ) celui dont le métier ou la fonction eft de ranger les marchandifes dans les balles, de les empaqueter Se emballer. Autrefois les crocheteurs &c gagnes-de- niers faifoient cet office dans les douanes ; mais maintenant dans celles de Lyon &c de paris il y a des emballeurs en titre d'office , E M B qui paient paulette au roi , ont des droits réglés par un tarif , font bourfe commune , &c forment un corps qui a fon fyndic &c autres officiers. Ils font à Paris au nombre de foixante partagés en deux bandes , dont l'une eft de fervice à la douane , 8c l'autre à leur bureau rue des Lombards , où ils roulent ainfi alternativement tous les huit jours. Ce fbnt les emballeurs qui écrivent fur les toiles d'emballage, les numéros des ballots appartenais au même marchand , 8c en- voyés au même correfpondant , les noms 8c qualités de ceux à qui ils font envoyés, 8c les lieux de leur demeure. Ils ont auffi foin de deiïiner un verre , un miroir ou une main fur les cailles de marchandifes cafuelles , pour avertir ceux qui les remue- ront , d'ufer de précautions. Les inftrumens dont fe fervent les embal- leurs y font un couteau , une bille de bois , ordinairement de buis , & une longue 8c forte aiguille à trois carres : leur fil eft une médiocre ficelle , qui dans le commerce de lalcorderie eft appellée ficelle d'emballage. Dictionnaires de commerce , de Trévoux , & Chambers. {G) * EMBAMMA , ( Hijl. anc.) efpece de fauce ou de falade à laquelle on joignoit l'épithete à'amarum , amere , 8c qui fer- voit d'afîàifonnement à l'agneau pafchal. C'étoit ou des endives , ou de la chicorée , ou de la laitue , ou de la pulmonaire , ou le chardon , le raifort , les orties , &c. on tenoit du vinaigre dans un vafè placé à côté de ces herbes ; 8c après plufieurs céré- monies religieufes que le maître de la maifbn faifoit , il rompoit un morceau de pain azyme , le couvroit d'herbes ameres , trempoit le tout d'abord dans le vinaigre , enfuite dans une fauce de figues , de rai-" fins , &c. 8c difbit : " Béni foit le Seigneur » notre Dieu , le maître du monde , qui » nous a fanctifiés par fes commandemens , » 8c nous a ordonné de manger le pain » azyme avec la fauce amere. » Il man- geoit enfuite le pain tremjpé 8c les herbes , béniflbit les mets , goûtoit à l'agneau paf- chal , 8c abandonnoit le refte de l'agneau , des herbes , du pain 8c des fauces à la dé- votion 8c à l'appétit des autres convives , dont le repas commençoit alors. EMB EMBANKIS , {luth.) nom général des principaux inftrumens de mufiquc du royaume de Congo , dont le roi 8e les princes font feuls ufage. EMBANQUÉ , adj. ( Marine. ) Les navigateurs qui vont à la pêche de la morue , ou qui font route pour Terre- neuve 8e le golfe de Saint - Laurent, fe fervent de ce terme pour dire qu'ils font arrivés fur le banc de Terre-neuve. ( Z ) *EMBANQUER, v. adt. ou neut. ( Manufacl. en foie.) c'eft pafler les canons d'organfîn à la cantre , pour fe difpofer à ourdir. Voye^ Canons , Organsin & Cantre» * EMBARBE , f. f. (Manufacl. en foie. ) ficelle fervant au métier d'étoffes de foie ; elle a trois quarts d'aune de long , 8e elle eft bouclée par un de fes bouts. On enfile les embarbes les unes après les autres à une corde , afin que quand on veut s'en fervir , elles ne puiffent jamais être prifes les unes avant les autres : leur ufage dans, le lifage des deffins , eft d'arrêter les cordes de femple que la lifeufe retient. Voye^ Semple & Lire. Peigner lès embarbes , c'eft les débrouiller après qu'on les a tirées du femple , 8e lorfque les lacs font finis. Voye{ Lacs. EMBARBER , v. n. terme de rivière. Lorfqu'un bateau vient d'amont , & qu'il eft près de palier un pont ou un permis, on dit ; ce bateau va embarber V arche ava- lante ; ce bateau efl près d'embarber le per- mis. Voye^ Pertuis. EMBARCADERE & EMBARCA- DOUR, f. m. {Mar.) Les Efpagnols donnent ce nom aux ports 8e rades qu'ils ont le long des côtes de l'Amérique méri- dionale , 8c fur-tout dans la mer du Sud , où ils vont charger les marchandifes 8e faire le commerce pour les villes qui font dans le dedans des terres. Il y a des em- barcadères qui font fort éloignées des villes : Car exemple, Arica eft {'embarcadère duPoto- u \ Acapulco &c la Vera-Crux peuvent être regardés comme les embarcadères de la ville de Mexico. (Z) EMBARD^R , v. neut. ( Marine. ) e'eft lorsqu'on fait faire au vaifîeau un mouvement pour s'éloigner de l'endroit ou, il eft.. On dit y embarde au large y lorf- EMB 207 qu'étant dans la chaloupe auprès du vaif- îeau , ou pouffe d'un côté ou d'autre pour s'en éloigner. Embarder fe dit encore lorf- qu'un vaiflèau eft à l'ancre , 8e qu'on lui fait fentîr fon gouvernail pour le jeter d'un côté ou d'un autre. ( Z ) EMBARGO , f. m. ( Mar. ) Mettre un Embargo. On fe fert de ce terme pour celui à? arrêt , ou pour fîgnifier l'ordre que les fouverains donnent pour arrêter tous les vaiffeaux dans leurs ports , Se empêcher qu'il n'en forte aucun , afin de les trouver prêts pour leur fervice, en cas de befoin ; ce qu'on les oblige de faire en les payant. En France on dit fermer les ports. ( Z ) EMBARILLÉ , adj. ( Comm. ) ren- fermé dans un baril ; ainil on dit de la farine embarillée. EMBARQUEMENT , f. m. ( Comm. ) l'action de charger des marchandifes ou des troupes dans un vaifîeau. Ce terme lignifie aufiï dans le commerce , les frais qu'il en coûte pour embarquer des marchan- difes. Diclionn. de Comm. de Trévoux , & Chambers. ( G ) EMBARQUER des Marchandises , ( Comm. ) c'eft en charger un vaiiîèau ou un bateau. Un maître de vaifïeau doit avoir le con- noiftèment de toutes les marchandifes qu'il embarque ; 8e un voiturier par eau , la lettre de voiture de celles dont fon bateau eft chargé pour les repréfenter en cas de befoin; Embarquer en grenier , c'eft embarquer des marchandifes fans être emballées ni- empaquetées. On embarque de cette forte, le fêl , le bled, toutes fortes de grains, de légumes, certains fruits., comme les pommes , les noix , le poiffon {"ec , les métaux , &c. c'eft-à-dire qu'on les met en tas dans des lieux fècs 8e préparés exprès à cet ufage dans les navires 8e bateaux. Diclionn. de Commerce , de Trévoux , & Chambers. (G) ^EMBARRAS , f. m. il fe prend au phyfîque 8e au moral ; au ph^Jîque , pour tout ce qui empêche la facilite d'un mou- vement ou d'une action ; 8c au moral , pour toucce qui nuit à l'expédition prompte: îo8 E M B d'une affaire , ou à la commodité de la vie. On dit les embarras d'une route ÔC les embarras du monde. On dit encore avoir l'efprit embarrajfé d'affaires , être embarrajfé de quelqu'un, ôcc. EMBARRE , ( Manège & maréch. ) cheval embarré. Voye^ s'Embarrer , Em- BARRURE. EMBARRER (s') Manège Ù marée. Un cheval qui Rembarre , eifc celui qui le trouve tellement pris & arrêté après avoir pafle l'une de fes jambes au delà de la barre qui limitoit la place qu'il occupe dans l'écurie , qu'il ne peut plus l'en dé- gager. Dans les efforts qu'il fait pour y parvenir , il peut fe bleflèr plus ou moins dangereufement. Voye^ Embarrure. Des féparations en forme de cloifon , la fuf- penfion des barres à une jufte hauteur, préviendraient fans doute un pareil événe- ment. Voye-^ Ecurie, (e) EMBARRURE, f. f. terme de Chirurgie , efpece de fracture du crâne , dans laquelle une efquille paffe fous l'os fain 3 ôc com- prime la dure-mere. Il faut tâcher de tirer avec adrefîe cette pièce d'os avec des pincettes convenables. Si l'on croit n'y pouvoir réufïir , ou fi en faifant des tentatives il y a du rifque de caufer quel- que déchirement à la dure-mere, il faut appliquer le trépan , ôc le multiplier , fi le betoin le requiert , afin de pouvoir en- lever facilement la pièce d'os qui forme l'embarrure. Voye^ Engisomme & Tré- paner. (Y) Embarrure ; f. f. ( Manège & Mar.) On appelle improprement ainfi tout acci- dent qui fuit l'a<5fcion de s'embarrer : l'effet ou la maladie eft donc ici défîgné ôc re- connu par le nom même de la caufe qui l'a produit. Ces accidens ne fè bornent pas toujours à de fimples écorchures ; ils confident fouvent dans des contufions plus ou moins dangereufes, félon qu'elles font plus ou moins fortes Se plus ou moins profondes , ôc félon aufïi la nature de la partie contufe Ôc arfe&ée. L'écorchure eft une légère folution de continuité , une érofion qui n'intérefle que les poils , 1'épiderme , les fibres ôc les petits vaiflèaux cutanés. E M B Il eft certain que l'embarrure limitée à ce feul événement , ne peut jamais être envifagée comme une maladie grave ; elle eft cependant quelquefois accompagnée d'inflammation , ce que l'on reconnoît aifément à la fenfibilité que témoigne l'a- nimal , lorfque nous portons la main fur cette plaie fuperficielle , à la chaleur ôc au gonflement qui fe manifefte dans fes envi- rons ; ôc alors elle exige plus d'attention de la part du maréchal. Il ne fuffit pas en effet de recourir à des pommades ou à des liqueurs defTica- tives ; il s'agit premièrement de détendre ôc de calmer. L'application prématurée de ces topiques qui ne conviennent que dans le cas de l'abfence de tous les fignes dont je viens de parler , augmenteroit inévita- blement le mal : on oindra donc d'abord le lieu où le fîege en eft établi , avec un mélange de miel ôc d'onguent d'akruea , jufqu'à ce que la douleur s'évanouilfe ; à me(ure qu'elle fe difïipera , on fupprimera infenfiblement Palthasa pour lui fubftituer l'onguent pompholix ou l'onguent de cé- rufe toujours mêlée avec le miel ; ôc la plaie étant enfin deflêchée par ce moyen, ou procurera la régénération des poils : il n'eft point de voie plus affurée pour y parvenir , que celle d'oindre la partie qui en eft dépourvue avec Ponguent fuivant. " Prenez pampre de vigne que vous » pilerez dans un mortier de fonte 5 après » en avoir broyé une petite quantité , » ajoutez-y du miel ; broyez de nouveau » le tout , reprenez des pampres , pilez- » les ôc ajoutez encore du miel ; conti- » nuez juiqu'à ce que vous ayiez préparé » aflèz de cet onguent , que vous gar- >» derez foigneufement pour le befoin , " ôc que vous aurez attention de renou- » veller chaque année. » il peut arriver aufïi que l'inflammation foit très - confîdérable , alors on faignera l'animal : de plus , s'il furvient des fon- gofités , on emploiera , lorfqu'il n'y aura plus d'inflammation , de foibles confbmp- tifs pour les détruire , tels que l'alun brûlé , mêlé avec le miel , ôc même avec Pacgyp- tiac , fi ces fongofités font d'un certain volume. Enfin , dans le cas de l'écorchure fimple ôc fans complication de chaleur & de E M B de douleur , on fe contentera de laver la partie malade avec du vin chaud , de la fàu- poudrer avec de la cérufe , ou de la frotter avec les mélanges defScatifs & adoucifîans dont j'ai fait mention , ùc. Les contufions occafionées par Yembar- rure , ne différent de celles qui font le produit de i'impreffion fubite & du heurt de quelque corps dur & obtus , qu'en ce que communément le frottement de la partie fur la barre, fufcitant une érofîon, elles .s'annoncent par une tumeur avec fo- lution extérieure de continuité. Il n'efî pas néanmoins abfolument rare que cette tu- meur (bit fana déperdition de fubffance , & fans ouverture à la peau. Lorfque la contufion fe borne au tégu- ment ou au corps graiffeux , elle eft regar- dée comme une meurtrifîlire , & n'eft fui- vie d'aucun accident fâcheux : l'eau fraîche, l'eau-de-vie & le fivon font des remèdes capables d'en opérer l'entière guérifon ; il n'en eft pas de même lorfqu'clle s'étend dans les parties charnues , ou qu'elle efl accompagnée de la foulure des tendons ou des ligamens , de la dilacération du tiflu interne , du froifîèment , de la ccfnpref- fïon des vaifïêaux , de la flagnation des liqueurs dans leurs canaux , de leur extra- vafion ; &c. Ces différentes complications nous follicitent à un traitement plus mé- thodique , & dans lequel nous devons tou- jours nous guider par la variété des fymp- tomes & des circonflances. i°. De fortes con tu fions , flir-tout dans la partie la plus élevée de l'extrémité , s'enflamment le plus fouvent & fuppurent. J'ai ouvert nombre d'abcès provenans de cette feule & unique caufè. 2°. Les tendons ou les ligamens font-ils contus &: foulés ? la dou- leur vive à laquelle l'animal efl en proie , la difficulté qu'il a de fe mouvoir , nous l'an- nonceront ; & ces mêmes fïgnes réunis & . joints à celui qui réfulte du volume & de l'étendue de la tumeur , nous indiqueront encore tous les autres accidens qui ont eu lieu dans l'intérieur du membre embarré. Dans les uns & les autres de ces cas , la faignée à la jugulaire eft indifpenfable. Selon l'ardeur de l'inflammation & la viva- cité de la douleur , on appliquera des cata- plafmes anodins faits avec de la mie de Tome XII. E M B 209 pain bouillie dans du lait , à laquelle on ajoutera des jaunes-d'œufs , du iafrarf & de l'onguent populeum ,• par le fecours de ces médicarriens , on fatisfera aux pre- mières intentions que l'on doit avoir , puiiqu'on s'oppofera d'une part à l'affluence des humeurs fur là partie tuméfiée , & de l'autre , aux progrès de l'inflammation qu'il faut abfolument s'efforcer d'appaifèr. Ces deux objets étant remplis , on n'ou- bliera rien pour délivrer la partie des hu- meurs qui s'y feront accumulées. On dé- butera d'abord par les remèdes réfoiutifs , ' tels que les cataplafmes faits avec racine d'iris , de bryone , de chacune deux onces ; fommités d'abfynthe & d'auronne , fleurs de .camomille & de fureau , de chacune une poignée ; femence d'aneth , fénugrec ■ & cumin en poudre , de chacun une once ; fel ammoniac , quatre drachmes : on fera cuire le tout dans du gros vin , on pilera enfuite le marc , on y mêlera de l'axonge humaine , ou de l'axonge de cheval & du fafran , de chacun deux drachmes pour le cataplafme que l'on appliquera chaudement fur la partie , ou tel autre fèmbiable qui aura les mêmes vertus & la même effica- cité. En frottant encore la tumeur avec les réfoiutifs fpiritueux , ou avec i'-efprit de matricaire & le baume, nervin , ou en mettant en ufàge les bains réfoiutifs aro- matiques , on pourra opérer la réfblution. S'il y a enfin épanchement ou infiltration d'humeur , & que cette voie que l'on doit toujours préférer à toute autre, fbit im • poffible ; on facilitera la fuppuration par Ponction de l'onguent bajîlicum _, enfuite on ouvrira la tumeur. Voye\ TUMEUR. Souvent les épervins , les courbes , les furos , font provoqués par les embarrures. Voye\ ÉPARVINS, SUROS. J'ai vu de plus enfuite d'un pareil accident \ un gon- flement énorme &: une ohflruclion confî- dérable du tiffu vafculaire qui compoie 1a mafTe des tefîicules. VoJç\ TESTICULE. Pendant l'adminiflraiion des .remèdes que je viens de preferire , on doit tenir, l'animal à un régime exact , à l'eau blan- che , au fort , lui adminiflrer des îavernens émoiliens $ &c. & félon le dépôt qui en fera réfulte , le purger po^r terminer la traitement (e) Dd iiq E M B EMBASE D'ENCLUME. On appelle ainli un reffaut qui fe trouve ;V quelques enclumes lorfqoe la table n'eft point de niveau avec la bigorne , foit que celle-ci fort: ronde vou quarrée , étant d'un pouce ou environ plus baffe que la table de l'en- clume. Ces fortes d'enclumes fervent aux Taillandiers , & à leur défaut ils fè fervent d'enclumes ordinaires. ( D ) EMBASEMENT, f. m. cnArchiteB. eft une efpece de bafe fans moulure , ou focle continu au pié d'un édifice ; on l'ap- pelle en grec flereobate y terme qui com- prend en général toute forte de ft.rucr.ure folide deftinéeà foutenir une autre partie d'un édifice moins maflîve. ( P ) EMBATERIE , f. f . ( Mufiq. desanc) nom d'une marche des Lacédémoniens , qui s'evécutoit fur des flûtes propres' à cet effet , & qui probablement etoient -les flûtes ambatériennes. Voye^ EMBA- TÉIUENNE , ( $iufique infirumentale des anciens. )Uembaterie fervoit à régler les pas des foidats , quand ils marchoient à l'ennemi. Cette marche «droit certainement à deux temps , & ne changeoit point de mefure , comme tous les autres airs des Grecs, qui changeoient de mefure , fuivant que Je rhythme des paroles i'exigeoir. Car ce n'eft qu'avec beaucoup de peine qu'on peut par- venir à marcher régulièrement en réglant fes pas fur un air d'un mouvement à trois temps , & il eft impoflible que plu- sieurs hommes puiffenr marcher uniformé- ment en changeant de pas , comme il le faut , quand la mefure change. Cette marche étoit encore d'un mouvement gravé & pofé , car l'on fait que les La- cédémoniens étoient ce tous les peuples ceux qui marcheient r vec le plus* de gravité • à l'ennemi. (F. D. C. ) EMBATEKIENNE ; { Mufiq. infir. des anc. ) efpece de flûte des Grecs , dont, au rapport de Pollux , ils fe fer— voient en voyageant , apparemment pour rendre le chemin moins pénible & moins ennuyeux. Cette flûte , furnomme'e emb:.te'rienne } propre à la marche , pourroit bien être celle fur laquée les Lacédémoniens exé- curoient leur marche appellée embateric. E MB Veyt\ Embaïerie , {Mufiq. desanc.) {F.D.C.) EMBATONNE , adj. (Blafon.) On dit qu'une colonne eft cannelée & embâ- tonnée y pour dire que Tes cannelures font remplies de figures de bâtons , jufqu'à une certaine partie de fon lût. EMBATTOIR , f. m. {mare'ch. grof.) Voye\ EMBATTRE ; c'eft une foffe dans laquelle les maréchaux groffiers mettent les roues qu'ils veulent ferrer. Anciennement dans Paris les embattoirs étoient placés dans les rues au devant des boutiques de ces ouvriers , mais la police a réformé cet abus. (/)) EMB ATTRE , v. ad. ( Mare'ch. grof. ) C'eft ie nom que l'on donne à la ma- nœuvre par laquelle on garnit une roue de voiture de les bandes de fer. Il y a deux manières de ferrer les roues : l'une avec aurant de bandes de fer qu'il y a de jantes à la roue , c'eft celle que nous allons expliquer ; l'autre manière conlifte à ferrer la roue avec un cercle de fer d'une feirle pièce , ce qui fe fait avec l'aide du diable ( voye\ DIABLE. ) Pour embattre ou ferrer une rcue y on la place dans i'embattoir qui eft une fofîê de 6 X 7 pies de long fur un de large & environ 3 pies de profondeur : cette foffe doit erre bien maçonnée ou garnie d'un corroi de glaife , afin qu'elle puifîê tenir l'eau dont on la remplit , & dont on verra l'ufage ci-après. Çetre tofîè ou embattoir eft bor- dée au rez-de-chauiîêed'un fort chaflis de charpente qui afîure la maçonneru ; on place donc la roue dans cette foife , en ' forte qu'elle y foit plongée à moitié , & que les deux bouts du rrioyetr portent fur le chailis de charpente. Dans cet état on applique une des bandes de fer qui doivent erre rougies au feu , fur les jantes de la roue , en forte que le milieu de la bande réponde jufte fur le joint de deux jantes contiguës ; on frappe de grands clous par les trous des barres qui par ce moyen fe trouvent affujetties fur les jantes. On fait rougir les barres afin qu'elles fe plient & s'appliquent mieux à la circonférence de la roue ; mais comme ordinairement le feu y prend après que la bande eft em- battue ou ck>uée , on fait tourne/ la roue », EMB en forte que la bande & la partie enflam- mée fe trouvent plongées c'ans Peau de l'embattoir où elles s'éteignent. (D) ♦EMBAUCHER , v. ad. (Arts mec.) Il fe dit d'un compagnon qui fe prélente pour entrer chez un maître .auquel il eft conduit par les autres compagnons. Le Compagnon eft embauché , quand il eft accepté par le maître ; & le repas que l'embauché donne aux compagnons , s ap- pelle ['embauchage. On dit payer j on em- bauchage. E MB A U C H O I R , f. m. {terme de Tormier. ) C'cft une elpece de jambe de bois garnie d'une coulihe comme la forme brlîëe. On s'en fort pour élargir les bottes. f *EMBAUMEMÉNS, (bit. m. plur. {HiR. anc.) De tous les peuples anciens , il n'y en a aucun chez lequel l'ulage d'em- baumer les corps ait çté plus commun que chez les Egyptiens : c'étoit une fuite de leur fuperftition. V. V article EGYPTIEN. Nous allons rapporter ce qu'Hérodote nous en a tranimis , & nous y joindrons les observations de notre favant chymifte M. Rouelle. Dans l'Egypte , dit Hérodote , il y a des hommes qui font métier d!embaumer les corps. Quand on leur apporte un mort , ils montrent aux porteurs des modèles de morts peints iur du hms. On prétend que la peinture ou figure la plus recherchée , repréfente ce dont je me fais ferupuie de dire le nom en pareille occafion ; ils en montrent une féconde qui eft inférieure à la première , & qui ne coûte pas fi cher , ils en montrent encore une troi- fieme qui eft au plus bas prix : ils deman- dent enfuite fuivant laquelle de ces trois peintures on veut que le mort foit accom- modé. Après qu'on eft convenu du modèle & du prix , les porteurs fe retirent , les embaumeurs travaillent, & voici com- ment ils exécutent Y embaumement y le plus recherché. Premièrement ils tirent avec un fer oblique la cervelle par les narines : ils la font fortir en partie de cette manière , & en partie par le moyen des drogues qu'ils introduifent dans la tête : enfuite ils font une incifion dans le flanc avec une pierre d'Ethiopie aiguifée : ils tirent par cette EMB an ouverture les v^feercs ; ils les n:ttoiear^ & les pafîenc au vin de palmier* ils les» panent encore dans des aromates broyés.: eniuite ils rempliiîent le ventre de myrrhe pure , broyée , de cannelle & d'autres par- fums , excepeé d'encens , & ils le recou- lent. Cela taie , ils faient le corps , en le couvrant de natrum pendant foixante-dix jours : il n'eft pas permis de le fa 1er plus de foixante-dix jours. Ce terme expiré, ils lavent le mort , & l'enveloppent de bandes de toile de lin coupées , & en- duites de la gomme dont on le fert en Egypte en guilè de colle. Les parens le reprennent en cet état , font faire un étui de bois de forme humaine , y placent ie mort , le tranfportent dans un appartemenjt deftiné à ces fortes de caiffes , le dreiîent contre le mur , & l'y laifiént. Voilà la manière la plus chère & la plus magnifique dont ils embaument les morts. Ceux qui ne veulent point de ces em- baumemens fomptueux , choifnTent la fé- conde manière , & voici comment leurs morts font embaumés. On remplit des feringues d'une liqueur onemeufe qu'on a tirée du cèdre ; on in- jecte le ventre du mort de cette liqueur , fans lui faire aucune incifion , & fans en tirer les entrailles. Quand on a introduit l'extrait du cèdre par ie fondement , on fe bouche , pour empêcher l'injection de (ortir. On laie enfuite le corps pendant le temps preferit : au dernier jour on tire du ventre la liqueur du cèdre. Cette liqueur a tant de force , qu'elle entraîne avec elle le ventricule & -les entrailles confiimés , car le nitre diffout les chairs , & il ne refte du corps mort que la peau & les os. Quand cela eft achevé ils rendent le corps , fans y faire autre chofe. La troifieme manière d'embaumer eft celle-ci , elle n'eft employée que pour les moins riches. Après les inf^ions par le fondement , on met le corps dans le nitre pendant foixante-dix jours , & on le rend a ceux qui l'ont apporté. La première oblèrvation qui fe préfente à la lecture de ce paflàge , c'eft que quoi- qu'il foit peut-être plus exact & plus étendu qu'on n'étoit en droit de l'attendre d'un fimple 'hiftorien , il n'eft cependant su Dd z %\i E M B afïéz précis ni afïéz circonftancié pour en faire fexpofrtion d'un art. Il falloir qu'on pratiquât des incifions à la poitrine , au bas-ventre , Oc. fans quoi toute la capa- cifé intérieure du corps n'auroit point été injectée, & les vifceres n'auroient point été coniumés. Il eft à préfumer qu'on lavoit avec foin le corps avant que de le faler : c'étoit encore ainii qu'on le débarr- raffoit des reftes du natrum & des liqueurs , quand il avoit été falé. On ne peut douter qu'on ne finît par le taire fécher à l'air ou dans une étuve. On appliquoit enfuite fur tout le corps '■ & fur les membres féparément , des ban- des de toiles enduites de gomme; mais on l'emmaillottoit de plus avec un nouveau bandage également gommé , les bras croifés fur la poitrine , & les jambes réunies. Dans Y embaumement véritable , la tète , le ventre èc la poitrine étoient pleines de matières réfineufes & bitumineufes , & le refte du corps en étoit couverr . On rete- noit ces matières par un grand nombre de tours de toile. Après une couche de bandes on appliquoit apparemment une couche d'embaumement fondu & chaud , avec une efpece de broffe ; pui-s on couchoit de nouveaux tours de bandes , & fur ces nouveaux tours une nouvelle couche de matière fondue, & ainfi de fuite jufqu'à ce que le tout eût une épaiiTeur conve- nable. Il eft difficile de décider fi ï 'embaume- ment de la dernière efpece étoit un mê- * lange de bitume de Judée & de cédria , pu fi c'étoit du bitume de Judée feul. La momie de fainte Geneviève eft embaumée , ainfi que celle des Céleffins , avec le pif- iafphalte ; mais elle a des bandes de toile fine , & elles font en plus grand nombre qu'aux autres momies. Cependant le plus grand nombre de -momies étant apprêtées avec le mJRige de bitume de Judée &c de cédria , qu'on peut appeller le pijfaf- phalte y on peut croire que cet embaume- ment eft de l'efpece inférieure. La dépenfe de la caifîê qu'on donnoit à. •la momie , étoit considérable ; elle étoit de fycomore , d'une feule pièce , creufée à l'outil, & ce ne pouvoit être que le troûc d'un arbre fort- gsos.. -EMB II y avoit , félon toute vraifemblance \ des fortes àH embaume mens relatifs à la dif- férence des bandes qu'on trouve aux mo- mies , groflês ou. fines. Le dernier bandage étoit parfemé de caractères hiéroglyphiques, peints ou écrits. Il fe faifoit aufîi des dé- penfes en idoles , en amuletes , en ornc- mens de caiffe , 6v. La matière de X embaumement le plus précieux étoit une compofition baliâmique , telle que celle qu'on a trouvée dans les chambres des momies, confervée dans un vafe ; & il eft évident que cet embaume- ment avoit aufll fes variétés. On a trouvé des momies dont les ongles étoient dorés , d'autres avoient des cailfes de porphyre : il y en avoit de renfermées dans des tom- beaux magnifiques. Il femble que le travail des embaumeurs pouvoit fe diftribuer en deux parties ; la première , qui confiftoit à enlever aux corps les liqueurs , les graines & autres caufês de corruption , & à les deiîéchér ; la fé- conde , à défendre ces corps defléchés de l'humidité & du contact de l'air. Les fondemens de ce travail font ren- fermés en partie dans la defcription d'Hé- rodote , il s'agit de les y découvrir , de corriger ce qui eft mal pféfenté , de juftifier ce qui eft bien- dit , de tenter quelques expériences fur les%iatieres balfamiques & bitumineufes des momies , d'imiter les em- baumemens égyptiens , & voir s'il n'y au- roit pas quelques moyens d'imitation fon- dés fur les principes chymiftes qui dirigent les anatomiftes dans la préparation ddeurs pièces. On peut réduire a deux fentimens tout ce qu'on a dit fur cet objet. Les uns ont prétendu que le corps entier falé , avoit été embaumé de manière que lesf matières balfamiques , réfineufes &: bitumineufes s'é- toient unies avec les chairs , les graiffes., les liqueurs , & qu'elles avoient formé en- femble une mafïé égale ; les autres , qu'on faloitle corps , qu'on le defféchoit, & qu'on lui appliquoit les .matières balfamiques. Quant au defféchement , l'humidité étant caufe de corruption , ils ont ajouté qu'on le fechor à la fumée, ou qu'on le faifoit bouiil r dans le piflafphalte , pour en cory- fumer les chairs , graiffes > èc EMB On peut objecler au fentiment des pre- miers , l'expérience qu'on a de cerrains corps tombant en pourriture , dans des maladies où il eft abfolument impoffible d'abforber les fluides par des matières réfineufes & balfamiques ; matières qui ne font point d'union avec l'eau. D'ailleurs les momies font parfaitement feches , & l'on n'y remarque pas la moindre trace d'humidité. Le fentiment des féconds eu plus con- forme à la raifon. Le natrum des anciens étoit un alkali fixe, puifqu'ils s'en fervoient pour nettoyer, dégraiffer , blanchir les étoffes , les toiles, & faire le verre. Notre nitre ou falpêtre eft au contraire un feul moyen qui ne dégraifîe point les étoffes , qui conierve les chairs , qui les fale comme le fel marin , & qui conferve leurs fu es. Le natrum des anciens agifloit fur les chairs d'une manière toute oppofée à notre nitre ; il s'uniflbit aux liqueurs lymphatiques , huileufes , graffes , les féparoit du refte , & faifoit l'effet de la chaux des tanneurs & autres ouvriers en cuir , épargnoit les mufcles , les tendons , les os. • Hérodote 'dit dans la première façon d'embaumer , qu'on lavoit le corps avant que de l'envelopper de bandes. C'eft ainfi qu'on enlevoit les refies des matières lym- phatiques & du natrum y fources d'humi- dité. Les embaumeurs ne faloient donc le corps que pour le defîecher ; mais le natrum y eu refiant , eût retenu & même attiré l'humidité , comme c'eft la propriété des fels alkalis. Le natrum agiffant fur les corps , comme la chaux , il n'étoit pas permis de faler plusdefoixante-drx jours. En effet, comme il arrive aux cuirs trop enchaufenés y fe natrum auroit attaqué les folides. Un fel • neutre n'opère pas en fî peu^ de temps , comme il paroît à nos viandes léchées. Mais fi le natrum y dira-t-on , étoit un fel alkali , pourquoi ne détruilojt-il pas ? c'eft qu'il eft foible , qu'il ne refîemble point à la pierre à cautère , mais au fel de la fonde & au fel marin. Il eil à préfumer que Bils préparait fes pkees anatomiques en falanf le corps avec un ici alkali j à la manière des Egv ptiens ; EMB 213 méthode qu'une odeur aromatique ne fer- voit qu'à déguifer. Clauderus en étoit per- fuadé , mais il fe trompoit fur les effets du fel alkali ; il croyoit que l'alkali volatil s'u- niffoit aux parties putrides , & qu'il étoit retenu dans les chairs du cadavre. On pourroit demander fur le premier- embaumement dont parle Hérodote , à quoi bon remplir le corps de myrrhe & d'aromates , avant que de le faler ? En le lalant on emporte en partie ces aromates ;• car le natrum agit puiffamment fur les balfamiques , en formant avec leurs huiles, une matière favoneufe , foluble , & facile à emporter par les- lotions. Il femble qu'il faudrait placer la falaifon & les lotions avant l'emploi des aromates. Il y a très-peu de momies enveloppées de toiles gommées , appliquées fans réfine, immédiatement fur le corps defféché ; elles ont communément deux bandages. Le corps & les membres font chacun feparément. entortillés de bandes de toile rélineufe ou bitumineuie; c'eft-là le premier. Le fécond, eft formé d'autres bandes de toile fans ré- fine ou bitume , qui prennent le tout &c l'emmaillottent comme les enfans. Celles- ci onr pu être enduites de gommes* Les momies' nous parviennent rarement avec le fécond bandage ; on l'ôte par curio-i fité pour les amuletes. Elles 'ne font pas toutes renfermées dans des caifles , c'eft pour les garantir du con- tact de l'air qu'on y a employé la réfine. Une féconde critique qu'on peut faire d'Hérodote , eft relative à fon fécond embaumement. Sans incilion , l'injection par le fondement ne remplira point le ventre , elle ne parcourra qu'une petite érehdue d'inteftins. D'ailleurs la liqueur de cèdre eft un -baume ou une réfine fans; force , fans action corrofive. Si l'on em- pioyoit le cédria , c'étoit comme aromate , l'injection étoit de natrum. Le cédria n'a pu avoir lieu dans f 'embaumement > qu'a- près la falaifon & les lotions. La cervelle fè tiroit par un trou fait artificiellement aux narines &c au fond de l'orbite de l'œil. Hérodote n'efl pas exacT: là-deffus. Il n'efl: pas concevable qu'on embaumât! tous les Egyptiens. Le. peuple cauctaoitJes 2*4 E M fc morts fur des lits de charbons , emmailiotrés de linges , & couverts d'une natte fur la- quelle il amaifoit une épaifleur de lèpt à huit pies de l'ablc. Quelle durée Y embaumement ne donnoit- il pas aux corps ? il y en a qui le conièrvent depuis plus de deux mille ans. On a trouvé dans la poitrine d'un de ces cadavres , une branche de romarin à peine defféchée. Là matière de la tête d'une momie , encore affez molle pour que l'ongle y pût entrer dans un temps chaud , & peu altérée , a donné d'abord un peu d'eau infipide , qui dans la progrefiion de la diftillation cil devenue acide. Il a parie en même temps une huile limpide , peu colorée , de l'odeur de fuccin. Cette huile s'efl enfuite épaifïïe & colorie ; elle s'efr figée en fe refroidiffant , lans perdre l'o- deur de fuccin. Sa liqueur acide n'a pu cryftallifer , à caufe de fa trop petite quantité. On peut voir dans M. Rouelle les expé- riences qu'il a faites- fur les matières qu'il a préfumées entrer dans les embaume- mens. Une réflexion qui réfulte de ces expé- riences , c'efl qu'en y employant la pou- dre de cannelle & d'autres ingrédiens qui attirent l'humidité, on coniùlte pius le nez que l'art. Elles fournifïent trois fortes ftembaume- mens 5 l'un avec le bitume de Judée , un iècond avec le mélange de bitume &: la liqueur de cèdre ou cédria , & un rroiiieme avec le même mélange & une addition de matières relineules & aromatiques. EMBAUMEMENT , opération de Chirur- gie y c'eft l'action d'embaumer un corps. Voici comment elle fe pratique. Le chirurgien commande au plombier de faire un cercueil , dont les dimenfions inté- rieures doivent excéder la longueur & la groffeur du corps. Il commande auffi un baril de plomb pour mettre les entrailles ; & une boîte de plomb faite de deux pièces , pour mettre le cœur. On prépare cinq bandes , deux de la lar- geur de trois doigts & de quatre aunes de long , pour bander les bras ; deux de quatre doigts de large & de fix aunes de long , pour bander les jambes & les cuifïès , & une autre plus large & plus longue , pour faire EMB les circonvolutions nécefîâires autour du corps. ILfaut en outre que iejehirurgien ait des fcalpels pour faire les inciiions convena- bles , des aiguilles pour recoudre les parties, & une feie pour icier le crâne. Les médicamens nécefîâires à {'embau- mement y font de trois efpeces différentes. Il faut environ trente livres de poudre de plantes aromatiques , telles que les feuilles de laurier , de myrte , de romarin , de lauge , de rhue, d'abiinthe , de marjolaine , d'hyflbpe , de thym , de ferpolet , de ba- filic ; les racines d'iris , d'angelique , de calamus . aromadeus ; les ileurs de rofe » de camomille , de mélilot , de lavande ; les écorces de citron & d'orange ; les ièmen- ces de fenouil , d'anis , de coriandre , de cumin , &: autres femblables. On ajoute or- dinairement quelques livres de fel commun à la poudre de toutes ces plantes , qui fert ;i remplir les grandes cavités , & à mettre avec les entrailles. Il faut dix livres d'une poudre plus fine, compofée de dix ou douze drogues odoran- tes , capables de conlervcr les corps des fiecles entiers , qui font de myrrhe , d'aloès, d'ohban , de benjoin , de ifyrax calamité , de girofle , de noix-mufeade , de cannelle , de poivre blanc , de foufre , d'alun , de fel , de (àlpêtre : le tout bien pulvérifé & paffé par le tamis. On aura en outre un liniment compofé de térébenthine , d'huile de laurier , de ftyrax liquide , de baume de Copahu. Trois livres de ce liniment fumront pour les embroca- tions nécefîâires. Il faut de plus quatre pintes d'elprit-de-vin , cinq ou fix gros paquets d'étoupes , du coton , deux aunes de toile cirée , de la plus large , & un paquet de grofle ficelle. Tout étant ainfi préparé , le chirurgien eff en état de commencer ['em- baumement. Le chirurgien , après avoir ouvert le bas-ventre , la poitrine & -la tête , & avoir ôté tout ce qui y eft contenu , mer quelques poignées de la plus groffe poudre au fond du baril de plomb ; il étend par- defTus une partie des entrailles , qu'il couvre d'un lit de poudre , & ainfi alterna- tivement jufqu'à ce qu'il ait mis tous les vifeeres dans le baril , à l'exception du cœur , qu'il a foin de mettre dans ud E M B vaifTêau rempli d'efprit-de-vin. Lorfque le baril contient toutes "les entrailles , le chirurgien met pardeffus un lit de poudre grofliere affez épais : fi le baril éroit pres- que plein , on acheveroif de le remplir avec des étoupes , & on feroit fouder le couvercle ; fi au contraire il éroit de beau- coup trop grand , on le feroit couper par le fondeur. Les trois ventres vuidés , on les lave avec de l'efprit-de-vin. On commence par la rete , en empliflant le crâne d'étoupes faupoudrées , & en y en faifant entrer autant qu'on peut. On remet la calotte du crâne à fa place ; & avant que de recoudre le cuir chevelu , on met entre deux de- la poudre balfamique. On verfe dans la bou- che de Telprit-de-vin , pour la laver , & on l'emplit de cette poudre a\ ec du coton. On en fait autant dans les narines & dans les oreilles , & enfuite avec un pinceau on fait une embrocation fur toute la tête , le -vifage ù: le cou avec le liniment ; & met- tant enfuite de la /poudre fine fur toutes ces parties , il le forme une croûte iur la fuperficic. On met la tête dans un fac en forme de coëfFe de nuit , qui a des cor- dons qu'on tire pour ferrer autour du cou , afin que toute là tête foit exactement en- veloppée. On emplit de poudres & d'étoupes la poitrine & le ventre , qui ne font plus qu'une grande cavité. On remet leflernum ii fa place ; & après l'avoir couvert de la poudre fine que l'on fait entrer entre les cotes & les tégumens , on recoud les tégu- mens qui avoient été ouverts crucialement. On fait aux bras , aux cuiffes & aux jambes des taillades qui pénètrent jufqu'aux os ; on les lave avec de l'efprit-de-vin , on les remplit de la poudre fine , on fait l'em- brocation avec le liniment , on faupoudre toutes ces parties avec la poudre odorante , & on les bande enfuite. On fait des inci- fions aux feiTes & au dos , & on procède comme aux extrémités. On emmaillotte le corps avec la bande préparée à cet effet ; on le coud enfuite dans la toile cirée , & on le ferre avec de la ficelle, comme un ballot : on le met enfuite dans le cercueil , qu'on fait fouder par le plombier." Où remplit les ventricules & les oreil- E M B sic Iettes du coeur , avec la poudre odorante ; on l'enveloppe dans de la toile cirée , on le ficelle , & on le mer dans une double boîte de plomb que Ton fait fouder. A l'armée & dans les endroits où l'on n'auroit pas tous les fecours nécefîàircs pour Y embaumement que nous venons de décrire , on fè contenteroit , après avoir ôté les entrailles , de faire macérer le corps dans du vinaigre chargé de fel marin ; & au défaut de vinaigre & de fel , dans une forte Jefiive de cendre de bois de chêne : on le retire enfuite , & on l'expofe dans un lieu fec , avec le foin de l'effuyer fréquem- ment. Ce font les humeurs qui fe putré- fient ; car nous confervons très-facilement les corps dont on a injeclé les vaifïèaux , & dont on a enlevé la graille qui étoit dans l'interflice des muferes. La con(èrvation des corps par \ embau- mement, a eu la vénération pour motif; c'eft une opération dilpendieufe qu'on ne pratique que pour les princes & pour les grands. Il feroit à fouhaiter pour l'utilité publique & l'intérêt des fùrvivans , qu'on trouvât des moyens d'embaumer , c'eft- à-dire de préferver de la pourriture à peu de frais , de manicre que cela ne fût point au defîùs de la portée du fimple peuple. Il s'élève des lieux où l'on enterre , des vapeurs malfaiiantes , capables d'infefler. Kamazzini allure que la vie des foffôyeurs n'efi pas habituellement de longue durée ; que leur vifage eft ordinairement blême & pale , & il attribue cette difpofition aux vapeurs déliées qu'ils refpirent en creufant les foiîes. Les vapeurs rendent les églifes où l'on enterre , extrêmement mal faines. Non feulement l'inhumation dans les égli- fes efl dangereufe , mais on pourroit dire qu'elle efl indécente , fi elle n'étoit auto- rifée par l'ufage , ou plutôt conlacrée par l'abus. M. Forée chanoine honoraire du S. Sépulcre à Caen , dans fes Lettres fur la fépulture dans les e'glifes } remonte à la fource de cet ufage , & il indique les moyens de lever les obfîacles imaginaires qu'on peut oppofer à fon abolition ; la , voix d'un bon citoyen & d'un eccléfiaf ti- que refpedable , doit être comptée pour beaucoup. M. Haguenot , médecin & con- cilier de la cour des aides à Montpellier , ii£ E MB a donné à la fociété royale des Sciences de cctre ville , dont il eff membre , un excellent mémoire , dans lequel il fait la peinture touchante des malheurs qui font la fuite de la coutume pernicieufe de mettre les corps dans des. caves communes. J'ai aufli parlé de cet abus meurtrier , dans mon Traité fur la certitude des figues de la mort. Je fais qu'il y a des villes où il efl èxprefTément défendu d'enterrer dans les églifes , fans prendre la précaution de mettre de la chaux vive dans le cercueil & aux environs , êc de jeter dans la fofïè quelques fceaux d'eau. A Paris , où le plâtre efl commun , on pourrait mettre à très-peu de frais tous les corps à l'abri de la putréfaction funefïe aux lùrvivans par la mauvaife qualité que les vapeurs qui s'en exhalent donnent à l'air. Il faudroit gâcher du plâtre dans le cercueil , qu'on feroit un peu plus grand qu'à l'ordinaire ; on y enfonceroit le corps , & on ,1e cou- vriroit d'une couche de plâtre gâché , afin de l'enfermer comme dans un mur. C'eft peut-être par ce motif de falubrité qu'on enterroit autrefois dans des cercueils de pierre. Dans les endroits où il n'y a point de plâtre , on- pourroit enduire le corps de terre glaife , &c. Voye\ EMBAU- MER. ( Y) M. le Baron de Haller a cru devoir faire des additions à l'article qu'on vient de tranfcrire , & on lit toujours avec fruit & empreffement tout ce qui fort de la plume de ce célèbre Médecin , dont le mérite n'eft point au defTous de la réputation. Les corps humains fe confervent natu- rellement par l'action de plufieurs caufes différentes , qui le réunifient toutes dans l'obftacle qu'elles mettent à la putréfac- tion. Les eaux vitrioliques ont cbnfervé & même endurci le corps d'un homme qu'on a trouvé dans les mines de Suéde : des eaux imprégnées de tourbe ont fait le même eilct , & même des eaux fim- plement froides ont confervé des corps pendant un temps confidérable. Voye\ Cadavre. Le contraire de l'eau , l'air extrême- ment fec & chaud des déferts de l'Arabie & de l'Afrique , dcfleçhe les corps avec E M B tant de promptitude, que la putréfaction fte fe développe point , parce que toute l'humidité a été enlevée : on trouve tous les jours de ces momies dans les pays les plus arides , & les plus expofés au foleil. La fumée imite l'effet de la chaleur feche. Les liqueurs fpiritueufes , & mieux en- core les liqueurs acides , confervent des corps qui n'ont pas trop de volume. Le miel doit avoir lait le même effet au dire des anciens , & doit avoir fervi de baume au cadavre d'Alexandre : mais des expé- riences modernes n'ont pas confirmé ce pouvoir confervateur du miel. Ce qui exclut l'action de l'air prévient de même la pourriture ; la cire fondue a coniervé des corps , l'huile même a fait cet effet , & on confervé les perdrix dans du beurre : le vuide parfait procure des fruits dont le goût n'a point été changé par le temps. Il fe trouve des caveaux où lçs cada- vres fe confervent fans aucun fecours de l'art ; nous avons vu cfclui de Brème ; on connoît celui de Touloufe , & celui de Warbourg. On a vu un nombre de cadavres en différens endroits , qui n'ont jamais éprouvé de pourriture , & qui ont même confervé leur phyfionomie & leur couleur , le fang même étoit rouge dans les religieufes de Québec. On dit la même chofe du corps de Philippe de Neri , de celui de Grotius , de celui de Charles V , de Modelich , d'un corps de femme dé- couvert en Efllande , & de plufieurs au- tres cadavres. Plufieurs peuples ont embaumé leurs morts , pour conferver les refies de leurs ancêtres. Les Sauvages des îles Canaries s'en acquittent très-bien ; ils confervoient même la flexibilité & la reiïèmblance. On a trouvé en Europe des cadavres confervés de même : les inteflins étaient refîés entiers. Mais de tous les peuples , celui qui embaumoit le plus généralement & le plus exactement les corps de {es parens , c'étoient fans doute les Egyptiens. On trouve encore tous les jours dans les environs de Jizé des caveaux remplis de momies. 0* E M B On n'eft pas d'accord fur les moyens que les Egyptiens employoient. On a dit que l'on faifoit fortir la cervelle par un trou. Ce fait eft nié par M. Lech , qui a reconnu l'os cribreux dans fon entier dans une momie d'Egypte } on eft affez d'accord que le plus grand nombre de momies n'a été embaumé qu'avec du bi- tume. M. Rouelle a cru que l'on faifoit un fquelette de ces corps avant que d'y verfer du bitume } & il eft sûr qu'on trouve des momies , dont les os font entièrement décharnés \ c'eft l'état où fe trouvoit la momie décrite par Sryph. Mais il y en a d'autres , où les chairs font confondues avec le bitume , fans être enlevées : on en a vu même , où le vifage étoit confervé & encore recon- noiffable. Il eft bien probable qu'avec les perfbnnes d'un rang fupérieur on prenoit plus de précaution. La meilleure méthode d'embaumer fe- roit certainement celle qui fè fait par l'injeérion. Nous avons vu chez Ruyfch un enfant confervé fans que {es chairs fuftent affaiftees : elles étoient rondes & potelées avec le coloris le plus fleuri d'une belle jeuneife. Cela ne paroît pas difficile à faire, on n'a qu'à colorer la colle de poilfon avec de la cochenille : cette li- queur perce dans les elpaces cellulaires , les arrondit , & donne aux joues le ver- meil le plus vif. Nous en avons préparé de cette manière j mais la difficulté c'eft de fixer cette colle , d'en empêcher l'éva- poration , & de conferver à l'air l'em- bonpoint artificiel : c'eft un fècret que Ruyfch avoit découvert , & qui eft perdu. (H. D.G.) L'art des embaumemens , tel qu'on le pratique aujourd'hui , n'a été connu en Europe que dans les derniers fiecles : aupa- ravant on faifoit de grandes incifions fur les cadavres \ on les faupoudroit bien , & on enveloppoit le tout avec une peau de bœuf tannée. C'eft ainfi qu'on embauma à Rouen en 1135 , Henri I roi d'Angleterre } & encore l'opérateur s'y prit fi tard , ou fi mal , que l'odeur du cadavre lui fut fatale : il en mourut for le champ. Au refte , ceux qui feront curieux d'ac- quérir les connoiffances d'érudition fur la Tome XIL E M B 217 matière- des embaumemens , trouveront à fe fatisfaire dans la lecture des ouvrages que nous allons indiquer. Bellonius ( Petrus ) , de mirabili operum antiquorum prœfiantiâ , medicato funere , feu cadavere condito , & médica- ment is nonnullis fervandi cadaveris vint obtinentibus. Paris , 1553 , in-40. rare, figures. Riyinus ( And. ) , de balfamatione. Lipfl 1655 , in-40. Clauderi ( Gabriel ) methodus balfa- mandi corpora humana. Attenburgi , 1679, /'/z-40. Cet ouvrage-ci eft pour les gens du métier. Lauqoni ( Jof. ) de balfamatione cada~ verum. Ferrar. 1693 , in- 12. & réimprimé avec les œuvres de l'auteur. Greenhill ( Thomas ) , the art of embaï- ming. London , 1705 , in-40. m* c* f- & fur-tout dans les mémoires que M. Rouelle a écrits fur cette matière. Article de M. le Chevalier de Jaucovrt. EMBAUMER, v. ad}, ouvrir un corps mort , eu ôrer les inteftins , &. mettre en la place des drogues odorantes & deftîca- tives , pour empêcher qu'il ne fe corrompe. Voye{ Embaumement ( Chirurgie. ) Ce mot eft formé de baume gui étoit le principal ingrédient des embaumemens des Egyptiens. Voye{ Baume. Le corps de Jacob en Egypte fut trente jours à embaumer. Voyez genef. L. v. 3. Marie Magdelaiue & Marie mère de Jac- ques, achetèrent des parfums pour embaumer Jefus. Voye-{ S. Matthieu , &c. Jean roi de France étant mort à Londres en 1364, l'on y embauma fou corps qu'on emporta en France , & qu'on enterra à Saint-Denis. Quant à la manière dont on embaumoit les corps parmi les Egyptiens , voye^ ci- devant fart. Embaumement (Hijl. anc.) Le D. Grew , auteur du mufœum regalis focietatis , croit que les Egyptiens , pour embaumer les corps , les faifoient bouillir dans une cRaudiere avec une certaine efpece de baume liquide $ fa raifon eft que dans les momies qu'on confervé dans la collection ou cabinet de la fociété royale , le baume a pénétré non feulement le* chairs & les parties molles , mais même les os , au point qu'ils en font tout noirs ? Ee ii$ E M B comme s'ils avoient été brûlés. Voye\ Momie. Les Péruviens avoient une manière particulière & très-bonne de conferver les corps de leurs Incas rois , embaumés. Garcillaffo de la Vega croit que tout leur fecret confiftoit à enfevelir ces corps dans la neige pour les y faire fécher, après quoi on y appliquoit un certain bitume cfont parle Acofta , qui les confèrvoit auiïi entiers que s'ils euffent toujours été en vie. Diclionn. de Trévoux ? & Chambers. (G) EMBDEN , ( Géogr. mod. ) ville du cercle de Weftphalie en Allemagne , capi- tale du comté de même nom , fi tuée fur l'Ems. Long. 24. 38. lat. 53. 20. EMBELLE , f. f. (Manne.) c'eft la partie du vailfeau comprife depuis la herpe du grand mât jufqu'à celle de l'avant , ou depuis le grand mât jufqu'au degré d'a- mure 5 comme c'eft la partie la plus bafle du côté du navire , & où l'on eft le plus à découvert dans un jour de combat , on y met des fargues. Voy. Belle & Far- GUES. ( Z) * EMBELLIR , v. aft. c'eft ajouter avec art à des objets qui feroient peut-être indifférens par eux-mêmes ? des formes ou des acceffoires qui les rendent intérelTans , agréables , précieux , &c. * EMBENATER , ( Sal. ) c'eft lier des bâtons de bois de coudrier avec des ofiers & de la ficelle , capables de contenir un certain nombre de pains de fèl. Voye\ Benates & Benatiers. EMBISTAGE , fub. m. terme dont les Horlogers fe fervent en parlant de la lîtuation refpective des deux platines d'une montre : Cejî deux fois la diftance entre le centre de la platine de dejjusj & le point ou l'axe de la grande platine la rencontre. Voyei PLATINE (terme dthorlog.) EMBLAVER, (lard.) eft le même f^ienfemencer. EMBLAVES , f. f. pi. (Jurifpr. ) terme ufité dans plufieurs coutumes pour exprimer les terres enfemencées en bled. On diftingue quelquefois les emblaves ou terres embla- vées des terres Amplement enfemencées. Les emblaves ou terres emblavées font dans quelques coutumes les terres où le bled eft déjà levé 3 c'eft en ce fais qu'il en eft E MB parlé dans Yarticle 59 de la coutume de Paris. Les terres enfemencées font celles où le bled eft femé , mais n'eft pas encore levé. Dans l'ufage on confond fouvent les emblaves avec les terres enfemencées. ( A ) EMBLEME , f. m. f Belles-Lettres. ) image ou tableau qui par la repréfentation de quelque hiftoire ou fymbole connu , accompagnée d'un mot ou d'une légende , nous conduit à la connoiffance d'une autre chofe ou d'une moralité. Voye\ Devise & Enigme. L'image de Scevola tenant fa main fur un foyer embrafé , avec ces mots au delîous : A gère & pati fortia romanum ejt , il eft d'un romain d'agir & de fourrrir conftamment , eft un emblème. Uemblême eft un peu plus clair & plus facile à entendre que l'énigme. Gale définit le premier un tableau ingénieux qui repré- fente une chofe à l'œil , & une autre à l'efprit. Les emblèmes du célèbre Alciat font fa- meux parmi les favans. Les Grecs donnoient aufîî le nom d'em- blèmes aux ouvrages en mofaïque , & même à tous les ornemens de vafes , de meubles , & d'habits \ & les Romains l'ont aufîî employé dans le même fens. Cicéron reprochant à Verres les larcins des ftatues , vafes , &c. & autres ouvrages précieux qu'il avoit enlevés aux Siciliens , appelle emblemata les ornemens qui y étoient attachés , & qu'on en pouvoit fé- parer , auxquels ils ont aufîî comparé les figures & les ornemens du difcours. C'eft ainfî qu'un ancien poète latin difoit d'un orateur , que tous fes mots étoient arrangés comme des pièces de mofaïque ; , .. ...... Ut tejjerula? omnes ? Arte pavimenti atque emblemate ver- miculatœ. Les Jurifconfiiltes ont aufîî confervé cette exprefîîon dans le même fens , c'eft- à-dire , pour tout ornement fura jouté , 8t qu'on peut féparer du corps d'un ouvrage. Dans notre langue le mot emblème ne fîgnifie qu'une peinture , une image , un bas-relief, qui renferme un fens moraL ou politique. E M B Ce qui diftingué Xemblême de la devife , c'eft que les paroles de Xemblême ont toutes feules un feus plein & achevé , & même tout le fens & toute la lignification qu'elles peuvent avoir jointes avec la figure. On ajoute encore cette différence , que la de- vife eft un fymbole déterminé à une per- fbnne , ou qui exprime quelque chofe qui la concerne en particulier \ au lieu que Xemblême eft un fymbele plus général. Ces différences deviendront plus fenfibles , pour peu qu'on veuille comparer Xemblê/ne que nous avons cité avec une devife : par exem- ple , celle qui repréfente une bougie allu- mée , avec ces mots Juvando confumor , je me confume en fervant } il eft clair que ce dernier fymbole eft beaucoup moins gé- néral que le premier. Voyc{ le diâionn. de Trév. & Chamb. (G) EMBLER , v. n. ( Vénerie. ) fe dit de l'allure des bêtes , lorfque le pié de der- rière avance d'environ quatre doigts fur ceux de devant. EMBLOQUER , en terme de Table- tier-Cornetier , c'eft proprement l'action d'applatir dans le bloc entre deux plaques un morceau de corne chaud , tel que pour- roit être , par exemple , un ergot de bœuf. Voyei Bloc & Plaques. EMBODINURE, EMBOUDINURE, BOUDINURE , fub. f. ( Marine. ) On appelle ainfi plufieurs bouts de corde me- nue , dont l'arganeau de l'ancre eft envi- ronné cable ne fè gâte contre le fer. ■ * EMBOITEMENT , f. m. ( Gram. ) c'eft une des fituations d'un corps relative- ment à un autre , auquel il eft uni & contigu j & le terme emboîtement défigne allez par lui-même quelle eft l'efpece d'u- nion ou de contiguïté dont il s'agit. Elle eft telle que le corps qui emboîte fèmble embrafTer le corps emboîté , comme une boîte contient ce qu'on y renferme. Voy. Boîte. Emboîtement , terme nouvellement introduit dans XArt militaire , pour expri- mer l'efpece d'entrelacement que font les foldats d'un bataillon lorfqu'on veut le faire tirer , pour que les finis des foldats du quatrième rang dépaflènt un peu le premier. on le fait pour empêcher que le (Z) E M B îi9 Par le moyen de cet entrelacement , les foldats n'occupent guère qu'un pié dms la file \ & comme les fufils ont environ cinq pies de longueur , ceux du quatrième rang peuvent alors dépafTer de quelque choie le premier. Ainfi l'objet de Xemboîtement eft de faire en forte que le feu des foldats du dernier rang ne puilTe caufèr aucun accident à ceux du premier. Dans cet état , les foldats font dans une attitude fort gênante. Les deux premiers rangs ont un genou à terre , & les jambes entrelacées les unes dans les autres : le troifieme & le quatrième rangs font droits , mais fort ferrés aufîi for les premiers*, de manière que les foldats du troifieme ont les jambes placées dans celles du fécond , & que ceux du quatrième les ont dans celles du troifieme. Les foldats du premier rang ont l'avan- tage de pouvoir fè fèrvir aifément de leurs armes : il n'en eft pas de même de ceux du fécond , parce que l'incommodité de leur fituation ne leur permet guère d'ajufter leur fufil pour tirer for l'ennemi. Le troifieme rang tire auiïi facilement que le premier j mais pour le quatrième , quel- que emboîtement que l'on fafîè , fon feu eft toujours fort dangereux pour la tête du bataillon. L'expérience le fait voir dans l'exercice j car ce n'eft qu'avec un très- grand foin qu'on parvient à faire dépafîèr les fufils du quatrième rang du premier : encore arrive-t-il fouvent , lorfqu'on fa t tirer les foldats , que quelque officier reçoit des coups de feu dans les habits , &: que les foldats des premiers rangs ont les cheveux brûlés. Il eft vrai que ce dernier accident peut s'attribuer aux amorces } mais le premier prouve fofnfamment le danger auquel les officiers fout expofés par le feu du quatrième rang. Pour remédier à cet inconvénient , il ne faudroit dans l'a&ioii faire tirer que les trois premiers rangs \ ou lorfqu'il ne s'agit que de tirer iâns fe join- dre , mettre le bataillon fur trois rangs ? conformément à Xinjiruclion du 14 Mat 1754 , qui porte que toutes les fois que l'infanterie prendra les armes en quelque occafion que ce {bit , elle foit formée fur trois rangs. Voyc^ Evolution. E e 2 no EMB Quoiqu'il paroiffe difficile aujourd'hui de faire tirer quatre rangs à la fois fans incon- vénient , &: qu'on ait imaginé Vemboïte- ment pour y parvenir, on en a pourtant fait tirer jufqu'à cinq autrefois , fuivant la Fontaine. « Pour faire tirer cinq rangs à » la fois , dit cet auteur dans fa doctrine i) militaire , imprimée à Paris en 1667 , »> on fera mettre les deux premiers rangs » à genoux , le troifieme fort courbé , le x> quatrième un peu moins courbé , &: le •» cinquième palfe le bout de fon mouf- » quet pardeilus l'épaule du quatrième yy rang j & ils tirent ainii fans s'offenfer » l'un ni l'autre , comme nous avons ex- » périmenté fouvent. » Doctrine militaire , pag. 449. ( Q ) EMBOITER , v. a£r. ( Comm. ) mettre ou ferrer quelque marchandife dans une boîte , pour la garantir de la pluie , &c. Ce terme fignifie fouvent la même chofe quencaij/èr. Voye[ ENCAISSER. Diâion- naire de commerce , de Trévoux , & de Chamb. (G) Emboîter , ( Hydraul. ) c'eft enchâlTer un tuyau dans un autre } ce qui fe prati- que en pofant des tuyaux de bois ou de grès pour conduire les eaux. ( K ) Emboîter, (à la Monnoie.) c'eft prendre l'acte des deniers de boîte , tant avant qu'après l'efTai. Voye^ Boite Vi V* C C A T EMBOITURE , ( Marine. ) Voyei Eno- CURE. EMBOÎTURE , f. f. terme de Menuiferie , eft une barre de bois de trois ou quatre pouces de large plus ou moins , fuivant l'ouvrage d'épaifTeur &: longueur convena- bles , que l'on met à tenons & mortaifes , &: rainures au bout des planches , lorf- qu'elles font toutes afTemblées &: deftinées pour des portes , des contre - vents , des tables , &c. E M B O I R E , fe dit , en Peinture , lorfque les couleurs à l'huile , avec lef- quelles on peint un tableau , devien- nent mattes , & perdent leur luifànt au point qu'on ne difcerne pas bien les objets. Lorfqu'on peint fur un fond de couleur qui n'eft pas bien fec , celles qu'on met defTus iemboivent eu fcchant. On remédie EMB à cet inconvénient lorfque ce qu'on a peint eft bien fec , en pafTaut du vernis ou uh blanc d'œuf battu deiîus. ( R ) E M B O L I , ( Géogr. mod. ) ville de Macédoine dans la Turquie Européenne j elle eft fituée fur la rivière de Stromona. Long. 41. 38. lat. 40. 55. EMBOLISME , f. m. ( Chronologie. ) fignifie une intercalation. Voye[ les arti- cles Mois & Intercalaire. Les Grecs fe fervoient de l'année lu- naire , qui eft de 3 54 jours :, & afin de l'approcher de l'année folaire , qui eft de 365 , ils ajoutoient tous les deux ou trois ans un embolifme , c'eft- à- dire , un trei- zième mois lunaire :, & ce mois fiirajouté ils l'appelloient embolifmeus , parce qu'il étoit inféré ou intercalé. Harris & Cham- bers. V~oye[ An. Ce mot , ainfî que les trois fiiivans , eft grec , & vient d'?/x£«ÂA«/f , mettre & jeter dedans. Voye[ E M B O L I S M I Q U E. (O) EMBOLISMIQUE , adj. intercalaire , fe dit , en Chronologie , des mois fur- ajoutés que les Chronologiftes infèrent pour former le cycle lunaire de dix -neuf ans. Voyei Intercalaire. Comme dix - neuf années folaires font compofées de 6939 jours & 18 heures, & que dix-neuf années lunaires ne font enfemble que 6726, on a trouvé que pour égaler le nombre des dix-neuf années lunai- res aux dix- neuf folaires , qui font le cycle lunaire de dix-neuf années , il étoit nécefiaire d'intercaler ou inférer fept mois lunaires de 209 jours , lefquels avec les quatre jours bifléxtiles qui arrivent dans cet in- tervalle , font 213, & le tout enfemble fait 6939 jours. Voye^ Cycle. Au moyen de ces fept mois embolifmi- ques ou furajoutés , les 6939 jours & 18 heures des dix - neuf années folaires , fe trouvent à-peu-près employés dans le ca- lendrier. Voye[ Mois. Dans le cours de dix-neuf ans il y a 228 lunes communes , & fept mois embo- lifmiques. En voici la diftribution. Chaque 3e, 6e, 9e, nej J4e ? 17e, & 19e années font embolifmiques , & par conséquent de 384 jours. C'eft la méthode que les Grecs ont fuivie dans le calcul du EMB temps , quand ils fe font fervi de l'en- néadécatéride , ou cycle de dix-neuf ans '■, mais ils ne l'ont pas obfervé conftam- ment , comme il paroît que les Juifs l'ont fait. Les mois emboîifmiques font comme les autres mois lunaires , quelquefois de 30 jours , & quelquefois de 29 feulement. Voy. An. Les épa&es emboîifmiques font celles qui font depuis XIX jufqu'à XXIX ; & on les appelle emboîifmiques ? parce qu'en ajoutant lepafte qui eft xi , elles excé- dent le nombre xxx :, ou plutôt parce que les années qui ont ces épa&es font emboîifmiques , ayant 13 lunes dont la treizième eft embolifmique. Voy. EPACTE. Wolf , élémens de Chronologie , & Cham- bers. Les Turcs ne fe fervent point du mois embolifmique ; aufîî le commencement de leur année eft vague : mais ils ont des jours emboîifmiques. Les 44 minutes dont une lunaifon furpalfe 29 jours ck demi , font environ 11 jours en 30 ans : or les Turcs répandent ces 11 jours fur 30 années lunaires , en forte qu'il y a 11 années qui ont un jour de plus j favoir la 2e. 5 , 7 , 10, 13, 16, 18, 21, 24, 16 & 29, & le commencement de leur année lunaire lie retombe avec l'année folaire qu'au bout de 34 années lunaires , ou environ 33 fo- laires. Au refte , comme l'année lunaire com- mune de 354 jours & l'année folaire tro- pique différent de 1 1 jours 5 heures & 4 minutes , il s'enfuit que pour accorder l'année lunaire avec la folaire , il faudroit ajouter en 100 ans 34 mois de 30 jours & 4 de 31 jours , & qu'au bout de fix fîecles il faudroit encore changer cet or- dre , parce qu'il refte 4 heures 21 minu- tes , qui en fix fîecles font environ un jour. (0) -EMBOLON , {Art milit.) difpofition des troupes chez les anciens , rangées fur peu de front & beaucoup de hauteur. Voy. Coin. (Q) EMBOLUS, (Hydr.) terme latin qui ré- pond à piflon. V. Piston. EMBONPOINT , f. m. ( Méd. ) ce mot s'eft formé de trois dictions 'franc oi- 1 EMB 221 fès ; de la prépofition en , dont Yn fè change en m devant b, de Tadjeclif £o/z, & du fubftantif point ; de forte qu embon- point fignifie Y état d'une perfonne qui eft en bon point , c'eft-à-dire en bon état , en bonne fanté. Quelques - uns écrivent embom- point. Hippocrate donne une très-belle def- cription de Y embonpoint {pnvcept. x. r. feq. ; ) il le fait confifter dans une difpo- fition naturelle bien- proportionnée de toutes les parties du corps , qui font plei- nes de bons fucs , dans un jufte rapport avec les forces des folides qui les contien- nent , dans une vigueur ferme & conf- tante , St clans une facilité à l'exercice des fonctions qui ne s'altère pas aifément. Hippocrate établit auiîi que pour jouir d'un embonpoint complet , optanda efl & ejuf- modi difpofitio qucc aliéna fit ab ingenii tarditate. Saint-Évremond dit de même , « Que pour jouir d'un embonpoint parfait , » une bonne difpofition de lame veut quel- » que chofe de plus animé que l'état tran- » quille. » ^embonpoint , dont on ne juge ordi- nairement que par l'apparence , s'annonce par un vifage plein dont la peau eft affez: tendue \ d'un teint vif &: frais , qui ne fbit que modérément enluminé \ par les membres charnus & peu chargés de graifTe 5 par l'agilité du corps dans fes mouvemens ? &c. V. Santé. On fè fert cependant communément de ce terme embonpoint dans un fèns qui lui eft moins propre : on l'emploie pour expri- mer la conftitution d'un corps gras , replet , qui n'eft fouvent rien moins qu'en bonne fanté ; lorfqu'il eft trop abondant en hu- meurs , même de bonne qualité , en graifïe fur-tout , ce qui fait un état peu favorable à la fanté , lorfque cette conftitution eft fenfiblement défe£tueufe par excès } c'eft: ce qu'on appelle le trop d'embonpoint ? qui dégénère en maladie par les altéra- tions qu'il occafione dans l'économie ani- male. Le défaut ^embonpoint eft aufîi un état contre nature , c'eft la maigreur. Voyei Maigreur. L'un & l'autre vice font produits par celui de la fecrétion du fuc huileux qui conftitue la graiffe , lequel eft trop abondant ou manque dans les 211 E M B réfervoirs qui lui font propres. V. GRAISSE. EMBOSSURE , f. f. ( Marine. ) c'eft un nœud que l'on fait fur une manœuvre , & auquel on ajoute un amarrage. V. CROU- PI A T. On dit faire un embojjure au cable. (Z) EMBOUCHE , adj. (Blafon.)\\ fe dit du bout d'un cornet , d'une trompe , & d'une trompette , qu'on met dans la bouche pour en fonner , lorfque ce bout eft d'un émail différent du corps. Dicl. de Trév. EMBOUCHER , v. a£t. ( Manège. ) terme qui dans fa véritable acception fignifie & défigne non feulement ïaclion de donner un mors quelconque a un che- val , mais Vart de le fabriquer & de l'appro- prier parfaitement à (animal auquel on le dejline. Il eft aufll difficile de fixer avec pré- cision le temps où les hommes ont ima- giné de réduire le cheval & de le maitrifer, en profitant adroitement de la fenfîbilité de fa bouche & de la difpofition de cet organe à fiibir les diverfes impreffions de la main du cavalier , qu'il le feroit de déterminer véritablement celui où nous avons commencé à triompher de cet ani- mal , & à le faire fervir à nos befoins & à notre ufage. D'un côté ces points de faits font enfevelis dans une nuit dont il ne nous eft pas permis de percer l'obfcu- rité j & de l'autre , ce que la tradition nous en apprend , en la fuppofant même dépouillée de toute ambiguité , ne nous conduiroit point exactement au vrai nœud de la difficulté que nous nous proposions d'éclaircir & de réfoudre. Nous ne pou- vons douter que dans la langue des Grecs, une grande partie des termes confacrés à la navigation étoient adaptés à l'équi tation. Nous trouvons dans Suidas celui de %i%.m ou de coureur , également em- ployé pour déligner des vailfeaux légers & des chevaux de courfè. Nous voyons qu'Homère appeîioit les vaiffeaux , des chevaux de mer , atù% Ïttsi : il nomme encore le pilote , le cocher d'un vaijfeau. Pindare , le premier qui parmi les poètes dont les ouvrages font parvenus jufqua nous , ait donné Pégafe pour monture à Bellérophon . & qui ait prétendu que E M B Minerve furnommée par cette raifon Chalinitis , lui a montré l'art de le domter & de lui mettre un frein , ap- pelle lui-même du nom de brides les an- cres qui fervent à fixer les vaùTeaux ; tandis que Nonnus met en ufage le mot tutïml* , qui lignifie frein , pour défi 'mer les gouvernails des vaiffaaux de Cadmus. Or, quand nous ne ferions pas fondés à inférer de ces expreffions avec M. Freret ( voye{ le vol. XIII des Mém. de tacad. des Infcript. & Belles-Lettres , ) que le Pégafe de Pindare étoit conftamment un vahTeau dont Bellérophon s'empara, & la bride prétendue que Minerve lui donna , un gouvernail qu'il conftruifit } & que nous pourrions croire au contraire que ce Pégafe étoit un cheval , & cette bride une forte de mors , nous n'en ferions pas plus fàtisfaits & plus iuftruits , relative- ment à l'époque certaine de l'invention des embouchures , & relativement encore à l'efpece de celle à laquelle ce même Bellérophon auroit eu recours. Des re- cherches fur le genre de ce frein feroient d'autant plus infruâueufes qu'aucun auteur ne nous en offre le plus léger indice , 8c peut-être aufli que fi quelques-uns d'entre eux l'avoient caraciériië par quelques dé- nominations particulières , ce qu'ils nous en auroient dit ne feroit pas plus inftruc- tif que leur filence. Il eft confiant , par exemple , qu'au temps où vivoit Xéno- phon , on embouchoit les chevaux :, non feulement il nous donne des préceptes fur la manière de brider l'animal, infrtnttur ; mais il s'exprime en termes trop clairs & trop pofitifs, pour que nous puiffions ré- fifter à l'évidence de ce fait , ferrum freni Jive lupos. Sommes-nous néanmoins plus éclairés fur la forme de ces loups , ou de ces freins louve tés dont nous parlent encore Ovide , Silius , Horace, & Virgile ? Tempore paret equus lentis animofus'haée- nis Et placido duros accipit ore lupos. Ovid. Quadrupedem fleclit non cedens virga lupa~ tis. Sil. L upatis temperet o ra frenis. Hor. Afper equus duris contunditur ora lupatis, Vixg. EMB Les commentateurs fe font long-temps exercés fur ce point. Si nous nous en rap- portons à eux , & principalement à Ser- vais , nous devons penfer que ces freins hériffés de pointes , ou armés & garnis de dents de loups inégales entre elles , étoient deftinés aux chevaux dont la bouche étoit en quelque façon dépourvue de fentiment. Mais comment , avec quel- que conuoiiîance de la conformation de cet organe , fe perfuader qu'une embouchure de cette forte n'étoit pas plutôt capable de défefpérer l'animal , que de l'affujet- tir ? D'un autre côté , nous voyons dans le tom. IV du fuppl. au liv. de tant* du P. de Montfaucon , un mors de bride antique ; le fer, qui traverfoit la bouche du ciieval , eft terminé d'une part par la tète d'un cheval : or ne pourroit-on pas préfumer avec plus de raifon , que ces mots lupata frena doivent s'entendre d'un frein qui avoit non une tête de cheval, mais une tête de loup à l'une de fes extrémités , ou à chacune d'elles ? Il eft vrai que l'on peut objecter que ce mors prétendu n'en eft point un , d'autant plus que fa confi- guration eft très -extraordinaire ; & dès- lors nous retomberons dans l'incertitude & dans les ténèbres. Tous les pas que nous pourrions faire, nous menant donc au doute & non à des découvertes fûres & avantageufes , je crois qu'il feroit plus fimple & plus naturel de penfer que les premiers peuples , qui inf- pirés par leurs be foins , ont cherché dans le cheval des refTources favorables aux commodités de la vie & du commerce , après l'avoir adouci , & rendu familier , le conduisent d'abord au fon de la voix , & dirigèrent en fuite fa marche à la ma- nière des Numides & des Gétules, appelles par tous les auteurs , ainfi qu'Appien ap- pelle en général les Africains , gens infeia freni , c'eft-à-dire qu'ils guidèrent leurs chevaux avec un bâton , à-peu-près comme bs Maures le pratiquèrent enfuite , & comme quelques-uns le pratiquent encore aujourd'hui. La néceflîté où l'on fut d 'at- tacher le cheval pour le fixer en un lieu quelconque , fuggera l'idée de lui pafîer une corde autour de l'encolure j telle eft celle que l'on obferve au bas du cou du EMB 225 cheval de chaque Maure dans la colonne Trajane. Cette corde lèrvit fans doute infenfiblement de frein j Strabon même nous aiTure que plufieurs Maures em~ ployoient des freins de corde : or quoique celle qui entoure l'encolure ne paroifTe point captiver la tête de l'animal , il eft vraifemblable qu'elle pouvoit faciliter les moyens d'arrêter tk de faire tourner le cheval , puifque nous fournies chaque jour convaincus par nos propres yeux, que des payfans grofîiers maîtrifeut &. foumettent par cette voie leurs chevaux. Le hafard ayant peut-être encore démontré le plus grand empire de l'homme fur cet animal , lorfqu'il eft aifujetti & maintenu par la tête , engagea à tranfporter à cette partie les liens placés au cou j peu- à-peu & à mefure que l'occafion détermina à le re- tenir , on s'apperçut du pouvoir qu'on ac- quéroit fur lui , foit en le faiuftant par les nafàux , foit en contournant cette corde en forme de muferolle ; enfin on parvint à reconnoître vaguement le fentiment dont là bouche eft douée \ delà les brides & les licous dont parle Xénophon , & qui font repréfentés fur les monumens romains. J'avoue qtren confidérant les mors que nous offrent & que nous peignent la co- lonne Trajane , la colonne Antonine , 6c les autres marbres qui nous reftent, tious ne voyons que des mors fans rênes j mais ceux" que nous remarquons fur la colonne de Théodofè en font garnis. Je convien- drai de plus , que les unes & les autres de ces embouchures de métal ou d'une matière quelconque , ne font nullement affemblées à des branches , & que nous ne trouvons pas le plus léger veftige de cette chaîne que nous nommons gourmette ; d'où je conclus que toutes ces additions font poftérieures , &: que nous fournies parvenus au point où nous fommes à cet égard par la même route, c'eft-à-dire par la voie toujours lente du tâtonnement. Quoi qu'il en foit de ces différentes con- jectures , notre unique objet dans cet ou- vrage eft d'être utiles , & non de paroître & de nous montrer érudits. Je dirai donc- que la feience à emboucher les chevaux y eit de toutes le? parties que renferme ta ! feience de l'éperonnier , la plus délicate n4 E M B & la plus épineufe : les autres ouvrages auxquels il le livre , demandent l'élégance dans les formes , la folidité dans la conf- tru&ion , la propreté , le fini dans l'exécu- tion \ mais , eu égard à celui-ci , ces con- ditions ne font pas fuffifantes. Les princi- pes d'après lefquels l'éperonnier doit agir, doivent être néceffairement fondés fur la connoiffance parfaite , Ie. de la conforma- tion de quelques parties du cheval : z°. des fituations refpe&ives que la nature leur a afîignées dans chaque individu : 30. des rap- ports de force , de feufibilité , & de mou- vemens qu'elle a mis entre elles & les autres portions du corps : 40. des effets mécha- niques de cette machine fîmple , deftinée à entretenir comme milieu , l'intime réci- procité du fentiment de la bouche de l'a- nimal & de la main du cavalier } effets qu'il eft indifpenfable d'apprécier, pour fixer avec précifîon les mefùres des parties du mors , mais dont cependant la théorie générale des leviers ne nous donne pas toutes les folutions que nous defirerions , parce qu'il entre dans les calculs auxquels nous nous abandonnons , en la confultant , une mul- titude d'élémens purement phyfiques , dont il eft prefque impoffible de fixer la va- leur. Âufli me fuis-je défendu dans une telle complication , la défunion de ces dif- férens objets. J'ai penfé qu'en ne les fépa- rant pas , & en les préfèntant fous un fèul & unique point de vue , je deviendrois plus intelligible. Voye^ Mors. * Emboucher, v. a&. (Luth.), il iè dit en général des inftrumens à vent } les emboucher , c'eft les appliquer à fa bouche de la manière dont il convient , pour en tirer avec facilité tous les fons harmoni- ques qu'ils peuvent rendre. EMBOUCHURE , f. f. (Manège.) terme fpécialement adopté pour déligner la portion du mors qui eft reçue dans la bouche du cheval , & dont l'effet ou l'im- prefîîon doit fe manifefter précifément fur les barres. Nous trouvons dans Caftella , Grifone , Fiafchi , Cadamufto , Sanfeverino , Carac- ciolo , Maffari , la Noue , la Broue , &c. un appareil énorme & embouchures diffé- rentes , telles que les poires fimples , dou- bles , fecretes , à pas d'âne j les melons E M B doux , ronds , à olives } les campaneïles 'fimples , doubles , à cul-de-barîui , à cul- plat \ les hottes fimples , à balottes en- taillées } les canons à trompe \ les canons montans \ les canons fimples à compas , à cou d'oie , à bafcule \ les demi-canons coudés ouverts à cou d'oie , ou ouverts à pié de chat \ les gorges de pigeon \ les eï- caches à bouton , à bavette , à la pigna- telle j les olives tambours , les pas d'âne , &c. mais nous avons renoncé avec raifon aux frivoles avantages que les anciens fem- bloient fe promettre de leurs recherches fur ce point , & nous avons banni loin de nous cette multitude prodigieufe d'inftru- mens , dont la diverfité des formes & des noms a vainement épuifé leur génie , & qui feroient plutôt capables d'altérer & de dé- truire le fentiment de la partie fur laquelle la main du cavalier exerce fa puifîànce , qu'ils ne nous procureroient les moyens de captiver l'animal fans l'avilir. Je ne fais néanmoins fi notre fupériorité à cet égard eft telle qu'il ne nous refte rien à defirer , & s'il nous eft permis de croire que les principes vagues , qui , relativement à cet objet , font répandus & répétés dans tous les écrits modernes , puiffent conftituer une théorie fuffifante & aufll lumiueuiè que s'ils étoient déduits des effets conftans de la main & des effets certains & com- binés des portions principales du mors. V. Mors. ( e ) Embouchure d'une Rivière , (Ge'og.) c'eft l'endroit par où une rivière fe décharge dans la mer. (Z) * Embouchure y f. f. (Commerce.) il fè dit , dans le commerce des grains , d'une efpece de friponnerie qui confifte à faire que le deffous de celui qu'on vend , ne foit pas aufîi bon que le deffus. S'il y a embouchure au grain , il eft confif- cable. Embouchure , f. f. c'eft , en terme de Chaudronnier & de Luthier , la partie fur laquelle le pofent les lèvres, & d'où: l'on pouffe le vent dans le tuyau du cor , de la trompette , & autres inftrumens fem- blables. Embouchure , f. f. ( Tireur d'or. ) c'eft l'ouverture la plus large des pertuis de leur filière. Voyez Or. EMBOUCLÉ j E M B ÉMBOUCLÉ , adj. (Blafon.) fe dit des Î>ieces garnies d'une boucle , comme font es colliers des lévriers. EMBOUQUER , v. neut. ( Marine. ) on fe fert de ce terme dans les îles de l'Amérique , pour dire qu'on commence d'entrer dans un paffage refïêrré entre plufieurs îles ou des terres , comme on fe fert de débouquer lorfqu'on en veut fortir. V. DÉBOUQUEMENT Ù DÉBOUQUER. (Z) EMBOURRER , v. a<â. terme de Bour- relier , c'eft garnir une Telle de bourre. V. Selle. Une Telle mal embourrée eftfujette à E>leflèr un cheval. * EMBOURRER , v. ad. (Potier de terre.) c'eft réparer ou cacher les. défauts d'une pièce , avec un mélange de terre & de chaux : cela eft défendu. EMBOURRER, v. ad. (Sellier.) c'eft garnir ou de bourre , ou de laine , ou de crin, une Telie , un bât , &c. EMBOURRER , chez les Tapiffiers , c'eft la même acception (Rembourrer chez les felhers ; les tapilliers l'appliquent feu- lement à des meubles , à des lièges , à des matelas , Ofc. ? EMBOURRURE , f. f. ( TapiJJier. ) c'eft la groffe toile qui couvre la matière dont ils embourrent quelques meubles , . tels que les tabourets , les chai Tes , les fauteuils , &c. l'étoffe s'étend enTuite fur Yembourritre. EMBOUTÉ , adj. (Blafon.) fe dit non feulement des pièces qui ont un cercle ou une virole d'argent à leur extrémité , mais encore des manches de marteau , dont les bouts font garnis d'un émail différent. D ici. on. de Trév. EMBOUTIR', (Chaudronn.) Voyei> Amboutir. EMBOUTIR , ( Boutonnier. ) c'eft l'ac- tion de creufer une calotte de quelque métal qu'elle foit , en la mettant fur un tas ( voye^ TAS ) , & en frappant fur une bouterolle (voye\ BoUTEROLLE), pour donner aux calottes la profondeur nécef- faire , & y graver le deflin du tas. EMBOUTIR , terme de Ferblantier ; c'eft faire prendre à un morceau de fer-blanc , taillé en rond , la forme d'une demi-boule , comme , par exemple , les couvercles des Tome XII. ' E M B i2j cafetières , des lampes , des poivrières , &c. ce qui fe fait en frappant avec les marteaux propres aux difïérens ouvrages. EMBOUTIR, (Orfëv.) c'eft enfoncer au marteau ou à la bouterolle , dans des dés de bois , de fer ou de cuivre , les pièces d'orfèvrerie deftinées à la retrainte , ou qui doivent avoir une forme convexe ou concave. ^ EMBRANCHEMENT , f. m. (Char- penterie. ) c'eft ce qui lie les empanons avec le coyer. ^ EMBRAQUER , v. ad. ( Marine. ) c'eft mettre ou tirer une corde à force de bras dans un vaifîêau. (Z) * EMBRASE , adj. (Gramm.) un corps eu embrafe lorfque le feu dont il eft péné- tré dans toute fa fubftance , eft fenfible pourries yeux à fa furface , mais ne paroît plus s'étendre au delà. Voici prefque tous les degrés par lefquels un corps combuf- tible peut pafler , depuis fon ignition ou le moment auquel le feu lui a été appliqué , jufqu'au moment où il eft coniumé. Il étoic froid , il devient chaud , brûlant , ardent , enflammé, embrafe } confumé. Tant qu'on en peut fupporter le toucher , il eft chaud : il eft brûlant y quand on ne peut plus le toucher fans refléntir de la douleur ; il eft ardent y lorfque le feu dont il eft pénétré s'eft rendu fenfible aux yeux , par une couleur rouge qu'on remarque à fa furface ; il eft enflamme , lorfque le feu dont il eft pénétré s'élance & fe rend fenfible aux yeux au delà de fa furface ; il eft embrafe } lorf- que le feu a cefté de s'élancer & de fe. rendre fenfible aux yeux au delà de fa fur- race , & qu'il paro.it feulement pénétré dans toute fa fubftance , à-peu-près comme dans le cas où il n'étoit qu'ardent,- il eft con- fumé y lorfqu'il n'en relie plus que de la cendre. L'acception du fubftantif embra- fement n'eft pas exactement la même que celle du participe embrajé: on dit un corps embrafe y quel que foit ce corps grand ou petit ; mais on ne dit pas Yembrafement d'un petit corps : embrafement porte avec foi une grande idée , celle d'une malîe confidérable de ma'ieres allumées. EMBR ASEMENT , f. m. (Menuiferie.) c'eft une partie de lambris qui couvre l'é- paiffeur des murs, des croifées & des portes, Ff %%6 E M B E'M BRAS S AD E , E M B RAS S E- MENT, iynon. Je penfcrois que ïem- brajfade eir l'action vive des bras , qu'on jette au cou de quelqu'un en démonffra- tion d'amitié. Ce mot va plus à l'empref- fement extérieur qu'aux fentimens de l'ame , & défigne plutôt l'action brufque (Us bras que la cordialité. Les marquis oiiifs , dit Saint-Evrcmond , paient le monde en em- brajfades ; c'eit pourquoi le Miianthrope dans Molière , déclare qu'il ne hait rien tant que ces affables donneurs tfembraf- fades frivoles. EmbraJJementÇ\v\-\\§.e l'aclion d'embraf- fer y de quelque caufe qu'elle parte. Aufii l'on dit également de faints embrajfemens & des embrajjemens mal-honnêtes ^ de tendres & de faux embrajjemens. Les embrajjemens qu'on le faifoit à Rome dans la place publique , n'étoient , ainfi que parmi nous , qu'un commerce de vaines bienféances , où la bonne foi ne régnoit pas davantage. Cette manière ordinaire de fe laluer , devint à la fin fi incommode par le nombre de gens dont on n'ofoit refufer les embrajjemens', que Tibère les délendit par un édit. Cepen- dant cette défenfe plus ridicule que Vem- brajfade ne iubfifïa pas long-temps , puifque Martial fe plaint encore de cette coutume comme d'une étrange vexation. ( de Jaucourt. ) EMBRASSÉ, adj. (Blaf.) fe dit d'un (feu parti , coupé , ou tranché d'une feule émanchure, qui s'étend d'un flanc à l'autre. Domantz , en Allemagne , d'argent , embrajfe de gueules. Embrasser un cheval. (Manège.) Expreffion allez ufuée parmi ceux qui , fans connoifTance des principes de notre art, décident des difpolitionsrequiiès pour y faire des progrès , & croient pouvoir en juger par i"ihrpection feule de la taille : vn homme très-grand embrajje beaucoup mieux un cheval qu'un autre. Tel eu le principe fur lequel ils étalent & fondent leurs prédelions , prefque toujours démen- ties par l'événement ; car il eft très-rare que ci lui qui ne fera que d'une- raille mé- diocre, r.e l'emporte pas, foit du coté de la fermeté & de la tenue , fbit du côté de la fineffe & de la préciûon. E M B Quelques-uns s'expriment encore ainfî , en parlant d'un cavalier qui ferre médio- crement les cuijfes , Ù qui tient fes jambes très-près du rentre de [on cheval. L'idée de la fignification du mot embrajfcr feroit peut-être plus nette , s'ils difoient que le cavalier ne peut parfaitement bien embrajfer fon cheval qu'autant que les cuiffès font exactement tournées , & que le tronc porte véritablement fur l'enfourchure. Voye\ Position. Les auteurs du dictionnaire de Trévoux femblent n'adopter ce mot que dans le cas oîi un cheval maniant fur les vol 'tes y Jait de grands pas & embrajfe bien du ter- rain ; c'efî le contraire de battre la pou- die , qui fe dit lorfque le cheval ne fort prefque point de fa place. , En premier lieu , l'expreflion d'embraf- fer le terrain n'eft point reflreinte aux feules voltes , ni aux fèuls changemens de main : nous l'employons pour défigner un cheval déterminé par le droit; ce cheval embrajfe franchement & librement le ter- rain qu'il découvre devant lui. En fécond lieu , on ne doit pas croire que le cheval foit contraint fur les voltes pour embrajjer bien du terrain , de faire de grands pas : ce bien du terrain ne confifîe que dans l'el- pace néceffaire pour que le cheval ne fe rétreciilè point ( Voye\ RÉTRÉCIR ) , & qu'il avance toujours infenfiblement à chaque temps ; car fi ce bien du terrain étoit indéfini & n'étoit point limité , il s'enfuivroit que l'animal faufTeroit les lignes qu'il doit décrire , & s'élargircit trop. ( Vcye \ ELARGIR.) Quant aux grands pas délires par les auteurs de ce vocabu- laire , comme tout cheval qui manie , doit indifpenfablement obfcrver une cadence jufte , il ne s'agit point de Pimmenfe étendue de fa marche & de fon action qui doit être foutenue & mefurée fans être prefiee ; d'ailleurs en faifanr des pas aufii grands , il ne feroit pas poliible que rani- ma! travaillât avec grâce , d'autant plus que tous ceux dont nous ne modérons pas les nu uvemens , fe jetrent toujours & fe précisent fur les épaules. Ajoutons en- core que fi , lorfqu'ils chevalent , nous les obligions à croifer , pour ainfi dire , de manière à porter la jambe qui paife fur EMB l'autre , fort en dedans du terrain qu'ils doivent embrajjer, celle qui le trouveroit defious auroit une peine extrême à le dé- gager , la pofition de l'animal feroit très- incertaine , & il s'entableroit incontesta- blement à l'effet d'éviter fa chute. Enfin c'efl le contraire de battre la poudre y qui fe dit lorfque le chevaine fort prefque point de fa place. L'expreffion de battre la pou- dre , n'a point la lignification qu'on lui donne ici ; par elle nous délignons un cheval qui trépigne , c'elf-à-dire , un che- val qui étant retenu en une feule & même place , & ayant beaucoup d'ardeur , fait de vains efforts pour en fortir , & fe re- mue fans celle & avec plus ou moins de vivacité ; mais le mouvement de (es jam- bes ne part alors qu'imperceptiblement de fes épaules , & paroît ne dériver que du genou ; car s'il étoit tel que toute l'extré- mité fût dans une agitation fenfible , l'animal ne battroit pas la poudre & ne trépigneroit pas , mais il piafferoit. Nombre de chevaux, foit par ardeur , foit par molleffe , trépi- gnent & battent la poufliere dans les piliers , au lieu d'y piaffer. Voye\ PlLlERS. C'en efl affez de ces définitions pour indiquer le véritable fens du mot zmbrafjer, & pour fauver des efprits trop crédules des erreurs dans lefquelles ils pourroient tomber , en fe perfuadant que de certains écrivains n'i- gnorent rien , par la feule raifon qu'ils parlent de tout. ( e ) EMBRASSER , terme d'Aiguilletier ; c'elt entourer près de (on extrémité un ruban de fil , de lame ou de foie , avec un petit morceau de laiton ou d'argent , que l'on ploie fur le ruban , au moyen d'une enclume crenée & d'un marteau , en forte que le morceau de laiton forme un anneau ou frette qui embraffe le ruban ou cordon ; on éfile enfuite la partie du ruban ou cordon qui palîe outre l'anneau qu'on ap- pelle fer a embraj/er : ce qui fe fait poul- ies premiers , en retirant les fils de trame, en forte qu'il ne relie plus que ceux de la chaîne pour les féconds , en démêlant les fils qui compolent le cordon. EMBRASSEUR , f. m. (Fonderie des Canons. ) Les Fondeurs appellent -ainfi un certain morceau de fer qui embrafîè en effet comme avec deux mains les touril- EMB 227 Ions de la pièce de canon , Iorfqu*on I'cleve dans le chaflis de l'ajéfoir pour agrandir Ion calibre. Voye\ ALÉSER , AlÉSOIR. Dicl. de Trévoux. EMBRASSURE, f. m% en Architecture, efr un chaffis de fer qui fe met au deffous eu plinte & larmier du plus Haut d'une cheminée pour empêcher qu'elle ne s'écarte ; embrafjure fe dit aulli d'un morceau de fer dont on entoure une poutre pour l'empê- cher d'éclater. ( P ) EMBRASSURE , (Fonderie.) Les Fon- deurs appellent ainf plufieurs barres de fer bandées avec des moufles & des clavettes y avec lelquelles on enferme tous les mur» des galeries par leur pourtour. Voye\ FON- DERIE. f EMBRASURE , f. f. en Architecture, élargiffement d'une fenêtre ou porte en dedans du mur. Elle fert à donner plus de jeu pour ouvrir les fenêtres , les guichets , volets , &c. ou pour fe procurer le plus de jour qu'il elf poffible quand les murs font fort épais : on pratique quelquefois des embrafures en dehors. (P) Embrasures , ( Fomficat. ) Voye^ Batterie. EMBREVEMENT , f. m. en terme de Charpente , elf l'entaille que l'on pratique dans une pièce de bois pour y retenir le bout d'une autre pièce qui emporte une troiiieme , pour donner plus de force au tenon. EMBROCATION,f.f.w^^ Chirurgie y efpece d'on&ion ou d'arrofe- ment qu'on lait fur une partie avec des, huiles , des baumes , des onguens , &c. Après l'opération de la taille ou du bubo- n ocelle , on fait fur le bas-ventre du ma- lade une embrocation. avec l'huile rofat tiède , on applique une grande compreîfe nommée ventrière, qu'on recouvre d'une flanelle trempée dans une décoction émoî- liente. On fait des embrocations avec l'on- guent de flyrax fur les taches ou échy- mofes des fcorbiuiques , &c. Embrcca- tion fe prend aulil pour le remède def- tiné à appliquer de la manière ci-deflûs. m EMBROCHER , v. act. (Cuifine. ) c'elt traverler d'une broche. Il faut pour qu'une pièce foit bien embrochée , que Ff 2 n8 E M B. E M B quand la broche eft placée horizontale- ! rudimens du corps d'un animal renfermas ment, & qu'elle tourne fur elle-même le poids qui eft d'un côté de la broche , Toit toujours égal au poids qui eft de l'autre côté, fans quoi la broche tourneroit llir elle-même inégalement , & par des faça- des qui ébranleroient la pièce & qui la feroient tourner fur k broche. Pour obvier à ces inconvéniens , on a des broches qui font percées d'ouvertures quarrées , dans le milieu de leur longueur & fur leur côté plat ; on patte à travers la pièce embrochée & par ces trous , une autre petite broche qui fi>e la pièce fur la grande broche , & qui l'empêche à la vérité de tourner fur cette grande broche , mais non de faire tourner cette grande broche inéga- lement ; l'accélération du mouvement fe trouvant toujours du même coté , il s'en- iùit que la pièce eft prefque toujours mal cuite, quand elle a été mal embrochée. EMBROUILLER les voiles , ( Marine. ) terme impropre dont on fe fert quelquefois pour dire arguer ou ferler les voiles. Ce mot vLnt de celui de breuils dont quelques marins fe fervent pour dire cargues. (Z) EMBRUMÉ , adj. (Marine.) Temps embrumé, c'eft-à-dire , que le temps eft chargé d'un brouillard aflèz épais pour empêcher de voir autour du vaifleau. Terre embrumée , c'eft-à-dire , couverte d'un brouillard qui a empêché de la bien reconnoître. (Z) - EMBRUN ou AMBRUN , ( Géogr. mod. ) ville du Dauphiné en France ; elle eft fituée proche de la Durance fur un rocher efearpé. Long. 24e1 9' o" Plat.^d 34' o". EMBRYON, f. m. (Phyf.) Ce mot vient de kv , dans , & de favur, croître , pulluler ; c'eft le nom que les médecins grecs ont donné au fœtus , parce qu'il eft renfermé & prend accroiffement dans la matrice : on n'eft pas cfaccord furie temps pendant lequel on peut le défigner de ce nom. Quelques-uns, tels que Marcellus, iib. de Joeturd hominis , prétendent qu'il lui convient pendant tout le temps qu'il eft contenu dans ce vifeere : d'autres , tels que Drelincourt , périoch. 55, n'emploient le terme à' embryon que pour exprimer les dans un' œuf dont le placenta n'a pas encore jeté des racines , pour l'implanter dans la matrice ; & dès que le placenta, y eft attaché , ils donnent à l'animalcule le nom de fœtus : Boerhaave Infl. med. phyfiolog. & M. Fizes, profefleur de Mont- pellier, de hominis generatione exercitatio 9 . n'emploient auiii le terme d'embryon , que pour l'animalcule dont i'accroifiement-com- mence dans la matrice ; dès qu'il eft bien développé , ils l'appellent conftamment fœtus , & ne fe fervent plus du mot e m- bryon , quoiqu'ils emploient celui de fœtus comme iynonyme à" embryon , & appellent également fœtus l'animalcule dès les pre- miers temps après la conception, (d) Nous avons dépouillé avec beaucoup de peine les meilleurs auteurs ; & en y com- parant ce que nous avons vu nous-mêmes dans l'homme & dans l'animal , un précis des commencemens du nouvel animal , de (es accroiffemens fucceflifs , & de la for- mation fucceffive de fes p'arties , on fera peut-être furpris de nous entendre avouer que nos peines ont été inutiles, & que , ni les melures , ni les poids , ni le degré de perfection des parties ne fauroient être réduits à des époques sûres. Dans la femme , la caufe de la difficulté n'eft point obfcure : elle ignore ordinai- rement qu'elle ait conçu , ellenelefoup- çonne que par le moyen des règles. L>'ail- leurs , les occafions d'ouvrir des femmes, qui n'ont conçu que depuis peu, font très- rares ; & quand elles fe trouveroient , on ignoreroit également le jour que ces fem- mes auroient conçu. Pour les œufs humains, qu'il eft encore affez facile de fe procurer par le moyen des fages-femmes , ce font des avortons , & la nature a manqué de moyens néceffaires pour les perfectionner & pour les çonferver en vie. On y voit quelquefois une difproportion extrême entre la groflêur de l'œuf & celle du fœtus , & on peut juger avec quelque cer- titude , que ces fœtus ayant perdu la vie par quelque accident , ou par quelque maladie , l'œuf a continué d'être nourri par les humeurs que la mère a fournies au chorion & au placenta naiffant ; mais que le fœtus eft relié tel qu'il étoit au E MB •moment de fà mort. En effet , il n'y a aucune proportion d'un fœrus de trois grains au temps de dix femaines écouté depuis fa conception ; ni du poids de quatre grains qu'avoit le fœtus , à quinze & à dix-huit drachmes que peloient l'eau de l'amnios & les enveloppes. On a vu encore un fœtus de trois mois , qui ne pefoit pas un grain d'orge , & un autre qui n'en pefoit pas trois. D'un autre côté , ileff arrivé par quelque raifonque nous neconhoiflbnspas au juite , que le plus grand nombre d'auteurs ont donné à leurs fœtus un accroifîement & une proportion qui ne quadrent pas avec l'é- poque de leur conception : c'eftfur-toutle défaut de Kerkring. Mauriceau a fait graver des œufs humains d'un jour , de deux jours , Ùc. qui certainement ne font pas des œufs , & qui ne peuvent être que des hydatides , ou des reftes d'un placenta véficulaire. On eff aflez d'accord que les véhcules de Graal ne lont pas de véritables œufs comparables aux œufs des oiieaux. Leur diamètre efl proportionné à celui des trompes : ils font trop attachés au parenchyme des ovaires pour s'en détacher fans le rompre : on a fait voir , qu'après la conception > la véficule refte dans l'ovaire des quadrupèdes ; qu'elle y paroît déchirée ; qu'on y trouve un peu de fang répandu par cette déchirure ; qu'elle s'y remplit d'un parenchyme , & devient à la fin ce corps jaune , qu'on a cru précéder la conception. Les œufs de Mauriceau font calqués évidemment fur ces véficules qui ne font pas des œufs. D'ailleurs les quadrupèdes, plus .fournis aux loix exactes de la nature , & qui con- çoivent le plus fouventpar le premier mâle ■qui a fu faifir le moment favorable , prou- vent évidemment que l'accroifîèment & le perfectionnement de f 'embryon eu beau- coup plus tardif, que ne l'ont fuppofe les auteurs dont nous différons. A peine trouve-t-on au dix-feptieme jour dans la brebis les premières apparences d'un em- bryon : lans le fecours de l'efprit-de-vin , on ne croiroit voir qu'une mucofité , lors- qu'on y apperçoit le chorion & l'allantoïde. Dans la femme ces apparences ne doivent pas être plus précoces ; fi l'homme pefç EMB n9 trois fois autant que le mouton , la groffefle dure une fois plus dans la femme, que l'état de gravidité dans la brebis. L'œuf d'Hippocrate , ou de l'auteur de. la nature de l'enfant, n'a certainement pas été le fruit d'une conception qui Ce (croit faite fix jours auparavant; la danfeufe avoit joui long-temps auparavant des plaifirs dont cet œuf étoit le fruit. Martian a déjà remarqué qu'un avorton de trente jours n'avoit ni plus de grandeur , ni plus de perfection que cet œuf de fix jours , & Harvée nous a avertis qu'il ne faut pas ef- pérer de découvrir l'embryon humain avant la fin du premier mois de fou exiflence. L'homme , & fur -tout le phyficien moderne, voudroit trouver les melures jufles , èc les chiffres qui les expriment. Nous n'efpérons cependantpas qu'on puiffè jamais fixer le jour des premiers accroi ffe- mens de l'embryon de l'homme. Le feul moyen d'en approcher , ce feroit d'ouvrir fréquemment , & de difTéquer exactement des quadrupèdes , dont le terme de la dé- livrance feroit à-peu-près égal à celui de la femme : on ouvriroit des vaches , par exemple, quoique leur terme foit un peu plus long ; en les prenant à un jour , à deux , à trois , à quatre de leur conception , & jufqu'au quarantième , après lequel le fœtus efl trop avancé pour qu'il y ait lieu à des doutes. On apprendroit par cette recher- che le jour auquel l'œuf commence à pa- raître , le jour où le fœtus eft devenu vifible , le jour où le cœur & les autres vifeeres fe lai (lent apperce voir , le jour où le fang , la bile , les yeux , le foie ont acquis leur couleur naturelle; on pourrait fixer les mefures de l'embryon nouvelle- ment devenu vifible , les accroifîèmens de l'embryon entier & de chacun de (es membres. On a fait un cours d'expériences dans les mêmes vues , mais le mouton efl plus petit que la vache , & peut-être des re- cherches multipliées dévoilcroient-elles- une plus grande portion du travail de la nature. Pour ne pas renvoyer cependant le lecteur à une époque qui peut - être n'arrivera jamais , nous allons rapporter *JÔ ce qui nous paroît mériter de la con- fiance. La première apparence de Y embryon des quadrupèdes eft une glu tranfparente , une cfpece de gomme dans fa ténuité na- turelle , lorfqu'elle eft mêlée dans l'eau fans être en iblution. Le premier jour qu'on a pu découvrir ¥ embryon d'un qua- drupède , a été le quatorzième dans une chatte , & le dix-feptieme dans une brebis. On avoit découvert la gelée animale avec des enveloppes encore pulpeuies dans la brebis , dès le quinzième jour. Dans la truie , dont la gravid'ité eft moins longue , Coiter a vu l'embryon dès le deuxième jour. Nous avons été moins heureux. Le dix-neuvieme jour , Y embryon de la brebis étoit perfectionné , les mem- branes étoient cylindriques , l'amnios long & grêle , Y embryon replié fur lui-même , des taches marquoient la place des yeux , le foie étoit viable , mais fans couleur encore. Le vingt & unième la bouche étoit ou- verte , des lignes tranfverfales marquoient la place des côtes , les vifeeres étoient recouverts par des chairs ; on appercevoit les commencemens des extrémités , le cœur étoit rouge & pointu , le foie appa- rent. Le vingt-deuxième on apperçut les deux artères ombilicales , la veine & l'ouraque. Harvée a donné le nom de valife ou de porte-manteau à l'œuf des quadrupèdes y il a parlé d'après la nature ; cet œuf eft long & cylindrique : & tout obfervateur qui parle d'un œuf quadrupède ovale , a vu quelque autre objet. Dans la femme , Ruyfch a vu un em- biyon fans forme , blanc & muqueux , qui s'eft évaporé à l'air, fans prefque laifter de refte. L'œuf de la femme eft conftamment velu. Santorini a vu un œuf humain de dix jours , Heifter un de vingt-huit jours qui n'étoit pas plus gros qu'une noiiètte. L'œuf d'un mois , dont parle Riolan , étoit de la grandeur d'une noix ; & le fœtus , de celle d'une fourmi. Uembryon d'un mois de Smellie , ne paflbitpas le volume d'un grain de froment. E M 3 A quarante jours l'œ-f atteint la gran- deur de celui d'un pigeon, il la pailê même. Le poids du fœtus étoit d'environ cent grains , mais il étoit formé , il avoit même la marque du fexe. A quarante-cinq jours l'œuf a été de la grandeur de celui d'une poule , le fœtus formé & les doigts féparés. Au delà de ce terme, ,1e fœtus n'eft plus appelle embryon. ( H. D. G. ) Ruyfch , cur, renouv. dit avoir vu dans une femme qui avoit tout récemment conçu , un embryon qui n'étoit pas plus gros que la tête d'une épingle ordinaire : Hartman ? cph. nat. cur. rapporte en avoir vu un de la grofTeur d'une graine de pa- vot. Mattmugham, comp. ob/i. afiure qu'un embryon de iix jours eft du volume d'un grain d'orge. Dodart , hiftoire de V Aca- démie des feiences ijoi , fait mention d'un embryon de la longueur de fept lignes , dont on commençoit à diftinguer les mem- bres. Moriceau , dans les obfervations , dit en avoir vu un dans les eaux de l'œuf, de trois ou quatre femaines , qui étoit à-peu- près gros comme une fève. On trouve dans les auteurs un grand nombre d'obfer- vations de cette efpece qui ne s'accordent point entr'elles , & qui prouvent une grande variété dans les dimenlions de Y em- bryon , pendant les premiers temps de Ion accroiffement, puifque Moriceau rapporte une obfervation d'un fœtus qui n'étoit pas plus gros qu'un grain d'orge , au bout de deux mois de groflefre bien avérée ; on ne peut donc avoir rien de sûr à cet égard , parce que l'accrohTement de Y embryon ne le fait pas toujours en proportion du nom- bre de jours qui le font écoulés depuis la conception ; ces progrès dépendent plus vraifemblablement de la nature de la ma- tière alimentaire qui lui eft fournie , & de la force avec laquelle elle parvient jufqu'à lui. Voye\ FŒTUS; voye\ auffi la lavante note première d'Haller fur le § 6j$. Infiiu med. Boerhaave. Ariftote donne louvent aux fœtus des animaux , & Théophrafte aux femences des plantes , le nom d'embryon : en quoi ils ont été fuivis par la plupart des auteurs modernes. ( d) Embryon , (Jardinage.) Ceft le haut E M B du piftil où eft le fruit de la graine. Voye\ EXAMINES. EMBRYOTOMIE, f. f. Embryolo- mia. , en terme de Chirurgie } opération qui confifte à couper le cordon ombilical d'un enfant qui vient de naître, & à le lui lier en fui te. Ce mot eft formé du grec ?u&pjov , foetus y & r«/4f«, je coupe. Chambers. Le mot embryotomi a plufieurs ligni- fications ; il dénote la diiîêction anatomi- que d'un embryon ; il peut lignifier auili l'opération par laquelle on coupe en pièces un fœtus mort dans la matrice , pour pou- voir le tirer du ventre de la mère. Voyc\ Couteau a Crochet , & Crochet. Ces deux interprétations paroifTent plus na- turelles que celle de M. Chambers. ( Y) EMBRYULKIE, f. t MmbryvUù** en terme de Chirurgie , c'eft l'opération par laquelle on tire l'enfant du ventre de fa mère. Voye\ OPÉRATION CÉSA- RIENNE. Ce mot eft formé du grec 'ntfip* , fœtus > & de îÀJifir , tirer. Ce que les Grecs appellent embryulkie , les Latins le nomment epération ce'fa- rienne ; & M. Dionis obferve que ce der- nier terme ne s'eft introduit , &: n'a prévalu qu'à caufe qu'il eft plus facile à prononcer que l'autre. L'étymologie du mot embryul- kie ne dénote pas cette interprétation , & il femble que ce terme d'art devroit figni- fier l'extraction de l'enfant du ventre de la mère , dans un accouchement contre nature. (Y) Embryulkie, (Man. Marïch.) mot formé & dérivé du grec ïp&fvw, embryon y & de «a -.e v, extrahere } tirer. Dionis a donné ce nom à l'hiftcroto- mie , vulgairement appellée opération ce'fa- rienne ; d'autres ont prétendu qu'il fignifie l'extraction d'un enfant dans un accouche- ment contre nature. Nous l'enufagerons ici dans le fens que lui ont prêté Fanatomifte & l'operateur , fans perdre notre temps à examiner le fond de la conteftation & lans prétendre la décider. Il paroîtra fans doute fmgulier que j'en- treprenne d'enrichir l'hippiatrique d'une opération jufques ici uniquement réfèrvée à la Chirurgie. Si l'on compare cepen- E M B 251 dant les difficultés qu'elle préfénte , & les craintes qu'elle infpire naturellement aux praticiens les plus hardis , lorfqu'il s'agit de la tenter fur une femme , dans l'inten- tion de fauver la mère & l'enfant , ou l'un ou l'autre , avec la facilité & Faffurance que le maréchal doit avoir en la prati- quant fur la jument ; je fuis perfuadé qu'elle trouvera parmi nous autant de partifans qu'elle a eu de contradicteurs relativement à l'efpece humaine. Le cas dans lequel je la propofe, n'eft pas précifément celui où le fœtus a une peine infinie à fortir par le vagin ; je la confeillerois principalement dans la cir- constance où la mère, prête à mettre bas , feroit furprife par une maladie formidable & déiefpérée ; alors il me femble que , fans attendre l'événement funefte dont nous portons un pronoftic jufte & affuré , on pourroit aifément fe difpenfer d'abandon- ner le poulain à fon fort. Pour en faire l'extraction , renverfez la jument avec toutes les précautions poffi- bles ; on la couchera fur le dos , & on Faffujettira de manière que, ni le maréchal , ni (es aides puiffent en être bleffés. Faites enfuite une incifion cruciale à la partie moyenne & inférieure de l'abdomen ; cette incifion fera d'environ un pié & demi , & le terminera aux os pubis. Les gros intes- tins fe préfenteront inconteftablement, & les efforts occafionés par les vives dou- leurs auxquelles la jument fera en proie, les poufferont encore hors de la capacité. Faites-les donc écarter, vous appercevrez bientôt l'utérus ; pratiquez-y une ouver- ture qui réponde à la première ; mais ufez de beaucoup de circonfpection pour ne pas porter atteinte au poulain : ouvrez aufli-tôc encore les membranes qui le renferment * les eaux qu'elles contiennent s'épanche- ront , & vous retirerez fur le champ l'a- nimal. Cette opération nous impofè nécefîâire- ment l'obligation d'en pratiquer une fé- conde promptement & fans différer. Il s'agit découper le cordon qui le tient aflu- jetti au placenta, & d'en faire la ligature. Dès le premier inftant de. fa naifîance , l'homme paie une forte de tribut à la chi- rurgie , par le befoin qu'il a de la main du 132 E M B chirurgien ; fans cette fection & fans cette ligature , il ne fubfifteroit en effet que quelques momens. La nature , dans les animaux , a pourvu à cet inconvénient en Suggérant à la femelle qui met bas , l'ins- tinct de mâcher le cordon ombilical pour le couper : elle ne fauroit y parvenir qu'a- près un certain temps , attendu la confif- tance membraneufe de ce même cordon , & la force de fon tifîu ; & ce n'efl que parce qu'il a été extrêmement froiffé & contus , que les parois des artères ombi- licales font afFaiflees & prifes les unes dans les autres ; de manière que leur cavité étant , pour ainfi dire , effacée , le fang ne peut plus fe frayer aucune ifiùe en dehors iorfque la ièction a été faite. Ici nous devons agir au défaut de la mère qui n'exifte plus ; on fe munira d'une quan- tité fuffifante de gros fil que l'on pliera en cinq ou fix doubles de la longueur d'en- viron un pié , & que l'on aura eu foin d'arrêter aux deux extrémités par un nœud à chacune d'elles. Ce fil ainfi préparé , on liera le cordon à environ quatre ou cinq pouces du corps du poulain , de façon qu'il ne foit ni trop ni trop peu ferré ; la liga- ture maintenue par des doubles nœuds répétés à mefure des entortillemens , on coupera le cordon trois pouces au defTous , & l'on obfervera que cette fection ne foit fuivie d'aucune effufion de fang : fi l'on çn apperçoit , on refferrera les fils , & les trois pouces de longueur que l'on laiffe en deçà , ferviront à placer une féconde liga- ture , fi la première étoit abfolument in- fuffifante. Du refte ce n'eft que par cette rnifon que j'ai fixé en quelque forte les mefures ; car à quelque diitance que foient faites & la ligature & la fection , la nature fur laquelle nous devons nous repo- fer du foin d'achever & de perfectionner l'ouvrage , opère toujours la Séparation du cordon à fa fortie de l'anneau ombilical , & au niveau du tégument ; cette fépara- tion a lieu en huit ou dix jours plus ou moins , & nous devons graiffer l'excédant du cordon , avec du beurre , du fain- doux, &c. On conçoit au furplus , que le fiiccès de Vembryulkie dépend de notre attention à prévenir la mort de la jument. Plus nous E M B attendons , plus le fœtus eft débilite ; & fi la mère eft morte , il eft certain que nous avons d'autant moins de temps à perdre , que le poulain ne lui furvivroit que quelques mftans. Il ne fera plus ques- tion enfin que de procurer à l'enfant les moyens de s'alaiter , & d'entretenir une vie que le maréchal vient en quelque façon de lui rendre, (e) EMBUE , f. fém. voye\ EMBOIRE. {Peinture.) ? EMBUSCADE , f. f. {Art militaire.) c'eft une troupe de gens armés , cachés dans un bois , un ravin , un foffé , &c. pour furprendre d'autres troupes qui doivent parler dans le même lieu , & qui rie fe doutant point d'être attaquées , font fùr- prifes & défaites aifément. On appelle aufli embufeade y le lieu où les troupes font cachées. Les remèdes & les précautions pour ne pas tomber dans les embufeades y font faciles à trouver. Il faut ne point marcher avec trop de fécurité , mais s'avancer en ordre de bataille , & en faifant reconnohre le terrain devant foi à droite & à gauche par de petits détachemens. Il faut charger des officiers intelligens de ces détache- mens , afin que tous les lieux par où la troupe doit paffer , foient fouillés exacte- ment. Il n'y en a aucun à l'abri des xm- bufeades y parce que le terrain a beau être uni , il s'y rencontre toujours quelques inégalités , comme de petites élévations , des chemins creux , &c. dont l'ennemi peut profiter pour fe cacher. Il eft d'au- tant plus important à un officier qui com- mande une troupe , de bien prendre fes précautions fur ce fujet , que celui qui tombe dans une embufeade y fournit , dit M. Defolard, un fonds inépuilable de chan- fons , de plaifanteries & de bons mots qui ne finiffênt point ; & cela, dit cet auteur , parce qu'il n'y a que des fots ou de francs étourdis qui puiffent y donner. (Q) EMBUVER, {Maréchallerie.) Voye^ Abreuver. EMENDALS, f. m. (Comm.) c'eft un vieux mot dont on fe fert encore en Angleterre dans les comptes de l'inner-"- temple , où tant d'ine'mendals au bout d'un EME & même tout l'hiver , lorfque cette EME i37 faifon n'eft pas féroce. En général , il eîl à obferver que les feuilles des bourgeons qui ont pouffé les derniers , réfiftent mieux aux gelées ordinaires que celles des bran- ches de l'été , apparemment parce qu'étant encore dans leur jeuneffe & leur vigueur , leur pédicule tient plus fortement au bourgeon , peut-être auffi parce que leurs fibres font plus élaftiques que celles des feuilles plus âgées. Voye\ V article ARBRE, On forme des haies charmantes avec les emerus ; mais pour qu'elles garniffenc bien , il faut les paliffer les deux premières années , & ne les tondre que la troi- fieme : on en fait auffi de belles boules propres à orner les plate-bandes & les lieux les plus foignés des jardins ; mais on les élevé difficilement fur une tige uni- que. V emerus n°. i peut être placé comme un très-joli buiffon en troifieme ou qua- trième ligne dans le bofquet de mai ; & le /2*. 2 en première ou féconde ligne , avec des arbriffeaux de même croiffance qui puifîênt contrafler par la couleur de leurs fleurs : comme leur feuillage efl d'un verd tendre & riant , qui fe nuance à merveille avec les fleurs jaunes qu'ils pro- duifent fouvent , comme nous l'avons dit, à la fin de l'été & en automne, ils peuvent être employés dans les bofquet* de ces faifons , & ils y feront d'un très-bel effet. Ils fe multiplient par leurs graines femées en mars ; mais ils fructifient rarement : on peut aufli les élever de boutures faites au printemps , quelque temps avant la poufle , dans une bonne terre fraîche à Pexpofition du levant , ou par les marcottes en juisr; mais , pour peu qu'on foit fourni de vieux pies , ces moyens de multiplication de^ viennent inutiles , par la quantité d'écuyers & de furgeons qui pouffent à l'entour , & qu'on enlevé pour planter où on veut les avoir. .Comme le bois des emerus fè chancit aifément , nous nous fornmes très-bieiï trouvés de ne les tranfplanter qu'en mars ; mais alors il convient de plaquer autour , de leurs pies des gazons épais d'un pouce ou d'un pouce. î , tournés fèns deflùs d*£- fous- 238 E ME Qu'on joigne à cette précaution quel- ques arrofemens , dans le cas où la féche- reffe aura duré afîez long-temps pour pé- nétrer fous cette couverture ; on affurera la reprife , & l'on favorifera même fin- guliérement la connoiffance de ces arbuftes qui fleuriront dès le mois de feptembre fùivant. Uémerus n°. i croît de lui-même fur le mont Jura, dans les parties ombragées; nous ignorons fi l'autre s'y trouve. Le n°. 3 n'eft qu'une plante herbacée & annuelle qui croît aux Indes orientales & à la Véra-Cruz dans la nouvelle Efpa- gne. Sa graine doit être femée dans un pot fur couche , & les jeunes pies de- mandent le traitement convenable aux arbres exotiques des pays chauds. C'eft tout ce que nous devons dire de cette troifieme efpece d'émerus , qui ne peut fervir qu'au perfectionnement des collec- tions. Le nom d'émerus a été donné à ces plantes par Théophrafte, & a été enfuite adopté par Caefalpin. ( M. le baron de TSCHOUDI. ) ÉMESE , ( Géogr. anc. & mod. ) ville de la Syrie en Afie; elle eft maintenant dans le gouvernement du bâcha de Damas. Il y a encore aujourd'hui des ruines qui annoncent une ville anciennement opu- lente. On croit que c'eft l'Emath de l'écri- ture-fainte. ÉMETIQUE , ( Thérapeutique. ) voye\ Vomitif. • ÉMETIQUE (Tartre.) Chymie^ Ma- tière me'dic. Voyez fous le mot T ART RE. ÉMETTRE, ( Junfprud.) fe dit en par- lant de certains ades ; comme émettre un appel fimple ou un appel comme d'abus, c'eft interjeter un appel. On dit d'un religieux qu'il a fait Ces vœux ; mais en parlant de fade par lequel il les a proférés , on qualifie ordinairement cet a&e d'émijfîon de vœux. {A) ÉMEU ou EME. Voye\ Casoar. ÉMEU owEME , f. m.(Hift. nat. Ornith.) oifeau des Molucques, qui a jufqu'à cinq pies de hauteur ; fon corps depuis ï'eftomac jufqu'au croupion a trois pies de long ; la tête eft petite eu égard à fa taille , elle eft dégarnie de plumes , & d'une couleur EME bleuâtre, (es yeux font grands & très- vifs : au defîùs du bec font deux ouver- tures qui fervent de narines ; fur la tête eft une efpece de couronne d'un jaune- foncé qui defeend jufque fur le bec ; il la perd tous les ans avec {es plumes dans le temps de la mue. Le cou eft garni de deux peaux rouges femblables à celles des coqs-d'Inde; fes cuiffes font charnues & couvertes d'une peau écailleufe ; les pattes font grofTes & garnies de cinq ergots cou- verts d'écaillés très-dures : il refTemble affez à une autruche , de Pefpece de laquelle il eft peut-être ; Ces plumes font noires & rouges , on les prendroit de loin pour des. poils ; fes ailes font courtes , aufli ne lui fervent-elles point pour voler , mais feule- ment pour courir avec plus de rapidité ; le croupion eft couvert de plumes plus longues & plus fortes que les autres ; il a plus de force dans les pattes que dans le bec ; Ces œufs diffèrent de ceux des autru- ches en ce qu'ils font plus petits , la co- quille en eft verdâtre & remplie d'une infinité de boucs ou tubercules : les habi- tans du pays s'en nourriffent. Cet oifeau avale tout ce qui Ce préfente à lui , & rend par derrière ce qu'il n'a pu digérer. On prétend que fa graifïe eft très-bonne pour les nerfs , émolliente , maturative. Dic7ionn. uniyerf. de Hubner. ÉMEU, f. m. ( Fauconnerie. ) rendre fon émeu 9 c'eft rendre fon excrément ; l'oifeau eft en parfaite fanté quand il rent bien fon émeu. ÉMEUTER ou ÉMEUTIR, v. neut. ( Fauconn. ) Ce dit des oifeaux de proie ; quand le faucon a rendu fon excrément, on dit qu'il vient diémeuter. EMILIEN, ( Hifl. des Empereurs. ) né dans la Lybie de parens obfcurs & indi- gensj embrafïa , par goût & par befoin , la profefîion des armes. Quelques actions d'éclat le firent remarquer de l'empereur Dece, qui lui confia le gouvernement de la Sarmatie > en proie aux brigandages des barbares. Il montra dans cet emploi tant « de courage & 4e capacité , que Gallus , fucceffeur de Dece y le continua dans ce gouvernement. Les derniers empereurs s'étoient fournis à payer un tribut aux Scy- thes. L'avarice de ces Barbares , devenant E M I plus exigeante à mefure qu'on lui four- niflbit des alimens , impofoit chaque jour des conditions plus humiliantes. Emi- lien, fenfible à l'abaifTemeht où ils tenoient l'empire , fît aflèmbler Tes foldats ; il leur promit , s'ils vouloient le féconder , de récompenfer leur valeur en les gratifiant de la fomme qu'on payoit aux Barbares. Cette propofition fut reçue avec un ap- plaudiffement général : tous demandent qu'on les mené à l'ennemi , & la fortune féconde leur courage. Les Scythes s'éloi- gnent des frontières où la fureté fut réta- blie. Emilien rentra triomphant dans la Méfie , où fon armée , reconnohîante de l'exécution de fa promerle , le proclama, empereur. Gallus , inflruit de cette rébel- lion , s'avança dans cette province pour la faire rentrer fous l'obéhTance. Une défaite qu'il effuya le fit tomber dans le mépris de Ces foldats, qui le mafîacrerent avec fon fils. Emilien , victorieux , écrivit au fénat pour le prier de confirmer fon élec- tion , promettant de chafTer les Barbares de l'Arménie &; de la Méfopotamie. Une promeffc fi éblouifïante lui mérita tous les fùfFrages : il faifoit de grands préparatifs pour remplir fon engagement , lorfqu'il apprit que les légions de la Rhétie avoient élevé à l'empire Valérien , dont l'illufrre pairlance & les grands talens avoient fub- jugué Femme publique. Les foldats d* Emi- lien , honteux d'être fous les ordres d'un chef né pour vieillir dans les derniers gra- des , le mafîacrerent pour prévenir les horreurs d'une guerre civile , qui les eût obligés de tourner leurs armes contre leurs parens & leurs concitoyens. Il n'étoit âgé que de quarante ans lorfqu'il fut ailafliné en 254 ,; fon règne ne fut que de trois mois. Perfonne ne lui contefta les talens d'un homme de guerre ; mais il étoit fans capacité pour les affaires. ( T-n) ÉMINCIR,v. ad. ( Arts méchaniq.) c'en1 en général ôter à un corps de fon épaiiïéur. On dit mieux amincer & aminci , quY/m/zc/V & émincé. ÉMINE,f.f. (Econom. ruftiq.) Voy. Hemine. ÉMINENCE, f. f. ( Phyfiq.) petite élévation ow monticule au defTùs du niveau de. la campagne. Voyt\ MONTAGNE. E MI 235? On dit : ce palais efl bâti fur une émi- nence; les ennemis fe font faifis de cette éminence y par où ils nous commandent, . ÉMINENCE , f. f. en Anatomie ; ce mot fe dit principalement en parlant de cer- taines éminences des os , & on en peut diftinguer de trois efpeces ; favoir, i°. cel- les qui fervent à la connexion des os ; 2°. celles qui donnent attache à des parties molles; 30. celles qui réfultent de la con- formation particulière de l'os. Mais comme les unes font continues avec l'os , & que d'autres ne font que contiguës , c'eft là ce qui a donné lieu à la diftinclion qu'on en a faite en apophyfes & en épiphyfes. V% Apophyse ù Epiphyse. C'eft de la figure, de la fituation, de la connexion , & des ufages des éminences , qu'on a tiré les différens noms qu'on leur a donnés. De leur figure , on les appelle tête y lors- qu'elles font convexes & arrondies en forme de globe ; tubérojïté y lorfqu'elles font inégales & raboteufes ; épine & ép'u- neufe y quand elles font aiguës & en pointe , &c. De leur fituation , elles fontappellées obli- ques y tranfi-'erfes y fupérieures y inférieu- res y &C. De leur connexion , elles prennent le nom des parties avec lefquelles elles font articulées ; telle eft l'apophyfe malaire de l'os maxillaire,. &c, Voye\ MAXIL- LAIRE. Par rapport à Pujage , on donne le nom de trochanter à deux tubérofités de l'os de la cuhTe , qui donnent attache aux mufcles qui la font tourner. ( L ) * ÉMINENCE , f. f. ( Hifi. mod. ) titre qu'on donne aux cardinaux , aux trois électeurs eccléfiaftiques , & au grand-maître de Malte , félon une bulle d'Urbain VIII , qui ne difpenfe que les rois & les papes de le leur accorder , & qui défend à tous autres de le prendre. Le pape leur dit votra fignorio-i le roi de France y coufin ; l'em- pereur , reverenda paternitas ; les rois de Pologne & de Portugal , & la république de Venife , fignoria illuflrijjima. Au refte cette épithete honorifique , éminence , avoit été donnée par Grégoire le Grand à des évê- ques , long-temps avant qu'Urbain l'attachât 24© E M I fpécialement au cardinalat. La bulle d'Urbain VIII qui éminentifie les cardi- naux , eft de 1630. EMIONITE , f. f. ( Hift. nat. bot. ) hemionids , genre de plante , dont les feuil- les ont de larges oreilles à leur bafe , foit qu'elles foient {impies , foit qu'elles foient compofées. Tournefort, Inftit. rei herb. Voye\ Plante. ( I) EMIR, f. m. (Hift. mod. ) titre de dignité , ou qualité chez les Turcs ou Sarrafins , qu'on donne à ceux qui font parens ou defcendus du grand prophète Mahomet. Ce mot eft Arabe , & dans cette langue il lignifie prince ; il eft formé de amar , qui eft originairement Hébreu , & qui dans les deux langues fignifie dire & com- mander. Voytt Amiral. Les émirs font en grande vénération , & ont feuls le droit de porter un turban verd. Il y a fur les côtes de la Terre-fainte , des émirs qui font des princes fouverains , comme Vernir de Gaza , M émir de Terabée , fur lefquels le grand-feigneur n'a que peu d'autorité. Ce titre ne le donnoit d'abord qu'aux califes. On les appelloit aufli en Perfe émir \adeh , fils du prince ; & par abréviation ai émir on fit mît , & d'émir ^adeh, mir^a. Voye\ CALIFE. Dans la fuite , les califes ayant pris le titre de fulcan , celui d'émir demeura à leurs enfans , comme celui de céfar chez les Romains. Ce titre à! émir , par fucceilion de temps , a été donné à tous ceux qui font cenfés defcendre de Mahomet par fa fille Fatima , & qui portent le turban verd. Voye\ TURBAN. Ces émirs étoient autrefois uniquement deftinés au miniftere de la religion , & l'état l«ur payoit une penlion annuelle ; aujourd'hui on les voit répandus dans tous les emplois de l'empire ; aucun magiftrat , par refped pour le fang de Mahomet, n'oferoit les punir. Ce privilège eft réfervé à Vémir bachi , leur chef, qui a fous lui des officiers & dts fergens , avec pouvoir de vie & de mort fur ceux qui lui font fournis ; mais pour l'honneur du corps , il ne fait jamais punir les coupables ni exé- cuter les criminels en public. Leur def- eendance de la fille de Mahomet eft une E M I chofe fi incertaine, que la plupart des Turcs même ne font pas fort crédules fur cet article , & battent fouvent les vénérables enfans du prophète , en pre- nant toutefois la précaution de leur ôter le turban verd , & de le pofer à terre avant que de les frapper; mais un chré- tien qui les auroit maltraités feroit brûlé vif.. Emir eft aufli un titre y qui , joint à quelqu'autre mot , déligne fouvent quel- que charge ou emploi , comme émir al ornera y le commandant des commandans. C'étoitdu temps des califes le chef de leurs conlèils & de leurs armées. Les Turcs donnent aufli ce nom à tous les vilirs ou bâchas des provinces ; ( ioye% BACHA , &c. ) ajoutez à cela que Vernir akhor , vulgairement imrahor , eft grand- écuyer du grand-feigneur. JJémir alem , vulgairement miralem , porte-enfeigne de l'empire , eft directeur de tous les intendans, & fait porter de- vant lui une cornette mi-partie de blanc & de verd. Émir. ba\ar eft le prévôt qui a l'inten- dance fur les marchés , qui règle le prix des denrées. Ylémirhadge, prince ou condu&eur des pèlerins de la Mecque , eft ordinairement bâcha de Jérufalem. È 'mir al moftemin , ou émir al moumenin9 c'eft-à-dire , le commandant des fidèles ou des croyans ; c'eft un titre qu'ont pris les Almoravides & les Almohades qui ont régné en Afrique & en Efpagne. Diciionn. de Trév. , Moréry & Chambers. (G) ÉMISSAIRE , f. m. ( Hift. mod. ) per- fonne de confiance , adroite & capable , qu'on envoie fourdement pour fonder les fentimens ou les defTeins d'autrui , ou lui faire quelque propofition pu ouverture , femer des bruits , épier les actions 6c la contenance d'un ennemi, d'un parti contraire , pour tirer avantage de tout cela. Ce mot eft formé du latin e , & mitto y qui fignifie f envoie dehors. Les chefs de partis ont plufieurs émif-. /aires qui s'emploient pour leurs intérêts , qui leur rapportent tout ce qui fe pafîc dans le monde , pour prendre là-deifus leursk E M I leurs mefures ; en conféquence on dît que le pape Se le prérendant ont leurs émijfaires en Angleterre. Voye^ le Diclionn. de Trév. Se Chambers. (G) EMISSION , f. f. on appelle ainfi , en Phyjique , l'action par laquelle un corps lance ou fait fbrtir hors de lui des cor- pufcules. Voye^ Emanation , Exhalai- son , ùc. C'eft une grande queftion que de favoir fî la lumière fe fait par prejjîon ou par émijjion , c'eft-à-dire , fi elle le communi- que à nos yeux par l'action du corps lumineux fur un fluide environnant , ou par des corpufcules qui s'élancent du corps lumineux jufqu'à l'organe. En attendant que nous traitions cette queftion plus en détail au mot Lumière , nous croyons devoir faire ici quelques réflexions fur une preuve que des philofophes modernes ont crue très-favorable au fyftême de Y émijjion. Les obfervations de Roè'mer , difent-ils , fur les éclipfes des fatellites ( voye^ Satel- lite & Lumière) , prouvent que la lu- mière , foit par prefïion , foit par émijfion , vient du foleil à nous en huit minutes Se demie ; les obfervations de l'aberration prouvent que la vîteflè , foit actuelle , foit de tendance , que les corpufcules de la lumière ou de l'éther ont en parvenant à nos yeux , eft précifément celle qu'il leur faut pour parcourir en huit minutes Se demie la diftance du foleil à nos yeux : n'eft-il donc pas bien vraifemblable qu'en effet les corpufcules lumineux viennent du foleil à nous par un mouvement de tranf- port ? Voyelles mém. de Vacad. IJ29- Pour apprécier le degré de force de ce raifbnnement , j'ai confidéré une fuite de petites boules élaftiques égales , rangées en ligne droite , Se j'ai comparé le temps -qu'une de ces boules mettroit à parcourir un efpace donné > avec le temps qu'il fau- drait pour que le mouvement de la pre- mière boule fe communiquât à la dernière. Prenons d'abord deux boules égales Se à reflbrt , dont le diamètre foit d , Se dont l'une foit en repos Se foit choquée par l'autre avec la vîteflè V. Soit a l'efpace qui eft entre l'extrémité antérieure de la boule choquante Se l'extrémité poftérieure de la boule choquée 5 V étant la vîteflè Tome XII. E M I 141 de la boule choquante , il eft vifîble , i°. que l'extrémité antérieure de cette boule parcourra l'efpace a dans le temps^r } 5^ qu'alors elle atteindra l'autre boule; i°.dans ce moment , comme on le prouvera à V article Percussion, l'extrémité anté- rieure de la boule choquante , Se l'extré- mité poftérieure de la boule choquée , qui forment le point de contact, fur lequel fc fait la compreflîon , auront la vîtefle com- «nune - ; c'eft-a-dire , que 1 une qui avoit la vîteflè V ', perdra la vîteflè —, Se que l'autre qui étoit en repos recevra la vî- teflè — ; Se Ci l'on nomme x l'efpace que le point de contact parcourt pendant que le reflbrt fe bande Se débande , le point de contact parcourra cet efpace x avec la. vîteflè — pendant le temps -y. Alors la pre- mière boule refte en repos , Se l'extrémité antérieure de la boule choquée parcourt un efpace quelconque c avec la vîteflè F dans le temps — • L'efpace qui fe trouve alors entre le lieu qu'occupoit avant le choc l'extrémité antérieure de la boule cho- quante , Se le lieu qu'occupe actuellement l'extrémité antérieure de la choquée , eft: évidemment égal àa-\- x -f- c -+- d ; or , l'extrémité antérieure de la boule cho- quante , fî elle n'eût point rencontré d'obf- tacle , auroit parcouru cet efpace dans un temps égal à * * y — . Donc en fuppo- fant feulement deux boules , la différence du temps par émijjion ou tranfport , Se du temps par prefli ion :ft = * d-x S'il a trois boules , cette différence fera —21 • V Se ainfî de fuite ; Se fi le nombre n des boules eft très-confidérable , elle fera fèn- fiblement = — "■*. Donc le premier tem.ps fera égal , plus grand , ou plus court que le fécond , félon que d fera égal , plus grand ou plus petit que x , c'eft-à-dire , félon que le diamètre d'une des boules fera égal , plus grand ou plus petit que l'efpace parcouru par le point de contact durant le bandement Se le débandemenc du reflbrt. Il n'y a donc qu'un cas pouc Hh 241 ;E M I l'égalité des deux temps , Se une infinité pour leur inégalité : c'eft pourquoi la preuve alléguée ci-defïus a de la force; mais elle n'eft pas rigoureufement démonf- trative. Quoique la lumière , fi elle fe propage par prefiîon , ne fe propage peut-être pas exactement de la même manière que le mouvement ou la tendance au mouve- ment dans une fuite de boules élaftiques , j'ai cru que la théorie précédente pouvoit fervir au moins à nous éclairer jufqu'à un certain point fur la queftion pro- pose. Il eft bon de remarquer au refte , pour prévenir toute difficulté fur ce fujet, que l'accord de la théorie de l'aberration avec le fyftême de Vémijfîcn de la lumière 3 ne fuppofe pas qu'on connoife la vraie dif- tance de la terre au foleil ; il fuppofe feu- lement qu'un arc de ic" dans l'orbite ter- reftre foit parcouru par la terre en 8' ^ , ce qui eft vrai. Voyc{ Aberration , & les injlituî. aflron. . pog.^A, £' $01 . (O) Emission (Ph^fiol.) eft un terme em- ployé pour exprimer le ientiment de Pytha- gore & de fes fectateurs fur la vifion ; ils irrflginoient qu'il fort des objets certaines eipees vifibles, qui font fo t grandes lorf- qu'elles font encore proches de ces objets , ma s qui deviennent plus ped es lorfqu'elles s'en éloignent davantage , jufqu'à ce qu'elles foient enfin réduites à une telle petitefle , qu'elles puiflènt entrer dans l'œil , & fe fa:re alors appercevoir * l'ame. L'action pr?r laquelle ces e'peces fortent des objets , eft ce que ces phiîo'ophes appellent émijfion. C'eft dans le m?me lens que les Platoniciens fe fervent aulîi de ce terme, pour exprimer l'action p-ir laquelle ils prétendoient qu'il fort de l'objet & de l'œil certains écou- le mens, qui fe rencontrent & s'embraf- fent les un* les autres à mi - chemin , d'où ils retournent enfuite dans l'œil , & por- tent par-là , dans notre ame , l'idée des objets. Si ces fentirnens étoient fondés , ne de- vrions-nous pas appercevoir dans l'obfcu- rité les objets, de la même manière que r.ous les voyons lorfqu'ils font expofés à la lumière? Mais on voudrait bien favoir quelle j eft la nature de ces efpeces , ou de ces écou- I E M I terriens prétendus; comment ils fortent de l'objet , ou de l'œil , ou de tous les deux enfemble ; quelle eft la caufe de VémiJJJon qui s'en fait , & par qui ils font produits. Muflch. ejfai de phyfique. Voye^ Espè- ces, (d) Emission de vœux ( Jurifpr. ) eft la profeffion que fait le novice , & l'enga- gement qu'il contracte folemnellement d'obferver la règle de l'ordre régulier dans lequel il entre. La mort civile du religieux profes fe compte du jour de IV- miffwn de fes vœux , de même que les cinq ans dans lefquels il peut réclamer contre fes vœux , lorfque fa profeifion n'a pas été libre. Voye7^ Profession , Religieux , RÉCLAMATION , V(EUX. {A) EMISSOLE , f.f. ( Hijï nat. Ichtkiol. ) galeus lœvis , poiflbn du genre des chiens de mer. Il n'a point d'aiguillons comme celui qui eft appelle aiguillât , ÔC qui a été décrit fous le nom de chien de mer. Voye-i Chien de mer, Uémijfole a le mufeau plus long ôc plus large que l'aiguillât , ÔC l'ouverture de la bouche plus étroite. Ce poiflon eft de couleur cendrée ; il n'a point de dents, mais les mâchoires font rudes. Il a des trous au devant de la bouche à la place des narines , & d'autres plus petits derrière les yeux. Il reflemble à l'aiguillât par les ouies , les nageoires , ôc les parties intérieures ; mais il en diffère par la queue qui eft compofée de trois nageoires. Ron- delet, XIII liv. des poiffons. Koye^PoiSSON. U) EMITES , ( Hijl. nat. Lytholog. ) c'eft une pierre qui eft de la couleur de l'ivoire, & qui reftemble au marbre blanc , fînoa qu'elle n'eft point fi dure. Boè'ce de Boot conjecture que c'étoit une efpece d'albâtre. Voye[ Boetius de Boot , de lapidibus & gemmis. * EMITHÉE , f. f. (Myt/i.) divinité de Caftabara , ville de Cari. On prétendoit que les malades qui s'endormoient dans (on temple , s'étoient fouvent réveillés guéris de leurs maux ; d'où l'on peut con- jecturer que c'étoit un de ceux de la Grèce que l'on fréquentoit le plus , auquel on faifoit le plus de préfens , Se où l'on cé- lébrait le plus de facrifices. Emithée foulageoit auffi les femmes enceintes qui E M M l'invoquoient dans les douleurs de l'enfan- tement ; elle étoit en fi grande vénération , que les richefles dont Tes autels étoient chargés ne furent point pillées , quoi- qu'elles ne Aillent gardées ni par des murailles , ni par des hommes. Cette demi- déellè (*) la feule dont il foit fait mention fut refpectée des brigands ôc des vainqueurs , pour qui les autres temples de la Grèce ne furent pas également facrés. Je ne fuis pas trop étom*i de cette diftin&ion ; les portes qui ferment un temple , les gardes qui veillent autour , Se les murs qui en empêchent l'approche , femblent annoncer que la divinité qui y préfîde a befoin de la protection des hommes ; ce qui ne porte pas à redouter fa puilTance. Il n'en eft pas ainil de celle dont rien d'humain ne garantit les autels des in fuites de la méchanceté ; il femble qu'elle fe foit char- gée elle-même de les défendre. EMMAILLONNÉ , ( Rubann. ) Voye{ Lissas & Maillons. EMMAILLOTTER , terme de fage- femme & de nourrice s c'eft envelopper un enfant de langes par plulieurs couches cir- culaires j pour préferver fon corps délicat des injures de l'air, ôc le tenir dans une pofition fixe , qu'on croit nécefîaire à (on bien-être ôc à la confervation de fes jours. Cette méthode eft en ufage chez la plu- part des peuples de l'Europe : nous verrons bientôt ce qu'il faut en penfer. A peine l'enfant eft-il forti du fein de fa mère , dit l'auteur de l'hiftoire natu- relle de l'homme ( tome II , page 457 , édition in-40 . ) à peine l'enfant jouit-il de la liberté de mouvoir Se d'étendre fes membres , qu'on lui donne de nouveaux liens ; on Yemmaillotte , on le couche la tête fixe ôc les jambes alongées , les bras pendans à côté du corps ; il eft entouré de linges ôc de bandages de toute efpece , qui ne fauroient lui permettre de chan- ger de fituation ; heureux li on ne l'a pas ferré au point de l'empêcher de ref- pirer , ôc il on a eu la précaution de le coucher fur le côté , afin que les eaux -qu'il doit rendre par la bouche puifïènt tom- ber d'elles-mêmes , car il n'aurait pas la E M M 143 liberté de tourner la tête fur le côté pour en faciliter l'écoulement ! Les Siamois , les Japonois , les Indiens , les Nègres , les fauvages du Canada , ceux de Virginie , du Brefil , ôc la plu- part des peuples de la partie méridionale de l'Amérique couchent les enfans nus fur des lits de coton fufpendus , ou les mettent dans des efpeces de berceaux cou- verts ôc garnis de pelleteries ; ils fe conten- tent de couvrir ôc de vêtir ainfl leurs en- fans fans les emmaillotter . Je ne déciderai point fi leur ufage conviendrait également aux nations Européennes ; je crois feulement qu'il a moins d'inconvéniens que le nôtre , qu'il eft plus fîmple > plus judicieux, &plus raisonnable : j'ajoute que les peuples qui le fuivent s'en trouvent très bien , ôc qu'en général la nature réufîit mieux dans cette occailon , que toutes nos fages-femmes 6c nos nourrices. En effet , notre méthode à* emmaillotter a de grands inconvéniens , ôc plulieurs dé- favantages. i°. On ne peut guère éviter en emmaillottant les enfans , de les gêner au point de leur faire relîentir quelque douleur. Les efforts qu'ils font pour fe débarraflèr , font alors plus capables de corrompre l'aflemblage de leur corps , que les mauvaifes fltuations où ils pour- raient fe mettre eux-mêmes s'ils étoient en liberté. Les bandages du maillot peu- vent être comparés aux corps de baleine que l'on fait porter aux filles dans leur jeunefle : cette efpece de cuiraflè , ce vête- ment incommode qu'on a imaginé pour foutenir la taille ôc l'empêcher de fe défor- mer , caufe cependant plus d'incommodi- tés ôc de difformités , qu'il n'en prévient : '. orme remarque de MM. Winflou ôc de iiuffon. 2°. Si le mouvement que les enfans veulent fe donner dans le maillot peut leur être funefte , l'inaction dans laquelle cet état les retient , peut aufïî leur être nuifible. Le défaut d'exercice eft capable de retarder l'accroifîement des membres , ôc de diminuer les forces du corps. Ainfl les enfans qui ont la liberté de mouvoir leurs membres à leur gré , doivent être (*) Emithée , écant un mot Grec qui fignifie derni-déefïe , deyrpit s'écrire Hémiïhée ; mais l'ufage. eft le législateur des Langues : quem pênes arbitrium , &c, Hhi 244 E M M plus forts que ceux qui font emmaiUottSs : c'eft pour cette raifon que les Péruviens laiffoient les bras libres aux enfans dans un maillot fort large j lorfqu'ils les en tiroient , ils les mettoient dans un trou fait en terre ôc garni de quelque chofe de doux , dans'lequel trou ils les defcendoient jufqu'à la moitié du corps : de cette façon ils avoient les bras en liberté ,' ôc ils pou- voient mouvoir leur tête ôc fléchir leur corps à leur gré , fans tomber ôc fans fe bleirer. 3°. La poiition naturelle des épaules , des bras ôc des mains d'un enfant qu'on emmaillottt y celle des pies , des jambes & des genoux , fe dérange très-fbuvent , parce que l'enfant ne celle de remuer ; de forte que quelque attention que les nourrices aient de bien placer ôc de bien contenir ces parties , il peut arriver , 5c il n'arrivé que trop fouvent que les pies fe trouvent l'un fur l'autre , de même que les jambes & les genoux : alors ces membres étant mal pofés , on les ferre , on les bande dans cette pofîtion , de manière que la grande compreiîion que l'on fait fur des parties encore molles , tendres ôc délicates , dérange leur ordre , change leur figure ôc leur direction , empêche leur extenfien naturelle, & par-là donne occafion à des difformités qu'on éviteroit , fi on lailîoit à la nature la liberté de conduire ôc de diri- ger elle-même fbn ouvrage fans peine ôc fans contrainte. 4°. Cette compreflion , forte fur des parties fufceptibles d'imprefïion ôc d'ac- croifïèment , telles que font les membres d'un enfant nouveau -né , peut caufer plu- sieurs autres accidens. Des embarras dans les vifeeres , des obftrudtions dans lA glandes , des engorgemens dans les vaif- féaux , font fouvent les triftes fuites de cette compreflion. Combien de poitri- nes foibles Se d'eftomacs débiles , parce que les vaiffeaux qui diftribuent les liqueurs dans ces vifeeres , font privés de leur refïbrt pour avoir été trop comprimés dans le maillot ! 5°. Les enfans nouveau -nés, comme le remarque encore M. de BufFon , dorment la plus grande partie du jour & de la nuit dans les premiers temps de leur [\k , E M M ôc fembîent n'être réveillés que par la dou- leur &c par la faim : aufîl les plaintes &C les cris fuccedent prefque toujours à leur fommeil. Obligés de demeurer dans la même fîtuation , ôc toujours contraints par les entraves du maillot , cette fîtua- tion leur devient fatigante, ôc doulou- reufe après un certain temps j ils font mouillés ôc fouvent refroidis par leurs excrémens , dont Pâcreté offenfe leur peau qui eft fine ôc délicate , ôc par conséquent très-fenfïble. Dans cet état les enfans ne font que des efforts impuilfans ; ils n'ont , dans leur foiblefle , que l'exprefïïon des gémiflémens , pour demander du foula- gement j fi on les abandonne , fi on leur refufe un prompt fecours , alors ces petits infortunés entrent dans une forte de défef- poir , ils font tous les efforts dont ils .'ont capables , ils pouffent des cris qui durent autant que leurs forces ; enfin , ces excès leur cauient des maladies , ou du moins les mettent dans un état de fatigue ôc d'a- battement , qui dérange leur conftitu- tion , ôc qui peut même influer fur leur cara&ere. C'eft un bonheur quand la nourrice eft afïez tendre ôc allez active pour fecourir un peu fréquemment l'enfant gémiflant confié à fes foins ; mais le nombre ôc la longueur des bandages , la peine que trouve cette nourrice à défaire ôc à re- mettre perpétuellement ces bandes , l'emi pêche de vifiter , de remuer , de changer ce malheureux enfant aufîî fouvent que le befbin l'exige ; devenue par l'habitude infenfible à fes cris, elle le laillè long- temps dans fes ordures , ôc fe contente de le bercer pour l'endormir. En un mot , il n'y a que la tendreflè maternelle qui fbit capable de cette vigilance continuelle , ôc de ces fortes d'attentions , qui font ici fi nécefïàires : peut- on l'elpérer dans les villes ôc dans les campagnes , de nourrices grofïieres ôc mercenaires , qui prennent à l'enfant un médiocre intérêt ?. peut-on même s'en flatter toujours dans fa maifon Ôc dans fbn domeftique? Il faudrait donc prévenir férieufement les accidens que je viens de détailler , en tâchant de fuppléer au maillot par de meilleures refïburces j ôc ce n'eft pas uue E M M chofe indifférente à la fociété , qu'une recherche de cette efpece : en attendant qu'un digne citoyen s'y dévoue , indiquons au moins quelques figes précautions qu'on doit fuivre dans la méthode ordinaire de Yemmaillottement. Pour bien emmaillotter un enfant , il convient d'abord de lui coucher le corps en ligne directe , puis lui étendre égale- ment les bras ôc les jambes , enfuite tour- ner autour du corps les langes ôc les ban- des en petit nombre fans les trop tirer , car il faut qu'elles ne faffent que conte- nir fimplement ce qu'elles environnent , fur- tout la poitrine 8c l'eftomac qui doi- vent être à leur aife. Souvent les vomiffe- mens ôc la difficulté de refpirer des en- fans , viennent de ce que dans le maillot on leur ferre trop la région de ces deux vifceres ; il eft difficile pour lors que les vomiffemens ne fuccedent , parce que le foie , proportionnellement plus grand dans les enfans que dans les adultes , étant comprimé , prefïe le fond de l'eftomac , & en produit le renverfement convulfif ; il eft difficile aufïi que les poumons s'é- tendent convenablement pour la refpira- tion. Quand on emmaillotte un enfant , il eft bon de tourner chaque jour les bandes d'une manière différente de celle dont on les a tournées le jour précédent , c'eft-à- dire , les tourner un jour de droite à gau- che , ôc l'autre jour de gauche à droite, afin d'éviter dans la taille &c dans les extré- mités une conformation vicieufe. Je confeille encore beaucoup d'avoir fbin de placer les membres d'un enfant dans une fituation droite à chaque tour de bande , pour éviter les inconvéniens qui réfulreroient d'une faufle pofition ; incon- véniens qui peuvent influer fur fa fanté , ôc qui influent certainement fur la con- formation du corps. Plufieurs enfans ne font fbuvent cagneux , & n'ont les pies en dedans , que par la mal-façon de Yem- maillottement. Par exemple , les nourrices en emmaillottant les enfans , leur fixent d'ordinaire les pies pointe contre pointe , au lieu de les fixer plutôt talon contre talon , comme elles pourraient faire aifé- ment par le moyen d'un petit couffin, E M M 245 engagé entre les deux pies de Penfant , ôc figuré en forme de cœur , dont la pointe feroit mife entre les deux talons de l'enfant , ôc la bafe entre les deux extrémités des pies. Il eft auflî très-effentiel de changer fou- vent les bandes ôc les langes , pour éviter la mal-propreté , ôc conferver à l'enfant fa gaieté ôc fa fanté. La longueur des langes , ôc la multiplicité de leurs tours , eft une méthode qui entraîne plufieurs inconvé- niens , ôc ne produit aucun avantage : on ne fauroit trop fimplifier une opération dont l'exécution doit être répétée perpé- tuellement nuit ôc jour , en tous lieux , ôc par toutes fortes de mains. Enfin , quand l'enfant eft emmaillotte avec le foin ôc les réferves que nous venons d'indiquer , il y a deux précautions princi- pales à avoir ; l'une , îorfqu'on le pofe dans le berceau ; ôc l'autre , Iorfqu'on le tient entre les bras. La première précaution eft de le coucher de manière que fon corps ne porte point à faux ■■> fans cela on expofè la taille de l'enfant à contracter quelque bofle. La féconde eft de le porter tantôt fur un bras , tantôt fur l'autre , de peur qu'é- tant toujours porté fur un même bras , il ne fe penche toujours d'un même côté ; ce qui peut lui rendre la taille de travers. Je ne dis rien ici que de fïmple ôc de fa- cile à concevoir , mais je parle de chofes utiles ôc qui intéreffent tout le monde. Article de M. le chevalier DE J AU- COURT. Emmanché , adj. {An. méch. ) il fe dit en général de tout ce qui a un manche ou une poignée amovible. Voye^ Manche & Poignée. Emmanche , terme de Blafon ; il fè dit des haches , des faux , des marteaux , ôc des autres chofes qui ont un manche. Faouc en Normandie , d'azur à trois faux d'argent emmanchées d'or. EMMANCHURE } C. f. ( terme de tailleur & de couturière. ) c'eft l'ouverture d'un habit , d'un corps , d'une robe mé- nagée de chaque côté pour recevoir la manche. Attacher une manche à fon em- manchure. On donne encore le nom d'em- manchure à la partie échancrée du haut du derrière d'une robe , d'un corps ôc d un habit, 14.6 E M M à laquelle Pépaulette doit être attachée. 1 Voye^ Tailleur & Couturière. EMMANNEQUINER , v. acl:. ( fard. ) c'e«ft renfermer les racines d'un végétal dans un mannequin fait exprès de ramilles de faule 8c d'ofier , pour en conferver la motte de terre , &c la tranfporter à l'endroit où on a deflèin de le planter. ( K ) * EMMANUEL , ( HrJI. fainte. ) terme Hébreu qui flgnifie Dieu avec nous. Dans la prophétie où Ifaïe annonce à Achaz la naiffance du Mefïie d'une mère vierge , il eft dit que cet enfant s'appellera &c fera réellement Emmanuel ; &c faint Matthieu montre l'accompliflèment de cette prophétie en Jefus-Chrift , qui , par la réunion de la nature divine avec la nature humaine , fut , s'il eft permis de s'exprimer ainfî en François , Dieu avec nous. EMMARINER un vaisseau , ( Ma- rine. ) c'eft le garnir de monde , de le mettre en état de naviguer. Gens emmarinés fe dit de ceux qui font faits & accoutumés à la mer , ôc n'y font plus incommodés. ( Z ) EMMELE , adj. Les fons emmêles étoient, chez les Grecs , ceux de la voix diftincte , chantante & appréciable , qui peuvent don- ner une mélodie. (S) EMMELEY , ( Géogr. mod. ) ville du comté de Tipperari , Irlande. EMMELIE , Cf. ( Hift. anc.) danfe " des Grecs. Un des fuivans de Bacchus, dans fa conquête des Indes , l'inventa & Kii donna Ion nom ; elle étoit grave & férieufe. Telles font nos farabandes , nos grands airs de caraclere que nous appelions danfes no- bles & terre- à-terre. Bonnet , hift. de la danfe. L'emmelie étoit une danfe qui s'exé- cutoit dans les tragédies anciennes , &c une forte de mélodie dont elles étoient accom- pagnées. C'étoit la feule des danfes pacifi- ques à laquelle Platon accordoit fon fuf- frage. Voye^ Danse & Terme de Musi- que. (-B) EMMEN , ( Géog.) deux rivières ou plu- tôt deux torrens très-confidérablesen Suiffe. La grande Emmen fort de l'Entlibuch , canton de Lucerne , entre les montagnes de Rothorn , Schlatten &c Neffetftock ; mais elle reçoit beaucoup de ru i fléaux dans le canton de Berne. Elle parcourt une E M M partie des bailliages de Signau , Trachfel- wald , Brandis , Berthoud &c Landshut , &c fe jette enfin dans l'Aare à Biberifch , dans le canton de Solcure. Cette rivière eft très-remarquable , tant par la fingula- rité de fa courfe , que par fes productions. Ellecharie de For , fur-tout dès que le Gold- bach s'y jette ; & on a beaucoup de mon- noies frappées de l'or qu'on a trouvé dans fes eaux. On "y trouve aufïi des mor- ceaux de marbre &c de jafpe de la plus grande beauté , fur-tout 1 efpece de mar- bre nommé verdello ou verd antique. On y trouve aufn* le variolite , efpece de mar- bre verd , & des dendrites de la plus grande finefle. Ce torrent fait fouvent des ravages affreux. Voye^ le diclionn. univerf. desfojjiles. La petite Emmen ou la Wald-Emmen , n'arrofe que le canton de Lucerne feul ; elle fort d'un petit iac fur une montagne du canton d'Unterwalden , & reçoit dans celui de Lucerne plufieurs autres ruiflèaux , fur-tout la WeiCs-Emmen près de Cluftal- den &c des ruines du château de Stollberg ; elle le perd dans la Rufs. Elle eft très-poif- fonneufe , ce que la grande Emmen n'eft pas ; &c elle charie pareillement de l'or , du- quel , ainfî que de celui qui fe tire du tor- rent qui coule à Luthern , le canton de Lucerne fait frapper tous les ans quel- ques médailles. ( H ) EMMENAGOGUE , adjed. ( Médsc. Thérap. mat. méd. ) fe dit d'un remède de la claffe des évacuans : c'eft une épi- thete employée pour défïgner une des trois fortes de médicamens du genre des utérins ; c'eft-à-dire , de ceux qui fervent à exciter ou à favorifer les trois différen- tes exécretions naturelles de la matrice ; favoir 3 celle du flux menflruel , celle qui eft propre à procurer la fortie -du fétus , Se celle des lochies ou vuidanges après 1 accou- chement. Les emménagogues (ont les remèdes qui regardent fpécialement la première de ces trois fortes d'excrétions : on appelle ecèo- liques ceux dont on fe fert pour la féconde ; &c arifiolochiques , ceux qui conviennent à la troifieme. Comme ces excrétions s'opèrent par les mêmes Yaifïeaux , & ne différent entre E M M elles que par les circonftances qui les dé- terminent , les mêmes médicamens qui peu- vent être emménagogues , peuvent aufïi être employés comme eeboliques , ou comme ari/lolochiçues , félon les différentes circonf- tances où ils font mis en ufage. Ainli , pour trouver expliquée la ligni- fication particulière de ces mots compo- fés , la manière d'agir des mé licamens qu'ils déiïgnent , & d'adminiftrer ces médicamens; pour avoir l'énumiration de toutes les drogues , tant fimples que com- posées , qui forment ce genre de remè- des , Voye[ le mot Utérin , qui eft une qualification commune à leurs différentes efpeces , fous laquelle il piroit conféquem- ment convenable de renfermer tout ce qu'il y a à dire au fujet de ces remèdes. Voye^ aujfi Flux Menstruel , Accouchement, Avortement , & fur-tout V article princi- pal Médicament, (d) EMMENALOGIE , f. f. ( Médecine. ) Ce terme eft Grec , compofé de îy./xivizç , menjlrua , & de ao> 59- EMMENTHAL , ( Géogr. ) province du canton de Berne , fur les frontières de ce- lui de Lucernc. Elle prend Ion nom de l'Emme qui la parcourt. Elle eft partagée en quatre bailliages , Signau , Trachrel- wald , Sumifwald & Brandis , ôc s'étend jusqu'aux portes de la ville de Berthoud. Tout fauvage que paroiflè cet amas de E M M 247 valons , il eft cependant très-bien cultivé. Le bétail , le laitage , les vergers, les che- vaux , les toiles qu'on y fabrique , for- ment des branches de commerce très- confidérabies pour ce pays. Auili le payfan y eft-il généralement dans un état dai- fance peu commun. On trouve fréquem- ment des payfans qui ont 40000 livres de bien, & il y en a qui ont jusqu'à y à 600000 livres. Mais le luxe , la molleiïè , le libertinage qui s'y introduifent avec la chicane , paroiiTent préparer la ruine de ce peuple , qui pourrait être fi heureux , s'il eût toujours été fage. On y voit d'un même coup dœil les effets de la liberté ôc ceux du libertinage. (H) ^ EMMEULAGE , f. m. ( Jardinage. ) c'eft mettre en meules le foin quand il eft fauché & fané : lorfqu'il eft emmeulé , il ne craint point la pluie , & on prend fon temps pour le botteler. (K) ■ EMMIELLER UN ET AI , ( Marine.) c'eft remplir le vuide qui eft le long des tourons des cordes dent Yétai eft compofé (Q) ' EMMIELLURE , f. f . ( Manège. Maré- challerit. ) remède topique , diftingué de ceux que nous appelions charge , emplâtre blanc , &c. , en ce que nous faifons entrer du miel dans fa compoiition. Quelques-uns l'emploient communément 1 dans une foule de circonftances , comme dans celles des efforts , des écarts , des entorfes , de la foulure des tendons , de l'engorgement des jambes , des coups de pies , embarrures , ôc d'autres contufions quelconques , &c. On en trouve une infinité trop grande de recettes dans tous les auteurs qui ont écrit fur les maladies des chevaux , pour que je me croie qbligé d'en indiquer ici quel- ques-unes. Voyez Suleyfel , Gafpard , Saunier , Crefcentius . Michel Biondo , Re- cini , Caracciolo , Coloubro , Gibfon , Mar- teau t , &:a ( e ) EMMUSELÉ , adj. en termes de Ma fon y fe dit des ours , chameaux , mulets , ôc autres animaux auxquels on lie le mu- (eau , pour les empêcher de mordre ou de raanger. Morîot de Muleau , d'argent à une tête d'ours de fable , emmufelée de gueules* *4* E M M EMMUSELER un cheval, (Maréch.) c'eft lui mettre une mufeliere pour l'em- pêcher de mordre ou de manger. Voye^ Muselière. EMOLLIENT , ( Matière médicale, ) Quelques médecins ont décoré de cette pro- priété les remèdes aqueux , mucilagineux , doux , farineux , émulfîfs , gélatineux , c'eft-à-dire , l'eau chargée de la partie mu- cilagineufe de certains végétaux , comme mauve , guimauve , lin , pfîllium , grande confoude , &c. , voye[ Mucilage ; le même liquide chargé du corps doux végétal pris dans les dattes , les figues , les raifins fecs , les jujubes , la racine de réglifle , la citrouille, &c. , voye^ Doux, matière médicale & diète ; les décochions des fè- mences farineufes , telles qu'orge , riz , fei- gle , avoine , &c. , voye^ Farineux ; les émuliions , voye^ Emulsion ; les bouil- lons delà chair des jeunes animaux , comme veau , poulet , &c. , 6c ceux de grenouille & de tortue. Les médecins qui croient aux émolliens, penfent que ces remèdes ramollifîènt les diverfes humeurs arrêtées 6c ramaflëes dans certains vaifleaux , 6c fur-tout les arrêts • inflammatoires , ou congédions du fàng proprement dit ; il en eft de même qui ont imaginé je ne fais quel vice des humeurs en général qu'ils ont appelle dènfité , 6c qui ont cru que les émolliens remédioient très- efficacement à ce vice. Nous avons dit à l'article Délayant, que les qualités délayante , émolliente 6c relâchante , étoient attribuées aux mêmes remèdes , ou même n'étoient qu'une feule propriété défignée par différens noms dans les diverfes théories. Ce que nous avons obfervé des préjugés conçus fur les dé- layans , feroit donc inutilement répété ici. Voye^ Délayant. On parlera à l'article Topique , de Tufage que peuvent avoir , dans la cura- tion des maladies internes, les remèdes de cette clalTe appliqués extérieurement. m EMOLLIENTES (Plantes) , Phar- macie. Les plantes qui portent ce nom par excellence , dans le langage ordinaire des boutiques , font la mauve , la gui- mauve , la violette , Se l'acanthe ou branc- E M O urfîne. Elles ont été choifics dans la clarTè des plantes émollientes , parce qu'on a cru qu'elles pofledoient éminemment cette qualité. Les plantes de la même claflè qui font cenfées approcher le plus près de celles- ci , 6c qu'on emploie comme leurs fuc- cédanées , font la mercuriale , la pariétaire , la poirée , la roche 6c le feneçon. Les rangs de ces plantes ont été déter- minés par un choix très-gratuit Se très- arbitraire j les oignons de lis , la laitue , la racine de grande confoude , &c\ , y auraient autant de droit que la plupart de celles- ci ; & quelques-unes d'entr'elles au con- traire , telles que la pariétaire 6c le feneçon , font fort mal placées à coté de la poirée , de la mauve , &c. Voye^ les articles parti- culiers. Au relie nous avouons de bonne foi que l'erreur que nous relevons ici , n'eft pas une erreur importante. (3) EMOLUMENT , f. m. ( Jurifprudence ) , terme de pratique , qui lignifie les profits que quelqu'un tire de fa charge ou de fou emploi : on dit qu'un officier cherche â émolumenter , loriquJil multiplie fans né- ceiîité les vacations d'un procès-verbal ou autre acte , afin de gagner davantage. J^oye^ Epices, Vacations, Honoraires , Frais & Salaires. ( A) EMONCTOIRE , f. f. ( Médecine. ) Ce terme , qui eft tiré du Latin emungere r moucher 9 nettoyer, en tirant les ordures, eft employé pour défigner , dans l'éco- nomie animale , tous vaifleaux , canal , conduit ou réfervoir deftinés à fervir à la féparation de quelque humeur excrémen- ticielle. Les anciens appelloient les narines Yémoncloire du cerveau : parce qu'ils croyoient que les vaifleaux de cette cavité ont la propriété d'attirer les impuretés du cerveau ; on a retenu ce mot , quoique dans une lignification différente de celle- là. On dit que la peau , les reins (ont les émoncloires du corps , parce qu'il le fait par ces organes une fecrétion 6c une excrétion abondante des humeurs qui ne font plus propres à aucun ulage utile dans le corps humain , 6c même de celles qui font viciées dans les maladies. On ne peut pas dire par conféquent , des pa- rotides y EMO rotides , des vélicules féminales, qu'elles font des émoncloires, puifque ces parties ne fervent qu'à féparer ou à recevoir du fang des humeurs très-utiles dans l'écono- mie animale. Voye^ SÉCRÉTION, EX- CRÉTION & EXCRÉMENTICIEL. (d) EMONDER, v.ad:. (Jardinage.) Lz. façon d'élaguer ou émonder les arbres qui ne donnent point de fruits , fait fur eux le même effet que la taille fur les arbres fruitiers; c'eft par lelagage qu'on les con- duit , qu'on leur donne une belle forme , une tête élevée Se gracieufe. . La règle générale eft qu'un arbre de haute tige ou de haute futaie ne doit avoir qu'un jet montant jufqu'à une cer- taine hauteur, après laquelle on lui laiffe former fa tête. . 'On ch.oifit , la féconde année de la pouffe d'un jeune arbre , la branche la plus forte & la plus droite , & l'on coupe en pié de biche toutes les autres. Lor (qu'on fe trouve embarrafTé dans le choix d'une branche , il en faut laiiTer deux jufqu'à l'année fuivante que l'on coupera la moin- dre ; fouvent même on en laide trois pour élever mieux celle du milieu qui eft la plus droite ; & les deux autres , dont on arrête la fève , ne fervent qu'à l'entretenir par le moyen d'un bâton pafTé en travers , ap- pelle garrot. Ces deux branches meurent l'année fuivante ; & quand celle du mi- lieu fe peut foutenir d'elle-même , on les -coupe. La meilleure manière de bien élever ck dreffer des allées, eft de mettre des perches à chaque arbre pour les con- duire ; il faut encore faire des treillages grofliers , liés avec'de l'ofier, pour fou- tenir les paliflfades un peu fortes , &c les ferrer de près dès la féconde année de leur pouffe, fans jamais toucher au mon- tant. On doit , en élaguant , ne pas entamer un arbre des deux côtés , parce que ces plaies donnant peu de paffage à la fève par 1 ecorce que l'on coupe , peuvent l'arrêter & fécher la tête, ou la faire geler dans l'hiver. On montera les arbres d'é- tage en étage , & modérément , crainte des vents , en choififfant des faifons peu rigoureufes , telles que la fin de Tome XII. EMO 249 l'automne ou le commencement du prin- temps. (K) . E MOT TER, v acT. (Jardin.) c'eft ôter les mottes de terre attachées à la racine d'un arbre. (KJ EMOUCHER , v. acV en terme de maréchal , c'eft chaffer les mouches des chevaux qu'on ferre. Voye{ FERRER , EMOU CHOIR, &c. EMOUCHET, f. m. c'eft un nom que les tanneurs donnent à la queue des bœuf;, vaches & veaux qu'ils préparent dans les tanneries. Avant que de mettre les cuirs dans l'eau pour les faire dégorger, les tanneurs en coupent les cornes , les oreilles , & IV- mouchet , c'eft-à-dire , la queue , ainfi nommée parce qu'elle fert à ces animaux pour chaffer les mouches. V. Tanner. Emouchet, f. m. V. Epervier. EMOUCHOIR , f. ifl. (Manège.) es- pèce de couverture qui revêt toutes les par- ties du corps du cheval harnaché , qui ne font point occupées par la felle; elle s'é- tend par conséquent fur la croupe, fur l'encolure & fur le fommet de ta tête , & defeend environ jufque fur le milieu des faces latérales de ces mêmes parties. Au haut de l'extrémité antérieure de la portion deftinée à recouvrir l'encolure , font percés deux trous à l'effet de livrer un paffage aux oreilles de l'animal ; & à fon extrémité poftérieure près de la fellette, font attachés deux contre-fanglots que l'on arrête dans des boucles près de la pointe de l'arçon de devant. A l'égard de la por- tion qui garnit toute la croupe , elle eft fixée d'une part à la croupière , par le moyen d'une attache qui eft coufue dans fon milieu, & de l'autre & de chaque côté, par d'autres attaches qui la lient aux poin- tes de l'arçon de derrière : elle fournit auffi un paffage à la queue. Cette forte de couverture eft bordée de toutes parts , &c de cette bordure qui règne tout le long du corps de l'animal, partent à l'encolure & à la croupe des efpeces de cordes que nous nommons des volettes , qui dépen- dent de manière qu'elles jouent au moin- dre mouvement , & qu'étant portées alors de côté & d'autre indifféremment, elles 1 rtmpliffent l'intention que nous avons Ii ip E M O àCémoucker le cheval , c'eft-à-dire , de le garantir de l'infulte ck de la piquure des mouches, ck de chafler celles qui l'in- commodent. Ces volettes n'outre-paftent pas en defcendant le corps de l'animai , ck n'empiètent que très-peu fur fes extré- mités. • Le mot émouclioir dérive donc de Tufage auquel cette couverture eft confacrée. Quelques perfonnes la nomment émou- chette , mais ce terme ne paroît point adopté; d'autres l'appellent cha(Je-mouche\ d'autres enfin ne la connoiiTent que fous un nom qui ne lui convient point , Ôk qui eft deftiné à défigher une autre forte de Couvemire , puifque c'eft foUs celui de caparaçon. Il eft deux fortes ^emouchoirs ; les uns font à mailles ou à filets: les autres font d'un tiflu fuivi. Ces derniers fe font ordi- nairement de coutil , ck font plus capa- bles de fat is fa ire l'objet que nous nous propofons , puifque les infectes dont nous voulons défendre l'animal, ne trouvent point , comme dans les premiers , des efpaces au travers defquels ils puifTent s'infinuer jufque fur les tégumens. Peut- être que quelqu'un penfera qu'ils ne parent point un cheval autant que les emouchoirs à mailles bordés d'or ou d'ar- gent, ck dont les volettes font de foie ; mais j'imagine que l'utilité doit toujours être préférée aux ornemens; ck d'ailleurs il n'eft pas impoflible de conftruire des emouchoirs femblables aux féconds , d'une étoffe très-riche , de les border en or , d'y ajufter des volettes d'or , fi on le veut , ck de porter , en un mot à cet égard , le luxe ck la magnificence à leur plus haut degré. On conçoit au furplus que les emou- choirs feroient fort inutiles en hiver. Ils ne conviennent point à la chatte , par la rai- fon qu'ils réfifteroient très -peu dans les bois , dans les taillis , &c. Il eft afifez commun de voir dans les provinces des emouchoirs à mailles placés Air les harnois des chevaux de carrode. Les emouchoirs ufités relativement aux chevaux de tirage , font de fimples vo- lettes de cordes qui font bordées ; on E M O attache auffi à la mufe'iere un filet garni de volettes plus courtes. Les maréchaux appellent aufli émou- choir, une queue de cheval jouant dans un manche de bois auquel elle eft atta- chée. Ils s'en fervent pour faire émoucher l'animal lorsqu'ils le ferrent ou qu'ifs pra- tiquent quelque opération ; cette précau- tion eft d'autant plus fage , qu'il ne leur feroit pas poffible de maintenir en été le cheval dans un état de tranquillité nécef- faire , 6k qu'il pourroit même en erre bleffé , s'ils ne prenoient le parti de le dé- barraftér de l'importunité de ces infec- tes, (le) * EMOUDRE, v. aft. (Arts mêch.) terme commun à tous les ouvriers en métaux , qui en font des inftrumens tran- chans, mais fur-tout à ceux qui y em- ploient le fer ck l'acier; c'eft former à ces inftrumens le tranchant à l'aide d'une meule qui tourne fur elle-même, qu'on arrofe avec de l'eau , ck fur laquelle on appuie l'inftrument à émoudre. Cette opé- ration n'eft pas facile, ck il y a peu d'ou- vriers qui fâchent émoudre fupérieure- rftènr. La difficulté augmentant à mefure que la pièce augmente , perfonne ne fau- roit mieux émoudre que les ouvriers qui parlent au mouleau l'es lames d'épée. Paf- fer au mouleau, parmi les ouvriers, c'eft: émoudre. Il faut avoir acquis l'habitude de mouvoir, d'un mouvement uniforme, une longue furface fur une autre, ck de ména- ger la preftion , de manière qu'il y ait uniformité dans les parties enlevées par la meule , ck que toute la furface émoulue foit parfaitement égale. EMOUI , ( Géogr. mod. ) port de la Chine, fitué dans la province deFokien,. il s'y fait un grand commerce. Long. 136,, 40; lat. 24, 30. EMOUSSE, ÉE, adj. (terme de Bla- fon.J fe dit d'un fer de lance, d'une flèche, d'une baïonnette qui n'a point de pointe. Bauvauliers des Malardieres, de Mari- gny en Touraine ; de gueules à deux fers de lances émouffés P un fur P autre en pal ,. le premier renverfé. (G. D. L. T.) * EMOUSSER , v. a&. ( Art méch. ) il fe dit de tous les corps aigus ck tran- chans ; c'eft l'a&ion de les rendre moins. E M P aigus &: moins tranchans , ou de leur ôter entièrement la pointe & le tran- chant ; ce qui Te fait , ou en caftant , ou en arrondiiïant. EMOUSSER , v. ad. fe dit dans Yart militaire , des angles d'un bataillon dont on retranche les pointes. Si VonémouJJe les ang'es d'un bataiilon carré , il en réfulte un bataillon oélogone. On émoujj; les angles d'un bataillon lorfqu'ih font aigus , afin de pouvoir lui faire taire feu plus aifément de tous côtés , & mettre fes angles en état de faire une meilleure défenfe. On peut émoujjerles angles d'un batail- lon carré , en prenant fur chacun un pelo- ton carré que l'on réduira en triangle , dont la différence du nombre d'hommes de cha- que rang foit deux, c'eft-à-dire, que le premier terme, ou le premier rang foit i , le fécond 3 , le quatrième 5 , &c. Voyt^ Bataillon triangulaire. Mais en obfervant de faire ("dit M. Bottç'e , Etudes militaires ) Le coté extérieur ou grand coté infenfiblenunt courbé & non pas droit, parce que le bataillon étant plein, on ne peut reculer le foldat de l'angle du peloton dans faillie rentrant du bataillon. (Q) EMOUSSER ,- f Jardin J eft ôter, avec le couteau , de groffes broffes , ou des torchons de paille , la moufle qui s'at- tache à la tige des arbres. Il faut faire cet ouvrage après la pluie , ou le matin à la rofée; alors la moufle , qui eft une vraie gale qui les empoche de grofîir , fe déta- che plus facilement que dans un temps fec , où en frottant trop fort il y auroit rifque d'écorcher l'arbre. (KJ t * EMOUVOIR , v. acï. (Gramm.) c'eft communiquer ou recevoir du mou- vement; il fe prend au phyfique & au moral; & l'on dit , la mer commence à s émouvoir ; j'en ai le cœur ému ; le phi- lofophe ne ^émeut pas facilement. * EMOTION, f. f. (Gramm.) mou- vement léger; il fe prend au phyfique & au moral ; &T. l'on dit : cette nouvelle me caufa de /'^motion,; il avoit de /'émo- tion dans le pouls. EMPAILLER, v. aét. (Jardin.) fe ait des cloches en les retirant de defTous les couches , & les emboitant les unes EM P M* 1 dans les autres avec de la paille entre deux pour les emporter. On empaille auflî des pies d'artichaux & de cardons pour les faire blanchir. Souvent pour préferver la tige d'un arbre de l'ardeur du foleil, fur-tout fur des terrafTes & endroits élevés, entourés de murs , on Y empaille avec de longues gerbes. (K) EMPALEMENT, f. m. (Bot.) eft la partie la plus extérieure de la fleur qui la couvre toute entière , avant qu'elle foit éclofe , & qui lui fert enfuite comme de fupport : on le nomme en Latin perian- thium, parce qu'il règne tout autour de la fleur. Quelques-uns l'appellent calice ; mais ce n'eft pas là le calice , car le calice à la lettre eft une coupe ou godet creux que forme le perianthe ou empalement , duquel fortent les autres parties de la fleur. Il y a des fleurs dont les pétales ont une bafe ferme & afîiirée autant qu'il le faut pour les fputenir, & qui, par cette raifon , n'ont pas befoin d'empalement ou de perianthe ; auffi la nature ne leur en a- t-elle point donné, comme on le voit dans la tulipe ; cependant ces fleurs ont un ca- lice ou godet. V. Fleur & Calice. Article de M. le chev. DE J AU COURT. Empalement, (Hifl. ) fupplice af- freux qui eft d'ufage en Turquie. L'em- palement «'exécute en faifant entrer une broche de bois par le fondement, ÔC la faifant fortir pardeflbus l'aifTelle. Pour empaler un malheureux , on le couche ventre à terre , les mains liées fur le dos ; on lui endofle le bât d'un âne fur lequel s'afTeoit un valet de bour- reau afin de le bien affujetrir , tandis qu'un autre lui tient le vifage contre terre, avec les deux mains qu'il lui ap- puie fortement fur le cou; un troifieme lui fend le derrière de la culotte avec des cifeaux, &c lui enfonce \.mpal, ç'eft-à- dire , une efpece de pieu dans le fonde- ment ; ce pieu eft une broche de bois qu'il fait avancer avec les mains autant qu'il peut ; enfuite un quatrième bour- reau chaffe cette broche avec un maillet, jufqu'à ce qu'elle forte par la poitrine , ou fous l'aifTelle ; ejifin , on plante la bro- che toute, droite. 251 ÉMP C'eft ainfi qu'on traite les Caïns ou* Grecs révoltés qui ont commis quelque meurtre en Turquie, 6k qu'on prend fur le fait; après le ïupplice , fi ces malheu- reux vivent encore , la populace les in- iulte , bien loin de les exhorter à le faire mufulmans. Les Turcs font fi perfuadés qu'un homme qui a commis un grand crime , eft indigne d'être mufulman , que lorfqu'un mufulman eft condamné à mou- rir , perfonne ne l'aiiifte , parce qu'ih croient que fon feul crime l'a rendu jaour, c'eft-à-dire , infidèle 6k chrétien. Voilà des faits rapportés par M. de Tournefort ; ils entrâmeroient bien des réflexions fur un peuple chez qui règne un fupplice aufîi cruel que V empalement , 6k chez lequel il n'exuîe aucune pirié : tandis que ce même peuple nourrit, ev faveur d'une faufie religion , une idée i, noble 6k fi grande , qu'il femble qu'il n'y auroit qu'une religion divine qui à\i\ l'infpirer à fes fectateurs. Article de M. le chevalier DE J AU COURT. EMPAN , voye^ Ampan. EMPASTELLER. V. Ampastel- LER. EMP ANAGE,f. m. (Jurifpr.) eft dit en quelques endroits pour apanage , comme en la coutume de Senlis, art. 66, quand le duché de Valois fut baillé au duc d^Or- léans par empamge , &c. V. Apanage. EMPANON, f. m. ( Charpent. ) eft un chevron qui ne va pas jufqu'au haut du faîte, mais qui doit être aflemb'é à tenon 6k mortoiie dans l'arrêtier du côté des croupes 6k lonpan. EMPANON, f. m. [Charron.) Ce font les extrémités poftérieures des côtés du brancart qui patîent entre le IhToir de der- rière , 6k qui font ordinairement arron- dies ; ces pièces reçoivent les confoles de fer qui foutiennent les moutons de derrière. EMPAQUETER,v. a. fCW/z. jmettre quelque chofe en un paquet, y. Paquet. Il fe dit particulièrement des marchandifes que , félon l'efpece , on empaqueté dans des toiles ou dans du papier. Diclionn. de Comm. de Trév. & Chambers. (G) EMPARAGE. adj. (Jurifpr.) veut (dire qui eft uni à fon pareil; une fille , L EMP emparagée noblement dans les coutumes d'Anjou & du Maine, 6k autres femblables, eft celle qui eft mariée fuivant fa condi- tion : c'eft la même chofe que ce que d'au- tres coutumes appellent apparagée. {A) EMPARLIERS , f. m. pi. ÇJurifpr.) parlicrs ou amparliers , eft le nom que l'on donnoit anciennement aux avocats plaidans , comme on le voit dans les an- ciennes chartes , coutumes , ftyles ck pra- tiques. Ce nom étoit relatif a leur pro- rèllion qui eft de parler en public ; ils ont auiïi été appelés conteurs ou plaideurs , zlamatores. Voy. le glofjaire de Ragueau, au mot Emparliers. ÇA) EMPATEMENT , dans plufieurs arts , eft fynonyme à. pâte , à pié , &c. ainfi on dit l: 'empalement ou les racinaux , pour h pié d'une grue. E M P ATEM ENT , f. m. en Architecture, c'eft une plus épaifteur de maçonnerie , qu'on laifte devant ck derrière dans la fon- dation d'un mur de face. {P) EMPATER, v. aft. Ç Marine.) ou faire des empatûres, c'eft mettre les deux bouts de deux pièces de bois l'un à côté de l'autre, ck les faire joindre. (Q) EMPATER, terme de Peinture, qui ■ignirie mettre beaucoup de couleurs , foit en une fois , foit en plufieurs ,fur ce qu7on feint. On dit : Ce tableau eft bien empâté , bien nourri de couleur. Empâter fe dit encore Iorfqu'on met les couleurs fur un tableau , chacune à la place qui convient , fans les mêler ou fon- dre eniemble. On dit : cette tête n'efl «/«'empâtée. Diclionn. de Peint. (/?) EMPATER, (Cuifine.) c'eft mettre eu pâte. Pour cet effet, on délaie 6k l'on bat de la farine avec des jaunes d'œufs 6k du fel , ck l'on roule les viandes dans cette pâte liquide. EMPATURE, f. f. (Marine.) On nomme ainfi dans un vaifteau , la jonction de deux pièces de bois mifes à côté l'une de l'autre. (Z) * EMPAUMER , v. aft. terme de Pau- mier ; c'eft recevoir une balle fur le milieu de fa raquette , c'eft-à-dire , de la manière la plus favorable pour la renvoyer avec le plus de vîtefte 6k le moins de force. On a tranfporté ce mot de la paume dans la EMP fociété , ck l'on dit empaumer une affaire , pour la faifir & la pouffer avec chaleur. Empaumer la. voie, ( Vénerie. ) c'efl prendre la voie. EMPAUMURE , f. f. (Vénerie.) c'eft le haut de la tète du cerf 6k du chevreuil , qui eft large 6k renversée, où il y a trois ou quatre andouillers auplus pour les cerfs de dix cors Scies vieux chevreuils , caries jeunes n'en ont pas. EMPÊCHÉE , adj. ÇMar.) On dit une manœuvre empêchée , lorsqu'elle eft embar- raffée 6k ne peut jouer comme il faut. (Z) EMPECHEMENT, f.m. (Jurifpr,) {ignifie Voppqfition ou ['obftacïe à quelque chofe , provenant du fait de quelqu'un, comme une faifie ; ou de quelque c;r- conftance, telle que la parenté en degré prohibé, qui fait un empêchement de ma- riage. ( A ) Empêchement de mariage fe prend or- dinairement pour une caufe qui empêche qu'un mariage (bit valablement contracté entre certaines perfonnes. Quelquefois on entend par-là Voppq/ztion que quelqu'un forme à la célébration du mariage. Les caufes ou empêchemens de mariage font fondées les unes fur le droit naturel, d'autres fur le droit civil , d'autres fur les loix ecclefiaftiques approuvées par le fou- verain. C'eft le droit naturel qui a fait mettre au nombre des empêchemens de mariage, l'erreur de perfonne , la violence 6k l'im- puiffance, & la parenté en ligne directe. C'eft. aufîi par une conféquence du droit naturel, que Ton a défendu le mariage entre ceux qui font parens au premier de- gré en collatérale. La défenfe de fe marier dans les degrés plus éloignés, a d'abord été faite-par l'em- pereur Theodofe, entre les enfans des frères 6k fœurs; l'églife l'a enfuite étendue jufqu'au feptieme degré; 6k enfin le con- cile de Latran , tenu fous Innocent III , en ni 5 , l'a réduite au quatrième degré. Les empêchemens qui procèdent des vœux folemnels ou des ordres facrés , font purement eccléi'iaftiques, de même que celui de parenté au troifieme 6k quatrième degrés, ck celui de l'affinité fpirituellc. L'églife latine a déclaré nuls les ma- É M P 253 riages des prêtres & des religieux ; loi qui a été confirmée par lesfouverains. \J empêchement qui naît du lien conjugal, qui empêche de contracter mariage avec une autre perfonne, tant que le premier mariage fiubfifte , eft fondé fur la loi de jure canon, qui a rétabli le mariage fuivant fa première incitation. Enfin , V empêchement qui naît de la di- verfité de cuire, ce qui, fuivant le droit canonique, ne s'appîiquoit qu'au mariage contracté entre un chrétien 6k une in ri- delle , a été étendu par une ordonnance de Louis XIV à ceux djs catholiques avec les calviniftes. On diftingue deux fortes $ empêchement de mariage ; lavoir , les empêchemens diri- mans , 6k les autres appelles empêchemens feulement , empêchans ou prohibitifs. Empêchemens dirirnans , font les caufes qui non feulement empêchent un mariage non fait d'être contracté , mais encore qui le font déclarer nul , au cas qu'il fût déjà contraclé. Ces fortes ^empêchemens font : i°. L'erreur ou la furpriie par rapport à la perfonne que l'on a épouf^e , c'eft-à- dire, (î on l'a époufée croyant en époufer une autre; mais fi l'erreur ne tombe que fur la qualité , la fortune ou la vertu, elle ne détruit pas le mariage. 2°. Suivant le droit canon ^ s'il y a eu erreur fur la condition de la perfonne , c'eft-à-dire , fi un homme libre a époufé une efclave, il peut demander la diiïblu- tion du mariage ; mais ce principe n'eft. pas d'ufage en France , où il n'y a point d'efclaves. 3U. Les vœux folemnels de chafteté faits dans un ordre religieux , font en- core un empêchement dirimant de mariage; mais le vœu fimple de chafteté, ou de faire profeffion dans quelque ordre reli- gieux , n'eft qu'un empêchement prohibi- tif, 6k non pas dirimant. 40. Les ordres facrés de prêtrife , diaco- nat 6k fous-diaconat, font aufîi des empê- chemens dirirnans. 50. Il en eft de même de la parenté en ligne directe indéfiniment, 6k de la parenté en ligne collatérale jufqu'au quatrième de- gré inclufivement. 2^4 E M P 6°. L'alliance ou affinité légitime , tant en directe que collatérale , forme un empêchement dirimant au même degré que la parenté ; mais l'affinité qui naît d'un commerce illégitime , ne forme ^empê- chement que ju (qu'au fécond degré inclu- fivement. 7°. L'affinité fpirituelîe qui fe forme par !e baptême entre la perfonne bapîifée ck Ces parrain 6k marraine, de même qu'entre le parrain 6k la mère, entre la marraine ck le père de l'enfant baptifé, entre la perfonne qui baptife ck celle qui reçoit 'e baptême , ck les père ck mère de l'enfant baptifé, eft entre ces perfonnes un empêchement dirimant , de même que l'affinité naturelle. 8°. L'adoption formait chez les Ro- mains une alliance légale qui produifoit un empêchement dirimant ; mais elle n'a pas le même effet en France. 9°. Il naît un autre empêchement diri- mant de l'honnêteté publique , lequel con-, fille en ce que l'on ne peut époufer aucune parente en ligne directe de celle que l'on a fiancée valablement, ni une parente au premier degré de la ligne collatérale ; & vice ver/a pour la fiancée à l'égard des frères de fon fiancé. On met aufîi dans la même claffe X em- pêchement que forme un mariage célébré, mais non confommé, foit qu'une des par- ties décède avant la confommation , ou qu'elle faffe des vœux de religion avant la confommation , ou qu'il y aitcaufe d'im- puiffance •, ck V empêchement qui naît d'un tel mariage , s'étend comme celui de la parenté , jufqu'au quatrième degré inclufi- vemenf. io°. L'adultère 6k l'homicide forment dans trois cas ^empêchement dirimant , appelle impedimentum criminis ; favoir , lg. quand un des conjoints commet adul- tère avec une autre perfonne , à laquelle il promet de 1 'époufer après le décès de l'autre conjoint ; ou s'il y a eu un fécond mariage confommé avec quelqu'un qui étoit déjà marié : car outre que ce ma- riage eft nul , il ne peut être réitéré après le décès du premier conjoint. Une fïmple promette de mariage , dans ce cas , opère le même effet. i°. Quand un des conjoints E M P qui a fait mourir l'autre , époufe une per- fonne quia eu part à l'hemicide. 3 y. Quand le mari fait mourir fa femme avec inten- tion d'en époufer une autre avec laquelle ifa eu un commerce illicite. il9. La diveifité de religion qui fe trouve entre les chrétiens ck les infidèles, eft , fuivant le droit commun , un empê- chement dirimant , lorfque cette diverfité de religion a précédé le mariage. 12°. L'églife a aufîi toujours défendu les mariages entre les catholiques ck les hérétiques, fans néanmoins les déclarer nuls ; mais en France , où l'édit du mois de novembre 1680 déclare ces mariages non valablement contractés , on doit tenir qu'il y a dans ce cas un empêchement di- rimant. i3Q. La violence 6k la crainte, capa- bles d'ébranler une perfonne ferme, for- ment un femblable empêchement , le ma- riage étant nul lorfqu'il n'y a point de con- fentement libre. 140. Un autre empêchement dirimant qui eft de droit divin , c'eft lorfqu'il y a un premier mariage fubfiftant; ce que les canoniftes désignent par le terme de Uga- men. 150. L'impuiftance perpétuelle, foit du mari ou de la femme , dont la caufe fubfîl*- toit au temps de la célébration du mariage , forme encore un empêchement dirimant. 160. Le défaut de puberté de la part de l'un ou l'autre des conjoints , rend pareille- ment les mariages nuls. 170. Depuis le concile de Trente , 6k les ordonnances du royaume qui en ont adopté la difpofition, un mariage clan- deftin eft nul , c'eft-à-dire , lorfqu'il n'eft pas célébré par le propre curé, enpréfence des parties 6k des témoins. 180. Enfin , le rapt de violence ou de féduction font des empêchemens dirimans , à moins que la perfonne ravie n'ait depuis réhabilité le mariage par un confentement volontaire , donné en préfence du propre curé depuis que la violence ou la féduction a ceffé. Il y a certains empêchemens dirimans dont on n'accorde jamais de difpenfe , tels que ceux qui font fondés fur le droit divin ou fur le droit naturel : il y en a d'autres E MP dont on ne difpenfe jamais avant le ma- riage , mais dont on difpenfe quelquefois après , à l'effet de réhabiliter le mariage. On s'adreffe ordinairement au pape pour les difpenfes des empêchemens dirimans qui proviennent de parenté, affinité, hon- nêteté publique , ou alliance fpirituelle. Il y a cependant des diocefes , où les évoques font en poffeffion de difpenfer au qua- trième degré de pa-enté ou affinité; quel- ques-uns même en donnent du troifieme au quatrième degré : d'autres ne les don- nent <\\\interpauperes\ze qui dépend de l'ufage de chaque diocefe. Les fupérieurs eccléfiaftiques ne peuvent difpenfer des empêchemens établis par l'au- torité des princes féculiers. Voye\ Dis- pense 6- Mariage. Empêchemens prohibitifs du mariage , font les caufes pour lefquelles Péglife peut refufer de célébrer un mariage , mais qui néanmoins ne font pas affez fortes pour le rendre nul lorfqu'il eft déjà con- tracté. Ces caufes font, i°. les fiançailles con- tractées avec une autre perfonne ; i^. le fimple vœu de chafteté , ainfi qu'on l'a déjà expliqué en parlant des empêchemens dirimans ; 30. les temps prohibés pour la célébration des mariages, qui font depuis le premier dimanche del'Avent jufqu'aux Rois, ck depuis le jour des Cendres jus- qu'au lendemain du dimanche de Qua/i- modo;^0. la défenfe du juge eccléfiaftique ou féculier. Outre ces empêchemens , il y en a encore plufieurs autres marqués dans le droit- canonique, dont quelques-uns même em- pêchoient le mariage avec quelque per- fonne que ce fût , comme le meurtre d'une femme par fon mari , & vice verfd; le meurtre d'un prêtre, une alliance fpi- rituelle affectée, pour ne pas rendre le devoir conjugal ; un mariage contracté avec une religieufe dont on connoiffoit l'état. Ceux qui étoient dans le temps d'une pénitence publique à eux iinpofée, ne pouvoient pas non plus fe marier ; mais l'ufage a abrogé ces divers empêche- mens , & Ton n'en demande plus de dif- penfes. Sur les empêchemens de mariage en gé- E M P 255 néral , voye{ RebufTe , Prax , benef. part. iiy\c. de difpenf. in grdd. prehib. gl. 5 , Franc. Marc , tom. II , p. 673 ; les loix eccl. de ^'Héricourt , tir. du mariage ; dictionn. des cas de confeience , au mot Empêchemens. ( A ) EMPÊCHER, v. (Grammaire. ) c'eff en général former des obftacles. On dit , empêcheç-Ie de commettre cette action : elle ne peut s 'empêcher de pleurer : lèvent nous empêchait de refpirer. EMPEIGNE , f. f. ( Cordon. ) eft ce qui forme le deiïus du foulier & couvre le coude-pie. t *EMPELORE, f. m. ÇHi(l. anc.) c'étoit, à Lacédémone , un officier qui avoit l'infppcYion des marchés , & qui veilloit à ce que le bon ordre s'y confervât , & qu'il ne s'y commit ni trouble ni frip- ponnerie. Il paroit. que les empelores étoient à Sparte ce qu'étoieflt les agora- nomes à Athènes. ^ EMPELOTERfs'^v.paff.i^/ro/î. fe dit d'un oifeau lorfqu'il ne peut digérer ce qu'il avale, fa nourriture fe mettant en pelotons : pour lors on la lui tire avec le défempelotoir. EMPENELLE, f. f. ( Marine J c'eft une petite ancre que Ton mouille au de- vant d'une greffe; il y a un petit cable qui la tient, & ce cable eu frappé à la groffe ancre, afin que le vailfeau foir plus- en état de réfilier à la force du vent. EMPENNÉ, ad), en terme de B la fon fe dit d'un dard, trait ou javelot qui a (es ailerons ou pennes. Arc d'azur à un arc dror , chargé de trois flèches d'argent empennées d'or ; celle du milieu encochée , & les deux autres paffées en fautoir. EMPEREUR, imperator, Çffifl anc.) nom que les Romains donnoient à tous les généraux d'armée , du mot latin impe- rare. On appelloit empereur , dans un fens particulier , vn général qui , après avoir remporté quelque victoire fignalée, étoit falué de ce nom par les acclamations- des foldats, ck enfuite honoré de ce titre par un décret du fénat. Il falloit, pour le mériter, avoir gagné une bataille dans la- quelle dix mille des ennemis fuffent reftés ltf E M P fur la place , ou conquis quelque ville im- portante. Céfar fut appelle de ce nom par le peuple Romain , pour marquer la fouve- raine puifTance qu'il avoit dans la républi- que, ck dès-lors le nom ti empereur devint un titre de dignité. C'eft dans ce dernier lèns qu'Augufte & fes fuccefTeurs ont été nommés empereurs ; ce qui toutefois n'em- péchoit pas qu'on ne le prît quelquefois au premier fens , pour l'attribuer à ces princes : ainfi Augufte fut appelle empe- reur vingt fois , parce qu'il avoit remporté vingt vi&oires célèbres. Tite , après la prife de Jérufalem , fut falué empereur par ion armée, &c Appien remarque que cette coutume fublîftoit encore fousTrajan. La dignité d'empereur , réunie dans une feule perfonne par Jules-Céfar , fut héré- ditaire fous fes trois premiers fuccefTeurs, Octave- Au gufte , Tibère & Caligula; mais après la mort de celui-ci, elle devint élective. Ce furent les foîdats de la garde prétorienne qui proclamèrent Claude em- pereur. Il eft vrai que pour l'ordinaire les enfans ou les parens de l'empereur défunt lui fuccédoient ; ce n'était point précifé- ment par droit héréditaire , mais parce que les empereurs, de leur vivant , les avoient aiïbeiés à l'empire , en les créant céfars avec l'agrément des armées , qui., ayant la force en main, avoient ufurpé fur le fénat le droit d'élection. Le choix que faifoient les armées , tomboit toujours fur quelqu'un de leurs chefs dont ils con- noiiîoient la bravoure, s'arrétant plus vo- lontiers à cette qualité qui frappe davan- tage l'homme de guerre , qu'à la naiiTance ck aux talens politiques : aulîi l'empire eû-il tombé plufieurs fois entre les mains de (impies foldats, qui , ayant pafTé par tous les grades militaires, étoient élus par leurs compagnons, fans avoir d'autre mé- rite qu'une valeur féroce. Dès que les empereurs étoient élus , ils envoyoïent leur image à Rome ck aux armées , afin qu'on la mît aux enfeignes militaires : c'étoit la manière ordinaire de reconnoître les nouveaux princes. Enfuite ils faifoient aux troupes ôk aux peuples des largeffes nommées congiaires. Le fé- nat donnoit le nom iïAugufle à la femme 5c aux filles de V empereur ; ck, quand lui E M P ''ou fon époufe paroifToit en public, on porroit devant eux un brafîer plein de feu, ck des licteurs , armés de faifeeaux entou- rés de lauriers , les précédoienr. Julqu'à Dioclétien les empereurs ne portèrent que la couronne de laurier ; ce prince prit le premier le diadème , ck fut imité par fes fuccefTeurs jufqu'à Jufrinien , qui introduilit i'ufage de la couronne fermée. Comme les empereurs réunifïbient dans leur perfonne la puifTance des dictateurs , des confuls , des cenfeurs , des tribuns du peuple , ck de prefque tous les grands ma- giftrats de la république , dont ils avoient , ou fupprimé les titres , ou réduit l'auto- rité à des noms 6k à des honneurs chi- mériques , il eft naturel de penfer que leur pouvoir étoit defpotique : il fut plus , il fut quelquefois tyrannique : mais cela procédoit du caractère de ces princes. A ugufte , Vefpafien, Tite , Trajan , Marc- Aurele , les Antonins refpecterent les loix , partagerentle poids du gouvernement avec le fénat, ck fous leur empire le peuple Romain ne s'apperçut prefque point de la perte de fa liberté ; mais il dut la re- gretter bien vivement fous les règnes d'un Tibère , d'un Caligula , d'un Néron, d'un Domitien , à qui les plus fanglantes prof- criptions ne coûtoient qu'un clin-d'œil, ckquineconnoiffoientle pouvoir fuprême que pour faire des malheureux. Gou- vernés par des affranchis , par des maî- trefTes;entcurés de flatteurs ck de délateurs, ils pafToient leur vie dans le luxe ck la mollefTe : plus jaloux de leurs plaifirs que du bonheur de leurs fujets, ils les facfî- fioient au moindre foupçon ; auffi périrent- ils eux-mêmes la plupart de mort violente. Le fouverain facerdoce étoit attaché à la dignité d'empereur, comme il paroît par les médailles ; ainfi ils étoient tout à la fois à la tête du civil , du militaire ck de la religion. On leur rendoit des honneurs extraor- dinaires , 6k rien n'égale la magnificence des fêtes par lefquelles la capitale fe flgna- loit , lorfqu'un empereur revenoit victo- rieux après une expédition militaire , ou en action de grâces de fa convalefcence. Ter- tullien , dans fon Apologétique , nous en décrit quelques particularités. On allumoit des E M P des feux dans les rues , 8c des lampes dans les maifons : on y dreflbit des tables toutes fervies ; 8c dans ces feftins on ré- pandoit le vin avec profuhon , pour faire des libations en l'honneur du génie de l'empereur , ou aux dieux , pour fa pros- périté. Les particuliers ornoient de lauriers & d'autres feuillages les portes de leurs maisons. Les arcs de triomphe , les facrifi- ces folemnels 8c les jeux du cirque n'étoient pas non plus oubliés ; 8c ce qu'on a peine à concevoir , c'eft qu'il ne fallut pas un iiecle pour rendre idolâtre de fes empereurs , ce même peuple auparavant idolâtre de la liberté qu'ils lui avoient ravie. On leur érigeoit des ftatues 8c des monumens fu- perbes , des temples même de leur vivant ; 8c enfin après leur mort on les mettoit au nombre des dieux. Voye^ Apothéose , Consécration. (G) Empereur , ( Hiji. & droit public ger- manique. ) c'eft le nom qu'on donne au prince qui a été légitimement choilî par les électeurs pour être le chef de l'empire Romain Germanique , 8c le gouverner Sui- vant les loix qui lui ont été impofées par la capitulation impériale, (voye^ Capitu- lation. ) Depuis l'extinction de la maifon de Charlemagne , qui poftedoit l'Empire par droit de fucceffion , ou , félon d'au- tres , depuis Henri IV , la dignité impé- riale eft devenue élective , 8c depuis ce temps , perfonne n'y eft parvenu que par la voie d'élection ; & même les électeurs , craignant que les empereurs de la maifon d'Autriche ne rendirent la dignité impé- riale héréditaire dans leur famille , ont in- féré dans la capitulation de Matthias 8c celles des empereurs iuivans , une claule par laquelle leurs mains font liées à cet égard. Les électeurs ne font point obligés à s'attacher dans leur choix à aucune mai- fon particulière ; il fufïit que la perfonne élue foit , i°. mâle , parce que la dignité impériale ne peut palier entre les mains des femmes ; i°. que le prince qu'on veut élire foit Allemand , ou du moins d'une race originaire d'Allemagne ; cependant cette règle a quelquefois fbuffert des ex- ceptions : 3°. qu'il foit d'une naidanee illuftre. 40. La bulle d'or dit vaguement qu'il faut qu'il foit d'un âge convenable , Tome XII. E M P 2J7 jujlœ ectatis ; mais cet âge ne paroît fixé par aucune loi : i°. Il fauc qu'il foit laïque , 8c non eccléilaftique ; 6°. qu'il ne foit point hérétique ; cependant il ne paroît point qu'un proteftant (bit exclu de la dignité impériale , par aucune loi fondamentale de l'empire. Lorfque le trône impérial eft vacant, voici les ufages qui s'obièrvent pour l'élec- tion d'un nouvel empereur. L'électeur de Mayence en qualité d'archi -chancelier de l'empire , doit convoquer l'aflèmblëç des autres électeurs dansl'efpace de trente jours , depuis que la mort de l'empereur lui a été notifiée. Les électeurs doivent fe rendre à Francfort fur le Mein ; ils comparoi lient à l'alïemblée ou en perfonne , ou par leurs députés , munis de pleins pouvoirs , 8c alors ils fe mettent à drefter les articles de la capitulation impériale. Si un électeur duement invité à l'élection refufoit d'y comparaître , ou prenoit le parti de fe retirer après y avoir comparu , cela n'em- pêcheroit point les autres d'aller en avant , 8c l'élection n'en feroit pas moins légiti- me pour cela. Le jour étant fixé pour l'élection , on fait ibrtir de la ville tous les étrangers j les électeurs affilient à la me (Te pour implorer les lumières du S. Efprit , 8c prêtent un ferment , dont la formule eft marquée par la bulle d'or , d'être im- partiaux dans le choix qu'ils vont faire : après quoi ils entrent dans le conclave , & procèdent à l'élection qui fe fait à l'una- nimité , ou à la pluralité des voix ; elles font recueillies par l'électeur de Mayence. Quand l'élection eft achevée , on fait entrer dans le lieu de l'aflemblée des no- taires 8c témoins ; on pafle un acte qui eft (igné 8c muni du fceau de] chacun des électeurs. Suivant la bulle d'or , lï l'élec- tion n'étoit point faite dans l'efpace de trente jours , les électeurs devrobnt être au pain 8c à l'eau. Quand l'élection eft finie , on la fait annoncer dans la princi- pale églife de la ville. Les électeurs font notifier à celui qui a été' élu , s'il eft abfent , !e choix qu'on a fait de (a perfonne pour remplir la dignité impériale , avec prière de l'accepter ; s'il eft préfent , on lui préfente la capitulation , qu'il .jure d'obfèrver , 8c les électeurs leconduifent en cérémonie du cbn- Kl 258 EMP clave vers le grand autel ; il fe met à genoux fur la marche la plus élevée, Se fait fa prière ayant les électeurs à fes côtés ; ils l'élevent enfuite fur l'autel ; on chante le Te Deum ; après quoi il Cou du chœur, monte dans une tribune , Se c'eft pour lors qu'il eft procla- mé empereur. La cérémonie de l'élection eft fuivie de celle du couronnement ; fuivant la bulle d'or elle devroit toujours fe faire à Aix- la-Chapelle : mais il y a déjà long-temps que l'on a négligé de fe conformer à cet ufage , Se depuis Charles - Quint aucun empereur ne s'eft fait couronner en cette ville. Cependant ['empereur adreflè toujours à la ville d'Aix-la-Chapelle des reversâtes , pour lui déebrer que le couronnement s'eft fait ailleurs fans préjudice de fes droits. Les archevêques de Cologne Se de Mayence fe font long-temps difputé le droit de couronner Y empereur , mais ce différend eft terminé depuis 1658 : c'eft celui de Mayence qui a droit de couronner lorf- que la cérémonie fe fait dans fon diocefe , Se celui de Cologne en cas qu'elle fe fàflè dans le fîen. Les marques de la dignité impériale , telles que la couronne , l'épée , le feeptre , le globe d'or furmonté d'une croix , le manteau impérial , l'anneau ,. &c. font confervées à Aix - la - Chapelle Se à Nuremberg , doù on les porte à l'endroit où le couronnement doit fe faire. Cette cérémonie fe fait avec tout l'éclat imaginable , les électeurs y affilient en habits de cérémonie , Se l'empereur y prête un ferment conçu à-peu-près en ces termes : Je promets dera.it Dieu & fes anges d'cbfcrver les loix , de rendre la jufiiee , de conferver les droits d,e ma couronne , de ren re l'honneur convenable au pontife Ro- main , aux autres prélats , & à mes vajfaux , de conferver à l'eglife les biens qui lui ont été donnés ; ainfi Dieu me fait en aide 3 Sec. L'archevêque chargé de la cérémonie , avant de couronner l'empereur , lui de- mande : S'il veut conferver 6» pratiquer la religion catholique & apofolique ; être le défenfeur & le protecteur de l'églife & de fes miniflres ; gouverner fuivant les loix de la jufiiee le royaume que Dieu lui a confié , & le défendre efficacement ; tâcher de récu- pérer les biens de l'Empire qui %nt été dé- E M P membres ou envahis : enfin , s'il veut être le défenfeur & le juge du pauvre comme du. riche , de la veuve & de l'orphelin. A toutes- ces demandes , l'empereur répond volo , je le veux. Quand le couronnement eft achevé , l'empereur fait un repas folemnel il eft alîis fèul à une table , ayant à fà gauche l'impératrice à une table moins élevée que la Henné. Les électeurs eux- mêmes , ou par leurs fubftituts , fervent l'empereur au commencement du repas 3 chacun félon fon office ; enfuite de quoi ils fe mettent chacun à une table féparée qui eft moins élevée que celle de l'empe- reur Sz de l'impératrice. Voye-i^ Vitriarii infiit. juris publici , lib. I , tit. viij. Autrefois les empereurs après avoir été couronnés en Allemagne , ailoient encore fe faire couronner à Rome , comme rois des Romains ; c'eft ce qu'on appeliois l'expédition Romaine ; & à Milan , à Monza , à Pavie , ou à Modene , comme rois de Lombardie. Mais depuis long-temps ils fe font difpenfés de ces deux cérémonies , ait grand regret des papes , qui prétendent toujours avoir le droit de confirmer l'élec- tion des empereurs. Il eft vrai que iouvent leur foibleflè &c la néceflité des temps les ont forcés à demander aux papes la con- firmation de leurs élections. Boniface VIII la refufa à Albert d'Autriche , parce que celle de ce prince s'étoit faite fans fon con- fentement ; mais ces prétentions imaginai- res ne font plus d'aucun poids aujourd'hui ; Se même dès l'an 1338 , les états de l'Empire , irrités du refus que le pape Jean XXII faifoit de donner l'abfoliition à Louis de Bavière , décidèrent qu'un prince élu empereur à la pluralité des voix , feroit en droit d'exercer les actes de la fouveraineté y quand même le pape refu- feroit de le reconnoître , Se ils déclarèrent; criminel de lefe-majefté quiconque o feroit foutenir le contraire , Se attribuer au pape aucune fupériorité fur l'empereur. Voye-i^ l'abrégé de l'kijîoire d'Allemagne , par. M. Pfeftei 3 page %86 & fuiv. Cependant le pape , pour mettre fes prétendus droits à couvert , ne laifïè pas que d'envoyer tou- jours un nonce pour affifter de fa part à. l'élection des empereurs ; mais ce miniftre n'y eft regardé que fux le même pié que ^ E M P ceux des puiflances de l'Europe , qui ne font pour rien dans l'affaire de l'élection. Charles-Quint eft le dernier empereur qui ait été couronné en Italie par le pape. \J em- pereur , avant 5c après Ton couronnement , ie qualifie d'élu empereur des Romains ; pour faire voir qu'il ne doit point fa dignité à cette cérémonie , mais aux iuffrages des électeurs. h' empereur eft bien éloigné de pouvoir exercer une autorité arbitraire & illimitée dans l'Empire , il n 'eft pas en droit dé- faire des ioix : mais le pouvoir légiflatif ré- fide dans tout l'Empire dont il n'eft que le repréfentant , &c au nom duquel il exerce les droits de la îouveraineté , jura majejîa- tica ; cependant , pour qu'une réfolution de l'Empire ait force de loi , il faut que le confèntement de {'empereur y mette le fceau. Koj'e^DiETE. "L'empereur , comme tel y n'a aucun domaine ni revenu fixe ; ôc Je cafuel , qui coniifte en quelques contri- butions gratuites , eft très-peû de chofè. "L'empereur ne peut point créer de nou- veaux électeurs , ni de nouveaux états de l'Empire : il n'a point le droit de priver aucun des états de fes prérogatives , ni de difpofer d'aucun des fiefs de l'Empire fans le coniëntement de tous les autres états. Les états ne paient aucun tribut à l'empe- reur ; dans le cas d'une guerre qui inré- refTe tout l'Empire & qui a été entreprifè de (on aveu , on lui accorde les fommes nécefiaircs ; c'eft ce qu'on appelle mois romains. L'empereur , comme tel , ne peut faire ni guerre , ni paix , ni contracter au- cune alliance , fans le confèntement de l'Empire ; d'où l'on voit que l'autorité d'un empereur eft très-petite. Cependant quand ils ont eu en propre de vaftes états patri- moniaux qui leur mettoient la force en main , ils ont fouvent méprifé les loix qu'ils avoient juré d'obferver ; mais ces exem- ples font de fait , ôc non pas de droit. Les droits particuliers de Y empereur Ce nom- ment refervata Ccefarea : c eft , i °. le droit des premières prières , jus primariarium precum , qui.coniiftc dans la nomination à un bénéfice de chaque collégiale; i°. le droit de donner l'inveftkure des fiefs immédiats de l'Em- pire ; 3°. celui d'accorder des fauf- con- duits , lettres de légitimation , de natura- iàfation^ des difpenfes d'âge , des lettres E M P 2y_p de nobîefîè , de conférer des titres , &c. de fonder des universités : 40. d'accorder des droits d'étapes , jus Jlapuli , de péages y le droit de non evoCando , de non appellando , Sec. ; cependant ce pouvoir eft encore limité. Les empereurs ont prétendu avoir le droit de faire des rois : un auteur remarque fort bien , que " ce ne feroit pas le moindre de » fes droits , s'il avoit encore celui de donner » des royaumes.» Les empereurs d'Allemagne , pour imiter les anciens empereurs Romains aux droits defquels ils prétendent avoir fuccédé , pren- nent le titre de Ce far , d'où le mot Alle- mand Kayfer paroît avoir été dérivé. Ils prennent aufli celui à'Augujle , fur quoi Guillaume III , roi d'Angleterre , diioit que le titre de femper Auguflus étoit celui qui convenoit le mieux à l'empereur Léo- pold , attendu que fes troupes n'étoient jamais prêtes à entrer en campagne qu'au mois d'août. Il prend auffi le titre d'/Vz- v incible , de chef temporel de la Chrétienté y cV avoué ou défendeur de Véglife, Sec. En parlant à l'empereur , on l'appelle facréc majejlé. Il porte dans fes armes un aigle à deux têtes ; ce qui eft , dit-on , mi fymbole des deux empires de Rome & de Germanie. ( — ) EMPERIERE, f. f. (Hift.) vieux mot qui répond à ce que nous entendons au- jourd'hui par impératrice. On le trouve en ce fens dans nos romans Gaulois , & par extenfion nos anciens rimeurs l'avoient auflî confacré à exprimer une forte de rime , qu'ils regardoient comme la rime de toutes les autres. Voye^ Rime. Cette rime empériere confiftoit en ce que la fyllabe qui formoit la rime , étoit immédiatement précédée de deux fyllabes femblables & de même terminaifon ; ce qui faifbit une efpece d'écho qu'on appel- loit triple couronne , & qu'à la honte de notre nation , ( ainfi que s'expriment quel- ques auteurs modernes ) les plus fameux de nos anciens poètes , fans en excepter Marots, regsrdoient comme une beauté. Le P. Mourgues , dans fon traité de la voéjie Francoife , en rapporte un exemple irès-propre à nous faire méprifer le mue- rable goût qui dominoita lors fur le Parnafle François , oà pour exprimer que le monÀ« K k 1 i6o E M P eft pervers & fujet au changement , on croyok avoir fait merveilles , en difant , Qu'es-tu ? qu'un immonde , monde , onde. Voye^ Rime. Vcye^ le dicl. de Trévoux Ik Chambers. {G) EMPESER LA VOILE, {Mer.) c'eft la mouiller en jetant de l'eau deifus \ ce qui fe fait quand la toile eft claire fur-tout dans les cueilles du milieu : de façon que le vent parte au travers ; alors elle fe reilerre par l'eau qu'on jette deifus , ôc la voile prend mieux le vent. ( Z ) Empeser , v. aét. terme d'Ourdijfage & de blanchijfage , c'eft donner de la gomme ou de l'empois à des toiles ,. à dts étoffes, &c. y pour les rendre plus fermes & plus unies. EMPESEUR, f. m. celui qui empoife ou empefe. Voye[ Empeser. EMPETRER ( s' ) ,. v. p. Manège , fe dit d'un cheval pris ou mêlé dans les traits ; ce qui peut arriver , foit qu'en ruant, tout le train de derrière foit forti du milieu de ces mêmes traits , foit qu'il ait paflé une feule jambe au-delà, les traits n'étant çoint affez tendus , comme on le voit fréquemment , fur -tout eu égard aux chevaux conduits par de mauvais portil- lons , foit à raifon de quelques autres caufes : il s'agit alors de replacer le che- val ainfi qu'U doit Pêtre lorfqu'il eft bien air télé , en l'obligeant à reparte r fa jambe ; c'eft ce que nous appelions dépêtrer , démê- ler un cheval. ( e ) EMPETRUM, f. m..{H!Jt. nat.bot.) de if dans 8c de ^erp^ , pierre , parce qu'il croît dans des endroits pierreux : en François , grande bruyère ; en Anglois , black , berried , héath ; en Allemand , heid nus fchwarfçen beeren ; genre de plante à fleur fans pétales , oompofée de plufieurs étamines , & ftérile. Les fruits naiflènt fur d'autres parties de la plante ; ils ref- femWent à des baies ,, &c renferment deux ou trois femences offeufes & cartila- gineufes. Tournefort , infl. rei herb. Vcye^ Plante. (I) EMPETRUM 3 (Jard.) bruyère à fruit ou camarigne 3 eft un petit arbriflèau qui E M P croît naturellement en Europe , Se que l'on confond pour l'ordinaire avec les autres bruyères , dont il ne diffère que par l'on fruit. On ne connoît que deux elpeces de cet arbrilleau, I. La bruyère à fruit noir. Cet arbrif- feau s'étend beaucoup plus qu'il ne s'élève. Il poufle du pie plufieurs tiges d'une écorce rouflatre , qui rampent par terre & s'étendent au loin. Sa feuille a beau- coup de reftèmblance avec celle de la bruyère commune. Ses fleurs qui paroiflènt au mois de juillet & qui durent jufqu'à la fin d'août , n'ont nulle belle apparence y elles font d'une couleur herbeuie , blan- châtre , & elles viennent en bouquet au bout des branches. Les fruits qui en pro- viennent font des baies rondes & noires v pleines de lue , dont les coqs de bruyère le nourriflent par préférence ; en forte que par-tout où il y a de cet arbrilleau , on peut s'aiîurer d'y trouver des oifeaux de cette efpece. Les terres moufléuies , ftériles- & humides , font celles où cet arbriflèau- fe plaie le mieux. Il eft fi robufte , qu'om le trouve communément fur les plus hautes montagnes de Suéde , où M. Lin- naeus a oblervé qu'aux environs de la mine de cuivre de Falhun , prefqu'au- cune autre plante n'y peut croître que cet arbriflèau , à cauie des vapeurs fujfi:*- reuies de la mine , qui font très-nuifibles aux végétaux. Pour multiplier cet arbrif- feau , il faut en femer les baies peu de temps après leur maturité , dans une place à: l'ombre & dans une terre humide ; mais les plants ne lèveront qu'au printemps de la féconde année : ils leront cependant en: état d'être tranfplantcs dès l'automne fui- vante. II. La bruyère à fruit blanc , ou la ca- marigne. Cet arbriflèau s'élève au plus à deux pies. Il pouflè plufieurs tiges droi- tes , menues , & dont l'écorce eft brune.. Ses feuilles, fort reflèmblantes à celles des autres bruyères , font difpofées trois à trois le long des branches. Ses fleurs , placées au bout des rameaux comme celles du précédent arbriflèau , n'ont pas meilleure apparence ; mais elles produifent de fort jolis fruits : ce font des baies perlées , .tranfparentes, & d'un goût acide qui plaie £ M P beaucoup au menu peuple. L'automne ■ eft le temps de la maturité de ce fruit en Portugal où cet arbrifleau eft com- mun. Les circonstances , pour fa multipli- cation, font les mêmes que pour le pré- cédent , fi ce n'eft qu'il faut moins d om- bre & d'humidité pour la camarigne , ^ui fe plaît au contraire dans un terrain fablonneux. ( c ) EMPHASE, f. f. {Belles-Lettres.) éner- gie outrée dans l'expreffion , dans le ton de la voix , dans le gefte. Empkàfe fe prend ordinairement en mauvaiic part , &c marque un défaut , foit dans les paroles , foit dans l'action de l'orateur. On dit d'un prédicateur qu'il pro- nonce avec emphûfe , qu'il règne beaucoup à'emphafe dans fes pièces ; & ce n'eft fure- mentpas un éloge. Quel plus grand fupplice, dit la Bruyère , que d'entendre prononcer de médiocres vers avec toute Yemphafe d'un mauvais poè'tc ! ( G ) EMPHYSEME , f. m. (Médecine & Chi- rurg.) i^'j7i(ji.ct , rinflatio , de çvv» , fîatus , iîgnifie en général toute tumeur formée par l'air , ou toute autre matière flatueuie, rarefcible , ramaffée dans quelque partie du corps que ce foit.. Lorfque le ferotum eft diftendu par des flatuoiités, l'enflure qui en réfulteeftappellée pneumatocele. Lorfque c'eft dans la cavité de l'abdomen qu'il fe forme un amas de fubftance aérienne , qui en diftend les parois , & les rend fufceptibles de retentir comme un tambour , lorfqu'elles font frappées ; on donne à ce gonflement le nom de tympanite : mais ce ne font là que des efpeces d'emphyfemes diftinguées par des dénominations particulières , à caufe de la différence du liège. Cependant il eft reçu parmi les méde- cins, que l'on doit entendre par emphy- feme proprement dit , pris dans un fens plus borné , celui qui occupe toute ou prefque toute l'habitude extérieure du corps ; & que l'on appelle tumeur emphy- fémateufe , celle qui n'occupe que quelque partie de la furface du corps : c'eft de ces deux efpeces d'emphyfemes dont il s'agit ici '} les autres font traitées fous les noms È M P 161 quiiesdiftinguent. Fcye^PNETjTMATocELE , Tympanite. Le fiege de Yemphyfeme eft dans le titîii cellulaire qui eft diftribué fous toute l'éten- due de la peau. "Ce n'eft pas une mem- » brane fimple, dit M. Winflow , mais » un tiflu de plusieurs feuillets mem- » braneux attachés les uns aux autres de- » diftance en diftance ; de forte qu'ils » forment quantité d'interftices plus on « moins diftendus , qui communiquent » enfemble , & avec les membranes qui » tapi fient l'intérieur de la poitrine & du » bas-ventre : cette ftructure eft évidem- » ment démontrée tous les jours par les » bouchers ; car lorfqu'ils foufflent un » animal récemment tué, ils gonflent non- »» feulement la membrane adipeufe (qui » eft la même que le tiflu cellulaire , » lorfque celui-ci eft rempli de graifle ) , » mais Pair pénètre même dans les interf-- '> tices des mufcles & jufqu'aux vilceres , » où il produit par-tout une efpece àïemphy- » feme artificiel .... » Les maquignons & les marchands de borufs fe fervent auili quelquefois de cet expédient pour faire paroître les animaux dont ils font commerce , plus pleins , plus gras, félon la dilfertation qu'a donnée fur cet artifice Mauchart, eph. nat. cur. Tavernier ( voyage de Perfe) dit que l'on procure aufli de ces emphyfemes ar- tificiels aux chameaux dans la même in- tention. Eorelli (cent, cxj , obf. 30) fait mention d'un fcélérat qui , par le moyen d'un emphyfeme artificiel , avoit fait de fon- fils un foufflet animé , &c. Il n'eft pas nécefîàire qu'il fe fafte au- cune rupture dans les parois des cellules- pour établir la communication néceflàire ■ pour produire Y emphyfeme. Cela eft fuf- fifamment proiïvé par ce qui arrive à ceux qui ont eu un emphyfeme général formé par l'air , qui s'eft inlinué dans tout le tiflu cellulaire fans exciter aucune dou- leur , en pénétrant par une très - petite plaie faite à là poitrine. Mery , mém. de Vacadém. des Sciences , IfiJ. Moins il y a de fuc adipeux dans ce tiflu , plus il eft' fufceptible d'admettre l'air dans fes cellu- les , & de fe diftendre par les effets de ce fluide, Ce deyoit être un fpectacla- t€* £ M P bien fîngulier qu'un homme tel que l'a vu M. Littre , gonflé d'air par toute l'habi- tude extérieure du corps , Se cela juf- qu'à onze pouces d'épaiffeur dans les en- droits les plus enflés. Obferv. cur. de Phyf. tome I. La caufe de Vemphyfeme eft prefque toujours externe , comme il confte par les obfervations ; il eft fouvent une fuite des plaies faites à différentes parties du corps. Dans le cas , par exemple ? dit le docteur Wanfwieten , où un chirurgien infifte trop à fouiller avec la fonde fous les lèvres d'une plaie faite aux tégumens de la tête, qui pénètre jufqu'à la mem- brane adipeufe , pour chercher à s'aflurer fi le période ou le crâne même eft înté- refle , l'air s'introduit à la faveur de la fonde dans l'intérieur de la plaie , dans le tiflu. cellulaire ; il après cela on vient à rapprocher les bords de la plaie Se à la couvrir avec un emplâtre , l'air ainil fermé ne peut plus fe faire une ifîue au-dehors ; il s'échauffe cependant , Se Ce raréfie ; il fait effort par conféquent pour s'étendre ; il fe fait un paffage ultérieurement dans la membrane celluleufe , Se forme une tumeur dans les environs de la plaie. Si le chirurgien , dans l'ignorance de la caufe de cette tumeur , cherche à la connoitre encore par le moyen de la fonde , il intro- duit une nouvelle quantité d'air qui , étant enfuite fermé par l'emplâtre , produit de nouveaux effets dans l'intérieur de la plaie , Se fe répand dans un plus grand efpace fou? les tégumens , gagne le front , les paupières Se la face ; en forte qu'il arrive quelquefois que tout le vifage eft enflé par une tumeur tranfparente Se élai- tique qui s'élève prefqu'au deflus du nez , Se couvre entièrement les yeux. Qu'il puifle ainf-i provenir des emphyfemes à la fuite des plaies de la tête , c'eft ce qui eft conftaté dans les œuvres chirurgicales de Platner, &c. Les plaies qui pénètrent dans la poi- trine , fourniffent encore plus fouvent des exemples d'emphyfemes , qu'elles procu- rent , fur-tout lorfqu'elles pénètrent dans fa cavité par une très -petite ouverture , qui a d'abord donné entrée à l'air , Se a cré fermée bientôt après d'elle-même , EMP par l'art 8e les emplâtres ; Se encore plus aifément , lorfque la furface des poumons fe trouve bleflée , Se laiffe échapper l'air , où il fè ramafle en plus grande quantité qu'il n'y eft dans l'état naturel ; d'où il fait effort contre les bords internes de la plaie du thorax , déterminé à fe faire une iffue quâ data portât par la preffion des poumons Se de l'atmofphere , qui les dilate ; il pénètre dans le tiflu cellulaire à différentes reprifes , comme par l'effet d'une pompe foulante , Se s'étend fous les tégumens de toute la furface du corps. La même chofe peut encore vraifem- blablement arriver dans le cas où il fe fait une folution de continuité dans la furface interne du thorax par un ulcère , par érofion , ou par toute autre caufe , fans léfion extérieure. L'air habituel de la cavité du thorax preffé de la manier.? qui vient d'être expofée , peut s'infînuer dans le tiflu cellulaire 3 Se y produire les effets mentionnés. Les emphyfemes furvenus à la fuite de la fracture d'une côte , fans aucune léfion extérieure , ne peuvent être produits que par l'air thorachique , qni peut être dans le tiflu cellulaire par quelque déchirure de la furface intérieure du thorax. Au refte, j'admets volontiers l'exiftence de l'air thorachique , d'après les expérien- ces rapportées dans Vhœmaftatique de M. Halles , que j'ai vu répéter avec fuccès par M. de la Mure , célèbre profefleur de Montpellier. Boerhaave ( /?//?. morb. atroc. ) fait men- tion d'un ewphyfeme produit par Une fuite de la rupture de l'œfophage. Il arrive très-rarement que Vemphyfeme fbit produit par une caufe interne , parce que l'air qui en fournit la matière , étant naturellement incorporé avec les humeurs, Se réduit à fes parties élémentaires , a perdu les qualités qui lui font propres , Se n'agit plus comme un air élaftique t c'eft ce que prouvent les expériences de Boerhaave , d'Halles , de Jurin. Il ne peut recouvrer fbn élafticité , que par les effets de la diminution du poids de l'at- mofphere , de l'augmentation de la cha- leur à un tel degré } que le corps humain E M P n'eft jamais naturellement dans le cas d e- prouver ces altérations ; ou par les effets de la putréfaction , qui eft très-rarement portée au point de faciliter le développe - ment des parties aériennes , comme on le voit arriver dans les cadavres des noyés , qui , lorfqu'ils font pourris à un certain point , fe gonflent extrêmement dans tou- tes leurs parties , 6c acquièrent un tel volume , qu'ils deviennent plus légers fpécifiquement que l'eau dans laquelle ils flottent 6c furnagent : c'cft là un véritable empkyfeme général produit par la putré- faction , qui peut feule ( à moins que l'on ne regarde comme une caufe de cette na- ture , l'effet de la buprefte ou enflebceuf , prife intérieurement , vcye[ Bupreste ) en produire de fèmblables dans l'animal vi- vant , à en juger par analogie , 6c même par les faits. On a vu des phlyctenes emphyfémateufes fur les parties afFt.ftées de gangrené , qui étant crevées , rendoient une vapeur élaftique avec impétuofité. De la Mure , thcf. iv , difp. cathcd, Mont- pell. 1749. On trouve , mém. de l'académ. des Sciences , IJ04 , Pobfervation d'une fille de cinq ans qui devint emphyfcma- teufe par tout ion corps trois jours avant fà mort , à la fuite d'une maladie de lan- gueur qui l'avoit confumée peu -à -peu. Lorfque l'on voulut faire l'ouverture du cadavre , la tumeur fe difîipa entièrement après le premier coup de fcalpel qui ou- yrit la peau du ventre , &c donna i-flue à l'air, qui fortit avec une puanteur infup- portabîe ; n'y ayant point eu de caufe ex- terne de cet emphyfsme , on ne peut guère l'attribuer qu'à la putréfaction , qui avoit diflous les humeurs , remis en liberté Pair qu'elle contenoit , ou fourni une matière flatueufe élaftique , d'où avoit pu réfulter le même effet que de l'air même. Halles , clans fa ftatique des végétaux , établit par des expériences incontestables , que l'air ou toute autre fubftance élaftique analogue , produit par ces fortes de mouvemens inteftins , a toutes les propriétés eflentielles de l'air commun. On distingue X'emphyfeme de toute au- tre efpece de tumeur , en ce ^ue la par- tie qui en eft affectée , étant preffée avec le doigt _, il s'y fait une efpece de bruit , E M P i£j de craquement ; elle réfifte quelquefois à la preflion par reflbrt , 6c d'autres fois elle cède aifément , 6c Ce remet promp- tement dans fon précédent état. D'ail- leurs , cette tumeur , même univerfelle , ne rend pas fènfîblement le corps plus pefant. \J emphyfeme qui eft produit par .une caufe externe , eft ordinairement fans danger , à moins que l'enflure ne foit û confidérable , fur-tout au cou , qu'elle preffe la trachée-artere , 6c menace de fuf- focation ; 6c dans ce cas même , fi on fc hâte de donner iflue à la matière élafti- que renfermée fous la peau , le danger cefle. L'cmphyfeme qui eft caufe par une bleflure du poumon , n'eft pas fufceptible d'un traitement auflï aifé , parce que l'on ne peut pas aifément faire cefïèr l'épan- chement de l'air dans la cavité du tho- rax , 6c tarir la fburce de l'cmphyfeme. Celui qui peut furvenir par l'introduction* de l'air thorachique dans le tilTu cellulaire 3 à la faveur d'une folution de continuité de la furface interne de cette cavité 3 eft encore plus difficile à guérir , tant que l'air a cette iflue j que Ton ne peut même connoitre que par foupçon dans le cas où Yemphyfeme s'établit fans aucune caufe externe connue , 6c fans que la putréfaction des humeurs ait lieu pour fe former : celui qui eft pro* duit par cette dernière caufè , eft prefque incurable ; les tumeurs emphyfémateufes de caufe externe font de peu de confé* quence. L'indication qui fe préfente pour le traitement de Yemphyfeme , de quelque nature qu'il foit , doit tendre à faire for- tir du tiffu cellulaire la matière élaftique qui endiftend les cavités : ce que l'on peut obtenir par des prefîlons ou des frictions modérées , qui fafîènt une dérivation de cette matière vers l'iffue qui fe trouve faite par une plaie , s'il y en a une , que l'on doit dilater , s'il eft néceflaire , pour rendre la fortie de l'air plus facile ; s'il n'y a point de plaie , ou qu'elle ne fuffife pas pour dégager promptement les parties tuméfiées , on a recours aux feariheations qui pénètrent jufque dans ia fubftance du tiiiu cellulaire. On trouve dans les oeuvres d'Ambroife Paré , liv. X > chap. xxx , une *6*4 E M P très -belle obfervation fur le bon effet des (tarifications. Dans le traitement de Yemphyfeme , pendant l'effet de ce remède , on doit s'appliquer à empêcher que la matière de l'enflure emphyfémateufe ne fe renouvelle par la voie qui lui eft ouverte dans le tiflii cellulaire , en la fermant , autant qu'il eft peffible , félon les moyens que l'art fournit. Si l'on ne peut pas employer des re- mèdes à cet égard , on doit s'occuper du loin de rendre l'enflure emphyfémateufe aufli peu nuifible qu'il eft poflible ; c'eft ce que l'on peut faire avec fuccès par le moyen de la faignée , répétée autant que les forces du malade le permettent : elle produit le bon effet de diminuer la cha- leur du corps j & par conféquent la caufe ■de la raréfaction de l'air : d'où s'enfuit la diminution de fon volume , le relâche- ment des tégumens , la ceflàtion des dif- tenfïons violentes qui peuvent eau fer de la douleur , des inflammations , &c. La matière élaftique , qui refte dans le tiflu cellulaire , peut enfuite perdre fon reflbrt par l'effet des exhalaifons du corps qui s'y mêlent inévitablement ; propriété bien établie par les expéiiences de Halles , fia- tique d.s végétaux. Cette matière , ainiî décompofée , peut Ce difliper avec celle de la tranfpiration à laquelle fes élémens peuvent s'unir , ou elle peut être réfor- mée avec celle - ci fans qu'il s'enfuive rien de nuifible ; ainfi difparoiflènt l'en- flure & tous les fymptomes qui l'accom- pagnent. On trouve dans les obfervations de Le- dran , tome I , la guérifbn d'un emphyfeme caufé par la fracture de quelques cotes , fans folution de continuité à l'extérieur : cette cure fut opérée par la méthode qui vient d'être propofée fans aucun remède externe. Dans le cas où Vemphyfemt eft produit par l'effet de la putréfaction ou de la gangrené , on ne peut employer que les fpiritueux de les antifeptiques , tant exté- rieurement qu'intérieurement , attendu que l'efprit-de-vin & fa vapeur même ont la propriété de détruire aufïî le reflbrt de l'ai/ , quoique moins efficacement que E M P les vapeurs animales. Cotes , leçons de phy* fique. Les tumeurs emphyfémateufes particuliè- res ne différent de Yemphyfeme que du plus au moins ; elles demandent le même traitement proportionné. Cet article eft tiré en partie du commentaire des aphorifmcs de Boerhaave , par Wanfwieten , & de la thefe citée de M. de la Mure. Nous mettons cet article fous deux lettres , parce que nous l'avons reçu de deux mains diffé- rentes , & traité à peu près de la même ma- nière, (d, Y) Emphysème, (Médecine & Chirurgie.) Nous croyons devoir ajouter à cet article la finguliere relation de M. Galandat , chirurgien à la ecte de Quaqua, qu'on a appellée par préjugé , Côte des Maies-Gens t & qui s'eft trouvée peuplée par une na- tion d'un bon commerce. Les médecins Nègres font naître un emphyfeme artifi- ciel , qu'ils croient falutaire contre plufieurs maladies , comme la maladie hypocon- driaque , le rhumatifme. L'incifion , que recommandoit M. de Sauvages pour la guérifon de Yemphyfeme , ne paroît pas né- ceflaire , puifque cet air artificiel difparoît au bout de neuf ou dix jours. Il eft aflèz difficile de trouver le mé- chanifme par lequel l'air foufflé fous la peau peut guérir la maladie hypocon- driaque : on feroit tenté de croire qu'il feroit un mauvais effet fur la tranfpiration , en éloignant les petits trous des artères cu- tanées de leurs branches exhalantes. Il feroit moins improbable que cet emphyfeme arti- ficiel pût fervir à engraiffer les beftiaux ; il doit relâcher les parois des cellules , & aug- menter la furface dans laquelle la graille eft dépofée. Cet air , en fè mêlant peu à peu à l'hu- meur dont toutes les cavités , grandes ou petites , du corps humain font abreuvées , & diflbus dans cette eau gélatineufe , ren-» tre dans le fang, ( H. D. G, ) Emphysème , ( Maréchall. ) c'eft ainfî que l'on devroit appeller , dans la maré- challerie , toute bouffiflure , tout gonfle- ment flatueux , toute tumeur produite par une collection ou un amas d'air retenu, fous la peau dans les cellules des corps graifleux, l/emphyfeme E M P V^mphyfeme particulier efl très-commun dans les chevaux. Il eu étonnant que , dans une énorme quantité de volumes & d'écrits concernant le traitement de ces animaux , Pefprit ne rencontre pas un feul point fur lequel il puiffe fe fixer , & d'où il puifTe partir ; on n'y trouve que défordre , que trouble , que confufion. Les vraies définitions des maladies , leurs fymptomes propres & communs , leurs caufes , leurs efpeces , leurs différences , leurs temps , leurs com- plications , leurs terminaifons , tout fem- ble avoir échappé à des auteurs dont la réputation n'a eu d'autre bafè qu'une crédulité non moins aveugle qu'eux mê- mes. Les plus accrédités ont été ceux qui fe font contentés de faire un vain ufage de recettes & de remèdes , ou qui fe font efforcés d'en impofer d'ailleurs par des titres fpécieux , par des promeuves hardies & par des fuccès douteux. V'oye\ le difcours préliminaire du fécond volume des élémens d'hippiat. Dans cet état il n'efl pas difficile de juger du peu de progrès que nous avons dû faire. Il s'agiroit , pour diffiper les té- nèbres épaiffes qui nous mafquent la vé- rité , d'établir fur des fondemens inébran- lables , c'efr-à-dire , fur des connoiffances certaines & évidentes , & fur des obfer- vations raifonnées , la pratique du maré- chal ; de faire de l'art une efpece de chaîne dont toutes les parties fe tien- droient , & de rejeter avec une judicieufe févérité tout ce qu'une ignorance auda-r cieufe nous a préfènté de faux. Les tu- meurs font , par exemple , innombrables de la manière dont nous les envifageons ; car , à mefure qu'elles fe font montrées , on a affigné un nom particulier à chacune d'elles : de là cette foule de mots bizarres qui rendent l'étude de l'hippiatrique d'au- tant plus faftidieufe , qu'ils n'expriment & n'apprennent rien. Il feroit donc , à cet égard , très-important de les ranger , à l'exemple de la chirurgie , fous difFérens genres auxquels on pourroit les rapporter. Les objets ainfi fimplifiés , nous procéde- rions plus méthodiquement & plus fure- ment , & nous ne nous perdrions pas dans un chaos monflrueux qui nous dérobe Tome XII. E M P i6f jufqu'aux moindres lueurs. Voye^ TU- MEUR. En général y on remédie aux tumeurs emphyfémateufes , en augmentant la force fyfraltique des fibres , à l'effet de parer à une trop grande dilatation , & de les em- pêcher de céder trop facilement à l'expan- fion de l'air ; auffi employons-nous pour les diflîper les médicamens confortatifs & fpiritueux. On les diflingue des tumeurs œdéma-. teufes , qui ne font pareillement accom- pagnées ni de chaleur ni de douleur , en ce que dès qu'elles ont prêté à une prefc fion quelconque du doigt , elles reviennent- fur le champ à leur premier état ; au lieu que dans l'œdémie , cette impreffion ne s'efface pas aufll-tôt , & laifîè un enfonce- ment à la peau ; car cette tumeur eft non- feulement molle , mais , en quelque façon , pâteufe. ( e ) EMPHYTEUTAIRE , f. m. ( Jurifp. ) . eff la même chofe qu' emphytéote. Voye^ EMPHYTÉOTE &EMPHYTÉOSE. (A) EMPHYTÉOSE , f. f. (Jurifprud. ) efl un contrat par lequel le propriétaire d'un héritage en cède à quelqu'un la jouiffance pour un temps , ou même à perpétuité , à la charge d'une redevance annuelle que le bailleur réferve fur cet héritage , pour marque de fon domaine direct. Ce contrat n'a lieu que pour des héritages, & non pour des meubles , ni même pour des immeubles fictifs. Le terme d'emphytéofe tire fon étymo- logie du Grec 'mfultu&iv , qui fignifie planter y améliorer une terre 9 parce que ces fortes de contrats ne fe pratiquoient que pour des terres que l'on donnoit à défricher ; & c'eft de là , félon quelques auteurs , que ce contrat s'appelle roture , quafi à rumpendis terris. Le complant ÔC le bordelage , ufités dans quelques pro- vinces , ont beaucoup de rapport avec Vemphytéofe. Voye\ BORDELAGE Ù Complant. On peut auffi donner à titre iïemphy-* téofe une maifon en ruine, à la charge de la réparer. L'ufage de Vemphytéofe nous vient des Romains , chez lefquels elle ne donnoic Ll d'abord au preneur qu'une jouifîânce à temps , comme pour 99 ans au plus ; quelquefois pour la vie du preneur feu- lement ; quelquefois aufli pour pîufieurs générations > mais toujours pour un temps feulement , ainfi que l'a prouvé Dumoulin fur la rubrique du titre ij , & fur Y art. 55, gl. 4. C'eft pourquoi , dans les loix Ro- maines , le droit de l'emphytéote n'eft point qualifié de feigneuric , linon dans les trois derniers livres du code , & depuis 3e temps de Conftantin : il n'étoit qualifié jufque-là que fervitus ou jus fundi y l. iij , fF. de reb. eor. qui fub tutel. Ù leg. domus delegat. i°. C'eft aufli par cette raifon que Cujas met Yemphytéofe entre les efpeces d'ufufruits. JJemphytéofe devint enfin perpétuelle , comme elle eft encore réputée telle in dubio; au moyen de quoi Yemphytéote fut appelle dominus fundi P L fundi Ù l. poffefj\ c. de fund. patrim. La contradiction apparente qui fe trouve entre quelques loix fur cette matière , vient de ce que les unes parlent de Yemphytéofe perpétuelle, d'autres parlent de Yemphytéofe temporelle. On diftinguoit chez les Romains le contrat emphytéotique du bail à longues années ou à vie , en ce que dans celui-ci la redevance étoit ordinairement à-peu- près égale à la valeur des fruits ; au lieu que dans Yemphytéofe la redevance étoit modique , en confidération de ce que le preneur s'obligeoit de défricher & amé- liorer l'héritage. Mais parmi nous on con- fond fouvent Yemphytéofe proprement dite avec le bail à longues années ou à vie , qu'on appelle auffi bail emphytéotique : en Poitou on les appelle vicairies , quajï vice domini. Il y a de ces vicairies qui font pour trois ou quatre générations , comme cela fe pratiquoit fouvent pour Yemphytéofe chez les Romains. En Dauphiné , & dans quelques autres pays de droit écrit , on les appelle albergemens. Le contrat Yemphytéofe difFéroit auffi chez les Romains du contrat libellaire , qui revenoit à notre bail a cens , & de certaines concevions à rentes foncières non feigneuriales qui étoient ufitées parmi çux , telles que la redevance appcllée cloar> tMP carium : au lieu qu'en France , dans les pays de droit écrit , Yemphytéofe faite par le feigneur de l'héritage , a le même effet que le bail à cens en pays coutumier ; & Yemphytéofe faite par le fimple propriétaire de l'héritage , y eft ordinairement confon- due avec le bail à rente foncière : ces deux fortes (Yemphytéofes y font perpétuelles de leur nature. La redevance que l'on ftipule dans ces fortes de contrats en pays de droit écrit , y eft ordinairement appellée canon emphy-> téotique. Les loix décident que , faute par 1 em~ phytéote de payer ce canon ou redevance pendant trois ans , il peut être évincé par le preneur , qui eft ce qu'on appelle tomber en commife. Il y avoit encore une autre commife emphytéotique ; lorfque le preneur ven- doit l'héritage, fans le contentement du bailleur. Mais on a expliqué ci- devant au mot Commise emphytéotique , de quelle, manière ces loix font obiervées. On peut, encore voir à ce fujet ce que dit Bouta- ric en fon traité des droits feigneuriaux _, chap. xiij y où ,,à l'occafion de la commife. qui avoit lieu; en cas de vente , il dir que préfentement l'emphytéote peut ven- dre quand bon lui femble , fans être tenu de faire aucune dénonciation ; que le feigneur a feulement le droit de retirer le fonds vendu , en rembourfànt le prix à l'acquéreur ; que s'il ne veut pas ufer de ce droit de prélation , il ne peur , fui- vant les loix , exiger que la cinquantième partie du prix de la vente pour Y inveftiture du nouvel acquéreur ; que toutes les cou- tumes du royaume fe font bien confor- mées à la difpofition du droit , en ce qu'elles permettent toutes au feigneur d'exiger un droit à chaque mutation qui fe fait par vente ; mais qu'il n'y a aucune coutume qui ait fixé ce droit de mutation à un fi bas pié que celui de In cinquantième partie du prix. M. Guyot , en fon traité des fiefs , traité du quint) chap. viij y dit que les auteurs s'accordent affez pour conclure qu'il n'eft point dû quint en fiefs ni lods & ventes en roture , pour bail emphytéotique à 99 ajas E M P ou à vie : il érend même cela à Yemphy- tcofc perpétuelle , fi par le bail il n'y a pas de deniers debourfes ; au cas qu'il y en eût , que les deniers en feraient dus à propor- tion ; ce qui efl conforme aux coutumes d'Anjou & du Maine , qui décident aufli que le retrait y a iku , quand il y a des deniers debourfes. Le même auteur explique dans le chapitre fuivant , en quoi Yempkytéofe diffère du bail à locatairie perpétuelle. Voy. LOCATERIE PERPÉTUELLE. En pays coutumier , Yemphyte'ofe efl un bail à longues années d'un héritage , à la charge de le cultiver & améliorer ; ou d'un fonds , à la charge d'y bâtir ; ce qui a quel- que rapport au contrat fuperficiaire des Romains ; ou d'une maiion , à condition de la rebâtir , moyennant une penfion ou redevance annuelle modique , payable par le preneur. On flipule auffi quelquefois que le preneur paiera une certaine fomme de deniers d'en- trée pour ce bail. Tout bail qui excède neuf années , efl réputé bail emphytéotique ou -à longues années. Uemphytéofe fe fait ordinairement pour 20 , 30 , 40 , 50 , 60 , ou 99 ans , qui efl le terme le plus long que l'on puifïè donner à ces fortes de baux. Lorfque ce bail efl fait pour un temps fixe , les héritiers du preneur en jouifTent pendant tout le temps quienrefle à expi- rer , quoique le bail ne laiTe pas mention, d'eux. On peut faire un bail emphytéotique , tant pour la vie du preneur que pour celle de (es enfaus & petits-enfans. La coutu- me d'Anjou , art. 42 s., & celle du Maine , art. 4l 3 > appellent ces fortes de contrats , i>J.ux à viage. Le bail à vie diffère néanmoins à cet égard des autres baux emphytéotiques , en ce que fi le bail à vie ne nomme que ie preneur & fes enfnns , les petits-enfans c'y font pas compris ; au lieu que fi c'efl un bail emphytéotique fimplement pour le preneur & fes enfans , les petits-en- fans y font auiii compris lous le nom à1 enfans y fuivant la règle ordinaire de droit. Vemphyteofe reffemble au bail à loyer ou à ferme , en ce que l'un & l'autre con- trat efl: fait à ia charge d'une penfion an- nuelle ; mais Yemphyte'ofe diffère auflî du louage , en ce que ï'emphytéote a la plu- part des droits &; charges du propriétaire : & en efiet , le bail emphytéotique til une aliénation de la propriété utile au profit du preneur pendant tout le temps que doit durer le bail , la propriété directe demeurant réiervée au bailleur. Le preneur étant propriétaire , peut vendre , aliéner , échanger ou hypothé- quer l'héritage , mais il ne peut pas donner plus de droit qu'il en a ; & lorfque le temps de la conceffion efl expiré , refo- luto jure dantis y refolvitur & jus acci- pientis. Ceux qui ne peuvent pas aliéner , ne. peuvent pas non plus donner à titre d'tf/^- phytéofe perpétuelle , ou à temps. L'égliie & les communautés ne le peu* vent raire qu'avec les folemnités preferices pour l'aliénation de (es biens ; on tient même qu'elle ne peut faire aemphytéofe perpétuelle , mais feulement pour 99 ans au plus. La penfion ou redevance emphytéotique efl tellement de l'eifence de ce contrat , que s'il n'y en avoit pas une referve , ce ne feroit point une emphyte'ofe. L'emphytéote ne peut pas , comme un fimple locataire ou fermier , obtenir une remifè ou diminution de la penfion annuelle, pour caufe de flérilité , parce que la penfion emphytéotique efl moins pour tenir lieu des fruits , qu'en figne de reconnoifîance de la feigneurie directe. Il n'efl pas permis à l'emphytéote de dégrader le fonds y ni même d'en changer la"furface, de manière que la valeur en foit diminuée : ainfi il ne peut pas con- vertir en terre labourable ce qui efl en bois ; mais il peut couper les bois , même de haute futaie , qui fe trouvent en âge d'être coupés pendant la durée de fon bail. Il ne peut pas détruire les bâtimens qu'il a trouvés faits , ni même ceux qu'il a, con/truits lorfqu'il étoit obligé de le raire; mais s'il en a fait volontairement quelques- uns , il peut de même dans le courant d& Ll 2. 26S E M P fon bail les enlever , pourvu que ce fbit fans dégrader l'hérirage. On ftipule ordinairement , quand on donne une place à titre d'emphytéofe P que le preneur fera tenu d'y bâtir : cette claufe n'eft pourtant pas de l'efîence d'un tel con- trat ; mais fi elle y eft appofée , on peut con- traindre le preneur à l'exécuter. La léfion , telle qu'elle (bit , n'eft point un moyen de reftitution contre Yemphytéofe, excepté pour celles qui concernent Péglife & les mineurs , qui peuvent être relevées quand la léfion eft énorme. La jouiffance d'un bail emphytéotique peut être faille & vendue , comme les im- meubles , à la requête des créanciers. En fait d'emphytéofe , la tacite recon- duction n'a point lieu. Le preneur ne peut pas non plus pres- crire le fonds , attendu qu'on ne peut pas changer la caufe de fa pofïèffion ; mais il peut prelcrire les arrérages de fà redevance , qui font échus. Toutes les réparations , tant grofles que menues, font à la charge de l'emphytéote pendant la durée de fon bail. Il eft auffi obligé d'acquitter toutes les charges réelles & foncières , telles que la dîme , le cens , champart , &c. A l'expiration du terme porté par le bail emphytéotique , le preneur , ùs héri- tiers ou ayans-caufe doivent rendre les lieux en bon état , à l'exception des bâtimens qu'il a conftruits volontairement , lefquels on ne peut pas l'obliger à réparer ; mais il ne peut pas non plus les démolir à la fin de fon bail , en emporter aucuns maté- riaux , en répéter les impenfes , ni obliger , fous ce prétexte , le bailleur à lui continuer le bail, foit pour la totalité de ce qui y étoit compris , foit même pour la jouifîànce de ces bâtimens ; dans ce cas , fuperficies folo cedit. Si le fonds donné en emphytéofe vient à périr totalement ; par exemple , fi c'eft une maifon , & qu'elle foit entièrement ruinée par quelque force majeure^- en ce cas le preneur eft déchargé de la penfion. Il peut aulli, en déguerpiffant l'héritage, fe faire décharger en juftice de la penfion , quoiqu'il fe fût obligé perfonnellement au paiement de cette penfion , & qu'il y eût E M P hypothéqué tous fes biens , l'obligation per- fonnelle étant dans ce cas feulement accef- foire à l'hypothécaire. Voye\ DÉGUER- PISSEMENT. Voye\ au digefte , Ji ager vectigalis } id eft emphyteuticarius , peta- tur; & au code de jure emphyteutico. Il y#a auffi plufieurs traités , de jure emphyteutico , par Julius Clarus , Gui o de Su\aria 9 Corbulusy Rutherus y Rulandt ; & un petit traité de Vemphytéofe , par Jovet, inféré dans le dictionnaire de Brillon , au mot bail emphytéotique. Voyez aujji Duclapier , quefi. j , caufe z $ ; Defpeiffes , tome II îy page j z ; Chorier/wr Gui-Pape ,p. &4-4-Î Franc. Marc , tome I , quefi. £$3. {A) EiMPHYTEOTE, f. m. (Junfprud.) eft celui qui a pris un bien à titre d: emphy- téofe , c'eft-à-dire , à longues années ou à perpétuité. Voye\ ci- devant y EMPHY- TÉOSE. (A) EMPHYTÉOTIQUE , adj. (Jurifp.) fe dit de ce qui appartient à l'emphytéofe , comme un bail emphytéotique , une rede- vance emphytéotique. Voye^ EMPHY- TÉOSÉ. (A) EMPIÉTANT, adj. en terme de Blafon, fe dit de l'oifeau de proie qui eft fur fà proie , qu'il tient avec Ces ferres. Tarlet en Bourgogne , d'azur au faucon d'or , grilleté d'argenr , empiétant une per- drix d'or , becquée & onglée de gueuks. EMPIÉTER, v. neut. (Fauconnerie.) fe dit d'un oifeau de proie , & particuliè- rement de l'autour qui empiète _, c'eft-à- dire , qui enlevé & emporte la proie avec les pies. EMFILER , v. nâ. ( Comm. ) mettre plufieurs marchândifes d'une même ou de différentes fortes, les unes fur les autres, en faire une pile. Voye\ PlLE. On empile des étofiès dans un magafin, du bois fiotté dans un chantier, des mo- rues dans un navire ou dans un bateau. Diciionn. de Comm. de Trév. & Chambers. (G) EMPIRANCE , f. f . ( Marine. ) On fe fert quelquefois de ce terme pour expri- mer le déchet , corruption ou diminution qui arrive aux marchândifes que la tem- pête ou quelqu'autre accident contraint de jeter de côté & d'autre dans le vaiP- fèau. On dit au{& em'pirance & empirer E M P par fon propre vice , quand la corruption ou diminution arrive par la nature des chofes; & que ce n'efl point un accident qui le caule. (Z) EMPIRE , AUTORITÉ , POUVOIR , PUISSANCE , iyn. ( Gramm. ) Outre les différences qu'on a remarquée entre ces mots à V article AUTORITÉ, voici encore des nuances qui les dillinguent , & que nous choifirons dans une même matière, pour les rendre, plus-frappantes. On dit l' empire que Dieu exerce fur les hommes y V autorité d'un concile , le pouvoir d'abfoudre y la puij/ance eccléjiaftique. ( O ) EMPIRE , f. m. ( Hift. anc. ) gouver- nement monarchique où la fouveraine puif- lance efr. réunie dans une leule perfonne. On connoît dans l'hiftoire ancienne qua- tre grandes monarchies ou quatre grands empires ; celui des Babyloniens , Chal- déens & Afîyriens ; celui des Medes ou des Perfes ; Y empire des Grecs , qui com- mence & finit à Alexandre , puifqu'à fa mort (es conquêtes furent divifees entre (es capitaines ; & celui des Romains. Les deux premiers n'ont fubfifté que dans l'Orient ; le troifieme en Orient & partie en Occident ; & Yempire Romain dans prelque tout l'Occident connu pour lors , dans une par- tie de l'Orient , & dans quelques cantons de l'Afrique. L'empire des Aflyriens , félon Ufferius , commença en 2.737 , & dura 520 ans. Ninus , Beli filius , Afjyriorum fundavit imperium }qui £ zoanmsfuperiorem AJiam obtinuèrunt. 11 a fubfifté jufqu'à Sardana- pale leur dernier roi , en 32,57 , & a , par conféquent, duré plus de quatorze cents cin- quante ans. Y? empire des Medes , commencé par Arbace l'an du monde 32,57 , eu. réuni fous Cyrus avec celui des Babyloniens & des Perfes l'an 3468. C'eft à cette époque que commence proprement Yempire des Perfes , qui finit deux cents foixante ans après la mort de Darius-Codoman , l'an du monde 3674. L'empire des Grecs , à ne le prendre que pour la durée du règne d'Alexandre commença l'an du monde 3674 , & finit, à la mort de ce conquérant , arrivée en 3681. Si par empire, des Grecs on entend E M P i69 non feulement la monarchie d'Alexandre , mais encore celle des grands états que fes fucceffeurs formèrent des débris de fon empire , tels que les royaumes d'Egypte , de Syrie , de Macédoine , de Thrace & de Bithynie , il faut dire que Yempire des Grecs s'eft éteint fuccefilvement & par parties , le royaume de Syrie ayant fini l'an du monde- 3939 ; celui de Bithynie onze ans plutôt , en 3928 ; celui de Macé- doine en 3836 ; & celui d'Egypte , qui fe foutint le plus long-temps de tous , ayant fini fous Cléopatre , l'an du monde 3974 : ce qui donneroit précifément trois cents ans de durée à Yempire des Grecs , à commencer depuis Alexandre jufqu'à la deftru&ion du royaume d'Egypte fondé par fès fucceffeurs. L'empire Romain commence à Jules- Céfar , lorfque vi&orieux de tous Ces en-; nemis , il efr. reconnu dans Rome , dic- tateur perpétuel , l'an 708 de la fondation de cette ville , quarante - huit ans avant Jefus-Chrift , & du monde l'an 3956. Le liège de Yempire eu transporté à Byfance par Conflantin , l'an 334 de Jefus-Chrifî , onze cents quatre-vingt-dix ans après la fondation de Rome. L'Occident & l'O- rient fe trouvent toujours réunis fous le titre d'empire Romain , & fous un feul ou fous deux princes , Conftantin & Irène , julqu'à ce que les Romains proclament Char- lemagne empereur, l'an 8co de Jefus-Chrift. Depuis cette époque , l'Orient & l'Occi- dent ont formé deux empires féparés. Celui d'Orient , gouverné par les empe- reurs Grecs , commence en 802 de Jefus- Chrift ; & après s'être afFoibii par degrés , il a fini en la perfonne de Conftantin- Paléologue , l'an 1453. L'empire d'Occi- dent , qu'on appelle encore Yempire Ro- main , & plus communément Yempire d'Al- lemagne y après avoir été héréditaire fous quelques-uns des fùccefîeurs de Charle- magne , devint éleftif, & a déjà fubfifté neuf cents quarante-fept ans. Voye\ l'arti- cle fuivant. (G) EMPIRE, {Hift. & Droit politique.) c'eft le nom qu'on donne aux états qui font fournis à un fouverain qui a le titre d'empereur; c'eft ainfi qu'on dit Yempire du Mogol , Yempire de RuJJle , &c. Mais *7® EMP parmi nous , on donne le nom iïempire' par excellence au corps Germanique , qui eft une république compofée de tous les princes & érars qui forment les trois col- lèges d'Allemagne , & foumile à un chef qui eft l'empereur. L'empire Germanique, dans l'état ou il eft aujourd'hui , n'eft qu'une portion des états qui .étoii'ht fournis à Charlem, gne. Ce prince poffédoit la France par droit lus puilîàns qu'eux , donnèrent beaucoup de terres aux églifes,,& accordèrent la liberté à plufieurs villes. Voilà la vraie origi- ne de la puiflance des états qui com- ipofent l'empire d'Allemagne. Il s'en faut ^beaucoup que fes limites foient aujour- d'hui aufll étendues que du temps de E M P Charlemagne ou d'Othon le Grand ; il s'en eft démembré depuis un très-grand nom- bre de royaumes & de provinces ; & actuellement cet empire , autrefois fi vafte, ne comprend plus que ce qu'on appelle Y Allemagne, qui eft divifée en dix cercles. Voye\ ALLEMAGNE & CERCLES. Il eft vrai que l'empire veut encore quelquefois faire revivre les anciens droits fur Rome 6c fur l'Italie ; mais de tous ces pays , il ne lui refte guère que de vains titres , fans au* cune jurifdiclion réelle. C'eft ainfi que {'em- pire d'Allemagne continue toujours à s'ap- peller le faint empire Romain _, l'empire Romain- Germanique y &c. Il y a des auteurs qui ont trouvé très- difficile à déterminer le nom qu'il falloit donner au gouvernement de V empire. En effet , fi on le conlidere comme ayant à fa tête un prince à qui les états de ['empire font obligés de rendre hommage , de jurer fidélité & obéiifance , en recevant de lui l'inveftiture de leurs fiefs , on fera tenté de regarder l'empire comme un état monar- chique. Mais d'un autre côté , l'empereur ne peut être regardé que comme le repré- fentant de l'empire , puilqu'il n'a point le droit d'y faire feul des loix : il n'a point non plus le domaine direct à^s fiefs , puis- qu'il n'a que le droit d'en donner l'invefti- ture , fans avoir celui d'en priver , fous aucun prétexte , ceux qui les poffedent , fans le confentement de l'empire ; d'ailleurs, en parlant des états , l'empereur les appelle toujours nos vajjaux & de l'empire. Si on confidere la puiflance & les prérogati- ves des états de l'empire , la part qu'ils ont à la légiflation , les droits que chacun d'eux exerce dans les territoires qui leur font fournis, & que l'on nomme la fupé- riorité territoriale , on aura raifon de re- garder l'empire comme un état ariftocrati- que. Enfin , on trouvera la démocratie dans les villes libres qui ont voix & féance aux diètes de l'empire. D'où il faut conclure que le gouvernement de l'empiie eft celui d'une république mixte. L'illuftre préfident de Thou , {Annales de V empire y tome II , p. 33-Z, au fujet de la paix de Weftphalie) en parlant de F em- pire Germanique , dit qu'il eft étonnant que tant de peuples puifîans , {ans y être EMF forcés y ni par la crainte de leurs voifins , ri par la néceflité , aient pu concourir à former un état fi puilfant , & qui a-fubfifté pendant tant de fiecles , & que jamais on n'a vu un corps plus robufte malgré la foiblelTe de la plupart de lés membres. ( Voyei Vhifl. ^Préfident de Thou , /. IL) Mais on nous permettra de dire que cette obfervation n'eft pas tout-à-fait jufre ; car fi l'on fait attention à ce qui a été dit au commencement de cet article , on verra que ces peuples ne fe font point reunis pour faire un état y mais que des fujets puiflans d'un même état fe font rendus fouverains , fans pour cela fe féparer de l'état auquel ils appartenoient ; & c'eft l'intérêt , le plus puifîant mobile , qui les y a tenus attachés les uns aux autres ; union qui leur a donné les moyens de fe maintenir. Il n'eft point douteux que V Empire } compofé d'un grand nombre de membres très-puiflans , ne dût être regardé comme un état très-refpe&able à toute l'Europe , ii tous ceux qui le compofent concouroient au bien général de leur pays. Mais cet état eft fujet à de très-grands inconvéniens : l'autorité du chef n'eft point affez grande pour fe faire écouter : la crainte, la dér fiance & la jaloufie régnent continuelle^ ment entre les membres : perfonne ne veut céder en rien à fon voifin : les affaires les plus férieufes & les plus importantes pour tout le corps font quelquefois négligées pour des difputes particulières de pré- séance , d'étiquette , de droits imaginaires & d'autres minuties. Les frontières font mal gardées & mal fortifiées :. les troupes de Y Empire font peu nombreufes & mai payées; il n'y a point de fonds publics, parce que perfonne ne veut contribuer. Cette liberté du corps Germanique , fi van-» tée , n'eft que l'exercice du pouvoir arbi- traire dont jouit un petit nombre de fouve- rains , fans que l'empereur puiflè les empê-- cher de fouler & d'opprimer le peuple, qui n'eft compté pour rien , quoique ce foit en lui que réfide la force d'une nation. Le com- merce eft dans les entraves continuelles par la multiplicité des droits qu'exigent ceux fur le territoire de qui les marchandifes paf- fent ; ce qui rencLprefque inutiles ces beaux EMP î7i neuves & ces rivieres.navigables dont l'Al- lemagne eft arrofëe. Les tribunaux deftinés à rendre la juftice font mal falariés, & le nombre des juges infuffifant : dans les diètes de YEmpire , les réfolutions fè prennent avec une lenteur infupportable , & rendent cet état ridicule aux yeux des autres peuples chez qui la lenteur du corps Germanique a prefque patte en proverbe; c'eft fur quoi l'on a fait anciennement ces mauvais vers- Latins qui peignent affez la vraie fituationi de YEmpire : Protefiando convenimuf y< Conveniendo competimus , Competendo confulimus , In confufione concludimus , Conclu/a rejicimus 9 Et falutem patrice confideramus Per confdia lenta, violenta, vinolenta0~ Voye\ Vitriarii Inftit.jurispuhlici, l. IV, tit. xj\. Voye\ les articles ALLEMAGNE , Diete>Constitution de l'Empire, Empereur , Etats , &c> ( — ) Empire de Galilée ou haut ET souverain Empire de Galilée , ( Jurifpr.) eft le titre qu'on l'on donne à une jurifdi&ion en dernier refîbrt que les clercs de procureurs de la chambre des ; comptes ont pour juger les contefta-tionsqui peuvent iurvenir entr'eux. ■ Cette jurifdidion eft pour lés clercs de-' procureurs de la chambre des comptes , ce que la bafoche eft pour ceux des procureurs au parlemenr, L'inftitution en eft fans doute fort an- cienne, puifque l'on a vu à l'article de la Chambre des Comptes, quedès 1344, , il y avoit dix procureurs , dont le nombre - fut dans la fuite augmenté jufqu'à- vingt- neuf • ; On ne fait pas au jufte le temps auquel lés procureurs de la chambre commence-- • rent à avoir chez eux des clercs ou aides pour les foulager dans leurs* expéditions. Ils en avoient déjà en I4t)4 ■> fuivant une ordon- nance de cette année , rapportée au mem, ■ L.fol. gov*) qui porte que les comptables > feront ou feront faire par leurs procureurs ou clercs leurs comptes de bon & fùfïilànt ; volume. Il paroît même qu'il y. avok -déjà des^ i7i E M P clercs de procureurs avant H") 4- > & <îue V Empire de Galilée fubfifroit dès le com- mencement du quinzième fiecle. En eiièt , dans le préambule d'un règlement fait par M. Barthelemi , maître des comptes , en qualité de protecteur* de V Empire , (dont on parlera plus amplement ci-après ) il eft dit que s'étant fait repréfenter les régiemens, comptes , titres & papiers dudit empire , il auroit reconnu , même par les anciens mémoriaux de la chambre , q ie ledit empire y eft établi depuis plus de 300 ans , com- pofé de clercs de procureurs de la chambre , pour leur donner moyen , par leurs arTem- blées & conférences , de fe rendre capables àes affaires & matières de finances pour lefquelies ils font élevés. Ainfi , fuivant le préambule de ce règle- ment , ['empire de Galilée étoit déjà formé dès avant 1405 : on trouve en effet des comptes fort anciens rendus parles tréloriers de l 'empire , entr'autres un de l'année 149?- Ces clercs tenant entr'eux des afîemblées & ' conférences touchant leur difeipline , formèrent infenfiblement une communauté qui fut enfuite autorifée par divers régle- mens de la chambre des comptes , & les officiers de cette communauté ont été main- tenus dans tous les temps dans l'exercice d'une jurifdiction en dernier refïbrt fur les membres & fuppôts de cette communauté. Le titre de haut & fouverain empire de Galilée y donné à cette communauté & Jurifdiction , quelque fingulier qu'il paroifïe d'abord , n'a rien que de naturel. On n'a pas prétendu par le terme $ empire donner l'idée d'un état gouverné par une puifïance fbuveraine" ; ce terme a été em- prunté du Latin imperium , lequel chez les Romains fignifioit jurifdiction : on difoit merum & mixtum imperium , & ancienne- ment en France mère & mixte impere, pour exprimer le pouvoir d'exercer toute juftice , haute , moyenne & baffe. On ne doit donc pas être étonné fi le chef de la jurifdiction des clercs de procu- reurs de la chambre des comptes prenoit au- trefois le titre d'empereur , d'autant qu'alors la plupart des chefs de communautés pre- noient le titre de roi -, tels que le roi des merciers , les rois de l'arbalète & de l'ar- quebufe , le roi de la bafoche , Ùc, E M P Pour ce qui eft du fumom de Galilée donne à l'empire ou juriidiCtion des clercs de procureurs de la chambre des comptes , il eil conftant qu'il vient de la petite rue de Galilée qui va de la cour du palais à l'hôtel du bailliage, & côtoie les batimens de la chambre des comptes ; elle eft ainfi nommée dans les anciens plans de Paris & dans Sauvai. Il y a apparence qu'anciennement les clercs de procureurs de la chambre tenoient leurs affemblées dans le fécond bureau qui a des vues fur cette rue de Galilée , & que c'eft delà qu'ils nommèrent leur jurifdiction le haut & fouverain empire de Galilée ; au- jourd'hui cette jurifdiction fe tient ordinai- rement en la chambre du confeil-lèa-la- chambre des comptes , & au grand bureau feulement le jour de S. Charlemagne , qui eft la fête des clercs. Le premier officier de l'empire conferva long-temps le titre d'empereur. On voit dans les regiftres de la chambre , que le 5 février 1 500 , elle fit emprifonner un clerc , empereur de Galilée , pour n'avoir pas voulu rendre le manteau d'un autre clerc auquel il l'avoit'fait ôter. ^.journ. Q. reg. ze. part. fol. 37. Lejourn. z , B. fol. 6z , fait mention que le 20 décembre 1536, fur la requête de l'empereur & officiers de l'empire de Gali- lée , la chambre leur défendit de faire les cérémonies accoutumées à l'occafion des gâ- teaux des Rois. Le titre d'empereur de Galilée fut fans doute aboli du temps de Henri III , en con- fèquence de la défenfè qu'il fit à tous fès fujets de prendre le titre de roi ; le chancelier de l'empire de Galilée devint par-là le pre- mier officier de l'empire. La communauté & jurildidion des clercs de procureurs de la chambre , a cependant toujours confervé le titre d'empire de Galilée. Dans un compte de l'ordinaire de Paris , fini à la Saint- Jean ISI9> ^e fermier porte en dépenfe ce qu'il avoit payé à Etienne le Fevre , tréforier & receveur-général des finances de l'empire de Galilée y pour lui aider à foutenir & fupporter les frais qu'il lui a convenu & conviendra faire , tant pour les gâteaux , jeux & états faits à l'honneur & exaltation du roi à la fête des Rois , que pour E MP pour autres affaires , & auffi pour extraits * touchant le domaine , par lettres de taxation des tréforiersde France, du xo janvier i $ j 8 ; mais il n'explique pas quelle fomme il avoir payée. Dans le compte de l'ordinaire de 1532, il porte en dépenfe vingt-cinq livres parifis payées à Guillaume Rouffeau , empereur de Y empire de Galilée , &C fuppôts d'icelui , clercs en la chambre des comptes , pour employer aux frais Se charges dudit empi- re 3 même aux danfes morifques , morne - rics , 8c autres triomphes que le roi veut & entend être faits par eux pour l'honneur Se récréation delà reine. Enfin , le compte du domaine pour l'an- née finie à la Saint- Jean 1537, fait mention que les clercs de Y empire de Galilée avoient vingt livres parifis pour les gâteaux qu'ils diftribuoient la veille Se le jour des Rois es maifons de MM. les préfidens & maîtres des comptes , tréforiers &c généraux des finances. Ces comptes de la prévôté de Paris font rapportés dans les antiquités de Paris , par Sauvai , tome III, aux preuves. Cette communauté Se j urifdiction a depuis long-temps pour chef, protecteur & con- fervateur né , le doyen des cônfeillers- maîtres des comptes , lequel de concert avec M. le procureur-général de la cham- bre , que Yempire regarde pareillement comme fon protecteur né , veille à tout ce qui intérefïc cette j urifdiction de Yempire, fpécialement commife aux foins de ces deux magiftrats par la chambre. La chambre des comptes a fait en divers temps plu fieurs réglemens concernant Yem- pire de Galilée , Se notamment au fujet des gâteaux des Rois qu'ils portoient avec pompe chez les officiers de la chambre. Le 2?. décembre 1525 , fur la requête des tréforiers-clercs de Yempire , afin d'avoir des fonds pour leurs gâteaux des Rois , la chambre leur défendit d'en faire pour cette année , ni autres joyeufetés accoutumées , à peine de privation de l'entrée. Journal 10 ,fol.z6j v°. Le 8 janvier 1529 , la chambre fit taxe à un pâtiffier Se à un peintre , pour ce qui leur étoit du par un tréforier de Yempire. Journ. z ,fol..Z4?. Tome XII. ' E M P 273 Le 10 novembre 1535 , fur la requête des fuppôts de Yempire de Galilée , la cham- bre ordonna qu'il feroit écrit au dos d'icelle nihil par le greffier , Se qu'il leur feroit fait défenfes de faire les gâteaux , félon la coutume ancienne , pour la folemnité du jour des Rois. Journ. z , A. fol. 2.09. Le 10 décembre 1536, la chambre , fur la requête de l'empereur Se autres officiers de Yempire de Galilée , en ôtant Se abolif- fant l'ancienne coutume , leur défendit de faire les gâteaux des Rois , & d'aller dans les maifons des officiers de la chambre , ni autour de la cour du roi , diftribuer les gâteaux , ni donner des aubades , à peine de privation de l'entrée de la chambre pour toujours Se de l'amende. Journal z , B. fol. 6%. Cependant le 1 1 décembre i y 3 8 , la chambre permit aux officiers de Yempire de faire les gâteaux des Rois , & d'en folem- nifer la fête modeflement , comme il leur avoit été autrefois permis d'ancienneté. Journ. z y C.fol. 106. Mais le 27 novembre 1 f 4 2 , la chambre leur fit de nouvelles défenfes de faire les gâteaux Se folemnités dont on a parlé ; elle ordonna néanmoins que fur les deniers qui avoient coutume d'être pris à cet effet fur les menues néceffités , il feroit pris cin- quante livres pour mettre dans la boîte des aumônes pour faire prier Dieu pour le roi ; ce qui fut ainfi ordonné , nonobflant les remontrances Se oppofîtions fur ce faites parles auditeurs. Journ. z , D.fol.^8v°. Au même endroit ,fol. 5 S v°. , eft rap- portée une plainte du procureur-général , portant que les clercs avoient contrevenu aux dernières défenfes ; fur quoi la cham- bre les réitéra pour l'année fuivante. Folio iz8 v°. Les protecteurs de Y empire de Galilée ont auffi fait divers réglemens concernant l'état Se adminiftration de Yempire. Les princi- paux réglemens font des années 1608 & 1 6 1 5 , confirmés par des lettres du mois de feptembre 1 676 , Se renouvelles par un autre règlement en forme d'édit , du mois de janvier 1705. Ces réglemens font intitulés du nom Se des qualités du protecteur , lequel dans le difpofitif ufe de ces termes , ordonnons , Mm 274 E M P voulons ù nous plaît , ùc. : PadrefTe eft , à nos amés Ôc féaux chancelier ôc officiers àetV empire , à ce que les articles de règle- ment en forme d'édit, foient lus , publiés ôc enrégiferés. Ils font contre-lignes par un fecretaire des finances de l'empire , ôc -celles du Ici d'iceîui ; & à la fin il eft dit : " donné s* à . . . Pan de grâce . . . & de notre protte- » tion , le. ..■» Pour l'enrégiftremer.r de ce règlement , le procureur-général de V empire fait fon requiiltoire en la chambre du confeil le^-la- chambre des comptes , l'empire y féant , Se il intervint arrêt conforme en la chambre du confeil. Le protecteur rend aufïî quelquefois des arrêts qui font , pour ainlï dire , des arrêts du confeil d'en haut , par rapport à ceux de l'empire ; ils. font intitulés comme les édits , Ôc le difpofîtif eft conçu en ces termes : à ces caufes , le proiecleur ordonne , ôcc. Le difpofîtif des arrêts de l'empire eft ainfi conçu : le haut & fouverain empire de Galilée ordonne , &c. : à la fin il eft dit , fait audit empire ; ÔC toutes les expé- ditions que le greffier en délivre font inti- tulées , extrait des regijîres de l'empire. Les jugemens des officiers de Vempire , fur les conteftations qui furviennent entre les fujets Ôc fuppôts , font tellement con- iidérés comme des arrêts , que quelques clercs réfractaires ayant voulu , en diffé- rentes occafions , éluder les peines aux- quelles ils avoient été condamnés par ces arrêts , ôc s'étant pourvus à cet effet en difterens tribunaux , même à la chambre des comptes , fans y avoir été écoutés ; ils fc pourvurent en cafiation au confeil du roi , où par arrêt ils Rirent renvoyés de- vant MM. du grand bureau de la chambre des comptes , comme commiffaires du con- feil en cette partie. M. Barthélémy , maître ordinaire Ôc doyen de la chambre des comptes , qui rempliflbit la place de protecteur de l'em- pire depuis 1699 , rendit , le 17 juillet 1704 , un arrêt portant que le projet de règlement par lui fait , enfembîe le tarif des droits accordés aux officiers de l'em- pire , feroient communiqués à la com- munauté des procureurs ; ce qui fut e&é- E MF ■ ciité* ; ôc le règlement en forme d'édit fuf donné en conféquence au mois de janvier Suivant cet édit, le corps de Vempire eft compofé de quinze clercs ; favoir , le chan- celier , le procureur-général , fîx maîtres des requêtes , deux fecretaires des finances pour ligner les lettres , un tréforier , un contrôleur , un greffier ôc deux huiffiers : tous ces officiers font ordinaires ôc non par femeftre. Il n'y a que le chancelier , les maîtres des requêtes ôc les fecretai- res des finances, qui aient voix délibérativc Ce qui concerne le chancelier de l'em- pire de Galilée ayant été expliqué ci-de- vant à l'article de Chancelier , on renvoie le lecteur à ce qui a été dit en cet endroit ; on ajoutera feulement que lorfqu'il eft reçu procureur en la chambre des comptes , il eft difpenfé de l'examen. La nomination aux autres offices , lors- qu'ils font vacans , le fait par le chancelier , les maîtres des requêtes ôc les lecretaires des finances , à la requilîtion du procureur- général de l'empire ; ôc au cas que la place de procureur-général fut vacante , c'eft fur la requilîtion du dernier maître des requêtes. . On ne peut nommer aux charges de l'empire deux clercs d'une même étude , lans avoir obtenu à cet effet des lettres de difpenfé du protecteur. Ceux qui font nommés aux charges font tenus de les accepter , à peine de iy liv. d'amende payable fans déport \ ils obtien- nent des lettres de provifions lignées du pro- tecteur , expédiées par un des fecretaires des finances , ôc fcellées ôc vifées par le chance- lier. Les nouveaux pourvus ne font reçus qu'après une information de leurs vie ôc mœurs ; ils font examinés par les officiers, qui ont voix délibérative ; ôc fi on les trouve capables , ils prêtent ferment. L'empire s'affembîe tous les jeudis matin , après que MM. delà chambre des comptes ont levé f quand il eft fête le jeudi , l'aflfem- blée fe tient la veille. Aucun officier n'eft difpenfé du fervice , fur peine de y f. d'amende payable fans déport au tréforier des finances. Il faut dans la huitaine fe purger par ferment de l'empêchement , ôc en cas dé maladie ,. quinzaine après la convakicence.. E M P Les officiers qui s'abfentent pendant ilx mois , ne peuvent plus prendre la qualité d'officiers de l'empire ; même ceux qui partent un ou deux mois fans faire leur lervice ôc fans fe purger par lcrment , font déclarés indignes ôc incapables de pofîéder à l'avenir aucunes charges de l'empire , condamnés en iy livres d'amende , dé- chus de leurs offices , obligés de remet- tre leurs provisions au protecteur , & on procède à l5éle6tion d'un autre en leur place. Lorfque ces officiers ôc les autres clercs de procureurs entrent en la chambre ou à l'empire , ils doivent avoir le bonnet de clerc qui eft une efpece de petit chapeau ou toque , le manteau percé , c'eft-à-dire , une robe noire qui ne leur va que jufqu'aux genoux ; ceux qui fe préfentent autre- ment font condamnés à une amende de i y f. , & en cas de récidive , à i liv. 10 f. ,' & pour la troifîeme fois un écu , ou plus grande peine s'il y échet. Les officiers de {'empire vaquent d'abord au jugement des procès d'entre les clercs ôc fuppôts. Quand il n'y a pas de procès , ou apjps qu'ils font jugés , un maître des requêtes propofe quelque queftion de finance pour entretenir le bureau pendant une demi- heure , ôc alors on permet à tous les clercs &: fuppôts d'alTîfter au confeil , de dire leur avis fur les difficultés , ou d'en propofer; mais c'eft fans prendre rang ni feance avec les officiers de l'empire. Lorfqu'un officier clerc ou fuppôt fait quelque chofe d'injurieux à l'empire , le procureur -gêné rai informe contre lui ; ôc fur le vu des charges ,1e protecteur ordonne ce qui convient félon le délit. Les officiers qui font convaincus d'avoir révélé les délibérations du confeil , font , pour la première fois , amendables de 60 fous j ôc pour la féconde , privés de leurs charges & déclarés indignes de poffé- les empiriques pro- prement nommés ne connoifloient qu'un ièul moyen de guérir les maladies , qui étoit l'expérience. Le nom à* empirique ne leur venoit point d'un fondateur ou d'un particulier qui fe fut illuftré dans la iecle , mais du mot Grec i^Trîipiu , expé- rience. L'expérience , difoient-ils , eft une con- noiiîànce fondée fur le témoignage des fens : ils diftinguoient trois fortes d'expériences. La première & la w plus fîmple , difoient- ils , eft produite par le pur hafard , c'eft un accident imprévu par lequel on guérir d'une maladie , comme dans le cas où quelqu'un auroit été foulage d'un grand mal de tête par une hémorragie , ou de la fièvre par une diarrhée qu'on n'auroit point provoquée. La féconde efpece d'ex- périence eft de celles qui fe font par eiïài, comme il arrive lorfque quelqu'un , ayant été mordu par un animal venimeux , ap- plique fur la bleflure la première herbe qu'il trouve. La troiiieme eipece d'expérience comprend celles que les empiriques appel- aient imiiatoires , ou dans lefquelles on répète dans l'efpoir d'un pareil fuccès , ce que le hafârd , l'inftind: ou l'eflai ont in- diqué. C'eft la dernière eipece d'expérience qui conftituoit Part : ils la nommoient obser- vation ; tk la narration fidelle des accidens , des remèdes & des effets , hijioire. Or , comme l'hiftoire des maladies ne peut jamais être complète faute de lumières > ils avoient encore recours à la comparaifon , qu'ils appelloient épilogifme , que M. le Clerc traduit par les mots de fubjiitution d'une chofe femblable. L'obfervation , l'hiftoire , la fubftitution d'une chofe femblable , étoient les feuls fondemens de l'empirif- me. Toute la médecine des empiriques fe réduifoit donc à avoir vu , à fe reffouvenir E M P i77 & à comparer ; ou , pour me fèrvir des termes de Glaucias , les fens , la mémoire & l'épilogifme formoient le trépied de leur médecine. Ajoutons qu'ils rejetoient toutes les caufes diverfîfiées , occultes ou cachées des maladies, toute hypothefe , la recherche des aérions naturelles , l'étude de la théorie de l'art x de la pharmacie , des méchaniques Se des autres feienees. Ils prétendoient encore qu'il étoit inutile de dilléquerdes cadavres , &c que quand la difleâion n'avoitrien de cruel , elle de- voir être regardée comme mal-propreté. Ce croquis peut fuffire fur la doctrine des empiriques. Voyons ce que Celle en a penfé. Il eft vrai , dit ce judicieux écrivain , que fur les caufes de la fanté & des ma- ladies , les plus favans ne peuvent faire que des conjectures ; mais il ne faut pas pour cela négliger la recherche des caufes cachées qui fe trouvent quelquefois , & qui , fans former le médecin , le difpofent à pratiquer la médecine avec plus de fuc- cès. Il eft vraifemblable que ii l'applica- tion qu'Hippocrate & Erafiftrate ( qui ne fe contenaient pas de panfer des plaies & de guérir des fièvres ) ont donnée à l'étude des chofes naturelles , ne les a pas fait médecins à proprement parler , ils ie font du moins rendus par ce moyen de beaucoup plus grands médecins que leurs collègues. Ils n'auroient pas été l'ornement de leur profeffion , s'ils s'en étoient tenus à la fîmple routine. Si la fimilitude ou l'analogie apparente doit être le feul guide de l'art , comme le prétendent les empiri- ques , au moins faut-il raifonner pour diftinguer entre toutes les maladies con- nues , quelle eft celle dont les rapports à la maladie préfente font les plus grands , & pour déterminer par ces rapports les remèdes qu'on doit employer. Il eft conf- iant que les maladies ont fouvent des caufes purement méchaniques faciles à diftinguer, & en ce cas le médecin ne ba- lancera jamais dans l'application des re- mèdes. D'un autre côté , fi les dogmati- ques avoient raifon de prétendre qu'on ne pouvoir appliquer les remèdes convena- bles fans connoîrre les caufes premières de la maladie 3 les malades & les médecins .1-7* ïMP feroient dans un état bien déplorable , 1 les uns fe trouvant dans l'impofïïbilité de traiter la plupart des maladies dont les autres ne peuvent toutefois guérir fans le fecours de l'art. Tel eft le précis du jugement impar- tial de Celfe fur le grand procès des em- piriques &c des dogmatiques ; procès dont M. le Clerc a tait le rapport avec tant d'exa&itude. Mais il fuffira de remarquer ici qu'on vit dans cette querelle ( &z on le préfume fans peine ) les mêmes paillons , les mêmes écarts , les mêmes abus , qui font inséparables de toutes les difputes , où l'on fc propofe toujours la victoire , & jamais la recherche de la vérité. Si quel- qu'un eft: curieux de la féconde partie de cette hiftoire , il la trouvera dans l'empi- rifme &c le dogmatique moderne. Voye[ donc Empirisme. Article de M. le cheva- lier de J AU COURT. EMPIRISME , f. m. ( Méd.) médecine ■pratique uniquement fondée fur l'expé- rience. Rien ne paroît plus fenfé qu'une telle médecine : mais ne nous laillbns pas tromper par l'abus du mot -, démontrons- en l'ambiguité avec M- Quefnai , qui l'a iî bien dévoilée dans fon ouvrage fur l'éco- nomie animale. On confond volontiers & avec un plaifir fecret , dans la pratique ordinaire de la médecine , trois fortes d'exercices fous le beau nom d'expérience ; fa voir , i°. l'exer- cice qui fe borne à la pratique dominante car les lumières de la médecine- naiflent prefque toutes d'une expérience due aux observations d'une multitude d'hommes , & qui ne peut s'acquérir que par l'étude. Jamais un médecin ne réuf- fira fans cette étude , Se fans la profonde théorie de l'art qui doit lui lervir de bouf- foie , quoi qu'en difent les ignorans , qui ne font tort qu'à eux-mêmes en méprifànt les connoiifances , parce qu'elles font au deffus de leur portée. C'eft par cette pro- fonde théorie que Boerhaave a fixé les principes de la feience médicinale, qui, à proprement parler , n'en ayoit point avant E M P lui , Se qu'il a élevée par fon génie & par fes travaux à ce haut degré de lumière , qui lui a mérité le titre de réformateur de l'art. En un mot, on n'eft habile dans la pratique qu'autant qu'on a les lumières néceflaires pour déterminer la nature de la maladie qu'on traire , pour s'affurer de la caufe , pour en prévoir les effets , pour démêler les complications , pour ap- percevoir les dérangemens intérieurs des folides , pour recorinoitre le vice des li- quides , pour découvrir la fource des ac- cidens , pour faifir les vraies indications , Se les diftinguer des apparences qui peu- vent jeter dans des méprifes Se dans des fautes très-graves. Or , c'eft uniquement par une feience lumineufe qu'on peut fai- fir , pénétrer, difeerner tous, ces objets renfermés dans l'intérieur du corps , Se réellement inacceffibles à Vempirifme. Voye^ Théorie , Pratique , Praticien , Se tout fera dit fur cette importante ma- tière. Article de M. le chevalier DE Jau- court. EMPLACEMENT , f. mafe. terme de Gabelle , c'eft la conduite Se la décharge du fel dans les greniers, magafins , Se lieux de dépôt. Voye^ Gabelle. Emplacement des Sels , eft aulîi la manière dont les malles font difpofées dans les greniers. Cet emplacement a paru fi important , foit pour la garde & con- fervation des fels , foit pour la fureté des droits du roi, qu'il eft porté dans les ré- glemens que les officiers en feront des procès verbaux , auffi-bien que de la def- cente des fels Se de leur mefurage. Dicl. de Comm. de Trév. Se Chamb. (G) EMPLACER LE SEL , c'eft le mettre dans les greniers deftinés pour la décharge , confervation Se diftrib'ution du fel. Voye^ Gabelle. (G) EMPLAIGNER. Voye^ Lainer. EMPLATRE , f. m. ( Pharmacie.) re- mède topique d'une confiftance folide , capable d'être ramolli par une très-légerc chaleur , Se qui , dans cet état , peut s'éten- dre aifément fur une peau ou fur une toile , s'appliquer exactement à la peau , Se y adhérer plus ou moins. Voye^ Em- plâtre. ( Chirurgie. ) Les E M P Les matériaux des emplâtres font diffé- rentes matières graffes &: vifqueufes , les graiffes de divers animaux , les huiles , les réfiiies , les baumes , la cire , la poix , les gommes- réfines. Les chaux de plomb qui font folubles par les huiles , auxquelles elles donnent de la confiftance , iont des matériaux fort ordinaires des emplâtres. On a fait entrer auffi dans la composition de quelques-uns diverfes fubftauces végétales pulvérifées , °lu'iï ^ut transféré à Trévoux ; en forte que dans le premier temps , il y avoit emprunt de territoire dans une autre juri- diction ; & dans le fécond , ce même em- prunt étoit fait tout à la fois , & dans une autre .jurifdiclion , & dans une autre fou- veraineté. E M P E M P iyf vefaîneté. V. Territoire emprunter coup de précaution. Un minière qui ne fe fert de cette branche de crédit que peur le la ménager comme une refTource dans l'occafion , eft fans doute habile. M. Col- bert trouva fe moyen de fournir en même- temps aux fraix de h guerre qui fut ter- minée en 1678 , par le traité de Nimegue , & aux dépenfes imrnenfes des fomptueux bâtimens & des difFérens établiflemens faits par Louis XIV , & l'état n'étoit point en- detté à la mort de ce miniftre en 2683. Mais celui qui eft capable de porter le poids immenfe d'une adminiftration que de longues guerres rendent aufli pénible qu'importante ; qui eft capable de réparer les défordres , de faire des emprunts dans des temps difficiles , fans interrompre la circulation & le commerce , fans altérer le crédit , eft apurement le plus habile. Le crédit de l'état, dans les temps de guerre , dépend beaucoup du fort des armes. Après la bataille d'Hocftet , chacun s'empreMa de retirer fon argent de la caifTe des emprunts; ce qui obligea le confeil de faire furfeoir au paiement dès capitaux. Par arrêt du 17" feptembre 1704, on accorda dix pour cent fur les deniers qui feroient apportés à la caifTe des emprunts ; mais le crédit fe perdit de plus en plus , 6c on iupprima la 'caille , rien ne pouvant ranimer ia confiance , les promefTes perdant fur la place 80 pour cent. Dans tous les temps , le crédit du roi fur fes peuples , eft fondé fur l'amour àet peuples pour leur fouverain , fur la con- fiance dans le miniftre entre les mains du- quel fe trouve l'adminiftration des finan- ces, & dans ceux qui régi (Tent les autres par- ties. Il faut peu de chofe pour faire perdre ce crédit fi difficile à établir , & nous voyons que le premier ébranlement vienc prefque toujours d'une faute commife dans l'adminiftration. Depuis M. Colbert plu- fieurs miniftres ont fu rétablir ce crédit perdu , & à peine en voyons-nous un qui ait fu le conferver. Les billets de monnoie étoient en faveur ; la grande confiance du public donna^ lieu au miniftre de fe fervir de cet expédient prompt & facile , pour lubvenir aux befoins preffans. On multi- plia ces billets avec fi peu de précaution r qu'il ne fut plus poffible de faire face Emprunt , {Finance.) c'eftune prompte refïburce pour ce procurer des fonds , lorfque l'on a la confiance publique. Dans les temps malheureux les emprunts font difficiles , & on ne les propofe plus ou- vertement ; c'eft toujours fous des formes dirîeren tes qui font illufion , mais le pref- tige ne dure pas long-temps : alors le cré- dit fe perd , on eft obligé d'avoir recours à des expédiens forcés & onéreux. Les emprunts engagent l'état & le char- gent de dettes, & de l'emprunt réfultent les intérêts & ufures. Voye^ INTÉRÊTS. Il y a de deux efpecesdW/>rz//2f.j; les unsfe font fur des effets dont le fonds eft exigible , & les autres fur des rentes ou gages dont le fonds eft aliéné. Les premiers font pour être rembourfés à volonté, comme étoient anciennement les billets de la caifTe des emprunts , les billets de monnoie,de Legendre , de l'état, de la banque , & beaucoup d'autres. Voye{ Billets. Les autres , dont le capital fe rembourfe par partie; d'année en année, ou au bout d'un certain nombre d'années en entier , font les annuités , les contrats , les rentes viagères & tontines , les rentes perpétuel- les, les billets d'amortiftemens, les loteries. Voye^ ces mots à leur article. Lorfqu'on eft obligé d'avoir recours à cette refTource , c'eft un mal pour l'état , quoique ces moyens fournirent prompte- ment des fonds ; parce que ces fortes de fonds , au lieu de foulager l'état , le char- gent d'intérêts annuels , & obligent le gouvernement d'emprunter de plus grofTes fommes , afin de payer l'intérêt des em- prunts précédents. Ce feroit peut-être peu de chofe de n'avoir que des intérêts à payer , il faut en outre rembourser annuellement une portion du capital. Rien n'eft fi nécefTaire que d'acquitter des dettes faites d'aufh* bonne foi ; & quel- les que foient les dettes de Pétât , il faut les payer exactement : le retard dans le paiement eft plus que fuffifant pour ôter îa confiance. D'ailleurs, le crédit de l'état dépend de tant de circonftances , qu'il faut que les emprunts foient faits avec beau- ' aux paiemens : de là vint leur décadence. Tome XII. Pp £98 E M P Souvent lorfque i'efprit s'accrédite trop dans le gouvernement, il fait oublier les maximes les plus fages , l'imagination prend le defïus , on fe livre fans prudence à des effets dangereux ; alors l'état incertain & fans principe ne fe conduit plus que par faillies : c'eft ce qui arriva à l'auteur du fyftême. Voye{ SYSTEME DE M. Law. Loin d'employer les facilités qu'il avoit pour tempérer le feu des actions , il s'en fervir pour l'attifer, & fit ordonner, par arrêts des 13 & 18 feptembre & 2 octo- bre 2-7T9 , la création de ijo millions de nouvelles a&ions , qui feroient de même nature , & jouiroicntdes mêmes avantages que les précédentes. On ajouta encore , par un ordre particulier du 4 octobre ; 24 mille actions, ce qui faifoit 164 mille actions ; & quoiqu'elles ne fuffent créées que fur le fonds réel de 500 livres , on les fit cependant acquérir à raifon de 5000 liv. Il eft vrai que l'augmentation des actions femb'oit être une fuite naturelle de la fup- prefnon de rentes , chacun cherchant un emploi pour remplacer les contrats. Le crédit de l'état dépend toujours de i'alTurance fur les conventions publiques; iîtôt qu'elle devient incertaine, le 'crédit chancelle , & les opérations , pour faire des emprunts, ne réuffifTent que par le fort intérêt qu'on y attache , & qui eft: pref- que toujours un moyen fur. Les hommes ne fe conduifent que par l'appât du gain ; mais ce moyen utile pour le moment , ne fait qu'accélérer la chute du crédit , qui n'eft jamais que l'effet de la liberté & de la confiance ; & lorfque les effets publici ont reçu quelque atteinte dans leur crédit , on s'épuife en vains efforts pour le fou- te nir : il eft: néceffaire de changer de bat- terie, & de préfenter d'autres objets. On peut dire que la confiance eft. en propor- tion avec les dettes : fi Pbn voit que l'état s'acquitte, elle renaît ; finon, elle fe perd. II fembîe pourtant , à en juger par les exemples paflés , que la confiance publi- que dépende moins des retranchemens dans les dépenfes & de l'ordre dans les re- cettes , que des idées que le gouverne- ment imprime. Le calcul des recettes & dépenfes eft la fcience de tout le monde: cdïe du miniftre eu une arithmétique qui E M P fait calculer les effets des opérations & des différens réglemens. I! y a des biens de confiance autant que de réalité ; c'eft au miniftre habile à les faire valoir fans les prodiguer, à favoir , par le calcul politi- que, apprécier les hommes & vérifier toutes les parties de l'état. Il ne feroit pas éton- nant que la France , avec un revenu plus fort que'celui des autres états , trouvât un crédit plus abondant qu'aucun fouverain de l'Europe. Article de M. Du four. EMPRUNT , terme de Rivière, fe dit d'un pafTage qui mené à la travure d'un bateau foncet. EMPRUNTER , v. aà. c'eft en général fe procurer un ufage momentané d'un effet, quel qu'il foit , qui eft cenfé appartenir à un autre. On emprunte de [argent , une épée , un habit , &C. EMPRUNTER, (P^ubanier.) c'eft, lorf- que l'on paffe les rames- d'un patron, fe fervir des mêmes bouclettes des hautes liftes, lorfque cela fe peut. La première des neuf rames, (parce que l'on paffe par neuf, comme il a été dit, voye^ PASSAGE des Rames) étant paffée, la féconde rame empruntera fur cette première lorfqu'il y aura lieu, & ainfi jufqu'à la neuvième. Exemple : fuppofons que la féconde rame fade un pris fur la dix - feptieme haute lifte ; fi par hafard la première rame faifoit aufti un pris fur cette dix- feptieme haute iifte , cette féconde rame fe pafteroit dans la même bouclette de la première , & ainfi des autres jufqu'à la neuvième , qui tontes peuvent emprunter fur la première. Cet emprunt fert à ménager les bouclettes des hautes îifïes ; fi l'on n'empruntoit pas , les hautes îifïes étant limitées , elles. ne pourroient contenir une affez grande quan- tité Je bouclettes, en mettant chaque rame dans fa bouclette particulière. . * EMPUSE , f. f. {Mithol & Divinat.} fantômes qu'Hécate envoyoit à ceux qut i'évoquoient : ce fpectre avoit un pie d'ai- rain & ne pouvoir Ce fervir de l'autre.. Voy. Religion des Gaulois par D. Martin % tome II. C'eft de là qu'on a fait le mot empuje. EMPYEME, f. f. terme de Chirurgie E M P qui fe prend pour une maladie ou pour une opération. Uempyeme , maladie , eft en général un amas de pus dans quelque cavité du corps , dans la tête , dans le ba^- ventre ou ailleurs : mais , parce que cet amas fe fait plus fouvent dans la poi- trine que dans toute autre cavité , on a donné particulièrement le nom à'empyeme à la collection du pus dans la capacité de la poitrine. Uempyeme , opération , eft une ouverture qu'on fait entre deux côtes, pour donner iiïùe aux matières épanchées dans la poitrine. Ce mot eft grec ; il vient de la particule 1» , in y dans , & de thV , pus , pus ; V«7rw>î,u«, colkclio paris , amas de pus. L'épanchement de matières dans la poi- trine peut fe faire par caufe externe , à la fuite d'une plaie ou d'un coup ; ou par caufe interne , à la fuite de quelque mala- die. Une plaie qui ouvre quelques vaiffeaux fanguins , ou un coup violent qui en caufe la rupture , occafionnent un épanchement de fang. L'ouverture de l'œfophage ou du canal thorachique , caufe l'épanchement des matières alimentaires ou du chyle , v. Plaies de Poitrine. L'épanchement d'eau eii l'effet dune hydropifie de poi- trine , voye^ Hydropisie ; & celui du pus eft la fuite dune pleuréfie ou d'une péri pneumonie terminées par fuppuration. V. Pleurésie & Péripneumonie. On ne doit faire l'opération de l'empyeme rue lorfqu'on a des lignes certains d'un cpanchement dans la cavité de la poitrine, li y en a qui nous font connoître qu'il y a épanchement , & d'autres nous défignent i'efpece de matière épanchée. Ceux qui dénotent l'épanchement font , i°. h refpi- ration courte & laborieufe , parce que le liquide qui remplit une partie de la poi- trine, empêche que le poumon ne fubiflè toute la dilatation dont il eft fufceptible. 2,°. L'infpiration eft beaucoup plus facile que l'expiration ; parce que , dans ce der- nier mouvement , il faut que le diaphragme fculeve le liquide épanché dont le poids eft capable d'aider l'infpiration. $°. Le malade , en fe remuant , fent quelquefois îe flot du liquide épanché. 40. Lorfque l'épanchement n'eft que d'un côté , ce côté de la poitrine a plus d'étendue que E M P 10£ l'autre; ce qu'on reconnoit .par Pexamen du dos du malade qu'on met fur fon féant. j°. Le coté où eft l'épanchement eft fouvent œdémateux. 6°. Le malade refpire mieux couché fur un plan horizon- tal que debout ou aiîis , ôc il ne peut reTter couché que du côté de l'épanche- ment ; par ce moyen , les matières épan- chées ne compriment point ce coté du poumon , & lui laifïent quelque liberté qu'il n'auroit point fi le malade fe cou- choit fur le côté fain. Ce figne prouve l'épanchement ; mais fon défaut ne prouve pas qu'il n'y en a point , parce que le poumon pourroit être adhérent au mé- diafiin & à la plèvre. Dans ce cas , le malade pourroit fe coucher fur le côté de la poitrine où il n'y auroit point d'épan- chement , fans que les matières épanchées dans le côté oppofé augmentaient la dif- ficulté de refpirer. 70. S'il y a épanchement dans les deux cavités de la poitrine , le malade ne peut reiter couché d'aucun côté; il faut qu'il foit debout ou aflis , de iV.çon. que fon dos décrive un arc.Dans cette iitua- tion,les matières épanchées fe portent vers la partie antérieure & fupérieure du dia- phragme, & laiflent quelque liberté au poumon. On jugera de la nature de la liqueur épanchée , par les maladies ou les accidens qui auront précédé ou qui accompagnent 1 épanchement. Si les fignes de l'épanche- ment paroifTent peu de temps après que le malade a reçu une plaie pénétrante à la poitrine , & s'il a des foibleffes fréquentes , on ne peut pas douter que ce ne foit le fang qui foit épanché. S'il y a eu maladie inflammatoire à la poitrine , accompagné© des lignes ordinaires de fuppuration j ii la fièvre , qui étoit aiguë , eft devenue lente ; , fi la douleur vive eft un peu appaifée , I mais qu'il fubfïfte un mal aife à la partie ; 1 fi le malade a des friflbns irréguliers & des fueurs de mauvais caractère , & qu avec ! tous ces fymptomes il paroiffe des fignes d'épanchement, il n'eft pas douteux que ce ne foit du pus qui en foit la matière. Il y a tout lieu de croire que l'épanchement efl lymphatique , fi l'on remarque les fignes de l'hydropilie de poitrine. Foy.HYDROPlSlE de Poitrine. Pp 2 E M P On ne peut guérir le malade qu'en éva- cuant les matières épanchées. La nature , aidée des médicamens , peut quelquefois y parvenir fans l'opération : on a vu des épan- chemens de fang rentrer dans le torrent de la circulation & fe vider par les urines , & même , ce qui eft encore plus rare , par les felles. L'ufage des remèdes diurétiques , <3es hydragogues & des fudorifiques , a fou vent diiïipé les épanchemens d'eaur voy. la cure des hydropifies de poitrine. Lorfque le régime &: les médicamens ne foulagent point le malade , & que les accidens per- fiftent, il faut faire l'opération de Vempyeme. Si l'épanchement de fang dans la poi- trine eft la fuite d'une plaie , il faut , avant que d'en venir à l'opération , eflayer de donner ifîue à ce fluide , en fituant le malade de façon que la plaie foit la partie la plus déclive de la poitrine ; on lui or- donne alors de retenir un peu fon haleine & de fe pincer le nez ; on peut aufli tâ- cher de pomper les matières épanchées avec une feringue dont la canule eft cour- be. Si par ces moyens on n'a pu vider la poi- trine , il faut faire une ouverture pour don- ner iflue au fluide épanché. Il y a deux façons pour y parvenir , l'une en dilatant la plaie, & l'autre en faifant une contre ouverture. Pour dilater la plaie , on fait avec un biftouri une incilion longitudinale d'un pouce de longueur perpendiculairement à la partie inférieure de la plaie : cette inçi- Hon , qui ne doit intérefler que la peau & la graille , forme une gouttière qui procure la facilité de la fortie du fang ; on intro- duit enfuite une fonde cannelée dans l'ou- verture de la poitrine , & on dilate cette plaie avec un biftouri dont la pointe coule le long de la cannelure de la fonde , ayant foin d'éviter l'artère intercoftale. On peut mettre une fonde de poitrine dans l'ouves- ture , pour que le fang s'écoule avec plus de facilité , obfervant de mettre le malade dans une fituation convenable & qui f&vo- rjfe cette fortie. Si la plaie n'étoit pas fituée favorable- ment , ou qu'elle fût déjà cicatrifée lorfque les fignes d'épanchement fe manifeftent , il feroit plus à propos de faire l'opération de. Vempyeme par forme de contre-ouver- taie, de même qu'elle fe. pratique dans. E M P îe cas où il y a des matières épanchées fana plaie , comme dans les fuppurations de poitrine , & c'eft ce qu'on appelle opération de Vempyeme dans le lieu dHéleâion. On fait afteoir le malade fur une chaife ou fur le bord de fon lit , le dos tourné du côté de l'opérateur & des aftiftans ; on lui met , dans ce dernier cas , un couffin fous les feffes pour qu'il foit plus commo- dément ; deux ferviteurs le (outiennent fur les côtés , & lui relèvent fa chemife. Le chirurgien doit examiner l'endroit où il fera l'incifion ; ce doit être entre la troi- fieme & la quatrième des fauffes côtes , en comptant de bas en haut , & à quatre ou cinq travers de doigt de l'épine du dos. ( On entend que les doigts du malade feront la mefure de cette diftance. ) Si l'embonpoint du malade ou l'œdématie des tégumens empêchent de compter les côtes , on fait l'opération à quatre travers de doigt de l'angle inférieur de l'omoplate. Le lieu étant choifi pour opérer , le chi- rurgien pince la peau tranfverfalementavec les doigts indicateurs & les pouces de chaque mains ; un aide prend le pli que l'opérateur tient avec les doigts de fa mair* droite ; ilsfoulevent enfemble la peau ainfi pincée , & le chirurgien l'incife avec un biftouri droit , qu'il tient de fa main» droite ; on lâche enfuite les tégumens qui fe trouvent divifés longitudinalement ; on porte le bout du doigt indicateur de la main gauche à l'endroit du bord fupérieur de la troifieme faufle côte , & on incife le mufcle grand dorfal en portant le biftouri à plat fur l'ongle ; on avance enfuite l'ex- trémité de ce doigt , & on en appuie, l'ongle immédiatement fur le bord fupé- rieur & fuivant la direction de la côte ;. & , avec le biftouri tenu à plat de la main droite comme une plume à écrire , on pé- nètre dans la poitrine , en perçant les muf- cles intercoftaux & la plèvre. Le doigt: appuyé fur la côte fert de guide à l'inftru- ment tranchant , & on eft fur de ne pas toucher à l'artère intercoftale. L'incifiorr des mufcles intercoftaux & de la plèvre doit avoir cinq à ftx lignes de longueur,. Lorfque l'incifion eft faite , on porte le-. doigt indicateur gauche dans la plaie pouc ^'aifurtr de l'ouverture \ on le retire ck oa E M P procure , le plus promptement qu'on le peut , l'iffue des matières. On peut ks délayer avec quelque injection introduite à l'aide de la fonde de poitrine. Lorfque l'opération eft faite , & qu'on a tiré le plus de matière qu'il a été poffible , on panfe le malade en faifant entrer dans la plaie une bandelette de linge en forme de féton ; elle eft préférable à une tente de charpie qui s'oppofe à I'iiTue des matières , & qui caufe de la douleur au malade , parce qu'elle écarte & irrite les parties au tra- vers defquelles elle paffe ; ce qui eft fuivi d'inflammation , & quelquefois de la carie des côtes. On panfe le refte de la plaie à plat ; on applique deux ou trois comprennes graduées & un bandage de corps foutenus du fcapulaire. ( Voye\ BANDAGE & SCA- PULAIRE. ) Les panlemens fe continuent jufqu'à ce que les matières foient totale- ment évacuées ; on eft fouvent obligé de les réitérer deux & trois fois par jour , quand l'abondance de la fuppuration- l'exige. Lorfqu'il s'agit de confolider la plaie , on fupprime la bandelette qui en- tre dans la poitrine , & on couvre la plaie avec un linge fin fur lequel on met une pelote de charpie foutenue des compref- fes & du bandage, alors on cicatrife l'ul- cère fuivant les règles de l'art. Vbye[ UL- CERE. On fait l'opération de Yempyeme dans le lieu de néceflité , lorfqu'on ouvre un abcès à la poitrine dans le lieu où la ma- tière fe préfente. Le foyer de ces abcès la trouve ordinairement dans le tiffu cellu- laire qui unit la plèvre aux mufcles inter- coftaux internes ; il faut ménager cette cloifon poftérieure pour empêcher l'épan- chement du pus dans la cavité de la poi- trine ; ce qui arrive afTez fouvent par l'éro- lion de la plèvre , lorfqu'on diffère trop à faire l'ouverture de ces abcès. Voye\ Abcès. [Y) EMPYEM.E, opération ( Manège , Marè- challerie. ) L'anatomie des animaux , trop négligée parmi nous , a frayé le chemin de l'anatomie de l'homme. La nature e'clipfée , pour ainfî dire , dans les cadavres, fe montre à découvert dans le vivant ; & le fcalpel , en des mains aufîi intelligentes que celles des Hérophiîe , des Pecquet , E M P 301 des Harvey , &c. , a été un infiniment d'autant plus utile , que nous ne devons qu'aux comparaifons exaâes qu'ils ont fai- tes , & aux différences qu'ils ont obfer- vées , les grandes découvertes dans les- quelles confident aujourd'hui les princi- pales richeffes de la médecine du corps humain. Après ces avantages , dont la réalité eft généralement avouée , la chirurgie pour- roit-elle méconnoître la fource des biens dont elle jouit, & nous en refufer le par- tage ? Il doit nous être fans doute d'au- tant plus permis d'y prétendre , que nous pouvons profiter du jour qui l'éclairé fans lui en dérober la lumière s & fans nous rendre coupables de la moindre ufurpa- tion. Tous les cas qui peuvent engager le chi- rurgien à pratiquer Yempyeme , peuvent fe préfenter au maréchal. L'animal n'eft pas moins expofé que l'homme à des pleuré- fies , à la péripneumonie , à des épanche- mens de pus , à des épanchemens d'eau , conféquemment à une hydropifie , enfin à des épanchemens de fang caufés par quel- ques plaies pénétrantes dans la poitrine , ou par l'ouverture d'une artère intercoftale : mais de toutes ces circonftances , celles où l'opération dont il s'agit me paroît d'une plus grande efficacité , font apurement les bleflures fuivies d'une effufion dans la ca- pacité. Suppofonsdonc un épanchement de fang produit par les dernières caufes que je lui ai afîignées. Je reconnoîtrai d'abord la plaie péné- trante par fa circonférence emphyfémateufe par le moyen de la fonde & du doigt , par l'air qui frappera ma main au moment que je l'en approcherai , par le fifïlement qui accompagnera la fortie de ce même air , par la vacillation de la flamme d'une bougie que je lui préfenterai , par le fang écumeux qui , pouffé au dehors avec plus ou moins d'impétuofité , me prouvera en- core d'une manière fenfible , que le pou- mon eft intéreffé , & dont la quantité m'apprendra , de plus , s'il y a réellement ouverture de quelques vaiffeaux 'confîdé- rables. Je ferai enfin convaincu de l'épart- • chement , dès qu'outre ces fymptomes.s •01 E M P î'obferverai un violent battement de flanc & une grande difficulté.' de refpirer. Il eft vrai que , vu la fituation horizontale de l'animal , le diaphragme ne fe trouve pas , ainfi que dans l'homme , fin-chargé par le poids de la matière épanchée ; mais elle gêne conftamment l'action des poumons, qui , dans une cavité proportionnée à leur jeu , ne peuvent que fourFrir d'une hu- meur contre nature , toujours capable de s'oppofer à leur libre dilatation. Du refte , tous les autres fignes qui atteftent l'effuiion dans le thorax humain , ne peuvent nous être d'aucune indication, relativement àun animal qui ne fauroit nous rendre compte du fiege des douleurs qu'il reffent , & que par cette raifon nous placerions vaine- ment dans des attitudes différentes, quand même nous en aurions la facilité & le pou- voir. Quoi qu'il en foit , l'épanchement érant certain , & la ligature , dans le cas où l'ef- fufion a été provoquée par l'ouverture d'une artère intercoftale, étant faite (voye^ Liga- ture) , il faut néceflanement vider le thorax. La plaie fuffiroit à cet effet , fi fa fitua- tion étoit telle qu'elle ftit à la partie infé- rieure de !a poitrine ; on pourroit alors , à l'imitation du chirurgien , en augmen- ter l'étendue , en la dilatant à l'aide de la fonde crénelée & du biftouri , félon le befoin , & pour faciliter l'écoulement hors de la capacité , après quoi on le hâteroit en comprimant les nafeaux de l'animal , fur-tout fi les vaifTeaux du poumon avoient été attaqués , parce que ce vifcere conte- nant enfuite de cette comprcflion une plus grande abondance d'air > chafferoit avec plus de force le fluide dévoyé ; on paiferoit de là aux injections chaudes & douces , &c. ; mais dès que la plaie a été faite à la partie fupérieure , il n'eft pofîible de dégager la cavité du fang qui y nage, qu'en pratiquant une contre - ouverture , & c'eft ce qu'on appelle proprement Yem- pyemt. La différence de lapoiition de l'homme & du cheval en établit une relativement an lieu où nous devons contre - ouvrir. Dans le premier , attendu fa lituation , & eu égard à l'inclination du diaphragme , E M P l'humeur ftagnante fe porte en bas & erï arrière , & dénote l'endroit où l'on doit lui frayer une iffue. Dans le cheval , l'obli- quité de cette cloifon mufculeufe n'eft pas moindre ; mais elle ne fauroit guider ainfi le maréchal , parce que l'animal étant fitue horizontalement, fa direftion eft verticale, & que la partie la plus baffe du thorax eft fixée précifément aux derniers cartilages des côtes , & à leur jondion au fternum. ^,'eft auffi cette même partie que nous arrêterons pour opérer , en choiii fiant du côté affeclé l'intervalle des cartilages de la huitième & de la neuvième côte de devant en arrière , & à cinq ou fix pouces du fternum ; car nous ne {aurions nous adref- fer avec fuccès plus près de cet os , parce que les cartilages y font trop voifins les uns des autres. Remarquons ici que tout concourt à favorifer notre entreprife. iy. Il efl certain que , fans forcer l'animal d'aban- donner fa fituation naturelle , les humeurs ne trouveront aucun obftacle à leur évacua- tion , puifque leur pente répondra à l'ou- verture pratiquée. 2°. Nous ne craindrons pasfansceiTed'intérefterl'artereintercoftale en incifant , parce que là elle eft divifée en des rameaux d'un diamètre peu conft- dérable. Commençons donc à nous faifir de la peau à l'endroit défigné y & faifons-y , avec le fecours d'un aide , un pli qui foit tranfverfal par rapport au corps. Coupons ce p!i , il en réiultera une plaie longi- tudinale qui comprendra les deux cartila- ges, au milLu defque's nous nous pro- polerons d'ouvrir ; car telle doit être l'é- tendue de la première incificn. Faifons- en une féconde dans la même direction à la partie du mufcle grand oblique de l'abdomen qui eft au deffous , nous dé- couvrirons les cartilages des côtes & des intervalles. Incifcns enfin tranfverfalement les mufcles intercoflaux & la plèvre , juf- qu'à ce que nous ayions pénétré dans la cavité ; ce dont nous feror.s afïurés , par l'infpection de l'humeur qui s'écoulera , ou fi nous avions eu le malheur de nous tromper , par le vide que nous apper- cevrons ; car dès que la plèvre eft ouverte, l'air extérieur oblige le poumon à s'af- faiffer fur le champ ; ce qui préferve ce E M P vifcere des offenfes de l'inftrument dont rous nous fervons. Cette dernière ouver- ture aura au moins un pouce de largeur , à l'effet de fournir un paffage , & au fang vraiment liquide , & à celui qui fe préfen- teroit en grumeau. Du relie , je ne m'étendrai point ni fur les panfemens , ni fur toute la ^con- duite que l'on doit tenir dans la fuite du traitement ( voye\ ci dejfus , EMPYEME relativement au corps humain ; voye{ les différens cours d'opérations de chirurgie , voye{ PLAIE.) Je me contenterai de faire obferver que le bandage , propre à main- tenir l'appareil dans cette circor.ftance, ne doit être autre chofe qu'un furfaix armé de couflinets à l'endroit de l'opération pratiquée ; opération dont je n'ai prétendu d'ailleurs que démontrer la poffibilité , les différences & les effets, (e) EMPYRÉE, f. m. en Théologie , le plus haut des cieux , le lieu où les faints jouif- fentde la vifion béatifique. On l'appelle auiTi le ciel empyrée , & paradis. Voye^ Ciel. Ce mot eft formé du grec i* , dans , & wuf , feu , pour marquer l'éclat & la fplendeur de ce ciel. Quelques pères ont penfé que Y empy- rée avoit été créé avant le ciel que nous voyons. Comme ils fuppofent quec'eftla demeure de Dieu», ils foutiennent qu'elle doit être extrêmement îumineufe , fuivant cette parole de faint Paul , lucem habitat inaccejjibikm. Mais une difficulté les ar- rête : c'étoit d'expliquer I'obfcurîté qui ré- gnoit dans le monde avant la création du foieil. Pour la réfoudre, ils ont eu re- , cours à cette hypothefe : que les cieux | que nous voyons , étant une efpece de ; rideau , dérobèrent à la terre & aux eaux I la lumière de Y empyrée. Au refte, ni cette | fuppofltion , ni l'opinion qui l'a occafio- \ née , n'ont pas paru aflez fondées aux ! théologiens pour les élever au defïus du j rang de (impies conjectures. M. Derham a cru que les taches qu'on apperçoit dans certaines conftellations , ! font des trous du firmament , à travers lefquels on voit Y empyrée. Voilà une idée * bien extraordinaire , pour ne rien dire de EMU 303 plus. Voye7 ÉTOILE , FIRMAMENT , &c. (G) EMPYREUME, {Chimie.) veut dire odeur de feu. Le mot empyrewr.e vient du grec ifiTrvfi'Jitv 9 qui lignifie enflammer , ou brûler. Empyrewne ne fe dit que de l'odeur défagréable que le feu peut donner ; en forte que ce qui fent le brûlé fans être défagréable , comme les amandes grillées , le fucre brûlé , le café , &c. n'eft point appelé empyreumatique. La plupart des eaux diftillées , foit fpiri- tueufes,foit puren^fcit aqueufes , ont une odeur d empyreume Torfqu'elles font récen- tes : c'eft pourquoi on laiffe toujours quelque temps ces liqueurs communiquer avec l'air, pour leur faire perdre ce qui leur donne l'odeur du feu , qui eft toujours une matière volatile & peu adhérente aux liqueurs dont il s'agit. On laiffe les eaux {impies pendant quel- ques jours expofées au foieil dans des bouteilles , dont on couvre feulement l'ouverture avec un papier qu'on perce de plufieurs trous. Pour ce qui eft des eaux fpiritueufes nouvellement diftillées , on ne bouche pas d'abord autrement l'ouverture des bou- teilles qui les contiennent , & on les laiffe dans cet état pendant quelques heures dans un lieu frais. Chambers. L'odeur de feu eft beaucoup plus inhé- rente aux huiles appelées empyreumati- ques ; on ne l'en fépare pas entièrement par la rectification même réitérée , & par le fecours des intermèdes. Voye{ HuiLE. EMS , ( Géogr. mod. ) fleuve d'Alle- magne ; il a fa fousce au comté de Lippe , pafle dans POoft-Frife , & fe jette dans la mer au deffus d'Embden. ÉMULATION , f. f. {Morale.) paiTion noble, généreufe , qui, admirant le mé- rite , les belles chofes & les ad ions d'au- trui , tache de les imiter , ou même de les furpaffer, en y travaillant avec cou- rage , par , des principes honorables & vertueux. Voilà le caractère de Yémulation , & ce qui la diftingue d'une ambition défordon- née, de la jaloufte & de l'envie : elle ne tient rien du vice des unes ni des autres. 304 EMU En recherchant les dignités , les charges , & les emplois , c'eft l'honneur , c'eft l'a- mour du devoir & de la patrie qui l'a- nime. Uémulation & la jaloufie ne fe rencon- trent guère que dans les perfonnes du même art , de mêmes talens , & de même condition. Un homme d'efprit , dit fort bien la Bruyère , n'eft ni jaloux, ni émule d'un ouvrier qui a travaillé une bonne epée, d'un ftatuaire qui vient d'achever une belle figure ; il fait qu'il y a dans ces arts des règles , & une méthode qu'on ne devine point ; qu'il fia des outils à manier dont il ne connoît ni l'ufage , ni le nom , ni la figure ; & il lui fuffit de penfer qu'il n'a point fait l'apprentiflage d'un cer- tain métier , pour fe confoler de n'y être point maître. Mais quoique Vémulation & la jaîoufie aient lieu d'ordinaire dans les perfonnes d'un même état , & qu'elles s'exercent fur le même objet, la différence eft: grande dans leur façon de procéder. Uémulation eft un fentiment volontaire, courageux , fincere , qui rend l'ame fécon- de , qui la fait profiter des grands exemples, & la porte fouvent au deflus de ce qu'elle admire ; la «jaloufie , au contraire , eft un mouvement violent , & comme un aveu contraint du mérite qui eft hors d'elle , & qui va même quelquefois jufqu'à le nier dans les fujets où il exifte. Vice honteux , qui , par fon excès , rentre toujours dans la vanité & dans la préfomption ! XJ émulation ne diffère pas moins de l'envie : elle penfe à furpaflTer un rival par des efforts louables & généreux. L'envie ne fonge à PabahTer que par des routes oppofées. \J émulation , toujours agiflante & ouverte , fe fait un motif du mérite d'autrui , pour tendre à la perfection avec plus d'ardeur : l'envie froide & feche s'en attrifte , & demeure dans la nonchalance. Paffion ftérile qui laifTe l'homme envieux dans la pofition où elle le trouve , ou dont le vice qui le cara&érife eft l'unique ai- guillon ! Quand on eft rempli $ émulation , le manque de fuccès fait qu'on fe repro- che feulement de demeurer en arrière ; mais dès qu'on eft mortifié des progrès & de l'élévation de fes rivaux pleins EMU de mérite , on a pafle de Vémulation I l'envie. Voulez-vous connoître encore mieux Vémulation ? Elle ne tâche d'imiter ÔC même de furpaffer les actions des autres , que parce qu'elle en fait le prix , & qu'elle les refpecte ; elle eft prudente , car celui qui imite , doit avoir mefuré la grandeur de fon modèle & l'étendue de fes forces ; loin d'être fiere & préfomptueufe , elle fe manifefte par la douceur & la modeftie , elle augmente en même temps fes talens , & fes progrès par Je travail & l'applica- tion ; pleine de courage , elle ne fe laifte point abattre par les difgraces , & fi elles font méritées, elle répare fes fautes^enfin , quoiqu'il arrive , elle ne veut réufîir que par des moyens légitimes , & par la voie de la vertu. Ceux qui font profefïion des fciences & des arts , les favans de tout ordre , les orateurs , les peintres , les fculpteurs , les mufîciens , les poètes , & tous ceux qui fe mêlent d'écrire , ne devroient être capables que d'émulation; ils devroient tous penfer & agir de la même manière que Corneille agifloit & penfoit : " Les fuccès » des autres , dit-il , dans la préface qui » eft au devant d'une de fes pièces ( la » fuivante ) , ne produifent en moi qu'une » vertueufe émulation qui me fait redou- » bler mes efforts , afin d'en obtenir de n pareils ». Je vois d'un ail égal croître le nom d'autrui , Et tâche à m' élever auffi haut comme lui , Sans hafarder ma peine â le faire de/cendre. La gloire a des tréfors qu'on ne peut épuifer; Et plus elle en prodigue à nous favorifer , Plus elle en garde encore où chacun peut prétendre. Des fentimens fi beaux , fi nobles & fi bien peints , mettent le comble au mérite du grand Corneille. Art. de M. le chevalier de Jaucourt. ÉMULGENS , adj. pi. en Anatomie, fe dit des vaiffeaux qui aboutiffent aux reins. Voy. les planches d1anatomie. Les artères émulgentes partent du tronc defcendant de l'aorte pour fe rendre aux reins , & les veines émulgentes en fortenc pour EMU pour fe terminer au tronc afcendant de la veine-cave. Voye\ RÉNALES. (L) EMULSION , f. f. (Pharmacie & Mat. méd. ) c'eft ainfi qu'on nomme en méde- cine une-liqueur laiteufe formée par l'union ■de Feau , & d'une fubftance végétale par- ticulière , contenue dans les femences appellées émulfives* Voye\ SEMENCES ÉMULSIVES. La liqueur connue de tout le monde fous le nom $ orgeat , n'eft autre chofe •que Y émulfion dont il s'agit ici. Les femences , dont on tire le plus ordinairement les émulfions , & qui en font proprement la bafe , font les amandes douces , les pignons , & les quatre femen- ces froides majeures. Voye\ AMAN- DES, Pignons, & Semences froides. Pluiieurs médecins demandent auffi , aflêz fouvent , la femence de pavot , celle de laitue , celle de violette , & quelques autres de la même nature : mais comme ces dernières femences , qui font fort petites , fournirent moins de parties émulfives que les premières , qu'elles donnent ces parties plus difficilement , & qu'il n'eft pas pof- fible d'appuyer fur la moindre obferva- tion leurs prétendues vertus particulières , qu'il eft démontré , par exemple , que la partie émulfwe de la femence de pavot ne participe du tout point de la vertu cal- mante de cette plante ; pour ces raifons , dis-je , on n'ofe avancer , avec confiance , que c'eft une pratique louable de pref- crire toujours , par préférence , les pre- mières femences que nous avons nom- mées ; & de ne pas multiplier inutilement les matériaux de Yémulfion. Plufieurs auteurs ont des prétentions fur Yémulfion tirée de la femence de chan- vre. Voye\ Chanvre. On .emploie auffi quelquefois les amandes ■ameres, mais toujours mêlées en petite dofè À une quantité plus confidérable de l'une des femences que nous avons dit devoir faire la bafe du remède , & feulement dans la vue d'en relever un peu le goût. On édulcore les émuljions avec une quantité de fucre ou de firop , détermi- née par le médecin ; on les aromatife auffi quelquefois- avec quelque eau diftillée. On emploie plus ou moins d'eau , fê- i Tome X1L EMU 305 Ion qu'on veut avoir une émulfion plus ou moins chargée. Pour faire une émulfion , c'eft-à-dire , pour unir à l'eau la fubftance végétale particulière , que nous connoiffons fous le nom ftémulfive y on s'y prend de la ma- nière fuivante. Prenez , par exemple , vingt - quatre amandes douces mondées (voye\ Mon- der, Pharm. ) ou bien del'uno-des gran- des femences froides mondées , ou des quatre enfemble , fix gros , & cinq ou fix amandes douces mondées ; écrafez - les dans un mortier de marbre avec un pilon de bois , d'abord à fec , mais bientôt ver- fez fur ces femences une ou deux cuille- rées d'eau , & continuez à piler en ajou- tant peu à peu toute l'eau que vous avez deflein d'employer (la quantité des femen- ces demandées dans cet exemple fuffit pour charger fuffifamment deux livres d'eau), difïblvez votre fucre (une once fuffit pour deux livres à' émulfion ) , paffez à travers un linge ferré , & exprimez légèrement. Si c'eft un firop que vous employez au lieu de fucre , vous ne l'ajoute- rez qu'après la colature , avec l'eau diftil- lée deftinée à aromatifer Y émulfion. Dans Y émulfion que nous venons de décrire , on pourra diffoudre , au lieu de fucre , une once & demie de firop de capillaire , de violette , de tuffilage , de guimauve , ou bien une once de l'un de ces firops , & trois gros ou demi-once de firop de diacode , fi on veut rendre Y émulfion narcotique. Une pinte de cette liqueur eu aromatifee à un point très-agréable par l'addition d'une demi-once d'eau de fleurs d'orange , ou d'eau de cannelle appellée orgée. S'il nage de l'huile fur la furface d'une émulfion qu'on vient de préparer , Y émul- fion a été mal faite ou manquée. Cet incon- vénient eft dû à ce qu'on a féparé une huile qui eft un des principes du fuc émulfif y d'avec une matière muqueufe qui en eft un autre principe , & à laquelle l'huile doit fa mifeibilité avec l'eau. T^oye\ Semences émulsives. On prévient ce défaut en appliquant de bonne heure de l'eau aux femences que l'on pile , & même en les triturant avec une partie du fucre qu'on veut emplover dans Yémul- $ôS EMU fion ; car le fucre eft un moj'en d'union entre les huiles & l'eau. Voyc{ HUILE & Sucre. Les Chymifles ont apperçu beaucoup d'analogie entre les emuljions & le lait des animaux; on verra avec combien de fon- dement , a l'article SEMENCES ÉMULSI- VES. Voye\ cet article. Nous nous conten- terons d'obferver ici que , comme le lait , les emuljions tournent & s'aigrifTent après un certain temps , en moins de vingt-quatre heures dans un lieu ou par un temps chaud ; & que les acides & les efprits fermentes les coagulent comme le lait. On ne préparera donc des emuljions que pour quelques heures , fur-tout en été ; on ne les mêlera point avec des firops, ou des fujs acides , & on ne les aromatifera point avec des eaux fpiritueufes. JSémulJion fe décompofe par l'ébullition; ce qu'on appelle dans quelques pays une émulfion cuite , c'eft-à-dire , à laquelle on a rait prendre quelques bouillons , eft donc une préparation monftrueufe , un remède altéré & dégénéré autant quil eft. poflxble. La vue médicinale de corriger par cette coclion une prétendue crudité de V émul- fion y en1 trop vaine pour pouvoir auto- rifer une pratique fi directement contraire aux règles de l'art. Les emuljions ont toutes les propiiétés des remèdes appelles rafraîchijfans ', tempe- rans , délayans ; voye\ DÉLAYANT , RA- FRAÎCHISSANT & Tempérant : & de plus elles font nourriflan tes. On les ordonne très-utilement pour boifîon ordinaire dans toutes les maladies inflammatoires , & fur- tout lorfqu'elles affèclent principalement les vifceres du bas-ventre , dans les diar- rhées par irritation , dans les ardeurs d'urine , dans le commencement de la cura- t'on des chaudepifTes , dans les chaleurs d'entrailles , & même dans certaines fleurs blanches. Voye\ ces articles. Dans tous ces cas on doit preferire les emuljions à grande dofe , à deux ou trois livres par jour au moins ; & c'eft avoir une idéi fort imparfaite de l'action de ce remède , que d'attendre quelque effet utile d'un feul verre $ émulfion donné dans la journée , ou le foir. Qn fe fert fort ordinairement de Yémul- EMU fion comme d'un véhicule commode , pour donner certains fels neutres étendus dans une grande quantité de liquide , ou en lavage , comme on s'exprime communé- ment. On diflbut , par exemple , un gros ou un gros & demi de n'tre purifié dans une pinte 8 émulfion y pour faire ce qu'on appelle une émulfion nitrée ; c'eft un ufage fort ordinaire au fit de faire fondre trois ou quatre grains de tartre émétique dans une pinte à' émulfion , qu'on donne par verre pendant le cours de la journée , pour entretenir les évacuations abdominales dans plufieurs maladies aiguës. Kqyf^FlEVRE. On prépare une émulfion purgative qui agit afîez doucement , & qui n'a point le dégoût des potions purgatives ordinaires , en unifiant intimement , par une longue trituration , dix ou douze grains de réfine de jalap à une once de fucre , que l'on emploie enfuite dans la compofirion d'une émulfion ordinaire : non-feulement le fuc émuljif fert dans ce cas à mafquer le goût de la réfine , mais il concourt aufli avec le fucre à en corriger l'activité. Le lucre eft le diffolvant des réiines , & il forme avec elles un compofé favonneux, milcible à l'eau. Voye\ SUCRE & RÉSINE. Le fuc émuljif poffede la même propriété , quoi- qu'avec un degré très-inférieur. On fait entrer aufli la réfine de feammonée dans ces emuljions , à la dofe de deux ou trois grains , avec huit , dix ou douze grains de réfine de jalap. Voye\ ScAMMONÉE & Jalap. Si l'on difpofe une réfine ou un baume à être diflbus par l'eau en unifiant ces fubftances au jaune d'œuf > & qu'on appli- que de l'eau à ce compofé félon l'art , il en réfulte aufli une liqueur laiteufe , que quelques auteurs ont appellee du nom à' émulfion ; celle-ci eft vulnéraire , déterfive & cicatrifante ou purgative , félon la pro- priété de la réfine ou du baume qu'on y a employé. Voye\ les articles VULNÉ- RAIRE, Détersif & Purgatif rési- neux , au mot Purgatif. La liqueur connue de tout le monde fous le nom de lait de poule , eft parfaite- ment analogue à Y émulfion. Voye\ Œuf, Diète, {b) JEMUNCTOBŒ, fe dit des canaux E N qui déchargent les humeurs fuperfluôs du corps. Voye\ HUMEUR. (L) EN EN & DANS , prcpofitions qui ont rapport au lieu & au temps. En France, en un an , en un jour , dans la ville, dans la mai/on , dans dix ans, dans la fe m ai ne. M. l'abbé Girard dans ksfynonymes;Vau- gelas , le P: Bouhours & quelques autres grammairiens ont fuit des obfervations particulières fur ces deux prépofitions ; en effet , dans l'élocution ufuelle il y a bien des occalions où l'une n'a pas le même fens que l'autre. On peut recueillir de M. l'abbé Girard & des autres grammairiens , que dans emporte avec foi une idée acceflbife , ou de lingularité , ou de détermination indi- viduelle, & voilà pourquoi dans efl tou- jours fuivi de l'article devant les noms ap- pellatifs , au lieu que en emporte un fens qui n'eft. point refîferré à une idée fingu- liere. C'eftainfi qu'on dit d'un domeftique, il efl en mai/on, c'eft-à-dire, dans une mai- fon quelconque ; au lieu que li l'on difoit qu'z'Z efl dans la mai/on, ou défigneroit une maifon individuelle déterminée par les cir- conllances. On dit , /'/ efl en France , c'eft-à-dire , en quelque lieu de la France : il efl en ville, cela veut dire qu'il efl hors de la maifon , mais qu'on ne fait pas en quel endroit^ par- ticulier delà ville ileir. allé. On dit , il efl en prifon , ce qui ne défigne aucune prifon quelconque : mais on dit , il efl dans la pri- fon du Fort- VEvêque ou de Saint-Martin, voilà une idée plus précife ; il efl dans les cachots , c'eft ajouter une idée plus parti- culière à l'idée d'être en prifon ; aufli ex- prime-t-on l'article en ces occaiîons. Il efl en liberté , il efl en fureur , il efl en apo- plexie : toutes ces expreffions marquent un état , mais bien moins déterminé que lors- qu'on dit: il efl dans une entière liberté, \ il efl dans une extrême fureur. On dit , il efl en EJ pagne , & on dit , il efl dans le royaume d'Efpagne ; il en Languedoc ,* & il efl dans la province de Languedoc. Cette diitin&ion d'idée vague & indé- E N 307 terminée ou de fens général pour en , & de fens plus individuel & plus particulier pour dans; cette diftinâion , dis-je , a fon ufage : mais on trouve des occalions. où il paroît qu'on n'y a aucun égard ; ainf] l'on dit bien , il efl en Afie , fans détermi- ner dans quelle contrée ou dans quelle ville de l'Aile il efî ; mais on ne dit pas , il efl en Chine , en Pérou, 6V c. , on dit, à la Chine y au Pérou , &c. Il femble que l'éloignement & le peu d'ufàge où nous fommes de parler de ces pays lointains , nous les faife regarder comme des lieux particuliers. Le P. Bouhours a fait, fur ces deux pré- pofitions, des remarques conformes à l'u- fage , & qui ont été répétées par tous les grammairiens qui ont écrit après cet ha- bile obfervateur , même par Thomas Corneille fur Vaugelas. Il me femble pourtant que le P. Bouhours commence par une véritable pétition de principe, {Remarques, tom. Iy p. 6y.) On met tou- jours EN , dit-il, devant les noms, lorfquon ne leur donne point d'article : j'en con- viens , mais c'efr. là précifément en quoi confifte la difficulté. Un étranger qui ap- prend le "François , ne manquera pas de demander en quelles occalions il trouvera le nom avec l'article ou fans l'article. Outre ce que nous avons dit ci-defTus du fens vague & du fens particularifé ou individuel , voici des exemples tirés , pour la plupart , du P. Bouhours , & des au- tres obfervateurs qui l'ont fuivi. En ou HA.!! S fui vis d'un nom fans article parce que le mot qui fuit la prépojition n'efl pas pris dans un fens individuel, qu'il efl pris dans un fens général d'ef- pece ou de forte. En repos ; en mouvement ; en colère; en bon état ; en belle humeur, enfanté; en ma- ladie ; en réalité ; enfonge ; en idée; enfan- taifie ; en goût; en gras; en maigre; en pein- ture ; en blanc; en rouge; en émail ; en or ; en arlequin, en capitaine;en roi; en maifon; en ville ; en campagne ; en province; en fi- gure; en chair & en os y & autres en grand nombre pris dans un fens de forte , qui n'eft. pas le fens individuel. On dit aufli par imitation , en. Europe & dans l'Eu- Qq1 3o8 E N A rope > en France & dans la Fra%ce y en 'Normandie & dans la Normandie, &c. Defpréaux a dit : Dans Florence jadis vivolt un médecin. Art. poét. liv. IV. Peut-être diroit-H aujourd'hui à Florence. En otf DANS fuivis d'un nom avec V 'arti- cle , à caufe dufens individuel. , Dans le royaume de Naples ; dans la France; dans la Normandie ;.dans le repos où je fuis; dans le mouvement y ou dans l'agitation, ou dans l'état où je me trouve; ou dit aufii en l'état où je fuis. Dans la mi f ère ou en la mifere où je fuis;dans la belle humeur, ou en la belle humeur où vous êtes ; dans la fleur de l'âge 3 ou en la fleur de l'âge. Il m' eft venu dans l'efprit. Il eft allé en V autre monde , pour dire il eft mort : en ce fens le P. Bouhours ne veut pas qu'on dife , il eft allé 'dans l'autre monde ; Gar alors Vautre monde fe prend , dit -il , pour le nouveau monde ou l'Amérique. Dans l'extrémité ) ou en V extrémité où je fuis; dans la bonne humeur, ou en- la bonne humeur où il eft ; dans tous les lieux du monde ,,ou en tous les lieux du monde; en tout temps ; en tout pays; dans tous les temps y dans tous les pays. J*ai lu cela en un bon livre , ou dans un bon livre. En mille occafions, ou dans mille occafions; en chaque âge, ou dans chaque âge ; en quelque penfée , ou dans quelque penfée que vous foye\; en des livres. ou dans des livres;en de fi beaux lieux; ou dans défi beaux lieux. (F) ÉNALLAGE, (-. f. (Gramme) t* tif efl fèul dans-1'oraifon, on doit fous- ?> entendre un verbe qui le gouverne r> comme cœpit y folebat .ou autre : ego ?> illud fedulo negare faclum ( Terent. ) » fuppléez cœpi .-facile omnes perferre ac t> pari (idem.) fuppléez folebat,. Ce qui }> eft plus ordinaire aux poètes- & aux »■■ hiftoriens où l'on doit toujours » fous-entendre un verbe fans prétendre *>qae l'infinitif foit là. pour un temps ?> fini , par une figure qui ne. peut avoir » aucun fondement. » (F) ENARBRER, en Horlogerie , fignifie faire tenir une roue fur fon arbre , ou fa tige , ce qui fe fait de plufieurs façons ; dans les montres & dans les pendules , o'eft ordinairement en les rivant :tous les deux enfemble. On dit qu'une . roue eflbien enarbrc'e , E N A 305* lorfqu'elle tourne bien droit & bien rond' fur fon arbre. Voyez Roue, Pignon, &c. (T) ENARRHEMENT ou ARRHEMENT, f. m. ( Comm. ) convention d'acheter une marchandife à un certain prix , pour fu- reté de quoi on donne, par avance y. quel- que choie furie prix convenu. Il y a des enarrhemens permis par les loix , & d'au- tres qu'elles prohibent , tels que ceux qui vont à affurer à un particulier une très- grande quantité, ou même toute une es- pèce de marchandifes , pour y mettre la- ■cherté. Voy. ARRHES & ARRHER. Z)zV7. du Comm. de Tre'p. & de Chambers. (G) ENARRHER , convenir du prix d'une chofe , donner des arrhes pour la fureté de l'exécution du marché. EN ARTHROSE, f. f . {Anat.) c'eft une des trois efpeces de diarthrofe , c'eft- à-dire , d'articulation ofleufe avec mou- vement :les deux autres font Yarthrodie & le ginglyme. Venarthrofe fe fait, dit-on , lorsqu'une grofTe tête d'os eft reçue dans une cavité profonde , comme-ia- tète du fémur dans Ma cavité des os innommés ; Yarthrodie a Jieu lorfqu'une tête plate eft reçue dans une cavité fuperficieile , comme la tète de l'os du bras dans la cavité glénoïde de l'omoplate ; le ginglyme confifte dans la réception mutuelle de deux os , comme eft celle de l'humérus &-du cubitus-. Voici maintenant l'origine de ces mots Grecs y & de tous ceux des articulations. • ; Les anciens , confidérant que les os du : corps humain font joints enfemble de di- verses manières ; les uns avec mouvement & les autres fans mouvement , ont inventé plufieurs termes pour fpécifier la différence At ces - aftèmblages ; cependant malgré les foins qu'ils fe font donnés , & l'obligation qu'on leur doit d'avoir ouvert' cette car- rière épineufe , ils ont fait de vains efforts ;pour accommoder , à leurs termes, toutes les articulations qui fe préfentent dans le' corps de l'homme , outre que les' termes qu'ils ont < employés expriment' quelque- fois affez mal les chofes auxquelles ils ont voulu les confacrer.: Les modernes s'en. • étant apperçus , ont ajouté , par fupplé- ment, de nouvelles fubdivifions aux an—- 3io E N C ciennes ; mais loin d'éclaircir cette ma- tière, ils l'ont rendue plus abftraite & plus inintelligible. Ces réflexions ont engagé M. Lieutaud à abandonner l'ancienne méthode fur les noms des articulations , & à lui fubfti- ruer une nouvelle théorie , qui nous pa- roît plus (impie , plus naturelle que celle qu'on fuit ordinairement , & qui , du moins , a l'avantage d'être proportionnée aux connoifTances de ceux qui commen- cent. On trouvera dans fon AnatomieYex- polition de fa méthode; car il ne s'agit pas ici d'entrer dans ce détail : il nous f uffira de remarquer , avec cet auteur , que c'eft parler improprement , de don- ner le nom de connexion à Yénarthrofe , à Yarthrodie , & au ginglyme. En effet , qu'on coupe dans un fque- lette frais les ligamens de l'articulation du fémur , comme le dit M. Lieutaud , on ne détruit point Yénarthrofe ; cependant les os fe féparent , & on ne fauroit les raf- fembler , fi on ne les attache par des liens artificiels : concluons que ce font les liga- mens dans le fqueletre frais , & le fil de laiton dans le fec , qui font la connexion du fémur avec les os innommés , & non pas Yénarthrofe , qui ne fert tout au plus qu'à marquer le mouvement que doit avoir la partie, de même que Yanarthrodie & le ginglyme. Article de M. le chevalier JPE Jaucourt* ENAUCHER, en terme d'Epinglier, c'eft former , fur l'enclume , la place de la branche de l'épingle , avant celle de la tête ; fans cette précaution il eft aifë de concevoir qu'elle feroit écrafée. ENCABANEMENT , f. m.J^Marme.) ©n appelle ainfi la partie du côté du na- vire qui rentre depuis la ligne du fort jufqu'au plat bord. Voye\ Marine , plan- che V , la coupe d'un vaifTeau dans fa Largeur , où la partie comprife entre la ligne du fort & le plat bord eft aifée à diftinguer. {Z) ENCADRER , v. ad.c'eft mettre dans un cadre ; on encadre un tableau , .une eitampe. ENCAISSÉ , adj. (Comm.) marchan- dife ou effet qu'on a mis dans une caifTe pour .ça faciliter le tranfport. Voye\ CAISSE. E N C ' ENCAISSEMENT , f. m. aâion d'en- caiffer. Encaissement ; c'efl tout un ouvrage de charpente , dans lequel on coule à fond perdu de la maçonnerie pour faire une crèche. ENCAISSER , mettre des marchandifes ou des effets dans une caifie pour les envoyer dehors. ENCAISSER, fe dit auffi de l'argent qu'on met dans une caifTe ou coffre-fort à part, pour le garder & l'employer dans le temps aux frais & dépenfes de quelque entreprifè. Diclionn. du Comm. de Trévoux , & Chambers. (G) ENCAISSER , (Jard.) eft l'action de re- mettre dans de nouvelles caifîes , des arbres à fleurs qui en ont befoin. Voye^ REN- CAISSER. ENCAN, f. m. (Jurifp.) eft u avec une toile cirée , & qu'on le polilfe » avec des linges nets , comme on fait aux: » ftatues de marbre. C'en: ce que les Grecs » appellent caufis^ uftion. » Voilà un vernis encaufiique & à la cire ? dans toute la rigueur des termes. Cette manœuvre , ignorée fans doute des reft.au- rateurs de l'ancien encaufiique , répand, ce me femble, du jour fur l'obicurité de Pline, puilqu'eîle décide à la fois , & la réalité de I inuftion , & fa manière. Elle s'applique d'elle-même à la peinture , & ne permet plus de difpute , ni au grammairien fur le fens àiurerey ni au peintre iur le procédé. Pline fait mention de ce vernis au livre XXXIII ; mais il ne dit pas un mot de Tuf- tion : or on s'en eft rapporté à Pline , & voilà d'où eft venu l'embarras. Ce n'eft qu'en fuppofantune uftion réelle , que le dyftique fiiivant a un fèns net : Encaufius Fbaeton tabula deftiftus in ijîa efi : QjHtd tibi 'vis , Dipyron qui Fhaetonta facisl Martial , /;'v. IV. E^r. xlvij. E N C » Ce tableau eft un Phaëton brûlé : Pour- » quoi Phaëton eft-il brûlé deux fois ? » Preuve que l'uftion ne fe faifoit qu'après la peinture. Autre obfèrvation. AufTitôt qu'il s'agit des anciens , on n'imagine que du parfait , fans fuivre les progrès de l'art. Cela eft fort à leur honneur ; mais ce n'eft point la mar- che de l'efprit humain , & il n'eft pas ab- furde que les anciens , avec d'excellëns iculpteurs , n'aient eu que de médiocres peintres. ïls avoient un vernis encaufîique à la cire ; ils imaginèrent de teindre la cire , pour la fubftituer à la détrempe \ mais il ne faut pas croire qu'ils en eulfent de trente-fîx couleurs. Pline , liv. XXXV , chap. vij. en nomme quelques-unes , & dit : cerœ tingumur iifdem Jiis coloribus ad eas picluras quœ inuruntur. )> C'eft avec ces couleurs qu'on teint les •>.> cires pour les peintures qui fe brûlent. » Il dit plus pofîtivement ailleurs , qu'autre- fois les peintres , & Polygnote entr'autres , n'employoient que quatre couleurs, le blanc, le jaune , le rouge , & le noir , & toutes très-communes. Ils n'avoient ni bleu , ni verd. Ce ne fut pas d'abord des peintures au pinceau :, ils gravoient } ils imaginèrent d'en- luminer leurs gravures. La détrempe avoit peu de confiftance } ils employèrent leurs cires colorées , & l'uftion en fit des encaufii- ques. Quelle que fût d'ailleurs leur manœu- vre , car faute de guide on ne peut faire ici que des conjectures hafardées , on conçoit que ces manières durent précéder Xencaufti- que au pinceau , qui évidemment étoit plus difficile. On conçoit encore que ces peintu- res dévoient être afTez groftïeres , & ceci n'eft point une idée de fyftême. Quintilien en parle ainfi , liv, X. Primi quorum quidem opéra non vetuffatis modo gratiâ vifendafunt , clari piâores fuijfe dicun- tur Polygnotus atque Aglaophon , quorum fimplex color tam fui ftudiofos adhuc habet , ut illa propc rudia , ac v dut futur œ mox artis primo rdia maximis quipofl eos extiterunt^ auc- toribus prœferantur, proprio quodam intelli- gendi ( ut mea fert opinio ) ambitu. et Les » premiers peintres célèbres dont on doit » voir les ouvrages , non pas feulement » parce qu'ils font anciens , font Polygnote E N C " 31 y » & Aglaophon. Leur coloris fimpîe a eu- » core des partifans lî zélés , qu'ils préfèrent » ces préludes groffiers de l'art qui alloit » naître , aux ouvrages des plus grands maî- » très qui ont paru après eux j ôc cela , je » penfe , -par une certaine affectation d'in- » telligeuce qui leur eft particulière, » Zeuxis qui , félon le même Quintilien , inventa le premier l'art des ombres & des clairs , montra un art qui vraifemblable- ment ne fut pas fort cultivé } car le même auteur dit , liv. VIII , ch. v : Nec piclura in qua nihil circumlitum efï eminet. Idevque arti- fices , eiiam cum plura in unam tabulam opéra contulerunt , fpatiis diflinguunt , ne umbrœ in corpora cadant. ce La peinture ne fort point , » fi 'les entours des corps ne font ombrés. » Auffi les artiftes qui ont mis plufieurs » figures dans un tableau , laifTent entr'elles » des intervalles , pour que les ombres ne » tombent pas fur les figures. » C'eft-à-dire , qu'ils n'entendent guère ni le clair-obfcur , ni les reflets , ni la dégradation des teintes , & toutes les finenes de la perfpeclive , qui font le charme de la peinture : auffi leurs compofîtions n'étoient pas chargées , & tout devoit y être diftribué fur les devans , comme dans leurs bas-reliefs. Cela devoit être encore plus dans Yencauf- tique au pinceau , par l'embarras de manier les cires. De là vient que Paufias ne faifoit guère que de petits tableaux, & fur- tout des enfans. Ses envieux en donnoient pour raifon , que cette efpece de peinture étoit lente \ c'eft pourquoi voulant donner de la célébrité à fbn art , il acheva dans un jour un tableau qui repréfentoit encore un enfant. Cette production parut fi nguliere , puifqu'on lui donna un nom , «^êfns-io, , peinture dun jour. Pline qui rapporte ces faits , liv. XXXV , chap. xj , ajoute , comme quelque chofe de remarquable , que Paufias peignit auffi de grands tableaux ^ & il fait ailleurs la même obfèrvation fur Nicias : fecit & grandes picluras. En effet la difficulté étoit toute autre. On conçoit qu'en petit le peintre pouvoit donner au bois pardeffous, un degré de chaleur capable de maintenir à un certain point la liquidité des cires , pourfendre Ces teintes , & donner aux couleurs leur ton } au lieu qu'en grand , il falloit travailler à grands Rri 3i* E N C coups de brofle & avec une main fûre , comme dans la frefque , fans autre refTource pour retoucher fbn tableau , que le moment même de l'inuftion } laquelle ne pouvant fe faire que pardevant , de voit gêner la main de l'artifte. Cet encavjlique étoit fans doute bien plus praticable dans les vaiflèaux , où il falloit plutôt de grandes & bonnes ébauches , que des peintures finies avec le dernier fbin \ car ce n etoit pas feulement des couleurs appliquées , mais des figures j quand Pline ne l'auroit pas dit, Ovide le prouveroit : "Et piila coloribui ujlis Çœlefiùm matrem concava puppis habet. Fafi. liv. IF. verf. ij\. y> Et la pouppe repréfente la mère des » dieux peinte en couleurs brûlées. » Qu'on ne dife point que fi ces tableaux en- cauftiques avoient été imparfaits ,les Romains n'en auraient pas fait fi grand cas. Ils étoient eftimables fans doute \ mais c etoit par la noblefle des idées & l'élégance du de/fin , fur-tout dans un temps où le faux brillant & le mauvais goût faifoient abandonner la nature , au moment que les Grecs l'avoient à peine faifie. Je parle d'après Vitruve , liv. VII , ch. v. Et de fon temps , avec des couleurs plus fines & plus chères, on ne voyoit que des idées fauffesck fans art, telles à-peu-près que ces ornemens bizarres dont ïbnt chargés nos anciens manufcrits. Nous les traitons de gothiques , & c eft du goût Romain, ck du meilleur fiecle. De plus, cette peinture avoit fur la détrempe l'avan- tage d'une vigueur & d'une fblidité à l'é- preuve de l'air , du foleil & des vers ; comme elle en a un autre fort confidérable fur notre peinture à l'huile, celui d'un mat uniforme: 'd'où réfulte une harmonie flatteufe , & in- idépendante des jours. On doit voir à préfènt ce que c'étoit que Vencaufiique des anciens. Ceux qui ont tra- vaillé à nous le reftituer , paroiffent n'avoir pas feulement penfé aux deux, premières efpeces , & vraifemblablement il n'y a pas grand mal. Ne nous occupons donc , comme eux , que de la troifieme , de Vencaufiique au pinceau. Voici le réfultat de tout ce qui précède , & Tordre des opérations. j°. Ils avoient des cires colorées , ctrœ E N C tinguntur iifdem his coloribus. Ces cires étoient peut-être mêlées d'un peu d'huile , pour les rendre plus fuiîbles &: moins caf- fantes^paulb oleo temperatam ; & ils les con- fervoient dans des boites à compartimens, dit Varron , liv. II de re rufi. Pi clore s locu- latas habent arculas , ubi difcolores funt cerce ; fi cependant ces boîtes n'ëtoient pas pour les tenir en fufion. 2°. Ils faifoient fondre ces cires & les employoient au pinceau, refolutis igni ceris9 penicillo utendi; foit qu'ils fiffent leurs tein- tes dans des godets chauds , foit au bout du pinceau , comme font quelquefois nos peintres. 3. Ils fixoient leur tableau par l'inuftion r piâuram inurere. Je dis leur tableau , parce, que le mot piâura ne fignifie point des couleurs , mais, ou fart de peindre , ou le tableau. Ils les fixoient avec un réchaud plein: de charbon qu'ils promenoient à la fùrface : carbonibus in ferreo vafe compojltis^ comme dit Vitruve. Cefirreum vas , ce réchaud étoit- fans doute le même infiniment dont il eft fait mention dans le digefte fous le nom de cauteria. * 40. Enfin , ils frottoient & poliflbient le, tout avec des linges nets , linteis puris fubir gai; opération qui doit donner l'éclat du ver- nis , fans en avoir les défauts. Toute peinture qui ne remplira pas ces conditions, les trois premières fur-tout, ou qui. ne les remplira pas clans cet ordre , pourra égaler , furpaflèr même Vencaufiique des anciens , mais ne fera jamais leur en- caujlique. C eft l'art de peindre avec des cires colo- rées, & de fixer la peinture par l'inuftion^ & ce n'eft que cela. Ce. même art , qu'on appelloit communément encaufiique , inuf- tion, Callixene de Rhodes , dans Athénée, le nomme *nroy çeuptav , peinture en cire. Iî n'y en avoit qu'un. Voilà, je crois , des principes incontefta- bles ck fuffifans pour apprécier fûrement toutes les manières de peindre à la cire, connues jufqu a préfènt. Nous les devons à M. le comte de Caylus , & à M. Bachelier , peintre } ce font les feuls qui puiflènt pré- tendre au titre d'inventeurs ou de reftaura- teurs de Vencaufiique. Ceux qui nous ont donné des ouvrages dans ce genre 5 ne font ENC que leurs difciples , puifqu'ils n'ont travaillé qae d'après eux. M. le comte de Caylus a publié cinq ma- nières , dont les quatre premières font , félon lui , autant de vrais encaufiiques. "Première manière de peindre en cire , félon M. de Caylus. Couleurs, teintes , peinture , tout fe pré- pare & fe finit au bain-marie. i°. Au lieu de pierre à broyer , faites conftruire une efpece de coffre de fer-blanc de feize pouces quarrés fur deux & demi de hauteur , bien foudé par-tout , & fans autre ouverture qu'un goulot un peu élevé pour le remplir d'eau. Sur la furface quarrée du côté de laquelle le goulot s'élève , faites appliquer & attacher avec huit tenons de fer-blanc , une glace de l'épaifïèur ordi- naire , qui ne foit qu'adoucie , & qui con- serve affez de grain pour broyer les couleurs : elles glifferoient fur une glace polie. Rem- pliriez à-peu-près ce coffre d'eau , mettez- le fur le feu , chargez la glace de cire & de couleurs \ la cire fondra , & vous broierez avec une molette de marbre que vous aurez eu la précaution de faire chauffer. Enlevez la couleur broyée avec un couteau pliant d'i- voire \ mettez-la refroidir , &. préparez de même les autres couleurs,, 2°. Au lieu de godets ordinaires , ayez un autre coffre de fer-blanc avec fon gou- lot de la même hauteur , & affez grand pour y percer fymmétriquement dix - huit trous ronds de quinze lignes de diamè- tre. Dans ces trous , foudez autant de go- dets de fer - blanc d'un pouce de profon- deur y de façon qu'ils plongent dans le coffre. Dans ces godets , mettez-en d'au- tres de cryftal . pour n'avoir rien à crain- «ic «c fétain dû fer- blanc. Rempliffez le coffre d'eau bouillante j les cires colo- rées fondront, & feront en état d'être em- ployées. 3°. Au lieu de palette , ayez un troifieme coffret couvert cfune glace adoucie , & toute fémblable à la machine à broyer \ rem- jpliffez-le d'eau, bouillante , & formez vos teintes. 4°. Au lieu de chevalet , ayez encore un coffre de fer- blanc fémblable au premier , inais plus grand , &. dont la face fupérieure E N C 317 fbit de cuivre d'une ligne d'épaiffeur , avec une couliffe de chaque côté pour re- cevoir &. afîujettir la planche fur laquelle vous allez peindre ( car il ne s'agit point ici de peindre fur toile. ) Seulement à l'an • gle oppofé au goulot , vous ferez fouder un robinet , pour pouvoir vuider & remplir quand il faudra reuouveller l'eau bouillan- te , fans cependant expofèr les cires à cou- ler. 50. Enduifez le côté de la planche fur lequel vous devez peindre , de plu fleurs couches de cire blanche , dont vous fondrez les premières avec une poêle pleine d'un brafier ardent , pour les faire entrer dans le bois , comme le pratiquent le ébéniftes. Pour plus grande* précaution , & de peur que la planche ne fe voile par la chaleur , compofèz-la de trois petites planches d'une ligne d'épaiffeur , collées l'une fur l'autre ^ de façon que leurs fibres fe croifent à angles droits. 6°. Enfin , ajuftez la planche dans les cou- lilîès , &■ peignez. Voilà des cires colorées. On peint avec: ces cires colorées \ mais on ne brûle point la peinture , il n'y a point d'inuftion , la troifîeme condition manque : c'eft donc une peinture en cire , &. non ïencaujlique des Grecs, D'ailleurs, la multiplicité des machines ,, d'une part j de l'autre , la difficulté d'avoir 8c d'entretenir toujours de l'eau au degré de chaleur convenable , rendent cette ma- nière rebutante , & les effets ne fatisfont point un goût difficile, quoique peut-être la manière des Grecs fut encore plus im- parfaite. Ajoutez qu'on ne peut peindre qu'en bois , & en petit \ ce qui borne trop l'art. M. de Caylus , qui porte luiTinême ce jugement de cette première manière de peindre , s'eft déterminé par ces raifbns à chercher des moyens plus faciles &t plus fur s. Seconde manière de peindre en cire , félon M* de Caylus.. Prenez des cires colorées , préparées comme dans la manière précédente ; faites- les fondre dans l'eau bouillante } une once de cire , par exemple s dans huit onces *i8 E N C d'eau. Quand elles feront fondues , battez- les avec une fpatule d'ivoire ou avec des ofiers blancs , jufqu'à ce que l'eau foit re- froidie. La cire , par cette manœuvre , fe divifèra en petites molécules , & fera une efpece de poudre qui nagera dans l'eau, 6c que l'on confèrvera toujours humide dans un vafe bouché , parce que fi elle étoit fe- che , les molécules fe colleroient & ne pourraient fervir. Ces cires ainfi préparées , mettez dans des godets une portion de chacune , & travaillez avec des pinceaux ordinaires , comme fi vous peigniez en détrempe. VouS| ne formerez cependant point les teintes fur> ïa palette avec le couteay , car la cire feroit expofée à fe peloter j mais au bout du pin- ceau. Il convient de peindre fur le bois à cru } mais on peut aufîi opérer fur un enduit de cire. Le tableau étant achevé , vous viendrez à l'inuftion , & vous fixerez la peinture avec le réchaud du doreur. Voilà tout ce que preferit M. de Caylus. Les trois conditions font obfervées \ c'eft un véritable encaujlique : il n'y a point d'ob- jection à faire là-defliis. Voici feulement une difficulté. Un artifte , très-verfé dans la peinture en cire ,* croit cette manière impraticable \ parce que l'ayant effayée avec toutes fortes d'attentisns , il n'a jamais pu y reuflir. Il y a fans doute quelque omifiion de pratique qu'il n'a pu fuppléer , & qui fait tout fon embarras. Si l'on pouvoit honnêtement propofer que M. Vien , qui connoît tout l'art de M. de Caylus , & M. Bachelier travaillaient enfemble dans un attelier com- mun & ouvert à tout le monde , chacun félon fa manière ,.le public pourroit favoir , fans équivoque , je ne dis pas ce qu'il y a de vrai dans leurs manœuvres , mais à quel point elles font poffibles. Dans les inventions nouvelles , les doutes doivent paroître par- donnables •, plus on eftime une découverte , plus il eft naturel de vouloir s'éclaircir. Nous pouvons affurer que M. Bachelier ne s'y re- fufèra pas. Au refte , M. de Caylus juge lui-même cette manière embarraffante & bornée , & Il en a cherché d'autres. Il faut obferver pour ces deux premières, E N C que les différentes couleurs ne prennent pas la même quantité de cire : on en verra les rapports ck. les dofes dans le détail de la cinquième manière. Je le diffère , pour ne point me répéter ni m'interrompre. Troifieme manière de peindre en cire. Ayez une planche , cirez-la en la tenant horizontalement fur un brafier ardent , & en frottant la furface chauffée avec un pain de cire blanche. Continuez cette opération jufqu'à ce que les pores du bois aient abforbé autant de cire qu'ils en peuvent prendre : continuez encore , jufqu'à ce qu'il y en ait pardeffus environ l'épaifTeur d'une carte. Voilà une planche imprimée à ïencaujli- que. Cela fait , ayez des couleurs dont on fait ufage à l'huile, mais préparées à l'eau pure, ou légèrement gommées. Ces couleurs ne prendront point fur la cire , ou ne s'atta- cheront que par plaques irrégulieres. Pour remédier à cet inconvénient, prenez quelque terre crétacée , par exemple , du blanc d'Efpagne j répandez-en fur la cire en poudre très -fine j frottez-la légèrement avec un linge , il reliera fur la cire une pouf- fîere de ce blanc : peignez enfuite , & les couleurs prendront. La peinture achevée , préfentez-la au feu , & faites l'inuftion. Voilà un procédé très-iugénieux \ il peut être commode , s'il eft poflible de retou- cher fbn ouvrage , du moins fans répéter l'intermède de la pouffiere blanche j ce qui laifferoit toujours de l'embarras : c'eft un encaujlique , c'eft même , fi l'on veut , un double encaujlique. Mais il paroît mal ré- pondre aux conditions néceffaires pour Ven- cauflique des anciens. La première de ces conditions eft que ce rœ tingantur coloribus : ici ce ne font point des cires teintes de couleurs avec lefquelles on peint , ad eas picluras quee inuruntur ; mais des couleurs fondues par l'inuftion dans des cires qui ont déjà fbuffert l'inuftion elles-mêmes. Mais qu'importe , fi cette peinture a les vrais avan- tages de l'ancien encaujlique , le beau mat, la vigueur &: la folidité ? Quatrième manière de peindre en cire , félon M. de Caylus. Cette manière n'eft qu'un renverfement de la précédente. Dans l'autre , la cire eft ENC placée avant & fous les couleurs : dans celle-ci on la met après & cleffus \ elle a Jes mêmes avantages & aufîî le même défaut , fi c'en eft un. Peignez à gouache , à la façon ordinaire , fur une planche très-unie : le tableau ter- miné , faites chauffer de la cire blanche , afîèz pour pouvoir l'étendre avec un rou- leau fur une glace ou fur un marbre hu- mide un peu échauffé , jufqu'à ce qu'elle foit mince comme une carte à jouer 3 cou- vrez le tableau de ces lames- de cire , & faites l'inuftion. Ces deux manières ont fuggéré à M. de Caylus une nouvelle façon de peindre à l'huile : c'eft de travailler à gouache fur une toile à cru , en obfervant feulement de n'employer que les couleurs dont on fe fèrt à l'huile 3 & les couleurs féchées, d'hu- me&er le tableau par derrière avec de l'huile de pavot y appellée follette , laquelle jaunit moins que les autres : cette huile s'étendra , pénétrera les couleurs , fera corps avec elles 3 &c le tableau fera auffi folide que de la façon ordinaire , &. peut-être fans aucun luifant. Au lieu d'huile , on pour- roit employer un vernis blanc gras , fîcca- tif. C'eft aux artiftes & à l'expérience , dit M. de Caylus , à juger du mérite de cette petite nouveauté. Cinquième manière de peindre en cire , félon M. de Caylus ) laquelle nejl ni encaujli- que , ni donnée pour telle. Cette méthode confifte à compofèr des vernis avec des réfines folubles dans l'effence de térébenthine , & avec un corps gras 3 à faire fondre la cire dans ces vernis , à ajouter des couleurs à ce mélange , & à peindre à l'ordinaire avec ces couleurs ainfi préparées. On fait plufieurs vernis , pour s'accom- moder plus aifément aux différentes efpeces de couleurs. Ces vernis iè réduifent à cinq : i°. Vernis blanc très-gras 3 . 2°. vernis blanc moins gras 3 30. vernis blanc fée 3 4°. vernis le moins doré 3 50. vernis le plus doré. Préparation des vernis. Pour le vernis blanc très-gras , prenez de la réfine appellée maftic 3 mettez-eu 2 EN G 31^ onces 6 gros dans 20 onces d'eflence dâ térébenthine : diffolvez dans un matras à long cou , au bain de fable 3 ajoutez à la difîblution 6 gros d'huile d'olive , que vous aurez fait bouillir dans un matras très- mince , & que vous aurez filtrée : filtrez votre mélange 3 ajoutez-y autant d'eflence qu'il en faut pour que le tout faffe un poids de 24 onces , & vous aurez le vernis blanc très -gras. Pour le vernis blanc moins gras , tout de même ,' finon qu'au lieu de 6 gros'd'huile , vous n'y en mettrez que 4. Pour le vernis blanc fec , feulement 2 gros d'huile 3 le refte de même. Pour les vernis dorés : prenez de M'ambre jaune , le plus beau 3 faites-le fondre à feu modéré dans une cornue , ou-encore mieux r dans un pot de terre neuf & verniffé. Il faut que l'ambre foit entier y & n'occupe que le tiers , ou tout au plus la moitié du vafè , parce qu'il fe gonflé & s'élève en fondant. L'ambre étant bien fondu & en- fuite refroidi ,. vous le mettrez en poudre. Pour lors , faites-en diffoudre 2 onces 6 gros dans 20 onces d'eifence de térébenthine 3 ajoutez 7 gros d'huile d'olive cuite , comme ci-deffus : filtrez le mélange avec un papier gris : remplacez ce qui fera évaporé d'ef^ fènee 3 ajoutez-en affez pour que le tout pefe 24 onces , & conferyez-le dans une bouteille bien fermée. Pour faire le vernis le plus doré , vous obferverez feulement de lailfer l'ambre fur le feu trois ou quatre heures de plus, pour lui donner une. couleur plus haute. Il n'y a point d'autre différence. Préparation des couleurs , & proportion- des ingrédiens.. Remarquez que les rapports que vous allez voir entre les dofes de couleurs & de cire, font les mêmes qu'il faut employer pour les deux premières méthodes. Cérufe 8 onces 3 cire 4 ~ 3 vernis blanc très- gras 9. Blanc de plomb 8 onces 3 cire 4 \ 3 même ■ vernis 8. Mafficot , comme le blanc de plomb. Jaune de Naples 8 onces 3 cire 43 vernis blanc le moins gras 8. Ocre jaune 5 onces 3 cire 54 vernis ik '3io E N C moins doré 9 , & 10 du même pour l'ocre de rue. Stil de grain jaune le plus léger 4 onces j cire 5 j vernis blanc le moins gras 9. Stil de grain d'Angleterre même dofe , mais avec le vernis le plus doré. Orpin jaune ou rouge 6 onces ', cire 2, j vernis blanc le moins gras 3 5. Laque très-fine 4 onces j cire 5 j vernis moins doré 9 £. Carmin pur , comme laque. Verriîillon 6 onces j cire 2. j vernis moins doré 3 y. Rouge brun d'Angleterre 6 onces ; cire 4 J ; vernis le plus doré 8. Terre d'Italie 5 onces j cire 5 } vernis le plus doré 9. Outre-mer 1 once j cire 6 gros } vernis blanc le moins gras 10 à 11 gros. Bleu de PrufTe le plus beau 2 1 onces j cire $ ; vernis blanc le moins gras 9. Cendre bleue 4 onces j cire 2. j } vernis blanc le moins gras 4^. Email bleu 6 onces £ cire 3 j vernis blanc le moins gras 5 ~. Biftre 4 onces } cire $ j vernis le plus clore 9 4. Terre de Cologne , comme pour le biftre. Terre d'ombre , de même. Laque verte 4 onces j cire 4 \ j vernis blanc le moins gras 8. Noir de pêche 3 ©nces } cire 4 î j vernis blanc ièc 8. Noir d'ivoire 4 onces -% cire 4 £ j vernis blanc fec 8. Noir de fumée 1 once j cire 8 j vernis blanc fec 15. On peut voir aux différens articles de ce dictionnaire , ce que c'eft que les matières dont on parle ici. M. de Caylus abandonne aux peintres le foin de déterminer les dofes pour les autres couleurs. Quant à la préparation de ces couleurs , elle confifte ou à broyer la couleur avec la cire fur la pierre chaude dont on a parlé ci- deffus , & à faire fondre les cires colorées dans leur vernis propre ^ ou à fondre la cire dans les vernis , & y ajouter la couleur. M. de Caylus préfère la féconde maniera comme plus prompte & plus facile. Pour la pratiquer , mettez la cire & le vernis dans E NC un bocal de verre mince \ faites fondre la cire dans un de ces coffres de fer- blanc dont le defïus eft percé de trous , & dont on a parlé ci-deffus : quand elle fera fondue , re- muez le mélange pour allier la cire avec le vernis : ajoutez la couleur bien broyée à fec \ mêlez-la avec la cire : retirez le bocal de la machine j remuez le mélange jufqu'à ce qu'il foit froid , & confèrvez-le bien bouché. La machine à préparer les couleurs ne diffère de la machine à godets , qu'en ce que celle-là devant contenir des pots de verres inégaux en diamètre & hauteur, doit avoir des ouvertures ou loges propor- tionnées à ces verres. Il convient de ne préparer que deux ou trois couleurs à la fois , de peur qu'elles ne Ce figent hors du feu , ou que le vernis ne s'évapore fur le feu , tandis qu'on eft occupé à en remuer une jufqu'à ce qu'elle foit froide. Les inftrumens , outre ceux dont on vient de parler , font des pinceaux & des broffes ordinaires , la palette de bois , ou pour le mieux d'écaillé \ un couteau d'ivoire plutôt que d'acier , avec lequel il faut paffer les couleurs l'une après l'autre , pour qu'il n'y refte rien de grumeleux \ un pincelier avec de l'effence de térébenthine , pour humec- ter les couleurs & laver les pinceaux. M. de Caylus affure que cette efpece de peinture en cire eft praticable fur le bois , Î3 toile 6c le plâtre. 1 Si l'on peint fur bois il faut préférer le moins compacte , le plus uni , celui qui fè déjette le moins & que les vers attaquent peu , comme le cèdre : après le cèdre , c'eft le fapin d'Hollande , enfuite le chêne. Le poirier convient pour les tableaux d'un grand fiai. Si l'on veut que le cedre & le chêne hap- pent mieux la couleur , on y pratiquera des inégalités avec un infiniment à-peu-près fem- blable au berceau des graveurs en manière noire ( voyei f article GRAVURE ) j & fi le grain étoit trop fort , on l'adouciroit avec la pierre ponce. On peindra à cru fur tous les bois. Si l'on peint fur toile , on choifira celles qui ont le grain uni & ferré. On leur don- nera , à la brofTe , deux ou trois couches de cire diffoute dans le double de fon poids d'effence E N C d'eflence de térébenthine , ou dans la même quantité de vernis blanc le moins gras ; on laifleiWecher chaque couche (éparément : quand la dernière fera feche , on préfentera la toile à un brader ardent , afin qu'elle s'im- bibe de cire. On pourra auifi la cirer fim- plement Tans eifence ni vernis , en la fahant chaufièr. On peut encore coller du papier fur la toile, le poncer, & donner l'apprêt de cire, de manière qu'elle pénètre la toile & le papier. Cette façon eft bonne pour les ouvrages d'un grand fini. Si l'on peint fur plâtre , pour que la cou- leur prenne & ne s'écaille point , il faut lui donner un enduit de cire comme à la toile , mais plus fort. On en fera autant pour la pierre. M. de Caylus avertit que fa troifieme manière de peindre peut auili être pratiquée fur le plâtre & la pierre, en obfervant d'en boucher les pores contre l'humidité & l'em- bue de la cire; & cela avec un vernis gras liquéfié dans l'efîènce de térébenthine: quand cet enduit fera fec, on mettra l'enduit de cire aufii diffoute dans l'eflence de térében- thine , ou dans le vernis blanc le moins gras ; on le laifïèra fécher , enfuite l'on peindra à l'eau avec les couleurs dont on uiè commu- nément à Thu'ile , & on fixera la peinture avec le réchaud de doreur. Si l'on veut appliquer un blanc d'œuf fur les tableaux en cire , on commencera par les laver légèrement à. l'eau pure , avec une broflè à peindre , neuve & très-propre , jufqu'a ce que l'eau ait pris par-tout. On en ôtera le fuperrlu avec un linge doux & hu- mide ; & avant que le tableau lbit (ec , on étendra le blanc d'œuf, comme on le pra- tique fur les tableaux à l'huile. La peinture en cire n'a point de luifàns ; c'eft un de fès avantages. Si cependant on vouloit lui donner l'éclat du vernis , on pourroit en faire un avec l'ei prit-de-vin & le maftic. Cette réfine qui eft foluble dans l'énonce de térében:hine, n'empêche point la retouche du tableau : mais le blanc d'œuf vaut mieux. Pour retoucher les tableaux & y mettre l'accord dans toutes ces manières , on pourra fe fervir des couleurs préparées au vernis. M. de Caylus les préfère même aux couleurs a l'huile , pour reftaurer les vieux tableaux. Tome XII. ENC Jlr Enfin , il laifîe au temps à iuger de tous: ces genres de peinture , & de leur folidité refpedive. Mais dès à prélent il a bien lieu d'être content de fes recherches; il a tra- vaillé à étendre les limites de l'art : & je ne fais pourquoi le public n'a pas fait plus d'ac- cueil au mémoire où il les lui communique : feroit-ce qu'en fait d'arts on a des yeux pour voir , & de l'avidité pour jouir , mais trop de pareflè pour s'inftruire ? PafTons maintenant aux découvertes & aux procédés de M. Bachelier , & parlons- en avec la même impartialité. Pour cela rap- pelions les principes : colorer des cires , peindre avec ces cires colorées , fixer la pein- ture par l'inuftion ; fans quoi une peinture ne peut être Vencauftique des anciens. Première manière de peindre en cire fur toile ou/ur bois 9 félon M. Bachelier. Il ne s'agit que de fûbftituer à l'huile , de la cire blanche diffoute dans l'efîènce de térébenthiae. Imprimez votre toile avec cette cire : prenez des cou eurs en poudre , broyez-les fur le porphyre en les délayant avec cette cire ; formez-en votre palette ; entretenez la fluidité des teintes avec quelques gouttes delà même efîênce; peignez avec la broflè & le pinceau comme à l'ordinaire. Il eft évident que cette peinture n'eft nul-* Iement un encauftique. Premièrement , on y emploie l'efîènce de térébenthine : or , il n'y a- pas la moindre apparence que les an- ciens connurent aucune efïènce diftillée ; c'eft un produit chymique. La chymie nous vient des Arabes , & même on ne peut guère la dater que du temps d'Avicenne. Se- condement , on ne brûle point le tableau quand il eft achevé : or , l'inuftion eft le ca- ractère diftindif de la peinture encauftique. Ajoutons , fi on veut , que les anciens ne peignoient point fur toile ; mais outre qu'avec cette manière on peut peindre auffi fur bois , on ne voit pas que cette différence peut ajouter ou ôter à ce genre de pein- ture. Seconde manière de peindre en cire , parti* tulie rement fur toile 3 félon M. Bachelier. Ayez une toile forte & ferrée de telle gran- deur qu'il vous plaira ; lavez-la pour ea se 3i2 E N C ôrer l'apprêt ; tcndez-la fur un chaffis , & difpofez-le de manière que vous puiffiez tourner autour : ayez des couleurs telles qu'on les emploie dans la peinture à la dé- trempe , & peignez ; mais à mefure que vous peindrez , faites humecter par derrière votre toile avec une éponge : par ce moyen vous retoucherez votre ouvrage , vous y mettrez l'accord , vous le travaillerez, & le finirez aufli parfaitement que vous êtes capa- ble de le faire. Ayez enfuite de la cire vierge très-pure ; faites-la fondre fimplement , ou difîolvez-Ia par le moyen que nous indiquerons dans la manière fuivante : prenez des broflès , & donnez au derrière de votre toile une , deux ou trois couches de cette cire plus ou moins fortes , félon l'épaiffeur de la toile & la force des teintes : biffez fécher, ou plutôt efluyer vos couches. Ayez enfuite des réchauds de doreur , remplis de charbons ardens ; faites-les pro- mener au derrière du tableau ; & cependant placé vis-à-vis la peinture , examinez les ef- fets de l'inuftion & de la fulion de la cire , laquelle pénétrera la toile & les couleurs : dirigez le mouvement des réchauds , en commandant qu'ils haufTent ou baifTent , ou s'arrêtent , &c. jufqu'à ce que tout le tableau foit fuififamment brûlé. Il ne faut pas plus d'un jour pour brûler un tableau de vingt à trente pies carrés de furface. Repréfenter cette manœuvre comme péni- ble , c'eft montrer qu'on ne L'a jamais pra- tiquée. Il peut arriver de deux chofes l'une ,. ou que le tableau (bit tel que l'artiftcle deiîre , ou qu'il faille le retoucher. On le retou- chera , foit avec des couleurs préparées, comme nous allons l'indiquer ; foit avec des paftels faits de ces mêmes couleurs; foit avec de la cire diflbute par l'eflence de téré- benthine ou une autre.. Tous ces moyens font au choix du peintre. Cette manière eft un excellent encaufiique\ mais ce n'eft point celui des anciens. La pre- mière condition n'eft pas remplie , etree. tin- guntur colorihus ad pichiras. On y emploie la cire , on y brûle ; mais les couleurs ne (ont pas des cires colorées , & de plus on eft dans le cas d'y employer autre chofè que de la cire & des couleurs. A cela près , on peut ENC dire , fans témérité , que de foutes les ma- nières de peindre en cire connues jufqu'à ce jour , c'eft la plus avantageufe , la plus fûre r la plus prompte ; puifqu'outre la vigueur & la folidité que la cire & l'inuftion donnent à la détrempe , on peut faire des chefs-d'œu- vre fur toile , & de telle grandeur qu'on voudra, & finir les tableaux les plus éten- dus avec autant de perfection & d'aifance ^ qu'on feroit à l'huile les plus petits morceaux de chevalet. Quelque idée qu'on ait de 1V/2- cauftique des anciens , il n'eft pas croyable qu'il eut ces avantages. Troijieme manière dépeindre en cire , félon M. Bachelier. Prenez du fel de tartre ; faites-en difîôu- dre dans de l'eau tiède julqu'à faturation *. filtrez cette eau faturée à travers un papier gris , & recevez-la dans un vaifleau de terre neuf & vernilfé ; mettez ce vaifleau fur un feu doux ; jetez-y des morceaux de cire vierge blanche les uns après les autres , à mefure qu'ils s'y diffoudront : cette folution fe gonflera , montera comme le lait , fe ré- pandra même fi le feu eft trop poufîe. On fournira de la cire à cette eau alkaline, tant qu'elle en pourra diflbudre ; on s'afîurera< que la diflblution eft parfaite & uniforme 9, en la remuant doucement avec une fpatule de bois ;. & pour lors on aura une mane d'une blancheur éblouiflan te , une efpece de. fàvon d'une confiftance de bouillie qui fe: difïbudra dans l'eau pure en auffi grande & en aufli petite quantité qu'on voudra; & ce favon difîous vous donnera une eau de: cire. Servez-vous de cette eau pour délayer & broyer vos couleurs. Ayez une toile tendue fur un chaffis ; def- finez votre fujet avec des crayons blancs : tenez vos couleurs dans des godets , & en- tretenez-les dans une fluidité convenable ,. en les humectant avec quelques gouttes, d'eau pure , ou d'eau de cire. Servez-vou&, des pinceaux & autres inftrumens ordinai- res. Préparez feulement votre palette , en la trempant dans la cire bouillante pour qu'elle s'en pénètre, & en la ferrant fous une prefle: de peur qu'elle ne s'envoile ; ratifïêz-en le fuperflu, & formez vos teintes fur cette palette- E N C Ayez à côté de vous deux vaifTeaux de terre pleins d'eau , pour nettoyer de l'un à l'autre vos pinceaux & les décharger de couieurs , & effuyez-les fur une éponge au fbrtir de la féconde eau. Ayez un petit matelas fait de deux ou trois ferviettes ; humectez-le d'eau pure , & le tenez appliqué derrière votre toile à l'en- droit où vous peindrez. Si vous trouvez ce matelas incommode , ayez une éponge , imprégnez-le d'eau de cire , & faites-en ar- rofer votre toile par derrière , deux ou trois fois par jour en hiver , & trois ou quatre en été. Peignez & continuez votre ouvrage jufqu'à ce qu'il foit achevé. Au refte , le matelas & l'éponge ne font nécefîaires qu'à ceux qui , n'ayant pas la pratique de la détrempe , ne favent pas fon- dre une teinte humide avec une teinte feche ; ils feront bien de tenir leur toile fraîche. Cria fait , brûlez le tableau ; cette opéra- tion eft indifpenfable. Pour cet effet , allu- mez un grand feu qui forme une nappe ar- dente ; préfentez-y votre tableau par le côté oppofé à la peinture ; approchez-le à mefure qu'il ceffera de fumer : vous verrez la cire fe gonfler , le gonflement fè promener fur la furface , & difparoître quand il fera de- venu général ; alors le tableau fera brûlé. Retirez-le peu à peu comme vous l'avez approché , de peur que la furface ne refle inégale par un refroidiffement brufque & irrégulier. L'inuftion , loin de détruire la peinture , la rend folide & fixe. D'un enduit fans confiftance & fans corps que le frotte- ment le plus léger pourroit emporter , elle fait une couche dure , compade , adhéren- te , mince , flexible & capable de prendre du poli. Si le tableau étoit grand , on le brûleroit par parties , en promenant par derrière le réchaud de doreur , comme dans la mé- thode qui précède. Le tableau étant brûlé , tout eft fait , à moins que l'artifte n'y veuille retoucher , & pour cela il faut l'hume&er d'eau de cire. Mais il convient de glacer fa couleur , c'eft-à-dire , que fi l'endroit eft trop brun , on y étendra une teinte plus claire, & on y répétera l'inuftion : elle rétablira l'accord contre l'attente du peintre. On pourra aufli , pour retoucher l'ouvrage , E N C 3i? fe fervir des paftels dont nous allons parler. Il eft évident que cette manière eft un véritable encauflique , qu'elle fatisfait aux trois conditions requifes , & dans l'ordre preferit. Les cires font colorées , on peint avec ces cires , & on brûle le tableau. Cette invention^eft certainement heureufe, & les effets en font fûrs. Quatrième manière de peindre en cire , félon M. Bachelier. Prenez de l'eau de cire dont vous venez de voir la préparation ; donnez-en aux cou- leurs la quantité convenable ; broyez-les , tranfportez-les du porphyre fur un papier gris qui en boive l'humidité : appliquez defîûs un morceau de carton , avant qu'elles foient entièrement feches ; donnez- leur la forme ordinaire de paftels en les roulant , & laifîez-les enfuite fécher len- tement à l'air libre : ces paftels feront ten- dres & mous à s'étendre fous le doigt ; travaillez avec , & fixez la peinture par l'inuftion. C'eft un encauflique du même genre que le précédent ; d'ailleurs , on en fent la com- modité. Ces mêmes paftels peuvent devenir fer- mes & durs comme la fanguine ; il ne faut qu'avoir un petit fourneau d'émuilleur avec une moufle , les mettre fous la mou- fle , entretenir dans le fourneau le même degré de chaleur que celui auquel on achevé de brûler un tableau , & les y laifler expofés environ un quart - d'heure : on en pourra faire des defiins colorés qu'il n'eft pas nécefTaire de brûler , & que rien n'altère. L'eau de cire de M. Bachelier a encore d'autres propriétés. H la donne comme un excellent vernis qui n'a point les défauts des autres , & même pour le paftel. On peut l'appliquer à la brofle fur les plafonds , les lambris , le plâtre , le marbre , les boi- feries des appartemens , les parquets , les équipages , &c. Quand elle eft feche , il faut employer l'inuftion avec le réchaud de doreur, pour l'incorporer avec les fùb£- tances ; & quand elle eft froide , la frotter avec une brofTe rude pour lui donner de l'éclat: c'eft-à-dire, que M. Bachelier, Sfi 3i4 ENC vraifemblablement fans le favoir , redonne le vernis encauftique de Vitruve , ou l'équi- valent. Il prétend auffi que c'efl un bon mor- dant pour la dorure ; d'autant plus que ne faifant point d'épaiffeur , elle laifTe paroître tout l'art & la délicateflè de la îculpture. Il veut même qu'on puifle l'em- ployer avec avantage pour l'or taux , en partant enfuite pardeiîus une féconde cou- che de la même eau ; tellement que la do- rure étant fale , on la nettoieroit comme de l'or fin , & qu'on pourroit y employer l'eau-forte. Obfervons que les couleurs fortent de la boutique d'un marchand , impures & mê- lées de lubitances hétérogènes qui , venant à fe combiner avec le favon de cire , produiroient peut-être des effets nuifibles. M. Bachelier les purifie de la manière fui- vante. Délayez la couleur dans l'eau pure , par- tie demeurera fufpendue dans l'eau , partie tombera au fond ; décantez la partie fuf- penJue , & délayez celle qui eil tombée au fond , & ainh de fuite jufqu'à ce qu il ne tombe au fond de feau qu'un dépôt de matière non colorante A chaque opéra- tion , la partie iufpendue fe dépofera; on réitérera fur ce dépôt les lotions prefcrites , cinq ou fix fois , & l'on aura enfin des couleurs auffi pures qu'il le faut pour être délayées avec l'eau de cire fans aucun in- convénient. Cependant ce lavage dos couleurs n'a pas paru fans difficultés , & l'eau de cire en a efîliyé de plus fortes encore. Il ne s'agit pas de les diffimuler , mais d'y. ré- pondre. Quant au lavage. <\e$ couleurs , l'expé- rience du peintre fait face à toutes les théo- ries qu'on lui oppofe ; on fait qu'il excelle à peindre les rieurs , nul genre n'exige des couleurs plus fraîches & plus brillantes: néanmoins il lave {'es couleurs , & le carmin fur-tout , & {"es teintes n'en font que plus riches. Il ne prétend pas en enlever l'excès de la partie gradé , mais les fables r les fels & d'autres parties non colorantes. On lui démontrera , fi l'on veut , que cela ne doit pas être ;,mais il le pratique ainfi , & il lêuflxu E NT C Quant au favon & à l'eau de cire , on dit : i°. « que regarder ce favon comme » une découverte finguliere , c'efl montrer m qu'on n'a aucune connoiffance des livres » de chymie ; qu'il n'y a pas un de ces n livres qui n'apprenne que toute fubf- » tance graffe eft propre à faire du favon ; n & l'on cite les mémoires que M. GeofFroi » donna il y a environ quinze ans à l'aca- » demie , fur les favons de toute efpece. yy- L'on répond à cette objection & à cette citation très-imprudente , pour n'en rien dire de plus , qu'il n'y a pas un chymifle qui ait parlé d'un favon de cire; que dans le mémoire de M. Geofîroi on ne trouve pas feulement le mot de cire ; & que fi cette découverte n'étoit ni impoilible ni finguliere en elle-même , elle eft du moins toute neuve & très-finguliere par l'ufage que le peintre en fait. On objecte : 1*. " que tout favon en » général étoit inconnu aux anciens ; qu'on *> ne trouve parmi eux aucun veilige dj n cette compofition : que tous les chymiffej » conviennent que c'eil une découverte » moderne ; qu'elle ne peut donc avoir m fèrvi à leur peinture encauftique. » On répond qu'ils peuvent n'y avoir point en** ployé de favon , & encore moins ce favon' de cire ; mais qu'ils ne connuffent aucun favon y- & qu'on n'en trouve parmi eux aucun vertige , c'efl ce qu'on n'a garde d'avouer , &c les chymifies auroient grand tort d'en convenir. L'interprète de Théocrite rend le mot (Tfxnypa. par van mm , qui efl le fapo des latins, du favon. On. lit dans Paul' d'Egine- , erâyr&p pvTJiKm ici éwccpiax , te favon a une vertu déterfive. Pline. , plus ancien qu'eux , efl tout autre* ment précis. Il dit (/. XXVIII y c. îz)i. prodeft&fapo : Gallorum hoc inventum eji ruti tandis cap il lis : fit ex fsbo Ù cinere : optimus fagino Ù cap ri no. : duobus modis 3 fpiffus ac liquidus : utsrque apud Germancs majore eft ufu, viris quàm feminis. " On » fe fert auffi du favon. C'efl une inven- H* tion des Gaulois pour rendre les che- » veux blonds. On le fait de. fuif & de » cendre. Le meilleur efl de cendre de » hêtre. &de fuif de cbewe. II y eaa ds ENC h deux fortes , du dur & du liquidé. Les n Germains emploient l'un & l'autre , mais » les hommes plus que les femmes. » Voilà le nom du favon , Ton origine , la compo- fition , {es efpeces , {es ulages : en eft-ce aflez? On croit , 3°. " que le favon de cire a » tous les inconvéniens de la détrempe ; » qu'on ne peut ni laver les tableaux peints » en cette manière , ni les expofer dans » des endroits humides ; que ce (àvon s'hu- » mecleroit & le fondroit facilement , » parce que l'alkali fixe qui entre dans fa » compolition , a toujours une difpofition » prochaine à s'humeder , & que ce fel » n'étant point décompofé dans le fà- » von , y conierve toutes {es propriétés. » D'abord , on ignore également fi jamais l'alkali fe décompofé , & en quoi il pour- roit fe décompolèr. Secondement , il n'eft pas vrai , en général , que le favon ait toujours une difpofition prochaine à s'hu- mecter , puifque le favon commun , loin d'attirer l'humidité , eft au contraire un des corps qui , expofés à l'air , y perdent le plus facilement de la leur : d'ailleurs , ce qui pourroit être vrai d'un alkali en général,, ne le feroit pas pour cela d'un alkali enveloppé de cire v & d'une cire qui aura foufFerr l'aâion du feu. Enfin , les faits parlent , & les tableaux de M. Bache- lier , peints de cette manière , le lavent comme la cire pure , & réfiftent comme elle à l'humidité. 4°. L'on craint que cet alkali ne décom- pofé plufieurs couleurs ,. fur-tout les blancs de plomb & de cérufe , à caufe de l'acide du vinaigre qui y entre. On a fait cette ob- jection dès le commencement , & M. Ba- chelier la croit fijffifamment réfutée par fon expérience. Il emploie toutes ces cou- leurs , & même le ver.d-de-gris- , fan? en appereevoir aucun mauvais effet. On lait bien que fi îe favon qu'on emploie à net- toyer les tableaux féjournoit fur la pein- ture, elle s'enleveroit totalement lorsqu'on : viendroit à les laver: mais il n'en eft. pas ainfi d'un favon de cire. On peut l'em- ployer fans rifque &.fans crainte qu'il ne s^'écaille. Enfin , on a reproché à . M. Bachelier, ctu plutôt à l'auteur. de Yhiftoirc & dufeem ,, ENC 32y de la peinture en cire , de n'avoir point dpnné les proportions des mélanges de la cire avec les couleurs, comme li cela étoit pollibie , & comme li M. Bachelier n'a- \oit pas été dans le cas où s'eft trouvé M. le comte de Caylus , par rapport à {es troiiieme & quatrième manières pour lef- quellcs il n'a eu garde de donner ces pro- portions. Ce reproche eft auili fenié que celui qu'on feroit à un auteur qui . ecrirok la manière de peindre à l'huile, d ne pas donner la proportion de l'huile pour chaque couleur. Voilà jufqu'où ont été les recherches de l'ancienne eucaafli^ue. Toutes ces inven-- tions paroiflent allez inrércflantes pour qu'oiine toit pas fâché d en lavoir l'hiftoire.- Nous nous en rapporterons par-tout à la- vraifemblance. En 1749 , un hafard apprit à M. Bache- lier que la cire le dnlolv oit dans l'eflence de térébenthine. Cet événement lui fit naî- tre l'idée de l'appliquer a la peinture. Il fit donc dilfoudre de la cire , s'en lèrvit au lieu d'huile à délayer {es couleurs , & lè- mit à peindre fur une toile imprimée à^ l'huile, telle qu'on l'acheté chez le mar-- chand. Son tableau repréfentoit Zéphire & Flore. Il l'avoit travaillé avec loin , & néan- moins il eut peine à s'en défaire à un prix fort modique. Cela le fit renoncer à une invention qui ne lui parut favorable , ni aux progrès de l'art, nia l'intérêt de l'artifte : il ne s'en vanta même pas. Ce tableau fut emporté en Allaoe. Cependant M. le comte de Caylus , qui aime: les arts & les cultive, & qui depuis long-temps s'applique à éclaircir tout ce que Pline en a écrit , avoit été conduit fuc<- ceflivement à la recherche delà peinture encaufîique, En 1753, il annonça à l'académie de peinture (on travail & fes vues. Il lut à l'aca- démie, des belles-lettres des difTertations fur cette peinture ; il fit des efTais , il les multi- tiplia : il tenta- tout pour la recouvrer. - En 1754, il fit exécuter , par M. Vien-, > un tableau • en cire & fur bois ,, repréfen- tant une tête de Minerve d'après l'antique. - Ce tableau fut- montré-, , promené & reçu comme une. nouveauté digne d'attention. On vouloit favoir comment il étoit fait j. 3i6 E N C mais on étoit réduit à deviner , parce que M. de Caylus fe réfervoit fon fecret. On crut généralement qu'il étoit Amplement peint à la cire difToute dans l'eflence de térébenthine , & en conféquence quelques- uns jugèrent que ce n'étoit ni ne pouvoit être Yencaufiique des anciens. Un homme qui a pris parti pour M. de Caylus , avec autant de paillon que fi fon protecteur en avoit befoin , s'eft atta- ché avec toute la mal-adreflè poflible à accréditer cette opinion , fur-tout quand il renvoie décidément à la tête de Minerve de M. Vien , pour prouver que l'efTence de té- rébenthine ne noircit pas les couleurs. Mais enfin , le dernier mémoire de M. Caylus publié en août iyj^ , a bien fùrpris en an- nonçant que tout le monde avoir tort & raifon ; car cette tête a été , dit-on , com- mencée félon fa première méthode , con- tinuée félon la féconde , & terminée félon la cinquième , où entre l'enence de téré- benthine. Au bruit que faifoit cette tête , M. Ba- chelier fe réveilla. M. Cochin fils , auquel il parla de fon premier eflài en 1749 , l'en- gagea à y revenir ; & il exécuta dans huit jours en cire difToute & fur toile , fans avoir vu la Minerve y une grifaille qui repréfente une fille de huit ans. Ce morceau ne fut pas regardé fans furprife. Sa toile étoit impri- mée avec de la cire pure ; mais s'étant ap- perçu que l'efTence des couleurs agifïbit trop fur cette cire , & les empêchoit de fé- cher promptement , il imprima une autre toile avec des couleurs détrempées à la cire difToute , & fit un troifieme tableau. Il alla plus loin : il confidéra que l'inuftion étoit le caractère diftin&if de Vencauflique des an- ciens , & que fon opération n'y répondoit point. Il fit de nouvelles tentatives ; il par- vint à difToudre fa cire par le fel de tartre ; il trouva fon favon & fon eau de cire , en un mot la troifieme manière que nous avons décrite. Ce fut alors qu'un auteur zélé pour les arts & les artiftes , & impatienté de ce que M. de Caylus difFéroit tant à fe dé- couvrir , publia ce qu'il en penfoit & ce xju'il en favoit ; c'eft-à-dire , tout ce qu'en favoit M. Bachelier lui-même , & tout ce qu'on pouvoit en favoir alors ; & il eft très E N C à propos de remarquer que cet écrit t paru long-temps avant l'ouvrage de M. de Caylus. Il paroît , par ce précis hiftorique , que M. Bachelier eft le premier qui ait peint en cire ( en 1749 ) > comme M. de Caylus eft le premier qui en ait parlé ( en 17^3 ) ; & que quant à Tinuftion , qui eft le principal cara&ere de Yencaufiique y M. Bachelier eft le premier qui en ait parlé , & qui ait appris au public & aux artiftes comment fe prati- quoit cette manœuvre. Après avoir rendu à chacun la gloire qui lui appartient , nous allons finir par dire un mot des tableaux dont leurs découvertes nous ont enrichis. Outre le bufte de Minerve qui eft le pre- mier connu , & qui appartient à M. de la Live de July , M. Vien a fait un tableau de trois pies fur quatre , repréfentant dans un payfage une nymphe de Diane occupée de l'amour endormi ; Une tête d' Anacréon , fur toile ; Deux tableaux repréfentant , l'un Zé- phyre , & l'autre Flore ; Une petite tête de vierge- M. Roflin a fait fon portrait. M. le Lorrain a fait un tableau de fleurs , & une jeune perfonne en habit de mafque. Ces difFérens morceaux font d'après M. de Caylus , mais on ne fait pas félon quelle manière ; cependant comme il dit lui-même que tous les artiftes qu'il a con- fultés , ont préféré fa cinquième , il eft à préfumer qu'au moins la plupart font exécu- tés dans le genre que M. de Caylus dit n'être point encaufiique. M. Bachelier, outre les tableaux dont nous avons parlé , a fait des fleurs dans un vafe de porcelaine : Une jeune fille carefïant une levrette ; Une tête de profil fur taffetas , & quelques autres. Mais fon chef-d'œuvre eft un grand ta- bleau de douze pies & demi de large fur neuf & demi de haut , repréfentant des ani- maux de grandeur naturelle : c'eft la fable du loup & du cheval. Il eft d'une manière grande , d'un pinceau ferme , d'une cou- leur vraie &: d'un effet furprenant ; ce qui a fait dire au public que ce n'étoit pas feulement au loup que ce cheval donnoit E NC tm coup de pié. Le commencement de cet éloge eft d'après un écrivain qu'on ne fbupçonnera pas de favorifer M. Bache- lier : auffi l'a-t-il tempéré , en ajoutant qu'on craignoit que ce tableau ne s'écaillât. C'eft comme s'il eût dit : nous ne pouvons empêcher qu'il ne foit beau ; empêchons qu'on ne V.achete. Cet article nous a été communiqué par M. MoNNO YE. Les gens de lettres y verront fur Yencaufiique des recherches & des connoiflânees qui auroient pu fe trouver & qui ne fe trouvent néanmoins dans aucun des écrits qu'on a publiés fur cette matière. Ceux qui auront gardé la neutralité dans la conteftation de Vencauftique, ne pour- ront difeonvenir que l'auteur n'ait montré autant d'impartialité que de jugement, en réduifant à leur jufte valeur les prétentions réciproques des parties oppofées , & qu'il n'ait parlé dans ce morceau avec un foin qui peut inftruire tout le monde , & une vérité qui ne doit ofïènfer perfonne. ENCAVURE , f. m. ( Médecine. ) ma- ladie particulière des yeux , que les Grecs ont nommée *oî>>&>#* , & les auteurs latins, civitas. Uencai'ure eu un des ulcères profonds de la cornée , dur , femblable à celui qu'on appelle fojjete ; excepté qu'il eft plus large & qu'il femble moins profond , parce que la cornée fe trouvant émincée , eft un. peu pouflee au dedans de l'ulcère par l'humeur aqueufe. Voye\ FOSSETTE. Cependant dans les ulcères des yeux il faut peu fe mettre en peine des noms qu'on leur a donnés , parce qu'ils ne doivent point changer la méthode curative. L'important eft de tâcher de connoître la nature de ces ulcères , en former le pronoftic , & tra- vailler à la guérifon de ceux qui en font fufcep^bles. La vue eft trop précieufe pour négliger l'étude de toutes les maladies qui peuvent caulèr fa perte ; mais pour éviter les répétitions qui fe préfenteroient fouvent dans cet ouvrage , nous rafTemblerons briè- vement ce qui concerne les diverfes efpeces d'ulecres dès yeux , fous le mot général ULCERE de L'ŒIL. Article de M.. le che- valier DE JA UCO URT. ENCEINTE , f. m., terme de fortifica- tion y lignifie la circonférence ou le contour du rempart d'une place fortifiée , foit E N C 327 qu'elle foit compofée de battions , ou non. Chambers. (Q) Enceinte , ( Vénerie. ) c'eft le lieu où le valet de limier détourne les bêtes avec fon limier. * ENCENIES, adj. pris fubft. (ffift. anc. ) fêtes qu'on célébroit à la dédicace d'un temple , à la confécration d'une cha- pelle , à la réédification d?une maifon. C'é- toient des feftins & des danlès. Les jeunes- filles s'y couronnoient de fleurs. Nous avons auffi nos encenies > les Juifs ont eu les leurs: elles ont pafTé de la fynagogue dans l'églife t fous le pape Félix. V. Consécration,: Temple , Dédicace , &c. Voye\ l'ar- ticle fuivant. Encenies , f. f. pi. ( Hïfi. foc. ) reftau* ration ©u rénovation , formé de kaivqç 9 nouveau. C'eft le nom que les Juifs donnoient à une fête très-folemnelle qu'ils célébroient le 2.^ de leur neuvième mois , qui répond à nos mois de novembre & décembre. Elle avoir été inftituée en mémoire de la reftauration ou purification du temple, faite par Judas-* Machabée. Les Juifs avoient encore deux encenies ; lavoir , la dédicace du temple par Salomon y> & celle que fit Zorobabel après le retour de: la captivité. Encenie fe dit auffi dans l'hiftoirê ecclé-- fiaftique & dans les ouvrages des pères , de la dédicace des églifes chrétiennes. Voye^ Dédicace. ENCENS , f. m. (Hifi. nau desdrog. ) en latin thus mafeulum ,. olibanum ofÉ AiVar©- , Théophr. & Diolc. Mntvalh r> Hippoc. fubftance réfineufe , d'un jaune- pâle ou tranfparenr , en larmes femblables à celles du maftic , mais plus groflés. Voici' ce qu'en dit M. Geoffroy , qui en a parlé avec lé plus de brièveté & de vérité. 'L'encens eft fec & dur , d'un goût un^ peu amer , modérément acre & réfineux ,- non défagréable & d'une odeur pénétrante, - Lorfqu'on le jette fur le feu , il devient7 auffi-tôt ardent & répand une flamme vive- qui a peine à s'éteindre : il ne coule pas comme le maftic. Si on le met fous les dents, il fe brife auffi-tôt en petits mor-~ ceaux ; mais il ne fe réunit point fiomrae le maftic, & on ne peut pas le rouler comm* j»8 EN'C lui dans la bouche , parce qu'il s'attache aux dents. Les gouttes $ encens font tranfparentes , oblongues & arrondies ; quelquefois elles font feules , quelquefois il y en a deux enfemble , & elles reffemblent à des tefti- cules ou à des mamelles , félon qu'elles font plus ou moins grottes; c'eft de là que viennent les noms ridicules d'encens mâle & d' 'encens femelle. Quelquefois il y a quatre ou cinq gouttes d'encens de la grollèur d'un poids ou d'une aveline , qui lont par hafard attachées à l'écorce d'un arbre d'où elles ont découlé. On eftime l'encens qui eft blanchâtre, tranfparent, pur, brillant, (èc. L'encens a été connu non-feulement des Grecs & des Arabes , mais auili de prefque toutes les nations , & dans tous les temps. Son utage a été très-célebre & très-fréquent dans les facrilices ; car autrefois on les faiiok avec de l'encens , & on fe fervoit , comme l'on s'en fert encore à préfent , pour exciter une odeur agréable dans les tem- ple>. Cette coutume a prefque pafTe parmi toutes les nations , dans toutes les religions &: dans tous les lieux. „ Le* auteurs ne conviennent pas du pays natal de l'encens. Quelques-uns prétendent qu'il n'y a que l'Arabie qui le produit ; & encore que ce n'eft pas ce pays-là tout entier , mais feulement la partie que l'on appelle Saba. D'autres veulent que l'Ethio- pie , dont quelques peuples s'appellent Sa Ic'ens y porte auili cette racine odorifé- rante. Nous fommes encore moins certains de farbre qui fournit l'encens. Pline en parle fort obfcurément , & fuppofe que c'eft le térébinthe. 1 heophrafte auure qu'il eft haut de cinq coudées , branchu , & que Ces feuil- les reilemblent à celles du poirier. D'autres Cependant , dit-il , foutiennent qu'il eu fèmbiable au lentifque ; & d'autres , qu'il a l'écorce & les feuilles du laurier. Diodore de Sicile lui donne là figure de l'acacia d'Egypte , & les feuilles de faule. Garzias aiTure que l'arbre de l'encens n'eft pas fort haut ; & que lès feuilles font femblables à celles du îemifque. Thevet au contraire fou tient qu'il reilemble aux pins qui four- fiiflèrtf de la réfine. E N C Ce que quelques-uns appellent parfum ou encens des Juifs ( parce qu ils s'en fer- voient fouvent dans leurs temples ) , eft une mafTe lèche , un peu réfineufe , rou- geâtre en écorce, qui a l'odeur pénétrante du ftorax liquide. Cette maife eft faite des I ecorces de l'arbre appelle rofa mallas , que l'on fait bouillir 6c que l'on exprime après que l'on en a tiré le itorax liquide : elle n eit bonne qu'à brûler. La manne d" encens n'eft autre chofe que les miettes ou les petites parties qui fe font formées de la colliliou dts grumeaux d'en- cens , par le mouvement de la voiture ou autrement. La fuie d'encens eft cette manne d'en- cens y brûlée de la manière quon brûle i'arcançon pour faire du noir de fumée. L'écorce d'encens eit fécorce de larbre thunlere. Elle a prefque les mêmes qualités & la même odeur que l'encens : auili fait-on entrer cette écorce dans la compolition des parfums enfiammables ; mais on n'en ap- porte plus guère , & l'on fubftitue à fa place l'encens des Juifs. Legalipoc s'appelle gros encens ou encens commun , à la différence de l'oliban } qu'on nomme encens fin. L'encens marbré eft une des elpeces de barras. Voye\ BARRAS. L'encens des Indes ^ qu'on appelle vul- gairement encens de Moka } quoiqu'il ne vienne point de cette ville d'Arabie , arrive en Europe par les vaiileaux des compagnies des Inc.es , on l'apporte en malTe , quel- quefois en petites larmes , mais toujours fort chargé d'ordure. Il eft rougeâtre & d'un goût un peu amer. Quelques épiciers- droguiftes le vendent pour le vrai oiiban : ceiï de leur part une erreur ou une trom- perie. L'encens de Thuringe eft , comme on le dit dans le dictionnaire de Trévoux , la réiine que fournirent les pins de la Thu- ringe , & fur-tout du territoire de Saxe , qui abonde en forêts de ces lbrtes d'arbres. Les fourmis fauvages en retirent de petits grumeaux qu'elles enfoujflent dans la terre quelquefois jufqu'à quatre pies de profon- de ir. Là cette poix , par la chaleur fou- ter.aine , reçoit un nouveau degré de coftion , & fe réduit en mafle ; on la tire eniuite EN C en fuite de terre par gros morceaux î ck c'eft ce qu'on appelle encens de Thuringe, qu'on vend hardiment pour de ['encens. Voyez XOriclo graphie de M. Schut. Art. de M. le chev. DE J AU COURT. ENCENS, {Pharmacie & mat. méd.J Cette réfine entre dans beaucoup de corn- pofitions pharmaceutiques officinales. Les Grecs 6k les Arabes' fur- tout l'employoient fréquemment; ils regardoient Vencenspns intérieurement , comme Ijpn contre diffé- rentes maladies de la tête , de la poitrine, le flux de ventre 6k les fleurs blanches : ils le recommandoient pour la toux , le cra- chement de fang , la diarrhée 6k la dyf- fenterie. Quercetanus ( Duchêne , ) in arte med. pracl. vante beaucoup contre la pleuréfie , une pomme creufée dans laquelle on a mis une drachme iïencens en poudre , 6k que l'on fait cuire au feu; il la fait prendre au malade, 6k lui donne trois onces d'eau de chardon bénit : enfuite il le fait bien couvrir pour le faire fuer. Rivière allure qu'il a vu pluiieurs perfonnes guéries par ce remède. Quelques auteurs recommandent l'e/z- fens dans les fumigations de la tête, pour les catarres , le vertige , le corryza , & celles de l'anus pour la chute de cette partie. Les anciens brûloient Y encens 6k en re- cevoient la fuie ou le noir de fumée , qu'ils eftimoient beaucoup dans les inflam- mations des yeux. Mathiole recommande pour la chaffie ck la rougeur des yeux, de l'eau-rofe, dans laquelle on a éteint en différentes fois trente grains tiencens allumés à une bougie. On pafTe cette eau à travers un linge blanc , 6k on frotte le coin des yeux avec une plume. Quelques perfonnes fe fervent d'un grain ftencens qu'ils appliquent fur une dent douloureufe, dans l'intention de la faire pourrir. Nous employons aujourd'hui fort rare- ment Yencens , 6k on ne s'en fert guère dans les boutiques que pour les prépara- tions officinales où il eft demandé. Il entre dans les eaux antinéphrétiques 6k théria- cales , dans le mithridate , dans les tro- Tomc XII. ENC 329 chifques de karabé , dans les pilules de cynoglofTe 6k de ftyrax , dans les baumes de Fioraventi 6k du Commandeur, 6k dans un grand nombre d'emplâtres, (b) ENCENSEMENT, f. m. (Hift. eccléf.) c'eft dans l'églife Romaine l'aclion d'en- cenfer pendant l'office divin , à l'autel, au clergé 6k au peuple. On voit , dit M. Aubry , par les anciens ordres Romains , que l'encens a été intro- duit comme un parfum pour purifier l'air 6k les perfonnes. L'on a commencé de s'en fervir dans les temps où les fidèles , obligés de fe cacher, s'alfembloient en fecret dans des lieux fouterrains, humides 6k mal-fains; l'haleine d'un fi grand nombre de perfon- nes renfermées produifoit une mauvaife odeur, que l'on tâchoit de diffiper par le moyen de l'encens, ou de quelques autres parfums ; telle eft l'origine de l'encens dans l'églife. En effet , il feroitaifé d'établir queYen- cenfementn'eft point une partie du culte , mais qu'il a été durant plufieurs fiecles une fimple purification de l'air 6k des perfonnes, occafionée par la néceflité dans les lieux de leurs alTemblées religieufes. Tertullien le dit pofitivement dans/o/i apologétique, ch. xxx\ il remarque encore dans un autre endroit , que les anciens chrétiens n'u- foient point d'encens pendant l'office di- vin , 6k que l'on ne s'en fervoit que dans les funérailles : au témoignage de Tertul- lien , on pourroit joindre ceux d'Athéna- gore , de Laétance 6k autres pères, s'il s'a- gifToit de confirmer cette vérité. Quand le chriftianifme fut établi fur les ruines du paganifme , l'ufage de l'encens continua dans les temples ; ce ne fut plus alors par le befoin abfolu de la purifica- tion de l'air , des perfonnes 6k des lieux , moins encore pour honorer les hommes ; ce fut pour imiter l'exemple des mages , qui présentèrent de l'or 6k de l'encens à Notre-Seigneur , afin de lui marquer leurs refpeéte 6k leur foumiffion; Ton fe fervit auffi de ce moyen pour inviter les chrétiens à détacher leurs penfées de la terre, 6k à les porter au ciel avec la fumée de l'encens. Mais ce qui n'étoit qu'un type dans la religion , 6k qu'un hommage d'obligation au Sauveur du monde , changea bientôt de Tt 33o E N C nature , & devint une oblation honoriri que aux princes de la terre & aux miniftres de l'autel. Le premier exemple eut lieu en faveur des empereurs de Conftantinople. Codin nous apprend que dans les fêtes fo- lemnelles , le patriarche encenfoit à .deux différentes fois l'empereur, lorfqu'il afïil- toit aux offices , &c qu'il remettoit après cela l'encenfoir à fon diacre, pour aller donner Vencenfemeht au clergé. Dans la fuite des temps , les grands-fei- gneurs , pour fe diftingUer de la foule , affeéterentde s'attribuer Y encenfement\ &t voulant de plus en plus marquer leur rang & leur dignité dans l'églife même, ils exi- gèrent deux coups dY encenftment , tandis qu'on n'en donneroit qu'un feul à tous les autres aftiftans pendant le facrifice. Voilà comme il eft arrivé que le plus ou le moins de coups d'encenfement détignent aujourd'hui la qualité de la perfonne en- cenfée ; & l'on fait bien que les ufages fondés fur l'orgueil & l'ambition ne s'abo- liiTent guère : aufli l'honneur futile de Yencenfcment produit tous les jours en France des procès que l'on juge ordinaire- ment par les titres & les coutumes des lieux ; c'eft pourquoi l'on ne manque point d'arrêts forts finguliers fur cette matière. Art. de M. le chev. DE JaUCOURT. * ENCENSOIR, f. m. vafe qui a paffé du temple des Juifs dans nos temples. Il eft divifé en deux parties: l'inférieure eft une efpece de grande faliere revêtue d'une tôle, qui contient le feu fur lequel on met l'encens; & la fupérieure, une efpece de dôme qui couvre la partie inférieure , & qui eft percée d'un grand nombre de petites ouvertures par lefquelles la fumée de l'en- cens peut s'échapper: l'inférieure eft à pié; il en part trois ou quatre longues chaînes , qui traverfent autant de tenons , ou an- neaux, ou petites douilles fixées fur la partie fupérieure. Ces chaînes vont fe réu- nir à une petite pièce plate ou bombée qui fert comme de poignée à Yencenfoir. Cette pièce eft percée dans fon milieu, ck traver- fée d'une chaîne qui fe rend au fommet de la partie fupérieure de Yencenfoir. Cette chaîne y eft attachée , & elle eft retenue fur la pièce plate deYencenfoir qu'elle tra- verfe par un arrêt à anneau. En tirant cet E N C anneau , on fait monter en g'iiTant la partie fupérieure de Yencenfoir entre les autres chaînes ; cette partie celle de couvrir la partie inférieure, & l'on peut mettre dans celle-ci du feu ck de l'encens. Quand on y a mis du feu ck de l'encens , on lâche l'anneau *, la panie fupérieure retombe fur la partie inférieure , & la couvre , alors l'eccléfiaftique qui doit fe fervir de Yen- cenfoir^emhr'dûe dans fa main droite toutes les chaînes ; la mece à laquelle elles abou- tiftent eft appliquée ou fur fon pouce ck fon index , 6k les chaînes fortent par la partie oppoiée de la main ; ou contre cette partie oppofée , ck les chaînes fortent entre le pouce 6k l'index , 6k fe recourbent fur l'in- dex. Le prêtre en faifant ofciller par le mouvement du bras 6k du poignet le corps de Yencenfoir, la fumée de l'encens eft portée par-tout où il lui plaît de la diriger. Les Juifs avoient dans leur temple un grand nombre de ces encenfoirs. On dit que Sa- lomon en avoit fait fondre 20000 d'or, & 50000 d'argent. Cela eftprefque incroya- ble : il eft rare qu'il y en ait plus d'une dou- zaine dans nos plus riches églifes; ils font tous d'argent , & je ne crois pas qu'on en ait jamais fait aucun d'or. On prétend que les encenfoirs des Juifs différoient des nô- tres , en ce qu'ils étoient fans chaînes , ck qu'ils fe portoient à la main comme des réchauds ou grandes caiTolettes à pies. ENCÉPHALE, adj. m. & f. (Médec.) ce mot eft grec ; il eft compofé de kv , dans, & de Ktçcthn., tête\'\\ peut donc convenir à tout ce qui eft renfermé dans la tête : mais l'ufage que l'on en fait, eft particulièrement pour défigner différentes efpeces de vers qui naiftent en différentes parties de la tête. Etmuller fait mention , en traitant de la céphalalgie , de plufieurs ©bfervations par lefquelles ileonfte qu'elle peut être caufée par des vers engendrés dans le cerveau , ou plus vraifemblablement dans le linus frontaux, ou dans les cellules de l'os ethmoïde,puifquel'onen a vufortir parles narines , au grand foulagement des mala- des ', c'eft ce que Schenkius , defebre Hun- garica , dit avoir obfervé plufieurs fois dans une fièvre qui régnoit en Hongrie , que l'on appelloit céphalalgie vermiculaire, parce que la douleur de tête qui étoit le E N C -fymptome dominant 6k le plus violent de cette fièvre, étoitcaufée par des vers. Bar- tholin , cent. 6 , cbf. 3 , fait auifi mention d'une douleur de tête très-opiniâtre guérie par l'excrétion de quelques vers par les na- rines : on trouve une femb'able obferva- tion dans Foreftus, Ub. XXI . obf. 28. Il confie cependant qu'il y a eu des ma- ladies peftilentielles , clans lefquelles il s'en- gendroit des vers dans le cerveau même, lorfqu'elles n'avoient pas d'autre cauieque la difpofition à cette production. Voy. ce qui eft dit à ce fujet dans le Dicl. de Tré- voux ^article ENCÉPHALE. V. aufli , fur le même fujet, plusieurs chofes très-fingu- lieres 6k très-utiles dans le traité de la gé- nération des vers dans le corps humain , par M. Andry, 6k dans ce dictionnaire Y article VERS, (d) ENCHAINEMENT,ENCHAINURE (Synon.J Le premier ne fe dit bien qu'au figuré ; on commence à employer le fé- cond en parlant des ouvrages de l'art, 6k il faut encourager ces fortes d'ufages tant qu'il eft poflible. Article de M. le cheva- lier DE JAUCOURT. ENCHANTELER , v. ac\ ( Comm. ide ffin.) c'eft mettre en chantier. ENCHANTEMENT, ù m. (Sortilège •& Divinat.) paroles 6k cérémonies dont ufent les magiciens pour évoquer les dé- mons, faire des maléfices , ou tromper la {implicite du peuple. V. Magie, Fasci- nation , Maléfice , Sorcellerie. -, Ce mot eft dérivé du Latin in , 6k canto, je chante ; foit que dans l'antiquité les ma- giciens euffent coutume de chanter leurs conjurations 6k exorcifmes magiques, foit que les formules de leurs enchantemens fuffent conçues en vers, èk l'on fait que les vers étoient faits pour être chantés. Cette dernière conjecture paroît d'autant plus vraifemblable, qu'on donnoit aufli aux*/z- chantemens le nom de carmina, vers, d'où nous avons fait charme, Voy. Charme. Rien , félon M. Pluche, n'eft plus Am- ple que l'origine des enchantemens. Les feuillages ou les herbes dont on couronna , dans les prerriisrs fernp$ , la tête d'Ifis , d'Ofiris 6k des autres fymboles , n*cr*>?ent eux-mêmes que des fymboles de la récolte abondante, ck les paroles que prononcoient ENC 33, les prêtres, que les formules de remercie- mens pour les dons de la Divinité. Peu à peu ces idées s'affaiblirent dans l'efprit des peuples, s'effacèrent 6k fe perdirent en- tièrement , « 6k ils prirent l'idée de l'union de certaines plantes 6k de quelques paro- les devenues furannées 6k inintelligibles , pour des pratiques myftérieufes éprouvées par leurs pères. Ils en firent une collec- tion , 6k un art par lequel ils prétendoient pourvoir prefque infailliblement à tous leurs befoins. L'union qu'on faifoit de telle ou telle formule antique avec tel ou tel feuillage arrangé fur la tête d'Ifis au- tour d'un croiflantde lune ou d'une étoile, introduisît cette opinion infenfée , qu'avec certaines herbes 6k certaines paroles on pouvoit faire defeendre du ciel en terre la lune ck les étoiles : Carmina velcœlo poffunt deducere lunam. Ils avoient des formules pour tous les cas , même pour nuire à leurs ennemis ; on en voit du moins la preuve dans les poètes. La connoilTance de plufieurs {im- pies , bien ou mal-faifans , vint au fecours de ces invocations 6k imprécations afîu- rément très-impuiflantes ; 6k les fuccès de la médecine ou de la feience des poi- fons aidèrent à mettre en vogue les chi- mères de la magie. » Hiji. du Ciel, tom. I, pag. 450 CV 45 r. Il s'enfuit de ce fentiment , i°. que 1V/2- chantement eft compofé de deux chofes ; favoir, d'herbes ou autres inftrumens ma- giques , comme des cadavres humains , du fang ou des membres d'animaux, tels qu'on en employoit dans la Nécromancie ; mais ce n'eft-là que l'appareil , le matériel , 6k pour ainfi dire le corps de V enchantement. 2°. Que ce qui en faifoit la force , 6k déter- minoit cet appareil à l'utilité ou au détri- ment de l'objet pour ou contre lequel étoit deftinée l'opération magique, c'étoientles paroles 6k les formules que prononcoient 'es enchanteurs. C'eft fur ce fondement que les démonographes, dans les récits qu'ils donnent des fortileges, font toujours mention de certaines paroles , certains mots, que les forciers 6k forcieres pronon- cent tout bas 6k grommelant entre leurs derïîâ. 3°r Qu'il y avoit deux fortes d'e/z- chanumens , \z*ur$ favorables ou utiles, 33* ENC ck les autres contraires ck pernicieux. « Quant à ces derniers, l'humanité, pour- fuit le môme auteur, infpirant naturelle- ment de l'horreur pour les pratiques qui tendent à la deftru&ion de nos femblables, les incantations magiques qu'on croyoit meurtrières, furent abhorrées ck punies chez tous les peuples policés. » Mais cette févérité n'a pas empêché que dans tous les temps ck chez tous les peuples il n'y ait eu des importeurs qui n'aient fait le métier d'enchanteurs , ou des hommes affez fcé- lérats pour efpérer parvenir à leurs fins par les enchantemens. Entre pîufieurs elpeces dont parlent ou les hiftoriens ou les auteurs qui ont traité en particulier delà magie, nous ne nous arrêterons qu'à ces figures de cire , par le moyen defquelles on s'imagi- noit faire périr ceux qu'on haïfïbit. Onap- pelloit autrefois en France ces figures un volt ou un voufl , ck l'ufage qu'on en pré- tendoif faire , envoufter quelqu'un ; terme que Ménage dérive à'invotare , dévouer quelqu'un aux puiffances infernales, mais qui , félon Ducange, vient d'invulturare, vultum effingerc , mot employé dans la moyenne Latinité pour exprimer cette re- présentation de quelqu'un en cire ou en terre glaife. Quoi qu'il en foit de l'étymo- logiedumot, il eft certain que clans Tu fage qu'on en prétendoit faire, il entroit des pa- roles qu'on feperfuadoit ne pouvoir être prononcées efficacement par toutes fortes de perfonnes.C'eftce q^ue nous apprenons par quelques particulantésdu procès de Ro- bert d'Artois fous Philippe de Valois ; pro- cès dont M. Lancelot, de l'académie des Belles-Lettres, nous a donné une hiftoire fi intéreflante dans les mémoires de cette académie. Cet auteur dit que Robert d'Ar- tois ck fon époufe uferent iï enchantemens contre le roi ck la reine ; ck que l'an 1 3 1 3 , entre la S. Rémi ckla TouMaint, Robert manda frère Henri Sagebrand , de l'ordre de laTriuité, fon chapelain;ck après beau- coup de careties, ck l'avoir obligé de jurer qu'il lui garderoit le fecret fous le fceau de la confeffion, ce que le moine jura. Robert ouvrit un petit écrin, ck en tiraw/ze image, de cire, enveloppée en un querre-chiefcrefpé, laquelle image efioit à la femblana d'une Jigure de Jeune homme , & efioit bien de ENC ta longueur d'un pic & demi, ce li fembte (c'en1 la dépofition de frère HenriJ, &Ji le vit bien clerement par le querre-chiefqui ètoit moulte délieq, & avoit entourle chief femblance de cheveux an ffî comme un jeune homme qui porte chief. Le moine voulut y toucher: N'y touchie^, frère Henri, lui dit Robert, il e]i tout fait, icefluy eft tout bap- ti/îe^fen le m'a envoyé de France tout fait &tout baptifle^. Iln y faut rien à ceftuy, & eft fait contre Jehan de France & en fon nom& pour le grever. ..mais je en vouldroys avoir un autre que je voudroye quilfufi baptifié.Et pour qui efl-ce} dit frère Henri; C eft contre une deabUjfe, dit Robert; c'efi contre la rôyne...Jzvous prie que vous me le baptifie^, quar il eft tout fait. Un y faut que le baptefme\je ai tout prit les parrains & les marraines , & quant que il y a mé- tier, fors le baptijèment...ll ny faut à faire fors auj/i comme à un enfant baptifer &dire les noms qui y appartiennent. Frère Henri refufa conftamment fon miniftere pour de pareilles opérations, ck dit à Robert d'envoyer chercher celui qui avoit baptifé l'autre. Il fit également ck aufli inutilement folliciter Jean Aymeri, prêtre du diocefe de Liège , de baptifer fon vouft ou#fon image de cire. Mém. de Cacad. des infcr. tome X . pag. 617 & 62 c). Il paroît, par ce récit , qu'outre la pro- fanation facrilege qu'on exigeoit, la forme de baptême ck l'impofition du nom par les parrains ck marraines paffoit pour nécef- faire , afin qu'au moyen de la figure on pût nuire à fes ennemis. Ce n'eft pas feulement parmi les anciens ni enEurope que ces fortes à" enchantemens ont eu lieu, ils étoient connus des fauvages d'Amérique.Chez les Illinois ck chez d'au- tres nations , dit le P. Charlevoix , on fait de petits marmoufets pour repréfenter ceux dont on veut abréger les jours , ck qu'on perce au cœur. Il ajoute que d'autres fois, on prend une pierre ; ck par le moyen de quelques invocations, on prétend en for- mer une femblable dans le cœur de fon ennemi. Toutes ces pratiques , quelque impies ou ridicules qu'elles foient , con- courent à prouver ce que nous avons ob- fervé, que Y enchantement eft un afTem- blage d'adions ck de paroles , dans la vue E N C coopérer quelque effet extraordinaire , 6k communément pernicieux. Journ. d'un voyage d'Amer. lett. xxv 9 p. 3&0. ( G) Enchantement, Ç.Méd.) manière de guérir les maladies , foit par des amu- lettes , des taliimans, des phylactères , des pierres précieufes 6k des mots barbares , qu'on porte fur la perfonne, foit par des préparations fuperfîitieufes de (impies, foit enfin par d'autres moyens auffi frivoles. Il n'eft pas difficile d'en découvrir l'ori- gine ; c'eft l'ignorance , l'amour de la vie ôv la crainte de la mort qui leur ont donné naiffance. Les hommes voyant que les fecours naturels qu'ils connoiffoient pour fe guérir étoient fouvent inutiles, s'atta- chèrent à tout ce qui s'offrit à leur efprit , à tout ce que leur imagination vint à leur fuggérer. Les amulettes , les talifmans , les phylac- tères , les pierres précieufes , les os de mort qu'on mit fur foi , dans certains cas extraor- dinaires,parurent peut-être d'abord comme des remèdes indifférens , qu'on pouvoit d'autant mieux employer , que s'ils ne faifoient point de bien , du moins ne cau- foient-ils point de mal. Ne voyons-nous pas encore tous les jours une infinité de gens fe conduire par les mêmes principes? Ces remèdes n'étoient d'ailleurs ni rebu- tans,ni douloureux, ni défagréables. On s'y livra volontiers ; l'exemple 6k l'imagi- nation , quelquefois utiles pour fuppléer à la vertu qui manquoit aux remèdes de cette efpece, les accréditèrent ; la fuperfti- tion les autorifa , 6k vraifemblablement la fourberie des hommes y mit le fceau. Quoiqu'il en foit, les enchantemens fe font ii biens introduits 6k de fi bonne heure dans la médecine, que toutes les nations les ont pratiqués de temps immémorial, ck qu'ils fubfiftent encore dans les trois plus grandes parties du monde ; l'Afie , l'Afrique ck l'Amérique. Hammon, Hermès. Zoroaftre pafîbient parmi les païens pour les auteurs de cette pratique médicinale. Hammon , qu'on compte entre les premiers rois de la dy- naftie d'Egypte , a été regardé pour l'in- venteur de l'art de faire fortir le fer d'une plaie , ck de guérir les morfures des ferpens par des enchantemens. E N C 333 Pindare dit qut Chiron le centaure traitoit toutes fortes de maladies par le même fecours , ck Platon raconte que les fages - femmes d'Athènes n'avoient pas d'autres fecrets pour faciliter les accouche- mens; mais je ne fâche poir-t de peuple chez qui cet ufage ait trouvé plus de fec- tateurs que chez les Hébreux. Leur loi ne put venir à bout d'arrêter le cours du défordre ; c'eft pourquoi Jérémie ( chap. vij , v. ty, ) les menaça au nom du Seigneur de leur envoyer des ferpens con- tre la morfure defquels l'enchanteur ne pourroit rien. Hippocrate contribua merveilleufement par les lumières à effacer de l'efprit des Grecs les idées qu'ils pouvoient avoir fu- cées fur la vertu des enchantemens. Ce n'eft pas que leurs philofophes , ck ceux qui étoient nourris dans leurs principes , don- naffent dans ces niaiferies ; l'hiftoire nous prouve bien le contraire. J'aime à lire dans Plutarque ce que Périclès , inftruit par Ana- xagore , penfoit de tous ces vains remèdes : « Vous voyez , dit-il , à un de fes amis qui » vint le vifîter daHÉ le temps qu'il étoit » atraqaé de la pefte dont il mourut , vous » voyez mon état de langueur ; mais re- » gardez fur-tout, ajouta-t-il, cette efpece » de charme que des femmes ont pendu à » mon cou , ck jugez , après cela , lî j'ai » eu l'efprit bien affoibli. » Cependant les Romains gémirent long- temps fous le poids de cette fuperiution. Tite-Live nous apprend qu'une maladie épidémique régnant à Rome ,1'an 326 de /a fondation, on épuifa vainement tous les remèdes connus de la médecine , après quoi on eut recours aux enchantemens 6k à toutes les extravagances dont l'efprit de l'homme eft capable. On en pouffa fî loin la manie, que Ie'fénat fut obligé de les défendre par de féveres ordonnances ; c'é- toit aux Pfylles, peuples de la Lybie, 6k aux Marfes , peuples d'Italie , qu'ils s'a- drelïbient , à caufe de leur célébrité dans la feience des enchantemens. Enfin , Afclé- piade, qui vivoit du temps de Mithri- date 6k de Cicéron , eut le bonheur de bannir de Rome cette vaine manière de traiter les maladies. Peut-être auffi qu'Af- clépiade parut dans le temps favorable où 334 E N C l'on commençoit à s'en lafïer , parce qu'on n'en voyoit aucun effet. Les premiers chrétiens n'ont pas été exempts de cette folie, puifque les papes 6k les conciles prirent le parti de condamner ' les phylactères que les nouveaux conver- tis au chriftianifme portoient fur leurper- fonne , pour fe préferverde certains dan- gers. En un mot , les ténèbres de l'erreur ne fediffiperent que quand les arts 6k les fcien- ces , enfevelis pendant plufieurs flecles , re- parurent en Europe. Alors la médecine, de plus en plus éclairée , rejeta toutes les applications fuperftirieufes des remèdes ri- dicules , opéra la guéri fon des maladies par les fecours de l'art, 6k nous remit à peu près au même point où Hippocrate avoit laifle les Grecs à fa mort. Tout le monde fait que dans ce temps-là les TherTaliens l'emportoient fur toutes les nations dans la pratique des enchantemens , 6k que Phi- lippe, étant tombé malade , fit venir à fa cour une Theflalienne pour le guérir ; mais la curieufe Olympias appeîla fecrétement la TheiTalienne dans fon cabinet, où ne pouvant fe laffer d'aflfmirer fes grâces 6k fa beauté : « N'écoutons plus , s'écria-t-elle, » les vains difcours du peuple; les charmes » dont vous vous fervez font dans vos » yeux. » Cet article efl de M. le chevalier DE J AU COURT. Enchantement, (Belles-Lettres. J terme d'opéra. Le merveilleux eft le fonds de l'opéra François. Cette première idée queQuinaultaeue en créant ce genre, eft le germe des plus grandes beautés de ce fpe&acle. ( V. Opéra. ) C'eft le théâtre des enchantemens ; toute forte de merveil- leux eft de fon reffort , 6k on ne peut le produire que par l'intervention des dieux de la fable , ck par le fecours de la féerie ou de la magie. Les dieux de la fable développent fur ce théâtre la puiftance furnaturelle que l'anti- ' quité leur attribuoit La féerie y fait voir un pouvoir furprenant fur les créatures fans mouvement , ou fur les êtres ani- més : la magie , par fes enchantemens , y . amené des changemens qui étonnent , ex tous ces différehs reflbrts y produifentdes beautés qui peuvent faire illufîon , lorf- tju'ils font conduitspar une main habile. E N C Il y a un enchantement dans l'opéra d'Amadis , qui eft le fonds d'un divertifté- ment très-bien amené 6k fort agréable; il a été copié dans Tanciede , ck la copie eft bien au deffous de l'original. Amadis , dans le premier, croit voir dans une ma- gicienne , Oriane qu'il adore; il met à Ces pies Ces armes , ck X enchantement produit un effet raifonnable 6k fondé fur lapaflion de ce héros. Des nymphes paroifTent dans Tancre- de;elles d§nfent autour de lui, ck les armes lui tombent des mains , fans autre motif apparentauxyeuxdu fpeétateur. Suffit-il de danfer pour enchaîner la valeur d'un héros , bien fur d'ailleurs dans cette occa- sion que tout ce qu'il voit n'eft qu'un enchantement ? car il eft dans la forêt en- chantée, 6k les flammes qui l'ont retenu font un enchantement , à ce qu'il dit lui- ï'me, &c. Cette critique fur un ouvrage très-efti- mable d'ailleurs , 6k dont l'auteur n'eft plus, a pour feul motif le progrès de l'art. Quelque peu fondés en raifon que foient les enchantemens , quoiqu'ils foient contra- dictoires.avec le bon fens , 6k qu'enfin , fans être trop philofophe , on puifTe avec confiance en nier la poftibilité , l'opinion commune fuffit pour donner la liberté aux poètes de les introduire dans un genre confacré à la ficlion ; mais ils ne doivent s'en fervir qu'en leur confervant les motifs capables de les occafioner , 6k les effets qu'ils produiroient réellement s'ils étoient poffibles. Tout enchantement qui ne naît pas du fujet qu'on traite , qui ne fert point au développement de la paffion , 6k qui n'en eft pas l'effet , eft donc vicieux , 6k ne fauroit produire qu'une beauté hors de place;cette efpecede merveilleux ne doit être employé à l'opéra qu'à propos. Il n'eft qu'un reffort de plus dans la main du poëte pour faire sgir la paflion , 6k pour lui faire créer des moyens plus forts d'éton- ner, d'ébranler, de féduire , de troubler le fpe&ateur. Voye^ FÉERIE , Magie , Opéra. (B) ENCHANTEUR, f. m. terme d'opéra. Il y a des rôles d'enchanteur. Tous ceux qui font des enchantemens ne fontpasappellés E N C de ce nom; on leur donne plus commu- nément celui de magiciens , ck on les fait baffe-tailles. Voy. Magiciens. Dans Tancrede il y â un enchanteur zu prologue qui eft haute-contre. Danchet a donné le nom d'enchanteur à Ton Ifménor. De l'enchanteur le trépas eft certain. M. de Monc-if appelle ainfi Zehndor , roi des Silphes. yoye[ FÉERIE. En général ,1e nom d'enchanteur ne con- vient qu'aux rôles de magiciens bienfai- fans. On appelle magiciens tous les autres. Voycr^ Enchantement, Magicien , Féerie, Opéra. (B) ENCHAPER , v. aft. ÇComm .) c'eft donnera un baril une chape , ou une che- mife , ou une double futaille. Il fe dit particulièrement des tonneaux qu'on rem- plit de poudre à canon. ENCHAPERONER, v. art. ÇFauc.) c'eft mettre le chaperon fur la tête de l'oi- feau. ENCHARNER,<:/z terme delayetier, c'eft attacher le couvercle d'une boîte au derrière , avec des crochets de fil de fer qui fe prennent les uns dans les autres en forme de charnière. ENCHASSURE , f. f. dans l'impri- merie , 'eft un morceau de bois de noyer de dix-huit pouces de long , de dix à onze pouces de large , ck de deux pouces d'é- paiffeur , très-uni d'un côté, ck creufé ck entaillé de l'autre , de façon à recevoir une platine , foit de fer , foit de cuivre ; aux platines de fer , les enchdjfures font pref- que inévitables pour réparer leur peu de juftefle ; à celles de cuivre , on y met moins à'enchdjffures ; néanmoins elles font utiles dans le cas où la platine a a cquis quelque défecluofité, ou , ce qui eft le plus général quand on veut augmenter la portée d'une platine dans toutes (es dimenfions. Voye\ Platine. ENCHAUSSÊ, adj. f Blafon .) il fe dit de l'écu qui eft taillé depuis le milieu d'un de fes côtés , en tirant vers la pointe du côté oppofé. Il y a des écus enchaujjes à dextre , ck d'autres à feneftre , fuivantle côté où la taille commence. Liecheftain , d'argent enchaujfé d'azur. ENCHERE, f. f. (JurifprudJ ce terme, qui vient Renchérir, ne devroit , EN C 335 félon la fignification propre , s'entendre que de l'offre qui eft faite au deffus du prix qu'un autre a offert : néanmoins, dans l'u- fage , on comprend fous le terme d'enchère toute mife à prix, même celle qui eft faite la première pour quelque meuble ou im- meuble , ou pour un bail ou autre exploi- tation. Dans quelques pays , les enchères font appellées mifesàprix ; ck en d'autres , fur- dites. Les enchères font reçues dans toutes les ventes de meubles qui fe font à l'encan , foit à l'amiable , ou forcées. Dans ces fortes de ventes, c'eft l'huiflier qui fait la pre- mière enchère ou mife à prix. On reçoit auiîi les enchères pour les ven- tes des coupes de bois, pour les baux des fermes , baux judiciaires , adjudications d'ouvrages ou autres entreprîtes. A l'égard des immeubles qui fe ven- dent par décret volontaire ou forcé , ou par licitation-en juftice , c'eft le pouriui- vant qui met au greffe la première en- chère , qu'on appelle enchère de quaran- taine. Ceux qui fe préfentent pour acqué- rir , ont chacun la liberté de mettre leur enchère jufqu'à ce que l'adjudication foit faite. L 'enchère eft. un contrat que l'enchérif- feur paffe avec la juftice , ck par lequel il s'oblige de prendre la chofe pour le prix par lui offert , au cas qu'il ne fe trouve point d'^cAere plus forte. Ce contratoblige dès le moment même de {'enchère ; ck on ne peut la rétracter , quand même i'enché- riffeur prouveroit une léfîon d'outre moi- tié : mais dès que Y enchère eft. couverte par une autre plus forte , le précédent enché- riffeur eft déchargé de fon engagement, lequel contient toujours tacitement cette condition. Lorfqu'il y a appel de l'adjudication , le dernier enchériffeur peut demander d'être déchargé de fon enchère , n'étant pas obligé d'attendre l'événement de l'ad- judication, ckde garder en attendant fon argent oifif. Dans les adjudications de bois ou de fermes du roi , on reçoit encore des en- chères après l'adjudication; mais il faut que ce foit par tierceraent ck par double- 336 E N C ment. Voye^ Doublement & TieR- CEMENT. Les enchérifTeurs , en faifant leur en- chère , doivent nommer leur procureur ck élire chez lui domicile , autrement l'en- chère ne feroit pas reçue. Dans les ventes d'immeubles qui fe font par autorité de juftice , l'ufage eft que les enchères fe font par des procureurs fondés de procuration fpéciale de leurs parties. Les procureurs ne peuvent enchérir au defTus delà fomme portée par la procura- tion ; s'ils vont au-delà, ils font refpon- fables de leur enchère. Mais quoique le conftituant ne fe trouve pas en état de payer , le procureur n'eft pas refponfable de l'enchère, à moins que Fin- fol vabilité du conftituant ne fût notoire ck apparente. Il y a un arrêt conforme du 24 janvier 1687 , rapporté dans le recueil des procureurs , pag. 2.18. Tout enchériifeur doit, à peine de nullité,faire fignifier fon enchère au dernier enchériiïeur , c'eft-à-dire, à celui qui a en- chéri immédiatement avant lui. Mais la dernière enchère qui fe fait dans la dernière remife , n'a pas befoin d'être lignifiée. Toutes perfonnes capables d'acquérir font reçues à enchérir, à l'exception de ceux qui par des confidérations particulières , ne peuvent acquérir les biens ou droitsdont on fait l'adjudication, tels que les juges devant lefquels fe fait l'adjudication, les confeillers du même fiege , les avocats ou procureurs du roi , les greffiers commis : ce qui a été fagement établi, pour empêcher que ces perfonnes n'abufentdeleur minifterepour écarter les autres enchériffeurs, ck fe rendre adjudicataires à vil prix. V. Tr. de Lavente des immeubles par décret , de M. d'Héri- court. Enchère couverte eft celle au defTus de la- quelle un autre enchériifeur a fait fa mife. Dernière enchère fignifie quelquefois Venchere qui eft actuellement la dernière dans l'ordre , mais qui peut être couverte d'un moment à l'autre , ou dans une remife fuivante, par un autre enchérifTeur , au moyen de quoi elle cefTeroit d'être la der- nière. Souvent auffi on entend par dernière enchère , celle fur laquelle l'adjudication définitive a été faite. E N C Enchère à V extinction de la chandelle. V. Chandelle éteinte. Folle-enchere eft celle qui eft faite par un enchérifTeur infolvable , ou par un pro- cureur qui ne connoît pas fa partie , ou qui n'a pas d'elle le pouvoir en bonne forme , ou qui excède ce pouvoir, ou enfin qui fe charge d'enchérir pour un homme notoire- rement infolvable. Faute par l'adjudicataire de consigner le prix de fon adjudication dans le temps preferir, on fait ordonner qu'il fera procédé à une nouvelle adjudication à fa folle-en- chere ; ck , comme on dit quelquefois pour abréger , on pourfuit la folle-enchere, en quoi l'on confond la caufe avec l'effet. S'il ne fe préfente perfonne qui porte la chofe à fi haut prix que celui pour lequel elle avoit été adjugée; en ce cas, celui fur lequel fe pourfuit \a folle- enchère , eft tenu de fournir ce qui manque pour faire le prix de fon adjudication, avec tous les frais faits pour parvenir à une nouvelle adjudication; c'eft ce que l'on appelle payer lafolle-en-" chère : ck celui qui la doit peut être con- traint à payer par faifie ck vente de (qs biens meubles ck immeubles, 6k même quelque- fois par corps , félon les circonftarices. On peut auffi conclure contre lui aux intérêts du prix , du jour de l'adjudication. Si le prix de la nouvelle adjudication monte plus haut que celui de la précédente, cet excédant doit être employé , comme le refte du prix , à payer les créanciers. La folle-enchere n'a point lieu contre ceux qui ne peuvent aliéner , lefquels par conféquent font non recevables à enchérir. Dans le cas de folle-enchere , on ne peut pas forcer le précédent enchérifTeur de te- nir fon enchère. Il ne peut pas non' plus obliger le pourfuivant , ni la partie faifie , de lui céder le bien fur le pié de la der- nière; mais s'il veut bien tenir cette der- nière enchère , ck-que le pourfuivant ck la partie faifie y confentent , on ne pourfuit point la folle-enchere. Il n'eft point dû de droits feigneuriaux pour la première adjudication d'un héritage qui eft réfolue à caufe de la folle-enchere , à moins que le premier adjudicataire ne les eût payés ; auquel cas , il ne pourroit les ré- péter : mais il eft dû des droits pour la dernière ENC dernière adjudication , ainli que l'établit Henrys , tome II , liv. III , quxfl. 3. {A) Enchère par licitadc.n y eff un aéte que îe procureur de celui quipouriuitunelicitation , Fait afficher , publier , & mettre au greffe , pour annoncer qu'un tel héritage fera vendu par licitation ; qu'il l'a mis à tel prix, & autres charges, claufes , &. conditions : on y détaille aufïi la confiflance des biens ; faute d'enchérifîeurs , on remet à quinzaine , jour auquel on reçoit les enchères ; & on adjuge par licitation après trois remiies diffé- rentes. ( A ) Enchère au profit commun , eff une enchère ordinaire à laquelle on. donne ce nom dans la province de Normandie ; parce que la totalité de ces fortes d'enchères tourne au profit de tous les créanciers , à la différence de l'enchère au profit particulier , qui va être expliquée dans l'article fuivant. Enchère au profit particulier , eff une enchère d'une efpcce finguliere , qui n'eff ufi- tée qu'en Normandie. C'eff une grâce que Ton accorde dans les adjudications par dé- cret , aux derniers créanciers & tiers-acqué- reurs, qui prévoient qu'ils ne feront point mis en ordre utile , fi l'on fe tient à la dernière enchère faite à l'ordinaire , & qu'on appelle dans ce pays enchère au profit commun , à caufe qu'elle tourne au profit de tous les créanciers : dans ce cas , tout créancier pri- vilégié ou hypothécaire dont la créance eff antérieure à la faifie réelle , peut enchérir à fon profit particulier à telle fomme que bon lui femble ; ce qui s'entend toujours à con- dition que le quart de ce dont il a augmenté fa dernière enchère ■, tournera au profit com- mun des autres créanciers , & que les trois autres quarts feront par lui imputés iur ce qui lui eff dû. Pour pouvoir enchérir à fon profit par- ticulier, il faut, i°. être créancier privi- légié ou hypothécaire fur les biens faifis avant la faifie réelle ; 2d. que la dette foit légitime & fondée en un titre paré & exé- cutoire ; 30. que Y enchère au profit parti- culier foit faite avant l'adjudication finale ; 4°-^ qu'elle foit mile au greffe du fiege où fe fait le décret , quinze jours avant l'adju- dication ; 5°- qu'elle foit lue publique- ment aux plaids , c'eff-à-dire , l'audience tenante. Tome XII. rEN,C .337 Aux plaids fuivans où on la relit encorre s'il ne fe prélènte perfonne qui veuille porte, au profit commun le prix du bien décrété juiqu'à la fbmme à laquelle le créancier ou tiers-acquéreur l'a porté à fon profit particulier , & qu'il n'y ait point d'autre créancier antérieur à la faifie réelle qui veuille lurenchérir à fon profit particulier; en ce cas on adjuge le bien purement & fimpîement , fans que perlonne foit admis par la fuite à enchérir , ibit au profit com- mun , ou à fon profit particulier. Lorfque le décret fe pourfuir fur un tiers-détenteur qui n'eff pas débiteur per- fonnel , il n'y a que les créanciers antérieurs à fon acquifition qui foient admis à enchérir au profit particulier. Si le bien vendu par décret confiffe en plufieurs pièces , le créancier qui enchérit à fon profit particulier , peut déclarer fur quelle pièce il veut appliquer fon enchère au profit particulier ; mais fi la répartition n'en a point été faite à l'audience , en ce cas elle fe fait de plein droit au fou la livre du prix de l'adjudication , & cela fufrît afin de prévenir les fraudes , notamment celle qui pourroit fe faire contre le retrait féodal ou lignager, parce que fi on différoit plus long-temps à faire l'application de ^enchère au profit particulier , on ne manqueroit pas de l'appliquer toute entière fur l'héri- tage pour lequel on craindroit quelque re- trait. Le receveur des confignations eff tenu de prendre , pour argent comptant , les titres valables de créance de celui qui a enchéri à fon profit particulier, & ce juf- qu'à concurrence de la fomme dont il a augmenté la dernière enchère, Si celui qui a ainfi enchéri fe croyant créancier ne l'eff point effectivement , il doit payer le prix entier de fon adjudica- tion au profit commun. Voye\ les arti- cles 54.9 , $jj & $8 z de la coutume de Normandie , ce que les commentateurs ont dit fur ces articles, & le traité de la vente des immeubles par décret , de M. d'Héri- court , ch. x } n. zy & fuiv. ( A ) Enchère de quarantaine , eff un ade que le procureur du pourfuivant met au greffe après le congé d'adjuger : pour annoncer que l'on procédera à la vente & adjudica- V Y 538 E N C EN fion des biers faiiis récliemonc fur un tel, J les autres. Fovq ADJUDICATION , DÉ- 011 énonce la confiffance des biens aux- quels le poursuivant met un prix , & il détaille les autres charges , clauies & con- ditions de l'adjudication» Cette enchère e!r furnommée de quarantaine , parce que l'on y déclare qu'il fera procédé à l'adjudication quarante jours après que Yenchere eit mile au greffe. Elle ne fe fait qu'après le congé d'ad- juger , & après que les oppofitions à fin d'annuiler, de charge & de dillraire , on: été jugées ; attendu que il l'oppoiition à fin d'annuiler avoit lieu , il n'y fturoit plus de décréta faire, & que ï enchère doit faire mention des héritages qui feront diilrairs de l'adjudication , & des charges dont -l'adjudi- cataire fera tenu. Cette eachert étant reçue au greffe, doit êtfa lue & publiée «à l'audience , tant de la jurildldion où fe pouriuit le décret , que de celles où les biens font fitués. La quaran- taine ne commence que du jour de la der- nière publication. On affiche cette enchère aux portes des juritdictions où elle le publie , aux églifes paroiillales de ces jurifdictions , des parties îaifies , aux portes des villes par où l'on fort pour aller aux biens faiiis , & dans les endroits où l'on a coutume de les afficher ,* fuivant l'ulage de chaque lieu. \S enchère doit otre lignifiée au procureur de la partie faille , & aux procureurs des oppofans. Après la quarantaine on procède fur cette enchère à l'adjudication , qui ne fe fait que fauf quinzaine ; & enfuite , après plufieurs rernifes , on adjuge définitivement. Voye\ Adjudication , Criées, Décret , Remises. (A ) Enchère au rabais , eft celle qui fe fait dans les adjudications au rabais : c'efl-à- dire , que l'un ayant offert de faire une chofe pour un certain prix , un autre en- chiriffeur offre de la faire pour un moindre prix. Voye^ RABAIS. Renchere fe dit en Normandie & dans quelques autres lieux , pour féconde ou autre enchère. {A) Surenchère efl auffi la même chofe que renchere; c'eft la mife qu'un fécond , troi- £eme , ou autre enchérineur fait pardeffus CRET , SAISIE RÉELLE , LlCITA- TïOM. ( A ) ENCHERIR, v. neuf. (Comm.) a di- verles lignifications dans le commerce. Ilfignifie , î°. offrir d'une marchandife que l'on crie à l'enchère au defius du prix qu'en a offert le dernier enchériffeur. 2.0. Augmenter de prix, ou devenir plus cher. On dit que des étoffes ou des draps enchériJJ'ent , fûivant leur rareté , ou celle de la matière & des ouvriers. 3°. Enchérir fignifiè encore pendre à plus haut prix que l'on a de coutume. On dit auilï en ce Cens renchérir. yoye\ l'article Enchère. ( G) ENCHERISSEUR, f. m. ( Comm.) celui qui enchérit , ou qui met fon en- chère fur une marchandée qu'on crie pu- bliquement pour la vendre. V. ENCHERE & Enchérir. ■L'huiiiîer- prifeur efl obligé dans cei ventes de délivrer les marchandiies criées au plus offrant & dernier enckérijfeur, après avoir plufieurs fois averti ou fait avertir à haute voix , par fon crieur , que c'eft pour la troifieme & dernière fois qu'il les crie , & qu'il va les adjuger. (G) ENCHEVALLEMENT , f. m. ( Char- pente.} c'tff une des façons d'étayer une maifon , pour y faire des reprifes en fous- œuvre. ENCHEVAUCHURE , f. f. en Arçlr- teclure, la jonction par recouvrement ou feuillure de quelques parties avec quelque autre , comme dans l'enchevauchure d'une plate-forme ou. d'une dalle fur une autre , qui fe fait ordinairement par feuillure de la demi-épaifîeur du bois ou de la pierre. Les tuiles & ardoifes fe recouvrent auili par enchevauchure. (P) ENCHEVÊTRÉ, adj. (Manège.) un cheval enchevêtre' eu celui dont un des pies de derrière efl pris dans une des longes de fon licou. Ce mot d'enchevêtrure dérive du terme de chevêtre , qui défignoit autre- fois un licou. Ce n'eft qu'a l'occaîion de quelque démangeaifon dans le voifinage de la tête , ou de quelqu'autre perception qui l'importune , que l'animal s'enchevêtre. Il s'efforce de s'en délivrer en y portant un de lès pies de derrière ; mais fa jambe E NC petit fe trouver embarrailêe dc.ns la fonge ; & , dans les mouvemens qu'il fait pour la dégager , il arrive très- i ou vent que le frotremenî violent qui en reluke, caufe une écorchure ou une plaie plus ou moins profonde dans ie pli du paturon. Voye^Eu- CHÉVÉTRURÈ.Des boules de boisiulpen- dûes â l'extrémité des longes , & dont le poids les tient toujours dans un degré de tenfion convenable , fans les empêcher de couler librement dans les anneaux, prévien- nent ces lortes d'accidens , qui , eu égard à des chevaux extrêmement vifs & impa- tiens , ont .quelquefois des luîtes beaucoup plus fëchcuies. (e) ENCHEVÉTIIURE , f. f. ( Manège & Marûh-ill. ) Nous appelions de ce nom toute écorchure , toute contufion, toute plaie qui affecle le pli du paturon des jambes poiférieures du cheval , confé- quemmeiit à un frottement plus ou moins violent de cette partie, fur les longes du licou dans lesquelles l'animal s'eft em- bàrraiîe par quelque cauJe que ce foit, & de manière ou d'autre. Voye\ ENCHE- VÊTRÉ. L'écorchure eft-elle fimpîe & fans in- flammation ; on baflinera le heu affecté avec du vin , & on dépêchera inieniible- ment en làupoudrant avec de la cérufe. L'crofîop, au contraire, eft-elle accompagnée d'inflammation, eft-elle vive ; on recourra d'abord aux catapliimes épnoliiens ; & les accidehs appaifés , on leur fubitituera les deiîicatifs. S'il arrive que la jambe s'en- gorge , que la douleur perlé vere , & qu'il y ait une véritable plaie , on laignera l'animal , on pànfera la plaie ainfi que foutes les au- tres ( voye\ Plaie) , & l'on appliquera des émolliens réfolutifs fui* la jambe y tels que les feuilles de mauve, guimauve, mêlées avec l'une des quatre farines réfolutives. (e) EncIIE VÈTRUHE , en architecture , c'elt dans un plancher un affemblage de deux fortes folives & d'un chevetre , qui laifïe un vuide carré long contre un mur, pour porter un âtre fur des barres de trémie, ou pour faire paffer un ou plufieurs tuyaux d'une louche de cheminée. (P) ENCrîIFRENEMENT , f. m. {Me'd. ) eft une efpece de fluxion catarreufè qui a ion hege dans la membrane pituitaire j c'efl , F- N C j3, la maladie qu'on appelle ntîgpirçnàent rhiime de cerveau. Le mot ev.chifrénement vient vraifènibla- blement , félon le diclionnaire de Trévoux , de fifern , qui lignifie rhwve en brtgagd Celtique ou Bas-Breton; & àèjifern a été ïormèJifernet , enrhumer. Les Grecs appel- lent cette maladie ccryfa , & les Latins grai'edo. Uenchlfrénernent eft un véritable catarre qui ne diffère de celui qui affecte la gorge & la poitrine, que par la différence de la partie affectée , qui cVv.r.e même caufe p-o- chaine produit cependant des (ympromes differens. Cette caufe confiée d-ans l'engorgement des vaiffeaux & des glandes , qui fervent à léparer du fang la mucoiité des nari- nes ; elle eu donc femblable à celle qui établit le catarre dans quelque partie que ce foit, puifqu'il dépend toujours de l'obflruction des organes , par le moyen, dcfqueîs fe fait la fecrétion de l'humeur muqueufe deffiné* à défendre des irh- preflions de l'air ou des alimens toutes les voies par lefquelles ils panent. Voye\ MU- COSITÉ. Tout ce qui peut relâcher le tiflu de la membrane pituitaire &. fes couloirs de la mucoiité qui entrent dans fa compofition, en forte qu'il s'y en porte une plus grande quantité; ou ce qui peut au contraire ref- ferrer ce tiffu , & conléquemmcnt ces mêmes couloirs , de manière que le cours de cette humeur ne foit pas libre ; qu'elle loit forcée à féjourner plus long- temps dans les follicules ; qu'elle s'y épaiffifle plus qu'il n'efl nécetfaire pour l'uiage au- quel elle eff deffinée ; qu'il ne puiffè d'a- bord fortir de ces conduits que la partie la plus fluide , pendant que la groiliere refte ; tout ce qui peut produire ces ef- fets donne lieu à Yenchifre'nement. Ainfi on peut dire avec les anciens , qu'il peut être produit par intempérie froide & par in- tempérie chaude, non pas du cerveau, comme ils le penfoient, mais de toutes les parties molles de la cavité des narines, des finus frontaux , des cellules de l'os oth- moïde , &c. ; Les caufes éloignées font toutes celles qui peuvent produire le catarre en général, Vv 2. 34° E N C telles que i'infolation , l'air ambiant , chaud ou froid , fec ou humide , qui pro- duifent fubitement , félon leur différente manière d'agir , quelqu'un des effets ci- delïùs mentionnés ; la pléthore , la mau- vaife digeftion , les crudités d'eltomac , la trop grande boifîbn de vin ou autres li- queurs fpiritueufes , le trop grand exercice des parties fupcrieures pour ceux qui n'y font pas accoutumés , la lotion de la tête , la diminution de la tranfpirarion en géné- ral , & la conftipation dilpoient beaucoup au catarre des narines : tout cela concourt avec l'âge , le tempérament , l'habitude , la faifon , la conflitution de l'air & le régime différent. Cette maladie , lorfqu'elle eft caufée par la conftriction de la membrane pituitaire , s'annonce par un fentiment de chaleur dans l'intérieur du nez & dans toutes les cavités, ou la plupart qui y ont commu- nication , accompagnée de démangeaifons & de fréquens éternumens. Les narines , qui , dans l'état de fanté , ne laifîènt pas échapper une goutte d'humeur aqueufe fous forme fenfible dans un air tempéré , commencent à fournir la matière d'un écoulement d'une humeur claire , acre , falée , en quoi cônfifte proprement le co- ryfa ; elle excorie quelquefois & fait enfler les bords du nez & les parties voifines qui en font humectées ; le vifage devient rouge ; il l'on porte la main au front ou à la tête , on trouve ces parties plus chaudes qu'à l'ordinaire ; on y fent auffi une légère douleur gravative , ou au moins une pe- fanteur inquiétante ; les oreilles bourdon- nent ; la foif, l'inappétence, le dégoût même fe joignent ordinairement à tous ces fymptom.s ; la fièvre furvient aulll quelquefois , & ne diminue pas ce mal. Il arrive enfuite , fouvent dès le fécond jour , qu'il fe fait une copieufe évacuation de mucofité épaiffe , qui fe ramaffe dans les cavités des narines , & excite à fe mou- cher continuellement par fentiment de plé- nitude ou d'irritation qu'elle y caule. Les enchifrenés font obligés de tenir la bouche ouverte , lur-tout pendant le fommeil , Toit à caufe de la tuméfaction des mem- branes qui rapifTent l'intérieur des narines vers leurs iffues externes & internes , foit E N C à caufe *de la matière vifqueufe qui fe trouve au paffage de Pair , & le ferme : d'où s'enfuit que la tranfpiration ne fe faifànt que par la bouche , celle-ci fe deffeche ; ce qui contribue beaucoup à exciter la foif ; c'eft aufli par la même raifon que le ton de la voix df. changé , & que le ma- lade parle du nez , c'eft- à-dire , que l'air modifié pour la voix qui devroit paffer librement par les narines, pour la pronon- ciation de certaines lettres , trouvant le paf- fage embarraffé , frappe l'intérieur du nez fans en forcir , & y produit conféquemment un fon différent. On a aufli l'odorat émouffé dans cette maladie , parce que les corpui- cules propres à exercer l'organe de ce fens , ne peuvent pas pénétrer la couche de mu- cofité trop tenace 6é trop épaiffe , dont il eft enduit. L 'enchifrené ment , produit par le relâche- ment des parties fufceptibles d'être affectées dans cette maladie , eft prefque accompa- gné des mêmes fymptomes , excepté qu'on n'y lent pas autant de chaleur ; que l'hu- meur du coryfa & la mucofité viciée ne font pas fi acres , fi irritantes ; qu'il n'y a pas de douleur de tête , mais beaucoup de pefanteur, avec • diipolition prefïante au fommeil : la fièvre qui furvient dans ce cas eft ordinairement falutaire , hâte l'excré- tion de l'humeur peccante , & rend plus prompt le dégorgement des vaiffeaux pitui- taires. Les vents froids & fecs produifent fou- vent f 'enchifrené ment de la première efpece ; & celui de la féconde eft fouvent l'effet des vents chauds , humides , pluvieux. L'automne eft la faifon de l'année où cette maladie eft plus commune , à caufe des grands &_ fréquens changemens qui lur- viennent dans la température de l'air ; ce qui difpofe en général à toutes fortes de fluxions catarreules : celle des narines eft prefque toujours l'effet d'une caufe ex- terne. Cette maladie fe guérit fouvent par la feule opération de la nature , fans aucun fecours de l'art ; & elle fe termine en peu de temps , fur-tout dans les jeunes gens d'un bon tempérament , pourvu qu'on n'aigriffe pas le mal par le mauvais régime & par le défaut de ménagement : elle eft plus rebelle dans les vieillards & E N C dans les perfonnes d'un tempérament froid & humide ; elle peut quelquefois pro- duire un ofene ou un polype , lorfqu'elle dure long-temps, ou qu'elle revient fouvent. S'iYenchifrénement efl de nature à exiger des remèdes, ils doivent être prelcrits difië— remment ielon la différente cau(e qui l'a f>roduit. Si la chaleur & l'acrimonie des tumeurs font dominantes , il faut prefcrire une diète rafraîchifiante , adouciffante; re- commander la boiffon abondante d'eau de riz , de poulet , d'infufion de pavot rouge ; faire ufer de juleps hypnotiques. Si la fièvre eft de la partie avec douleur de tète , on peut avoir recours à lafaignée ; les lavemens & même quelques légers purgatifs peuvent aufll être employés avec fuccès dans ce cas. La vapeur du vinaigre dans lequel on a lait bouillir quelques plantes réfolutives, comme la fleur de fureau reçue par le nez , pendant quelques minutes , à plulieurs re- prifes , ne peuvent que produire de bons effets. Pour Y enchifrénement qui dépend d'un relâchement des vaiffeaux muqueux, joint au tempérament froid & humide , il con- vient d'employer des remèdes plus actifs , des purgatifs plus forts, des atténuans, des r.pophlegmatiques , des mafticatoires , des errhins , des fternutatoires , des fuffumi- gations faites avec des parfums de différente elpece. Il eft très-rare qu'il y ait indication de placer la faignée dans V enchifrénement dont il s'agit. Il convient .d'employer des confortatifs , des corroborans pris intérieu- rement , la diète feche & analeptique , des fàchets de plantes aromatiques appliqués fur la tête rafée , quelquefois les véficatoires appliqués derrière les oreilles à la nuque. KqyqCATARRE , CORYSE , FLUXION, Rhume, (d) ENCHUYSE , (Géogr. mod.) ville de la Hollande feptentrionale ; elle eft fituée fur le Zuiderzée. Long, zz , 55; lat. §z , 59- ENCIS , (Jurifpr.) c'eft le meurtre de la femme enceinte , ou de l'enfant qu'elle porte. Ce terme fe trouve dans la coutume d'Anjou , art. q.q. ; Maine , art. $z\èt dans la fomme rurale , titre d'a&ion criminelle : muher inciens quee uterum gerit. Voyez le gloffaire de M. de Lauriere. [A) E N C *4I ENCLAVE, f.f. (Jurifpr) on .appela enclave ou droit d'enclave, le droit qu'un feigneur a de prétendre la mouvance d'un. héritage qui fe trouve renfermé dans l'en- ceinte d'un territoire circonferit & limité , dont ce feigneur a la directe. Le feigneur dont le fief n'eft point un fief volant , mais qui a un territoire ainfi limité , n'a pas befoin d'autre titre que Y enclave pour prétendre la directe fur l'héritage qui fe trouve com- pris au dedans des limites de fa directe. La queftion eft ainfi décidée par Dumou- lin fur Y article q.6 de l'ancienne coutume de Paris, qui eft le 68e. de la nouvelle ; par Loifeau , tr. desfeigneuriess ch. xij, n. 50; Chopp'm fur Anjou, liv.II,chap. du franc- alleu. Le Grand fur la coutume de Troies , gl.j , n.zz& zj, dit que dans les coutumes de franc-alleu Y enclave eft bon d'un feigneur à un autre, pour obliger celui qui n'a pas Y enclave , à rapporter des titres péremptoi- res: mais il prétend qu'il n'en eft pas de même contre le détenteur , qu'il faut à Ion égard un titre précis. M. Guyotertfon traité des fiefs , traité des preferiptions } rapporte ce- pendant un arrêt, du 4 feptembre 1727 , qui paroît avoir jugé pour Y enclave ; mais dans la coutume de Vitry , il peut avoir eu pour motif que la coutume n'a pas été con- fidérée comme allodiale. (A) Enclave fe dit d'une portion de place qui forme un angle ou un pan , & qui an- ticipe fur une autre par une poflefilon anté- rieure ou par un accommodement; enforte qu'elle en diminue la fuperficie , & en ote la régularité. On dit aufli qu'une cage d'efcalier dérobé , qu'un petit cabinet , ou qu'un ou plufieurs tuyaux de cheminée font enclave dans une chambre , quand par leur avance ils en diminuent la grandeur, diclionn. de Trévoux & Chambers. (P) ^ ENCLAVES , (Hydraulique.) font des en- foncemens qu'on a ménagés en bâtiflant ks faces des bajoyers d'une éclule pour y loger les grandes portes , lorfqu'on eft obligé de les ouvrir pour le paiîàge des bâtimens. Rim n'eft mieux imaginé, non-fèulement pour la confervation de ces portes , mais encore pour ne point faire d'oftacle au paliage des bâtimens. (K) i . ENCLAVÉ; adj. en termes de Blafon, fe 3$i E N C dit d'un écu parti , dont l'une des portions entre dans l'autre en forme carrée , comme un tenon de menuilèrie. Voyc\ TENON. Pelckhofen en Allemagne 3 parti enclat-'é d'argent en gueules àfeneibe. ENCLAVER , v. aet. en Architecture , cell encaflrer les bouts des (olives d'un plan- cher dans les entailles d'une poutre. C'eÛ auffi arrêter une pièce de bdis avec des clefs ou boulons de fer. Enclaver une pierre, c'en: la mettre en liaiion après coup avec d'autres, quoique de différentes hauteurs , comme il le pratique dans' les raccordemens. (P) ENCLIQUETAGE, f. m. enHorlogerle, fignifie la méchanique que l'on emploie or- dinairement, lorfqu'on veut qu'une roue puifle tourner dans un iens , & qu'elle ne le puiiïe pas dans le lens contraire. Voye\ Horloger. Encliquetage fe dit encore du tout com- pofé du rochet , du cliquet, & de Ton rei- ioYt.V. Cliquet, Ressort, & Rochet d'Encliquetage. ( 1 ) ENCLIQUETER , v. acl. fe dit en Hor- logerie , de la manière dont un cliquet s'en- gage dans les dents d'un rochet. On dit qu'un cliquet encliquete bien , lorfqu'ii s'en- gage fuffifamment dans les dents du rochet , & qu'il s'oppofe à leur mouvement de la manière la plus avantageufê. Voye\ CLI- QUET, Ro'CHET,&C. (ï) ENCLITIQUE , ad}, féminin pris fub/t. terme de Grammaire , & fur-tout de Gram- maire Greque, par rapport à la lecture & à la prononciation. Ce mot vient de l'adjectif Grec ■■-yaJ'ix.n , incliné. R. ê^xà/*», inclina. Ce mot ell une expreffion métaphorique. Une enclitique ell un petit mot que l'on Joint au mot qui le précède , en appuyant fur la dernière fyllabe de ce mot ; c'eil pour cela que les Grammairiens diient que l1 * encli- tique renvoie l'accent fur cette dernière fyl- labe, U s'y appuie : l'on baille la voix fur V en- clitique : c'elt par cette raifon qu'elle efr. ap- pellée enclitique , c'eft-à-dire , inclinée , ap- puyée. Les monofyllabes quey ney ve, lont des enclitiques en Latin : reclè , beatèque viven- Sim; terraque, pjuit-ne? alter-ve. C'elt ainfi qu'en François , au lieu de dire aime- je , en féparant je de aime , & faifànt fentir les deux mots, nous difons aimé-je y en joi- gnant je avec aime: je ell alors une enclitique. E N C En un un mot, are enclitique, dit la méthorfe dePji;r-!\oy:i! , à tavcrtiliemêrit de la réglé xx i j ; /2 'efiauirc clïàfe que s' appuyer tellement fur le mot précédent, qu'on nefaffeplus que Comme un féal mot arec lui. Les grammairiens aiment à personnifier les mors : les uns gouvernent, régirent, veulent; les autres , comme les enclitiques , s'inclinent., penchent vers un certain côté» Ceux ci , dit-on , renvoient leur accent fur la dernière fyllabe du mot qui les précède; ils s'y unifient & s'y appuient, & voili pourquoi, encore un coup, on les appelle enclitiques. II. y a, fur-tout en Grec, plufieurs de ces petits mots qui étoient enclitiques lorl- que clans la prononciation ils paroifïbirnt ne faire qu'un ieul & même mot avec le précé- dent, mais fi dans une autre phrale la même enclitique luivoit un nom propre , elle cef» foit d'être enclitique & gardoit Ion accent ; car l'union de ['enclitique avec le nom pro- pre , auroit rendu ce nom méconnoiifable: ainfi r) , aliquid , ell enclitique; mais il n'eft pas enclitique dans cette phrale , où ~i tir A-iTtDt il -luvpr i , acl. 2.^ , je nai rien fait contre Céfar. Si tt étoit enclitique , on prononcerait tout de luire Kw^ t.; ce qui. défigurerait le nom Grec de Céfar. Les perlonnes qui voudraient avoir dés connoillànces pratiques les plus détaillées fur les enclitiques, peuvent confulter le ixe. livre delà méthode Greque de Port-Royal , où l'on traire de la quantité des accens & des enclitiques. Ces connoillànces ne regardent que la prononciation du Grec avec l'éléva- tion & l'abaifTemcnt de la voix , & les in— flexions qui étoient en ulage quand le Grec ancien étoit encore une langue vivante. Sur quoi il ell échappé à la méthode de Port- Royal de dire , p. 548 ? " qu'il efr bien » difficile d'obferver tout cela exactement, » n'y ayant rien de plus embarraffant que » de voir un il grand nombre de règles ac— n compagnées d'un nombre encore plus » grand d'exceptions. » Et à i'avertifîe- ment delà règle xxij , l'auteur de cette mé- thode dit " qu'une marque que ces règles » ont été fouvent forgées par les nouveaux f) grammairiens , ou accommodées à leur » ufage , c'elt que non-ièulement les an- » ciens , mais ceux du fiecle pafle même , E N C ?> ne s'accordent p^s toujours avec ceux-ci, » comme on voit dans Vergare , l'un des » plus nubiles , qui vivoit il y a environ 150 ?j ans. » Je me iërs de l'édition de la mé- thode Grequede Port-Royal, rtPan.r, 1 6<)6 . Il y avoit encore à Paris , à la fini du der- nier liecle , des favans qui prononçoient le Grec en obiervant , avec une extrême exac- titude , la différence des accens ; mais au- jourd'hui il y a bien des gens de lerrres qui prononcent le Grec , &même qui 1 écrivent ii-.ns avoir égard aux accens, à l'exemple du P. Sanadon , qui , dans fa préface fur Ho- race , dit : " J'écris le Grec fans accens ; le ?> mal n'eft pas grand , je pourrois même ?> prouver qu'il feroit bon qu'on ne l'écrivît 7) poiqt autrement. ># Préface, p. 16. C'eft ainii que quelques-uns de nos beaux elprits entendent fort bien les livres Anglois ; mais ils les lifent comme s'ils lifoient des livres François. Ils voient écrit people ; ils pronon- centpeopleau lieu de piple ; & difent , avec ie P. Sanadon , en ap f>uyant un des côtés de ces triquoifes vers es rivets :. & l'autre vers l'entrée des clous , &: dès-lors il fera facile de reconnoitre pré- cifément le lieu affecté. Ce lieu reconnu , on découvrira le mal , f oit avec le boutoir, fbit avec une petite gouge , en creulant & en fuivant julqu'à ce que l'on n'apperçoive f)lus les veffiges ou les traces qu'aura laiffées a lame. On ne doit jamais craindre de pratiquer une ouverture trop kirge & trop profonde . parce qu'il faut nécessairement le convaincre de l'état de Yencloueure , & que d'ailleurs s'il y a épanchement de fang , ou s'il y a de la matière fuppurée , on ne lauroit ie dif- penfer de frayer une iiTue dans la partie déclive; autrement ce fluide ou cette matière féjournant dans le pié , corromproit bien- tôt toutes les parties intérieures , le feroit four en refluant à la couronne , & deffoude- roit inévitablement ie (àbot. Voy. REFLUX & PlÉ. A mefure cependant que Ton pénètre dans l'ongle , on doit prendre garde d'offen- fer ces mômes parties. Si le pié n'a été que ferré , & que la contufion n'ait occahoné aucune dilacéra- tion ; fi en un mot on ne rencontre point de matière , on le contentera d'appliquer fur la partie une rémolade {voy. Rémolade) , ou de faire fur toute la foie une fondue d'onguent de pié {voy. ENCASTELURE) ; on garnira enlùite d'étoupe le deiîbus du pié , & on maintiendra cette étoupe avec des éclifTes {voy. EcLISSEs). On ne fixera pas le fer, on l'arrêtera Amplement en bro- chant deux clous de chaque côté , après quoi on oindra de ce même onguent la paroi extérieure , à l'endroit où la lame a ferré. Cet onguent, fondu fur la foie & mis fur cette paroi , détendant & donnant plus de fbupleffe à l'ongle, calmera & dif- lipera enfin la douleur. Mais dès que l'ouverture étant pratiquée, on fera convaincu , par l'infpection de la ma- tière , de la certitude de Vencloueure , on net- toiera exactement la plaie , &: l'on aura recours aux remèdes capables de s'oppofer aux progrès du mal. Ces remèdes font les liqueurs fpiritueufes, telles que l'efprit-de- yin , l'efTence de térébenthine , la teinture E N C de myrrhe & d'aloès , &c. & non des re- mèdes graiffeux , qui ne fauroient convenir dans les plaies des parties tendineules & aponévrotiques. On vuidera fur la partie luppurante une quantité proportionnée des unes ou des autres de ces liqueurs ; on les couvrira d'un plumaceau que l'on en baignera auilî , & l'on garnira le deffous du pié avec les étoupes& avec les édifiés , comme dans le premier cas. Il eft plufieurg attentions à faire dans ces panlemens , qui doivent avoir lieu tous les jours. i°. On tiendra la plaie toujours nette; 2°. on la garantira des impreffions de l'air ; 3°. on comprimera foigneufement le pluma- ceau à l'effet de prévenir une régénération trop abondante , c'eft-à-dire , pour me fervir des expreffions des maréchaux , afin d'éviter des cerifes , & d'empêcher que la chair ne furmonte : cette compreffion ne fera pas néanmoins telle qu'elle puilîe attirer unç nouvelle inflammation & de nouvelles dou- leurs ; elle fera conféquemment modérée , &: ne donnera pas lieu à tous ces inconvé- niens qui obligent d'employer les confomp- tifs , & qui étonnent & alarment l'ouvrier qui les a occafionés par fon ignorance. Le cheval peut encore être piqué & ferré en conféquence d'une retraite {voy. RE- TRAITE , voy. Fek.REr) : on ne peut en efpérer la guérifon, que l'on n'ait fait l'extrac- tion de ce corps étranger ; extraction quel- quefois difficile , & fouvent funeffe , fi elle eft tentée par un ouvrier qui n'ait aucune lumière fur le tifTu & fuf le genre des par- ties , qu'il ne peut s'empêcher de détruire en opérant. Lorfque cette retraite a été chafîée dans le vif, il y a plaie com- pliquée. Souvent au flî la matière fuppurée entraîne ce corps dans fon cours : c'eftainfi que la nature trouve en elle-même des rel- fources & des moyens par lefquels elle fupplée à notre impuiffance. {e) CLOU DE RUE , c'efl une efpece dV/2- cloueurc , qui fait tantôt une piquure fimpls , tantôt une plaie compliquée , ou fouvent une plaie contufe, félon la nature & la con- figuration du corps qui a fait cette Iéfion. Quoique ce ne lbit point le lieu de parler du cjou de rue , néanmoins comme cette blefîùre & Yencloueure ont beaucoup d'ana- logie ? & cui'il n efl rien de plus fréquent que ENC que cet accident , ni rien de plus rare que la guérifon parfaite , lorfqu'ii eft grave j le peu qu'on en a dit en fou article , nous engage à en donner fuccinclement la dtf- cription , ainfi que les moyens que nous employons pour parvenir plus finement & plus promptement à une cure radicale ; moyens d'autant plus avantageux , qu'ils nous font éviter la deffolure , opération dou- Icureufe , abufive , & le plus fouvent per- nicieufe pour le traitement du clou de rue , comme l'expérience journalière ne le prouve que trop bien. Pour nous , quelque grave que foit h plaie du clou de rue , nous ne defïblons jamais } nous retirons de cette pratique des avantages qui concourent promptement & efficacement à la guérifon de cet accident. i°. En ne defïblant point , la ible nous fert de point d'appui pour contenir les chairs & l'ap- pareil. 2.0. Nous avons la liberté de panfèr la plaie awfîï-tôt & fi fouvent que le cas l'exige , fans craindre ni hémorragie , ni que la foie furmonte , ni qu'il s'y forme des inégalités. 30. Nous épargnons de gran- des fouffrances à l'animal , tant du côté des nouvelles irritations que la deffolure caufe- roit à la partie affectée , que du côté des fecouffes violentes que le cheval fe donne dans le travail ; efpece de torture qui lui caufe ordinairement la fièvre, & qui par conféquent met obftacle à la formation des liqueurs balfamiques, propres à une louable fuppuration. Quoique notre opinion foit fondée fur les fuccès conftans &: multi- pliés d'une pratique de plus de vingt ans , que nous avons fuivie , tant à l'armée qu'ailleurs , fans qu'aucune de ces expé- riences que nous avons faites ait trompé notre attente , nous ne doutons pas que cette méthode n'éprouve des contradictions , puif- qu'elle a le préjugé le plus général à combat- tre , & la plus longue habitude à vaincre. On peut nous objecter que beaucoup de chevaux guériffent par le moyen de la def- folure : nous répondons , i°. que s'il en guérit beaucoup , beaucoup en font eftro- piés , & qu'en ne deffolant pas , la méthode que nous pratiquons les fauve tous j 2°. que ceux qu'on guérit avec la deffolure , ne font le plus fouvent que légèrement piqués , 8* qu'il en échappe très-peu de ceux qui font I Tome XII. ENC m bleffés dans les parties fufceptibles d'irrita- tion , au lieu que les uns & les autres font confervés par notre méthode j 30. que ceux qui font traités par la defiblurc , font quel- quefois fix mois , quelquefois des années entières , abandonnés dans un pré ^ ou en- voyés au labourage , d'où ils reviennent comme ils y ont été , boiteux & hors d'état de fervir ; au lieu que les plaies les plus dangereufes & les cures les plus lentes dans ce genre , ne nous ont jamais coûté plus de fixfcmaines } 40. que les accidens qui fui- vent la deffolure , demandent fouvent que l'on répète la même opération :, au lieu que les chevaux , traités félon notre méthode , font guéris fans aucun retour. Si l'on eft fiirpris de la différence que nous mettons entre ces deux pratiques -v fi l'on révoque en doute notre expérience , notre témoignage , & la notoriété publique , qui en eft garant , on fe rendra du moins à la force de l'évidence } & nous croyons pou- voir nommer ainfi la preuve qui réfulte de la feule comparaifon des deux traitemens. Nous fuppofous, pour abréger, que l'on connoît la compofition anatomique du pie du cheval , & nous renvoyons pour cela à l'excellent traité dhippiatrique de M. Bour- gelat : nous rappellerons feulement que le pié du cheval eft compofé de chair , de vaiffeaux fanguins , lymphatiques & ner- veux , de tendons , de ligamens , de car- tilages & d'os de l'aponévrofe , du périofte , Se de la corne qui renferme toutes ces par- ties , la plupart fufceptibles d'irritation , de corruption & de douleur à la moindre at- teinte qu'elles reçoivent de quelque corps étranger: combien à plus forte raifbn , doi- vent-elles être affectées par le clou de rue , quand le cas eft grave , & combien plus par la defîolure ! C'eft bien alors qu'on peut dire que le remède eft pire que le mal. Voici le contraire qui réfulte de la deffo- lure appliquée au clou de rue , & ladémonf- tratien que nous avons promifè du danger de cette méthode : après la deffolure , les règles de l'art nous preferivent fix jours au moins avant de lever l'appareil , pour don- ner le temps à la nature de faire la régé- nération de la foie unie &: bien conformée; les mêmes règles de l'art nous preferivent de lever tous les jours l'appareil du clou de rue, Xx 34-6 E N C pour procurer l'évacuation du pus , & pré- venir la corruption des parties faines & affec- tées. Si l'on fuit les règles de l'art à l'égard de la deifolure , la plaie du clou de rue eft négligée } la matière , par fon fejour , ne manque point de s'enflammer , & de pro- duire des engorgemens , & quelquefois des abcès qui corrodent , tantôt les tendons , tantôt l'aponévrofe , tantôt le périofte , quelquefois l'os & la capfule qui laiffe échapper la fynovie j quelquefois même en- fin , elle fè fraie des routes [vers la cou- ronne , d'où fuit un délabrement dans le pié , un defféchement , une difformité dans le fabot , qui rendent le plus fouvent , comme nous l'avons dit , l'animal inutile. Si au contraire on fuit les règles de l'art à l'égard du clou de rue , on panfè la plaie toutes les 24 heures } mais en ôtant l'appa- reil , il arrive , dans la partie déchirée par la deiîblure , une hémorragie qui dérobe au maréchal l'état de la plaie , & l'empêche d'en obferver les accidens & les progrès f, l'inflammation redouble par les nouvelles fbcouffes & comprenions que reçoivent les parties affectées , la foie furmonte par l'iné- galité des comprefîions , la plaie s'irrite , la fièvre furvient , des liqueurs s'aigriffent } enfin , à chaque panfèment l'on aggrave la maladie au lieu de la modérer. Il s'enfuit qu'on ne peut traiter la plaie du clou de rue coin me elle doit l'être , fans manquer à ce qu'exige le traitement de la deffolure , ou qu'on ne peut traiter la deffolure comme elle doit l'être , fans manquer à ce qu'exige le traitement du clou de rue j ce qui dé- montre le danger d'une méthode qui com- plique deux maladies dont les panfèmens font incompatibles. Cure du clou de rue (impie. Le clou de rue eft plus ou moins difficile à guérir , félon la partie que cette bleffure a afïê&ée : il y en a de ftiperficieîles qui n'intéreffent que la fubftance des chairs , foit à la fourchette , foit à la foie :, quoiqu'elles fourniiîènt beau- coup de fang , elles fe guériflént facilement en y procurant uno prompte réunion par le fecours de quelques huiles , baumes , on- ^nens , vulnéraires , tels que nous les avons indiqués dans le traitement des encloueures J/mples , & même en y fondant du fùif , de in cire à cacheter , ou de l'huile bouillante, E N C ou quelque liqueur fpiritueufe , St le plus fouvent elles fe guériffent d'elles-mêmes fans aucun médicament : c'eft de cette facilité de guérifon , que beaucoup de gens fe croient en poffefiicn d'un remède fpécifiique à cet accident j dans tous les cas ils le croient mer- veilleux, & le foutiennent tel avec d'autant plus de confiance qu'ils l'ont vu éprouver ou qu'ils l'ont éprouvé eux-mêmes avec fuccès; ils ne font pas obligés de favoir que l'acci- dent que ce remède a guéri , fe feroit guéri fans remède. Cure pour le clou de rue grave & compliqué» i°. Le jour qu'on a fait l'extraction du corps étranger , on doit déferrer le pié boiteux , le bien parer , amincir la foie , fondre dans le trou de la piquure ( fans y faire aucune in- ciflon) quelques médicamens propres à pré- venir ou calmer les accidens qui doivent fuivre le genre de blefTure , & mettre une emmiellure dans le pié, après avoir ratta- ché le fer. 20. Deux ou trois jours après que l'accident eft arrivé , temps auquel la fùp- puration eft établie , on doit faire une ouver- ture à l'endroit du clou de rue , & enlever fimplement de la corne ( Sans faire venir du fang ) une partie proportionnée à la gravité du mal } cette ouverture doit être faite tk. conduite avec beaucoup d'adreffe & d'intel- ligence , pour éviter les accidens qu'un inf- trument mal conduit , ou des remèdes mal appliqués peuvent caufer dans une partie aufîi délicate & auffi compofée j & c'eft de quoi mille exemples nous ont appris à ne pas nous rendre garans. Les remèdes que Ton peut employer avec le plus de fruit au trai- tement du clou de rue compliqué , font l'huile rouge de térébenthine dulcifiée, que l'on doit faire un peu chauffer \ le baume du Pérou ou de Copahu :, l'un eu l'autre de ces médicamens mêlé avec de l'huile. , des jaunes d'œufs \ on trempe dans l'un de ces remèdes des plnmaceaux molbmcnt faits , que l'on introduit dans l'ouverture \ on met une écliffe pardefTus pour contenir l'appareil, un défenlif autour du fabot , comme nous l'avons indiqué dans le traitement des en- cloueures* : l'on doit tenir la plaie ouverte tant qu'elle ne préfente point d'indication à la réunion , répéter ce panfement chaque jour , & changer de médicamens félon le cas : par exemple , s'il y a quelque partie à exfolier, E N C on doit fe fervir des exfoliatifs , les uns pro- pres à exfolier les os , & les autres le ten- don ( voyez EXFOLIATIF. On ne doit pas négliger la faignée , plus ou moins répétée?, iiiivant les circonftances \ enfin , lorfque la plaie eft en voie de guérifon, que les grands accidens font calmés , on doit éloigner le panfement , pour éviter les impreflions de l'air. Telle eft cette méthode , aufli fimple qu'elle eft peu dangereulè. Nous obfervons en finiffant , que nous n'employons point au clou de rue compliqué , non plus qu'à Yencloueure grave , les digeftifs , les fuppura- tifs , ni la teinture de myrrhe , ni celle d'a- îoès , ni tous ces baumes &: onguens vulné- raires , que tant de praticiens appliquent à cette bleffure avec fi peu de fruit & avec un danger certain. Toutes les fois que le clou de rue a piqué ou contus le tendon , l'aponé- vrofe , le périofte , ou enfin quelque cordon de nerf, ces fortes de médicamens qui con- tiennent des fèls âcres,ne manquent pas d'aug- menter la douleur , l'inflammation , & les autres accidens qui accompagnent ces lé- sions , & font fouvent une maladie incura- ble , d'un accident qu'un traitement doux & fimple auroit guéri en peu de jours. Cet ar- ticle nous a été fourni par M. Genson. * ENCLUME , f. f. inftrument com- mun à prefquc tous les ouvriers qui em- ploient les métaux. Il faut la coufidérer en général comme une malle plus ou moins confidérable de fer aciére , fur laquelle on travaille au marteau dirTérens ouvrages en fer , en acier , en or , en argent , en cui- vre , &c. Il y a des enclumes de toutes grof- ïèurs. Il y en a de coulées } il y en a de for- gées : celles qui font forgées fervent aux taillandiers & maréchaux. Les meilleures font celles qui fe fabriquent au marteau , &: dont le défias eft d'acier. Enclume , f. m. ( Anat. ) un des quatre ofleiets qu'on rencontre dans la caille du tarsbour. L'enclume eft fitué dans la partie la plus poftérieure de la caùTe \ on y remarque fon corps, &. deux jambes ou apophyfes } une courte qui eft Supérieure , l'autre longue qui eft inférieure : fon corps ou fa bafe préiènte une face inégale allez approchante ^e celle d'une dent molaire j c'eft par cet ,ENC 347 endroit que l'enclume eft articulé avec ie marteau. Sa jambe courte a une lituation horizontale } fa pointe eft attachée par de petits ligamens au defîbus des ouvertures des cellules mafto'idiennes : fa jambe lon- gue eft parallèle au mauche du marteau , dont elle eft éloignée d'environ une ligne \ la pointe de cette jambe iè recourbe un peu en fe relevant pour foutenir 1 os orbi- culaire*, & par conféquent Yétrier. Voyez les planches de Duverney. L'enclume , fiiivant le témoignage de MafTa, a été connu âès le temps d'Alexan- dre Achillinus , auquel il donne la décou- verte de cet oftelet } du moins eft-il certain qu'il ne faut point l'attribuer , avec Schel- hammer , à Jacob de Carpi , puifque lui- même convient que d'autres en avoient déjà fait mention. L'enclume y de même que les autre-s ofle- iets de l'oreille , eft revêtu d'un fin périofte arrofé de vaifieaux nombreux qui s'y diftri- bueut , fur-tout à fa plus courte jambe. Voyez Osselets de l'Oreille. An. de M. le Chevalier de Jaucourt. Enclume , ( Chut.) C'eft une mafîè de fer dont fe fervent tous les forgerons , Se fiir laquelle ils placent le fer rouge pour Je battre à chaud , & lui donner la forme néceflaire aux diiférens ouvrages qu'ils en veulent fabriquer. L'enclume des Cloutitrs eft toute femblable à celle des Taillandiers, & ils s'en fervent pour forger du fer & en former les baguettes qu'ils emploient à la fabrique des clous. Enclume , ( Aiguilleùer. ) eft une efpece de tas , ou de bigorne plate , dont la fùr- face eft couverte de plufieurs fentes plus ou moins grandes & profondes , dans lef- quelles on travaille les ferrets , pour les arrondir autour du lacet auquel on k$ adapte. Enclume en Bic-orne , outil à'Arque- bujier. Cette enclume en bigorne eft à-peu- près faite comme Yenclume en bigorne des Serruriers, & fèrt aux arquebufiers pour forger en rond plufieurs pièces de leur métier. Enclume quarrée , outil d'Araue- bujier. C'eft une maife de fer dont la fur- face eft aciérée , plus longue & plus large qu'épaifle , qui peut avoir fix pouces d'épaif- Xx 2 348 E N C leur , & quatorze ou quinze pouce» de hauteur & de largeur , que l'on po/e fur un billot de bois , & qui s'y fondent par fon propre poids } qui fert aux Arquebu- iiers , pour forger les pièces dont ils ont befoin. Els'CLUME , terme & outil de Ceinturier , qui leur fert pour river les rivets-. Cette en- clume eft faite comme une bigorne plate ; des deux côtés elle eft longue environ de fix pouces , large d'un demi - pouce , & montée fur un pie qui entre dans le billot. Enclume RONDE , infiniment de Chau- dronnier. Voye^ Boule. ENCLUME , outil des Cloutiers dVpin- ■ &**i ENCLUME , ( Coutelier. ) cette enclume n'a rien de particulier. Enclume des Couvreurs , celle fur laquelle ils taillent l'ardoife , eft faite en forme de T , dont la branche de deflous eft lin peu cintrée fur le champ , & pointue. . ENCLUME , outil de Maréchal, fèrvant à placer leur ouvrage , pour le marteler ou forger \ la face ou la furface la plus élevée de f enclume doit être plate & polie, fans paille , & fi dure qu'une lime n'y puilfe mordre. Elle a quelquefois une bigorne à l'un de Ces bouts pour arrondir l'ouvrage creux : le tout eft ordinairement monté far un bloc de bois folide. ' ENCLUME, en terme d'Orfèvre , eft un infiniment fur lequel ils forgent leurs mé- taux : il y en a de différentes grofTeurs. La maiîe eft de fer , & la furface d'acier :, elle eft de même groffeur tant en bas qu'en haut. Sa fuperficie eft convexe , & pour être banne , il faut que l'acier foit bien fondé au fer , trempé & poli. Elles ont ordinaire- ment huit pans , quatre grands , & quatre petits j elles portent à-peu-près le double de hauteur que de largeur : elles entrent des deux tiers dans le billot. Voy. Billot. L'on met défions ce billot un pailîaflon , voyei Paillasson. * Enclume , (Teint.) c'eft un bloc dont la bafe eft de fer & la furface aciérée. Les Teinturiers font obligés , par les réglemens. d'avoir chacun un pareil infiniment fur le- quel foit gravé leur nom & funiom , afin «[ue le marchand prépofé aux vifites , appii- E N C quant fbn plomb à la tète des pièces des marchandifes , le nom du teinturier qui les aura teintes , y foit imprimé par le deffbus au même temps que la marque des drapiers le fera par le defïùs , quand elle fera pofee fur le plomb , & frappée d'un coup de mar- teau fur Venclume. ENCLUMEAU , ou ENCLUMOT , f. m. ( Art mech. ) petite enclume pofée fur un pié de bois ou de plomb , que l'on met fur l'établi pour que l'ouvrier ne foit pas obligé de fortir de fa place à tous rao- mens , pour aller forger de petites parties à la grande enclume. \JEnclumeau eft à l'ufage des Orfèvres, des Metteurs-en-ceuvre , des Chaudronniers , des Horlogers , & d'un grand nombre d'au- tres ouvriers en métaux. ENCLUMEAU , (Chaudronnier.) petite enclume à main , dont les Chaudronniers fë fervent pour redreffer les chaudrons & autres uftenfilcs de cuifine , ou pour river leurs clous. Uenclumeau eft carré ; fa tête eft plate , d'environ un pouce & demi de fuperficie } la queue par où on le tient a trois ou quatre pouces de longueur. Lors- qu'on s'en fert pour redreffer , on l'appuie contre la boffe du chaudron ou autre pièce de chaudronnerie , & l'en frappe de l'autre côté avec le maillet de buis. Pour river , on fe fert d'un marteau de fer. Uenclumeau de ces ouvriers eft quelquefois percé dans le milieu. ENCLUMETTE , f. f. eft , en Boijfe- lerie , un morceau de fer court & gros , un peu écrafé par les deux bouts , dont les BoilTeliers fe fervent pour foutenir les plan- ches qu'ils veulent clouer enfen>bk , & ri- ver leurs clous. Enci.UMETTE , (Metteur-en-œuvre , &c.) petite .enclume de fer, montée fur une bûche qui lui fert de billot r & que l'ou- vrier met entre £es jambes pour forger de petites parties. * ENCOCHE , f. f. ( Art méch. ) fi l'on frappe avec un infiniment ou tranchant , ou qui en fafie la fonction , fur un corps moins dur que cet inftrument , de manier- que le corps frappé n'en foit divifé quen partie } cette divhïon s'appelle une encoche. On fait avec la carne du marteau ui c cnco~ I che au fer j ou fait , avec le tranchant du ENC ÉOUteàu , une encoche au bois. L 'encoche de- vient une efpeçe d'arrêt. ENCOCHE , adj. en terme deBlafon, fe dit du trait qui eft fur un arc , foit que celui- ci foi: bandé ou non. L'archet coupé d'or & de gueules , à deux arcs rendus & encoches de l'un à l'autre. ENCOCHER , v. aô. ( Vannier. ) c^eft planter des chevilles dans les trous qu'on a pratiqués au fond de tout vaifièau qui doit être fait d'efier , & où les chevilles font deftinées à ferrer & à foutenir les ©fiers. ENCOCURE , ( Marine. ) Voyei Enco- QUURE. ENcOGNURE , f. f. en Architecture , fè dit autant des coins principaux d'un bâ- timent , que de ceux de fes avant-corps •■, & lorfque ces avant - corps font flanqués de pilaftres , on les nomme antes , voye[ A NT ES. (P) * ENCOLER , v. a&. ierme commun à plufieurs artiftes , aux manufacturiers en foie , laine , fil , coton , &c. aux doreurs \ c'eft , chez les premiers, donner un apprêt de gomme ou de colle ; chez les féconds , c'eft placer une couche de la matière qui doit fervir d'afîïette à l'or. Encoller , terme de Doreur, préparation qu'on donne au bois dont on veut fe fervir pour dorer } ce qui fe fait en y appliquant une ou pluîîeurs couches de la colle pré- parée pour cet effet. On l'emploie toute bouillante , parce qu'elle pénètre mieux \ on l'afFoiblit avec un peu d'eau , fi elle eft trop forte ç, & on la couche avec une brofîè de poil de fanglier , en adouciffant , fi c'eft un ouvrage uni. S'il y a de la fcnlpture , on met la colle en tapant avec la brofîè j ce qui s'appelle encoller. V. tart. DoRVRE.Diâ.de Trév. ENCOLLER , terme de TiJ/erand^bkc c'eft gommer ou enduire de colle ; les Tifferauds encollent le fil de leur chaîne , c'eft-à-dLre , la frottent avec une compofition de gomme , ou de colle pour la rendre plus ferme Voye[ Tisserand. * ENCOLPE , f. f. ( Hift. eccléf. ) mot formé de i* & de kcmtv ,fur le fein \ petite boîte qui coutenoit quelque relique de faint, & qu'on portoit fufpenûue au cou. ENC 349 ENCOLURE , f. f. {Man. & Maréchall.) partie du corps du cheval qui répond à celle que dans l'homme nous défignons par le terme de cou. Elle donne à l'animal , dans fon avant- main , des grâces , de la beauté & de l'agré- ment , lorfqu'eile monte dès fa fortie du garrot j qu'elle s'élève jufqu'à la tête en diminuant imperceptiblement, & en fe con- tournant à mefure qu'elle en approche , 8c que fa partie inférieure defeend jufqu'au poitrail en forme de talud. V encolure eft dite & appeîlée/zî/^ , IorA que cette même partie inférieure ne montre aucune obliquité êc tombe à plomb , ren- verfée , quand le contour , l'arc ou la ron- deur fe trouvent en deffous \ & penchante , fi fa partie fupérieure tombe &: fè déverfe d'un côté ou d'un autre. Les encolures renverfées font fèmbîables à celles des cerfs } elles ne partent point directement du garrot , elles fèmblent naître d'une efpece d'enfoncement vulgairement nommé coup de hache , & ne donnent pas moins au cheval la facilité de s'armer ou de s'encapuchonner , que celles qui font trop rouées , c'eft-à-dire , dont la roadf ur à leur partie fupérieure eft trop confidérable èc trop marquée. Les encolures penchantes font ordinaire- ment trop chargées de chair près de la cri- nière , où elles devraient être tranchantes , & c'eft le poids de cette chair qui occafione leur déverfe meut & leur chute. Nous voyons ce défaut dans la plupart des chevaux en- tiers d'un certain âge. Quant à l'épailîèur & à la longueur de cette partie , on doit defirer qu'elles foient en proportion avec le total de la machine. V. Proportions. Sa bonne ou mauvaife conformation dé- cide des qualités que l'on recherche clans le cheval. V encolure eft-elle molle & effilée , fa foiblefîè influe tellement fur fa bouche que l'animal ne pourra foutenir un appui ferme ; il bégaiera fans ceffe , il battra fré- quemment à la main: eft-elle courte , épaiffe & chargée , il pefera inévitablement , ex il fera infiniment plus difficile de «mener au pli dans lequel ou voudra le mettre. Les barbes, les jumens & les chevaux d'Êfpa- gne nous font communément fouliaiter un 550 E N C peu plus d'épaiffeur dans leur encolure; celle de ces derniers diminue vifïblement à me- fure qu'ils vieilliffent. Les premières leçons que l'on doit don- ner à tout cheval que Ton entreprend , ne tendent véritablement qu'à le déterminer &: à le réfoudre. Vainement néanmoins au- roit-il acquis l'habitude d'embralfer le ter- rain franchement & fans contrainte , fi l'on ne s'attache enfuite à le dénouer entière- ment , en mettant infenfiblement en jeu toutes Ces parties, tk en les follicitant à tous hs mouvemens qui leur font poffibles. Les moyens de les accomplir ont été accordés à l'animal par la nature même j mais elle a , pour ainli dire , réfèrvé à l'exercice & à l'art le droit de lui en procurer la liberté & la fa- cilité , & c'eft cette liberté & cette facilité qui conftituent ce que nous appelions pro- prement la. fouplejje. Il fuffit de confidérer d'une part la proxi- mité de l'encolure & de la tête du cheval , & de l'autre les attaches & les ufages des mufcles divers qui concourent à leurs actions, pour être convaincu de leur étroite corref- pondance & de leur intimité mutuelle & réciproque. On ne voit prefqifaucun de ces inftrumens defHnés à abaiffer, à fléchir , à étendre , à élever , à mouvoir latéralement & femi-circulairement la tête , qui ne fè propagent & qui n'aboutiffent par l'une de leurs extrémités dans une multitude de points difïërens du cou du cheval \ j'en ap- perçois même pîufieurs de ce même cou, qui lorsqu'ils en opèrent l'extenfion , contri- buent en même temps à certains mouve- mens de la tête. Daus cet état , il n'eft pas permis de douter que l'aptitude &: l'aifimce avec lefquelles l'encolure fe prêtera dans tous les feus divers , aideront inconteftablement à la jufte pofition de cette partie , à la fran- chifè & à la fureté de la bouche , & confé- quemment à l'exacte précifion des effets des rênes. De toutes les portions extérieures & mo- biles du corps . de l'animal , l 'encolure eft aufïi la première que nous devons tenter d'a/fouplir. Je dis la première ; car tout homme digne du nom d'homme de che- val , doit être perfuadé par l'expérience au- tant que par la théorie, de l'indifpenfable jaécefîïté d'opérer fuccefîîvement &i féparé- ENC ment fur chacune d'elles. La plupart des dé» réglemens & des défbrdres auxquels nom- bre de chevaux s'abandonnent , n'ont d'au- tre fource en effet que l'indifcrétion & la- profonde ignorance du cavalier qui agit in- différemment , fans diftinction , fans choix , fans ordre & fans mefure , & qui , confon- dant toutes les parties enfèmble , exige d'elles une union & une harmonie dont elles ne peuvent être parfaitement capables qu'autant qu'elles y ont été préalablement difpofées & préparées en particulier, & que la foupleffe des unes & des autres a prévenu l'accord dans lequel il s'efforce inutilement de les mettre. Suppofons d'abord qu'enfiiite des diffé- rentes opérations d'une main également ferme , douce & active , le cavalier fbit déjà parvenu , dans une allure tranquille Se en quelque manière écoutée , à déterminer l'encolure , félon la nature de l'animal , à des mouvemens de flexion ou d'extenfïon , tels qu'il a dû les lui fuggérer pour com- mencer à fè placer , & pour reconnoître V appui ( voye{ PLACER , voye% TETE , ) il ne me reftera à examiner ici que les moyens de conlbmmer l'ouvrage , & d'aifouplir en- tièrement cette partie, en lui. imprimant les autres actions qui lui font permifès , c'eft- à-dire , en la dirigeant dans le fèns des flexions latérales , qui ne font autre choie que ce que nous entendons dans nos manè- ges par le terme de plis. Ces actions imprimées par la voie de la force , Iorfqu'on emploie à cet égard le caveçon , n'en demandent aucune de la part du cavalier , qui pour y parvenir n'a recours qu'à la puifîance de la bride :, elles ne doivent être produites , au contraire , que conféquemment à la fubtilité & au tempérament de la main favante qui tra- vaille , & nous avons dès-lors l'avantage , non feulement d'infpirer à l'animal une forte de goût pour le pli auquel nous l'in- vitons , mais de l'amener enfin à une pofi- tion régulière , agréable , & très-différente d'une attitude toujours fauffe , quand elle n'eft due qu'à la contrainte & à la vio- lence. Il eft certain que les effets des rênes , portés fur le champ jufqu'au point d'opé- rer le mouvement latéral dont il s'agit , ENC falfifieroient , par une imprefTîon trop vive , l'appui que ce même mouvement, jufte- ment & peu à peu incité , facilite & per- fectionne , &. exciteroient le cheval à fè roidir ou à ne céder qu'imparfaitement. Ils ne doivent donc point fe manifefter d'abord au delà de la tête j & tout ce que l'on doit en defirer & en attendre dans les commen- cemens , fe borne à mouvoir cette partie j de manière que fans abandonner la ligne perpendiculaire qu'elle décrit , & fans fauf 1er cette ligne par l'obliquité la plus lé- gère, elle puiffè être détournée de côté & d'autre , & fixée de façon que l'animal foit libre dans fa marche d'entrevoir le dedans. Son intelligence une fois frappée du fou- hait &; de la volonté du cavalier , & l'ha- bitude de cheminer ainli étant acquifè , il eft temps que ces mêmes effets s'exercent fur Yencolure déjà émue , s'il m'eft permis d'ufer de cette expreffion , par la première action confentie j mais fi Ton vouloit , aufii - tôt après ce confèntement gagné , vaincre tout-à-coup encore l'inflexibilité du cou , en négligeant inconsidérément d'obfèrver les degrés divers par lefquels on doit fuccefîîvement pafTer pour le conduire au période de foupleiTe auquel il importe néceflairement de le réfoudre , il n'eft pas douteux que l'on s'expofbroit également à la réfiftance de l'animal , & même à la perte totale du fruit de la première opé- ration. Il feroit allez difficile de déterminer en général la mefûre précife du pli à fiiggé- rer , parce qu'elle varie félon la îrrucWe des chevaux , & félon la conformation de Yencolure. Elle peut être néanmoins con- nue relativement à chacun d'eux en parti- culier } car il eft conftant que dès que l'ef- fet delà main du cavalier qui agit avec con- noiffance , & en fuivant les gradatious , c'efK à -dire, en augmentant toujours imper- ceptiblement la flexion , fe tranfmet jufque fur l'épaule , & l'entreprend , cette mefùre eft outre-paffée. Il faut cependant faire attention à la direction de la rêne qui opère. Imaginons , pour nous rendre plus intel- ligibles , que notre intention eft de plier la tête ou Yencolure à droite ; la rêne de ce E N C 351 côté doit effectuer le pli. i°. J'en propor- tionnerai la force au plus ou moins de fèn- fibilité de l'animal : z°. dès que je m'ap- percevrai que la réfiftance eft à un certain point , je céderai , pour reprendre aufii-tôt après que j'aurai rendu , afin de ne pas endommager la bouche par une oppofition indiferette ; 30. j'accompagnerai l'action de ma main , s'il en eft befoin , d'une légère action de ma jambe droite , qui , en chaffant la partie droite de l'arriére- main feulement en avant , & non de côté , in- vitera l'animal à fe prêter avec plus d'ai- fance : 40. je tempérerai l'effet de ma rêne droite par l'effet de ma rêne gauche , que je modérerai de manière qu'elle ne nuifè point à mon deffein ^ & je ne la laifTerai point abfolument oifive , dans la crainte que la puiffance de la première n'étant point contre-balancée , elle ne détermine la tête dans Je fens oblique & défectueux dont j'ai parlé. 5°. La direction de cette même rêne gauche fera mixte , c'eft-à-dire , qu'en même temps que je lui imprimerai une feibîe tenfion , par le port infenfible de ma main à moi , je la croiferai imper- ceptiblement dn côté de dedans , pour maintenir d'une part , ainfi que je viens de le dire , la tête dans fon à plomb , & pour aider à féconder de l'autre le port de cette même partie & de Yencolure à droite. 6°. Enfin , la direction de ma rêne droite fera telle que , dans fa tenfion , elle répon- dra toujours , dans le plan incliné qu'elle décrit , directement à la branche qu'elle meut , fans fe détourner de la ligue , ou fans être croifée } parce que dès que l'ani- mal eft dans le pli , pour peu qu'elle foit portée en dehors , elle opère fur fon épaule , & ne le met pas moins dans une fujétion qui le révolte , fi le cou n'eft point fiiffi- famment aflbupli , qu'une flexion trop ex- celîive & trop outrée. Quelque efficaces que foient les unes & les autres des aides que je viens de détail- ler , il s'agit néanmoins de diftinguer en- core celles qui conviennent aux diverfes efpeces de chevaux. Ceux qui fè plient avec le plus de facilité , communément s'encapuchonnent } on les défarmera en éloignant la main du corps , & par le moyen des deux rênes enfemble. Il en eft 35* ENC d'autres , &c le nombre en eft çpafiderabte, qui dans cette attitude pefent ou tirent . s'abaiflènt fur le devant ou portent bas. Le premier de ces défauts eft le plus fouvent occalloné par le cavalier , qui ne celle de tenir le cheval afîèrvi , tandis qu'il devroit toujours rendre fubtiîement anffi-tôt qu'il l'a fournis au pli , & reprendre doucement 6c moëîleufement , au moment où l'animal tente d'en fortir : c'eft très- fréquemment aum* la contrainte de la main , plutôt que la contrainte de la fituation dans laquelle , lorfque nous foulageons favamment les bar- res , le cheval femble même fe plaire , qui fait naître en lui l'averfion & la répu- gnance qu'il témoigne pour cette a£Hon. Les chevaux qui portent bas doivent être travaillés fur les lignes droites , & peu exercés fur les cercles \ & l'on peut encore imputer au cavalier cette pofition défagréa- ble , puifqu'il étoit en fon pouvoir de s'y oppofer & de la prévenir, en dirigeant l'effet de fes rênes en avant , & en relevant l'animal par le fecours & par l'action ré- pétée de celle de dehors. Enfin , il en eft qui montrent beaucoup plus de liberté à une main qu'à l'autre : ceux-là demandent un travail plus confiant fur la main qui leur eft plus difficile. Du refte ]e ne prononcerai point ici entre les écuyers qui prétendent qu'il fufïït d'amener le bout du nez du cheval en de - dans , & ceux qui foutiennent que le pli ne fauroit être trop confidérable. Les pre- miers font fans doute peu éclairés fur les avantages qui réfultent de la fouplefle de ïencolure , & ne devraient pas ignorer que qui peut le plus , peut le moins ; & les féconds n'ont jamais apparemment connu ce milieu fi difficile à faifir en toutes chofes , ck d'où dépendent dans notre art la juftefTe , la fineffe & la grâce de l'exécu- tion. ( e ) ENCOiMBOMA, f. m. (Antiq.) forte de petits manteaux qui n'étoient portés que par les efclaves fur l'épaule gaucfie. ENCOMBRE , f. C. { Archiu ) ruines entanees les unes fur les autres , & iai- fant embarras dans quelques partages. ENCOMBRÉ , adj. ( Jurifpr. ) fignifie embarrajfé. Mariage encombré fe dit , en Normandie , lorfque le mari a aliéné quel- ENG que héritage <îe fa femme. Voyei Mariage encombré. ( A ) ^ ENCOMBREMENT , f. m. ( Marine. ) c'eft l'embarras que caufe-nt dans mi vaif- feau les marchandifes qui font d'un gros volume & tiennent beaucoup de place , comme des balles de plumes , de chanvre , du liège , &c. Lcrfqu'il s'agit du fret des marchandifes , on en fait l'évaluation ftii- vant X encombrement , c'eft-à-dire , par rap- port à l'embarras qu'elles peuvent caufer , eu à la place qu'elles peuvent occuper dans le vaiffeau. ( Z ) ENCOQUER, v. a&. (Marine.) c'eft faire couler un anneau de fer ou la boucle de quelque cordage , le long de la vergue pour l'y attacher. L'étrope des pendans de chaque bras eft encoqué dans le bout de la vergue. (Z) ENCOQUURE ou ENCOCURE , f. m. ( Marine. ) c'eft cet enfîlement qui fait entrer le bout de la vergue dans une boucle ou dans un anneau , pour y fuf- pendre quelque poulie ou quelque boute- dehors. C'eft auflî l'endroit du bout de chaque vergue où l'on amarre les bouts des voiles par en haut. Uencocure au fer des boute- dehors eft à-peu-près à un quart de diftance du milieu de la vergue. ( Z ) ENCORBELLEMENT , f. m. en ar- chitecture , toute faillie portant à faux au delà du nu du mur , comme confole-cor- beau , &c. ( P ) ENCORNAIL , Trou ou Trous dv Clan , (Marine) c'eft un trou ou une mortoife qui fe pratique dans l'épaifteur du fbmmet d'un mât le long duquel court la vergue, par le moyen d'un rouet de poulie dont ïencornail eft garni } ie- tague y palfe & faifit le milieu de la vergue , pour la faire courir le long du mât. (Z) ENCORNÉ , adj. {Manège , Maréchal!.) javart encorné , atteinte encornée ; épithete dont nous nous fervons pour défigner la fituation plus dangereufe de l'une & de l'autre de ces maladies , c'eft-à-dire , leur pofition dans le voifinage de la couronne : alors elles peuvent donner lieu à de vrais ravages , fur-tout fi la fuppuration qui doit eu réfulter fe creufe des finus , & fi la matière ENC $pere fuppurée flue & cùfcend dans l'ongle même. Voyt\ Javart. (e) ENCOUDER, v. ach (Agricuh.).W fe dit d'un cep de vigne ; c'eit lui faire faire un coude en l'attachant à l'échalas. Voye\ Vigne. ENCOURAGER, v. aa. donner du courage. Voye\ COURAGE. * ENCOURIR , v. ad. ne fe prend jamais qu'en mauvaife part; c'elt s 'attirer 9 mériter } fubir. Certains écrivains ont en- couru la haine de tous les gens de lettres _, par la manière outrageante dont ils en ont traité quelques - uns ; le mépris des gens fcnfés , par le fpecbcle indécent de leurs convulfions ; & la fé vérité du gou- vernement y par les troubles qu'on en crai- gnoit. ENCOURIR, (furifpr. ) lignifie s'at- tirer, fubir quelque peine : par exemple, encourir une amende 9 c'eft fe mettre dans le cas de la devoir. L'amende eft encou- rue lorfque la contravention eft commile. On dit de même encourir la mort civile , une cenfure y Une excommunication. Il y a des peines qui font encourues ipfo faclo _, c'eft-à-dire , de plein droit ; d'autres qui ne le font qu'après un jugement qui les déclare encourues. V. AMENDE , Mort civile , Censure , Excommunica- tion. (A) ENCOUTURÉ , adj. (Marine.) bor- dages encouturés l'un fur l'autre ; il fe dit des bordages qui patient l'un fur l'autre , au lieu de fe joindre carrément. Les ba- teaux chalands de la Loire font fort légers & vont à la voile ; ils ne font bâtis que de planches encouturées l'une fur l'autre , jointes à des pièces de liûre qui n'ont ni plats-bords , ni matières pour les tenir fermes. ENCRAINÉ, ^.(MaréchalL) che- val e ne rainé y pour dire égaroté. Ce mot n'en1 plus d'ufage. Voyei ÉGAROTÉ. ENCRATITES, f. m. pi. (Hifi. eccléf) hérétiques qui s'élevèrent dans le deuxième fiecle. L'auteur de cette fecte étoit Tatien , difciple de S. Juftin martyr , homme élo- quent , & qui avoit même écrit en faveur de la religion chrétienne ; mais après la mort de fon maître , il tomba dans les erreurs de Valentin , de Marcion & de Tomt XII, ENC m Saturnin. Il foutenoit , entr'autres chofes , qu'Adam n'étoit pas fauve , &: traitoit le mariage de corruption & de débauche , en attribuant l'origine au démon. De là fes fe&ateurs furent nommés Encratites ou Continens. Ils s'abftenoient de la^hair des animaux & du vin , dont ils ne fe fervoient pas même dans l'Euchariftie ; ce qui leur fit auffi donner le nom d' 'Aquariens & d'Hydropa raflâtes. Ils fondoient cette averfion pour le vin fur ce qu'ils s'jmaginoient que cette liqueur étoit une production du diable , alléguant en preuve l'ivrefle de Noé & la nudité qui en fut la fuite ; ce n'eft pas qu'ils refpec- taflent fort l'autorité de l'ancien teftament ; ils n'en admettoient que quelques paffages qu'ils tournoient à leur fantauie. Fleury , hifi. eccléf. tome 1 3 liv. IV 9 titre viij 9 P. 43C (G) ENCRE A ÉCRIRE, f. t (Arts.) en Latin atramentum feriptovium , liqueur noire compofée d'ordinaire de vitriol ro- main & de noix de galle CQncaflees , le tout macéré , infufé & cuit dans fuffifante quan- tité d'eau , avec un peu d'alun de roche ou de gomme arabique , pour donner à k liqueur plus de confiftance. Entre tant de recettes d'eRcre À écrire 9 nous nous contenterons d'indiquer celles de MAL Lémery & Geoffroy ; le lecteur choiiira , on même les perfectionnera. Prenez, dit M. Lémery, eau de pluie, fix livres ; noix de galle concaffée^ ieize onces. Faites les bouillir à petit feu dans cette eau jufqu'l réduction des deux tiers ; ce qui formera une forte décoction jau- nâtre , dans laquelle les noix de galle ne lùrnageront plus : jettez - y gomme arabi- que pulvérifée , deux onces , que vous aurez fait difîbudre auparavant dans du vinaigre en quantité fuffifante. Mettez en- iuite dans la décoction , coupe-rofe ou vi- rriol romain , huit onces ; donnez encore à votre décoction , devenue noire , quel- ques légers bouillons ; lajffez-la repofer. Enfin, verfez-la doucement & par in- clination dans un autre vaifTeau pour votre ufage. Prenez , dit M. Geoffroy , eau de ri- vière , quatre livres ; vin blanc , deux livres : noix de galle d'AIep pilées , fix 354 E N C onces. Macère?: pendant vingt-quatre heu- res , en remuant de temps en temps votre infufion. Faites-la bouillir enfuite pendant une demi-heure-, en l'écumant avec un petit baron fourchu élargi par le bas ; retirez Iq. vaiffeau du feu. Ajoutez à votre cécoction , gomme arabique , deux onces ; vitriol romain , huit onces ; alun de roche , trois onces. Digérez de nouveau pendant vingt-quatre heures ; donnez-y maintenant quelques bouillons : enfin , paffez la décoction refroidie au travers d'un linge. On fait même de Yencre fur le champ , ou du moins une liqueur noire , par le mélange du vitriol verd avec la teinture de noix de galle. Cette couleur noire vient de la prompte révivification du fer contenu dans ce vitriol ; & cela eft fi vrai , que la noix de galle fans vitriol , mais feulement jointe avec de la limaille de fer , donne une pareille teinture , dès qu'elle a eu le temps de divifer ce fer qui eft en limaille. Ainfi le vitriol dont on fait Yencre y eft du fer diflbus par un acide avec lequel il eft intimement mêlé ; la noix de galle eft un alkali qui s'unit avec les acides , & * leur fait lâcher le fer qui reparoît dans fa noirceur naturelle. Voilà la méchanique de X encre y aufl] des quatre efpeces de vitriol , celui qu'on appelle vitriol de Chypre ou de Hongrie y eft le feul qui ne fafle point d'encre , parce que c'eft le feul dont la bafe foit defeuivre , au lieu que dans les autres c'efl: du fer.. Si rprès que Yencre eft faite , on y jette «quelques gouttes d'efprit de vitriol , la cou- leur noire difparoit^ parce que le fer fe réunit au nouvel acide, & redevient vitriol ; par la même raifon les acides effacent les taches à'encre. C'efl avec les végétaux tels que le fumac , les rofes , les glands , &c. eue fe fait Yencre commune. Article de M. le Chevalier de J AV COURT.. ENGRE NOIRE à V uf âge de l'impri- merie. Celle dont on fe fert pour l'impref- £on des livres , eft un mélange d'huile & de noir ; on convertit cette huile en vernis jpar la cuifîbn : le noir fe tire de la poix aiéfine , on retient artiftement toutes les parties qu'exhale la fumée de c< ne forte 4e. coix quand on. vient, à. la br.ûler dans E N C une bâtifte faite exprès , nommée dansî tl profeflion fac à noir • on le décrira dans la fuite de cet article. Le vaiffeau dans lequel l'on veut faire le vernis d'imprimerie , peut être de fer , de fonte ou de cuivre ; de ce dernier métal il eft fait affez ordinairement en forme de poire , & on le nomme ainfi : les autres font tout fimplement de la figure & forme d'une chaudière ordinaire. De quelque matière que (bit le vaiffeau , & quelque forme qu'on lui fuppofe , il doit avoir un couvercle de cuivre, avec lequel on puifîé à volonté le boucher très-exaclement. Le corps de ce vaiffeau doit être armé vers le milieu de j deux anneaux de fer , un peu plus hauts que le niveau du couvercle qui a aufli le fien : ces anneaux fervent à paffer un ou deux bâtons , au moyen defquels un homme à chaque bout peut , fans rifquer , porter & transporter ce vaiffeau , lorfqu'on veut le retirer de defîùs le feu , ou l'y remettre. Tour fe précautionner contre tous les accidens qui peuvent arriver , il eft de la prudence , pour faire ce vernis , de choifir un lieu fpacieux, tel qu'un jardin , & même d'éviter le voifinage d'un bâtiment. Si , comme je. le fuppofe, on veut faire cent livres de vernis, réduction faite ; met- tez dans votre poire ou chaudière cent dix à cent douze livres d'huile de noix ; obfer- vez que cette quantité , ou que celle que peut contenir votre vaiûeau , ne le rem- pliffe qu'aux deux tiers au plus , afin de donner de l'aifance à l'huile , qui s'élève à mefure qu'elle s'échaufte. Votre vaiffeau en cet état , bouchez le très-exaderhent , & le portez fur un feu clair que vous entretiendrez l'efpace de deux heures. Ce premier temps donné à la cuiffon, fi l'huile eft enflammée , comme cela doit arriver , en ôtant votre poire de deffus le feu , chargez le couvercle de plufieurs mor- ceaux de vieux linges ou étoffes imbibées d'eau. Laiflèz brûler quelque temps votre huile , à laquelle il faut procurer ce degré de chaleur , quand elle ne le prend pas par elle-même , mais avec ménagement & à différentes fois. Ce feu ralenti , découvrez votre vaiffeau avec précaution , & remuez beaucoup votre huile avec la cuiller de fer i ce. remuait ne peut être trop rénété ; c'e# E N C de lui d'où dépend en très-grande partie la bonne cuiffon. Ces chofes faites , remettez votre vaiffeau fur un feu moins vif ; & dès l'inftant que votre huile reprendra chaleur , jetez dans cette quantité d'huile une livre pefant de croûtes de pain feches , & une douzaine d'oignons ; ces chofes accélèrent le dégraiffement de l'huile ; puis recouvrez votre vaiffeau , & le laiffez bouillir à très- petit feu trois heures confécutives ou envi- ron : dans cet efpace de temps , votre huile doit parvenir à un degré parfait de cuifîbn. Pour le connoître & vous en af- furer , vous trempez la cuiller de fer dans votre huile , & vous faites égo utter la quan- tité que vous avez puifée , fur une ardoife ou une tuile : fi cette huile refroidie eft gluante , & file à-peu-près comme feroit une foible glu , c'eft une épreuve évidente qu'elle eft à fon point , & dès-lors elle change ion nom d'huile en celui de vernis. Le vernis ainfi fait doit être tranfvafé dans des vaifTeaux deftinés.àle conferver ; mais avant qu'il perde fa chaleur , il faut le paffer à plusieurs reprifes dans un linge de bonne qualité , ou dans une chauffe faite exprès , afin qu'il foit net au point d'être parfaitement clarifié. L'on doit avoir de deux fortes de vernis ; l'un foible , pour le temps froid ; l'autre plus fort , **poùr le temps chaud. Cette précaution eft d'autant plus indifpenfable , que fouvent on fe trouve obligé de modifier ou d'accroître la qualité de l'un par celle de l'autre. On peut faire le vernis foible au même feu que le vernis fort , mais dans un vaiffeau féparé : on peut aufiî employer , & c'eft mon avis , pour ce vernis l'huile de lin , parce qu'à la cuifîbn elle" prend une couleur moins brune & moins chargée que celle de noix ; ce qui la rend plus propre à ïencre rouge dont nous allons parler. Le vernis foible , pour fa perfection , exige les mêmes foins & précautions que le vernis plus fait' : toute la différence confifte à ne lui donner qu'un moindre degré de feu , mais ménagé de telle forte néanmoins , qu'en lui faifant acquérir pro- portionnellement les bonnes qualités du vernis tort , il foit moins cuit , moins épais , & moins gluant que le fort. J Si 1 on veut faire ce demi-vernis de la même huile de noix dont on fè fert pour le vernis fort , ce qui n'eft qu'un péris in- convénient , lorfqu'il s'agit de l'employer pour faire Y encre rouge , ou s'épargner la peine de le faire féparément & de diffé- rente huile , il eft tout fimple de faifir l'oc- cafion de la première cuifîbn de l'autre à l'inftant qu'on lui reconnoîtra les qualités requifes , & d'en tirer la quantité defirée , & même de celle qui eft fur le feu. Les huiles de lin & de noix font les feu- les propres à faire le bon vernis d'impri- merie ; celle de noix mérite la préférence à. tous égards : quant aux autres fortes , elles ne valent rien , parce qu'on ne peut les dégraiffer parfaitement , & qu'elles font maculer l'impreffion en quelque temps qu'on la batte , ou qu'elle jaunit à mefure qu'elle vieillit. Cependant dans quelques imprimeries on ufe de celles de navette & de chan- vre , mais c'eft pour imprimer des livres de la bibliothèque bleue : ce ménage eft de fi peu de conléquence , que l'on peut af- furer que c'eft employer de propos déli- béré de mauvaife marchandife. Il y a des imprimeurs qui croient qu'il eft nécefîaire de mettre de la térébenthine dans l'huile pour la rendre plus forte , & afin qu'elle feche plutôt. Elle fait ces effets, mais il en réfulte nombre d'inconvéniens. La première difficulté eft de la faire cuire fi précifément , qu'elle n'épaiflifîè pas trop le vernis ; ce qu'il eft très-rare d'éviter : alors le vernis eft fi fort & fi épais , qu'il effleure le papier fur la forme , &. la rem- plit en fort peu de temps : fi la térében- thine eft cuite à fon point , elle forme une pâte afîèz liquide , mais remplie de petits grains durs & comme de fable qui ne fè- broient jamais. La térébenthine , ainfi que la litharge , dont quelques-uns ufènt , & font un fecret précieux, ont encore le défaut de s'at a- cher fi fort au caractère , qu'il eft prefquc impoflîble de bien laver les formes, quelque chaude que foit la lefiive ; d'ailleurs , elles fechent & durciffent fi promptemenr , qu'outre qu'elles nuifent à la diftriburion des lettres , tant elles font collées les unes- contre les autres, elles en rempliffent encore Yy a 35* E N C l'œil au point qu'il n'y a plus d'efpérance de le vuider ; ce qui met un caractère qui a peufervi, dans l'état fâcheux d'être remis à la fonte. Dans le cas où par défaut de précaution l'on emploieroit pour faire du vernis , de Fhuile très-nouvellement faire , la térében- thine eft d'un ufage forcé , parce qu'alors il eft inévitable que l'impreflion ne macule pas ; dans cette conjoncture on peut mettre la dixième partie de térébenthine que l'on fera cuire féparément , dans le même temps, en lieu pareil que le vernis , & avec les mêmes précautions. On lafera bouillir deux heures environ: pour reconnoître Ion degré de cuiffon , on y trempe un morceau de papier ; & s'il le brife net cçircme la pouf- fiere , fans qu'il relie rien d'attaché defîùs ce papier en le frottant fi-tôt qu'il fera lèc , la térébenthine eft allez cuite. Votre vernis hors de defïus le feu , vous vcrfez dans 1« même vaifïeau cette térébenthine en re- muant beaucoup avec votre cuiller de fer ; enfuite on remet le tout fur le feu l'efpace d'une demi-heure au plus fans ceflér de remuer , afin que le vernis fe mélange avec la térébenthine. Le moyen de fe difpenfer de l'Ufàge de la térébenthine & de la li- tharge, & de fe garantir des inconveniens qu'elles produifent , c'eft de n'employer que de l'huile très-vieille. Le fac à noir eil construit de quatrepetits foliveaux de trois ou quatre pouces d'équar- riffage & de fept à huit pies de hauteur, foutenus de chaque côté par deux traver- fès ; fes dimenfions en tout fens dépendent de la volonté, de celui qui le fait conffruire ; le deflus efl un plancher bien joint Ck bien fermé; le fond ou rez-de- chauffée, pour plus grande fûretc, & propreté, doit être eu pavé oii carrrelé : vous réfervez à cette efpece de petite chambre une porte baffe pour entrer & for tir ; vous tapiriez, tout le dedans de cette chambre d'une toile bonne , neuve & ferrée , le plus tendue qu'il eil poflible avec des clous mis à dif- tance de deux pouces.les uns dss autres : cela fait , vous collez fur toute votre toile du papier très-fort , & vous avez, attention de calfeutrer les jours que vous apperce- vrez , afin que la fumée ne puiffe fortir d'aucun endroit. Un fac à uoiraimj tapiffé. E N C eft fumTant , mais il efl de plus de durée, fit bouche beaucoup plus exactement garni avec des peaux de mouton bien tendues. C'efl dans ce fac que fe brûle la poix, réfine dont on veut tirer le noir de fumée : pour y parvenir , on prépare une quantité de poix réfme , en la faifant bouillir & fondre dans un ou plufieurs pots , fuivant la quan- tité ; avant qu'elle foit refroidie , on y pique plufieurs cornets de papier ou des mèches foufrées ; on pofe les pots avec ordre au milieu du fac ; enfin , on met le feu à ces mèches , & on ferme exactement la petite» porte en fe retirant. Lapoixréfineconfommée , la fumée fera attachée à toutes les parties intérieures du fac à noir ; & quand ce fac fera refroidi , vous irez couvrir les pots &; refermer la porte ; puis frappant avec des baguettes, fur toutes les faces extérieures , vous ferez tomber tout le noir de fumée , alors vous? le ramaflez & vous le mettez dans un vaif- feau de terre ou autre. Comme il arrive qu'en le ramafïant avec un balai il s'y mêle quelques ordures , vous avez la précaution, de mettre au fond du vaifïeau une quan- tité d'eau ; & quand elles font précipitées ,. vous relevez votre noir avec une écumoire ? ou au moyen de quelque autre précaution , pour le mettre dans un wafieau propre à le conferver. Ge noir de fumée efl fans contredit le meilleur que l'on puilfè em- ployer pour ïencre d'imprimerie , il en entre deux onces & demie iur chaque livrer de vernis ; je fuppofe la livre de feize onces : cependant c'eft à l'œil à déterminer- par la teinte de Y encre la quantité de noir. Pour bien mêler le noir de fumée avec le. vernis , il fuffit d'être très-attentif en les mêlant enfemble , de les„mêler à difFéren- tes reprifes , & de les remuer à chaque fois beaucoup, & de façon que le tout forme. une bouillie épaifîe , qui produife une grande quantité de fils quand on la cHvife par parties. Il eft d'u(age dans quelques imprimeries1 de ne mêler le noir de: fumée dans le vernis- que fur l'encrier ; le coup - d'ail décide également de la quantité des deux chofès. Je ne vois à la compofnion de cette encre aucun inconvénient , fi ce n'eft celui de craindre que l'on ne broie pas afîez ce mé- lange , parce que cela demande du temps y E N C bu que Y encre y ainfi faite par différentes mains , ne foit pas d'une teinte égale dans la même imprimerie : d'où j'intere qu'il vaut mieux avoir (on encre également pré- parée, fans Te fier trop aux compagnons. Encre rouge : on iè fert de cette encre afTez fréquemment, & prefque indilpen- "fablement dans l'impreflion des bréviai- res , diurnaux , & autres livres d'églife ; quelquefois pour les affiches des livres , & par élégance aux premières pages. Pour l'encre rouge 9 le vernis moyen eitle meilleur que l'on puiflè employer ; il doit être fait d'huile de lin en force & nouvelle , parce qu'elle ne noircir pas en cuilant comme celle de noix , & que ce vernis ne peut être trop clair. On fupplée au noir de fumée le einnabre ou vermillon bien fec & broyé le plus fin qu'il ef! poflible. Vous mettez dans un encrier , réiérvé à ce feul ufàge , une petite quantité de ce vernis , lur lequel vous jetez partie de vermillon ; vous remuez & écrafez le tout avec le broyon ; vous relevez avec la palette de l'encrier cette première partie d'encre au fond de l'encrier ; vous répétez cette manœuvre à plufieurs reprifes-, jufqu'à ce que vox^s ayiez employé , par fup- polition , une livre do vernis , & une demi- livre de vermillon. Plufieurs perfonnes mê- lent dans cette première compofition , trois ou quatre cuillerées ordinaires d'efprit-de— vin ou d'eau-de-v-ie , dans laquelle on a fait difîbudre , vingt-quatre heures avant, un morceau de colle de poiflon de la grofTeur d'une noix. J'ai reconnu par expérience que ce mélange ne rempliiîant pas toutes les vues que l'on fe propoibit , il étoit plus certain d'ajouter pour la quantité donnée d'encre rouge y un gros & demi de carmin le plus beau ; il rectifie la couleur du vermillon , qui fouvent n'efl pas auffi parfaite qu'on la fouhaiteroit ; il ajoute à fon éclat , & l'em- pêche de ternir : cela eft plus difpendieux , je l'avoue , mais plus fatisfaifant. Quand donc vous aurez ajouté ces choies , vous recommencerez de broyer votre encre de façon qu'elle ne foit ni trop forte , ni trop foible, ï encre rouge forte étant très-f Irjetre à empâter l'œil de la leuxe. Si vous ne confom- mez pas , comme cela arrive , tout ce que vous avez fait d' encre rouge .,• pour la con- ferver , relevez votre encrier par le bord , E N C ?57 & rempîifîez-le d'eau que vous entretien- drez , afin que le vermillon ne feche pas & ne fè mette pas en petites écailles lur la fur- face du vernis , dont il fe fépare par l'effet du haie & de la fécherefïe. Quoiqu'on n'emploie ordinairement que les deux fortes â* encre dont nous venons de parler , on peut probablement en faire de différentes couleurs , en fubfbtuant au noir de fumée & au vermillon les ingrédiens néceffaires , & qui produifent les difîcren- tes couleurs. On pourroit , par exemple, faire de ïencre verte avec le verd-de-gris calciné & préparé ; de la bleue > avec du bleu de Prufîe auffi préparé; de h jaune? avec de l'orpin ; de la violette 3 avec de la laque fine calcinée & préparée , en broyant bien ces couleurs avec du vernis pareil à celui de notre encre rouge. La préparation du verd-de-gris , du bleu de PrufTe , & de la laque fine , confifte à y mêler du blanc de cerulepour les rendre plus claires : fans cela ces couleurs rendroient Y encre trop foncée. Cet article eft de M. Le BRETON. Encre de la Chine, eitune compo- fîtion en pain ou en*bâton , qui , délayée avec de l'eau ou de la gomme arabique , & quelquefois un peu de biftre ou de fan- guine , fèrt à tracer & à laver les deflîns. Elle fe prépare avec du fain-doux. Mettez- en deux livres dans une terrine : placez au milieu une mèche allumée: couvrez le tout* d'un plat verniiTé -, ne -laiiîant que le moinsr d'ouverrure qu'il fera poffible entre la ter» rine & le plar. Lorfque vous aurez laifîe brûler votre mèche pendant un certain temps , ramaffez le noir de fumée qui fe fera formé au plat : calcinez-le, ou le dégraifTez, - Encre sympathique , ( Phyfiq, ■ Chym. ) on appelle encres fympathiques ? > toutes liqueurs avec lefquelles on trace des caraderes auxquels il n'y a qu?un moyen', fecret qui puifle donner une couleur autre que celle du papier. On les diflribue refque tous ks fucs. glutincux & noa ENC 3ç<, colorés , exprimés des fruits & âes plantes ; le lait des animaux , ou autres liqueurs grafîes & vifqueufes. On écrit avec ces liqueurs ; & quand l'écriture eft feche , on fait pafîêr deiïus , légèrement & en remuant le papier , quelque terre colorée réduite en poudre fubtile , ou de la pou- dre de charbon. Les caractères refteront colorés , parce qu'ils font formés d'une eipece de glu qui retient cette poudre fubtile. Enfin , la quatrième clafîê eft celle de ces écritures qui ne font vifibles qu'en les chauffant. Cette claffe eft fort ample , & comprend toutes les infufions & toutes les difîblutions dont la matière diiîbute peut fe brûler à très- petit feu , & fe réduire en une efpece de charbon. En voici un exem- ple qui fuffira. DifTolvez un fcrupule de Ici ammoniac dans deux onces d'eau pure ; ce que vous écrirez avec cette folution ne paroîtra qu'après l'avoir échauffé fur le feu , ou après avoir paifé deifus un fer un peu chaud. Il y a grande apparence que la partie graffè & inflammable du fel am- moniac fe brûle & fe réduit en char- bon à cette chaleur , qui ne fufrlt pas pour brûler le papier. Au refte , cette écriture étant fujette à s'humeâer à l'air, elle s'étend , les lettres fe confondent , &: au bout de quelque temps elles ne font plus diftinguées ou féparées les unes des autres. Quand l'écriture inviiible a une fois paru par un de ces quatre moyens , elle ne difparoît plus , à moins qu'on ne verfe deffùs une liqueur nouvelle , qui faife une féconde difïblution de la matière préci- pitée» L'encre Jympathique de M. Hellot , après avoir paru , difparoît & reparoît enfuite de nouveau tant que l'on veut , fans aucune addition , fans altération de couleur , fc pendant un très-long temps , fi elle a été faite d'une matière bien conditionnée. C'eft. en l'expofant au feu & en lui donnant un certain degré de chaleur , qu'on la fait pa- roitre ; refroidie elle difparoît , & toujours ainfi de fuite- Cette encre n'a la finguîariré de diipa- roître après avoir paru , que quand on, ne- tfo E N C l'a cxpofée au feu que le temps qu'il fal- loir pour la faire paroître , ou un peu plus ; fi on l'y tient trop^ long - temps , elle ne difparoît plus en fe refroid iffant ; tout ce qui faiioit le jeu des alternatives d'apparition & de .difparition a été en- levé : elle rentre donc alors dans la clafîê des encres fympathiques commu- nes qui fe rapportent au feu. Cette encre eft fufceptible d'une poufllere colorée , & enfin il y a une liqueur ou une va- peur qui agit fur elle. Quand elle efl d,ms fa perfection , elle eft d'un verd mêlé de bleu d'une belle couleur de lilas : alors cette couleur efl fixe , c'eft-à-dire , toujours la même , de quelque fens qu'on la regarde , quelle que foit la pofition de l'œil par rapport à l'objet &' à la lumière. JVIp.js il y a des cas où cette couleur eft changeante , félon que l'œil efl différem- ment pofé ; tantôt elle eft lilas fale , tan- tôt feuille morte ; & ce qui prouve que cela doit être compté pour une imper- fection & non pour un agrément , c'efl que X encre à couleur changeante ne pourra paroître ou difparoître que quinze ou feize fois ; au lieu que celle de couleur fixe fou- tiendra un bien plus grand nombre de pa- reilles alternatives. Si l'on veut que cette encre devienne de la clarTe qui fe rapporte à Pair., alors il faudra tenir l'écriture expofée à Pair pen- dant huit ou dix jours , elle fera de cou- leur de rofe. On altérera auffi le plus fou- vent fa couleur , en la faifant paiTer dans les autres claffes ; mais il paroît que ces deux couleurs extrêmes , ou les plus diffé- rentes , font celle de lilas & celle de rofe. M. Heliot , qui vit de cette encre pour la première fois entre les mains d'un artifle . Allemand , trouva dans les minéraux -de èifmuth , de cobolt & d'arfenic, qui con- tiennent de fazur, la matière colorante qui .£toit fon objet ; & l'on croira fans peine , comme le dit M. de JFontenelle , que M. Heliot a tiré de cette matière tout ce qu'elle a déplus caché. Article de M. le chevalier T)E Jaucourt. * ENCRENÉE , adj. fera, pris fubft. (■G roffes forges. ) C'efl ainfi qu'on appelle , -dans quelques ateliers , l'état que le fer prend fous le marteau lorfquil y eft porté ENC f pour îa féconde fois , au fortir de l'affinerie." Voye\ Forges. ENCRIER D'IMPRIMERIE : c'efl une planche de bois de chêne fur laquelle font attachées trois autres planches du même bois , dont une forme un dofferet , & les deux autres deux joues coupées & taillées en diminuant du côté ouvert & oppofé au dofîeret. L'ouvrier de la prefîe met fon encre dans un des coins , & en étend avec fon broyon une petite quan- tité vers le bord du côté ouvert , fur lequel il appuie légèrement une de fes balles quand il veut prendre de l'encre. L'encrier fe pofe fur le train de derrière de la prefîe , à côté ces chevilles. Voye% les planches d'imprimerie & l'article IM- PRIMERIE. ENCRINUS ou ENCRINITE , f. f. ( Hifi. nat. fojjil. ) Quelques naturalises donnent ce nom à une pétrification qui repréfente affez bien la figure d'un lis à cinq ou fix pétales qui ne font point en- core épanouies ; ce qui eft caufe que quel- ques auteurs Allemands la nomment lilien- flen , pierre de lis. Ces cinq pétales par- tent d'une tige compofée d'un afîem- blage de petites pierres , ou arrondies , ou anguleufes , qui fe féparent les unes des autres. Celles qui font arrondies fe nomment trochites ou entrochites ; celles qui font angulaires ou de la forme d'une étoile , fe nomment afiéries. M.»Walle.rius & d'autres naruraliftcs conjecturent que Yencrinus n'eft qu'une étoile de mer pétri- fiée. Agricola , /. Vy de nat.fojjîl. dit qu'il s'en trouve dans les foffés qui régnent au- tour des murs de la ville d'Hiideshein en Weftphalie.( — ) * ENCROISER, {Manufact. en foie, en laine y en fil , &c. ) C'efl la façon de donner de l'ordre aux différens brins de foie , "de laine , de fil , &c. qui compo- jfèat la chaîne. l/oye\ Encroix. Les brins doivent être parlés fuivant le rang de cet encroix , d'abord dans les lifîés , & en- fuite dans le peigne ; ordre ablolument néceffaire , puifque fans lui il feroit im- pofîlble de s'y reconnoître , & tout ferok en danger d'être perdu. On verra à Yar- ticle OURDIR , qu'il faut encroifer à deux brins lorfqu'on eil en haut de l'ourdifToir ; ce E N C ce qui arrive quand le brin fe trouve vis- à-vis de l'endroit où a commencé l'our- difîage. Voici comment fè fait l'encroix. L'ourdiflèur introduit le doigt index de la main dont il encroife ( les uns fe fer- vant de la droite , les autres de la gauche) , fur les deux brins, le pouce étant defïbus ces deux brins : il paiTe le pouce fur un des deux ; Yindex alorseft deflbu s : il con- tinue de fuite , & de même alternative- ment : il reprend toujours dans le même ordre jufqu'à ce qu'il fmifle , obfervant bien de ne fe pas tromper à cette alter- native. Les brins ainfi placés deux-à-deux fur ces doigts , font pofes fur les chevilles de l'encroix , d'où ils font enfaite conduits pêle-mêle fur la cheville voiiine de celles- ci , où eiT fixé le bout de la pièce. On les laifîê pendre pour être encroifés de nou- veau , & pour être de même placés fur les chevilles. Voye\ l'article OURDIR. ENCROIX , f. m. ( Manufact. en foie , fil , laine , &c. ) Ce font trois chevilles placées à demeure lùr les traverfes de deux des ailes du moulin , en haut. Ces chevilles font boutonnées par le bout, pour retenir les foies , qui fans cela s'échapperoient. Une de ces chevilles eft fixée fur une autre aile , & c'en1 ordinairement fur l'aile la plus pro- chaine des deux dont on vient de parler. Cette dernière cheville reçoit le bout de la pièce ; les deux autres qui font auprès , portent les foies encroifées ainfi qu'on verra aux articles 'OURDIR &ENCROISER. Ces chevilles fe trouvent répétées au bas de ce moulin , puifqu'il faut aufîi encroifer en bas. Si l'on ourdit de l'un à l'autre de ces encroix , la pièce contiendra 144 aunes de long ; c'eft la mefure la plus ordinaire , & 1 étendue des ourdiflbirs. Il y a encore un encroix mobile , qui confifte en une tringle de même forme que les traverfes qui por- tent les encroix fixes dont on vient déparier. Celui-ci n'eft pas plus long qu'il ne faut pour pouvoir entrer entre deux ailes du moulin : il eft chantourné par les bouts , fuivant le contour des ailes , qui étant les mêmes dans tout Pourditîoir y on le pofera où l'on voudra. Il doit être fait de façon qu'il entre jufte ^ & même un peu ferré. Les ailes par leur délicatefTe pouvant aifé- ment reculer un peu pour lui faire place . Tome XII. E N C 3*1 il eft mis communément au milieu : en ce cas fes bouts repofent fur les traverfes de ce milieu : mais fi on le vouloit mettre ailleurs , il faudroit avoir foin de lier les deux bouts avec les ailes qui le porteroient, de crainte qu'ils n'échappaffent malgré la petite gêne avec laquelle ils font entrés. Cet encroix mobile donne la facilité d'ourdir de telle longueur que l'on veut au delTous de 144 aunes ; mais lorfqu'on emplit PourdifToir en totalité , cet encroix eft vacant , & doit être ôté de defTus le moulin où il nuiroit. ? ENCROUÉ , adj. ( Jurifpr. ) terme d'eaux & forêts , qui fe dit d'un arbre lequel en tombant s'embarrafTe dans les branches d'un autre arbre qui eft fur pie- L'ordon- nance des eaux & forêts , tit. xv. art. 4.3, porte que les arbres feront abattus , en forte qu'ils tombent dans les ventes fans endom- mager les arbres retenus , à peine de dom- mages & intérêts contre le marchand ; que s'il arrivoit que les arbres abattus demeu- rafîént encroue's , les marchands ne pourront faire abattre l'arbre fur lequel celui qui fera tombé fe trouvera encroué , fans la per- miffion du grand-maître ou âes officiers » après avoir pourvu à l'indemnité du roi. M) ENCYCLOPEDIE , f. {.(Philofoph. ) Ce mot fignifie enchaînement de connoiffan- ces ,* il eft compofe de la prépofition Gre- que kv , en y & des fubftantifs *.vak® , cer- cle 9 & Tt^iiA , connoijjance . En effet , le but d'une Encyclopédie eft de rafîembler les connoiifances éparfes fur la furface de la terre ; d'en expofer le fyftême générai aux hommes avec qui nous vivons , & de le tranfmettre aux hommes qui vien- dront après nous ; afin que les travaux des fiecles pafTés n'aient pas été des travaux inutiles pour les fiecles qui fuccéderont ; que nos neveux , devenant plus inftruits , déviennent en même-temps plus vertueux & plus heureux , & que nous ne mou- rions pas fans avoir bien mérité du genre humain. Il eût été difficile de fe propofer un objet plus étendu que celui de traiter de tout ce qui a rapport à la cur'ofité de l'homme , à {'es devoirs , à Ces befoins & à fes plaifirs. Aufii quelques perfonnes accoutumées à Z z S*i E N C juger de la poflibilité d'une entreprife -, fur le peu de refïburces qu'elles apperçoivent en elles-mêmes , ont prononcé que jamais nous n'achèverions la nôtre. Voye\ le Dicl. de Trévoux , dernière ëdit. au mot Ency- clopédie. Elles n'entendront de nous pour toute réponfe , que cet endroit du chancelier Bacon , qui femble leur être particulièrement adrefîe. De impojjibilitate ità ftatuo y ea omnia pojjibilia Ù prœflabilia ejje cenfenda quœ ab aliquibus perfici pojjunt , licèt non à qiubufvis ; & quœ à multis conjunclim y licèt non ab uno ; & quœ in fuccejjîone fœculo- rum , licèt non eodem cevo ; Ù denique quœ multorum cura & fumptu y licèt non opi- bus Ù indufiriâ Jîngulorum. Bac. lib. II y de augment. fcient, cap. j , pag. 103. Quand on vient a confidérer la matière immenfe d'une Encyclopédie, la feule chofe qu'on apperçoive diftinâement , c'eft que ce ne peut être l'ouvrage d'un feul homme. Et comment un feul homme , dans le court efpace de fa vie, réufliroit-il à connoître & à développer le fyftême univerfel de la nature & de l'art ■ ? tandis que la fociété favante & nombreufè des académiciens <& la Crufca a employé quarante années à former fon vocabulaire , & que nos académiciens François avoient travaillé foixante ans leur dictionnaire , avant que d'en publier la première édition ! Cependant , qu'eft-ce qu'un dictionnaire de langue ? qu'eft-ce qu'un vocabulaire , lorfqu'il eft exécuté suffi parfaitement qu'il peut l'être ? Un recueil très-exact, des titres à remplir par un dictionnaire encyclopédique & raifonné. Un feul homme , dira-t-on , eft maître de tout ce qui exifte ; il difpofera à fon gré de toutes les richefTes que les autres hommes ont accumulées. Je ne peux convenir de ce principe ; je ne crois point qu'il foit donné à un feul homme de connoître tout ce qui peut être connu ; de faire ufage de tout ce qui eft ; de voir tout qui peut être vu •; de comprendre tout ce qui eft intelligible. Quand un dictionnaire raifonné des fciences & des arts >:e feroit qu'une combinaifon méthodique de leurs élémens , je.deman- derois encore à qui il appartient de faire de bons élémens ; fi Fexpofition élémentaire àes principes fondamentaux d'une fcience ou d'un art, eft le coupd'efrai d'un élevé, E N C ou le chef-d'œuvre d'un maître. Voye\V ar- ticle ÉLÉMENS DES SCIENCES. Mais pour démontrer avec la dernière évidence , combien il eft difficile qu'un feul homme exécute jamais un dictionnaire rai- fonné de la fcience générale , il fuffit d'in- fifter fur les feules difficultés d'un fimple vocabulaire. Un vocabulaire univerfel eft un ouvrage dans lequel on fepropofe de fixer la fignifî- cation des termes d'une langue , en définif- fant ceux qui peuvent être définis , par une énumération courte , exacte , claire & précife , ou des qualités ou des idées qu'on y attache. Il n'y a de bonnes définitions que celles qui raflemblent les attributs effentiels de la chofe défignée par le mot. Mais a-t-il été accordé à tout le monde de connoître & d'expofer ces attributs ? L'art de bien définir eft-il un art fi commun ? Ne fommes- nous pas tous , plus ou moins , dans le cas même des enfans , qui appliquent avec une extrême précifion , une infinité de termes à la place defquels il leur feroit abfolument impofïible de fubftituer la vraie collection de qualités ou d'idées qu'ils repréfentent ; De là , combien de difficultés imprévues , quand il s'agit de fixer le fens desexpref- fions les plus communes ? On éprouve à tout moment que celles qu'on entend le moins , font auffi celles dont on fe fèrt le plus. Quelle eft la raifon de cet étrange phéno- mène ? C'eft que nous fommes fans cefîe dans l'occafion de prononcer qu'une chofe eft telle ; prefque jamais dans la néceffité de déterminer ce que c'eft qu'être tel. Nos jugemens les plus fréquens tombent fur des objets particuliers , & le grand ufage de la langue & du monde fuffit pour nous diriger. Nous ne faifons que répéter ce que nous avons entendu toute notre vie. Il n'en eft pasainfi lorfqu'il s'agit de former des no- tions générales qui embraiïênt , fans excep- tion , un certain nombre d'individus. Il n'y a que la méditation la plus profonde & l'étendue de connohTances la plus furpre- nante qui puiffent nous conduire furement. J'éclaircis ces principes par un exemple : nous difons ,fans qu'il arrive à aucun de nous defè tromper , d'une infinité d'objets de toute ef- pece , qu'ils font de luxe ; mais qu'eft-ce que ce luxe que nous attribuons fi infaillible- E N C ment à tant d'objets ? Voilà la queftion à laquelle on ne fatisfait avec quelque- exacti- tude , qu'après une difcuffion que les per- fonnes qui montrent le plus de jufteffe dans --l'application du mot luxe > n'ont point faite, ne font peut-être pas même en état de faire. Il faut définir tous les termes , excepté les radicaux , c'eft-à-dire , ceux qui déiignent des fenfations fimples ou les idées abftraites les plus générales. Voyeur article DICTION- NAIRE. En a-t-on omis quelques-uns? le vocabulaire eft incomplet. Veut-on n'en excepter aucun? qui eft-ce qui définira exac- tement le mot conjugué , fi ce n'eft un géo- mètre ? le mot conjugaifon y fi ce n'eft un grammairien ? le mot a\imuth,{\ ce n'eft un aftronome ? le mot épopée 9 fi ce n'eft un littérateur ? le mot change } fi ce n'eft un commerçant ? le mot vice , fi ce n'eft un moralifte? le mot hypojîafe , fi ce n'eft un théologien ? le mot métaphyjique , fi ce n'eft un philofophe ? le mot gouge , fi ce n'eft un homme verfé dans les arts ? D'où je conclus que i\ l'académie Françoife ne réunilïbit pas dans (es aiïemblées toute la variété des connoiffances & des talens, il feroit impof- fible qu'elle ne négligeât beaucoup d'expref- fions qu'on cherchera dans fon dictionnaire , ou qu'il ne lui échappât des définitions faufîes , incomplètes , abfurdes , ou même ridicules. Je n'ignore point que ce fentiment n'eft pas celui de ces hommes qui nous entre- tiennent de tout & qui ne favent rien ; qui ne font point de nos académies ; qui n'en feront pas , parce qu'ils ne font pas dignes d'en être ; qui fe mêlent cependant de dési- gner aux places vacantes ; qui , ofànt fixer les limites de l'objet de l'académie Fran- çoife , fe font prefqu'indignés de voir entrer dans cette compagnie , les Mairan , les Maupertuis & les d'Alembert ; & qui ignorent que la première fois que l'un d'eux y parla , ce fut pour rectifier la définition du terme midi. On diroit , à les entendre , qu'ils prétendroient borner la connoiffance de la langue & le dictionnaire de l'acadé- mie a un très-petit nombre de termes qui ieur font familiers. Encore , s'ils y regar- doient de plus près ; parmi ces termes , en ïrouveroient-ils plufieurs , tels qu'arbre , ani- E N C 3*,, mal , plante , fleur , vice , vertu , vérité , force , loi , pour la définition rigoureufe defquels ils feroient bien obligés d'appeller à leur fecours le philofophe , le jurifcon- fulte , Phiftorien , le naturalifte ; en un mot, celui qui connoît les qualités réelles ou abftraites qui conftituent un être tel , & qui le fpécifient ou qui l'individualilènt f félon que cet être a des femblables ou qu'il eft folitaire? Concluons donc qu'on n'exécutera jamais un bon vocabulaire fans le concours d'un grand nombre de talens , parce que les dé- finitions de noms ne différent point des défi- nitions de chofes ( v. /'a/*. Définition) , & que les chofes ne peuvent être bien défi- nies ou décrites que par ceux qui en ont fait une longue étude. Mais , s'il en eft ainfi t que ne faudra-t-il point pour l'exécution d'un ouvrage où , loin de fe borner à la dé- finition du mot , on fe propofera d'expofer en détail tout ce qui appartient à la chofè ? _ ^Un dictionnaire univerfel & raifonné des fciences & des arts ne peut donc être l'ou- vrage d'un homme feul. Je dis plus ; je ne crois pas que ce puiffe être l'ouvrage d'au- cune des fociétés littéraires ou lavantes qui fubliftent , prifes féparément ou en corps. L'académie Françoife nefourniroit aune Encyclopédie , que ce qui appartient à la lan- gue & à Ces ufages ; l'académie des inferip- tions & belles lettres , que des connoiffances relatives à Phiftoire profane , ancienne & moderne , à la chronologie , à la géographie & à la littérature ; la Sorbonne , que la théologie , Phiftoire facrée , & Phiftoire des fuperftirions ; l'académie des fciences , que de mathématiques , de Phiftoire naturelle , de la phyfique , de la chymie , & de la méde- cine , de l'anatomie , &c. Pacadémie de chirurgie , que Part de ce nom ; celle de peinture , que la peinture , la gravure , la fculpture , le defîin , l'architecture , &c ; l'univerfité , que ce qu'on entend par les humanités , la philofophie de l'école , la ju- rifprudence , la typographie 9 &c. Parcourez les autres fociétés que je peux: avoir omifes , & vous vous apercevrez qu'occupées chacune d'un objet particu- lier , qui eft fans doute du reflbrt d'un dic- tionnaire univerfel , elles en négligent une" Zz 2 3 ce père des arts , eft comme le Saturne de la fable , qui fe plaifoit à détruire fes enfans. La révolution peut être moins forte & moins fenfible dans les feiences & dans les arts libéraux , que dans les arts méchani- ques ; mais il s^y en fait une. Qu'on ouvre les dictionnaires du fiecle pafïë , on n'y trouvera à aberration , rien de ce que nos Aftronomes entendent par ce terme ; à peine yaura-t-il fur \ électricité y ce phénomène fi fécond , quelques lignes qui ne feront en- core que des notions faufïès & de vieux préjugés. Combien de termes de Minéra- logie & d'Hiftoire naturelle , dont on en peut dire autant ! Si notre Dictionnaire eût été un peu plus avancé , nous aurions été expo- fés à répéter fur la nielle , fur les maladies des grains , & fur leur commerce , les erreurs des fiecles paflés , parce que les découvertes de M. Tillet & le fyftême de M. Herbert font récens. Quand on traite des êtres de la nature , que peut-on faire de plus , que de rafïem- E N C bîer avec fcrupule toutes leurs propriétés connues dans le moment où l'on écrit? Mais l'obfervation & la phyfique expéri- mentale multipliant fans cefîê les phéno- mènes & les faits , & la philofophie ration- nelle les comparant entr'eux & les combi- nant , étendent ou reflèrrent fans ceffe les limites de nos connoifîances, font en con- féquence varier les acceptions des mots inftituis ; rendent les définitions qu'on en a données jnexaâes , fauffès , incomplètes , & déterminent même à en inftituer de nou- veaux. Mais ce qui donnera à l'ouvrage l'air furanné , & le jettera dans le mépris , c'efr. fur-tout la révolution qui fe fera dans l'es- prit des hommes , & dans le caradere national. Aujourd'hui que la philofophie s'avance à grands pas ; qu'elle foumet à fon empire tous les objets.de fon reffort ; que fon ton eu le ton dominant , & qu'on com- mence à lecouer le joug de l'autorité & de l'exemple pour s'en tenir aux ioix de la raifon , il n'y a prefque pas un ouvrage clementaire & dogmatique dont on foit entièrement fatisfait. On trouve ces pro- ductions calquées fur celles des hommes , & non fur la vérité de la nature. On ofé propofer (es doutes à Ariftote & a Platon ; & le temps eft arrivé , où des ouvrages qui jouiffent encore de la plus haute réputa- tion , en perdront une partie , ou même tomberont entièrement dans l'oubli ; cer- tains genres de littérature , qui , faute d'une vie réelle & de mœurs fubfifîantes qui leur fervent de modèles , ne peuvent avoir de poétique invariable & fenfée , feront né- gligés ; & d'autres qui refieront , & que leur valeur intrinfèque foutiendra , pren- dront une forme toute nouvelle. Tel efl l'effet des progrès de la raifon ; progrès qui renversera tant de ftatues , & qui en relè- vera quelques-unes qui font renverfées. Ce font celles des hommes rares , qui ont de- vancé leur fiecle. Nous avons eu , s'il eu permis de s'exprimer ainfi , des contempo- rains fous le fiecle de Louis XIV. Le temps qui a émoude notre goût fur les quefhons de critique & de controverfe , a rendu infipide une partie du didionnaire de Bayle. Il n'y a point d'auteur qui ait tant perdu dans quelques endroits , &: qui ENC 367 ait plus gagné dans d'autres. Mais fi tel a été le fort de Bayle , qu'on juge de ce qui fèroit arrivé à Y Encyclopédie de fon temps. Si l'on en excepte ce Perrault , & quelques autres , dont le vérificateur Boileau n'étoit pas en état d'apprécier le mérite ; la Mothc , Terraffon , Boindin , Fontenelle , fous les- quels la raifon & l'efprit philofophique ou de doute a fait de fi grands progrès ; il n'y avoit peut-être pas un homme qui en eût écrit une page qu'on daignât lire aujourd'hui. Car , qu'on ne s'y trompe pas , il y a bien de la différence entre enfanter , à force de génie , un ouvrage qui enlevé les fufrrages d'une nation qui a fon moment , fon goût , {es idées & (es préjugés , & tracer la poéti- que du genre , félon la connoifiance réelle & réfléchie du cœur, de l'homme , de la nature des chofes , & de la droite raifon y qui font les mêmes dans tous les temps. Le génie ne connoît point les règles ; ce- pendant il ne s'en écarte jamais dans {es fuccès. La philofophie ne connoît que les règles fondées dans la nature des êtres , qui efl immuable & éternelle. C'efr. au fiecle paffé à fournir des exemples ; c'eft à notre fiecle à prefcrire les règles. Les connoifîances les moins communes fous le fiecle paffé , le deviennent de jour en jour. Il n'y a point de femmes , à qui l'on ait donné quelque éducation , qui n'em- ploie avec difcernement toutes les expref- fions confacrées à la peinture, à la fculpture , à l'architedure , & aux belles-lettres. Com- bien y a-t-il d'enfans qui ont du dcffin , qui favent de la géométrie , qui font muficiens , à qui la langue domefHque n'eit pas plus familière que celle de ces arts , & qui difent , un accord , une belle forme , un contour agréable , une parallèle , une hypo- thénufe , une quinte , un triton , un arpé- gement, un microfcope , un télefeope,. un foyer , comme ils diroient , une lunette d'opéra , une épée, une canne , un carroffe , un plumet! Les efprits font encore em- portés d'un autre mouvement général vers Phi ftoire naturelle, l'anatomie , iachymie, & a phyfique expérimentale. Les expref- fions propres à ces fciences font déjà très- • communes , & le deviendront néceffùre- ment davantage. Qu'arrivera-t-il de là tC'eil que la langue , même populaire } changera 3*8 E N C de face ; qu'elle s'étendra à mefure que nos oreilles s'accoutumeront aux mots , par les applications heureuies qu'on en fera. Car fi l'on y réfléchit, la plupart de ces mots techniques , que nous employons aujour- d'hui , ont été originairement du ne'olo- gifme ; c'eft l'ufage & le temps qui leur ont cké ce vernis équivoque. Ils étoient clairs , énergiques & néceffaires. Le fens métapho- rique n'étoit pas éloigné du fèns propre. Ils peignoient. Les rapports fur lefquels le nouvel emploi en étoit appuyé , n'étoient pas trop recherchés ; ils étoient réels. L'acception figurée n'avoit point l'air d'une fubtilité : le mot étoit d'ailleurs harmonieux & cou- lant. L'idée principale en étoit liée avec d'autres que nous ne nous rappelions jamais fans inftruétion ou fans plaifir. Voilà les fon- demens de la fortune que ces expreffions ont faite ; & les caufes contraires font celles du diferédit , où tomberont & font tombées tant d'autres expreffions. Notre langue eft déjà fort étendue. Elle a dû , comme toutes les autres , fa formation au befoin , & fes richeffes à l'effor de l'ima- gination , aux entraves delà poéfie , & aux nombres & à l'harmonie de la profe ora- toire. Elle va faire des pas immenfes fous l'empire de la philofophie ; & iî rien ne fuf- pendoit la marche de l'elprit , avant qu'il fût un fiecle , un dictionnaire oratoire & poétique du fiecle de Louis XIV , ou même du nôtre , contiendroit à peine les deux tiers des mots qui feront à l'ufage de nos neveux. Dans un vocabulaire , dans un diction- naire univerfel & raifbnné , dans tout ou- vrage deftiné à l'inftruction générale des hommes, il faut donc commencer par en- vifager fon objet fous les faces les plus éten- dues , connoître l'elprit de fa nation , en preifentir la pente , le gagner de vîteffe, en forte qu'il ne laiffe pas votre travail en arrière ; mais qu'au contraire il le rencontre en avant ; fe réfoudre à ne travailler que pour les générations fuivantes , parce que le moment où nous exiftons paffe , & qu'à peine une grande entreprife fera - t - elle achevée , que la génération préfente ne fera plus. Mais pour être plus long-temps utile & nouveau , en devançant de plus loin l'efprit aational qui marche fans cefle , il E NC faut abréger la durée du travail , en multi- pliant le nombre des collègues ; moyen qui toutefois n'eft pas fans inconvénient com- me on le verra dans la fuite. Cependant les connoifîances ne devien- nent & ne peuvent devenir communes que jufqu'à un certain point. On ignore à la vérité , quelle eft cette limite. On ne fait jufqu'où tel homme peut aller. On fait bien moins encore jufqu'où Vefpece humaine iroit , ce dont elle fèroit capable , fi eile n'étoit point arrêtée dans fes progrès. Mais les révolutions font néceffaires ; il y en a toujours eu , & il y en aura toujours ; le plus grand intervalle d'une révolution à une autre eft donné : cette feule caufe borne l'étendue de nos travaux. Il y a dans les feiences un point au delà duquel il ne leur eft prefque pas accordé de paffer. Lorfque ce point eft atteint , les monumens qui reftent de ce progrès , font à jamais l'éton- nement del'efpece entière. Maisfi l'efpece eft bornée dans (es efforts , combien l'in- dividu ne l'eft-il pas dans lesfiens? L'in- dividu n'a qu'une certaine énergie dans {es facultés , tant animales qu'intellectuelles ; il ne dure qu'un temps ; il eft forcé à des alternatives de travail & de repos ; il a des befoins & des pallions à fatisfaire , & il eft expofé à une infinité de diffractions. Toutes les fois que ce qu'il y a de négatif dans ces quantités formera la plus petite fomme pollible , ou que ce qu'il y a de pofitif formera la fomme poftible la plus grande ; un homme appliqué folitairement à quel- que branche de la feience humaine , la portera aufîi loin qu elle peut êtte portée par les efforts d'un individu. Ajoutez au travail de cet individu extraordinaire , ce- lui d'un autre , & ainfi de fuite , jufqu'à ce que vous ayiez rempli l'intervalle d'une révolution , à la révolution la plus éloignée ; & vous vous formerez quelque notion de ce que l'efpece entière peut produire de plus parfait, fur-tout li vous fuppofez , en faveur de fon travail , un certain nombre de circonftances fortuites qui en auroient diminué le fuccès , fi elles avoient été con- traires. Mais la maffe générale de l'efpece n'eft faite ni pour fuivre , ni pour con- noître cette marche de l'elprit humain. Le point d'inftruction le plus élevé qu'elle puifîè E N C p-iiflè atteindre , a Ces limites : d'où il s'en- fuit qu'il y aura des ouvrages qui refteront toujours au deffus de la portée commune des hommes ; d'autres qui defcendront peu- à-peu au deffous , & d'autres encore qui éprouveront cette double fortune. A quelque point de perfection qu'une Encyclopédie foit conduite", il efl évident par la nature de cet ouvrage , qu'elle Ce trouvera nécefTairement au nombre de ceux- ci. Il y a des objets qui font entre les mains du peuple , dont il tire fa fubfiftance , & à la connoiffance pratique defquels ils s'oc- cupe fans relâche. Quelque traité qu'on en écrive , il viendra un moment où il en faura plus que le livre. Il y a d'autres objets fur lefquels il demeurera prefque entièrement ignorant , parce que les accroifTemens de fa connoiffance font trop foibles & trop lents , pour former jamais une lumière con- sidérable , quand on les fuppoferoit con- tinus. Ainfi l'homme du peuple & le favant auront toujours également à defirer & à s'inflruire dans une Encyclopédie. Le mo- ment le plus glorieux pour un ouvrage de cette nature , ce feroit celui qui fiiccéderoit immédiatement à quelque grande révolu- tion qui auroit fufpendu les progrès des fciences , interrompu les travaux des arts , & replongé dans les ténèbres une portion de notre hémifphere. Quelle reconnoiiïance la génération qui viendroit après ces temps de trouble , ne porteroit-elle pas aux hom- mes qui les auroient redoutés de loin, & qui en auroient prévenu le ravage , en mettant à l'abri les connoiffances des fïecles paflès ? Ce feroit alors ( j'ofe le dire fans orientation , parce que notre Encyclopédie n'atteindra peut-être jamais la perfection qui lui mériteroit tant d'honneurs ) j ce feroit alors qu'on nomimeroit avec ce grand ouvrage le règne du monarque fous lequel il fut entrepris j le miniftre auquel il fut dédié } les grands qui en favorifèrent l'exé- cution \ les auteurs qui s'y confacrerent } tous les hommes de lettres qui y concou- rurent. La même voix qui rappelleroit ces iècours , n'oublieroit pas de parler aufli des peines que les auteurs auroient fburFertes , & des difgraces qu'ils auroient elTuyées \ & le monument qu'on leur éléveroit , feroit à plufieurs faces, où l'on verroit Tome XII. , E N C tf9 alternativement des honneurs accordes à leur mémoire , & des marques d'indigna- tion attachées à la mémoire de leurs en- nemis. Mais la connoiflance de la langue efl le fondement de toutes ces grandes efpé- rances j elles relieront incertaines, fi la langue n efl fixée & tranfmife à la poflérité dans toute fa perfection \ & cet objet eft le premier de ceux dont il convenoit à des Encyclopédistes de s'occuper profondément. Nous nous en fbmmes apperçus trop tard j & cette inadvertance a jeté de l'imperfection fur tout notre ouvrage. Le côté de la langue efl refté foible (je dis de la langue , & non de la Grammaire ) \ & par cette raifon , ce doit être le fujet principal, dans un article où l'on examine impartialement fbn tra- vail , & où l'on cherche les moyens d'en corriger les défauts. Je vais donc traiter de la Langue fpécialement & comme je le dois. J'oferai même inviter nos fùccelîèurs à donner quelque attention à ce morceau ; & j'efpérerai des autres hommes à l'ufage defquels il efl moins defliné , qu'ils en avoueront l'importance , & qu'ils en excu- feront l'étendue. L'inflitution de fignes vocaux qui repré- fentaffent des idées , & de caractères tracés qui repréfentaffent des voix , fut le premier germe des progrès de l'efprit humain. Une feience , un art ne naiffent que par l'appli- cation de nos réflexions aux réflexions déjà faites , & que par la réunion de nos pen- fees , de nos obfervations & de nos expé- riences , avec les penfées , les obfervations & les expériences de nos femblables. Sans la double convention qui attacha les idées aux voix , & les voix à des caractères , tout refloit au dedans de l'homme & s'y éteignoit : fans les grammaires & les dic- tionnaires , qui font les interprètes univer- Cels des peuples entr'eux j tout demeuroit concentré dans une nation , & difparoifîbit avec elle. C'efl par ces ouvrages que les fa- cultés des hommes ont été rapprochées & combinées entr'elies ^ elles refloient ifblées fans cet intermède : une invention , quel- que admirable qu'elle eût été , n'auroit re- préfenté que la force d'un génie folitaire , on d'une fbciété particulière , & jamais l'énergie de l'efpece. Un idiome commun A aa 37o ENC feroit l'unique moyeu detablir une corref- pondance qui s'étendît à toutes les parties du genre humain, & qui les liguât contre la nature , à laquelle nous avons fans celle à faire violence , foit dans le phyiique , foit dans le moral. Suppofé cet idiome admis & fixé , auffitôt les notions de- viennent permanentes } la diftance des temps diiparoît ; les lieux fê touchent j il fe forme des liaifons entre tous les points habités de l'efpace & de la durée , & tous les êtres vivans & penfaus s'entretien- nent. La langue d'un peuple donne fon vocabu- laire , & le vocabulaire eft une table affez fîdelie de toutes les connoifTances de ce peu- ple : fur la feule comparaifon du vocabulaire 'd'une nation en différent temps , on fe for- meroit une idée de fès progrès. Chaque feience a fon nom } chaque notion dans la feience a le lien : tout ce qui eft connu dans la nature eft défigné , ainfi que tout ce qu'on a inventé dans les arts , & les phéno- mènes , & les manœuvres , & les inftru- jnens. Il y a âes expreffions , & pour les êtres q.ui font hors de nous , & pour ceux qui font en nous : on a nommé & les abftraits «k les concrets , & les chofes particulières ik les générales , &l les fermes & les états , ■'écrire enfuite félon l'alphabet raifonné , chaque fyllabe féparée ck chargée de fa quantité ; ajouter le mot Grec ou Latin qui rend le mot François , quand il eft radical feulement , avec la citation de l'en- droit où ce mot Grec ou Latin eft employé clans l'auteur ancien ; s'il a différens fens , ck que parmi ces fens il devienne quelque- fois radical , le fixer autant de fois par le radical correfpondant dans la langue morte; en un mot , le définir quand il n'eft pas radical , car cela eft toujours pofîible, èk ie fynonyme Grec ou Latin devient alors fuperflu. On voit combien ce travail eft long , difficile , épineux. Quel ufage il faut avoir de deux ou trois langues , afin de comparer les idées fimples repréfentées par E NC •des Signes dirTérens qui aient entre eux un rapport d'idenrité , ou ce qui eft plus dé- licat encore , les collections d'idées repré- fentées par des Signes qui doivent avoir le même rapport ; ck dans les cas fréquens où l'on ne peut obtenir l'identité de rap- port , combien de finette ck de goût pour diftinguer entre les lignes ceux dont les acceptions font les plus voifines; 6k entre les idées accefToires , celles qu'il faut con- ferver ou facrifîer. Mais il ne faut pas fe laider décourager. L'académie de la Crufca a levé une partie de ces difficultés dans fon célèbre vocabulaire. L'académie Fran- ç,oife, raSTemblant dans fon fein l'univer- falité des connoi (Tances , des poètes , des orateurs, des mathématiciens, des physi- ciens , des naturalises , des gens du monde, des philofopjies , des militaires , 6k étant bien déterminée à n'écouter dans fes élec- tions que le befoin qu'elle aura d'un talent plutôt que d'un autre , pour la perfection de fon travail , il feroit incroyable qu'elle ne fuivît pas ce plan général , 6k que fon ouvrage ne devînt pas d'une utilité «STentielle à ceux qui s'occuperont à per- fectionner la foible efquifle que nous pu- blions. Elle n'aura pas oublié fans doute de dési- gner nos gallicifmes , ou les différens cas dans lefquels il arrive à notre langue de s'écarter des loix de la grammaire générale raifonnée ; car un idiotilme ou un écart de cette nature , c'eft la même chofe. D'où l'on voit encore qu'en tout il y a une mefure invariable ck commune , au défaut de la- quelle on ne connoit rien , on ne peut rien apprécier , ni rien définir ; que la grammaire générale raifonnée eft ici cette mefure , ck que fans cette grammaire , un dictionnaire de langue manque de fondement, puifqu'ii n'y a rien de fixe à quoi onpuifTe rapporter les cas embarrafïans qui fe préfentent; rien qui puifle indiquer en quoi confifte la diffi- culté; rien qui défigne le parti qu'il faut prendre : rien qui donne la raiSbn de préfé- rence entre plufieurs folutions oppofées ; rien qui interprète Pufage, qui le combatte, ou le juftifie , comme cela fe peut fouvent. Car ce feroit un préjugé que de croire que la langue étant la baie du commerce parmi tes hommes , des défauts imponans puiifent J E N C 379 y fubfifter long-temps, fans être apperçus ck corrigés par ceux qui ont Tefprit jufte ck le cœur droit. Il eft donc vraifemblable que les exceptions à la loi générale qui res- teront , feront plutôt des abréviations , des énergies , des euphonies , ck autres agré- mens légers , que des vices considérables. On parle fans cette; on écrit fans ceffe ; on combine les idées ck les lignes en une infinité de manières différentes ; on rapporte toutes ces combinaifons au jour de la fyn- taxe univerfelle ; on les y afTujettit tôt ou tard , pour peu qu'il y ait d'inconvénient à les en affranchir ; ck lorfque cet affervifle- ment n'a pas lieu , c'eft qu'on y trouve un, avantage qu'il eft quelquefois difficile, mais qu'il feroit toujours impoftible de développer fans la grammaire raifonnée , l'analogie ck l'étymologie que j'appellerai les ailes de l'art de parler , comme on a dit de la chrono- logie ck de la géographie, que ce font les yeux de l'hiftoire. Nous ne finirons pas nos obfervations fur la langue , fans avoir parlé de fynonymes. On les multiplieroit à l'infini, fi on ne commençoit par chercher quelque loi qui en fixât le nombre. Il y a dans toutes les langues des expreflions qui ne différent que par des nuances très-délicates. Ces nuances n'échappent ni à l'orateur, ni au poète qui connoitTent leur langue; mais ils les négli- gent à tout moment , l'un contraint par la ' difficulté de fon art , l'autre entraîné par l'harmonie du fien. C'eft de cette considé- ration qu'on peut déduire la loi générale dont on a befoin. Il ne faudra traiter comme fynonymes que les termes que la poéfie prend pour tels ; afin de remédier à la con- fufion qui s'introduiroit dans la langue par l'indulgence que l'on a pour la rigueur des loix de la. vérification. Il ne faudra traiter comme fynonymes que les termes que l'art oratoire fubftitue indistinctement les uns aux autres , afin de remédier à la confufion qui s'introduiroit dans la langue , par le charme de l'harmonie oratoire qui tantôt préfère ck tantôt facrifie le mot propre , abandonnant le jugement du bon fens &C de la raifon, pour fe foumettre à celui de l'oreille; abandon qui paroît d'abord l'extra- vagance la plus manifefte ck la plus con- traire à l'exactitude ck à la vérité ; mais qui BbJ> a 380 E N C devient, quand on y réfléchir, le fondement de la finette , du bon goût, de la mélodie du ftyle , de fon unité , ck des autres qua- lités de l'élocution , qui feules avilirent l'im- mortalité aux produ&ions littéraires. Le fa- crifice du mot propre ne fe faifant jamais que dans les occafions où l'efprit n'en eft pas trop écarté par fexpreffion mélodieufe, alors l'entendement le fupplée ; le difcours fe rectifie ; la période demeure harmo- nieufe ; je vois la chofe comme elle eft ; je vois de plus le caractère de l'auteur , le prix qu'il a attaché lui-même aux objets dont il m'entretient , lapaffion qui l'anime; le fpectacle fe complique, fe multiplie, ck en même proportion , l'enchantement s'ac- croît dans mon efprit ; l'oreille eft contente, ck la vérité n'eft point offenfée. Lorfque ces avantages ne pourront fe réunir , l'écrivain le plus harmonieux, s'il a de la jufteffe ck du goût , ne fe réfoudra jamais à abandon- ner le mot propre pour fon fynonyme. 11 en fortifiera ou affoiblira la mélodie à l'aide d'un correctif; il variera les temps , ou il donnera le change à l'oreille par quelque autre finefTe. Indépendamment de l'har- monie, il faut encore laiffer le mot propre pour un autre, toutes les fois que le pre- mier réveille des idées petites, baffes, ob- fcenes , ou rappelle des fenfations défagréa- bles. Mais dans les autres circonstances , • ne feroit-il pas plus à propos , dira-t-on , de laiffer au lecteur le foin de fuppléer le mot harmonieux que celui de fuppléer le mot propre ? Non , quand il feroit aufli facile à l'oreille, le mot propre étant donné, d'entendre le mot harmonieux , qu'à l'efprit, le mot harmonieux étant donné , de trouver le mot propre. Il faut, pour que l'effet de la mufique foit produit , que la mufique foit entendue : el!e ne fe fuppofe point ; elle n'eft rien , fi l'oreille n'en eft pas réelle- ment affectée. On recueillera toutes les exprefïïons que nos grands poètes ck nos meilleurs orateurs auront employées ck pourront employer indistinctement. C'eft fur-tout la poftérité qu'il faut avoir en vue. C'eft encore une mefure invariable. Il eft inutile de nuancer les mots qu'on ne fera point tenté de con- fondre , quand la langue fera morte. Au delà de cette limite , l'art de faire des fyno- , EN C nymes devient un travail aum* étendu que puéril. Je voudrois qu'on eût deux autres attentions dans la diftinction des mots fyno- nymes : l'une de ne pas marquer feulement les idées qui différencient , mais celles en- core qui font communes. M. l'abbé Girard ne s'eft affervi qu'à la première partie de cette loi ; cependant celle qu'il a négligée n'eft ni moins effentielle , ni moins difficile à remplir. L'autre , de choifir fes exemples de manière qu'en expliquant la diverfité des acceptions , on expofât en même temps les ufages de la nation, fes coutumes , fon caractère, feu vices, fes vertus, (es prin- cipales tranfactions , &c. ck que la mémoire de fes grands hommes , de fes malheurs , ckde fes profpérités , y fût.rappellée. Il n'en coûtera pas plus de rendre un fynonyme utile , fenfé , inftructif ck vert.ueux , que de le faire contraire à l'honnêteté ou vuide de fens. Ajoutons à ces obfervations un moyen fimpie ck raifonnable d'abréger la nomen- clature , ck d'éviter les redites. L'académie Françoife l'avoit pratiqué dans la première édition de fon dictionnaire; ck je ne penfe pas qu'elle y eût renoncé en faveur des lecteurs bornés , fi elle eût confidéré com- bien il étoit facile de les fecourir. Ce moyen d'abréger la nomenclature, c'eft de ne pas diftribuer en plufieurs articles féparés , ce qui doit naturellement être renfermé fous un feul. Faut-il qu'un dictionnaire con- tienne autant de fois un mot, qu'il y a de différences dans les vues de l'efprit? L'ou- vrage devient infini , ck ce fera néceffaire- ment un chaos de répétitions. Je ne ferois donc de précipitable , précipiter , précipi- tant , précipitation y ^précipité , précipice , ck de toute autre expreftion femblable, qu'un article auquel je renverrois dans tous les endroits où l'ordre alphabétique rnof- friroit des expreflions liées par une même idée générale ck commune. Quant aux diffé- rences , le fubftantif défigne ou la chofe , ou la perfonne , ou l'action , ou la fenfa- tion , ou la qualité , ou le temps , ou le lieu ; le participe , l'action confidérée ou comme poiîible , ou comme préfente , ou comme paffée ; l'infinitif, l'action relative- ment à un agent , à un lieu , ck à un temps quelconque indéterminé. Multiplier les dé- E N C finitions félon toutes ces faces, ce n'eftpas définir les termes ; c'eft revenir fur les mêmes notions à chaque face nouvelle qu'un terme préfente. N'eft-il pas évident que ce qui convient à une exprefîion con- fédérée une fois fous ces points de vue diffé- rens , convient à toutes celles qui admet- tront dans la langue la même variété? Je remarquerai que pour la perfection d'un idiome , il feroit à fouhaiter que les termes y euffent toute la variété dont ils font fuf- ceptibles. Je dis dont ils font fufcepdbUs , parce qu'il y a des verbes , tels que les neutres, qui excluent certaines muances; ainfi aller ne peut avoir l'adjectif allable. Mais combien d'autres dont il n'en eft pas ainfl , 6k dont le produit eft limité fans raifon , malgré le befoin journalier , 6k les embarras d'une difette qui fe fait particuliè- rement fentir aux écrivains exacts ck laconi- ques ? Nous difons accufuteur , accufcr , accvfation , accufant , accufé , 6k nous ne difons pas accufable , quoiqu' '/ nexcufable foit d'ufage. Combien d'adjectifs qui ne fe meuvent point vers le fubftantif, 6k de fubftantifs qui ne fe meuvent point vers l'adjectif! Voilà une fource féconde où il refte encore à notre langue bien des richef- {es à puifer. Il feroit bon de remarquer à chaque exprefîion les muances qui lui man- quent, afin qu'on ofât les fuppléer de notre temps , ou de crainte que trompé dans la fuite par l'analogie , on ne les regardât comme des manières de dire, en ufage dans le bon fiecle. Voilà ce que j'avois à expofer fur la lan- gue. Plus cet objet avoit été négligé dans notre ouvrage , plus il étoit important relativement au but d'une Encyclopédie ; plus il convenoit d'en traiter ici avec éten- due ; ne fût-ce , comme nous l'avons dit , que pour indiquer les moyens de réparer la faute que nous avons commife. Je n'ai point parlé de la fyntaxe , ni des autres parties du rudiment François; celui qui s'en eft char- gé , n'a rien laiffe à defirer là-defïus ; 6k notre dictionnaire eft complet de ce côté. Mais après avoir traité de la langue , ou du moyen de tranfmettre les connoifîances, cherchons le meilleur enchaînement qu'on puiffe leur donner. Il y a d'abord un ordre général , celui qui diftingue ce dictionnaire de tout autre 'E N C , 38r ouvrage où les matières font pareillement fourni fes à l'ordre alphabétique ; l'ordre qui l'a fait appeller Encyclopédie. Nous ne dirons qu'une chofe de cet enchaînement considéré par rapport à toute la matière encyclopédique , c'eft ce qu'il n'eft pas pof- iible à l'architecte du génie le plus fécond , d'introduire autant de variété dans la conf- truction d'un grand édifice , dans la décora- tion de fes façades , dans la combinaifon de (es ordres , en un mot , dans toutes les par- ties de fa diftribution, que l'ordre encyclopé- dique en admet. Il peut être formé , foit en rapportant nos différentes connoifîances aux diverfes facultés de notre aine ("c'eft ce fyftême que nous avous fuivij , foit en les rapportant aux êtres qu'elles ont pour ob- jet ; 6k cet objet eft ou de pure curiofité, ou de luxe , ou de néceflité. On peut divi- fer la fcience générale , ou en fcience des chofes ck en fcience des fîgnes, ou en fcience des concrets , ou en fcience des abftraits. Les deux caufeslesplu» générales, l'art 6k la nature donnent auffi une belle ck grande diftribution. On en rencontrera d'autres dans la diftinction ou du phyfique ck du moral ; de l'exiftant 6k du poffible ; du ma- tériel 6k du fpirituel; du réel 6k de l'intelli- gible. Tout ce que nous favons ne découle- t-il pas de l'ufage de nos fens 6k de celui de notre raifon ? N'eft-il pas ou naturel ou révélé? Ne font-ce pas ou des mots, ou des chofes , ou des faits ? Il eft donc impoflible de bannir l'arbitraire de cette grande diftri- bution première. L'univers ne nous offre que des être particuliers , infinis en nom- bre , 6k fans pre (qu'aucune divifion fixe 6k déterminée ; il n'y en a aucun qu'on puiïTe appeller ou le premier ou le dernier ; tout s'y enchaîne 6k s'y fuccede par des nuances infenfibles ; 6k à travers cette uniforme im- menfité d'objets , s'il en paroît quelques- uns qui , comme des pointes de rochers , femblent percer la furface 6k la dominer, ils ne doivent cette prérogative qu'à des fyftêmes particuliers , qu'à des conventions vagues , qu'à certains événemens étrangers , 6k non à l'arrangement phyfique des êtres 6k à l'intention de la nature. Voye^ h Prof peclus. . En général , la defcription d'une machine peut être entamée par quelque partie que S$i ENC féquentes , nous aurions bientôt les mêmes vuides 6k les mêmes incertitudes. Nous nous occupons maintenant à remplir ces vuides , en contemplant la nature ; nous nous occuperions à les remplir, en médi- tant un volume immenfe qui , n'étant pas plus parfait à nos yeux que l'univers , ne feroit pas moins expofé à la témérité de nos doutes & de nos objections. Puifque la perfection abfolue d'un plan univerfel ne remédieroit point à la foibîefïe de notre entendement, attachons-nous à ce qui convient à notre condition d'homme, ck contentons-nous de remonter à quelque notion très-générale. Plus le point de vue d'où nous confidéronsles objets fera élevé; plus il nous découvrira d'étendue, 6k plus l'ordre que nous fuivrons fera inftruc"r.if 6k grand. Il faut par conféquent qu'il foit fîmple , parce qu'il y a rarement de la gran- deur fans fimplicité; qu'il foit clair 6k fa- cile ; que ce ne foit point un labyrinthe tortueux où l'on s'égare, 6k où l'on n'ap- perçoive rien au delà du point où l'on eft ; mais une grande 6k vafte avenue qui s'étende au loin , 6k fur la longueur de laquelle on en rencontre d'autres également bien dif- tribuées, qui conduifent aux objets folitai- res 6k écartés par le chemin le plus facile 6k le plus court. Une confidération, fur-tout , qu'il ne faut point perdre de vue, c'eft que fi l'on bannit l'homme ou l'être penfant 6k contemplateur de defîus la furface de la terre ; ce fpe&acle pathétique 6k fublime de la nature n'eft plus qu'une fcene trifte & muette. L'univers fe tait ; le filence 6k la nuit s'en emparent. Tout fe change en une vafte folitude où les phénomènes inobfervés fe pafTent d'une manière obfcure 6k fourde. C'eft la préfence de l'homme qui rend l'exiftence des ê:res intérefTante ; 6k que peut-on fe propofèr de mieux dans l'hiftoire de ces êtres, que de fe foumettre à cette confidération ? Pour- quoi n'introduirons -nous pas 1 homme dans notre ouvrage , comme il eft placé dans l'uni- vers? Pourquoi n'en ferons -nous pas un centre commun? Eft-il dans l'efpace infini quelque point d'où nous puiflions , avec plus d'avantage, faire partir les lignes immenfes que nous nous propoibns détendre à tous E N C les autres points ? Quelle vive Se douce réaction n'en réfultera-t-il pas des êtres vers l'homme, dei'homme vers les êtres? Voilà ce qui nous a déterminés à chercher dans les facultés principales de l'homme, la diviSion générale à laquelle nous avons Subordonné notre travail. Qu'on fuive telle autre voie qu'on aimera mieux , pourvu qu'on ne Subftitue pas à l'homme un être muet, infenfible & froid. L'homme eft le terme unique d'où il faut partir , & au- quel il faut tout ramener , fi l'on veut plaire , intéreiTer , toucher jufque dans les confidé- rations les plus arides & les détails les plus fecs. Abftraction faite de mon exiftence & du bonheur de mes Semblables, que m'im- porte le refte de la nature ? Uu fécond ordre , non moins efTentie! que le précédent, eft celui qui détermi- nera l'étendue relative des différentes par- ties de l'ouvrage. J'avoue qu'il fe préfente ici une de ces difficultés qu'il eft impoffi- ble de Surmonter quand on commence , &: qu'il eft difficile de Surmonter à quel- que édition qu'on parvienne. Comment établir une jufte proportion entre les diffé- rentes parties d'un fi grand tout ? Quand x:e tout feroit l'ouvrage d'un feul homme, la tâche ne feroit pas facile : qu'eft-ce donc que cette tâche , lorfque le tout eft l'ou- vrage d'une fociété nombreufe ? En com- parant un dictionnaire univerfel &c raifonné de la connoiftance humaine à une ftatue coloffale , on n'en eft pas plus avancé , puiSqu'on ne Sait ni comment déterminer la hauteur abSolue du colofle , ni par quelles Sciences , ni par quels arts Ses mem- bres différens doivent être représentés. Quelle eft la matière qui Servira démodule ? Sera-ce la plus noble , la plus utile, la plus importante, ou la plus étendue? Préfére- ra-t-on la morale aux mathématiques , les mathématiques à la théologie , la théo- logie à la jurisprudence, la jurisprudence, à l'hiftoire naturelle , &c. Si l'on s'en tient à certaines expreffions génériques que per- sonne n'entend de la même manière , quoi- que tout le monde s'en Serve Sans contra- diction, parce que jamais on ne s'explique; & fi l'on demande à chacun , ou des élé- mens ,- ou un traité complet & général , on ne tardera pas à s'appercevoir combien E N C 383 cette mefure nominale eft vague & in- déterminée. Et celui qui aura cru prendre, avec Ses différens collègues , des précau- tions telles que les matériaux qui lui Seront remis cadreront à peu près avec Son plan , eft un homme qui n'a nul'e idée de Son objet , ni des collègues qu'il s'aiïccie. Chacun a Sa manière de Sentir & de voix. Je me Souviens qu'un artifteàquije croyois avoir expoSé aftez exactement ce qu'il avoit à Saire pour Son art , m'apporta , d'après mon diScours , à ce qu'il préten- doit, Sur la manière de tapiiïer en papier, qui demandoit à peu près un feuillet d'é- criture & une demi -planche de deflïn , dix à douze planches énormément char- gées de figures , & trois cahiers épais in- folio-, d'un caractère fort menu , à fournir un à deux volumes in-dou^e. Un autre , au contraire, à qui j'avois preferjt exacte- ment les mêmes règles qu'au premier , m'apporta, Sur une des manufactures les plus étendues par la diverfité des ouvrages qu'on y fabrique , des matières qu'on y emploie , des machines dont on Se Sert &c des manœuvres qu'on y pratique, un petit catalogue de mots Sans définition , Sans explication , Sans figure , m'aïTurant bien fermement que Son art ne contenoit rien de plus : il Suppofoit que le refte , ou n'é- toit point ignoré , ou ne pouvoit s'écrire. Nous avions eSpéré d'un de nos amateurs les plus vantés , l'article Ccmpofition en Peinture. { M.Watelet ne nous avoit point encore offert (es Secours.) Nous reçûmes de Y amateur deux lignes de définition , Sans exactitude , Sans ftyle & Sans idées, avec l'humiliant aveu au il n'en favoit pas davantage ; St je fus obligé de faire l'article Compofition en Peinture, moi qui ne Suis ni amateur ni peintre. Ces phénomènes ne m'étonnerent point. Je vis, avec aufïi peu de SurpriSe , la même diverfité entre les travaux des Savans & des gens de lettres. La preuve en Subfifte en cent endroits de cet ouvrage. Ici nous Sommes bourSouflés & d'un volume exorbitant ; là , maigres, petits , meSquins , Secs & décharnés. Dans un endroit, nous refiemblons à des Sque- lettes ; dans un autre , nous avons un air hydropique, nous Sommes alternativement nains & géans , coloftes ck pygmées 9 droits, 384 EN C bien faits & proportionnés , boffus , boi- ' teux & contrefaits. Ajoutez à toutes ces bizarreries celle d'un difcours tantôt abf- trait , obfcur ou recherché , plus fouvent négligé , traînant & lâche ; & vous com- parerez l'ouvrage entier au monftre de l'art poétique , ou même à quelque chofe de plus hideux. Mais ces défauts font infé- parables d'une première tentative , & il m'eft évidemment démontré qu'il n'appar- tient qu'au temps & aux fiecles à venir de les réparer. Si nos neveux s'occupent de V Encyclopédie, fans interruption , ils pourront conduire l'ordonnance de Ces matériaux à quelque degré de perfection : mais , au défaut d'une mefure commune &c confiante , il n'y a point de milieu ; il faut d'abord admettre fans exception tout ce qu'une fcience comprend , abandonner chaque matière à elle-même , & ne lui prefcrire d'autres limites que celles de fon objet. Chaque chofe étant alors dans X En- cyclopédie ce qu'elle eft en foi , elle y aura fa vraie proportion , fur -tout lorfque le temps aura prefTé les connoifTances , &: réduit chaque fujet à fa jufte étendue. S'il arrivoit, après un grand nombre d'éditions fuccefîlvement perfectionnées , que quel- que matière importante reftât dans le même état, comme il pourroit aifément arriver parmi nous à la minéralogie Ô£ à la mé- tallurgie , ce ne fera plus la faute de l'ou- vrage , mais celle du genre humain en gé- néral , ou de la nation en particulier, dont les vues ne fe feront pas encore tournées fur ces objets. J'ai fait fouvent une obfervation , c'eft que l'émulation qui s'allume nécefTairement entre des collègues , produit des difTerta- tions au lieu d'articles. Tout l'art des ren- vois ne peut alors remédier à la diffufîon ; &, au lieu de lire un article (^Encyclopé- die , on fe trouve embarqué dans un mé- moire académique. Ce défaut diminuera à mefure que les éditions fe multiplieront ; les connoifTances fe rapprocheront nécef- fairement; le ton emphatique & oratoire s'affoibîira ; quelques découvertes, devenues plus communes ck moins intéreffantes , oc- cuperont moins d'efpace; il n'y aura plus que les matières nouvelles, les découvertes du jour qui feront enflées. C'eft une forte» EMC de condefeendance qu'on aura dans tous les temps pour l'objet, pour l'auteur, pour le public , &c. Le moment pafTé , cet article fubira la circoncifion comme les au- tres. Mais, en général, les inventions & les idées nouvelles introduifant une difpro- portion nécefTaire, & la première édition étant celle de toutes qui contient le plus de chofes , finon récemment inventées , du moins aufîi peu connues que fi elles avoient ce caractère, il eft évident, & par cette raifon & par celles qui précèdent, que c'eft l'édition où il doit régner le plus de défor- dre, mais qui en revanche montrera , à tra- vers fes irrégularités , un air original qui paffera difficilement dans les éditions avi- vantes. Pourquoi l'ordre encyclopédique eft-il fî parfait & fi régulier dans l'auteur Anglois ? C'eft que, fe bornant à compiler nos dic- tionnaires & à analyfer un petit nombre d'ouvrages , n'inventant rien , s'en tenant rigoureufement aux chofes connues , tout lui étant également intérefTant ou indiffé- rent, n'ayant ni d'acception pour aucune matière , ni de moment favorable ou dé- favorable pour travailler, excepté celui de la migraine ou âu/pleen , c'étoit un labou- reur qui traçoit fon fillon fuperheiel , mais égal & droit. Il n'en eft pas ainfi de notre ouvrage : on fe pique , on veut avoir des morceaux d'appareil : c'eft même peut- être en ce moment ma vanité ; l'exemple de l'un en entraîne un autre. Les éditeurs fe plaignent , mais inutilement : on fe pré- vaut de leurs propres fautes , contre eux- mêmes , & tout fe porte à l'excès. Les ar- ticles de Chambers font afTez régulièrement diftribués ; mais ils font vuides. Les nôtres font pleins, mais irréguliers. Si Cham- bers eût rempli les fiens , je ne doute point que fon ordonnance n'en eût fouf- fert. Un troifieme ordre eft celui qui expofe la diftribution particulière à chaque partie. Ce fera le premier morceau qu'on exigera d'un collègue. Cet ordre ne me paroît pas entièrement arbitraire ; il n'en eft pas d'une fcience ainfi que de l'univers. L'univers eft l'ouvrage infini d'un Dieu. Une fcience eft un ouvrage fini de l'entendement hu- main. Il y a des premiers principes , des notions E N C notions générales, des axiomes donnés. Voilà les racines de l'arbre. Il faut que cet arbre fe ramifie le plus qu'il fera poiHble ; qu'il parte de l'objet général comme d'un tronc ; qu'il s'élève d'abord aux grandes branches ou premières divilions ; qu'il pafTe de ces maîtreffes branches à de moindres rameaux ; & ainfi de fuite , jufqu'à ce qu'il fè foit étendu jufqu'aux termes particuliers qui feront comme les feuilles & la cheve- lure de l'arbre. Et pourquoi ce détail feroit- il impoffible? Chaque mot n'a-t-il pas fa place , ou , s'il eft permis de s'exprimer ainfi , Con pédicule & fon infertion? Tous ces arbres particuliers feront foigneufement recueillis ; & , pour préfenter les mêmes idées fous une image plus exade , l'ordre encyclopédique général fera comme une mappemonde où l'on ne rencontrera que les grandes régions; les ordres particuliers, comme des cartes particulières de royau- mes , de provinces , de contrées ; le dic- tionnaire, comme l'hifloire géographique et détaillée de tous les lieux ; la topogra- phie générale & raifonnée de ce que nous connoiflbns dans le monde intelligible & dans le monde vifible ; & les renvois fer- viront d'itinéraires dans ces deux mondes , dont le vifible peut être regardé comme l'ancien, & l'intelligible comme le nou- veau. Il y a un quatrième ordre moins général qu'aucun des précédens ; c'cît celui qui difhibue convenablement plufieurs articles différens compris fous une même dénomi- nation. Il paroît ici néceflfaire de s'aflujettir à la génération des idées , à l'analogie des matières , à leur enchaînement naturel , de paffer du fimple au figuré , &c. Il y a des termes folitaires qui font propres à une ieule fcience , & qui ne doivent donner aucune follicitude. Quant à ceux dont l'acception varie y & qui appartiennent à plufieurs fciences & à plufieurs arts , il faut en former un petit fyftême dont l'ob- jet principal foit d'adoucir & de pallier autant qu'on pourra la bizarrerie des dis- parates. Il faut en compofer le tout le moins irrégulier & le moins découfu; & le laiffer conduire , tantôt par les rapports , quand il y en a de marqués , tantôt par l'importance des matières: &, au défaut Tome XIL E N C 385; des rapports , par des tours originaux qui le préfenteront d'autant plus fréquemment aux éditeurs , qu'ils auront plus de génie , d'imagination & de connoiflances. Il y a des matières qui ne fc féparent point , telles que l'hifloire facrée & l'hifloire profane , la théologie & la mythologie , l'hifloire naturelle , la phyfique , la chy- mie & quelles arts, &c. La fcience étymologique , la connoiflance hiftorique des êtres & des noms fourniront auflî un grand nombre de vues différentes , qu'on pourra toujours fuivre fans crainte d'être embarrafTé , obfcur ou ridicule. Au milieu de ces différens articles de même dénomination à diitribuer , l'éditeur" fe comportera comme s'il en étoit l'auteur ; il fuivra l'ordre qu'il eût fuivi s'il eût eu à confidérer le mot fous toutes Ces accep- tions. Il n'y a point ici de loi générale à prefcrire ; on en connoîtroit une , que le moindre inconvénient qu'il y auroit à la fuivre , ce feroit l'ennui de l'uniformité. L'ordre encyclopédique général jetteroit de temps en temps dans des arrangemens bizarres. L'ordre alphabétique donneroit à tout moment des contrafles burlefques ; un ' article de théologie fe trouveroit relégué tout au travers des arts méchaniques. Ce qu'on obfèrvera commuMement & fans; inconvénient , c'eft de débuter par l'accep- tion fimple & grammaticale ; de tracer fous l'acception grammaticale un petit ta- bleau en raccourci de l'article en entier ; d'y préfenter en exemples autant de phra- Ces différentes qu'il y a d'acceptions diffé- rentes ; d'ordonner ces phrafes entr'elles , comme les différentes acceptions du mot doivent être ordonnées dans le refle de l'article ; à chaque phrafe ou exemple , de renvoyer à l'acception particulière dont il s'agit. Alors on verra prefque toujours la ' logique fuccéder à la grammaire , la mé- taphyfique à la logique, la théologie à la métaphyfique , la morale à la théologie, la ' jurifprudence à la morale , &c. malgré la diverfité des acceptions , chaque article traité de cette manière formera un enfem-* ble ; & , malgré cette unité commune à tous les articles, il n'y aura ni trop d'uni-' formité , ni monotonie. J'infifie fur lali-' berté & la variété de cette difiribution ,; C ce $M E N C parce qu'elle efl en même temps commode , utile & raisonnable. Il en efl de la formation d'une Encyclopédie ainfi que de la fonda- tion d'une grande ville. Il n'en faudroit pas conftruire toures les maifons fur un même modèle , quand on auroit trouvé un modèle général, beau en lui-même & con- venable à tout emplacement. L'uniformité des édifices , entraînant l'«niformité des voies publiques , répandroit fur la ville en- tière un afpect trifte & fatigant. Ceux qui marchent ne réfiftent point à l'ennui d'un long mur, ou même d'une longue foret qui les a d'abord enchantés. Un bon efprit (& il faut fuppofer au moins cette qualité dans un éditeur) faura mettre chaque chofe à fa place , & il n'y a pas à craindre qu'il ait dans les idées afïez peu d'ordre , ou dans l'efprit afïez peu de goût pour entremêler fans nécelhté des ac- ceptions difparates. Mais il y auroit auffi de l'injuffice à l'accufer d'une bizarrerie qui ne feroit que la fuite nécefTaire de la diver- fité des matières , des imperfections de la langue, & de l'abus des métaphores, qui tranfporte un même mot de la bou- tique d'un artifan fur les bancs de la Sor- bonne , & qui raffemble les choies les plus hétérogènes fous une commune dénomi- nation. Mais quel que foit l'objet dont on traite , ilfaut expofer le genre auquel il appartient , fà différence fpécifique , ou la qualité qui le diftingue , s'il y en a une ;. ou plutôt l'afîemblage de celles qui le constituent; (car il réfulte de cet afîèmblage une diffé- rence néceflaire , fans quoi deux ou plu- iîeurs êtres phyfiques étant abfolumentles mêmes au jugement de tous nos fens , nous ne les difHnguerions pas); {es caufes ,, quand on les connoît ; ce qu'on fait de {es effets ; {es qualités actives & paflives ; fon objet , fa fin , . fes ufages ; les fingularités qu'on y remarque; fa génération; fon accroifïement ; {es viciffitudes ; {es dimen- fions ; fon dépérifïèment , &c. d'où il s'enfuit qu'un même "lobjet confidéré fous tant de faces , doit fouvent appartenir, à plufieurs feiences 'y & qu'un mot, pris fous une feule acception, fournira plufieurs arti- cles difïerens. S'il s'agit , par exemple , de quelque fubilance minérale , c'eû commu- ENC nément le grammairien ou le mmralifl* qui s'en empare le premier ; il la tranimet au phyficien ; celui-ci au chymifte ; le chy- mifie au pharmacien ; le pharmacien au médecin , au cuifinier , au peintre , au tein- turier , &c. D'où naît un cinquième ordre qui fera d'autant plus facile à infhtuer , que les collègues fe feront renfermés plus rigou- reufement dans les bornes de leurs parties, & qu'ils auront bien faifi le point de vue fous lequel ils avoient à conlidérer la chofe individuelle dont il s'agit. Une énuméra- tion méthodique & raifonnée des qualités déterminera ce cinquième & dernier ordre qui fera aufli fufceptible d'une grande va- riété. La fuite des procédés par lefquels on fait paffer une lubfiance , félon l'ufage au-* quel on la deftine , fuggérera la place que chaque notion do;t oeccuper. Au refte, je penfe qu'il faut lahTer les collègues s'expli-. quer féparément. Le travail des éditeurs feroit infini , s'ils avoient à fondre tous leursv articles en' un feul ; il convient d'ailleurs de réferver à chacun l'honneur de. (on tra- vail , & au lecteur la commodité de ne. confulter que l'endroit d'un, article dont h\ a befom.. J'exige feulement de la méthode , queiJe qu'elle foit. Je ne voudrois pas qu'il, y eût un feul article capital, fans divifion & fans- fubdivifion. C'efl l'ordre qui foulage la: mémoire : mais il efl difficile qu'un. auteur prenne cette attention pour le lecteur y> qu'elle ne tourne à fon propre avantage. Ce n'eft qu'en méditant profondément fa- matière qu'on trouve une difiVibution gé-„ nérale.. C'èfl prefque toujours la dernière idée importante qu'on rencontre. C'efr une penfée unique qui fe développe, qui s'é-*. tend & qui fe ramifie, en fè nourriflant; de toutes les autres qui s'en rapprochent comme dalles-mêmes. Celles qui fè relu-, fent- à cette efpece d'attraction, ou font trop éloignées de fa fphere, ou elles ont quelqu'autre défaut plus confidérable ; & ,. dans l'un & l'autre cas ,.il eftà propos de les, rejeter. D'ailleurs , un dictionnaire efl fait pour être confulté ; & le point efTen- tiel , c'èfl que le lecteur remporte nette- ment dans fi mémoire le réfultat de fa lecture.. Une. marche à laquelle il faudroit. ENC s'aflujcttir quelquefois , parce qu'elle repré- fente affez bien la méthode d'invention , c'eft de partir des phénomènes individuels & particuliers , pour s'élever* à des con- noiffances plus étendues5 & moins fpécifi- ques ; de celles-ci à de plus grandes en- core , jufqu'à ce qu'on arrivât à la fcience des axiomes ou de ces proportions que leur (implicite , leur univerlàlité y leur évidence rendent indémontrables : car, en quelque matière que ce foit , on n'a parcouru tout l'efpace qu'on avoit à parcourir , que quand on eft arrivé à un principe qu'on ne peut ni prouver , ni définir , ni éclair- cir , ni obfcurcir , ni nier , fans perdre une partie du jour dont on étoit éclairé , & faire un pas vers des ténèbres qui finiroient par devenir très-profondes , fi on ne mettoit aucune borne à l'argumen- tation. Si je penfe qu'il y a un point au delà du- quel il eft dangereux de porter l'argumen- tation , je peniè aufîi qu'il ne faut s'arrêter , que quand on eft bien fur de l'avoir atteint. Toute fcience , tout art a fa métaphyfiquc. Cette partie eft toujours abftraite , élevée & difficile. Cependant ce doit être la prin- cipale d'un dictionnaire philofophique ; & l'on peut dire que tant qu'il y refte, à défri- cher, il y a des phénomènes inexplicables , & réciproquement. Alors l'homme de let- tres , le favant & l'artifte marchent dans les ténèbres ; s'ils font quelques progrès , ils en font redevables au hazard ; ils arrivent comme un voyageur égaré qui fuit la bonne voie (ans le (avoir. Il eft donc de la der- nière importance de bien expofer la méta- phyfique des chofes , ou leurs raifons pre- mières & générales ; le refte en deviendra plus lumineux & plus afluré dans l'efprit. Tous ces prétendus myfteres tant reprochés à quelques fciences , & tant allégués par d'autres pour pallier les leurs , difcutés métaphyfiquement , s'évanouifîènt comme les fantômes de la nuit à l'approche du jour. L'art éclairé dès le premier pas s'avancera Purement , rapidement , & toujours par la voie la plus courte. Il faut donc s'attacher à donner les raifons des chofes , quand il y en a ; à afîigner les caufes , quand on les connoît; à indiquer les effets, lorfqu'ils (ont certains ; à réfoudre les nœuds par une ENC 387 application directe des principes; à démon- trer les vérités ; à dévoiler les erreurs ; à décréditer adroitement les préjugés ; à ap- prendre aux hommes à douter & à attendre ; à difliper l'ignorance ; à apprécier la valeur des connoiflances humaines ; à diftinguer le vrai du faux , le vrai du vraifemblable » le vraifemblable du merveilleux & de l'iff* croyable , les phénomènes communs des phénomènes extraordinaires , les faits cer- tains des douteux , ceux-ci des faits abfur- des & contraires à l'ordre de la nature ; à connoître le cours général des événemens , & à prendre chaque chofe pour ce qu'elle eft , & par conféquent à infpirer lasoût de la fcience, l'horreur du menfonge &toi vice, & l'amour de la vertu ; car tout ce qui n'a pas le bonheur & la vertu pour fin dernière n'eft rien. Je ne peux fouffrir qu'on s'appuie de l'autorité des auteurs dans les queftions de raifonnement ; & qu'importe à la vérité que nous cherchons, le nom d'un homme qui n'eft pas infaillible ? Point de vers fur- tout ; ils ont l'air (i foible & fi mefquin au travers d'une difcuflïon philofophique. H faut renvoyer ces ornemens légers aux arti- cles de littérature ; c'eft là que je peux les approuver, pourvu qu'ils y foient placés par le goût , qu'ils y fervent d'exemple , & qu'ils fanent fortir avec force le défaut qu'on reprend , ou qu'ils donnent de l'éclat à la beauté qu'on recommande. Dans ces traités (cientifiques , c'eft l'en- chaînement des idées ou des phénomènes qui dirige la marche; à mefure qu'on avance, la matière le développe , (bit en fe généra- lifant , foit en (è particularifant , félon la méthode qu'on a préférée. Il en fera de même par rapport à la forme générale d'un article particulier d'Encyclopédie , avec cette différence que le dictionnaire ou la coordi- nation des articles aura des avantages qu'on ne pourra guère fe procurer dans un traité feientifique , qu'aux dépens de quelque qualité ; & de ces avantages , elle en fera redevable aux renvois , partie de l'ordre encyclopédique la plus importante. Je diftingue deux fortes de renvois : les uns de choies , & les autres de mots. Les renvois de chofes éclairciftent l'objet , indi- quent (es liaifons prochaines avec ceux qu^ Ceci 3*8 ENC le touchent immédiatement , & Tes liaifons éloignées avec d'autres qu'on en croiroit ifolés ; rappellent les notions communes & les principes analogues; fortifient les con- féquences ; entrelacent la branche au tronc , & donnent au tout cette unité fi favorable ù PétablifTement de la vérité & àlaperfua- fion. Mais quand il le faudra , ils produi- ront aufii un effet tout contraire ; ils oppo- feront les notions; ils feront contrafter les principes ; ils attaqueront , ébranleront , renverferont fecrérement quelques opinions ridicules qu'on n'oferoit infulter ouverte- ment. Si l'auteur eft impartial , ils auront toujoujg la double fonction de confirmer & de^éfuter., de troubler & de conci- lier. Il y auroît un grand art & un avantage infini dans ces derniers renvois. L'ouvrage entier en recevroit une force interne & une • utilité fecrete, dont les effets fourds feroient nécessairement fenfibles avec le temps. Tou- tes les fois , par exemple, qu'un préjugé - national mériteroit du refpect. t il faudrait à fon article particulier fexpofer refpedueu- fement , & avec tout fon cortège de vrai- femblance & de féduction ; mais renverfer l'édifice de fange, diffiper un vain amas de pouffiere , en. renvoyant aux articles où des principes folides fervent de baie aux vérités oppofées. Cette manière de détrom- per les hommes opère très-promptement fur les bons efprits , & elle opère infaillible- ment & fans aucune fâcheufe conféquence , fecrétement & fans éclat , fur tous les efprits, C'eft l'art de déduire tacitement les conié- quenees les plus fortes. Si ces renvois de confirmation & de réfutation font prévus de loin , & préparés avec- adrefîe , ils don- neront à une Encyclopédie le caractère que doit avoir un bon dictionnaire ; ce caractère eft de changer lafaçon commune de penfer. L'ouvrage qui produira ce grand effet gé- néral y aura des défauts d'exécution ; j'y confens. Mais le plan & le fonds en feront excellens. L'ouvrage qui n'opérera rien de pareil, fera mauvais. Quelque bien qu'on en puiffe dire d'ailleurs , l'éloge parlera , & l'ouvrage tombera dans l'oubli. Les renvois de mors font très-utiles. Cha- que fcience , chaque art a fa langue. Où en ièrok-on , ii toutes les fois, qu'on emploie ENC un tcrmt d'art , il falloir , en faveur de îa clarté , en répéter la définition ? Combien de redites ! & peut-on douter que tant de digrefïïons & de parenthefes , tant de lon- gueurs ne rendiffênt obfcur? Il eft aufli commun d'être diffus & obfcur , qu'obfcur & ferré ; & fi l'un eft quelquefois fatigant r l'autre eft toujours ennuyeux. II faut feu- lement, lorfqu'on fait ufage de ces motss & qu'on ne les explique pas , avoir l'atten- tion la plus fcrupuleufe de renvoyer aux endroits où il en eft queftion , & auxquels on ne fèroit conduit que par l'analogie , efpece de fil qui n'eft pas entre les mains de tout le monde. Dans un dictionnaire univerfel des fciences & des arts , on peut être contraint , en pluficurs circonftances , à fùppofer du jugement , de l'efprit , de la pénétration ; mais il n'y en a aucune où l'on ait dû luppofer des connoiffances. Qu un homme peu intelligent fe plaigne , s'il le: veut, ou de l'ingraritude de la nature, ou< de la difficulté de la matière , mais non de l'auteur , s'il ne lui manque rien pour en-> tendre , ni du côté des chofes , ni du côté, des mots. Il y a une troifieme forte de renvoi «V laquelle il ne fauf ni s'abandonner , ni fa refufèr entièrement; ce font ceux qui en rapprochant dans les fciences certains rap-* ports, dans, des fubftance.s naturelles de*, qualités analogues, dans les arts des ma-*- nœuvres femblables , conduiraient , ou à det: nouvelles vérités fpéculatives , ou à la per-« fection des arts connus , ou à l'invention de nouveaux arts,, ou à la reftiturion d'an- ciens arts perdus. Ces renvois font l'ouvrage de l'homme de génie. Heureux, celui qui' eft en état de les appercevoir : il a cet ef» prit de combinaifon, cet inftincl que j'ai défini dans quelques-unes de mespaiféesfur V interprétation de la nature. Mais il vaut encore mieux rifquer des conjectures chi- mériques , que d'en laiffer perdre d'utiles : c'eft ce qui m'enhardit à propofer celles qui fûivenr. Ne pourroit-on pas foupçonner , fur fin-, clinaifon & la déclinailon de l'aiguille ai- mantée, que fon extrémité décrit, d'un mouvement* compofé , une petite ellipfe femblable à celle que décrit l'extrémité, de . l'axe de la terre ? E N C « Sur les cas très-rares où la nature nous offre des phénomènes folitaires qui foient permanens , tels que l'anneau de Saturne , ne pourroit-on pas faire rentrer celui-ci dans la loi générale & commune , en con- fidérant cet anneau , non comme un corps continu , mais comme un certain nombre de fatellites mus dans un même plan , avec une vîteflè capable de perpétuer fur nos yeux une (énfation non interrompue d'om- bre ou de lumière ? C'eft à mon collègue M. d'Alembert à apprécier ces conjec- tures. Ou, pour en venir à des objets plus voi- fins de nous , & d'une utilité plus certaine , pourquoi n'exécuteroit-on pas des figures de plantes , d'oifeaux , d'animaux & d'hom- mes , en un mot , des tableaux fur le métier des ouvriers en foie , où l'on exécute déjà des rieurs & des feuilles fi. parfaitement nuancées ? Quelle impoffibilité y auroit-il à rem- plir iur les mêmes métiers les fonds de ces tapiiTeries en laine qu'on fait à l'aiguille , & à ne laifler que les endroits du deffin à nuancer , vuides & prêts à être achevés, à la main , foit en laine , ibit en. foie ? ce qui donneroit pour la célérité de l'exécu- tion de ces fortes d'ouvrages au métier , celle qu'on a dans la machine à bas pour la façon des mailles, J'invite les. Artifïes à méditer là-delfus.. Ne pourroit-on pas étendre le petit art d'imprimer ea cara&eres percés, à l'im- preflionou à la copie de la mufique? On auroit du. papier réglé. Les portées de ce papier feroient aufli tracées, fur les petites lames des caractères. A l'aide de ces traits & des jours mêmes des caractères, on. les rangeroit facilement fur les portées. Les barres qui féparent les mefures , celles qui lient les notes,. & tous les fignes de la mufique feroient au nombre des caractères. On donneroit aux lames des largeurs qui feroient entr'elles comme les valeurs des notes ; conféquemment les notes, occupe- roient fur une portée des efpaces. propor- tionnées à leurs valeurs ,. & les mefures fe correfpondroient rigoureufement les unes aux autres , fur différentes portées , fans. la moindre attention de la part du muficien. Cela fait , on auroit un châflj qui contien- E N C $%9 droit chaque portée , qu'on appliquerait fucceflivement fur autant de papiers diffé- rens qu'on voudrait; ce qui donneroit au- tant de copies d'un même morceau. La feule peine qu'il fauefroit prendre , ce feroir de hauffer & bai fier avec un petit inftru- ment les petites lames mobiles les unes entre les autres , dans les endroits où elles ne cor- refpondroient pas aufîî exactement qu'il le faut, foit aux lignes , foit aux entre-lignes. J'abandonne le jugement de cette idée à mon ami M. Rouffeau. Enfin , une dernière forte de renvoi qui peut être ou de mot , ou de chofe , ce font ceux que j'appellerois volontiers fatiriques ou épigrammatiques : tel efï , par exemple + celui qui fe trouve dans un de nos articles r ou à la fuite d'un éloge pompeux on lit ,. voyei CAPUCHON. Le mot burlefque capu~ chon , & ce qu'on trouve à l'article capu-~ chon , pourroit faire foupçonner que Féloge pompeux n'eft qu'une ironie , & qu'il faut- lire l'article avec précaution r & en pefer exactement tous les termes. Je ne voudrais pas fupprimer entière— ment ces renvois, parce qu'ils ont quelque- fois leur utilité. On peut les diriger fecré— tement contre certains ridicules , comme les renvois philofophiques contre certains préjugés. C'eft. quelquefois un- moyen dé- licat & léger de repouffer une injure , fans prefque fe mettre fur la défenfive , & d'arracher Le mafque à de graves perfon- nages., qui curios Jimulant Ù bacchanalia. v.ivunt. Mais je n'en aime pas la fréquence ; celui même que j'ai cité, ne me plaît pas. De fréquentes allufions de cette nature cou- vriraient de ténèbres un ouvrage. La pofté- rité qui ignore de petites, circonftances qui ne méritoient pas de lui être tranfmifes , ne fent plus la fineffe de Pà-propos ,.& re- garde ces mots qui nous égaient, comme des puérilités. Au lieu de compofer un dictionnaire férieux & philofophique, on tombe dans la pafquinade.. Tout bien con- fidéré , j'aimerois mieux qu'on dît la vérité fans détour , & que , fi par , malheur ou. par hafard on avoit X faire à des hommes perdus de réputation , fans connoifîânces , fans mœurs., & dont le. nom- fût prefque devenu un terme déshonnête , on s'abfrînt de les nommer, ou par pudeur, ou par 390 E N C charité, ou qu'on tombât fur eux fans mena- ' gement , qu'on leur fît la honte la plus ignominieufe de leurs vices, qu'on les rap- peliât à leur état & à leurs devoirs par des traits fanglans , & qu'on les pourfuivît avec l'amertume de Perfe & le fiel de Juvénal ou de Bûcha nan. Je fais qu'on dit des ouvrages où les au- teurs fe font abandonnés à toute leur in- dignation : Cela efl horrible ! On ne traite point les gens avec cette dureté-là l Ce font des injures grojfîeres qui ne peuvent fe lire y & autres femblables difeours qu'on a tenus dans tous les temps , & de tous les ouvrages où le ridicule & la méchanceté ont été peints avec le plus de force, & que nous liions aujourd'hui avec le plus de plaifir. Expliquons cette contradiction de nos juge- mens. Au moment où ces redoutables pro- ductions furent publiées , tous les méchans alarmés craignirent pour eux : plus un homme étoit vicieux , plus il fe plaignoit hautement. Il objectoit au fatirique l'âge , le "rang , la dignité de la perfonne , & une infinité de ces petites confidérations pafTa- geres qui s'afFoibliffent de jour en jour , & •qui difparoiflènt avant la fin du fiecle. Croit -on qu'au temps où Juvénal aban- don noit Meffaline aux portefaix de Rome , & où Perfe prenoit un bas valet , & le transformoic en un grave perfonnage, en un magiftrat refpectable , les gens de robe d'un côté , & toutes les femmes galantes de l'autre , ne fe récrièrent pas , ne dirent pas de ces traits , qu'ils étoient d'une indé- cence horrible & punilTable ? Si l'on n'en croit rien , on fê trompe. Mais les circonf- tances momentanées s'oublient ; la poftérité ne voit plus que la folie , le ridicule , le vice & la méchanceté , couverts d'igno- minie , & elle s'en réjouit comme d'un acte de juftice. Celui qui blâme le vice légè- rement , ne me paroît pas aflêz ami de la vertu. On eft d'autant plus indigné de Pin- juftice , qu'on eft plus éloigné de la com- mettre; & c'eft une foibleffe repréhenfible que celle qui nous empêche de montrer, pour la. méchanceté , la baffefïê , l'envie , la duplicité , cette haine vigoureufe & profonde que tout honnête homme doit refTentir. . Quelle que (bit la nature des renvois., on E N C_ ne pourra trop les multiplier. Il vaudroic mieux qu'il y en eût de fuperflus que d'omis. Un des effets les plus immédiats , & des avantages les plus importans de la multipli- cité des renvois , ce fera premièrement , de perfectionner la nomenclature. Un article effentiel a rapport à tant d'articles différent, qu'il fèroit comme impollible que quel- qu'un des travailleurs n'y eût pas renvoyé. D'où il s'enfuit qu'il ne peut être oublié ; car tel mot qui n'eft qu'acceflbire dans une matière , eft le mot important dans une autre. Mais il en fera des chofes ainfi que des mots. L'un fait mention d'un phéno- mène ; l'autre d'une qualité , & renvoie à l'article de la fubftance : celui-ci d'un fyf- tême , celui-là d'un procédé, & chacun fait fon renvoi à l'endroit convenable , non fur ce qu'il contient , car il ne lui a point été communiqué , mais fur ce qu'il préfume y devoir être contenu , pour éclaircir &T compléter l'article qu'il travaille. Ainfi à tout moment la grammaire renverra à la dialectique , la dialectique à la métaphy- fique , la métaphyfique à la théologie , la théologie à la jurifprudence , la jurifpru- dence à l'hiftoire , l'hiftoire à la géographie & à la chronologie , la chronologie à l'af- tronomie , l'aftronomie à la géométrie , la géométrie à l'algèbre , l'algèbre à l'arithmé- tique , &c. Une précaution de la dernière conféquence , c'eft de n'avoir pas allez bonne opinion de fon collègue pour croire qu'il n'aura rien omis. Il y a tant d'autres raifons que la mauvaife foi , foit pour paffer un article , foit pour n'y pas traiter tout ce qui eft de fon objet, qu'on ne peut être trop fcrupuleux à y renvoyer. Ce fera féconde ment , d'éviter les répéti- tions. Toutes les feiences empiètent les unes fur les autres : ce font des rameaux conti- nus & partant d'un même tronc. Celui qui compofe un ouvrage , n'entre pas dans fon fujet d'une manière abrupte , ne s'y ren- ferme pas en rigueur , n'en fort pas brus- quement : il eft contraint d'anticiper fur un terçain voifin du fien d'un côté ; fes confé- quences le portent fouvent dans un autre terrain contigu du côté oppofé ; & combien d'autres excurfions néceuaires clans le corps de l'ouvrage ! Quelle eft la fin des avant- propos , des introductions -, des préfaces , E N C des exordes , des épifodes , des digrefïïons , des conclufions ? Si l'on féparoit fcrupu- leufèment d'un livre , ce qui eft hors du fujet qu'on y traite , on le réduiroit prefque toujours au quart de Ton volume. Que fait l'enchaînement encyclopédique ? cette cir- confeription févere. Il marque fi exade- mentles limites d'une matière , qu'il ne refte dans un article , que ce qui lui eft effentiel. Une feule idée neuve engendre des volumes fous la plume d'un écrivain ; ces volumes fè réduifent à quelques lignes fous la plume d'un encyclopédie. On y eft afïèrvi , fans s'en appercevoir , à. ce que la méthode des géomètres a de plus ferré & de plus précis. On marche rapidement'. Une page préfente toujours autre chofe que celle qui la devance ou la fuit. Le befoin d'une proposition , d'un fait , d'un aphorifme , d'un phéno- mène ,. d'un fyftême ,. n'exige, qu'une cita- taon en Encyclopédie , non plus qu'en géo- métrie. Le géomètre renvoie d'un théorème ou d'un problême à un autre , & l'encyclo- pédifte d'un article à un autre. Et c'eft ainfi que deux genres d'ouvrages, qui paroiffent dune nature très-différente , parviennent , par un même moyen, à former un enfem- ble très-ferré, très-lié , & très-continu. Ce que je dis eft. d'une telle exactitude , que la méthode félon, laquelle les mathématiques font traitées dans notre dictionnaire , eft la même qu'on, a fuivie pour les autres ma- tières. Il n'y a fous ce point de vue aucune différence entre, un article, d'algèbre , &.un article de théologie* Par le moyen de l'ordre encyclopédique , de Puniverfalité des connoifTances & de la fréquence des renvois , les rapports aug- mentent , les liaifons fe portent en tout fens , la force de la démonftration s'accroît , la nomenclature fe complète , les connoiP fances fe rapprochent & fe fortifient ; on apperçoit ou la continuité , ou les vuides de notre fyftême ,. fes côtés, foibles , {es en- droits forts,, & d'un, coup-d'œil: quels font les objets auxquels il importe de travail- ler pour fa propre gloire , & pour la plus grande utilité du genre humain. . Si notre dictionnaire eft bon, combien . il produira d'ouvrages meilleurs ! j Mais comment un éditeur vérifiera-t-il jamais Ces renvois , s'il n'a pas tout fon ma- E N C 301 nuferit fous les yeux? Cette condition me paroît d'une telle importance , que je pro- noncerai de celui qui fait imprimer la première feuille d'une Encyclopédie , fans, avoir prélu vingt fois fa copie , qu'il ne fent pas l'étendue de fa fonction ; qu'il eft in- digne de diriger une fi haute entreprife; ou qu'enchaîné , comme nous l'avons été , par des événemens qu'on ne peut prévoir , il s'eft trouvé inopinément en- gagé dans ce labyrinthe, & contraint par honneur d'en fortir. le moins mal qu'il pourroit.. Un éditeur ne donnera jamais au tout un* certain degré de perfection., s'il n'en pof- fede les parties que fuccefïivement. Il fe- roit plus difficile de juger ainfi de l'enfem-- ble d'un dictionnaire univerfel , que de- l'ordonnance générale d'un morceau d'ar-- chitecture,. dont on ne verroit les diffé-- rens ordres que féparés , & les uns après les autres. Comment n'omettra-t-il pas des renvois? Comment ne lui en. échappera-, t-il pas d'inutiles, de faux, de ridicules?^ Un auteur renvoie en preuve j. du moins, c'eft fon defïèin ,. & il fe trouve qu'il a renvoyé en objection. L'article qu'un autre aura cité , ou n'exiftera point du tout , ou ne. renfermera rien d'analogue à la matière dont il s'agit. Un autre inconvénient, c'eft qu'il ne manque quelque portion, du ma- nuferit que parce que l'auteur la compofe à mefure que l'ouvrage s'imprime ; d'où il arrivera qu'abufant des renvois pour conful- ter fon loifir -, ou pour écouter fa parefîe , la matière fera mal diftribuée , les premiers volumes en feront vuides , les derniers fur- chargés , & l'ordre naturel entièrement perverti. Mais il y a pis à craindre , c'eft que ce travailleur , à la fin accablé feus une multitude prodigieufe d'articles renvoyés d'une lettre à une autre , ne les eftropie , ou même ne les fafîè point du tout , & ne les remette à une autre édition. Il balancera d'autant moins à prendre ce dernier parti qu'alors la fortune de l'ouvrage fera faite, ou ne fe fera point. Mais dans quel étrange embarras ne tombera-t-on pas , s'il arrive que le collègue , qui ne marche dans fon » travail qu'avec l'impreffion , meure ou fbit furpris d'une longue maladie? L'expérience jious a malheureufement appris à redouter $tji E N C ces événemens , quoique le public ne s'en foit point encore appeçu. Si l'éditeur a tout ion manufcrit fous Tes mains , il prendra une partie , il la fuivra dans toutes lès ramifications. Ou elle con- tiendra tout ce qui efl de fon objet , ou elle fera incomplète ; fi elle ell incomplète , il eil bien difficile qu'il ne foit pas inftruit des omifllons , par les renvois qui fe feront des autres parties à celle qu'il examine , comme les renvois de celle-ci à d'autres , lui indi- queront ce qui fera dans ces dernières , ou ce qu'il y faudra fuppléer. Si un mot étoit tellement ifolé , qu'il n'en fût mention dans aucune partie , foit en difcours, foit en renvoi , j'ofe afTurer qu'il pourroit être omis prefque fins conféquence. Mais penfe- t-on qu'il y en ait beaucoup de cette nature , même parmi les chofes individuelles & par- ticulières ? Il faudroitque celle dont il s'agit , n'eut aucune place remarquable dans les fciences, aucune efpece utile , aucun ufage dans les arts. Le marronnier d'Inde , cet arbre fi fécond en fruits inutiles , n'efl pas même dans ce cas. Il n'y a rien d'exiflant dans la nature ou dans l'entendement , rien de pratiqué ou d'employé dans les atte- liers , qui ne tienne par un grand nombre de fils au fyflême général de la connoifTance humaine. Si au contraire la chofe omife étoit importante ; pour que l'omiffion n'en fut ni apperçue ni réparée , il faudroiï fup- pofer au moins une féconde omiflîon , qui en entraînerait au moins une troifieme , & ainfi de fuite, jufqu'à un être folitaire , ifolé , & placé fur les dernières limites du {yfleme. Il y auroit un ordre entier d'êtres ou de notions fupprimé ; ce qui ell méta- phyfiquement impofïïble. S'il refle fur la ligne un de ces êtres , ou une de ces no- tions , on fera conduit de là , tant en des- cendant qu'en montant , à la reflitution d'une autre , & ainfi de fuite , jufqu'à ce que tout l'intervalle vuide foit rempli , la chaîne complète , & l'ordre encyclopé- dique continu. En détaillant ainfi comment une vérita- ble Encyclopédie doit être faite , nous éta- blirons des règles bien féveres , pour exa- miner & juger celle que nous publions. Quelque ufage qu'on faiTe de ces règles , ou pour ou contre nous , elles prouveront E N C du moins que perfonne n'étoit plus en état que les auteurs de critiquer leur ou» vrage. Refle à favoir fi nos ennemis , après avoir donné jufqu'à préfent d'affez fortes preuves d'ignorance , ne fe réfou- dront pas à en donner de lâcheté , en nous attaquant avec des armes que nous n'aurons pas craint de leur mettre à la main. La prélecture réitérée du manufcrit com- plet , obvieroit à trois fortes de fupplémens > de chofes , de mots & de renvois. Com- bien de termes , tantôt définis , tantôt feu- lement énoncés dans le courant d'un ar- ticle , & qui rentreraient dans l'ordre al- ■ phabétique ! Combien de connoiffances annoncées dans un endroit où on ne les chercheroit pas inutilement ! Combien de principes qui relient ifolés, & qu'on au- roit rapprochés par un mot de réclame ! Les renvois font y dans un article , comme ces pierres d'attente qu'on voit inégalement féparées les unes des autres , & faillan tes fur les extrémités verticales d'un long mur , ou fur la convexité d'une voûte, & dont les intervalles annoncent ailleurs de pareils intervalles , & de pareilles pierres d'attente. J'infifle d'autant plus fortement fur la néceflîté de pofîéder toute la copie , que" ks omifllons font , à mon avis , les plus grands défauts d'un dictionnaire. Il vaut encore mieux qu'un article foit mal fait, que de n'être point fait. Rien ne cha- grine tant un lecîeur , que de ne pas trou- ver le mot qu'il cherche. En voici un exemple frappant , que je rapporte d'autant plus librement , que je dois en partager le reproche. Un honnête homme acheté un ouvrage auquel j'ai travaillé : il étoit tour- menté par des crampes , & il n'eut rien de plus prefle que de lire l'article crampe : il trouve ce mot , mais avec un renvoi à convulfion ; il recourt à convitljion , d'où il efl renvoyé à mujele , d'où il efl ren- voyé à fpafme , où il ne trouve rien fur la crampe. Voilà , je l'avoue , une faute bien ridicule ; & je ne doute point que nous ne Payions commife vingt fois dans Y Encyclopédie. Mais nous fommes en droit d'exiger un peu cf indulgence. L'ouvrage auquel nous travaillons , n'efl point de notre choix : nous n'avons point ordonné les E NC les premiers matériaux qu'on nous a remis , & ou nous les a , pour ainfi dire , jetés dans une confufîon bien capable de rebuter qui- conque auroit eu ou moins d'honnêteté , ou moins de courage. Nos collègues nous font témoins des peines que nous avons prifes 8c que nous prenons encore : perfonne ne fait comme eux , ce qu'il nous en a coûté , & ce qu'il nous en coûte , pour répandre fur l'ouvrage toute la perfection d'une pre- mière tentative j &c nous nous fommes propofé , finon d'obvier , du moins de iatisfaire aux reproches que nous aurons en- courus , en relifant notre dictionnaire , quand nous l'aurons achevé , dans le deifein de compléter la nomenclature, la matière & les renvois. Il n'y a rien de minutieux dans l'exécu- tion d'un grand ouvrage : la négligence la plus légère a des fuites importantes : le ma- mifcrit m'en fournit un exemple : rempli de noms perfonnels , de termes d'arts , de caractères , de chiffres , de lettres , de cita- tions , de renvois , &c. l'édition fourmil- lera de fautes , s'il neft pas de la dernière exactitude. Je voudrois donc qu'on invitât les Encyclopédies , à écrire en lettres ma- ju feules , les mots fur le/quels il feroit fa- cile de fe méprendre. On éviteroit , par ce moyen , prefque toutes les fautes d'impref- fion ; les articles feroient corre&s , les au- teurs n'auroient point à fe plaindre , & le lecteur ne ièroit jamais perplexe. Quoique nous n'ayions pas eu l'avantage de pofféder un manuferit tel que nous l'aurions pu de- firer j cependant il y a peu d'ouvrages im- primés avec plus d'exactitude & plus d'élé- gance que le nôtre. Les foins & l'habileté du typographe Font emporté fur le défordre & les imperfections de la copie \ & nous n'offenferons aucun de nos collègues , en affurant que dans le grand nombre de ceux qui ont eu quelque part à l'Encyclopédie , il n'y a perfbnue qui ait mieux fatisfait à Ces engagemens , que l'imprimeur. Sous cet a£ pecl: , qui a frappé & qui frappera , dans tous les temps , les gens de goût & les bi- bliomanes , les éditions fubfëquentes égale- ront difficilement la première. Nous croyons fentir tous les avantages d'une entreprilè telle que celle dont nous nous occupons. Nous croyons n'avoir eu Tome XII. E N C 593 que trop d'oceafions de connoître combien il étoit difficile de fortir avec quelque fuc- ces d'une première tentative , 6c combien les talens d'un feul homme , quel qu'il fût , étoient au deffous de ce projet. Nous avions là-deffus , long-temps avant que d'avoir commencé , une partie des lumières, & toute la défiance qu'une longue médita- tion pouvoit infpirer. L'expérience n'a point affbibli ces difpofîtions. Nous avons vu , à mefure que nous travaillons , ,1a ma- tière s'étendre , la nomenclature s'obfcur- cir , des fubftances ramenées fous une mul- titude de noms différens , les inftrumens , les machines & les manœuvres fe multiplier fans mefure , & les détours nombreux d'un labyrinthe inextricable fè compliquer de plus en plus. Nous avons vu combien il en coûtoit pour s'affurer que les mêmes chofes étoient les mêmes , & combien , pour s'af- furer que d'autres qui paroiffoient très-dif- férentes , n'étoient pas différentes. Nous avons vu que cette forme alphabétique , qui nous ménageoit à chaque inftant des repos , qui répandoit tant de variété dans le travail , & qui , fous ces points de vue , paroiiToit fi avantageufe à fuivre dans un long ouvrage , avoit les difficultés qu'il falloit furmonter à chaque inftant. Nous avons ru qu'elle expofoit à donner aux articles capitaux , une étendue immeniè , fî l'on y faifoit en- trer tout ce qu'on pouvoit affez naturelle- ment efpérer d'y trouver 5 ou à les rendre fecs & appauvris , fi , à l'aide des renvois , on les élaguoit , & fi l'on en excluoit beau- coup d'.objets qu'il n'étoit pas pofîible d'en fëparer. Nous avons vu combien il étoit important & difficile de garder un jufte milieu. Nous avons vu combien il échap- poit de choies inexactes &: faufTes \ com- bien on en ornettoit de vraies. Nous avons vu qu'il n'y avoit qu'un travail de plu- fïeurs fiecles , qui pût introduire entre tant de matériaux ralfemblés , la forme véritable qui leur convenoit j donner à chaque par- tie fou étendue \ réduire chaque article à une jufte longueur \ fùpprimer ce qu'il y a de mauvais } fuppléer ce qui manque de bon , & finir un ouvrage qui remplît le de£ fèin qu'on avoit formé , quand on l'entre * prit. Mais nous avons vu que de toutes les difficultés , une tks'plus conlidcrables , Ddd 394 E N'C détoit de îe produire une fois , quelque in- forme qu'il fût , & qu'on ne nous raviroit pas l'honneur d'avoir fiirmonté cet obfta- cle. Nous avons vu que Y Encyclopédie ne pouvoir être que la tentative d'un fiecle philofophe \ que ce fiecle étoit arrivé ; que la renommée , en portant à l'immortalité les noms de ceux qui l'acheveroient , peut- être ne dédaigneroit pas de fe charger des nôtres } & nous nous fommes fèntis rani- més par cette idée fi confolante & 11 douce , qu'on s'entretiendroit auflî de nous , lorf- que nous ne ferions plus } par ce murmure £ voluptueux , qui nous faifoit entendre dans la bouche de quelques-uns de nos contemporains , ce que diroient de nous cîes hommes à l'inftru&ion & au bonheur defquels nous nous immolions , que nous eftimions & que nous aimions , quoiqu'ils ne fuflent pas encore. Nous avons fenti fe développer en nous ce germe d'émulation , qui envie au trépas la meilleure partie de nous-mêmes , & ravit au néant les feuls momens de notre exiftence dont nous ibyons réellement flattés. En effet , l'homme iê montre à lès contemporains & fe voit tel qu'il eft , compofé bizarre de qualités fublimes & de foihleffes honteufès. Mais les foihleffes fuivejit Ta dépouille mortelle dans le tombeau , & difparoilfent avec elle 5 la même terre les couvre : il ne relie que les qualités éternifées dans les monumeus qu'il s'eft élevés à lui-même , ou qu'il doit à la vénération & à la reconnoifTance pu- blique ; honneurs dont la confcieuce de fbn propre mérite lui donne une jouilTance anticipée 5 jouilTance aufiî pure , aum" forte, auili réelle qu'aucune autre jouilTance , & dans laquelle il ne peut y avoir d'imagi- naire , que les titres fur lefquels 011 fonde fes prétentions. Les nôtres font dépofés dans cet ouvrage j la poftérité les ju- gera. J'ai dit qu'il n'appartenoit qu'à un (iecle philofophe de tenter une Encyclopédie ; èi. je l'ai dit , parce que cet ouvrage demande par-tout plus de hardiefTe dans l'elprit , qu'on n'en a communément dans les iiecles pufillanimes du goût. Il faut tout exami- ner , tout remuer fans exception & fans ménagement ; ofer voir , ainfi que nous commençons, à nous en convaincre , qu'il E N C en eft prefque des genres de littérature , ainfi que de la compilation générale des ioix & de la première formation des villes } que c'eft à un hafard fingulier , à une cir- conftance bizarre , quelquefois à un e{Tor du génie , qu'ils ont dû leur nailTance ', que ceux qui font venus après les premiers in- venteurs n'ont été , pour la plupart , que leurs efclaves \ que des productions qu'on devoit regarder comme le premier degré , prifes aveuglément pour le dernier terme , au lieu d'avancer un art à ià perfection , n'ont fèrvi qu'à le retarder , en réduifànt les autres hommes à la condition fervile d'imitateurs 3 qu'aufîi - tôt qu'un nom fut donné à une compofition d'un caractère particulier , il fallut modeler rigoureufe- ment fur cette efquiffe , toutes celles qui fè firent j que s'il parut de temps en temps un homme d'un génie hardi &c original , qui , fatigué du joug reçu , ofa le fecouer , s'éloigner de la route commune , & en- fanter quelque ouvrage auquel le nom donné & les loix preferites ne furent point exac- tement applicables , il tomba dans l'oubli & y refta très-long-temps. II faut fouler aux pies toutes ces vieilles puérilités j ren- verfèr les barrières que la raifbn n'aura point pofées :, rendre aux feiences & aux arts une liberté qui leur eft fi précieufe , & dire aux admirateurs de l'antiquité : ap- peliez le marchand de Londres comme il vous plaira , pourvu que vous conveniez que cette pièce étincelle de beautés fubli- mes. Il falloit un temps raifonneur , cù l'on ne cherchât plus les règles dans les auteurs , mais dans la nature , & où l'en fèntît le faux & le vrai de tant de poéti- ques arbitraires : je prends le terme de poétique dans fou acception la plus géné- rale , pour un fyftême de règles données y félon lefquelles , en quelque genre que ce ibit , on prétend qu'il faut travailler pour réuflir. Mais ce fiecle s'eft fait attendre fi long- temps , que j'ai penfé quelquefois qu'il feroit heureux pour un peuple qu'il ne le rencontrât point chez lui un homme ex- traordinaire , fous lequel un art nailîànt fît fes premiers progrès trop grands & trop rapides , & qui en interrompît le mouvement infenfibie & naturel. Les ou* ENC vrages de cet homme feront néccfTairement des compofés monftrueux , parce que le génie & le bon goût font deux qualités très-différentes. La nature donne l'un en un moment : l'autre eft le produit des fiecles. Ces monftres deviendront des mo- dèles nationaux; ils décideront le goût d'un peuple. Les bons elprits qui fuccéderont , trouveront en leur faveur une prévention qu'ils n'oferont heurter \ & la notion du beau s'obfcurcira , comme il arriveroit à celle du bien de s'obfcurcir chez des bar- bares qui auroient pris une vénération ex- ceilîve pour quelque chef d'un caractère équivoque , qui fe feroit rendu recomman- dable par des fervices importans & des vices heureux. Dans le moral , il n'y a que Disu qui doive fervir de modèle à l'homme j dans les Arts , que la nature. Si les Sciences & les Arts s'avancent par des degrés *infen- fibles , un homme ne différera pas affez d'un autre pour lui en impofer , fonder un genre adopté , & donner un goût à la nation \ conféquemment la nature &: la raifon conferveront leurs droits. Elles les avoient perdus ; elles font fnr le point de les recouvrer } & l'on va voir combien il nous importoit de connoître & de faifîr ce moment. Tandis que les fiecles s'écoulent , la maffe des ouvrages s'accroît fans ceffe , & l'on prévoit un moment où il feroit pref- que auffi difficile de s'inftruire dans une bibliothèque , que dans l'univers , & pref- que aufli court de chercher une vérité fub- iiftante dans la nature , qu'égarée dans une multitude irnmenfe de volumes \ il fau- droit alors fe livrer , par néceiîîté , à un travail qu'on auroit négligé d'entrepren- dre , parce qu'on n'en auroit pas fenti le befoin. Si l'on fe repréfente la face de la litté- rature dans les temps où l'impreiîîon n'étoit pas encore , ou verra un petit nombre d'hommes de génie occupés à compofer , & un peuple innombrable de manouvriers occupés à tranfcrire. Si l'on anticipe fur les fiecles à venir , & qu'on fe repréfente la face de la littérature , lorfque l'impref- fion , qui ne fe repofe point , aura rempli de volumes d'immenfes bâtimens , on In trouvera partagée derechef en deux claifes ; ENC 3jî d'hommes. Les uns liront peu & s'aban- donneront à des recherches qui feront nouvelles ou qu'ils prendront pour telles , ( car fi nous ignorons déjà une partie de ce qui eft contenu dans tant de volumes publiés en toutes fortes de langues , nous faurons bien moins encore ce que renfer- meront ces volumes augmentés d'un nombre d'autres, cent fois, mille fois plus grand,) 5 les autres , manouvriers incapables de rien produire , s'occuperont à feuilleter jour 8c nuit ces volumes , & à eu féparer ce qu'ils jugeront digne d'être recueilli & confervé. Cette prédiction ne commencc-t-elle pas à s'accomplir ? & plufieurs de nos littérateurs ne font-ils pas déjà employés à réduire tout nos grands livres à de petits où l'on trouve encore beaucoup de fuperflu ? Suppofons maintenant leurs analyfes bien faites , &c diftribuées fous la forme alphabétique en un nombre de volumes ordonnés par des hommes intelligens , & l'on aura les maté- riaux d'une Encyclopédie. Nous avons donc entrepris aujourd'hui pour le bien des Lettres , & par intérêt pour le genre humain , un ouvrage auquel nos neveux auroient été forcés de fe livrer , mais dans des circonftances beaucoup moins favorables , lorfque la furabondance des livres leur en auroit rendu l'exécution très- pénible. Qu'il me foit permis , avant que .d'entrer plus avant dans l'examen de la matière en- cyclopédique , de jeter un coup-d'œil fur ces auteurs qui occupent déjà tant de rayons dans nos bibliothèques , qui gagnent du terrain tous les jours , & qui dans un h'ecle ou deux rempliront feuls des édifices. C'eft , ce me femble , une idée bien mortifiante pour ces volumineux écrivains , que de tant de papiers qu'ils ont couverts d'écriture , il n'y aura pas une ligne à extraire pour le dictionnaire univerfel de la conohTance humaine. S'ils ne fe foutiennent par l'excel- lence du coloris, qualité particulière aux hommes de génie , je demande ce qu'ils deviendront. - Mais il eft naturel que ces réflexions qui nous échappent fur le fort de tant d'autres , nous faifent rentrer en" nous-mêmes , & confidérer le fort qui nous attend. J'exa- mine notre travail fans partialité } je vois Dddi 35>£ E N C qu'il u'y a peut-être aucune forte de faute que nous n'ayions commife , & je fuis forcé d'avouer que d'une Encyclopédie telle que la nôtre , il en entremit à peine les deux tiers dans une véritable Encyclopédie. C'eft beaucoup , fur-tout fi l'on convient qu'en jetant les premiers fondemens d'un pareil ouvrage , l'on a été forcé de prendre pour bafe un mauvais auteur , quel qu'il fût , Chambers , Alftedius , ou un autre. Il n'y a prefqu'aucun de nos collègues qu'on eût déterminé à travailler , fi on lui eût propofé de compofer à neuf toute fa partie \ tous auraient été effrayés , & l'Encyclopédie ne fe feroit point faite. Mais en présentant à chacun un rouleau de papiers , qu'il ne s'agiffoit que de revoir , corriger , augmen- ter } le travail de création , qui eft toujours celui qu'on redoute , difparoilfoit , & l'on fè laiffoit engager par la confidération la plus chimérique. Car ces lambeaux dé- coufus fe font trouvés fi incomplets , fi mal compofés , fi mal traduits , fi pleins d'omif- fïons , d'erreurs & d'inexactitudes , fi con- traires aux idées de nos collègues , que la plupart les ont rejetés. Que n'ont- ils eu tous le même courage ? Le feul avantage qu'en aient retiré les premiers , c'eft de connoître d'un coup-d'œil la nomencla- ture de leur partie , qu'ils auroientpu trouver au moins aum" complète dans les tables de différens ouvrages , ou dans quelque dic- tionnaire de langue. Ce frivole avantage a coûté bien cher. Que de temps perdu à traduire de mauvai-. fes chofes ! que de dépenfes pour fe pro- curer un plagiât continuel ! combien de fautes & de reproches qu'on fe feroit épar- gnés avec une fimple nomenclature ! Mais eût-elle fuffi pour déterminer nos collègues? D'ailleurs , cette partie même ne pouvoit guère fe perfectionner que par l'exécution. A mefure qu'on exécute un morceau , la nomenclature fe développe , les termes à définir fe préfentent en foule '■, il vient une infinité d'idées à renvoyer fous différens chefs j ce qu'on ne fait pas eft du moins in- diqué par un renvoi , comme étant du par- tage d'un autre : en un mot , ce que chacun fournit & fe demande réciproquement , Voilà la fource d'où découlent les mots. D'où l'on voit , i°, qu'on ne pouvoit 1 à ENC une première édition , employer un trop grand nombre de collègues \ mais que iî notre travail n'eft pas tout-à fait inutile , un petit nombre d'hommes bien choifis fuffiroit à l'exécution d'une féconde, h faudrait les prépofer à différens travailleurs fubalternes , auxquels ils feroient honneur des feccurs qu'ils en auroient reçus , mais dont ils feroient obligés d'adopter l'ouvrage , afin qu'ils ne puiient fe diipeufer d'y met- tre la dernière main , que leur propre ré- putation fe trouvât engagée , & qu'on pût les aceufer directement ou de négligence ou d'incapacité. Un travailleur qui ofe de- mander que fon nom ne foit point mis à la fin d'un de fes articles , avoue qu'il le trouve mal fait , ou du moins indigne de .lui. Je crois , que , félon ce nouvel arrange- ment , il ne feroit pas irr.pcfiibîe qu'un feul homme fe chargeât de l'anatomic , de la médecine , de la chirurgie , de la matière médicale, & d'une portion de la pharmacie} un autre de la chymie , de la partie reliante de la pharmacie , & de ce qu'il y a de chymique dans des arts , tels que la mé- tallurgie , la teinture , une partie de l'orfè- vrerie , une partie de la chaudronnerie , de la plomberie , de la préparation des cou- leurs de toute efpece , métalliques ou autres , &c. . Un feul homme bien inftruit de quelque art' en fer , embrafferoit les métiers de cloutier , de coutelier , de fèr- rurier , de taillandier , &c. Un autre verfé dans la bijouterie fe chargeroit des arts du bijoutier , du diamantaire , du lapidaire , du metteur en œuvre. Je donnerais toujours la préférence à un homme qui aurait écrit avec fuccès fur la matière dont il fe charge- roit. Quant à celui qui préparerait actuel- lement un ouvrage fur cette matière , je ne l'accepterois pour collègue que s'il étoit déjà mon ami , que l'honnêteté de fon caractère me fût bien connue , & que je ne puffe ? fans lui faire l'injure la plus grande , le foupçonner d'un deffein fecret de facrifier notre ouvrage au fien. 2°. Que la première édition d'une Ency- clopédie ne peut être qu'une compilation très-informe & très-incomplete. Mais , dira-t-on , comment avec tous ces défauts vous eft- il arrivé d'obtenir un fuccès qu'aucune production aufil conlidérable n'a E N C jamais eu ? A Cela je répons que notre Encyclopédie a prefque fur tout autre ou- vra ^e , je ne dis pas de la même étendue , mais quel qu'il fbit , compofé par une fo- ciété ou par un ieul homme , l'avantage de contenir une infinité de chofes nouvelles , & qu'on chercheroit inutilement ailleurs. Ceft la fuite naturelle de l'heureux choix de ceux qui s'y font confâcrés. Il ne s'eft point encore fait , & il ne fe fera de long -temps une collection auin confidérable & aufîi belle de machines. Nous avons environ mille planches. Ou efc bien déterminé à ne rien épargner far la gravure. Malgré le nombre prodigieux de figures qui les rempliffent , nous avons eu l'atten- tion de n'en admettre prcfqu'aucune qui ne repréfentât une machine fubiîftante & travaillant dans la fociété. Qu'on compare nos volumes avec le recueil fi vanté de Ra- melli ; le théâtre des machines de Lupold, ou même les volumes des machines approu- vées par l'académie des feiences , & l'on jugera fi de tous ces volumes fondus en- fèmble , il étoit poiïible d'en tirer vingt planches dignes d'entrer dans une collection telle que nous avons eu le courage de la con- cevoir & le bonheur de l'exécuter. Il n'y a rien ici ni de fuperflu , ni de furanné , ni d'idéal : tout y eft en aclion & vivaut. Mais indépendamment de ce mérite , & quelque différence qu'il puifTc & qu'il doive néceifairement y avoir entre cette première édition & les fuivantes , n'eft-ce rien que d'avoir débuté ? Entre une infinité de diffi- cultés qui fe préfenteront d'elles-mêmes à l'efprit , qu'on pefe feulement celle d'avoir ralfemblé un alfez grand nombre de collè- gues , qui , fans fe connoître , femblent tout concourir d'amitié à la production d'un ouvrage commun. Des gens de lettres ont fait pour leurs femblables & leurs égaux , ce qu'on n'eût point obtenu d'eux par aucune autre confîdération. Ceft là le motif auquel nous devons nos premiers collègues \ & c'eft à la même came que nous devons ceux que nous nous aflbcions tous les jours. Il règne entre eux tous une émulation , des égards , une concorde qu'on auroit peine à imagi- ner; On ne s'en tient pas à fournir les fecours qu'on a promis , on fe fait encore des facri- iicesL mutuels j choie bien plus, difficile !. E N C 5557 De là tant d'articles qui partent des mains- étrangères , fans qu'aucun de ceux qui s e- toienr charges dzs feiences auxquelles ils apparteuoient en aient jamais été ofFenfés. C'eft qu'il ne s'agit point ici d'un intérêt particulier :, c'eft qu'il ne règne entre uous aucune petite jaloufie perfonnelle , & que la perfection de l'ouvrage & l'utilité du genre humain , ont fait naître le feiitiment général dont on eft animé. Nous avons joui d'un avantage rare & précieux qu'il ne faudroitpas négliger dans le projet d'une féconde édition. Les hommes de lettres de la plus grande réputation , les artiftes de la première force ? n'ont pas dédaigné de nous envoyer quelques mor- ceaux dans leur genre. Nous devons élo- quence , élégance , efprit , &c. , à M. de Voltaire. M. de Montefquieu nous a laiffé en mourant des fragmeus fur l'article goût ; M. de la Tour nous a promis fès idées fur la peinture ; M. Cochin fils ne nous refufè- roit pas l'article gravure, fi Ces occupations lui laiifoient le temps d'écrire. Il ne feroit pas inutile d'établir des cor- refpondances dans les lieux principaux du monde lettré , &: je ne doute point qu'on n'y réufsît. Ou s'inftruira des ufages , des cou- tumes , des productions , des travaux , des machines , &c. fi on ne néglige perfonne r & fi l'on a pour tous ce degré de confîdé- ration que l'on doit à l'homme défintéreffé qui veut fe rendre utile. Ce feroit un oubli inexcufable , que de ne *fe pas procurer la grande Encyclopédie Allemande , le recueil des réglemens fur les arts & métiers de Londres & des autres pays y les ouvrages appelles en Anglois the myfteries; le fameux règlement desPiémsn- tois fur leurs manufactures } des regiftres des douanes } plusieurs inventaires de mai- fons de grands feigueurs & de bourgeois ; tous les traités fur les arts en général & en particulier \ les réglemens du commerce y les ftatuts des communautés j tous les recueils des académies , far-tout la collection aca- démique dont le difeours préliminaire & les premiers volumes viennent de paroître. Cet ouvrage ne peut manquer d'être excellent ,, à en juger par les fources. où l'on fe propofo de puifer , & par l'étendue des connoilfan- , ces 3 la fécondité des idées ^ôc la fermeté de: pS E N C jugement & de goût de l'homme qui dirige cette grande entreprife. Le plus grand bon- heur qui pût arriver à ceux qui nous fuc- céderont un jour dans l'Encyclopédie , & qui fe chargeront des éditions fuivantes , c'eft que le dictionnaire de l'académie Fran- çoise , tel que je le conçois , & qu'il eft conçu par les meilleurs efprits de cette illuftre compagnie , ait été publié , que l'hiftoire naturelle ait paru toute entière , & que la collection académique fbit achevée. Combien de travaux épargnés ! Entre les livres dont il eft encore efTentiel de fe pourvoir , il faut compter hs catalo- gues des grandes bibliothèques \ c'eft là qu'on apprend à coimoître les fources où l'on doit pnifer ; il feroit même à fouhaiter que l'éditeur fût en correfpondance avec les bibliothécaires. S'il eft néceffaire de con- fulter les bons ouvrages , il n'eft pas inutile de parcourir les mauvais. Un bon livre fournit un ou plnfîeurs articles excelle.ns \ un mauvais livre aide à faire mieux. Votre tâche eft remplie dans celui-ci , l'autre l'abrège. D'ailleurs , faute d'une grande connoinance de la bibliographie , on eft expofé fans celle à compofer médiocrement , avec beaucoup de peine , de temps , & de dépenfe , ce que d'autres ont fupérieure- ment exécuté. On fe tourmente pour dé- couvrir des chofes connues. Obièrvons qu'excepté la matière des arts , il n'y a proprement du relfort d'un dictionnaire que ce qui eft déjà publié , & que par con- fcquent il eft d'autant plus à fouhaiter que chacun connoifle hs grands livres compotes dans fa partie , ££ que l'éditeur foit muni des catalogues les plus complets & hs plus étendus. La citation exacte des fources feroit d'une grande utilité : il faudroit s'en impofer la loi. Ce feroit rendre un fervice important à ceux qui le deftinent à l'étude particulière d'une feience ou d'un art , que de leur donner la connoiffance des bons auteurs , des meilleures éditions , & de l'ordre 'qu'ils doivent fuivre dans leurs lectures. U Ency- clopédie s'en eft quelquefois acquittée , elle auroit dû n'y manquer jamais. Il faut analy/ër fcrupuleufement&fïdelle- ment tout ouvrage auquel le temps a allure une réputation confiante. Je dis le temps , E N C parce qu'il y a bien de la différence entra une Encyclopédie &: une collection de jour- naux. Une Encyclopédie eft une expofitioa rapide & défintéreirée des découvertes des hommes dans tous les lieux , dans tous les genres, & dans tous les fîecles , fans aucun jugement des perfonnes \ au lieu que hs journaux ne font qu'une hiftoire momen- tanée des ouvrages & des auteurs. On y rend compte indiftinérement des efforts heureux & malheureux , c'eft-à-dire , que pour un feuillet qui mérite de l'attention, on traite au long d'une infinité de volumes qui tombent dans l'oubli avant que le der- nier journal de l'année ait paru. Combien ces ouvrages périodiques feroient abrégés, fi on laifîbit feulement un an d'intervalle entre la publication d'un livre & le compte qu'on en rendroit ou qu'on n'en rendroit pas ! tel ouvrage dont on a parlé fort au long dans le journal , n'y feroit pas même nommé. Mais que devient l'extrait quand le livre eft oublié ? Un dictionnaire univerfel & raifonné eft deftiné à l'inftru&ion géné- rale & permanente de l'efpece humaine ; les écrits périodiques , à la fàtisfa&ion mo- mentanée de la curiofîté de quelques oififs. Ils font peu lus des gens de lettres. Il faut particulièrement extraire des au- teurs , les fyftêmes , les idées fingulieres , les obfèrvations , les expériences , les vues , les maximes & hs faits. Mais il y a des ouvrages fi importans, fi-bien médités , fi précis , en petit nom- bre à la vérité , qu'une Encyclopédie doit hs engloutir en entier. Ce font ceux où l'objet général eft traité d'une manière méthodique & profonde , tels que Xeffai fur l'entendement humain , quoique trop diffus j les conf dérations fur les mœurs , quoique trop ferrées \ les inftitutions agro- nomiques , bien qu'elles ne foient pas afTez élémentaires , &c. Il faut diftribuer hs obfèrvations , les faits , les expériences , &c. aux endroits qui leur font propres. Il faut fàvoir dépecer artiftement un ou- vrage, en ménager les diftributions , en présenter le plan , en faire une analyfe qui forme le corps d'un article , dont hs ren- vois indiqueront le refte de l'objet. Il ne s'agit pas de brifer les jointures , mais de E N C les relâcher 5 de rompre les parties , mais de les défaffcmbler , & d'en conferver feru- puleufement ce que les artiftes appellent les repères. Il importe quelquefois de faire mention des chofes abfurdes } mais il faut que ce ibit légèrement & en paffant , feulement pour l'hiftoire de l'eiprit humain , qui fe dévoile mieux dans certains travers fingu- liers , que dans l'action la plus raifonnable. Ces travers font pour le moralifte, ce qu'eft la diife&ion d'un monftre pour lhiftorien de la nature : elle lui fert plus que l'étude de cent individus qui fë reflembient. Il y a des mots qui peignent plus fortement & plus complètement que tout un difeours. Un homme à qui on ne pouvoit reprocher aucune mauvaifè action, difoit un mal in fini de la nature humaine. Quelqu'un lui de- manda : mais où avez-vous vu l'homme fi hideux ? En moi, répondit- il. Voilà un mé- chant qui n'avoit jamais fait de mal^puiffe- t-il mourir bientôt ! Un autre difoit d'un ancien ami : un tel eft un très - honnête homme \ il eft pauvre , mais cela ne m'em- pêche pas d'en faire un cas fingulier. Il y a quarante ans que je fuis fon ami , & il ne m'a jamais demandé un fou. Ah ! Molière , où étiez-vous ? ce trait ne vous eût pas échappé , & votre avare n'en ofFriroit aucun ni plus vrai ni plus énergique. Comme il eft au moins aufti important de rendre les hommes meilleurs , que de les rendre moins ignorans , je ne ferais pas fâché qu'on recueillît tous les traits frap- pans des vertus morales. Il faudroit qu'ils fulTent bien confiâtes : on les diftribueroit chacun à leurs articles qu'ils vivifieraient. Pourquoi feroit-on fi attentif à conferver l'hiftoire des penfees des hommes , & né- gligeroit-on l'hiftoire de leurs actions? celle- ci n'eft-elle pas la plus utile ? n'eft-ce pas celle qui fait le plus d'honneur au genre humain ? Je ne veux pas qu'on rappelle les mauvaifes actions 5 il feroit à fouhaiter qu'elles n'eulfent jamais été. L'homme n'a pas befoin de mauvais exemples 7 ni la na- ture humaine d'être plus décriée. Il ne faudroit faire mention des actions déshon nêres , que quand elles auraient été fuivies , non de la perte de la vie & des biens , qui ne font que trop fouvent les fuites funeftes E N C 395 de la pratique de la vertu , mais que quand elles auraient rendu le méchant malheu- reux &: méprifé au milieu des récompenfès les plus éclatantes de fes forfaits. Les traits qu'il faudroit fur-tout recueillir , ce feraient ceux où le caractère de l'honnêteté eft joint à celui d'une grande pénétration , ou d'une fermeté héroïque. Le trait de M. Peliiîbn ne feroit furement pas oublié. Il fè porte ac- cufàteur de fon maître & de fon bienfaiteur : on le conduit â la Baftille : on le confronte avec fon aceufé , qu'il charge de quelque malverfàtion chimérique. L'accufé lui en demande la preuve. La preuve , lui répond Peliftbn ? hé , Monfieur 7 elle ne fe peut ti- rer que de vos papiers , &: vons favez bien qu'ils font tous brûlés : en effet ils i'étoienî. Peliftbn les avoit brûlés lui-même , mais il falloit en inftruire le prifonnier ^ & il ne ba- lança pas de recourir à un expédient , fur à la vérité , puifque tout le monde y fut trompé j mais qui expofoit fa liberté , peut- être fa vie , & qui , s'il eût été ignoré , comme il pouvoit l'être , attachoit à fon nom une infamie éternelle , dont la honte pouvoit réjaillir fur la république des let- tres , où Peliftbn occupoit un rang diftiu- gué. M. Gobinot de Rheims fupporte , pen- dant quarante ans , l'indignation publique qu'il encourait par une excefîive parcimo- nie dont il tirait les fournies immenfès qu'il deftincit à des monumens de la plus grande utilité. Aflbcions-lui un prélat ref- pe£hble par fes qualités apoftoliques , fes dignités ? fa naiftance , la noble /implicite de fès mœurs , & la folidité de fes vertus. Dans une grande calamité , ce prélat, après avoir foulage , par d'abondantes diftribu- tions gratuites , en argent & en grains , la partie de fon troupeau qui laifîbit voir toute fon indigence , fonge à fècourir celle qui cachoit fa raifere , en qui la honte étouffoit la plainte , & qui n'en étoit que plus maîheureufè , contre l'oppreffion de ces hommes de fang , dont l'âme nage dans la joie au milieu du gémiftement gé- néral , & il fait porter fur la place , des grains qu'on y diftribua à un prix fort au deffous de celai qu'ils avoient coûté. L'ef prit de parti qui abhorre tout a&e ver- tueux qui n'eft pas de quelqu'un des liens , traite fa charité de monopole 3 & un fcé- 4oo E N C lérat obfcur infcrit cette atroce calomnie parmi celles dont il remplit , depuis fi long - temps , fes feuilles hebdomadai- res. Cependant il fument de nouvelles calamités 3 le ze!e inaltérable de ce rare pafteur continue de s'exercer , & il le trouve enfin un honnête homme qui éieve la voix , qui dit la vérité , qui rend hommage à la vertu , & qui s'écrie , tranfporté d'admira- tion : quel couragej quelle patience héroï- que ! qu'il eft confblant pour le genre hu- main que la. méchanceté ne foit pas capa- ble de ces efforts ! Voilà les traits qu'il faut recueillir 3 & qui eft-ce qui les liroit fans ientir fon cœur s'échauffer ? Si l'on pu- biioit un recueil qui contînt beaucoup de ces grandes & belles aérions , qui eft-ce qui fe réfoudroit à mourir fans y avoir fourni la matière d'une ligne ? Croit - on qu'il y eût quelque ouvrage d'un plus grand pathétique ? Il me fembïe , quant à moi , qu'il y auroit peu de pages dans celui-ci , qu'un homme né avec une aine honnête Ôt fenfible n'arrofât de Ces lar- mes. Il faudroit finguliérement fe garantir de l'adulation. Quant aux éloges mérités , il y auroit bien de l'injuftice à ne les accorder qu'à la cendre infenfible & froide de ceux qui ne peuvent plus les entendre : l'équité qui doit les difpenfer , le cédera-t-elle à la modeftie qui les refufe ? L'éloge eft un encouragement à la vertu -, c'eft un pacte public que vous faites contracter à l'homme vertueux. Si fes belles aérions étoient gravées fur une colonne , perdroit-il un moment de vue ce monument impofant ? ne feroit- îl pas un des appuis les plus forts qu'on pût prêter à lafoiblellé humaine? il faudroit que l'homme fe déterminât à briièr lui- même fa ftatue. L'éloge d'un honnête- homme eft la plus digne & la plus douce récompenfe d'un autre honnête- homme : après l'éloge de fa confeience , le plus flatteur eft celui d'un homme de bien. O Roulfeau , mon cher & digne ami ! je n'ai jamais eu la force de me refufer à ta louange : j'en ai feuti croître mon goût pour la vérité , & mon amour pour la vertu. Pourquoi tant d'oraifons funèbres , Se fi peu de panégyri- ques des vivans ? Croit-on que Trajan n'eût pas craint de démentir fou panégyrifte ? Si E N C on ïe croit , on ne counoît pas toute l'au- torité de la confidération générale. Après les bonnes actions qu'on a faites , l'aiguillon le plus vif pour en multiplier le nombre , c'eft la notoriété des premières } c'eft cette notoriété qui donne à l'homme un caractère public auquel il lui eft difficile de renoncer. Ce fècret innocent n'eft-il pas même un des plus importons de l'éducation vertueufe ? Mettez votre fils dans l'occafion de pratiquer la vertu } faites-lui de fes bonnes actions un cara&ere domeftique \ attachez à fbn nom quelque épithete qui les lui rappelle $ accordez-lui de la confidération : s'il franchit jamais cette barrière , j'ofê affurer que le fond de fon ame eft mauvais , que votre enfant eft mal né , ck que vous n'en ferez jamais qu'un méchant ', avec cette différence qu'il fè fût précipité dans le vice tête baillée, & qu'arrêté par le costrafte qu'il remarquera entre Iqs dénominations honorables qu'on lui a accordées, & celles qu'il va encourir , il fe lailfera glilî'er vers le mal, mais par une pente qui ne fera pas alfez infenfible pour que des parens attentifs ne s'apperçoivent point de la dégradation fucce/five de fon caractère. Je hais cent fois plus les fàtires dans un ouvrage , que les éloges ne m'y plaifènt : les perfonnalités font odieufes en tout genre d'écrire } on eft fur d'amufer le commun des hommes , quand on s'étudie à repaître fa méchanceté. Le ton de la fatire eft le plus mauvais de /tous pour un dictionnaire } 8c l'ouvrage le plus impertinent &. le plus en- nuyeux qu'on pût concevoir , ce feroit un diétion-naire fatirique : c'eft le fèul qui nous manque. Il faut abfolumeut bannir d'un grand livre ces à-propos légers , ces allufions fines , ces embelliffemens délicats qui feroient la fcrtuue d'une hiftoriette : les traits qu'il faut expliquer deviennent fades , ou ne tardent pas à devenir inintel- ligibles. Ce fèroit une chofe bien ridicule , que le befoin d'un commentaire dans un ou- vrage dont les différentes parties feroient def- tinées à s'interpréter réciproquement. Toute cette légèreté n'eft qu'une moufle qui tombe peu-à-peu \ bientôt la partie volatile s'en eft évaporée , & il ne refte plus qu'une vafe infipide. T<:1 eft au/fi le fort de la plupart de ces étincelles qui partent du choc de la converfation : E N C converfation : la fènfation agréable , maïs paffagere., qu'elles excitent, naît des rap- ports qu'elles ont au moment , aux circonf- rances , aux lieux , auxperfonnes , à l'événe- ment du jour ; rapports qui parlent promp- tement. Les traits qui ne fe remarquent poinr, parce que l'éclat n'en eft pas le mérite principal , pleins de fubftance , & portant en eux le caractère de la {implicite jointe à un grand (en s , font les feuls qui fe foutien- droientau grand jour: pour fentir la frivo- lité des autres , il n'y a qu'à les écrire. Si l'on me montroit un auteur qui eût com- poféfes mélanges d'après des converfations, je feroisjprefque fur qu'il auroit recueilli tout ce qu'il falloit négliger , & négligé tout ce qu'il importoit de recueillir. Gardons- nous bien de commettre avec ceux que nous confulterons , la même faute que cet écri- vain commettroit avec les- tere. Chymiffe , il poifédera les propriétés de ces fubffances : les raifons d'une infinité d'opérations lui feront connues ; il éventera les iecrets; lesartiffesne lui en impoferont point ; il diicernera fur le champ l'abfur- dité de leurs menfonges ; il faifira l'eiprit d'une manœuvre : les tours de mains ne lui échapperont point ; il difhnguera fans peine un mouvement indifférent , d'une précaution effentielle ; tout ce qu'il écrira de la matière des arts fera clair , certain , lumineux ; & les conjectures fur les moyens de perfectionner ceux qu'on a , de retrouver des arts perdus , & d'en inventer de nou- veaux , fe* préfenteront en foule à fon eiprit. La phyfique lui rendra raifon d'une infinité de phénomènes dont les ouvriers demeurent étonnés toute leur vie. Avec de la méchanique & de la géo- métrie , il parviendra fans peine au calcul vrai & réel des forces ; il ne lui refiera que l'expérience à acquérir , pour tempérer la rigueur des iuppofitions mathématiques ; qualité qui diifingue , fur-tout dans la conffruction des machines délicates , le grand artiffe de l'ouvrier commun à qui on ne donnera jamais une juffe idée de ce tempérament , s'il ne l'a point acquife , & en qui on ne la re£tifiera jamais , s'il s'en eff fait de faunes notions. Muni de ces connoiffances, il commen- cera par introduire quelque ordre dans fon travail , en rapportant les arts aux fûbf- tances naturelles : ce qui eft toujours pofHble ; car l'hifloire des Arts n'eff que ENC Yhifioirede la nature employée. Voyez l'ar- bre encyclopédique. Il tracera enfuire pour chaque arrifie un canevas à remplir; il leur impofera de traiter de la matière dont ils fe fervent , des lieux d'où ils la tirent, du prix qu'elle leur coûte, &c. desinftrumens , des differens ouvrages, & de toutes les manœuvres. II comparera les mémoires des artiftes avec fon canevas ; il conférera avec eux ; il leur fera fuppléer de vive voix ce qu'ils auront omis , & éclaircir ce qu'ils auront mal expliqué. Quelque mauvais que ces mémoires puif- fent être , quand ils auront été faits de bonne foi , ils contiendront toujours une infinité de chofes que l'homme le plus in- telligent n'appercevra pas , ne Soupçonnera point , & ne pourra demander. Il y en délirera d'autres à la vérité ; mais ce feront celles que les artifles ne cèlent à perfonne : car j'ai éprouvé que ceux qui s'occupent fans ceffe d'un objet, avoient un penchant égal à croire que tout le monde favoit ce dont ils ne faifoient point unfecret; & que ce dont ils faifoient un fecret . n'étoit connu de perfonne ; enforte qu'ils étoient toujours tentés de prendre celui qui les queftion- noit , ou pour un génie tranfeendant , ou pour un imbéciile. Tandis que les artiftes feronr à l'ouvrage, il s'occupera à rectifier les articles que nous lui aurons tranfmis , & qu'il trouvera dans notrediclionnaire.il ne tardera pas às'ap- percevoir que malgré tous les foins que nous nous fommes donnés , il s'y eft glifTé des bévues groflieres( voye\ l * article Bri- QUE) , & qu'il y a des articles entiers qui n'ont pas l'ombre du fens commun ( ïoye% l'article BLANCHISSERIE DE TOILES) : mais il apprendra, par fon expérience, à nous favoir gré- des chofes qui leront bien , & à nous pardonner celles qui feront mal. C'efl fur-tout quand il aura parcouru pen- dant quelque temps les -ateliers , l'argent à la main , & qu'on lui aura tait payer bien chèrement les fauffetés les plus ridicules , qu'il connoûra quelle efpece de gens ce font que les artiftes , fur-tout à Paris , où la crainte des impôts les tient perpétuelle- ment en méfiance , & où ils regardent tout homme qui les interroge avec quelque cu- E N C 401 riofîre , comme un émifïaire des fermiers- généraux , ou comme un ouvrier qui veut ouvrir boutique. Il m'a femblé qu'on évi- terait ces inconvéniens , en cherchant , dans la province , toutes les connoifFances fur les arts qu'on y pourroit recueillir : on y eft. connu ; on s'adrefîè à des gens qui n'ont point de foupçon ; l'argent y eft plus rare, & le temps moins cher. D'où il m: paroîe évident qu'on s'inftruiroit plus facilement & à moins de frais , & qu'on auroit des inftructions plus fures. • Il faudroit indiquer l'origine d'un art , & en fuivre pié-à-pié les progrès quand ils ne feroient pas ignorés , ou fubftituer la conjecture & l'hiftoire hypothétique à l'his- toire réelle. On peut afïurer qu'ici le ro- man feroit fouvent plus inftructif que la vériré. Mais il n'en eft pas de l'origine & des progrès d'un art , ainfi que de l'origine & des progrès d'une feience. Les favans s'en-» tretiennent : ils écrivent, ils font valoir leurs découvertes : ils contredifènt , ils font con- tredits. Ces conteftations msnifeftent le$ faits & conftatent les dates. Les artiftes au contraire vivent ignorés , obfcurs , ifolés ; ils font tout pour leur intérêt , ils ne font prefque rien pour leur gloire. Il y a des in- ventions qui retient des fiecles entiers ren- fermées dans une famille : elles patient des pères aux enfans; fe perfectionnent ou dé- génèrent , fans qu'on fâche précifément ni à qui , ni à quel temps il faut en rap- porter la découverte. Les pas infenfibles par lefquels un art s'avance à la perfection, confondent auffi les dates. L'un recueille le chanvre ; un autre le fait baigner ; un troifieme le teille : c'eft d'abord une corde grofiiere ; puis un fil ; enfuite une toile : mais il s'écoule un fiecle entre chacun de ces progrès. Celui qui porteroit une produc- tion depuis -fon état naturel jufqu'à fort emploi le plus parfait , feroit difficilement ignoré. Comment feroit-il impoffible qu'un peuple fe trouvât tout-a-coup vêtu d'une étoffe nouvelle , & ne demandât pas à qui il en eft redevable ? Mais ces cas n'arrivent point , ou n'arrivent que rarement. Communément le hazard fuggere les premières tentatives; elles font infructueufes & retient ignorées : un autre les reprend ; il E ee v2, 404 E N C a un commencement de fucces , mais dont on ne parie point : un rroifieme marche furies pas du fécond ; un quatrième furies pas du troiiieme ; & ainfi de fuite, juf- qu'à ce que le dernier produit des expé- riences foit excellent : & ce produit eu le feul qui faffe fenfation. 11 arrive encore qu'à peine une idée eir-elle éclole dans un atelier , qu'elle en fort & fè répand. On travaille en plufieurs endroits à la fois : chacun manœuvre de fon côté ; & la même invention revendiquée en même temps par plufieurs , n'appartient pro- prement à perfonne , ou n'ell attribuée qu'à celui qu'elle enrichit. Si l'on tient l'invention de l'étranger , la jaloufie natio- nale tait le nom de l'inventeur , & ce noni relie inconnu. Il feroit à fouhaiter que le gouverne- ment autorifàt à entrer dans les manufac- tures , à voir travailler , à interroger les ouvriers , & à deflïner les inflrumen* , les machines & même le local. Il y a des circonilances où les artifles font tellement impénétrables , que le moyen le plus court , ce feroit d'entrer foi - même en apprentiifage , ou d'y mettre quelqu'un de confiance. Il y a peu de (ècrets qu'on ne parvînt à connoît par cette voie : il faudroit divul- guer tous fcs fecrets lans aucune excep- tion. Je fais que ce fentiment n'eft pas celui de tout le monde : il y a des têtes étroites, des âmes mal nées , indifférentes fur le fort du genre humain r & tellement concentrées dans leur petite fociété , qu'elles ne voient rien au delà de fon intérêt. Ces hommes veulent qu'on les appelle bons citoyens ; & j'y confens, pourvu qu'ils me permettent de les appeller méchxns hommes. On diroit, à les entendre , qu'une Encyclopédie bien faite , qu'une hiltoire générale des arts ne devroit être qu'un grand manuferitfoigneu- ièment renfermé dans .la bibliothèque du monarque, & inaccdîibîe à d'autres yeux que ies liens ; un livre de l'état , & non du peuple. A quoi bon divulguer les connoif- fànces de la nation > fes traniachons iecre- tes , fes inventions , fon induftrie , les reffources , les myfteres , fa lumière > ies axts & toute la fageiTe î ne font- ce pas là E N C les choies auxquelles elle doit une partie de la lupériorité fur les nations rivales & circonvoiiines ? Voilà ce qu'ils difent ; & voici ce qu'ils pourroient encore ajouter. Ne feroit-il pas à fouhaiter qu'au lieu d'é- clairer l'étranger, nous puflions répandre lùr lui des ténèbres , & plonger dans la barbarie le relie de le terre , afin de le do- miner plusfurement? Ils ne font pas atten- tion qu'ils n'occupent qu'un point fur ce globe , & qu'ils n'y dureront qu'un mo- ment ; que c'efl à ce point & à cet inftanc qu'ils facrifient le bonheur des fiecles à venir & de l'elpece entière. Ils lavent mieux que perfonne que la durée moyenne d'un em- pire n'efr. pas de deux mille ans , & que dans moins de temps peut-être , le nom François , ce nom qui durera éternellement dans l'hilloire , fera inutilement cherché fur la furface de la terre. Ces confidéra- tions n'étendent point leurs vues ; il femble que le mot humanité foit pour eux un mot vuide de fens. Encore s'ils étoient confé- quens ! mais dans un autre moment ils le déchaîneront contre l'impénétrabilité des fanctuaires de l'Egypte ; ils déploreront la perte des connoilîances anciennes ; ils accu- leront la négligence ou le lilence des au- teurs qui fe font tus ou qui ont parlé fi. mal d'une infinité d'objets importans ; & ils ne s'appercevront pas qu'ils exigent des hommes d'autrefois ce dont ils font un crime à ceux d'aujourd'hui , & qu'ils blâ- ment les autres d'avoir été ce qu'ils fe font honneur d'être. Ces bons citoyens font les plus dange- reux ennemis que nous ayions eus. En général , il faut profiter des critiques , fans y répondre , quand elles font bonnes ; les négliger , quand elles fontmauvaifes. N'elt- ce pas une perfpective bien agréable pour tous ceux qui s'opiniâtrent à noircir du pa- pier contre nous, que fi l'Encyclopédie con- lèrve dans dix ans la réputation dont elle jouit, il ne fera plus queftion de leurs écrits, & qu'il en fera bien moins queftion encore, fi elle eft ignorée. J'ai entendu dire à M. de Fontenelle , que fon appartement ne contiendroit pas tous ies ouvrages qu'on avoit publiés contre lui. Qui efl-ce qui en connoît un feul ? L'elprit des loix & l'rnftoire naturelle ne E N C font que de paroître , & les critiques qu'on en a faites font entièrement ignorées. Nous avons déjà remarqué que parmi ceux qui fe font érigés en cenfeurs de Y Encyclopédie, il n'y en a preique pas un qui eût les talens nécelTaires pour l'enrichir d'un bon article. Je ne croirois pas exagérer , quand j'ajou- terois que c'eft un livre dont la très-grande partie feroit à étudier pour eux. L'efprit philo fophique eff celui dans lequel on l'a compofé , & il s'en faut beaucoup que la plupart de ceux qui nous jugent foient à cet égard feulement au niveau de leur iiecle. J'en appelle à leurs ouvrages. C'eii par cette rai fon qu'ils ne dureront pas , & que nous ofons préfumer que notre Diction- naire fera plus lu & plus efhmé dans quel- ques années , qu'il ne l'eft encore aujour- d'hui. Il ne nous feroit pas difficile de citer d'autres auteurs qui ont eu, & qui auront le même fort. Les uns (comme nous l'avons déjà dit plus haut) élevés aux cieux , parce qu'ils avoient compofé pour la multitude, qu'ils s'étoientafîujettisaux idées courantes, & qu'ils s'éroient mis à la portée du com- mun des lecteurs , ont perdu de leur répu- tation , àmefure que l'efprit humain a fait des progrès, & ont fini par être oubliés. D'autres au contraire , trop forts pour le temps où ils ont paru , ont été peu lus , peu entendus , point goûtés , & font de- meurés obfcurs , long-temps,' jufqu'au moment où le fîecle qu'ils avoient de- vancé fut écoulé , & qu'un autre Iiecle dont ils étoient avant qu'il fut arrivé , les atteignit , & rendit enfin jufhce a leur mérite. Je crois avoir appris à mes concitoyens à eitimer & à lire le chancelier Bacon ; on a plus feuilleté ce profond auteur depuis cinq à fix ans , qu'il ne l'avoit jamais été. Nous îbmmes cependant encore bien loin de fentir l'importance de fes ouvrages ; les efprits ne font pas aflèz^ avancés. Il y a trop peu p'e p-'rlonnes en état de s'élever à la hauteur de les méditations ; & peut- être le nombre n'en deviendra-t-il jamais guère plus grand. Qui lait fi le novum orga- num , ks cogitât a & vif a , le livre de augmento feientiarum , ne font pas trop au defîhs de la portée moyenne de l'efprit humain , pour devenir , dans aucun fiecle , E N C 405 une lecture facile & commune ? C'efl au temps à éclaircir ce doute. Mais ces confidérations fur l'efprit & la matière d'un dictionnaire encyclopédique nous conduifent naturellement à parler du ftyle qui cil propre à ce genre d'ou- vrage. Le laconifme n'efï pas le ton d'un dic- tionnaire ; il donne plus à deviner qu'il ne 4e faut pour le commun des le&eurs. Je voudrois qu'on ne laifïat à penfer que ce qui pourroit être perdu , fans qu'on en fût moins infîruit fur le fond. L'effet de la diverfité , outre qu'il eft inévitable , ne me paroît point ici déplaifant. Chaque travail- leur , chaque feience , chaque art , chaque article , chaque fujet a fa langue & ion ftyle. Quel inconvénient y a-t-il à le lux conferver ? s'il faiioit que l'éditeur fît re- connoître fa main par-tout , l'ouvrage en feroit beaucoup retardé , & n'en feroit pas meilleur. Quelque infrruitqu'un éditeur pût être , il s'expoferoit fouvent à commettre une erreur #de chofe , dans l'intention de rectifier une faute de langue. Je renfermerois le caractère général du ftyle d'une Encyclopédie , en deux mots , communLiy pvopriè; propria, communiter. En fe conformant à certe régie , les chofes communes feroient toujours élégantes ; & les chofes propres & particulières, toujours claires. Il faut confidérer un dictionnaire uni- verfel des Sciences & des Arts, comme une campagne immenfe couverte de montagnes , de plaines , de rochers , d'eaux , de forêts 9 d'animaux , & de tous les objets qui font la variété d'un grand payfage. La lumière du ciel les éclaire tous ; mais ils en font tous frappés diverfement. Les uns s'avan- cent par leur nature & leur expofition , jufque (ur le devant de la feene ; d'autres iont diftribués fur une infinité de plans intermédiaires : il y en a qui fe perdent dans le lointain ; tous fe font valoir réci- proquement. Si la trace la plus légère d'affectation eft iniupportable dans uri petit ouvrage, que feroit-ce au jugement des gens de lettres , qu'un grand ouvrage où ce défaut domi- neroit ? Je fuis fur que l'excellence de la matière ne contrebalanceroit pas ce vice de 4cS E N C flyle, & qu'il fcroit peu lu. Les ouvrages de deux des plus grands hommes que la nature ait produits , l'un philofophe , & l'autre poëte , feroient infiniment plus par- faits , & plus eflimés , fi ces hommes rares n'avoient été doués dans un degré très- extraordinaire , de deux talens qui ;ne fem- blent contradictoires , le génie fk le bel efprit. Les traits les plus brillans & lescom- paraifons les plus ingénieufes y déparent à* tout moment les idées les plus fublimes. La nature les auroit traités beaucoup plus favorablement , fi , leur ayant accordé le génie , elle leur eût refufé le bel efprit. Le goût folide & vrai , le iublime en quelque genre que ce foi;, le pathétique , les grands effets de la crainte , de la commifération & de la terreur , les fentimens nobles & relevés , les grandes idées rejettent le tour épigrammatique & le contrafte des expref- fions. Si toutefois il y a quelqu' ouvrage qui com- porte de la variété dans le flyle , c'efl une Encyclopédie ; mais comme j'ai defiré que les objets les plus indifFérens y fufîent tou- jours fecrétement rapportés à l'homme , y prhTentun tour moral , refpiraflfent la dé- cence , la dignité , la fenfibilité , l'élévation de Pâme ; en un mot , qu'on y difeernât par-tout le fouffle de l'honnêteté ; je vou- drois aufïi que le ton répondît à ces vues , & qu'il en reçût quelque autorité , même dans les endroits où les couleurs les plus brillantes & les plus gaies n'auroient pas été déplacées. C'efl manquer fon but , que d'amufer & de plaire , quand on peut ins- truire & toucher. Quant à la pureté de la di&ion , on a droit de l'exiger dans tout ouvrage. Je ne fais d'où vient l'indulgence injurieufe qu'on a pour les grands livres , & fur-tout pour les dictionnaires. Il femble qu'on ait permis à l'in-folio d'être écrit pefamment , négli- gemment , fans génie , fans goût & fans fmefîe. Croit-on qu'il foit impoflible d'in- troduire ces qualités dans un ouvrage de longue haleine ? Ou feroit-ce que la plu- part des ouvrages de longue haleine qui ont paru jufqu'à préfent , ayant communé- ment ces défauts ,on lésa regardés comme un apanage du format ? Cependant on s'apperçcvra, en y regar- E NC dant de près , que s'ii y a quelque ouvrage où il foit facile de mettre du flyle, c'efî un dictionnaire ; tout y efl coupé par arti- cles , & les morceaux les plus étendus le font moins qu'un difeours oratoire. Mais voici ce que c'eft. Il efl rare que ceux qui écrivent fupérieurement , veuil- lent & puifTent continuer long-temps une tâche fi pénible ; d'ailleurs, dans les ouvra- ges de fociété où la gloire du fuccès efl par- tagée , & où le travail d'un homme efl confondu avec le travail de plufieurs , on fe défigne en foi-même un affocié pour émule ; on compare fon travail avec le fîen ; on rougiroit d'être au defTous ; on fe foucie peu d'être au deffus ; on n'em- ploie qu'une partie de {es forces , & l'on efpere que ce qu'on aura négligé difpa- roîtra dans l'immenfité des volumes. C'efl ainfî que l'intérêt s'afFoiblit dans chacun , à mefure que le nombre des afîbciés augmente, & que , l'ouvrage d'un feul fe diflinguant d'autant moins qu'il a plus de collègues , le livre fe trouve en général d'une médiocrité d'au- tant plus grande , qu'on y a employé plus de mains. Cependant le temps levé le voile; chacun efl jugé félon fon mérite. On diftingue le travailleur négligent du travailleur honnête ou qui a rempli fon devoir. Ce que quel- ques-uns ont fait , montre ce qu'on étoit en droit d'exiger de tous; & le public nomme ceux dont il efl mécontent , & regrette qu'ils aient fi mal répondu à l'importance de Pentreprifè, & au choix dont on les avoit honorés. Je m'explique là deffus avec d'autant plus de liberté, que perfonne ne fera plus expofé que moi à cette efpece de cenfure , & que , quelque critique qu'on faffe de notre travail, foit en général, foit en par- ticulier , il n'en reliera pas moins pour confiant qu'il feroit très-difficile de former une féconde fociété de gens de lettres & d'artifles , aufîl nombreufe & mieux com- pofée que celle qui concourt à la compo- sition de ce dictionnaire. S'il étoit facile de trouver mieux que moi pour auteur & pour éditeur , il faudra que l'on convienne qu'il étoit , fous ces deux afpecls , infini- ment plus facile encore de rencontrer E N C moins bien que M. d'Alembert. Combien * je gagnerais à cette efpece d'énumération , où les hommes lé compenferoient les uns par les autres! Ajoutons à cela qu'il y a des parties pour lefquelles on ne choifit point , & que cet inconvénient fera de toutes les éditions. Quelque honoraire qu'on propofât à un homme , il n'acquitteroit jamais le temps qu'on lui demanderoit. Il faut qu'un artille veille dans fon atelier; il faut qu'un homme public foit à fes fonc- tions. Celui-ci eli malheureufement trop occupé , & l'homme de cabinet n'efl mal- heureufement pas aflez inftruit. On le tire de ià comme on peut. Mais s'il efî facile à un dictionnaire d'êcre bien écrit , il n'efl guère d'ouvrages auxquels il loit plus effentiel de l'être. Plus une route doit être longue, plus il feroit à fouhaiter qu'elle fut agréable. Au relie , nous avons quelque raifon de croire que nous ne fommes pas reliés de ce côté fans fuccès. Il y a des perfonnes qui ont lu l'Encyclopédie d'un bout à l'autre ; & fi Ton en excepte le dictionnaire de Bayle, qui perd tous les jours un peu de cette prérogative , il n'y a guère que le nôtre qui en ait joui & qui en jouilîê. Nous fouhaitons qu'il la coniérve peu , parce que nous aimons plus les progrès de l'efprit hu- main que la durée de nos productions , & que nous aurions réuffi bien au-delà de nos efpérances , li nous avions rendu les con- noiflances fi populaires , qu'il fallût au com- mun des hommes un ouvrage plus fort que Y Encyclopédie pour les attacher & les inf- truire. Il feroit à fouhaiter , quand il s'agit de flyle , qu'on pût imiter Pétrone , qui a donné en même temps l'exemple & le précepte , loriqu'ayant.à peindre les qua- lités d'un beau difeours , il a dit: grandis , & mita dicam, pudica oratio neque macu- lofa efl neque turgida y fed naturali pulchri- tudine exfurgit. La defeription efî: la chofe même. Il faut fe garantir finguliérement de l'obfcurité -, & fe refTouvenir à chaque ligne qu'un dictionnaire ell fait pour tout le monde , & que la répétition des mots qui ofïenferoit dans un ouvrage léger , devient un caractère de ûmplicité E N C 407 qui ne déplaira jamais dans un grand ou- vrage. Qu'il n'y ait jamais rien de vague dans l'expreilion. Il ièroit mal , dans un livre philoibphique , d'employer les- termes les plus ulités, lorfqu'ils n'emportent avec eux aucune idée fixe , dillincte & déterminée ; & il y a de ces termes , & en très grand nombre. Si l'on pouvoit en donner des définitions , félon la nature qui ne change point , & non félon les conventions & les préjugés des homnus qui changent conti- nuellement, ces définitions deviendroienc des germes de découvertes. Obfervons en- core ici le befoin continuel que nous avons d'un modèle invariable & confiant auquel nos définitions & nos delcriptions fe rap- portent , tel que la nature de l'homme , des animaux ou des autres êtres fublillans. Le relie n'ell rien , & celui qui ne fait pas écar- ter certaines notions particulières , locales & palTageres , efl gêné dans ion travail, & fans ceffe expofe à dire, contre le témoignage de fa confeience & la pente de fon efprit , des chofes inexactes pour le moment , & faulîès , ou du moins obfcures & halardées pour l'avenir. Les ouvrages des génies les plus intré- pides & les plus élevés , des plus grands philofophes de l'antiquité , font un peu dé- figurés par ce défaut. Il s'en manque beau- coup que ceux de nos jours en loient exempts. L'intolérance , le manque de la double doctrine , le défaut d'une langue hiéroglyphique & facrée , perpétueront à jamais ces contradictions , & continueront de tacher nos plus belles productions.- On ne fait fouvent ce qu'un homme a penfé fur les matières les plus importantes. Il s'enveloppe dans des ténèbres affectées ; [es contemporains mêmes ignorent les fentimens ; & l'on ne doit pas s'attendre que l'Encyclopédie foit exempte de ce défaut. Plus les matières feront abflraites plus il faudra s'efforcer de les mettre à la portée de tous les lecteurs. Un éditeur qui aura de l'expérience , & qui fera maître de lui-même , le pla- cera dans la clalfe moyenne des eiprits. Si la nature l'avoit élevé au rang des premiers génies , & qu'il n'en descendît jamais , coa« 4®8 E N C verfant fans cefTe avec les hommes de la plus grande pénétration , il lui arriveroit de conndérer les objets d'un point de vue où la multitude ne peut atteindre. Trop au defîùs d'elle , l'ouvrage deviendroit oblcur pour trop de monde. Mais s'il fe trouvoit malheureufement, ou s'il avoit la complai- fance de s'abaifTer fort au deffous , les ma- tières traitées , comme pour des imbécilles , deviendroient longues & faftidieufes. Il conlidérera donc le inonde comme fon école , & le genre humain comme fon pu- pille ; & il dictera des leçons qui ne faffent pas perdre aux bons efprits un temps pré- cieux , & qui ne rebutent point la foule des efprits ordinaires. Il y a deux claffes d'hommes , à peu près également étroites , qu'il faut également négliger. Ce font les génies tranfcendans & les imbécilles qui n'ont befoin de maîtres ni les uns ni les autres. Mais s'il n'eft pas facile de faifir la por- tée commune des efprits , il l'eft beaucoup moins encore à l'homme de génie de s'y fixer. Le génie tend naturellement à s'élever: il cherche la région des nues; s'il s'oublie un moment , il eft emporté d'un vol rapide ; & bientôt les yeux ordi- naires ceffent de l'appercevoir & de le fuivre. Si chaque encyclopédifte s'étoit bien ac- quitté de lbn travail , l'attention principale d'un éditeur fe réduiroit à circonferire rigoureufement les différens objets, à ren- fermer les parties en elles-mêmes , & à fiipprimer des redites ; ce qui eft toujours plus facile que de remplir des omiffions: les redites s'ap perçoivent & fe corrigent d'un trait de plume ; les omiffions le dé- robent & ne fe fuppléent pas fans travail. Le grand inconvénient , c'eft que , quand elles fe montrent , c'eft fi brufquement , que l'éditeur fe trouvant prefîé entre une matière qui demande du temps , & la vîtefîe de Fimpreflion qui n'en accorde point , il faut que l'ouvrage foit eftropié , ou l'ordre perverti ; l'ouvrage eftropié , fi l'on remplit fà tâche félon le temps ; l'ordre perverti , fi on ia renvoie à quelque endroit écarté du di&ionnaire. Où eft l'homme affez verfé dans toutes les matières , pour en écrire fur le champ E N C comme s'il s'en croit long-temps occupé ? Où eft l'éditeur qui aura les principes d'un auteur afïèz préfens , ou des notions affez conformes aux tiennes , pour ne tomber dans aucune contradiction ? N'eft-ce pas même un travail prefqu'au defîus de (es forces , que d'avoir à remar- quer les contradictions qui fe trouveront nécessairement entre les principes & les idées de {es afîbciés ? S'il n'eft pas de fa fonction de les lever quand elles font réel- les , il le doit au moins quand elles ne font qu'apparentes ; & , dans le premier cas , peut-il être difpenfé de les indiquer , de les faire fortir , d'en marquer la fource , de montrer la route commune que deux auteurs ont fuivie , & le point de diviiion où ils ont commencé a fe féparer , de balancer leurs raifons , de propofer des obfervations & des expériences pour & con- tre , de défigner le côté de la vérité ou celui de la vraifemblance ? 11 ne mettra l'ou- vrage à couvert du reproche , qu'en obfervant exprefîément que ce n'eft pas le dictionnaire quiie contredit, mais les îcien- ces & les arts qui ne font pas d'accord. S'il alloit plus loin , s'il réfolvoit les diffi- cultés , il feroit homme de génie : mais peut-on exiger d'un éditeur qu'il foit hom- me de génie ? & ne feroir-ce pas une folie que de demander qu'il fût un génie uni- ver fel ? Une attention que je recommanderai à l'éditeur qui nous fuccédera , & pour le bien de l'ouvrage , & pour la fureté de fa perfonne , c'eft d'envoyer aux cenfeurs les feuilles imprimées , & non le manuferit. Avec cette précaution , les articles ne feront ni perdus , ni dérangés , ni fiippri- rn'és ; & le paraphe du cenfeur , mis au bas de la feuille imprimée , fera le garant le plus fur qu'on n'a ni ajouté , ni altéré , ni retranché , &: que l'ouvrage eft refté dans l'état où il a jugé à propos qu'il s'im- primât. Mais le nom & la fonction de cenfeur me rappellent une queftion importante. On a demandé s'il ne vaudroit pas mieux qu'une Encyclopédie (m permife tacitement, qu'ex- prefïement approuvée : ceux qui foute- noient l'affirmative difoient : " alors les » auteurs jouiroient de toute la liberté né- v ceflâire E N C » ceflaire pour en faire un excellent ou- » vrage. Combien on y traiteroit de fujets » importans ? Lesbcauxarticlesque le droit » public fournirait ! Combien d'autres » qu'on pourr oit imprimer à deux colonnes, » dont l'une établiroit le pour &: l'autre le w contre ! L'hiftorique feroit expofé fans » partialité , le bien loué hautement , le » mal blâmé fans réfèrve , les vérités alïu- » rées , les doutes propofés , les préjugés » détruits , & l'ufage des renvois politiques » fort reftreint. » Leurs antagoniftes répondoient fimple- ment « qu'il valoit mieux facrifier un peu » de liberté , que de s'expofer à tomber î) dans la licence , & d'ailleurs , ajoutoieut- » ils , telle eft la conftitution des chofes » qui nous environnent j que li un homme » extraordinaire s'étoit propofé un ouvrage » aufîi étendu que le nôtre , & qu'il lui » eût été donné par l'Etre fuprême de V connoître en tout la vérité , il faudroit î> encore , pour fa fécurité j qu'il lui fût » aiïigné un point inaccefîîble dans les » airs , d'où (es feuilles tombaient fur la m terre. » Pu i (qu'il eft donc fî à propos de fubir la cenfure littéraire , on ne peut avoir un cen- feur trop intelligent : il faudra qu'il fâche fè prêter au caractère général de l'ouvrage \, voir fans intérêt ni pufillanimité } n'avoir de refpecl: que pour ce qui eft vraiment refpeélable \ diftinguer le ton qui convient à chaque perfonne & à chaque fujet \ ne s'effaroucher ni des propos cyniques de Diogene , ni des termes teheniques de Winflou , ni des fyllogifmes d'Anaxagoras -v ne pas exiger qu'on réfute , qu'on affoi- blilfe ou qu'on fupprime ce qu'on ne ra- conte qu'hiftoriquement } fentir la différence d'un ouvrage immenfe & d'un in- 12 \ &c aimer affez la vérité , la vertu , le progrès des connoiffances humaines & l'honneur de la nation , pour n'avoir en vue que ces grands objets. Voilà le cenfeur que je voudrois : quant à l'homme que je defirerois pour auteur , il feroit ferme , inftruit , honnête , véridi- que , d'aucun pays , d'aucune feéf,e , d'au- cun état , racontant les chofes du moment où il vit , comme s'il en étoit à mille ans } & celles de l'endroit qu'il habite , comme Tome XII. E N C 4c$ s'il en étoit à deux mille lieues. Mais à uni fi digne collègue , qui faudroit-il pour édi- teur ? un homme doué d'un grand fens , célèbre par l'étendue de fes conuoiffances , l'élévation de lès fentimens c'eft éten- dre fur la furface d'un corps une épaiffeur plus ou moins confidérable d'une fubftance molle. END Enduire un Bassin , ( Hyâraul. ) On enduit un bajfin neuf de ciment d'un bon pouce de mortier fin , que l'on frotte avec de l'huile. Si ce badin a été gâté par la ge- lée , ou long-temps fans eau , on peut le repiquer au vif, & X enduire de trois à qua- tre pouces de cailloutage , &: d'un enduit général de ciment. {K) Enduire, v. neut. (Fauconn.) fe dit de l'oifeau quand il digère bien fa chair. Cet oifeau enduit bien , c'eft-à-dire , qu'il digère bien. ENDUIT, en Architecture , compofition faite de plâtre , ou de mortier de chaux & de fable , ou de chaux &c de ciment , pour revêtir les murs. Il faut entendre dans les auteurs , par albarium opus , X enduit de lait de chaux à plusieurs couches j par arena- tum , le crépi où le fable eft mêlé avec la chaux \ par marmoratum , le ftuç '-, & par teclorium opus , tout ouvrage qui fert cXen- duit , d'incruftation & de revêtement aux murs de maçonnerie. ( P ) Enduit , en Peinture, fe dit des couches qu'on applique fur les toiles , fur les mu- railles , le bois , &c. On ne fe fert guère de ce terme } ou dit couche. ENDYMATIES ( les ) , Littérat. Les endymaties étoieut des danfes vêtues qui fe danfbient à Argos , au fon de certains airs compofés pour la flûte. Plutarque en parie dans fon traité de la mufique , mais fi laconiquement que l'on n'en fait pas da- vantage j ainfi l'on ignore fî ces danfes entroient dans le culte religieux, fi elles étoient militaires , ou fi elles n'avoient lieu que dans les divertifTemens , foit publics, foit particuliers. Quelle qu'en ait pu être la deftination , il eft toujours certain que les danfèurs y étoient vêtus \ au lieu que les Lacédémoniens ,. voifins des Argienr, & leurs maîtres dans l'art militaire , dan- fbient tout nus dans leurs gymnopédies. Article de M. le Chevalier DE J A li- cou r t. ENDYMION , ( Myth. ) fils dVEthlius & de Chalice , félon Apollodore , régna dans l'Elide. Il étoit d'une fi grande beauté , que la Lune en devint amoureufe. Jupiter lui ayant laifîe le choix de demander ce qu'il aimeroit le mieux , il demanda de dormir toujours 6c d'être immortel , fans | E N E 413 vieillir jamais dans cet état. C'étoit fur une montagne de Carie , appellée Lathmcs , qu'il dormoit, & la Lune venoit baifer ce dor- meur éternel. Ce fait eft trop comique pour que Lucien manquât à s'en divertir : il l'a fait dans un dialogue entier. On croit que cette fiction n'eft fondée que fur ce quEndymion fe retiroit fouvent dans un antre qui étoit fur une montagne de la Carie , pour aller obfèrver les mouvemens de la Lune j ck que c'eft pour nous apprendre qu'il y mé- ditoit continuellement , qu'on a dit qu'il dormoit toujours , & que la Lune profi- toit de ce fommeil pour le venir embrafTer. Paufanias , in Eliac. parle autrement de ce prince. « La fable , dit -il , raconte » quEndymion fut aimé de la Lune , & » qu'il en eut cinquante filles : mais une » opinion plus probable , c'eft qu'il époufa » Aftérodie , d'autres difent Chromie , » fille d'Itonus & petite-fille d'Amphic- » tyon } d'autres , Hyperipné , fille d'Arcas , » & qu'il eut trois fils , Péon , Epéus & » Etolus , & une fille nommée Eurydice,., » Les Eléens & les Héraciéotes ne s'ac- » cordent pas fur la mort cXEndymion ; » car les Eléens montrent fon tombeau » dans la ville d'Olympie , & les Héra- ■» cîéotes , qui font voifins de Milet , di- » fènt quEndymion fe retira fur le mont » Lathmos. En effet , il y a un endroit » de cette montagne que l'on nomme en- » core aujourd'hui la grotte d'Endymion. » Les dernières paroles de Paufanias font croire qu'il y a eu deux Endymion , l'un roi d'Elide , & l'autre ce beau berger de Carie. , (-+-) ÉNÉE, ( Myth. ) fils de Vénus & d'An- chife , étoit du fang royal de Troye par AfTaracus , fils cadet de Tros , fondateur de Troye. Vénus avoit eu ce fils d'Anchife lorfqu'il paiffoit hs troupeaux de fon père fur le mont Ida. Durant le fiege de Troye , Enée fe battit contre Diomede , & aîloit fuccomber , lorfque Vénus le déroba à la vue de fbft ennemi , &: le mit entre les mains d'Apollon , qui l'emporta au haut de la citadelle où il avoit un temple , penfa lui-même fes plaies } & , après lui avoir rendu toutes fès forces , & infpiré une valeur extraordinaire , il le fit reparoître à la tête de fes troupes. Enée fe battit 4T4 E N E encore contre Achille. Le combat, dit Ho- mère , fut long & douteux •; à la fin le prince Troyeu alloit fuccomber , lorfque Neptune , à la prière de Vénus , l'enleva du combat. La nuit de la prife de Troye , Enée entra dans la citadelle d'Ilium , & la défendit jufqu'à l'extrémité j enfin , ne pouvant la fàuver , il fortit la nuit par une fauflè porte avec tout ce qu'il y avoit de Troyens renfermés avec lui , &: fe battit en retraite jufqu'au mont Ida , où , s'étant joint à ceux des Troyens qui avoient échappé de l'embrafement , il raffembla une flotte de vingt vailleaux , fur laquelle il s'embarqua pour fe tranfporter avec fa colonie en Italie. Le poème de. Virgile a tout-à-fait rétabli la réputation d'Enée , que bien des gens étoient fort éloignés aupa- ravant de regarder comme un héros j on le regardoit , au contraire , ainfî qu'Auté- nor , comme un malheureux qui avoit livré fa patrie aux Grecs. En effet , étoit-il poflible que , finis quelque intelligence avec les Grecs , maîtres du pays , ces deux hommes eufTent pu , en paix , équiper des vaifTeaux fous leurs yeux pour fe retirer en Italie. D'ailleurs , on a dit que l'on mit des gardes dans les maifons de ces deux traîtres , qui ne furent point pillées } & que , quand on partagea les dépouilles , on leur rendit tout ce qui leur appartenoit , & que ce fut par-là qu Enée fe vit poffef- feur du Palladium qu'il apporta en Italie. Enée , d'ailleurs , étoit méprifé de Priam , quoiqu'il fût fon gendre j & ce fut une raifon de fa trahifon :, il voulut fe venger : quoi qu'il en fbit , il arriva en Italie après fept ans de navigation , & fat bien reçu de Latinus , roi des Aborigènes , qui s'allia avec Enée , & en fit fon gendre & fbn fucceffeur. Enée , après la mort de Latinus , régna fur les Troyens & fur les Aborigènes , qui ne firent plus qu'un même peuple fous le nom de peuple Latin. Il eut des guerres à foutenir contre fes voifins :, &, dans un combat contre les Etruriens , il perdit la vie âgé feulement de 38 ans. Comme on lie trouva point fon corps , on dit que Vénus , après lavoir purifié dans les eaux du fleuve Numicus , où il s'étoit noyé , l'avoit mis au rang des dieux. On lui éleva un tombeau fur les bords du fleuve, & EN E on lui rendit d?- -■ la fuite les honneurs divins fous le i, ,m de Jupiter Indigete: Virgile dit qu Enée , en arrivant en Italie , alla confulter la iibylle de Cumes , qui le conduifit dans les enfers & dans les champs élyfées , où il vit tous les héros Troyens , & £on père qui lui apprit ce qui devoit arriver à toute fa poftérité :, épifode de l'invention du poè'te. Les hiftorieus rap- portent un autre fait merveilleux : Enée avoit eu ordre de l'oracle de s'arrêter en Italie , à l'endroit où une truie blanche mettrait bas fes petits : lorfqu-'il y fut ar- rivé , comme il fè préparoit à offrir une truie eu facrifice , la bête s'échappa des mains des facrificateurs , & s'enfuit du côté de la mer. Enée , fè fouvenant de l'oracle , la fuivit jufqu a ce qu'elle s'arrêta dans un lieu fort élevé , d'où il entendit une voix fortant d'un bois voifin , qui lui dit que c'étoit là qu'il devoit bâtir une ville , & qu'après y avoir demeuré autant d'années que la truie auroit fait de petits , les deftins lui donneroient un établiffement plus con- fidérable. Enée obéit , & bâtit la ville de Lavinium. Il y a fur Enée une autre tra- dition , appuyée fur d'allèz fortes conjec- tures , & fur le témoignage de pluiieurs hiftorieus , c'eft que la ville de Troye ne fut point détruite j qu Enée la garantit du pillage & du feu , s'il ne la livra pas lui- même aux Grecs } & qu'il y régna fort long-temps , comme Homère , Ionien d'ori- gine^ voifin des Troyens , le fait prédire à Neptune dans l'Iliade } parce que, du temps de ce poè'te , la poiierité déEnée régnoit peut-être encore fur cette ville , & qu'il vouloit lui être agréable en faifant prédire au dieu de la mer ce qu'il voyoit de fes propres yeux, (-f-) ENEMIE ( Sainte), Géogr. moi. pe- tite ville du Gevaudan en France. ENEOREME, f m. {Médecine.) ivx.iapw.ai } c'eft , félon Hippocrate & les autres médecins Grecs , la partie hétéro- gène des urines gardées un certain temps , qui paroît diftiuguée par plus d'opacité , & qui eft comme fufpendue entre la fur- face de ce fluide excrémentiel , ôt le fond du vafe dans lequel il eft contenu. Si la matière de Vénéoréme fè tient à la partie fupérieure de l'urine , elle eifc E NE appellée par cet auteur , Epid. lib. III , f/slionfov , fublimamcntum : fi elle fè fou- tient dans le milieu , fous la forme de nuage, il la nomme tiçiw , nubecula : fi elle eft plus pefante & tend vers le fond du vafe ; fi elle paroît avoir plus de confîftauce & reffemble à la matière (permatique , il lui donne le nom de yMHÏTtt , gcràturœ fimilis. Ces différens énéorcmes fout compofés de parties huileufes & d'un fable plus ou moins atténué , de forte qu'il eft plus ou moins léger, &: fe tient plus ou moins élevé dans l'urine. Selon Boerhaave , com- ment, infiituu §. 382 , la nubéculc eft principalement formée de fèl muriatique. Il dit avoir obfervé que ceux qui ont vécu pendant long-temps d'alimensfaiés , & n'ont pas bu beaucoup , comme les matelots après des voyages de long cours , rendent des urines dans lefquelles on voit toujours la nubécule. Si on la confiderc avec le microf- cope , on y diftingue les parties du fel marin. Pour ce qui eft des préfaces que l'on peut tirer de Yénéoréme , par rapport à fes différences de confiftance &: de couleur. Voyei Urine. (D) ENEOSTIS , ( Hift. nat. ) pierres qui reffemblent à des os pétrifiés. Boëce de Boot ]es regarde comme une efpece de la pierre nommée ojfifragus lapis. 'Voye[ Bcëîius de Boot j de lapidib. &c. Il y en a qui font d'une grandeur extraordinaire , & qu'on croit avoir appartenu à des élephans dont les os ont été pétrifiés fous la terre. ( — ) ENERGETIQUES , f. m. pi. terme dont on s eft fervi quelquefois dans la phyfique. On a appelle corps on particules énergétiques , les corps ou particules qui paroiffent avoir , pour ainfî dire , une force & une énergie innée , & qui preduifent des effets diffé- rens , félon les différens mouvemens qu'elles ont } ainfî , dit-on , on peut appeller les particules du feu & de la poudre à canon , des corpufcules énergétiques. Au refte ce mot n'eft plus en ufage. (G) ■ ENERGIE , FORCE , fynon. ( Gramm. ) Nous ne confidérerons ici ces mots qu'en tant qu'ils s'appliquent au difeours } car dans d'autres cas leur différence faute aux yeux. H femble qu énergie dit encore plus que E NE 4IJ force ; & qu' 'énergie s'applique principale- ment aux difeours qui peignent , & au caractère du ftyle. On peut dire d'un ora- teur qu'il joint la force du raisonnement à Yér.ergie des expreilions. On dit auflî une peinture énergique. & des images fortes. ENERGIQUES , f. m. pi. ( Hift, eccléf. ) nom qu'on a donné dans le xvj îlecîe à quelques facramentaires , difciples de Calvin & de Meîanchton , qui foutenoient que l'Euchariftie n'étoit que l'énergie , c'eft à- dire la vertu de Jefus-Chrift , & ne con- tenoit pas réellement fon corps & fon fang. Voyei Calvinisme. (G) ENERGUMENE , fubft. m. terme ufité parmi les théologiens & les fcolaftiques , pour lignifier uneperfonnepojfédée du démon , ou tourmentée par le malin efprit. Voye-z Démon. Papias prétend que les énergumenes font ceux qui contrefont les a&ions du diable , & qui opèrent des chofes Surprenantes qu'on croit furnatureiles. Il ne paroît pas fort per- fuadé de leur exiftence 3 maisVégiife l'ad- met , puifqu'elle les exorcife. Le concile d'Orange les exclud de la prêtrife , ou les prive des fonctions de cet ordre , quand la poife/îîon eft poftérieure à leur ordination. Chambcrs. (G) ENERVATION , f. f. terme dont on fe fert en anatomie pour exprimer les tendons qui fe remarquent dans les différentes parties des mufcles droits du bas-ventre. Voyez Droit. Les fibres des mufcles droits de l'abdo- men ne vont pas d'une extrémité de es mu£ cle à l'autre ; mais elles font entre-coupées par des endroits nerveux que les anciens ont appelles éntrvations , quoiqu'ils foient de véritables Rendons. Voye{ Tendon. Leur nombre n'eft pas toujours le même , puifque les uns eu ont trois , d'autres quatre , &c. (L) Enerva tton, enervat'w , eft plus un terme de médecine que de l'ufage ordinaire '■, il fïgnifie à> peu-près la même chofe que délibation , aff'oiblijfemcnt. On emploie en François le verbe énerver plus communé- ment que fon fubftantif , pour exprimer les effets de la débauche du vin , des femmes , qui rend les hommes qui s'y adonnent x 4i6 E N E iolblcs , débiles , énervés. Voye\ DÉBI- LITÉ , FOIBLESSE. Le mot éncrvation eft compofé de nerf, nèrvus , & de e privatif. Nerf eft. là pris dans le fens du vulgaire , qui appelle de ce nom les tendons & les mufcles même ; ainfi on dit d'un homme mufculeux qu'il eft ner- veux : on dit par conséquent d'un homme nerveux , qu'il eft fort , vigoureux j & au contraire d'un homme exténué , ufé , qu'il eft énervé , fur-tout quand l'affoibliliement provient des excès mentionnés. Enervation , dans cette lignification , eft donc ce que les Grecs appellent ïkkvc leur reconnoiflance. C'eft par une fuite de l'état de foiblefïe Se d'ignorance où naillent les enfans , qu'ils fe trouvent naturellement alTujettis à leurs père & mère, auxquels la nature donne tout le pouvoir néceflaire pour gouverner ceux dont ils doivent procurer l'avantage, Il réfulte de là que les enfans doivent de leur côté honorer leurs père Se mère en paroles 8e en effets. Ils leur doivent encore ï'obéifïance , non pas cependant une obéif- fance fans bornes , mais aullî étendue que le demande cette relation , 8c auffi grande que le permet la dépendance où les uns 8c les autres font d'un fupérieur commun. Ils doivent avoir pour leurs père 8e mere des fentimens d'affection , d'eftime & de refpect, 8e témoigner ces fentimens par toute leur conduite. Ils doivent leur rendre tous les fervices dont ils font capables , les confeiller •dans leurs affaires , les confoler dans leurs malheurs , fupporter patiemment leurs mau- vaifes humeurs 8e leurs défauts. Il n'eft point d'âge , de rang , ni de dignité , qui puiflè difpenfer un enfant de ces fortes de devoirs. Enfin , un enfant doit aider , aflifter , nourrir fon père &e fa mere , quand ils font tombés dans le befoin 8e dans l'indigence •> 8e l'on a loué Selon d'avoir coté d'infamie ceux E N F qui manqueroient à un tel devoir , quoique la pratique n'en foit pas auifi fou vent nécef- faire que celle de l'obligation où font les pères 8c mères de nourrir 8c d'élever leurs enfans. Cependant pour mieux comprendre la nature 8c les juftes bornes des devoirs dont nous venons de parler , il faut diftinguer fbigneufement trois états des enfans , félon les trois temps ditîerens de leur vie. Le premier eft lorfque leur jugement eft imparfait , 8e qu'ils manquent de dilcer- nement , comme dit Ariffote. Le fécond , lorfque leur jugement étant mûr , ils font encore membres de la famille paternelle ■> ou , comme s'exprime le même phiiolophe , qu'ils n'en font pas encore fé- parés. Letroifieme 8c dernier état , eft lorfqu'ils font fortis de cette famille par le mariage dans un âge mûr. Dans le premier état , toutes les actions des enfans (ont loumifes à la direction de leurs père 8e mere ; car il eft j ufte que ceux qui ne font pas capables de fe conduire eux- mêmes , foient gouvernés par autrui ; 8e il n'y a que ceux qui ont donné la naifïance à un enfant , qui foient naturellement chargés du foin de le gouverner. Dans le fécond état , c'eft-à-dire , lorfque les enfans ont atteint l'âge où leur jugement eft mûr , il n'y a que les chofes qui font de qUelqu'importance pour le bien de la famille paternelle ou maternelle , à l'égard def- quelles ils dépendent de la volonté de leurs père 8e mere ; 8c cela par cette raifon , qu'il eft jufte que la partie fe conforme aux intérêts du tout. Pour toutes les autres actions , ils ont alors le pouvoir moral de faire ce qu'ils trouvent à propos ; en forte néanmoins qu'alors même ils doivent tou- jours tâcher de fe conduire , autant qu'il eft poflible , d'une manière agréable à leurs parens. Cependant , comme cette obligation n'eft pas fondée fur un droit que les parens aient d'en exiger à la rigueur les effets , mais feu- lement fur ce que demandent l'affection naturelle , le refpect 8e la reconnoiffance envers ceux de qui on tient la vie 8e l'édu- cation , fi un enfant vient à y manquer , ce qu'à fait contre le gré de fes parens n'eft E N F pas plus nul pour cela , qu'une donation faire par un légitime propriétaire contre les règles de l'économie , ne devient invalide par cette feule rai ion. Dans le troifeme ôc dernier état , un en- fant eft maître abfolu de lui-même à tous égards ; mais il ne laifTe pas d'être obligé à avoir pour (on père ôc pour fa mère , pen- dant tout le refte de fa vie , les fentimens d'affection , d'honneur ôc de refpeét , dont le fondement fubiifte toujours. Il fuit de ce principe , que les a&es d'un roi ne peuvent point être annullés , par la raifon que (on père ou fa mère ne les ont pas autorifés. Si un enfant n'acquéroit jamais un degré de raifon fufïïfante pour te conduire lui- même , comme il arrive aux innocens ôc aux lunatiques de naillànce , il dépendrait toujours de la volonté de (on père ôc de fa mère ; mais ce (ont là des exemples rares , ôc hors du cours ordinaire de la nature : ainfi les liens de la fujétion des en- fans refiemblent à leurs langes , qui ne leur fout néceifaires qu'à caufe de la foi- blefïe de l'enfance. L'âge qui amené la rai- fon , les met hors du pouvoir paternel , ôc les rend maîtres d'eux-mêmes ; en forte qu'ils font alors aufïi égaux à leur père & à leur mère , par rapport à l'état de li- berté , qu'un pupille devient égal à fon tu- reur après le temps de la minorité réglé par les loix. La liberté des enfans , venus en âge d'hommes faits , ôc l'obéiiîance qu'ils doi- vent , avant ce temps , à leur père ôc à leur mère , ne font pas plus incompatibles que ne l'eft, félon les plus zélés défenfeurs de la monarchie abfolue , la fujétion où fe trouve un prince pendant fa minorité , par rapport à la reine régente , à fa nourrice , à fes tuteurs ou à (es gouverneurs , avec le droit qu'il a à la couronne qu'il hérite de fon père , ou avec l'autorité fouveraine dont il fera un jour revêtu , lorfque l'âge l'aura rendu capable de fe conduire lui-même ôc de conduire les autres. Quoique les enfans , dès-lors qu'ils fe trouvent en âge de connottre ce que de- mandent d'eux les loix de la nature , ou celles de la fociété civile dont ils font mem- bres-, ne foient pas obligés de violer ces E N F 41^ lo:x pour fatisfaire leurs parens ; un enfant eft toujours obligé d'honorer Ion père ôc fa mère , en reconnoi (lance des (oins qu'ilsonc pris de lui , & rien nefauroit l'endiipcnfer. Je dis qu'il eft toujours obligé c- 'honorer (on père ôc fa mère , parce que la mère a au- tant de droit à ce devoir que le père ; jufque-là que (i le père même ordonnoit le contraire à ion enfant , il ne doit point lui obéir. Mais j'ajoute en même temps ici , ÔC très-expreflément , que les devoirs d'hon- neur , de refpedb , d'attachement , de re- connoiflànce , dus aux pères ôc mères , peu- vent être plus ou moins étendus de la: part des enfans , ielon que le père ôc ia mère ont pris plus ou moins de foin de leur éducation , ôc s'y font plus eu moins facrifiés ; autrement un enfant n'a pas grande obligation à fes parens , qui , après l'avoir mis au monde , ont néglige de pourvoir félon leur état à lui fournir les moyens de vivre un jour heureufement ou utilement , tandis qu'eux-mêmes (e (ont livrés à leur» plaiiirs , à leurs goûts , à leurs paiïions , à la dirtïpation de leur fortune , par ces, dépenfes vaines ôc fuperflues dont on vo;«t tant d'exemples dans les pays de luxe. " Vous ne méritez rien de la patrie , dit » avec raifon un poëte Romain , pour lui » avoir donné un citoyen , (i par vos foins » il n'eft utile à la république dans la guerre » ôc dans la paix , ôc s'il n'eft propre à » faire valoir nos terres : » Gratum efi , quodpatrix civem , populoque dedifii ; Si faci: ut pat ri ce fit idoneus , ittilis agris t Utilis Ù bdlurum , & pacis rébus agendis. Ju.ven.fat. xiv , jo &feq. Il eft donc aifé de décider la queftion long-temps agitée , (î l'obligation perpé- tuelle où font les enfans envers leurs père ôc mère , eft fondée principalement fur la naiflànce , ou fur les bienfaits de l'éduca- tion. En effet , pour pouvoir raifonnablc- ment prétendre que quelqu'un nous ait grande obligation d'un bien qu'il reçoit par notre moyen , il faut avoir fu à qui l'on donnoit ; confidérer (î ce que l'on a fait a beaucoup coûté ; (i l'on a eu inten- Ggg* 4io E N F tion de rendre fervice à celui qui en a profité , plutôt que de fe procurer à loi- même quelque utilité ou quelque plaifir ; û l'on s'y eft porté par raifon plutôt que parles fens ,- ou pour fatisfaire les délits ; enfin , fi ce que l'on donne peut être utile à celui qui le reçoit , fans que l'on faflè autre choie en fa faveur. Ces feules ré- flexions convaincront ailément , que l'édu- cation eft d'un tout autre poids, pour fonder les devoirs des en fans envers leurs père 5c mère , que ne Peft la naifïance. On agite encore fur ce fujet plufieurs queftions importantes, mais dont la plupart peuvent eue réfolues par les principes que nous avons établis : voici néanmoins les principales. i°. On demande fi les promefles & les cngagemens d'un enfant font valides. Je répons que les promefles & les cngage- mens d'un erfant qui fe trouve dans le premier état d'enfance dont nous avons parlé , font nulles ; parce que tout confen- tement fuppofe , i°. le pouvoir phyfique de conlentir ; zo. un pouvoir moral , c'eft- à-dire , l'uiage de la raifon ; 30. un ufage férieux 5c libre de ces deux fortes de pou- voirs. Or , les enfans qui n'ont pas l'ufage de la raifon , ne font point dans ce cas ; mais quand le jugement eft parfaitement formé , il n'eft pas douteux que dans le droit naturel , Y enfant qui s'eft engagé li- brement à quelque chofe où il n'a point été furpris ni tœmpé , comme à quelque em- prunt d'argent , ne doive payer cet em- prunt fans fe prévaloir du bénéfice des loix civiles. i°. On demande fi un enfant , -parvenu à un âge mûr , ne peut pas fortir de fa fa- mille , fins l'acquiefcement de fes père & mère. Je répons que dans Y indépendance de Vêi at de nature , les chefs de famille ne peuvent pas retenir un tel enfant malgré lui , lorfqu'il demande à fe féparer de les païens pour vivre en liberté , 5c par des raifons valables. Il fuit de ce principe , que les enfans en âge mûr peuvent fe marier fins le confen- tement de leur père & de leur mère , parce que l'obligation d'écouter ôc de refpecter les confeils de fes fupérieurs n'ote pas , par elte-même , le droit de dirpofer de ion E N F bien $c de fa perfonne. Je fais que le droit des pères 5c mères eft légitimement fondé fur leur puiflànce , fur leur amour , lur leur raifon ; tout cela eft vrai , tant que les enfans font dans l'état d'ignorance , 5c les pallions dans l'état d'iviefle : mais quand les enfans ont atteint l'âge où fe trouve la maturité de la raifon, ils peu- vent difpofer de leur perfonne dans l'a&e où la liberté eft la plus nécefîàire , c'eft- à-dire , dans le mariage ; car on ne peut aimer par le eccur d'autrui. En un mot , le pouvoir paternel confifte à élever 5c gou- verner fes enfans , pendant qu'ils ne lont pas en état de fe conduire eux-mêmes ; mais il ne s'étend pas plus loin dans le droit de nature. Foj^Pere , Mère , Pou- VOIR PATERNEL. 30. On demande fi les enfans, ceux-là même qui font encore dans le ventre de leur mère , peuvent acquérir 5c conferver un droit de propriété fur les biens qu'on leur transfère. Les nations civilifées l'ont ainfi établi ; de plus , la rairon 5c l'équité naturelle autorifent cet établiflèment. 40. Enfin , on demande fi les enfans peuvent être punis pour le crime de leur père ou de leur mère. Mais c'eft là une demande honteufe : perfonne ne peut être puni rai onnablement pour un crime d'au- trui , lorfqu'il eft lui-même innocent. Tout mérite & démérite eftperfonnel , ayant pour principe la volonté de chacun , qui eft le bien le plus propre 5c le plus incommuni- cable de la vie ; ce font donc des loix hu- maines également injuftes 5c barbares , que celles qui condamnent les enfans pour le crime de leur père. C'eft la fureur defpo- tique , dit très-bien l'auteur de l'efprit des loix , " qui a voulu que la difgrace du père » entraînât celle des enfans 5c des femmes : » ils font déjà malheureux fans être crimi- » nels 5 5c d'ailleurs il faut que le prince » laiffe, entre l'aceufé Se lui , des fup- » plians pour fléchir fa clémence ou pour » éclairer fa juftice. » Article de M. le che- valier de Jaucouft. Enfant, (Jur/fprudence.) Outre celui qui doit la naiflance à quelqu'un , fous le nom d'enfant on comprend encore les petits- enfans 5c arrière ipeùis-enfans. La principale fin du mariage eft la pro- E N F création des enfans ; c'eft la feule voie légi- time pour en avoir. Ceux qui naifîent hors le mariage , ne font que des enfans natu- rels ou bâtards. Chez ies Romains il y avoir une autre forte à' enfans légitimes qui étoient les enfans adoptifs : mais parmi nous il refte peu de vertiges des adoptions. Vo^e^ Adop- tion. C'étoit une maxime chez les Romains , que l'enfant fuivoit la condition de fa mère ôc non celle du père ; ce que les loix expri- ment par ces termes , partus fequitur ven- trem : ainli l'enfant né d'une efclave , étoit aufïi efclave , quoique le père fût libre ; & vice verfâ ,' l'enfant né d'une femme libre l'étoit pareillement , quoique le père fut efclave ; ce qui a encore lieu pour les efcla- ves que nous avons dans les iles. Mais en France , dans la plupart des pays où il refte encore des ferfs ôc gens de main-morte , le ventre n'affranchit pas ; les enfans fuivent la condition du père. Il en eft de même par rapport à la no- ble flè ; autrefois en Champagne le ventre ennoblifloit , mais cette noblelfe utérine n'a plus lieu. Le droit naturel fk le droit pofîtif ont établi plufïeurs droits ôc devoirs récipro- ques entre les père ôc mère ôc les enfans. Les père ôc mère doivent prendre foin de l'éducation de leurs enfans , (oit naturels eu légitimes , & leur fournir des alimens , du moins jufqu'à ce qu'ils foient en état de gagner leur vie ; ce que l'on fixe com- munément à l'âge de 7 ans. Les biens des père ôc mère décédés abin- tefat (ont dévolus à leurs enfans > ou s'il y a un teftament , il faut du moins qu'ils aient leur légitime , ôc les enfans naturels peuvent demander des alimens. Les enfans , de leur part , doivent ho- norer leurs père ôc mère , ôc leur obéir en tout ce qui n'eft pas contraire à la reli- gion &c aux loix. Ils font en la puifïance de leurs père ôc mère jufqu'à leur majorité; ôc même en pays de droit écrit , la puif- fance paternelle continue après la majo- rité , à moins que les enfans ne foient émancipés. Suivant l'ancien droit Romain , les pè- res avoient le pouvoir de vendre leurs enfans & de les, metuç dans l'efclavage 3 ils E N F 4U avoient même fur eux droit de vie & de mort , Ôc par une fuite de ce droit bar- bare, ils avoient aufîi le pouvoir de tuer un enfant qui naiilbit avec quelque diffor- mité confidérabie : mais ce droit de vie & de mort fut réduit au droit de correc- tion modérée , ôc au pouvoir d'exhéréder les enfans pour de juftes caufès : il en eft de même parmi nous , quoique les Gau- lois eu lient auiïi droit de vie ôc de mort fur leurs enfans. Voye^ Puissance pa- ternelle & Émancipation. Les mineurs n'étant pas réputés capa- bles de gouverner leur bien , on leur donne des tuteurs ôc curateurs ; ils tombent aufïï en garde noble ou bourgeoife. Voye-^ Garde , Tutelle , Curatelle. Les enfans mineurs ne peuvent fe ma- rier fans le confentement de leurs père ôc mère ; les fils ne peuvent leur faire les fommations refpectueufes qu'à 3c ans, ôc les filles à 25 , à peine d'exhérédation. Si les père ôc mère ôc autres afeendans tombent dans Pindigence , leurs enfans leur doivent des alimens 5 ils doivent même , en pays de droit écrit , une légitime à leurs afeendans. Le nombre des enfans exeufe le père de la tutelle ; trois enfans fuffifoient à Rome , il en falîoit quatre en Italie , ôc cinq dans les provinces : ceux qui avoient ce nombre à'enfans jouifloient encore de plufïeurs autres privilèges. Parmi nous , trois enfans exeufent de tutelle Ôc curatelle... Par deux édits de 1666 ôc de 1667 , il avoit été accordé des penfions ôc plufïeurs autres privilèges à ceux qui auroient dix ou douze enfans nés en loyal mariage , non prêtres , ni religieux ou religieufes , ôc qui feraient vivans ou décédés en portant les armes pour le fervice du roi : mais ces privilèges ont été révoqués par une déclaration du 13 janvier 1683. Les enfans ne peuvent être obligés de dépofèr contre leur père , ôc le témoi- gnage qu'ils donnent en fa faveur eft re- jeté : un notaire ou autre officier public ne peut même prendre fes enfans pour témoins inftrumenraires. Le père eft civilement refponfàbîe du délit de fes enfans étant en fà puifïance ; ancieauement les enfans étoient auiïi punis 4i2 ENF pour le délit de leur père. Taiïillon } roi de Bavière , ayant été condamné par le parlement , en 7S8 , fut renfermé dans un monaftere avec fon fils , qui fut jugé coupable par le malheur de fa ieule naif- fance. Préfentement les enfans ne (ont point punis pour le délit du père , iî ce n'eft pour crime de lefe-majefté : lorfque Jacques d'Armagnac , duc de Nemours , eut la tête tranchée le 4 août 1 477 , fous Louis XI , on mit fous l'échafaud les deux enfans du coupable , afin que le fang de leur père cou- lât fur eux. Chez les Romains , les enfans des dé- curions étoient obligés de prendre le même état que leur père , qui étoit une charge très onéreufe ; au lieu que parmi nous il eft libre aux enfans d'embraifer tel état que bon leur femble, &c. Voye^ la traité des minorités , tutelles & curatelles, ch.xj.(A) Enfant adoptif , eft celui qui eft confi- déré comme V enfant de quelqu'un , quoi- qu'il ne le foit pas réellement , au moyen de l'adoption que le père adoptif a faite de lui. Vcye^ Adoption. {A) Enfant adultérin , eft celui qui eft ne d'un commerce adultérin , (oit que l'adultère foit fimple ou double s c'eft-à- dire , des deux côtés. (A) Enfant âgé ou en âge , lignifie celui qui eft majeur , foit de majorité parfaite , ou de majorité féodale ou coucumiere ; ce qui doit s'entendre fecundùm fubjeâam meteriam. (A). Enfant en bas âge , é& celui qui eft au detïbus de l'âge de puberté. (A) Enfant bâtard , c'eft celui qui eft né hors le mariage. Voye^ Adultère , Bâ- tardise & Inceste. {A) Enfant conçu , eft celui qui eft dans le iein de la mère , 6c qui n eft pas encore né. U) r , Enfant émancipe. V. ci-dejfus Éman- cipation. Enfant exposé , ou comme on l'ap- pelle vulgairement , un enfant trouvé , eft un enfant nouveau né ou en très-bas âge & hors d'état de fc conduire , que lès parens ont expofé hors de chez eux , foit pour ôter au public la coiinoiftance qu'il ENF leur appartient , foit pour fe débarra (Ter de la nourriture , entretien & éducation de cet enfant. Cette coutume barbare eft fort ancienne \ car il étoit fréquent chez les Grecs & les Romains que les pères expofoient leurs enfans : cette expofition fut même permife fous l'empire de Diocletien , de Maximica 6c de Conftantin , 6c cela fans doute , pour empêcher les pères qui n'auroient pas le moyen de nourrir leurs enfans , de les vendre. Néanmoins Conftantin voulant empê- cher que l'on n'expofât les enfans nouveau- nés , permit aux pères qui n'auroient pas le moyen de les nourrir , de les vendre , à condition que le père pourroit racheter fort fils , ou que le fils pourroit dans la fuite fe racheter lui-même. Les empereurs Valens , Valentinien 8c Gratien défendirent abfolument l'expofîtion des enfans. Il étoit permis aux pères qui n'avoient pas le moyen de les nourrir , de demander publiquement. L'expofîtion de part ou des enfans eft aufïi défendue en France par les ordon- nances. Voye^y ci-après , Exposition. Il y avoir anciennement devant la porte des églifes une 'coquille de marbre où l'on mettoit les enfans que l'on vouloit expofer ; on les portoit en ce lieu afin que quel- qu'un , tcuché de compafïion , fe chargeât de les nourrir. Ils étoient levés par les mar- guill.iers qui en dreflbient procès-verbal ; 6c cherchoient quelqu'un qui voulût bien s'en charger ; ce qui étoit confirmé par l'au- torité de l'évêque , 6c l'enfant devenoit ferf de celui qui s'en chargeoit. Quelques-uns prétendoient que ces en- fins dévoient être nourris aux dépens des marguilliers ; d'autres , que c etoit à la charge des habitans : mais les réglemens ont enfin établi que c'eft au feigneur haut- jufticier du lieu à s'en charger , comme jouiflànt des droits du file fur lequel cette charge doit être prife ; 6c par cette raifbn , dans les coutumes telles que celle d'Anjou 6c autres , où les moyens 6c bas-jufticiers prennent les épaves , les déshérences & la fuccefïion des bâtards ; la nourriture des enfans expofés doit être à leur charge. Dans les endroits oj il y a de*s hôpitaux E N F établis pour les enfans trouvés ou expofés , on y reçoit non - feulement ceux qui font expofés , mais auiïï tous enfans de pauvres gens , quoiqu'ils aient leurs père 8c mère •vivans; à Patis , on n'en reçoit guère au defïus de quatre ans. Les enfans expofés ne font point réputés bâtards ; 8c comme il y en a fouvcnt de légitimes qui font ainfi expofés , témoin l'exemple de Moïfe , on prélume dans le doute pour ce qui eft de plus favo- rable. On poulie encore cette préfomption plus loin en Ef pagne ; car à Madrid les enfans expofés font bourgeois de cette ville &i ré- putés gentilshommes , tellement qu'ils peu- vent entrer dans l'ordre à'Habfito. Voyc^ Fevret de l'abus , Uv. VII , ch. ix , n°. J ; le traité des minorités de Mêlé , pag. iq^ ; le traité des fiefs de Poquet de Livoniere , liv. VI, ch. v. ( A ) Enfans de Famille , font les fils& filles qui font en la puillance de leur perc. Vcye^ Puissance paternelle. ( A ) Enfans de France, font les enfans 8c petits -enfans mâles &c femelles des rois : les frères & fccurs du roi régnant 8c leurs enfans fouillent de ce titre , mais il ne s'étend point su delà ; leurs petits-e/7/tf/z.y ont feulement \t titre de princes du fang. Les filles de France ont toujours été exclues de la couronne ; mais fous les deux premières races de nos rois , tous les fils partageoient également le royaume entre eux , fans que l'ainé eût aucune prérogative de plus que les autres. Les bâtards avoués héritoient même avec les fils légitimes ; chacun des fils , foit légitimes ou naturels , tenoit fa part en titre de royaume , & ces différens états étoient indépendans les uns des autres. Le premier fils puîné de France qui n'eut point le titre de roi , ni même de légitime , fut Charles de France furnommé le Jeune , qui fut duc de Lorraine. Sous la troifieme race , fut introduite la coutume de donner des apanages aux puînés. Les femelles en furent exclues. Voye-^ Apanages. Les filles 8c petites-filles de France font dotées en argent. Voye-i^ ci - dejfus au met Dot. E N F 413 Les enfans de France avoient autrefois droit de prife. Voye^ Prise. ( A ) Enfant impubère , eft celui qui n'a pas encore atteint Page de puberté. {A ) Enfant incestueux , eft celui qui eft né du commerce illicite du frère '8c de la fecur , ou du père 8c de la fille ; de la mère 8c du fils 5 ou qui eft provenu d'un incefte fpirituel , c'eft-à-dire , du commerce que quelqu'un a eu avec une religieufc. Vcye^ inceste. (A) Enfant légitime , eft celui qui eft provenu d'un mariage légitime , ou qui a été légitimé par mariage fubféquent. Voye^ Mariage. Enfant légitime , eft celui qui , étant né dans l'état de bâtardife , a depuis été légitimé , foit par mariage fubféquent , ou par lettres du prince. Voye^ Légitima- tion. ( A ) Enfant Majeur ou majeur d'ans, eft celui qui a atteint l'âge de majorité , foit parfaite, foit féodale ou coutumiere. Vcye^ Majorité. {A) Enfant mâle , eft celui qui eft du fexe mafeulin : les enfans mâles defeendans des mâles font préférés en plufieurs cas à ceux qui defeendent des femelles ; par exemple j pour la fuccefïion à la couronne , il n'y a que les mâles defeendans par mâles , qui foient habiles à fuccéder. Dans les fubfti- tutions graduelles , on appelle ordinaire- ment les mâles defeendans par mâles avant les «mâles defeendans des femelles. Voyez Substitution. {A) Enfant mineur , eft celui qui n'a pas encore atteint l'âge de majorité, foit par- faite , féodale ou coutumiere : quand on dit mineur de 05 ans , c'eft-à-dire , qu'il n'a pas encore atteint cet âge qui eft la ma- jorité parfaite. Voye[ Majorité. (A) Enfant mort-né , eft celui qui eft mort lorfqu'il vient au monde : ces fortes d'enfans font confidérés comme s'ils n'a- voient jamais été ni nés, ni conçus, telle- ment que les fuccefïions qui leur étoient échues pendant qu'ils vivoient dans le fein de leur mère , parlent aux personnes à qui elles auroient appartenu fî ces enfans n'euf- fent pas été conçus ; 8c ils ne les transmet- tent pas à leurs héritiers , parce que le droit qu'ils avoient à ces fuccefïions n'étoit 4H E N F qu'une efpérance qui renferment la condi- tion qu'ils fu lient vivans en venant au monde. Voye^ la loi %. , au cod. de poflhum. hcered. inflit, (A) Enfans a naître. On comprend fous ce terme non-feulement ceux qui font déjà conçus , mais même ceux qui ne font ni nés ni conçus : on peut faire une inftitution , foit contractuelle ou par teftament , ou une iubftitution , ou un legs au profit des en- fans à naître; mais l'ordonnance de 1735 , pour les teftamens , déclare , art. 49 , que Pinftitution d'héritier faite par teftament ne pourra valoir en aucun cas , fi celui ou ceux au profit de qui elle aura été faite , n'étoient ni nés ni conçus lors du décès du teftateur. On donne un tuteur aux enfans à naître , lorfqu'ils ont quelques intérêts à foutenir. Voye% Furgole , traité des tefla- mens, tome I , chap. vj , fecl. l , n. $ & fuiv. Enfant naturel , eft celui qui eft procréé félon la nature feule , c'eft-à-dire , hors le mariage. Voye^ Bâtard ù Bâtar- dise. ( A ) Enfant naturel et légitime, eft celui qui eft procréé d'un mariage légi- time : les enfans légitimes font ainfi appelles dans quelques provinces , pour les distin- guer des enfans adoptifs qui font mis au rang des enfans légitimes , 8c ne font pas en même temps enfans naturels. (A) Enfans en puissance de père et de mère , font ceux qui font encore mineurs Se non émancipés , 8c même en pays de droit écrit, les enfans majeurs non éman- cipés. Voye^ Fils de famille ù Puis- sance paternelle. {A) Enfans (Petits,) font les enfans des enfans. On comprend aufîl fous ce nom les arriere-petits-e/?/Iz/z5, en quelque degré qu'ils ibient. (A) Enfans posthumes font ceux qui naif- fent après le décès de leur père , quafi pofl humatum patrem. Voye^ Posthume. (A) Enfant du premier lit , c'eft-à-dire, du premier mariage ; enfant du fécond lit , c'eft du fécond mariage , 8c ainii des autres. ( A ) Enfant pubère , eft "celui qui a atteint l'âge de puberté ; favoir , 14 ans pour les mâles , 8c 1 1 ans pour les filles. Voye-^ Pu- berté. (A) E N F Enfant putatif , eft celui qui eft ré- puté être procréé de quelqu'un , quoiqu'il ne le foit pas réellement , tel qu'un enfant adoptif ou un enfant fuppofé. ( A ) Enfant du second lit. Voye^ci-dejfus Enfant du premier lit. Enfant supposé , eft celui que l'on fuppofe fauflement être né de deux per- fonnes , quoiqu'il provienne d'ailleurs. Vi Part & Supposition de part. ( A ) Enfans trouvés. Voye^ ci-dejfus En- fans exposés. {A) * Enfans , ( Hijl. anc. ) Ils étoient, ou légitimes , ou naturels 8c illégitimes. Les légitimes étoient nés d'un ou de plufieurs mariages ; les illégitimes étoient , ou d'une concubine , ou d'une fille publique , ou d'une fille ou d'une veuve galante ; ou d'une femme mariée à un autre , 8c adul- térins ; ou d'une proche parente , 8c incef« tueux. Les Juifs defîroient une nombreufe fa- mille ; la ftéiilité étoit en opprobre. On diloit d'un homme qui n'avoit point d'e/z- fans : non ejl cedificator , fed dijppator. On mettoit le nouveau né à terre ; le père le levoit ; il étoit défendu d'en celer la naif- fance ; on le lavoit ; on l'enveloppoit dans des langes. Si c'étoit un garçon , le huitième jour il étoit circoncis. Voye^ l'article Cir- concision. On faifoit un grand repas le jour qu'on le fevroit. Lorfque Ion efprit commençoit à fe développer , on lui parloit de la loi ; à cinq ans , il entroit dans les écoles publiques : on le conduifoit à douze ans aux fêtes de Jérufalem ; on l'accoutu- moit au jeûne 5 on lui donnoit un talent: à treize ans , on l'afiujertinoit à la loi ; il devenoit enfuite majeur. Les filles appre- noient le ménage de leur mère ;' elles ne fortoient jamais feules ; elles étoient toujours voilées ; elles n'étoient point obligées à s'inftruire de la loi. Les enfans étoient tenus fous une obéiflance févere. S'ils s'échappoient jufqu'à maudire leurs parens , ils étoient lapidés. L 'enfant qui perdoit fon père pen- dant la minorité, étoit mis en tutelle ; lorf- qu'il étoit devenu majeur , il étoit tenu d'obferver les 613 préceptes de Moï'fe : le père déclaroit fa majorité en préfence de dix témoins ; alors il devenoit fon maître : , mais il ne pouvoit contracter juridiquement avant ENF avant Pige de vingt ans. Tout le bien du père pafloit à fes enfans mâles. Les filles croient dotées par leurs frères , pour qui c'étoit un fi grand devoir qu'ils fe privoient quelquefois du nécefïàire ; la dot étoit communément de la dixième partie du bien paternel. Au défaut à'enfans mâles , les filles étoient héritières -, on comptoir les herma- phrodites au nombre des filles. Un père , réduit à la dernière indigence , pouvoit vendre fa fille, fî elle étoit mineure, Se qu'il y eût apparence de mariage entre elle Se l'acheteur ou le fils de l'acheteur : alors l'acheteur ne l'abaifîoit à aucun fervice bas Se vil ; ce n'étoit point une efclave ; elle vivoit libre , Se on lui failoit des dons convenables. Chez les Grecs , un enfant étoit légitime Se mis au nombre des citoyens , lorfqu'il croit né d'une citoyenne , excepté chez les Athéniens , où le père Se la mère dévoient être citoyens Se légitimes. On pouvoit celer la nailTance des filles , mais non celle des garçons. A Lacédémone , on préfentoit les enfans aux anciens Se aux magiftrats , qui faifoient jeter dans l'Apothete ceux en qui ils remarquoient quelque défaut de confor- mation. Il étoit défendu , fous peine de mort, chez les Thébains , de celer un en- fant. S'il arrivoit qu'un père fût trop pau- vre pour nourrir fon enfant , il le portoit au magiftrat qui le faifoit élever , Se dont il devenoit l'efclave ou le domeftique. Cependant la loi enjoignoit à tous indif- tinclement de fe marier : elle puniffoit à Sparte, Se ceux qui gardoient trop long- temps le célibat , Se ceux qui le gardoient toujours. On honoroit ceux qui avoient beaucoup à'enfans. Les mères nourrifïoient , à moins qu'elles ne devinrent enceintes avant le temps de fevrer , alors on prenoit deux nourrices. Lorfqu'un enfant mâle étoit né dans une maifon , on mettoit à la porte une couronne d'olivier ; on y atta- choit de la laine , fi c'étoit une fille. A Athènes, auffi-tôt que X enfant étoit né, on l'alloit déclarer au magiftrat , Se il étoit inferit fur des regiftres deftinés à cet ufage ; le huitième jour, on le promenoir autour des foyers ; le dixième , on le nommoit Se l'on régaloit les conviés à cette cérémonie ; lorfqu'il avançait en âge, on l'appfcquoit à Tome XII. ENF 425 quelque chofe d'utile. On reflèrroitles filles, on les aiïujettiflbit à une diète auitere ; on leur donnoit des corps très-étroits, pour leur faire une taille mince Se légère ; on leur apprenoit à filer Se à chanter. Les garçons ' avoient des pédagogues qui leur montroient les beaux arts , la morale , la mufique , les exercices des armes , la danfe , le defîin , la peinture , &c. Il y avoit un âge avant lequel ils ne pouvaient fè marier : il leur failoit alors le confentement de leurs parens , ils en étoient les héritiers ab intejlat. Les Romains accordoient au père trente jours pour déclarer la naifTance de fon enfant ; on l'annonçoit de la province par des mefTagers. Dans les commencemens on n'inferivoit , fur les regiftres publics , que les enfans des familles diftinguées. L'ufage de faire un préfent au temple de Junon Lucine étoit très-ancien ; on le trouve inf- titué fous Servius Tullius. Les bonnes mères élevoient elles - mêmes leurs filles : on confioit les garçons à des pédagogues qui les conduifoient aux écoles & les ra- menoient à la maifon ; ils paflbient des écoles dans les gymnafes , où ils fe trou- voient dès le lever du foleil pour s'exercer à la courfé , à la lutte , &c. Ils mangeoient à la table de leurs parens : ils étoient feu- lement aflîs Se non couchés ; ils fe bai- gnoient féparément. Il étoit honorable pour un père d'avoir beaucoup à'enfans : celui qui en avoit trois vivans dans Rome , ou quatre vivans dans l'enceinte de l'Italie , ou cinq dans les provinces , étoit difpenfé de tutelle. Il failoit le confentement des parens pour fe marier , Si les enfans n'en étoient difpenfés que dans certains cas. Us pouvoient être déshérités. Les centumvirs furent chargés d'examiner les caufes d'ex- hérédation ; Se ces affaires étoient portées devant les préteurs qui les décidoient. L'exhérédation ne difpenfoit point Venfant de porter le deuil. Si la conduite d'un enfant étoit mauvaife , le père étoit en d roit , ou de le chafîer de fa maifon , ou de l'enfermer dans fes terres , ou de le ven- dre , ou de le tuer ; ce qui toutefois ne pouvoit pas avoir lieu d'une manière des- potique. Chez les Germains , à peine Venfant H hh 4i£ E N F étoit-il né , qu'on le portoir à la rivière la plus voifine ; on le lavoit dans l'eau froide ; la mère le nourrifîok : quand on le fe- vroit, ce qui fe faifoit allez tard , on l'accoutumok à une diète dure & fimple ; on le laifipit en toute faifon aller nu parmi les beftiaux ; il n'étoit aucunement diftin- gué des domeftiques , ni par conféquent eux de lui, on ne l'en feparoit que quand il commençoit à avancer en âge ; l'éduca- tion continuoit toujours d'être auftere y on le nourriilbit de fruits crus , de fromage mou , d'animaux fraîchement tués , ùc. on l'exerçoit à fauter nu parmi des épées & des javelots. Pendant tout le temps qu'il avoit pafle à garder les troupeaux , une chemife de lin étoit tout fon vêtement , &: du pain bis toute la nourriture. Ces mœurs durèrent long-temps. Charlemagne faifoit monter fes enfans à cheval \ /es fils chaflbient , & fes filles filoient. On attendoit qu'ils euflent le tempérament formé & l'efprit mûr , avant que de les marier. Il étoit honteux d'avoir eu un commerce avec une femme avant l'âge de vingt ans. On ne peut s'empêcher de trouver , dans la comparaifonde ces mœurs & des nôtres , la différence de la conftitution des hommes de ces temps & des hommes d'aujourd'hui. Les Germains étoient forts, infatigables, vaillans , robuftes, chafièurs , guerriers, £'c. De toutes ces qualités, il ne nous refte que celles qui fe foutiennent par le point d'honneur èc l'efprit national. Les autres , auxquelles on exhorteroit inutilement , telles que la force du corps , font prefque entièrement perdues ; & elles iront tou- jours en s'afroibliflant , à moins que les mœurs ne changent ; ce qui n'en: pas à pré- fumer. Enfans. Naijfance des enfans , ( Hi(l. nat. & Pkyf. ) M. Derham a calculé que les mariages produifoient , l'un portant l'autre , quatre enfans, non-feulement en Angleterre, mais encore dans d'autres pays. Il eft dit dans l'hiftoire généalogique de Tofcanede Gamarini , qu'un noble de Sienne , nommé JPichi , a eu de trois de fes femmes cent cinquante enfans légitimes & naturels , & qu'il en emmena quarante-huit à fa fuite, érant ambafiadeur vers le pape & l'em- pereur. EN F Dans un monument de l'églife des SS. Innocens de Pans , en l'honneur d'une femme qui a vécu quatre-vingt-huit ans , on rapporte qu'elle avoit pu voir jufqu'à deux cens quatre-vingt-huit de fes enfans , iffus d'elle directement ; ce qui eft au deflus de ce que M. Hakcwell rapporte de la dame Henoy wood , femme de condition du comté de Kent , qui croit née en i yi7 > avoit été mariée à leize ans au feul mari qu'elle ait eu , le iieur R. Henoy wood de Kent, & mourut dans fa quatre vingt- unicme année ; elle eut feize enfans , dont trois moururent jeunes , Se un quatrième n'eut point de poftérité ; cependant fa poftérké montoit , à fa féconde générarion , à cent! quatorze ; & à la troifïeme , à deux cents vingt-huit , quoiqu'à la quatrième elle retombât à neuf. Le nombre total à'enfnns qu'elle avoit pu avoir dans fa vie étoit donc de trois cens foixante-fept y favoir , 1 6 -f- 1 14 -f- 228 H- 9 = 367 ; de façon qu'elle pouvoit dire , comme dans les let- tres de madame de Sévigné : Ma fille y alk[ dire a vetre fille que la fillz de fa fille crie. Le diftique fuivant va encore plus loin. 123 4 Mater ait nat ce , die natee , filia , natam S ^ Ut moneat , natee plangere , fiholam. Enfans (Maladies tfs). L'homme eft expofé , tant qu'il fubfifte , à une in- finité de maux ; mais il l'éprouve d'une manière plus marquée en naiffant év pen- dant les derniers temps de fa vie, puifque à peine a-t-il refpiré, qu'il commence à annoncer fes miferes par les cris , & qu'il eft en danger continuel de perdre une vie qui femble ne lui être donnée que pour fouffrir : c'eft donc avec raifon que l'on peut dire , d'après Pline , dans l'avant propos du fep- tieme livre de fon hiftoire naturelle , que l'homme ne commence à fentir qu'il exifte , que par les fupplices au milieu defquels il fe trouve , fans avoir commis d'autre crime que celui d'être né. Ainfi , quoique les maladies fbient com- munes à tous les hommes dans quelque temps de la vie qu'on les coniidere , il E N F ; E N F 417 tft évident que les enfans y font plus par- ment conftipés. Lorsqu'ils (ont parvenus à ciculiérement fujets, à caufe de lafoiblelîè de leur conftitution 6c de la délicatefle de leurs organes , qui rendent leurs corps plus fufceptibles des altérations que peuvent cauler les choies qui les affectent inévita- blement ; 6c , ce qui eft encore bien plus trifte , c'eft que plus ils ont de diipoiition à fouffrir davantage que lorfqu'ils font dans un âge plus avancé , moins il leur eft donné de fe préferver des maux qui les environnent , 6c d'y apporter remède lorf- quJils en font affectés : lis ne peuvent même faire connoître qu'ils Souffrent , que par des pleurs 6c des gémilîemens , qui font des lignes très-équivoques 6c très-peu pro- pres à indiquer le liège , 6c la nature , 6c la violence de leurs fbuffrances ; en forte qu'ils iemblent , à cet égard , être prefque ians fècours 6c livrés à leur malheureux fort. Il eft donc très-important au genre humain dont la confervation eft comme confiée aux Médecins , qu'ils fe chargent , pour ainfl dire , de la défenle des enfans , contre tout ce qui porte atteinte a leur vie ; qu'ils s'appliquent à étudier les maux auxquels ils font particulièrement fujets; à découvrir les lignes par lesquels on peut connoîtrc la nature de ces maux , 6c en prévoir les fuites; à rechercher les moyens, les précautions par lefquels on peut les écarter ; 6V enfin à trouver les fecours pro- pres à les en délivrer. Hippocrate, dans leiTJ liv. de Ces apho- rifmes , n°. xxiv , xxv. & xxvj , fait ainfi , avec fi préciiîon ordinaire , l'énumération des maladies qui font particulières aux en- fans. Ceux qui (ont nouveau nés, dit-il , font principalement fujet aux aphthes , aux vomifïemens , à différentes efpeces de toux , aux infomnies , aux frayeurs , aux inflam- mations du nombril , aux amas de crafîe humide dans les oreilles , aux douleurs de ventre ; lorfqu'ils commencent à avoir des dents , ils éprouvent particulièrement de fortes irritations dans les gencives , des agitations fébriles , des convulfîons , des cours de ventre , fur-tout lors de la fortie des dents canines, ôc cette dernière mala- die arrive principalement aux enfans d'un gros volume 3 6c à ceux qui font ordinaire- un âge plus avancé , qui s'étend depuis deux ans jufqu'à dix 6c au delà , ils font affligés par des inflammations des amygda- les , des opprelïions afthmatiques , des gra- viers , des vers ronds , afcarides , des ex- croiilancesverruqueules , des parotides en- flées : des ardeurs d'urine , des écrouelles , 6c d'autres tubercules , des luxations des vertèbres du cou : ainfi il paroît , d'après cette expofition , que les maladies des en- fans ne font pas les mêmes dans les diffé- rais temps plus ou moins éloignés de la nai (lance, & qu'elles ne les affectent pas toujours de la même 'manière ; qu'elles (ont de plus ou moins longue durée , 6c qu'elles lbnt plus ou moins dangereuses , attendu que la différence de l'âge change le tiiïu des parties du corps , leur donne plus de fermeté. La différente nourriture 6c la diverfe façon de vivre , ne contri- buent pas peu aufïl à changer la difpofî- tion des fujets à contracter différentes ma- ladies. Parmi celles qui viennent d'être rappor- tées d'après le père de la médecine , il en eft qui le font d'abord connoître par elles- mêmes ; mais il en eft d'autres que l'on ne peut connoître que difficilement. C'eft pourquoi il eft à propos d'en donner ici le diagnoftique le plus exact qu'il eft poffible , quoique les (ignés foient fouvent fi cadiés 6c (1 équivoques , que les médecins les plus pénétra ns y (ont quelquefois trompés ; car les enfans qui ne parlent pas , ne peuvent pas faire connoître , par le rapport de ce qu'ils fentent, la nature de la maladie, 6c jufqu'à quel point les fonctions (ont lélees : on ne peut pas en j uger par l'urine , avec quelque foin qu'on l'examine , ni par le pouls touché avec le plus d'attention , ni par les apparences extérieures qui font très-fbu- vent 6c très facilement variables en bien 6c en mal : on ne peut s'allurer de rien par tous ces fîgnes; car l'urine des enfans , (bit qu'ils fe portent bien ou qu'ils (oient mala- des , eft prefque toujours épaiflè& trouble ; 6c iln'eft pas facile d'en avoir à part , parce qu'ils la rendent ordinairement avec les gros excrémens. Le pouls peut changer par une infinité de caufes , être rendu ou plus fréquent ou plus lent; en forte qu'ilpourrok Hhh z / 4i8 EN F en impofer à celui qui le touche , s'il por- toit Ton jugement fur l'état du moment prêtent*: d'ailleurs-, il eft fouvent très-diffi- cile de s'aflurer , deux fécondes de fuite , du bras des enfans qui ne cefïènt ordinai- rement de remuer 6c d'empêcher qu'on ne puifle fixer fes doigts fur le carpe. Cependant le médecin , pour ne pas refter dans l'incertitude , puifqu'il ne peut tirer aucun indice de ces deux lignes , doit s'in- former des afliftans , &: particulièrement des femmes au foin desquelles les e/fans font remis , s'ils font des cris , s'ils font agités , inquiets , 6c s'ils paflent le jour de la nuit fans dormir ; s'ils font par la bouche des vents aigres ou nidoreux ; s'ils font des efforts pour vomir ; s'ils vomifîent en effet , 6c quelles matières ils rendent par le vo- miflèment ; s'ils ont le hoquet , 6c s'ils font fatigués par des mouvemens convulfifs; s'ils touflènt 6c s'ils font oppreffés ; s'ils fe vui- dent libt tment des ventuofités 6c des ma- tières fécales ; quelle en eft la conliftance & la couleur: 6c il fera d'autres queftions de cette nature ; il n'omettra pas d'exami- ner attentivement toute la furface du corps de X enfant malade ,. de la tête aux pies , pour favoir s'il ne paroît pas en quelque partie extérieure des rougeurs inflamma- toires , ou quelque efpece d'exanthème : il tâchera aulïi de lui faire ouvrir la bouche , 6c de fentir Ci fon haleine eft bien chaude , s'il a des puftules dans la bouche ; s'il a les gencives enflées ou enflammées : on peut tirer de toutes ces chofes , comme de prin- cipes connus , des conféquences par lef- quelles on peut parvenir à découvrir ce qui eft plus caché , comme la nature de la ma- ladie , ùc. De tout ce qui vient d'être dit fur les moyens de connoître les maladies des enfans , de ceux fur-tout qui font encore à la ma- melle, il fuit que quelque difficile qu'il fbit d'en porter Ion jugéïnent d'après l'inf- pection des malades , il eft cependant pofïî- ble de fupléer à ce qui manque de ce côté- là; ainii la plainte de ceux qui s'exeufent du mauvais fuccès du traitement , fur l'in- certitude du diagnoftique, n'eft pas tant fondée fur le défaut de fymptome , que fur la précipitation 6c l'irrégularité de la mé- thode que l'on fuit,. EN F Bserhaavedans fes préleçons de-pathologie, publiées par le docteur Haller , en recher- chant les eau fes des maladies des enfans y infifte fur ce qu'ils ont la tête 6c le genre nerveux plus confidérables à proportion du refte du corps, que les adultes. Un homme nouveau né , qui ne pefe pas plus de douze livres , a la tête du poids de trois livres. Les adultes ont cette partie refpedbivement moins grofîe à proportion qu'ils avancent plus en âge. Il conclud de là que les maladies propres aux enfans font prefque toutes de la claflè des convuliives , parce que le fyftême des nerfs étant plus étendu dans les premiers temps de la vie que dans la fuite , il eft plus fu!ceptible d'irritabilité , plusexpofé atout ce qui peut l'affe&er. De mille enfans qui pétillent , continue-t-il , à peine en voit-on mourir un fans que des mouvemens con- vulfifs aient précédé. La plus petite fièvre, une dent qui a de la peine à fortir , une légère douleur de ventre, une foible diffi- culté d'uriner ; tout mal de cette efpece , qui n'affecteroit pas , pour ainfi dire , un homme de trente ans, fait tomber un enfant dans de violentes convuliions. Tout ce qui peut troubler l'économie dans cette petite machine , difpofe à cet effet. Car comme dans l'âge tendre les parties fblides , à caufe de leur débilité , n'agiflènt que foiblement fut les fluides , 6c ne les pouffent qu'avec peine dans les extrémités des vaifïèaux , il s'enfuit que le cours du ; fang 6c des autres humeurs peut être faci- lement ralenti , 6c que les fécrétions doivent" être conféquemment arrêtées. Cela étant, non-feulement les fluides augmentent en quantité de plus en plus , mais encore ils deviennent épais , 6c ils contractent des qualités abfoîument étrangères & nuifibles. De cette plénitude non-feulement il fc forme des engorgemens & des dégénéra- tions ultérieures d'humeurs , mais encore il s'excite des mouvemens fpafmodiques s par la prefTïon , le tiraillement 6c l'irritation des nerfs des parties contenantes ; 6c la vio- lence de ces fpafmes affectant tous les foli- des& tous les fluides, toutes les fonctions en font troublées ; 6c les corps délicats des enfans , qui font très-difpolés à recevoir même les plus petites imprefîlons , con- tractent aifément 6c promptement , par. E N F tous ces effets , de très - violentes mala- dies. Il n'eft par confe'quent pas difficile , d Câ- pres toutes ces altérations , d'établir les vé- ritables eau Tes des principales maladies des enfans. En fuppoiant , par exemple , une abondance d'humeurs pituiteufes , fufeep- tibles de produire des engorgemens , on conçoit ailament comment ce vice domi- nant peut rendre les enfans fujets aux fré- quentes fluxions catarreufes , aux douleurs rhumatifmales, aux embarras des poumons ; d'où les oppreffions , les affections rheu- matiques , afthmatiques , les déjections liquides , les diarrhées , les tumeurs des glandes, les amas d'ordures humides dans les oreilles , Se autres femblables maladies. ■ En fuppofant la dépravation Se l'acrimonie des humeurs , il eft aifé de voir pourquoi les enfans ont de la difpofition à avoir fré- quemment des aphthes & différentes affec- tions exanthémateufes. Et enfin en fuppo- fant une très-grande fenfîbilité dans le genre nerveux , il paroît évidemment pourquoi ils font tourmentés par de fi violentes douleurs des parties internes , Se de fi fortes fecoufles convulfives des parties externes -, pour peu qu'il fe fafTe d'irritation dans les nerfs. C'eft à caufe de la fenfîbilité du tiffudesinteftins Se de toutes les entrailles , que ces petites • créatures iont fi fouvent attaquées de fortes tranchées , des douleurs d'eflomàc & de boyaux très-aiguës ; ce qui les met dans un état déplorable , quelquefois très-dange- reux. L'irritabilité dont font fi fufceptibles les membranes qui enveloppent le cerveau Se la moelle épiniere , les fait fréquemment fôuffrir , par des mouvemens convulfifs , épileptiques des membres 5 par des agita- tions fpafmodiques , fubites , inftantanées , mais fréquentes des extrémités. Ladiftribu- tion abondante de nerfs au cardia , au dia- phragme , aux organes de la refpiration , qui font très-fufceptibles d'irritation , parles matières viciées contenues dans l'eftomac , par la pituite acre qui fe ramafîe dans la trachée- artère , Se dans toutes les voies pulmonaires de Pair , rend encore les enfans très-fujets à la toux , foit ftomacale , foit pectorale , Se à l'afthme convulfif , avec danger de fuffocation. Et enfin le fentiment exquis des tuniques qui tapiffent la bouche E N F 419 &: les gencives , leur fait aufîl fôuffrir des fymptomes violens , par l'erret de la denti- tion difficile. Voilà un détail fuffifant pour juger de tous les effets que peut produire dans les enfans la fenfîbilité du genre ner- veux , qui doit par conféquent être regar- dée comme la caufe matérielle principale des maladies auxquelles ils font fujets •> mais elle n'eft pas l'unique. L'acide dominant dans leurs humeurs ^ auquel le, docteur Harris qui afi-bien ex- pliqué cette matière , attribue tant d'effets dans ces maladies , qu'il ne craint pas d'avancer qu'elles font prefque toutes pro- duites par cette caufe particulière , doit aufïî être regardé comme une fource principale d'une grande partie des maux qui furviennent aux enfans. C'eft ce que prouvent , dans un grand nombre de ces petits malades , les rapports ôc les vomif- lemens qui répandent une odeur tirant fur l'aigre , ou même bien aigre , Se les ma- tières fécales , qui affectent l'odorat de la même manière. On peut encore s'en con- vaincre , non-feulement par la facilité avec laquelle s'aigrit &: fe coagule le lait dont les enfans font nourris , mais encore parce que la partie lymphatique de leurs hu- meurs ne contracte aucune mauvaife qua- lité aufTï facilement que l'acidité , vu que leur nourriture , d'abord unique , Se en- fuite principale pendant les premiers temps de leur vie , confîfle dons l'ufage du lait de femme , auquel on joint des prépara- tions alimentaires faites avec le lait des ani- maux , telles que des bouillies, des pota- ges de farine , de pain ; toutes chofes très- lufeeptibles de s'aigrir , ou de fournir ma- tière aux fucs aigres : vu encore qu'ils ne font point ou prefque point d'exercice , qu'ils ne font même que très-peu de mou- vement. Ainfî il n'y a pas lieu de douter que l'intempérie acide ne devienne aifé- ment Se promptement dominante dans le corps des enfans ; d'où peuvent naître un très-grand nombre de maladies. Voye^ Acide & Acidité. Les caufes éloignées de la débilité Se de la fenfîbilité des folides' dans les enfans , fon t principalement la difpofition naturelle, eu égard à l'âge , Se par conféquent la foi- bleflè du tempérament : mai? comme 430 E N F cette foibleiTe & cette lenfîbilité ne font pas un vice , tant qu'elles ne font pas ex- cefïives , puifqu'elles font une fuite nécef- faire des principes de la vie , il s'agit de favoir ce qui les rend particulièrement dé- fe6tueufes , & propres à troubler l'écono- mie animale ; en forte qu'il en réfulte de plus mauvais effets dans les uns , & de moins mauvais effets dans les autres. Rien ne paroit pouvoir contribuer davantage à établir ce vice dominant , que cette difpo- fïtion héréditaire qui eft tram'mile aux en- fans par l'un des deux parens , ou par le père ce la mère enfemble ; c'eft pourquoi il arrive fouvent que des perfonnes d'une foible fanté , ou qui font épuifees par des excès de laéte vénérien , par des débau- ches , par de trop grands travaux d'efprit , par la vieilleffe , mettent au monde des enfans qui , dès leur naifîànce , mènent une vie infirme , & font fujets à des ma- ladies dont la caufe , qui vient de pre- mière origine , ne peut être détruite ni corrigée par aucun fecours de l'art ; tels font pour la plupart ceux qui font affectés de la goutte , du calcul , qui cherchent inu- tilement dans la médecine quelque foula- gement à leurs maux. C'eft encore plus particulièrement des mères que viennent ces vices héréditaires , à caufe des erreurs qu'elles commettent pendant leur groffefîè , dans l'ufage des chofes qui influent le plus fur l'économie animale ; car on ne fauroit dire combien la plupart des femmes grolîes font fufeep- ribîes de la dépravation d'appétit , ôc com- bien elles font portées à s'y livrer , à moins qu'elles ne fe contiennent par une grande force d'efprit , qui eft extrêmement rare parmi elles , fur-tout dans ce cas. On ne pourroit exprimer combien elles ont de difpoiltion à s'occuper de foins inutiles , de defirs vagues , d'imaginations déréglées; combien elles fe laiflènt frapper aifément par la crainte, la terreur , les frayeurs ; combien elles ont de penchant à la trif- tefle , à la colère , à la vengeance , &,à toute pallion forte , vive ; ce qui ne con- tribue pas peu à troubler le cours des hu- meurs , cv à faire des impreiTions nuifi- bles dans les tendres organes des enfans reiifermés dans la matrice. On doit craindre E N F le même effet de l'intempérance des fem- mes qui fe remploient dune grande quan- tité d alimens , ôc fouvent de mauvaifè qualité ; qui font dans l'habitude d'ufer immodérément de boitions ipiritueufes, dont l'effet rend la pléthore occaiionée par la groffefîè , encore plus confidérable , & n'eft pas même corrigé par des faignees, qu'elles ne veulent pas (ouffiïr. On peut encore mettre , dans la clafle des femmes qui nuifent confidérablement aux enfans qu'elles portent , par leur indifpoiition perfonnelle , celles qui font fujettes aux affections hystériques , qui iont fort avides du commerce des hommes , & s'y livrent fréquemment après la fécondation & pen- dant le cours de leur groffefîè. Le coït trop fréquent pendant ce temps , eft réel- lement , au fentiment de pluiieurs auteurs, une puiflante caufe pour rendre les enfans infirmes èc valétudinaires. Ce qui contri- bue principalement eucore à détruire leur fanté dans le ventre -de la mère, c'eft. fouvent les fatigues qu'ils eiluient , les forces qu'ils épuifènt dans les travaux de l'accouchement , foie lorfqu'elle n'agit pas allez , ne fait pas aifez d'efforts pour l'ex- puliion du fœtus , par indolence ou par foiblefie ; foit lorfqu'elle fe prelle trop, &c force l'accouchement par impatience ou par trop de vigueur , ou par l'effet des remè- des chauds employés mal-à-propôs pour exciter les forces expulfives. Les fàges-femmes nuifent auffi très- fouvent aux enfans , foit en employant im- prudemment leur miniftere pour faire l'ex- traction violente du fœtus , quifortiroit eu bonne fanté fans leur fecours ; foit en le bleflant de toute autre manière, comme en comprimant fi fort les os du ci âne , dont les futures ne font unies que foiblement , qu'elles établirent par ce traitement impru- dent , la caufe de différentes maladies con- fidérables , telles que l'épilepfie , la para- lyfie , la ftupidité , qui font luivies d'une mort prochaine , ou qui produifent de fâcheux effets pendant toute la vie. Les accidens qui furviennent aux enfans après leur naiflance & pendant les premiers temps de leur vie , contribuent au ili beau- coup à rendre les enfans d'un tempérament plus foible & plus feniible, tels que les E N F frayeurs auxquelles ils peuvent être expofés , les cris inattendus , les bruits frappans^ les interruptions fubites du fommeil arec fur- prife ; le lait qui leur eft. donné par leur nourrice trop promptement après quelque violente émotion de l'ame , quelque pa- roxyfme de colère , de terreur , ùc. toutes ces chofes font très-propres à produire dif- ferens genres de fpafmes , de picottemens dans les nerfs , des ardeurs , des douleurs , des gonfiemens d'entrailles , ùc. qui le maniftftent par des inquiétudes , des in- fomnies , par des agitations de membres , par des cris , des tremblemens , de furfauts convulfifs , Se même par des mouvemens épileptiques. Toute forte d'intempérie de l'air , mais fur-tout le froid Se les change- mens prompts de celui-ci au chaud , Se ré- ciproquement , qui affe&ent les adultes , fur-tout ceux qui ont quelque foiblefle de nerfs , à cauie des dérangemens dans la tranfpiration , qui en iurviennent , font encore bien plus d'imprefïîon fur les enfans , Se altèrent bien plus confidérablement leur fanté , & produilènt en eux de trèî-mau vais effets. Les trop grandes précautions que'i'on prend pour les garantir des injures de Pair , pour les tenir chauds, peuvent au contraire leur être aulîi très-nuifibles , de même qu'un régime trop recherché , Se l'ufage trop fréquent de remèdes ; tout cela tend à affoiblir leur tempérament , parce qu'ils ne peuvent pas enfuite fupporter les moin- dres erreurs dans l'ufage des choies nécef- faires , fans en éprouver de mauvais effets , des impreffions fâcheufes •■> c'eft pourquoi les enfans des perfbnnes riches , qui font élevés trop délicatement , (ont ordinaire- ment d'une fanté plus foible que ceux pour lefquels on n'a pas pris tant de loin , tels que ceux des gens de la campagne , des pauvres. C'eft cette confidération qui a fait dire à Locke dans fon excellent ouvrage fur l'éducation des enfans , qu'il croiroit pouvoir renfermer dans cette courte maxime " que » les gens de qualité devroient traiter leurs » enfans comme les bons payfans traitent » les leurs, » tous les confeils qu'il pour- roit donner fur la manière de conferver Se augmenter la fanté de leurs enfans , ou du moins pour leur faire une conftitution qui ne foit point fujette à des maladies > & E N F 43r qu'il ne penferoit pas pouvoir donner une caufe générale plus ailurée à cet égard de ce qui arrive de contraire , " qu'on g'ite la » conftitution des enfans par trop d'indul- » gence Se de tendrefle , » s'il n'étoit per- fuadé que les mères pourraient trouver cela un peu trop rude , Se les pères un peu trop cruel. Il explique donc en faveur des uns Se des autres la penfee plus au long , dans la première feétion de l'ouvrage dont il s'agit , qui efi: fans contredit une des meilleures fources dans lesquelles on puille puiler des préceptes filutaires pour l'édu- cation des enfans , foit phyfîque , foit mo- rale. Voye-^ Enfance. Après avoir traité des caufes qui contri- buent à augmenter la foiblefle du tempé- rament des enfans , en augmentant la fenfibilité du genre nerveux , il refte à dire quelque chofe de celles qui proiui- fent le même effet , en difpofant ultérieu- rement leurs humeurs à l'acrimonie acide, | qui eft fi fouvent dominante dans leurs maladies. Ces caufes font très-différentes entr 'elles : il en eft plufieurs dont il a été fait mention ci-deflus. Les principales font celles qui corrompent le lait , ou dans le fein des nourrices , ou dans le corps des enfans ; le rendent épais , grofïîer , ou le font entièrement cailler ; ce qui peut arri- ver de différentes manières de la part des nourrices fur-tout. Si elles font fuiettes à de violentes pallions , Se qu'elles s'y li- vrent fouvent ; fi elles fe nourriffent prin- cipalement de fruits ou de fromage , de différentes préparations au vinaigre , d'ali- mens aigres , acres , falés ; fi elles ufent pour leur boiflbn de beaucoup de vin qui ne foit pas bien mûr, ou de toute autre liqueur fpiritueufe , il ne peut fe former de toutes ces différentes matières qu'un lait de mauvaife qualité , vifqueux , grof- lier , acre , ùc. qui s'aigrit facilement dans les premières voies des enfans , d'où naiflent non-feulement des obftrudions dans les vifeeres du bas-ventre , Se fur-tout dans les inteftins Se dans le méfentere, mais encore du gravier , des calculs dans la veflie ; ce qui n'eft pas rare à cet âge : Se même lors- que le lait fe trouve chargé de parties ac- tives fournies par les alimens , il s'échauffe aifément j Se étant porté dans le fang des 43* ENF encans , il y excite des agitations fébriles , des fièvres ardentes. Ce n'eft pas feule- ment la qualité des alimens dont ufent les mères, qui peut nuire à leurs nourrifibns , c'en eft aufili la quantité , même des meil- leurs , lorfqu elles ne font pas d'exercice , qu'elles mènent une vie trop fédentaire , parce qu'il ne peut réfulter de cette façon de vivre que des humeurs épaifles , grof- fieres , qui fourniflènt un lait auiïi impar- fait ; germe de bien des maladies. Le froid des mamelles , en refïerrant les vaifleaux , galacloferes , peut auiïi contribuer beaucoup à l'épaifïïilement du fluide qu'ils contien- nent. Le coït trop fréquent des nourrices , les menftrues qui leur lurviennent , les attaques de pamon hyftérique , la confti- pation , les [palmes , les ventuoiitcs des premières voies ; toutes ces altérations dans l'économie animale corrompent leur lait , de les enfans qui s'en nourriflènt deviennent foibles , langui llans , pleureux , ôc indi- quent allez , par leur mauvais état , le befoin qu'ils ont d'une meilleure nour- riture ; ainfi l'on peut aflurer que leurs ma- ladies font le pli»s (bavent produites par le mauvais régime &c la mauvaife fanté des nourrices , en tant qu'elles ne peuvent en coméquence leur fournir qu'un lait de rrès-mauvaife qualité. Elles peuvent aufïî leur nuire , lors même qu'elles n'ont qu'une bonne nourriture à leur donner , li elles les remplirent trop , foit que ce foit du lait , foit des foupes , ou d'autres alimens les mieux préparés ; la quantité dont ils font farcis furcharge leur eftomac , fur- tout pendant qu'ils lont le plus foibles & petits ; ils ne peuvent pas la digérer , elle s'aigrit , &c dégénère en une mafîe caillée ou plâtreufe qui diftend ce vifeere , en tiraille les fibres , en détruit le reflbrt ; d'où fuivent bien de mauvais effets , tels que les enflures du ventricule , les cardial- gies , les opprellions , les vomiffemens , les diarrhées , &c autres femblables altérations qui détruifent la fanté de ces petites créa- tures. C'eft ce qui a fait dire à Ethmuller , d'après Hïppocrate , que les nourrices , en donnant trop de lait à la fois , ou de toute autre nourriture aux enfans , les font mou- rir par trop d'empreffement à leur four- nir les moyens de vivre , dum laclant , mac- E N F tant ; car comme toute replétion cxccflîve eft mauvaife , iur-tout de pain pour les adultes , on peut dire la même chofe de celle de lait pour les enfans. On fait encore bien plus de tort à leur fanté , lof fqu'on leur donne des alimens trop variés , 6c fouvent de mauvaife qualité , aigres , falés , acres ; lorfqu'on leur fait manger beaucoup de viande ; qu'on leur donne de la nour- riture , fans attendre que celle qu'ils ont priie auparavant foit digérée ; qu'on les fait ufer de vin , de liqueurs fpiritueufes , fous prétexte de ranimer leur appétit , ou de les fortifier _, ou de les tranquillifer. Tou- tes ces fautes de régime font très-perni- cieufes aux enfans ; ces différentes matières alimentaires, ou font propres à faire cailler le lait , avec lequel elles fe mêlent , elles affoibliflènt l'eftomac ; ou elles fuivent leur tendance naturelle à la corruption , ou elles portent l'acrimonie , l'incendie dans le fang doux 8c balfamique de ces tendres élevés ; d'où naiffent un grand nombre de- maladies différentes. On peut joindre à tou- tes ces caufes le changement trop fréquent de nourrices , 6c par conféquent de lait. Les qualités des alimens. trop variées nuifent aux adultes , à plus forte raifon aux enfans , non- feulement pendant qu'ils tettent , mais en- core après qu'ils font fevrés. Pour ce qui eft du pronoftic à porter fur les maladies des enfans , il faut d'abord cher- cher à favoir s'ils font nés de parens robuf- tes , de bonne fanté de corps &c d'efprit , fur-tout à l'égard des mères , parce qu'ils ne font pas ordinairemenr fi délicats ; ils ne font pas conféquemment fi fujets à être affectés par les mauvaifes imprelTions des chofes néceflaires à la vie : ils ne deviennent pas fi facilement malades , 6c ils n'ont pas autant de difpofition à fuccomber aux ma- ladies qui leur furviennent. On peut dire la même chofe de ceux qui ne font pas élevés fi délicatement , qui font accoutu- més à fupporter impunément les effets des changemens d'air , d'alimens qui feraient pernicieux à tous autres , qui font endurcis par un régime tel que celui qu'obfervent les payfans à l'égard de leurs enfans. Il eft aufïi certain , en général , que les maladies des. enfans , quoiqu'innombrables , pour ainfi dire , font plus faciles à guérir que celles des E N V des adultes , pourvu qu'elles foient bien traitées ; parce que comme ils font plus fuf- ceptibles des altérations qui troublent en eux l'économie animale par de très-légères caufes , de même les moindres remèdes placés à propos , & différentes autres choies convenables à leur nature , peuvent en réta- blir aifèment les défordres ; en forte que la plupart n'en meurent que parce que l'on emploie fouvent une trop grande quantité de fecours , ou de trop puiffans moyens pour leur rendre la fanté , qui auroit pu être rétablie ou d'elle-même , ou avec très- peu de foins. Les Médecins ont peut-être plus nui au genre humain en médicamen- tant les en/ans 9 qu'ils ne lui ont été utiles à cet égard. On obferve conftamment que les en/ans gros , gras , charnus , & ceux qui tettent beaucoup , ceux qui ont des nourrices d'un grand embonpoint , pleines de fang , font plus fujets à être malades , & à l'être plus fréquemment que d'autres; ils font plus communément affectés du ra- chitis , de la toux convulfive , des aphthes. L,es en/ans maigres font ordinairement affli- gés de fièvres , d'inflammations ; ceux qui ont le ventre libre , font auflî mieux portans que ceux qui l'ont ferré : & enfin comme la plupart périfTent par les douleurs de ven- tre , les tranchées & les mouvemens con- vulfifs , par les fymptomes d'épilepfie , c'efr. toujours un mauvais figne que ces difrerens maux fe joignent avec les infbm- nies , aux différentes maladies dont ils font affectés. Les douleurs d'entrailles , les coliques font ordinairement épidémiques pour les enfans , depuis la mi-juillet jufqu'à la mi- feptembre ; & il en meurt plus alors dans un mois , que dans quatre de toute autre partie de l'année , parce que les grandes chaleurs , qui fe font principalement fentir dans ce temps-là , épuifent leurs forces , & les font aifément fuccomber à tous les maux qu'elles produifent, ou qui furvien- nent par toute autre caufe. Les tranchées font plus dangereufes à proportion qu'elles font plus violentes , qu'elles durent davan- tage , ou qu'elles reviennent plus fouvent , a caufê des fièvres , des affections afthma- tiques , convulfives , épileptiques , qu'elles peuvent occafioner , fi on n'y apporte pas Tome XII. E N F 433 promptement remède. Celles qui font cail- lées par les vers , ne ceflent pas qu'ils ne foient chafïès du corps. Les aphthes qui n'affectent qu'en petit nombre la furface de la bouche des enfans , qui ne caufent pas beaucoup de douleur , qui font rouges & jaunâtres , cèdent plus facilement aux remèdes que ceux qui s'éten- dent en grand nombre dans toute la bou- che , qui font noirâtres , de mauvaife odeur, & qui forment des ulcères profonds : ceux qui proviennent de caufe externe , font moins fâcheux que ceux qui font produits par un vice de fang , par la corruption des humeurs. Les aphthes qui font accompagnés d'inflammation , de difficulté d'avaler & de refpirer , font ordinairement très-fu- nefles. La maigreur & la confomption des en- fans font toujours des maladies très-dan- gereufes , fur-tout lorfqu'elîes font invété- rées , & caufées par des obftruûions au méfentere & aux autres vifeeres du bas- ventre ou de la poitrine. Si la diarrhée s'y joint , & que les malades rendent par le fondement une matière purulente , fanglan- te , de fort mauvaife odeur , le mal efl incurable : il y a au contraire à eipérer , fî les digeftions étant rectifiées , l'appétit re- vient, fe foutient régulièrement ; fi l'enflure du ventre diminue , & que les forces fe rétabliflènt. Il confie par un grand nom- bre d'obfervations , que les fièvres inter- mittentes ont fouvent guéri des enfans de la confomption. Pour ce qui eft de la curation des mala- dies des en/ans y on ne peut en donner ici qu'une idée fort en raccourci : la plupart d'entr'elles , foit qu'elles leur foient pro- pres , foit qu'elles leur foient communes avec les adultes , font traitées chacune en fbn lieu ; ainfi voye\ , par exemple , VÉR OLE (petite), Rougeole, Chartre, Ra- chitis , Epilepsie , Cardialgie , Vers , Dentition , Teigne , ùc. On peut dire en général que comme les princi- pales caufes des maladies des enfans confiè- rent principalement dans le relâchement des fibres naturellement très-délicates , & la foi- blefle des organes augmentée par l'humidité trop abondante dont ils font abreuvés , & dans l'acidité dominante des humeurs , on Iii 434 E N F doit combattre ces vices par les contraires : ainfi les affringens , les abforbans , les anti- ' acides , qui conviennent pour corriger l'état contre nature des folides & des fluides , & les légers purgatifs pour évacuer l'humide ïuperHu & corrompu , employés avec pru- dence , félon les différentes indications qui fe présentent , font les remèdes communs à prefque toutes les curations des maladies des en/ans. C'eft ce qu'a parfaitement bien établi le docteur Harris dans là diflertation "fur ce fujet , en banniffant de la pratique , dans ce cas , l'ufage des remèdes chymiques, diaphoniques , incendiaires > & de toute autre qualité dont elle étoit furchargée. Il cfl certain même , indépendamment de la confidération des caufes de ces maladies, que la manière de traiter ces petits malades ne fauroit être trop fimplifiée , vu la diffi- culté qu'il y a à les foumettre à prendre des drogues , & à leur faire obferver un régime convenable , fur-tout avant qu'ils aient atteint l'âge de connoiffance. A peine l'homme eft-il mis au monde , qu'il fe trouve fouvent dans le cas d'avoir befoin des fecours de la médecine , & de payer le tribut à cet art , pour éviter de le payer (1— tôt à la nature. En effet , dans le cas où les en/ans nouveau - nés ont pour la plupart des mucoiités gluantes dans la bouche , l'œfophage , l'eftamac , les inref- tirrs , & quelquefois des matières nourri- cières imparfaitement digérées , avant de fortir du ventre de leurs mères , qui ont pu s'échauffer dans les parties qui les con- tiennent , s'y corrompre par l'agitation ex- citée pendant le travail de l'accouchement , dont s'enfuivent des cardialgies , des dou- leurs de ventre , des tranchées & autres fymptomes fâcheux ; fi après ^avoir fait prendre aux en/ans ainfi affectés , quelques gorgées du premier lait de la mère , qui elt ce qu'on appelle coloflrum , que la na- ture femble avoir deftiné à cet ufage , at- tendu qu'il eft très-laxatif, l'évacuation de ces matières ne fe tait pas ; ou s'il eft im- poflible de leur faire prendre le teton tant que ie mal dure , il eft à propos d'ouvrir doucement la bouche au nouveau né, & de répanJre peu à peu & à différentes re- f>rifes , dans l'intervalle de dix à douze leures, de l'eau en petite quantité, dans E N F laquelle on a diffous du fucre , ou délayé du miel , pour détremper ces différentes matières , en purger les premières voies , & en favorifer l'expuliion. Si ces impure- tés font fi abondantes dans l'eftomac & les inteftins , qu'elles caufent des naufées , des vomiffemens , des tranchée* & même des mouvemens convulfifs, dans ce cas on peut employer quelque chofe de plus laxa- tif que le miel & le fucre , lorlqu'ils ne font pas fuffifans : on fait ufage de l'huile d'amandes douces récente , avec du firop rofat folutif ; ou même s'il y a une grande indication de purger , on peut fe fervir du firop de chicorée avec la rhubarbe. Cha- cun de ces remèdes doit être donné à très-petite dofe & à différentes reprifes. On peut aufli appliquer quelque épitheme aro- matique , fpiritueux fur l'eftomac & le ventre , ce qui produit fouvent de bons effets , en excitant l'action des vifeeres du bas-ventre. Ces différens fecours, qui viennent d'être mentionnés , employés félon les différens befoins , font aufli très-utiles pour favorifer l'expulfion de l'humeur épaiffe , noirâtre & excrémentielle , qui eft comme le marc de la nourriture du fœtus , qui s'eft ramafîë dans les gros boyaux , dans le cœcum fur- tout & fon appendice , dont la cavité eft par cette railbn plus confidérable à proportion que dans l'adulte. Voye\MECON ium , Ccscum. Cette matière fécale doit être évacuée promptement, parce que quand elle eft retenue après la naiilance , foit à cauiè de fa trop grande confiflance ou quantité , foit à caufe de la féchereffe des voies par lefquelles elle doit être portée hors du corps, ou de la foiblefle de ['enfant , elle devient acrimonieulè & fe corrompt facilement , par l'effet de la chaleur que produit la refpiration dans tout le corps , & par le contact de l'air qui pénètre dans les intefc tins. On corrige la dureté des matières en faifant prendre à ['enfant de temps en temps quelques gorgées de petit lait avec du miel délayé , dont on peut aufii donner en la- vement. On procure l'évacuation par les laxatifs dont il a été parlé ci-devanr , em- ployés en potion &. en ciyftere , par quelque doux fuppofitoire , par des linimens onc- tueux faits fur l'abdomen. On ranime les E N F forces , pour foutenir Pexpulfion de ces excrémens , par quelque léger cordial , comme le vin chaud avec le miel & la cannelle ; & fi l'acide domine , comme il eft ordinaire , ce que l'on connoît par i'o deur de la bouche , on unit les cordiaux avec les abforbans. On doit éviter foigneu- fement tout ce qui eft trop atténuant , fpiri tueux , volatil. On ne doit employer qu'avec beaucoup de circonfpeclion les opiatiques dans les mouvemens convullifs qui provien- nent de la rétention du meconium ; & en général on ne doit en ufer que rarement dans toutes les maladies des en/ ans qui lém- blent les indiquer. Celles qui font produites par la coagula- tion du lait dans les premières voies , & tous les fymptomes qui en font l'efier , doi- vent être traités avec des anti-acides fixes , unis à de doux purgatifs ; des lavemens de même qualité , de légers carminatifs , des huileux propres à corriger l'acrimonie qui irrite le genre nerveux, & à détruire, fi elle en eu fufceptible , la caufe des attaques d'épilepfie , qui furviennent fouvent dans ce cas. Comme la plupart des fièvres , dont la caufe eft particulière aux en/ans, font l'effet de l'acide dominant dans les humeurs ; on ne peut pas employer, pour les combattre, de meilleurs & de plus fûrs remèdes que ceux que l'on vient de propofer contre la coagulation du lait , vu qu'elle eft auflî toujours caufée par l'acidité qui infecte les premières voies ; il convient par conféquent de mettre en ufage ces moyens de corriger ce vice dominant , non-feulement pour les en/ans , mais encore pour les nourrices. Elles doivent faire ufage de remèdes de même qualité , pour que le lait qu'elles fournifTent en étant imprégné , ne foit pas autant difpofe à s'aigrir qu'il l'eft de fa na- ture , ou plus encore , par une fuite de l'ufage des alimens acefeens , comme les fruits , &c. Elles doivent s'interdire ces fortes d'alimens , & ne fe nourrir que de ceux qui font d'une nature balfamique ; & en un mot vivre de régime y félon les règles de l'art , à l'égard defquelles on peut con- fultcr l'article NOURRICE. Il en eft de même de la curation des aphthes. S'il y a lieu de foupçonner ou de . E N F 45T croire que le lait ou la qualité des humeurs de la nourrice ont contribué à les produire , il faut^ lui preferire l'ufage des laxatifs , des intufions de rhubarbe , des tifànnes tempérantes , diaphoniques , faites avec l'infufion de falfe-pareilie , la Jécodion de fcorfonere& autres femblables, ou changer de lait , fi celui dont l'enfant fe nourrit n'eft pas fufceptible d'être corrigé. Si la caufe des aphthes vient de l'enfant, on doit auflt le traiter avec de doux purgatifs, tels que la manne , le firop de chicorée, cotn- pofé avec la rhubarbe , le firop de fleurs de pêcher & autres doux laxatifs. On doit aufli mettre en ufage les remèdes convena- bles pour empêcher que le lait ne devienne acre ; & éviter foigneufement tout ce que l'on a lieu de croire avoir procuré les aphthes: on peut encore dans ce cas employer les crèmes de riz , d'avoine , Ùc. pour corri- ger l'acrimonie des humeurs en général. On ne doit pas négliger les remèdes topi- ques , pour émouflèr la qualité corrofive des fucs dont les aphthes font abreuvés ; on ufe avec njecès , dans ce cas , de quelques looes faits , par exemple , avec le fuc de grenade & le miel , le firop de mûres délayé dans une furfifante quantité d'eau tiède , le fuc de raves battu avec un jaune d'œuf & un peu de nitre , &c. On applique ces diftérens lénitifs avec le bout du doigt garni d'un linge imbu de ces préparations. Si les aphthes font fymptomatiques , il faut détruire la caufe qui les a fait naître , avant que de les attaquer topiquement : il ne faut point troubler la nature dans les opérations ; on doit fe borner à faire ufage de quelques légers diaphorétiques , de quelques émul- fions tempérantes , avec les femences froi- des , & un peu de celle de pavot. Voye^ APHTHE. L'épilepfie des enfans doit auffi être trai- tée par des remèdes donnés ou aux nourrices, fi c'eft d'elles qye vient ce mal , ou aux enfans mêmes , fi la caufe ne leur eft pas étrangère. Dans le premier cas , lorfque quelque frayeur , quelque accès de colère , ou toute autre agitation de l'ame , a cor- rompu le lait dans fa fource , il convient d'éviter foigneufement tous les remèdes fpiritueux , acres , irritans , & de ne pref- erire que ceux qui font propres à calmer Iii 2 43<5 E N F les tentions fpafmodiques du genre nerveux , tels que les lavemensémolliens, carminatifs, les poudres anti-convulfives préparées avec celles de guttete , de cinnabre , & un peu de mufc , données dans quelques eaux appro- priées , telles que celle de tilleul. Lorfque la caufe efl dans l5 'enfant même , & qu'elle dépend du lait , ou de tout autre aliment devenu acre , corrofit dans les premières voies , il faut employer les délayans laxa- tifs , huileux , qui peuvent évacuer les ma- tières viciées , ou les émouffer ; & enfuite faire promptement ufage des mêmes remè- des indiqués ci-deffus contre les fpafmes , à dofe proportionnée , auxquels on peut ajou- ter le cajioreum. La décoction un peu épaifïe de corne de cerf donnée pour boiffon, pro- duit de bons effets dans ce cas. Si le vice du lait ou des autres alimens ne confifte qu'en ce qu'il efl trop épais , trop groffier , il faut lui donner peu à terer ou à manger , & ne lui faire prendre qu'une nourriture propre à rendre plus fluides les matières contenues dans les premières voies ; & dans le cas où il y a lieu de croire qu'elles font fort en- gorgées , on peut , après le paroxyfme , donner une petite dofe de quelque éméti- que , comme le lirop de Charas , de Glau- bert , ou un demi-grain de tartre ftibié dans le firop de violettes , & quelque eau appropriée. Si la maladie efl caufée par quel- ques exanthèmes rentrés , tels que la gale , la teigne , il faut employer les moyens qui peuvent en rappeiler la matière à l'exté- rieur , tels que les véficatoires appliqués à la nuque , les cautères , les fêtons : fi elle dépend des vers , il faut la traiter convena- blement à fa caufe. Yoye\ VERS , & fur- tout Y article Epilepsie. L'atrophie des enfans pouvant être pro- duite par des caufes bien différentes , de- mande par conféquent un traitement aufli varié , qui doit être le même à proportion que celui qui convient îftx adultes pour cette maladie. Voy. ATROPHIE ou CON- SOMPTION^ Il en efl de même des autres maladies aux- quelles les enfans font fujets , qui leur font communes avec les perfonnes d'un âge plus avancé , telles que la diarrhée , la dyfTenterie, la cardialgie , la fuppreffion d'urine , &c. Voye^ en l'on lieu chacune de E N F ces maladies^ : confultez aufîi Ethmuiler , Harris ,Hofïman , Boerhaave , dans la partie de leurs ouvrages où ils traitent des maladies des enfans , ex profejfb. C'eft d'Hofîmàn principalement & de Boerhaave qu'a été tiré ce qui a été dit ici à ce fujet. ( d) Enfans des Dieux (Mythol.) Voy. Fils des Dieux. Enfans perdus , {Artmilit.) terme de guerre qui fignifie des foldats qui mar- chent à la tête d'un corps de troupes , com- mandés pour le foutenir , & qu'on emploie pour commencer quelque attaque , donner un afiaut ou forcer quelque pofre. Ils tirent ce nom du danger auquel ils font expoiës : les Anglois les appellent les abandonnes , & les défefpérés ; ce font à préfent les gre- nadiers qui commencent ces fortes d'atta- ques, ou les dragons. Chambers. (Q) Enfans de langue. (Comm.) On nomme ainfi de jeunes François que le Roi fait d'abord élever à Paris , puis entretient dans le Levant pour y apprendre les langues turque , arabe & greque , & fervir enfuite de drogmans à la nation , & fur- tout aux confuls & aux négocians. Ces enfans étoient élevés en France par les jéluites ; ils fe per- fectionnent au Levant chez les capucins, Voye\ DROGMAN. (G) Enfans sans souci , {Hifl. mod.) fo- ciété finguliere formée à l'exemple de la mère folle ou infanterie Dijonnoilè , vers les commencemens du règne de Charles VI, par quelques jeunes gens de famille qui joi- gnoient à beaucoup d'éducation un grand amour pour les plaifirs , & les moyens de fe les procurer. Ces circo: fiances réunies , il ne pouvoit manquer d'en naître quelque chofe de fpirituel , aufîi donnèrent - elles lieu à l'idée badine , mais morale , d'une principauté établie fur les défauts du genre humain , que ces jeunes gens nommèrent fottife , & dont l'un d'eux prit la qualité de prince. Ce prince des fots ou de la fot- tife marchoit avec une efpece de capuchon fur la tète , &: des oreilles d'âne : il faifoit tous les ans une entrée à Paris , fuivi de tous fes (ujets. Cette plaifanterie , dit l'auteur du théâtre franfois y étoit neuve , & les moyens qu'on employa pour la faire connoître , ne le furent pas moins. Nos philofbphes enjoués E N F inventèrent , mirent au jour , & reprefen- terent eux-mêmes aux halles & lur des échafauds en place publique des pièces dra- matiques , qui portaient le nom de fottife , qui en effet peignoient celles de la plupart des hommes. Ce bndinage pafTa de la ville à la cour , & y fit fortune. Les enf ans fans fouci ( car c'eft ainfi qu'on nomma ces jeu- nes gens lorfqu'iis parurent en public ) de- vinrent à la mode. Charles VI accorda au prince des fots , des patentes qui confirmè- rent le titre qu'il avoit reçu de Tes cama- rades. Cette première fociété fe renferma dans de jufles bornes ; une critique fenfée & fans aigreur conftitua le fond des pie- ces qu!elle donna ; mais cette fage atten- tion eut un court efpace. La guerre civile qui s'alluma en France , & dont Paris ref- fentit les plus cruels effets , occafiona du relâchement dans la conduite des enfans fans fouci y & cette fociété devint celle de tous les fainéans & de tous les libertins de la ville. Le prince des fots donna la permiflîon aux clercs de la Bafoche de jouer desfoties oufottifes y & en échange il reçut des der- niers celle de repréfenter des farces Ù mora- lités ; arrangement qui en fit faire un autre avec les confrères de la pafjlon y qui , pour fou tenir leurs fpectacles dont le public commençoit à fe laffer , afîbcierent à leurs jeux le prince des fots & {es fujets. Leur chef avoit une loge diftinguée à l'hôtel de Bourgogne , pour y affilier aux repréfen- tations des pièces de théâtre qui étoient données par les confrères de la paillon , acquéreurs de l'hôtel de Bourgogne. Des comédiens étrangers voulant donner de la vogue à leurs jeux , s'afîbcierent a-ûffi les enfans fans fouci. Ils ne prirent le nom de comédiens que par la fuite , & lorfqu'iis furent en pofleflion de l'hôtel de Bourgo- gne. Voye\ Comédie , & le nouvel ou» vrage de M. de Cailhava. Les pièces des enfans fans fouci étoient publiées par une elpece de cri ou annonce en vers que faifoit publiquement la mere- fotte , féconde perfonne de la principauté de la fottife. Celui qui remplhToit cet em- ploi étoit chargé du détail des jeux repré- fentés par les enfans fans fouci , & de l'en- trée que le prince des fots faifoit tous les ENF +37 ans à Paris. On peut voir dans Vhiftoire du théâtre françois y un de ces cris ou an- nonces , avec l'extrait d'une fottife à huit perlonnages aflez ingénieufe pour le temps (i 5 1 1). Les enfans fan s fouci profitaient de la protection que le bon roi Louis XII accorda aux théâtres , en leur permettant de reprendre librement les défauts de tout le monde , lans vouloir être excepté ; on y trouve un trait de fatire contre ce prince qui lui fait beaucoup d'honneur, puif- qu'on y traite d'avarice la jufte économie avec laquelle il ménageoit les finances de fon royaume , & que les meilleurs princes , comme Henri IV, ont toujours préférée aux prodigalités & aux dépenfes luperflues. ( AI. Beguillet. ) Enfantement , f.m. (M'd. & Chir.) Voy. Accouchement ; mais cette opé- ration naturelle a de grands befoins du fecours de l'art , & les chirurgiens qui s'y deitinent , ne fauroient trop joindre à leur pratique & à leurs lumières , l'étude des auteurs qui fe font attachés à la même profeflion : nous allons indiquer ici par fup- plément les principaux ouvrages de notre connoiflance qui ont paru fur cette matière en diverfes langues , afin que- ceux qui favent ces langues , & qui ne veulent rien négliger pour s'inftruire , puifTentfe former une bibliothèque un peu complète des livres de leur métier : noclurnâ verfate manu y verfate diurnâ. Auteurs latins. Becheri ( Joh. Cour.) De ■va.ii'ionpôvta inculpatâ ad fer- vandam puerperam tract. G'iû'x , x72-9. 40. bon fur l'opération céiarienne. Cypriani ( Abraham ) hifloria fœtus hu- mani pofl xxj. menfes ex uteri tuba , matre falvâ ac fuperfiite excif. Lugd. Bat. 1700. 8°. c. f. c'eft l'hiftoire d'un cas important en faveur de l'opération céfarienne. Deventer ( Henrici ) Ars obfietricandi. Lugd. Bat. 170 1 & 1724..//2-40. ibid. 1725. fig. en françois à Paris , 1733 & 1738, //2-40. avec fig. en Allemand , Jence y 1717 //2-80. fig. & en d'autres langues. C'efl ici le meilleur ouvrage qui ait encore paru fur l'art des accouchemens dans aucun pays. Hofîmanni ( Daniel ) Annotationes de partu tam naturali quàm violemo. Francof. 4>8 E N F 1710. in-$°. il faut lire ces remarques en médecin , & non pas en fëvere légiiia- teur. Prato (Xafonis) de pariente & partu liber. Bafil. 1527. 8°. Amftel. 1657. I2- il °e méritoir pas d'être réimprimé chez Blaeu. Rhodionis (Eucharii) de panu hominis. Paris, 1536. //2-12. &c. Francof. 1554. &°. c. f. ce petit ouvrage a été autrefois fort recherché , & fouvent réimprimé. Rueii (Jacob) de conceptu & generatione hominis y liber iv. cum icon. Tiguri , 1 5 54.- fig. 1580. 4°. & Francof. 1587. 2/2-4°. Auclwr in Gynœciorum libris à Spacckio. Argent. 1 597. édit. fol. en haut Allemand à Francfort , 1660. 40. Soiingen ( Cornel. ) de obftetricantium officiis Ù opère. Francof. 1693, "*-4°« avec fes œuvres chirurgicales. L'original , écrit en Hollandois , parut à Amfr. en 1684. i/2-40 • & c'eit un affez bon auteur. Spachius ( Iiraé'l ) Gynœciorum libri il- lufirati. Argentorati , 1 597. fol. Collection qui doit entrer dans la bibliothèque des Accoucheurs & des Médecins. Auteurs François. Amand ( Pierre. ) Nouvelles obfervations fur la pratique des accouchemens. Paris zji^,. 2/2-8°. première édit. fig. BienaJJîs ( Paul ) des divers travaux & enfantement des femmes , traduit du Latin d'Eucharius Rhodion. Paris 2 £86. in- 2 6 '. Bourgeois ( Louife ) dite Bourfier. Ob- fervations fur la ilérilité, pertes de fruit, fécondité , les accouchemens , maladies de femmes , & enfans nouveau - nés. Paris _, z 6x6. in~8°. z 6 53. traduit en Hollandois & en Allemand ; il eft devenu rare. Bury (Jacques.) Le propagatif de l'hom- me , & fecours des femmes en travail d'en- fant. Paris y 26x3. in-2X.fig. mauvais ouvrage. Dionis (Pierre.) Traité des accouche- mens. Paris , 1718. 1724. in-S°.fig. Dutertre ( Marguerite. ) Inftrudion des Sages-femmes. Paris , i6jj. i/z-12. très- médiocre. Duval ( Jacques. ) Traité des Herma- phrodites & de l'accouchement des femmes. Rouen y 16 J2. i/2-80. il eil rare. E N F Fournier ( Denis ) l'Accoucheur métho- dique. Paris y 1677. i/2-12. il ne mérite aucune eftime. Gervais de la Touche. L'induftre natu- relle de l'enfantement contre l'impéritie des Sages-femmes. Paris y 1 5^7. 2/2-0°. On le lifoit avant que Mîturiceau parût. Guillemeau ( Jacques ) de la groflefîê & accouchement des femmes. Paris y 162.1. 2/2-80. fig. 1643. 2/2-80. fig. Il y a du lavoir dans cet ouvrage. Inftruction familière & utile aux Sages- femmes pour bien pratiquer les accouche- mens. Paris y 17 10. z/z-12. bon. Lèvre t ( André. ) Obfervations fur les caufes& les accidensde plufieurs accouche- mens iaborieux , avec des remarques , Ùc. Paris , 1747. 2/2-80. c. f. 1750. féconde édit. Il faut qu'un praticien fe munilîê de livres de ce genre. Marche ( la dame de la. ) Inftru&ions uti- les aux Sages-femmes. Pari s, 17106" 1723. 2/2-12. bon à recommander aux Accou- cheurs. Mauriceau ( Fr. ) Traité des maladies des femmes groifes. Paris y 168 1. z/z-40. premitre édit. 1728. 2 vol. 2/Z-40. fixieme édit. Voilà le premier praticien du monde , celui à qui toute l'Europe eft redevable de Fart des accouchemens & de les progrès. Son ouvrage eu traduit dans toutes les lan- gues , & le mérite bien. Me fnard (Jacques. ) le guide des accou- chemens. Paris y 1743.2/2-8°. avec fig. Motte ( Guillaume Mauquefl. de la. ) Traité des accouchemens. Paris y 171$. première édit. 2/2-4°. Ce livre efl plein d'ex- cellentes obfervations. Peu (Philippe.) Pratique des accouche- mens. Paris y 1694. 2/2-80. Portai ( Paul. ) La pratique des accou- chemens. Paris y 1685. avec fig. première édit. 2/2-80. fig. & Amfi. 1690. //2-8°. en Hollandois. Recueil général des caquets de l'ac- couchée. Paris y 1623. z/2-80. Ce recueil ne nous a rien appris , & il falloit nous inftruire. Rouffet ( François.) Traité nouveau de l'Hyjftérotomotochie ou de Yenfantement céfanen. Paris y 1 581. 2/1 -8°. première édit. en Allemand , par Melchior Sebiiius* E N F i/i-8°. en latin , par des additions. Bafil. Strasb. 1583. i/2-80. en latin , par Gafp. Bauhin , avec des additions. Bafil. 1589. i/2-8*. ibid. 1591. 2/2-8°. c. f. Franco/. 1601. i/2-80. c. f. rare & curieux. 439 Rideau (J.) Traité de l'opération céfa- rienne & des accouchemens difficiles & la- borieux. Paris P 1704. i/z-12. première édit. curieux auffi. S. Germain ( Charles de ). Traité des Faufles-couches. Pans , 1655. z/2-80. Viardel (Cofme). Obfervations fur la pratique des accouchemeq^. Paris , i£ôi. auteur médiocre qu'on a pourtant traduit en Allemand. Auteurs An gloi s. Braken(Hen~ rici). A. Treatife of Midwifery. Lond. 17^7. i/z-8°. bon à conlulter. Chamberlain. Practice of Midwifery. London 9 1665. i/z-8°. C'eft le Mauriceau d'Angleterre, un des premiers qui ait ac- quis de la célébrité fur la pratique des accouchemens ; mais on l'a beaucoup per- fectionné depuis. Chapman {Edmund). A Treatife on the improvement of Midwifery , chiefly with regard to the opération. London , 1733. i/z-8°. première édit. ibid. 1738. i/2-80. bon à confulter. Giffard ( William ). Two hundred and. twenty five cafés in Midwifery. London , 1733. *'n-£°« bon, parce que ce font des obiervations. Hody (Hedward). Cafés in Midwifery by William Giffard rcvis'd. Lond. 1734. i/z-8°. c. f. bon encore par la même rai- Ion. J. P. The compleat Midwifc's Praclicc. Lond. 1699. i/z-8°. c. f. Manningham ( Richard ). Artis obfte- xricandi compendium theoriam &: praxim fpeclans. Lond. 1739. i/z-40. Hamb. 1746. z/z-40. c. f. avec des augmentations. C'eft ici la meilleure édit. pour les chofes. Mowbray {John). The Female Phyfi- cian , &c. London, 172$. z/z-8°. With Copperplates. Ould ( Thielding. ) A Treatife of Mid- wifery in three parts. London } 1720. i/2-80. fig. C'eft un des livres médiocres d'Angle- terre fur cette matière. Sermon ( William ). The english Mid- vifç. Lond. 1671. z/z-8°. c. f. Traité tombé E N F dans l'oubli , quoiqu'il ait paru après celui de Chamberlain. Sharp (Mrs.) The compleat Midwife's Companion. Lond. 1737. i/2-80. malgré le titre , c'eft peu de chofe. Stone ( Sarah ). A complète Pra&ice of Midwifery. London > 1737, i/2-80. On a encore plus promis dans le titre de ce livre , qu'on n'a tenu dans l'exécution. Auteurs Allemands. Bo'èkel- man (André). Controverfes fur l'extraclion du fœtus mort , en Allemand , mais origi- nairement en Hollandois.-<4/77/?. 1697. i/2-8*. bon. Eckhardi, unvofichtige Hebamme y c'eft- à-dire , la fage-femme imprudente. Lipf. 1715. i/2-80. utiie. Homburgen (Anna Elyf.) Unterricht der Hebammen > c'eft-à-dire , inftruclion des fages-femmes. Hannov. 1700. i/2-80. Hoorn. ( Joli. Von. ) Art des accouche- chemens , en Suédois. Stockolm , 1697 6? 1726. i/2-80. avec fig. C'eft un des bons manuels qu'on ait en langue Suédoife , pour instruire les accoucheufes. ' Richters ( È. C.) Alle\eit vorfichtige Web-mutter. Franco/. 1738. i/2-80. bon. Sigemundi (Jufiina) Brandenburgifche Hoff'- Web-mutter. Berolini y 1689 & 1708. i/2-40. F°rt bon ouvrage , & je crois le meilleur qui ait paru en langue Alle- mande. Sommers ( Joh. Georg. ) Hebammen Schul. c'eft-à-dire , école des accoucheufes. Coburg. 1664. 'fl-12- ibid. 1691. 171 5. i/2-12. avec fig. Sterren (Dyonifius Vah-der). Traité de l'accouchement céiarien , originairement en Hollandois à Leyden. 1682. i/2-12. Tout ce qui a été dit fur l'opération cé- farienne doit être recueilli. Voèlters ( Chriftophor. ) Hebammen Schul. c'eft-à-dire , l'école des accouche- mens ; Stutgnard. 1679. ^-8°. On peut aller à meilleure école qu'à celle de cet auteur. Welfchens (Gou/red) Kinder-mutter 7 undHebemmen-Buch. Witteb. 1671. f/2-40. Ouvrage très-médiocre. Widmania (Barbara) anweifung chrif~ tilkhen Hebammen , c'eft-à-dire , la fage- temme chrétienne éclairée. Auguftûe Vin- del. 173$. z/z-8°. utile aux accoucheufes. 44° E N F Auteurs Italiens. Meîll (Se- bajiiano). La Commare levatrice ifirutta del fuo offido. config. Venet. 1721. i/z-40. bon. Mercurio (Scipione). La Commare 9 o , Riccogitrice in Vene\. 1604. //7-40. pre- mière édit. in Milano 161 S. //2-40. in Ve- rona 1641. i/z-40. avec fig. fur bols.Ibid. 1661 . z/z-40. avec fig, en Allemand. IVit- temb. 1671. & à Leipjig. 1692. avec fig. curieux & fort rare. Santorini ( Givano Domenico). Hiflo- ria d'un Feto felicimente ejlratto. Vene\. 1727. i/1-40. On peut compter fur les ob- fervations de cet habile Anatomiffe. Je n'ai pas befoin de remarquer , en fmifTant ma lifte , qu'on trouve fur les ac- couchemens d'excellentes obfervations fe- rmées dans les mémoires de l'académie des fciences & de chirurgie de Paris ; les tran- inclions philofophiques de Londres , les acles de la fociété d'Edin bourg , & autres fem- blablcs. Il feroit à foulïaiter que le tout fût réuni en un feul corps pour l'utilité des gens de l'art. Article de M. le chevalier DE JAUCOURT. Enfantement douleurs del\ (Mé- dec. ) ce font celles qui font particulières à la femme grofîe , qui annoncent & qui précèdent fa prochaine délivrance ; état bien touchant & bien intéreffant pour l'humanité. C'eft dans cet état que la femme grotte de- vient ordinairement très-attentive à toutes les révolutions qui fe font en elle On ne peut raifonnablement blâmer fes frayeurs & fa prévoyance ; perfonne ne doit être plus intérefTé qu'elle à la confervation de fa vie , & à celle du fruit qu'elle porte dans fon fein. Elle va jouer le rôle le plus grave & le plus pénible dans l'action qui s'ap- proche. En conféquence , les moindres douleurs qu'elle fouffre ne manquent pas de l'alarmer , fur-tout dans fa première grofTefTe ; & le fcntiment ou la conno'riïànce du péril qu'elle peut courir , la prefîe d'ap- peller à fon aide une habile accoucheule , ou , ce qui vaut encore mieux , un accou- cheur confommé. Ceux-ci, infiruits par leurs lumières & par leur expérience , commencent d'abord par examiner foigneufement &: très-fcrupu- leufement l'efpece de douleurs de la femme E N F grofîe. Cet examen eii de la dernière im- portance ; parce que d'un côté il feroit très-imprudent de retarder un travail réel , & de l'autre ce feroit expofer la vie de la femme & celle de fon enfant , que de hâter , par le fecours de l'art , une opéra- tion qui n'efl pas encore préparée par les fecrets de la nature. Je fais bien que les femmes qui ont eu plufieurs enfans , fè croient capables de diftinguer les vraies dou- leurs de ['enfantement de celles qui provien- nent de toute autre caufe ; mais outre qu'elles s'abufent d'ordinaire , l'accoucheur lui-même , quoique très-éclairé dans fon art , s'y trompe quelquefois. Il importe donc de parcourir les fignes ici les plus diftin&ifs auxquels on peut reconnoître les taufles douleurs des véritables. Les douleurs qui ne partent point de la matrice, qui ne la dilatent point, qui ne portent point en en-bas , qui paroifTent long-temps avant le terme , qui ne font pas précédées de l'écoulement des eaux , font ce qu'on appelle douleurs faujjes y c'efl-à-dire*, qui ne caraclérifent point Y en- fantement prochain. Ces douleurs fauffes proviennent quelquefois des vents renfer- més dans les inteftins , que l'on recon- noît au murmure qui fe fait dans le bas- ventre ; quelquefois de tenefmes , d'envies continuelles d'aller à la felle par la com- preflion de l'utérus fur le reclum ; d'autres fois une grande émotion ou des parlions vives fuffifent pour exciter fur la fin de la grofTefTe des douleurs violentes , fans qu'elles annoncent la délivrance prochaine. Les douleurs vraies de Y enfantement com- mencent dans la région lombaire , s'étendent du côté de la matrice , rendent le pouls plus plein , plus fréquent & plus élevé ; elles don- nent de la couleur, parce que le fang efl porté au vifage avec plus de vîteffe & en plus grande quantité ; elles fe rallentifTent & redoublent par intervalles. La douleur qui fuit , ei\ toujours plus grande que celle qui l'a précédée , en forte qu'on peut dire que c'efl par un accroifîement fucceffif des dou- leurs qu'une femme eft conduite à Y enfan- tement qui les termine. Les douleurs vraies fe diflinguent encore des douleurs de colique , en ce que ces dernières fe diflipent ou du moins reçoi- vent _ENF vent quelque foulagement par l'application des linges chauds lui l'abdomen , l'ulage interne des emoiliens onctueux , la fai- gnée , les lavcmens adouciilans , &c. . au lieu que tous ces moyens lemblent exciter plus fortement les véritables douleurs de l'enfantement. Un autre fïgne affez diftinétlf , eft le lieu de la douleur : dans les coliques ven- teufes , l'endroit de la douleur eft vague ; dans l'inflammation il eft fixe : Se a pour ilege les parties enflammées : mais les dou- leurs de X enfantement font alternatives , dé- terminées vers la matrice avec reflerrement Se dilatation luccefïive , 8e répondent tou- jours en en- bas. On foupçonne toutes les douleurs qu'une femme fouffre avant le neuvième mois, d'être faujfes , 8c par conféquent on ne doit pas chercher à les augmenter : s'il arrivoit néanmoins qu'au feptieme mois de la groflèfïe une femme entrât réelle- ment en travail , il faudrait non-feulement ne le point retarder , mais le hâter avec prudence. Au furplus , ce qu'il y a de mieux à faire , pour n'être point trompé dans cette occaflon , c'eft de toucher l'orifice de la matrice ; Se fon état fournira les notions les plus certaines fur la nature des dou- leurs , & les lignes caractériftiques du fu- tur accouchement. Si les douleurs font fauflès , l'orifice de la matrice Ce refermera plus étroitement qu'auparavant dès qu'elles feront paflées ; il elles font vraies , elles augmenteront la dilatation de l'orifice de la matrice. Ainfi l'on décidera du caractère des douleurs , en touchant l'utérus avant Se après ; en effet , lorfque la matrice agit fur l'enfant qu'elle renferme , elle tend à furmonter la réfiftance de l'orifice qui fe dilate peu à peu. Si l'on touche cet orifice dans le temps des douleurs , on fent qu'il fe refferre ; Ôc lorfque la douleur eft dif- fipée , l'orifice fe dilate de nouveau. Ainfi pr.r l'augmentation des fouffrances , Se par le progrès de la dilatation de l'orifice , lorsqu'elles feront ceflées , on peut s'aflurer de la nature des douleurs , juger allez bien du temps de 1 accouchement prochain , & diriger fa conduite en conféquence. Les douleurs avant-courieres de l'enfan- » Tome. XII, E N F 4f î tement , font celles qui fe font fentir à 1 re- proche du travail pendant quelques heures , de même quelquefois pendant pluileurs jours : on les appelle mouches. Quoique les femmes en foient très-fatiguées , elles leur font extrêmement falutaires ; ce (ont elles qui produisent la dilatation fuccefïive de Toriflce de la matrice ; elles contribuent à la formation des eaux ; elles pouflent l'en- fant dans une fituation propre à fortir ; elles préparent les pafïages qui fe trouvent en- duits d'une humeur émoiiliente & mucila- gineufe qu'elles expriment de la matrice ; Se peut-être fervent-elles encore à détacher le placenta de la furface intérieure de l'uté- rus ; détachement qui précède immédiate- ment la naillance de l'enfant. Je dis que la femme grofle éprouve quelquefois de pa- reilles douleurs pendant plufieurs jours ; c'eft pourquoi l'accoucheur feroit impru- dent de la mettre en travail , avant que les autres raifons décifives Se réunies enfemble ne l'y déterminaient. Enfin , comme il fe fait fouvent dans les femmes prêtes d'accoucher , des mouvemens violens , foit dans le vifage , les yeux , les lèvres , foit dans les bras , foit dans les organes de la refpiration , foit dans le bas- ventre , foit dans les parties inférieures du corps ; ces mouvemens impétueux Se pref- que convulfifs font la voix de la niture même, qui apprend, qui crie à l'accou- cheur , que les vraies douleurs de la femme grofle font parvenues au degré de violence nécefîaire pour l'expulfion de l'enfant , le- quel à ion tour aura befoin en naiffant de fecours de toute efpece , incapable de faire aucun ufage de fes organes , Se de fe fervir de fes fens ; image de mifere , de fouffran- ces Se d'imbécillité ! Article de M. le Che- valier DE JaUCOURT. ENFER , f. m. ( Théologie. ) lieu de tour- mens où les méchans fubiront , après cette vie , la punition due à leurs crimes. Dans ce fens le mot d'enfer eft oppofé à celui de ciel ou paradis. Voye{ Ciel & Paradis. Les Païens avoient donné à l'enfer les noms de tartarus ou tartara , hades , infer- nus , inferna , inferi , or eus , Sec. Les Juifs n'ayant point exactement de nom propre pour exprimer l'enfer dans le Kk'k 44* E N F fens où nous venons de le définir ( car le mot Hébreu fcheol fe prend indifféremment pour le lieu de la fépulture , & pour le lieu de fupplice réfervé aux réprouvés ) , ils lui ont donné le nom de Gekcnna ou Gehinnon , vallée près de Jérufalcm , dans laquelle étoit un tophet ou place , où Ton entretenoit un feu perpétuel allumé par le fanatifme pour immoler des enfans à Mo- loch. De là vient que dans le nouveau Teftament Yenfer eft fouvent défigné par ces mots Gehenna ignis. Les principales queftions qu'on peut former fur Yenfer , fe réduifent à ces trois points : Ton exiftence , fa localité , & l'éter- nité des peines qu'y fouffrent les réprouvés. Nous allons les examiner féparément. I. Si les anciens Hébreux n'ont pas eu de terme propre pour exprimer Yenfer , ils n'en ont pas moins reconnu la réalité. Les auteurs infpivés en ont peint les tourmens avec les couleurs les plus terribles : Moyfe , dans leDeutéronome , chap. xxxij ,verf. %%, menace les ifraélites infidèles , & leur dit au nom du Seigneur: Un feu s'efl allumé dans ma fureur , & il brûlera juf qu'au fond de /enfer ; il dévorera la terre & toutes les plantes , & il brûlera les fondemens des mon- tagnes. Job y chap. xxiv , verf. ig , réunit iur la tête des réprouvés les plus extrêmes douleurs : Que le méchant , dit-il , pajfe de la froideur de la neige aux plus cxcejjives chaleurs ; quefon crime defcende jufque dans /'enfer ; & au chap. xxvj , verf. 6 , /'enfer ejl découvert aux yeux de Dieu , & le lieu de la perdition ne peut fe cacher à fa lumière. Enfin , pour ne pas nous jeter dans des citations infinies , Ifaïe , chap. Ixvj , v. 2.4 , exprime ainfï les tourmens intérieurs » elle s'élève pleine de joie vers le ciel , » comme étant dégagée d'une longue fer- » vitude , & délivrée des liens de la chair. » Les âmes des juftes vont au delà de » l'Océan, dans un lieu de repos & de » délices } où elles ne font troublées par » aucune incommodité ni dérangement » des faifons. Celles des médians au' con- » traire font reléguées dans des lieux expo- » fés à toutes les injures de l'air, où elles •» fouffrent des tourmens éternels. Les Efle- » niens ont fur ces tourmens à peu près les » mêmes idées que les poètes nous donnent » du Tartare & du royaume de Pluton. » Fbje^EssÉNIENS. Le même auteur , dans fes antiquités judaïques , liv. XVIII , chap. ij , dit " que » les Phariiiens croient aufE les âmes im- E N F ï» mortelles , ôc qu'après la mort du corps » celles des bons jouilîent de la félicité , » 6c peuvent alternent' retourner dans le » monde animer d'autres corps ; mais que » celles des médians font condamnées à y des peines qui ne finiront jamais. » Voye^ Pharisiens. Philon , dans l'opu feule intitulé de con- gre (fu queerendee eruditionis caufâ , recon- noit , ainfi que les autres Juifs , des peines pour les médians , ôc des récompenfes pour les j uftes : mais il eft fort éloigné des fen- timens des Païens , & même des Efléniens au lujer de l'enfer. Tout ce qu'on raconre de Cerbère , des Furies , de Tantale , dTxion , ùc. tout ce qu'on en lit dans les poètes , il le traite de fables Ôc de chimères. 11 ibutient que Venfer n'eft autre chofe qu'une vie impure & criminelle ; mais cela même eft allégorique. Cet auteur ne s'ex- plique fias diftinclement fur le lieu où font punis les médians, ni fur le genre ôc la qualité de leur fupplice ; il femble même le borner au paflage que les âmes font d'un corps dans un autre , où elles ont fouvent beaucoup de maux à endurer , de priva- tion à fourbir , & de confufion à efïuyer : ce qui approche fort de la métempfycofe de Pythagore. Voye^ Métempsycose. Les Sadducéens qui nioient l'immorta- lité de Parti; , ne reconnoifïbient par con- féquent ni récompenfes ni peines pour la vie future. Voye-{ Sadducéens. L'exiftence de Venfer ôc des fupplices éternels eft atteftée prefque à chaque page du nouveau Teftament. La ientence que Jefus-Chrift prononcera contre les réprou- vés au jugement dernier , eft conçue en ces termes : Matth. XXV. f. 34. Ite , male- dicli , in ignem œternum quiparatus ejl diabolo & angelis ejus. Il représente perpétuelle- ment Venfer comme un lieu ténébreux où régnent la douleur , la triftefle , le dépit , la-rage , ôc comme un féjour d'horreur où tout retentit des grincemens de dents & des cris qu'arrache le défèfpoir. S. Jean , dans TApocalypfe , le peint fous Pimage d'un étang immenfè de feu & de foufre , où les médians feront précipités en corps ôc en ame , & tourmentés pendant toute l'éternité. En conféquence , les Théologiens diftin- E N F 44j J guent deux iortes de tourmens dans Venfer : lavoir , la peine du dam , pxna damni feu damnationis 5 c'eft la perte ou la privation de la vifion béatifique de Dieu , vifion qui doit faire le bonheur éternel des faints : ôc la peine du (ens , pjçnafenfvs , c'eft-à-dire , tout ce qui peut affliger le corps , ôc fur- tout les douleurs cui fautes ôc continuelles caufées dans toutes fes parties par un feu inextinguible. Les faufles religions ont aufïi leur enfer : celui des Païens , allez connu par les def- criptions qu'en ont faites Homère , Ovide & Virgile , eft allez capable d'infpirer de l'effroi par les peintures des tourmens qu'ils y font fouffrir à Ixion , à Proméchée , aux Danaïdes , aux Lapythes , à Phlégias , &c. mais parmi les Païens , foit corruption du cœur , foit penchant à l'incrédulité , le peuple & les enfans même traitoient toutes ces belles deferiptions de contes & de rêveries ; du moins c'eft une des vices que Juvénal reproche aux Romains de fon fîecle : EJfe etliquos mânes & fubterranea régna , Et contum , & Stjgio ranas ingurgite nigras , Atque unâ tranjire vadumtot mïllia cimbà t Nec pueri credunt , nifiqui nondum &re lavant ur. Sed tu veraputa. Saur. II, Voye^ Enfer , ( Mythologie. ) Les Talmudiftes , dont la croyance n'eft qu'un amas ridicule de fuperftitions , diftin- guent trois ordres de perfonnes qui paraî- tront au jugement dernier. Le premier , des juftes ; le fécond, des médians ; ôc le troilieme , de ceux qui font dans un état mitoyen , c'eft-à-dire , qui ne font ni tout- à-fait juftes ni tout-à-fait impies. Les juftes feront aufïï-tôt deftinés à la vie éternelle , & les méchans au malheur de la gêne ou de Venfer. Les mitoyens , tant Juifs que Gentils , defeendront dans Venfer avec leurs corps , ôc ils pleureront pendant douze mois , montant ôc defeendanr , allant à leurs corps ôc retournant en enfer. Après ce terme , leurs corps feront confumés ôc leurs âmes brûlées , ôc le vent les difperfera fous les pies des j.uftes : mais les héréti- ques , les athées , les tyrans qui ont défolé Kkk x 44+ E N F la terre , ceux q?i engagent les peuples 1 dans le péché , feront punis dans l'enfer pendant les iîeclcs des fiecles. Les rabbins ajoutent que tous les ans au premier jour de Tirfr , qui ' eft le premier jour de Tannée judaïque , Dieu fait une efpece de révifionde Tes regiftres , ou un examen du nombre Se de l'état des âmes qui font en enfer. Talmud in Gemar. Tracl. Rofch. hafchana , c. j , fol. î 6". Les Mufulmans ont emprunté des Juifs & des Chrétiens , le nom de gehennem ou gehim , pour lignifier l'enfer, Gehennem , en Arabe , lignifie un puits très-profond ; & gehim , un homme laid ù difforme ; ben gehennem , un fils de /'enfer, un réprouvé. Ils donnent le nom de thabeck à l'ange qui préiide à l'enfer. D'Herbelot , Biblioth. orient, au mot Gehennem. Selon l'alcoran , au chap. de la prière 3 les Mahométans reconnoiflènt fept portes de l'enfer y ou fept degrés de peines : c'eft aulîî le fentiment de pluiieurs commentateurs de l'alcoran , qui mettent au premier degré de peine, nommé gehennem , les Mufulmans qui auront mérité d'y tomber : le fécond degré , nommé ladha , eft pour les Chré- tiens ; le trciiieme , appelle hothama , pour les Juifs ; le quatrième nommé faïr , eft deftiné aux Sabiens ; le cinquième , nommé facar , eft pour les mages ou Guebres , ado- rateurs du feu j le fixieme , appelle gehim , pour les Païens & les Idolâtres ; le feptieme, qui eft le plus profond de l'abyme , porte le nom de haoviath ; il eft réfervé pour les hypocrites qui déguifent leur religion , & qui en cachent dans le cœur une différente de celle qu'ils profeflent au dehors. D'autres interprètes Mahométans expli- quent différemment ces fept portes de l'en- fer. Quelques-uns croient qu'elles marquent les fept pochés capitaux. D'autres les pren- nent des fept principaux membres du corps dont les hommes le fervent pour offenfer Diefc , & qui font les principaux inftrumens de leurs crimes. C'eft en ce fens qu'un poé'te Perfan a dit : " Vous avez les fept portes » d'enfer dans votre corps ; mais l'ame » peut faire fept ferrures à ces portes : la « clef de ces ferrures eft votre libre arbitre, »> dont vous pouvez vous fervir pour fer- « mer ces portes , iî-bien qu'elles ne s'ou- £ N F » vrent plus à votre perte. » Outre la peine du feu ou du fens , les Mufulmans recon- noiflènt auiïl comme nous celle du dam. On dit que les Cafres admettent treize enfers , & vingt-fept paradis , où chacun trouve la place qu'il a méritée fuivant fes bonnes ou mauvaises actions. Cette perfuaiïon des peines dans une vie future , univerfellement répandue dans tou- tes les religions, même les plus faufïès, 8c chez les peuples les plus barbares , a toujours été employée par les légillateurs comme le frein le plus puiftant pour arrêter la licence & le crime , & pour contenir les hommes dans les bornes du devoir. II. Les auteurs font extrêmement partagés fur la féconde queftion : favoir , s'il y a effectivement quelque enfer local, ou quel- que place propre & fpécifique où les réprou- vés fouffrent les tourmens du feu. Les pro- phètes ôk les autres auteurs facrés parlenc en général de l'enfer comme d'un lieu (buterrain placé fous les eaux & lesfondemens des mon- tagnes , au centre de la terre , & ils le dé- lignent par les noms de puits &C à'abyme : mais toutes ces expreffions ne déterminent pas le lieu fixe de l'enfer. Les écrivains pro- fanes, tant anciens que modernes , ont donné carrière à leur imagination fur cet article ; & voici ce que nous avons recueilli d'après Chambers. Les Grecs, après Homère, Héfîode , &c. ont conçu l'enfr comme un lieu vafte & obfcur fous terre , partagé en diverfes ré- gions , l'une affreufe où l'on voyoit des lacs dont l'eau bourbeufe & infecte exhaloit :ies vapeurs mortelles ; un fleuve de feu , des tours de fer & d'airain , des fournaifes ardentes , dcsmonftres & des furies acharnés à tourmenter les fcélérats (voye^ Lucien , de luclu , & Euftathe , fur Homère) : l'autre riante , deftinée aux fages & aux héros. Voyei Elysée. Parmi les poètes Latins , quelques-uns ont placé l'enfer dans les régions fou'errai- nes fituées directement au deflous du lac d'Averne , dans la campagne de Rome , à caufe des vapeurs empoilonnées qui s'éle- voient de ce lac. Enéide , livre VI. Voye^ AvEftNE. Calipfodqns Homère parlant à Ulyfïè , met la porte de l'enfer aux extrémités de E N F l'Océan, Xénophon y fait entrer Hercule par la péninfule acherafiade, près d'Héra- clée du Pont. D'autres fe font imaginé que Yenfer étoit fous le Ténare , promontoire de Laconie , parce que c'étoit un lieurobfcur &z terrible environné d'épailfes forêts , d'où ii étoit plus difficile de Sortir que d'un labyrinthe. C'eft par-là qu'Ovide fait defcendre Orphée aux enfers. D'autres ont cru que la rivière ou le marais du Styx en Arcadie étoit l'entrée des enfers , parce que ces exhalailbns croient mortelles. Voye^ Ténare & Styx. Mais toutes ces opinions ne doivent être regardéesque comme des fictions des poètes, qui, félon le génie de leur art , exagérant tout, reprélenterentces lieux comme autant de portes ou d'entrées de Y enfer , à l'occa- fion de leur afpect horrible , ou de la mort certaine dont étoient frappés tous ceux qui avoient le malheur ou l'imprudence de s'en trop approcher. Voye^ Enfer , ( Myihol. ) Les premiers Chrétiens , qui regardoient la terre comme un plan d'une valle étendue, & le ciel comme un arc élevé ou un pavillon tendu fur ce plan , crurent que Y enfer ctoit une place fouterraine ôc la plus éloignée du ciel , de ibrte que leur enfer étoit placé où font nos antipodes. Vcye^ Antipodes. Virgile avoit eu avant eux une idée à-peu- près femblable. tum Tartarus ipfe Bis pxtet in prœceps tantum , tendit jue fub timbrai , Quant us ai ithereum cœli fuftefîm Olympum. Tertullien , dans fon livre de Vame , re- préfenre les Chrétiens de fon tempscomme perfuadés que Yenfer étoit un abyme iitué au fond de la terre ; Se cette opinion étoit fondée principalement fur la croyance de la defeente de Jefus-Chrift aux lymbes. Mauh. XII y f. 40. Voye^ Lymbes , 6' V article fuivant Enfer. Whifthon a avancé , fur la localité de V enfer , une opinion nouvelle. Selon lui les comètes doivent être confidérées comme autant d'enfers deftinés à voiturer alterna- tivement les damnés dans les confins du foleil , pour y être grilles par fes feux , & les traniporter fuccefïivement dans des ré- EN F 44.5 gions froides , obfcures ck afTreufes , au del-i de l'orbite de Saturne. Voye-^ Comète. Swinden dans fes recherches fur la na- ture & fur la place de l'enfer , n'adopte au- cune des fimations ci-deilus mentionnées; &c il en aiïigne une nouvelle. Suivant fes idées , le foleil lui-même eft. Yenfer local ; mais il n'eft pas le premier auteur de cette opinion ; outre qu'on pourrait en trouver quelques traces dans ce paffage de l'apo- calypfe , chap. xvj , f. 8 & g. Et quartus angélus effudit phialam fuam in folem , & datum ejî illi œjlu ajfligere homines & igni , & œfuaverum homines œjlu magno. Py thagore paraît avoir eu la même penfée que Swin- den en plaçant Yenfer dans la fphere du feu , & cette fphere au milieu de Punivers. D'ailleurs , Ariftotc de cœlo , lib. II, fait mention de quelques philofophes de l'école italique ou pythagoricienne , qui ont placé la fphere du feu dans le foleil , & l'ont même nommée la pr if on de Jupiter. Voye^ Pytha- goriciens. Swinden , pour foutenir fon fyftême , entreprend de déplacer Yenfer du centre de la terre. La première raifon qu'il en allègue , c'eft que ce lieu ne peut contenir un fond ou une provision de ioufre ou d'autres ma- tières ignées allez confidérable pour entre- tenir un feu perpétuel & auffi terrible dans fon activité que celui de Yenfer ; &c la féconde , que le centre de la terre doit manquer de particules nitreufes qui fe trou- vent dans l'air , 8c qui doivent empêcher ce feu de s'éteindre : « & comment , ajou- » te-t-il, un tel feu pourroit-il être éternel » Se fe conferver fans fin dans les entrailles » de la terre , puifque toute la fubftance » de la terre en doit être confumée fuc- » ceiTivement & par degrés? » Cependant il ne faut pas oublier ici que Tertullien a prévenu la première de ces difficultés , en mettant une différence entre le feu caché ou interne , & le feu public ou extérieur. Selon lui , le premier eft de nature , non-feulement à confumer , mais encore à réparer ce qu'il confume. La fé- conde difficulté a été levée par S. Auguftin , qui prétend que Dieu , par un miracle , fournit de l'air au feu central. Mais l'au- torité de ces pères , fi refpectable en ma- tière de doctrine , n'eft pas irréfragable 44g 'ENF ►jquand. il s'agit de phyfique : aufTi Swinden continue à montrer que les parties centrales de la terre font plutôt occupées par de l'eau que par du feu ; ce qu'il confirme par ce que dit Moyfe des eaux fouterraines , exode , chap. xx. y. 4 ; ÔC par le pfeaume XXIII 3 ir. %. Quia fuper maria fundavit eum '( orbem ) , Ù fuper Jlumi/uz prceparavit eum. Il allègue encore qu'il ne fe trouveroit point au centre de la terre allez de place jpour contenir le nombre infini de mau- vais anges 8c d'hommes réprouvés. Voye^ Abymf. On fait que Drexelius de damnatorum carcere & rogo , a confiné V enfer dans l'ef- face d'un mille cubique d'Allemagne , 8c qu'il a fixé le nombre des damnés à cent mille millions 5 mais Swinden penle que Drexelius a trop ménagé le terrain ; qu'il peut y avoir cent fois plus de damnés , & qu'ils ne pourroient être qu'infiniment prefles , quelque vafte que foit l'efpace qu'on put leur affigner au centre de la terre. Il conclud qu'il eft irhpollible d'ar- ranger une fi grande multitude d'efprits clans un lieu fi étroit, fans admettre une pénétration de dimenfion : ce qui eft ab- iurde en bonne philo fophie , même par .rapport aux efprits : car 11 cela étoit , il dit 'qu'il ne voit pas pourquoi Dieu auroit préparé une prilon fi vafte pour les dam- nés , puifqu'ils auroient pu être entafTés tous dans un efpace auflî étroit qu'un four de ^boulanger. On pourroit ajouter que le .nombre des réprouvés devant être très- •étendu , & les réprouvés devant un jour brûler en corps 8c en ame , il faut néceiîai- jement admettre un enfer plus fpacieux que *cdui qu'a imaginé Drexelius , à moins .qu'on ne fuppofe qu'au jugement dernier Dieu en créera un nouveau aflez vafte .pour contenir les corps 8c les âmes. Nous ne fommes ici qu'hiftoriens. Quoi qu'ilen (bit, les argumens qu'allègue Swinden pour prouver que le foléil eft Y enfer local , font tirés : i°. De la capacité de cet aftre , perfbnne ■ne pouvant nier que le foleil ne foit afTez fpacieux pour contenir tous les damnés de .tous les fiecles, puifqueies aftronomes lui ■donnent communément un million de lieues 4r .circuit 5 aji$ ce n'eft pas la place qui E NF manque dans ce fyftême. Le feu ne man- quera pas non plus , fi nous admettons le raifonnement par lequel Swinden prouve , contre Ariftote , que le foleil eft chaud , page 108. ù fuiv, « Le bon homme , dit- » il , eft faifi d'étonnement à la vue des » Pyrénées de foufre 8c des océans athlan- » tiques de bitume ardent , qu'il faut pour » entretenir Fimmenfité des flammes du » foleil. Nos Jitna 8c nos Véfuve ne font » que des vers luifans. » Voilà une phrate plus digne d'un Gafcon que d'un favant du nord. 2°. De la diflance du foleil 8c de fon oppofition à Fempyrée , que l'on a toujours regardé comme le ciel local. Une telle oppofition répond parfaitement à celle qui fe trouve naturellement entre deux places , dont l'une eft deftinée au féjour des anges & des élus , 8c l'autre à celui des démons 8c des réprouvés , dont l'une eft un lieu, de gloire 8c de bénédictions , 8c l'autre eft un lieu d'horreur 8c de blafphêmes. La diftance s'accorde aufïi très-bien avec les paroles du mauvais riche qui , dans S. Luc, chap. xvj , y. 2.3 , voit Abraham dans un grand éloignement , 8c avec la réponfe d'Abraham dans ce même chap. y. çl6 , & in his omnibus inter nos & vos chaos magnum firmatum ejî , ut hi qui volunt hinc tranfire adyos non pojfint , neçue inde hue tranfmcare. Or Swinden, parce chaos ou ce gouffre , entend le tourbillon folaire. Voye^ Tourbillon. 30. De ce que l'empyiée eft le lieu le plus haut , 8c le foleil le lieu le plus bag de l'univers , en considérant cette planète comme le centre de notre fyftême ,8c comme la première partie du monde créé 8c vifî- ble ; ce qui s'accorde avec cette notion , que le foleil a été deftiné primitivement , non- feulement à éclairer la terre , mais encore à fervir de prifon 8c de lieu de fupplice aux anges rebelles , dont notre auteur fup- pofe que la chute a précédé immédiate- ment la création du monde habité par les hommes. 40. Du culte queprefque tous les hommes ont rendu au feu ou au foleil , ce qui peut fe concilier avec la fubtilité malicieule des efprits qui habitent le foleil , 8c qui ont porté les hommes à adorer leur E N F trône , ou plutôt Tinflrurpent de leur fup- plice. Nous laifïons au le&eur à apprécier tous ces fyftêmes ; & nous nous contentons de dire qu'il eft bien fingulier de vou- loir fixer le lieu de l'enfer , quand récri- ture , par Ton filence , nous indique aflèz celui que nous devrions garder fur cette matière. III. Il ne conviendroit pas également de demeurer indécis fur une queftion qui intérefîè eflèntiellement la foi : c'eft l'éter- nité des peines que les damnés fourniront en enfer. Elle paroît expreflement décidée par les écritures , de quant à la nature des peines du fens , &c quant à . leur dutée qui doit être interminable. Cependant , outre les incrédules modernes qui rejettent l'un ôc l'autre points , tant parce qu'ils imagi- nent l'ame mortelle comme le corps , que parce que l'éternité des peines leur femble incompatible avec l'idée d'un Dieu eflen- tiellement &c fouverainement bon ôc mifé- ricordieux , Origene , dans Ton traité inti- tulé , C qu'il faut nécef- fairement avoir recours à la révélation , pour démontrer l'éternité 8c la juftice des peines de la vie future. ( G ) Enfer, ades ou hades , {Théologie.) fe prend aufïî quelquefois, dans le ftyle de l'écriture , pour la mort 8c pour la fépul- ture , parce que les mots hébreux 8c grecs fîgnifient quelquefois l'enfer , ou le lieu dans lequel font les réprouvés , 8c quel- quefois la fépulture des morts. V. Tom.- BEAU Ù SÉPULCRE. Les théologiens font divifés fur l'article du lymbole des apôtres, où il eft dit que Notre Seigneur a été crucifié, qu'il ejt mort , qu'/7 a été enfeveli , 8c qu'il ejî def- cendu aux enfers, hades; quelques-uns n'entendent par cette defeente aux enfers > que la defeente dans le tombeau ou dans le lépulcre. Les autres leur objectent que dans le fymbole même , ces deux defeentes lu 4jo E N F fe trouvent expreflement diftinguées > &C qu'il y eft fait mention de la defcente du Sauveur dans le fépulcre , fepultus efl, avant qu'il Toit parlé de fa defcente aux enfers , defcendit ad inferos. Ils foutiennent donc que l'ame de Jefus-Chr-ilt defcendit effec- tivement dans l'enfer fouterrain ou local, & qu'il y triompha des démons. Autre- ment les expreffions du fymbole feroient une pure tautologie. Les catholiques ajoutent que Jefus- Chrift defcendit dans les lymbes , c 'eft- à-dire , dans les lieux bas de la terre , où étoient détenues les âmes des juftes, morts dans la grâce de Dieu avant l'avènement & la pafïïon du Sauveur , & qu'il les emmena avec lui dans le paradis , fuivant ces pafïages d'Ofée : ero mors tua, 6 mors! & morfus tuus ero , inferne! Et de faint Paul : afcendens Chrifiusin altum., captivam duxit captivitatem. V.. Lymbes & Ascen- sion.. (G) Enfer, (Poétique,,) ou Enfers, fub. mafc. plur. ( Mythologie. ) nom général , qui , dans la théologie du Paganifme , défignoit les lieux fouterrains où alloient les âmes des hommes , pour y être ju- gées par Minos, Eaque & Rhadamanthe. Pluton en étoit le dieu & le roi ; Pro~ ferpine fon époufe, en étoit la déefïe & la reine. Cet endroit contenoit, entre autres de- meures , les champs Ely fées , & le Tar- tare , environné de cinq fleuves , qu'on nomme le Styx , le Cocyte,. l'Achéron , le Lethé & le Phlégéton. Cerbère , chien à trois têtes èc à trois gueules, admira- blement dépeint par Virgile , étoit tou- jours à la porte des enfers,, pour empêcher les hommes d'y entrer ôc les âmes d'en fortir. Avant que d'arriver à la cour de Pluton & au tribunal de Minos , il falloit parler l'Achéron dans une barque conduite par Caron , à qui les ombres donnoient une pièce de monnoie pour leur paflàge. Virgile fait encore de ce batelier un portrait inimitable : " Un air mal propre, » une barbe longue & négligée , la pa- 3> rôle rude , des yeux étincelans , les traits »> d'une vieillerie robufte & vigoureufe. » Je! étoit Caron > mais lifez les vers de E N F l'original ; je n'en donne qu'une foiblc e (quille. Portitcrhas hcrrendus aquas Ùfluminafcrvat, Terfibili fqualore Char on , cui plurima mento Canities incuit a jacet , fiant lumina flamma ; Sordidus ex humer is nodo dépende t amiclus ; Jamfenior, fed cruda deo , viridifque feneclus '.. Prefque tous les peuples du monde ont imaginé un paradis ôc un enfer, confor- mément à leur génie ; détail immenfe de- là folie des humains , dans lequel nous n^ntrerons point ici ! On peut lire là-defîus. Thomas Hyde ,. Vofïius , Marsham ôc M. Huet.. Borné préfentement à la my- thologie , je remarquerai feulement que c'eit, Orphée qui , au retour de Ces-- voyages d'Egypte , jeta en Grèce le plan: d'un nouveau i y ftême fur ce fujet, & que c'eit de lui qu'eft venue l'idée des champs Elyfées & du Tartare, que tous les auteurs ont fuivie , quoiqu'ils aient extrêmement, varié fur la fituation des liaux deftinés k-. punir les méchans & à. récompenfer les> bons.. C'eit pourquoi l'on trouve dans les^ poètes tant d'entrées différentes qui con- duifent aux enfers. Voye1^ fur cela l'article précédent.. En un mot , chacun a choiiï , pour l'endroit de la pofition des enfers, donc la religion païenne n'apprenoit rien de certain , le lieu qui lui a paru le plus propre à devenir le féjour du malheur; & en conféquence , chacun a décrit ce lieu, diverfement , fuivant le caractère de foni imagination.. Mais aucun poëte n'a mieux réufïî que Virgile. Il a mis dans le plus beau jour, tout ce qu'Homère , & après lui Platon , avoient enfeigné fur cet article. La def- cription des enfers, du chantre de Man- toue , eft fupérieure à celle de l'auteur de l'Odyflee, & encore plus au defïus de celle de Silius Italicus, de Claudien, de Lucain & de tous les autres qui ont tra- vaillé après lui : c'êft une topographie par- faite de l'empire de Pluton , c'eft le chef-d'œuvre de l'art ; c'efl le plus beau ^morceau de l'Enéide,. E NF T3ans cette admirable carte topogra- jihique, le poè'te divife le féjour des ombres en fept demeures. La première eft celle des enfans morts en naiflant , qui gémifîènt de n'avoir fait qu'entrevoir la lumière du jour. Infantumque animœ fientes in limine primo , Quos dulcis vitce exfortes, & ab ubere raptos Abjlulit atra dies , & funere merci t acerbo. i£neid. Lib. VI. Ceux qui avoient été injustement con- damnés à perdre la vie , occupent la féconde ■demeure. Hosjuxtà ,falfo damnât i crimine mortis. ibid. Dans la troifieme , font ceux qui , (ans être coupables , mais vaincus par les cha- grins & les miferes d'ici-bas, fe font eux- mêmes donné la mort. Troxima deindè tenent mcejli loca , qui fibi lethum Infontes peperére manu, lucemque perofi Projecere animas : quam relient œthere in alto Jtfunc ù pauperiem & duros perferre labo- res! &c. Fata obflant trijlique palus inamabilis undâ Alligat, & novies Styx interfufa coercet. \ M. de Voltaire , dans fes mélanges de Littérature & de Philofophie, a traduit ces vers ainiî : Là font ces infenfés , qui d'un bras téméraire Ont cherché dans la mort unfecours volontaire; Ils n'ont pu fuppor ter , foibles & furieux, Le fardeau de la vie impofé par les dieux. ...Ils regrettent le jour, ils pleur ent,-ù le fort, le fort pour les punir les enchaîne a la mort, L'abîme du Cocyte & VAchéron terrible Met entr'eux & la vie un obfiacle invincible. La quatrième , appellée le champ des larmes , eft le féjour de ceux qui avoient éprouvé les rigueurs de l'amour j Phèdre , Procris , Pafiphaé , Didon , &c, Hic, quos dur us amor crudeli tabe peredit; Sccreti celant calles , & myrthea çircum E N F 451 Sylva tegit ; curce non ipfa in morte relinquunt. His, Phœdram, Procrinque locis, mœjlamqw Eriphylem , Crudeli s gnati monjlrantem vulnera cernit , Evadnenque, & Papfiphaè'n, ÔCC. La cinquième eft le quartier des fameux guerriers qui avoient péri dans les com- bats ; Lydée, Adrafte, Polybure, &e. Hic illi occurrit Tydeus , hic inclytus armis Parthenopœus, & Adraflipallentis imago, ÔCC. L'affreux Tartare , prifon des fcélérats , fait la fixieme demeure , environnée du bourbeux Cocyte & du brûlant Phlégé- ton. Là régnent les Parques , les furies , &c. ôc c'eft là auflî que Virgile le fur- paiTe lui-même. . . . . tum Tartarus ipfe Pis patet in prceceps tantum , tenditque fuh umbras , Quantus ad athereum cali fufpeclus Olympum. Hic genus antiquum terrœ , Titania pubes , Fulmine dejeâi fundo volvuntur in imo, ÔCc^ Enfin , la îeptierhe demeure fait le fé- jour des bienheureux j les Champs Elyfées» His demum exaclis , perfeclo munere diva?, Devenir e locos lœtos , & amœna vireta Fortunatorum nemorum ,fedefquebeatas, ÔCC. Je mpprime à regret les autres détails admirables que Virgile nous donne des enfers, & je ne penfe point à mettre à leur place ceux des auteurs qui l'ont pré- cédé ou qui l'ont fuivi ; il vaut beaucoup mieux nous attacher à ramener le fyftême des fictions poétiques à leur véritable ori- gine ; ôc en recherchant celle de la fable des enfers , démontrer en général qu'elle vient d'Egypte ; après quoi l'on jugera fans peine que la plupart des circonftances dont on l'a embellie dans la fuite, font le fruit de l'imagination des poètes Grecs ôc Romains, Non feulement Hérodote nous apprend que prefque tous les noms des dieux font venus d'Egypte dans la Grèce, mais Diodore de Sicile nous explique , par le fecours des LU z 45* E N F traditions Egyptiennes , la plupart des fables qu'on a débitées fur les enfers. Il y a, dit cet excellent auteur , (liv. I.) un lac en Egypte au delà duquel on en- terroit anciennement les morts. Après les avoir embaumés , on les portoir, fur le bord de ce lac. Les juges prépo'es pour examiner la conduite & les mœurs de ceux qu'on devoit faire pafler de l'autre côté , s'y ren- doient au nombre de quarante; & après une longue délibération , s'ils jugeoient celui dont on venoit de faire l'information , digne de la iepulture , on mettoit fon cada- vre dans une barque dont le batelier fe nommoit Caron. Cette coutume étoit même pratiquée à l'égard des rois ; & le jugement qu'on portoit contre eux étoit quelquefois n févere , qu'il y en eut qui furent réputés indignes de la fépulture. La fable rapporte que le Caron des Grecs eft toujours fur le lac; celui des Egyptiens avoit établi fa demeure fur les bords du lac Querron. Le Caron des poètes Grecs exi- geoit impitoyablement fon péage ; celui des Egyptiens ne vouloit pas même faire grâce au fils du roi; il devoit juftifierau prince régnant , qu'il n'amafïbit tant de richefles que pour fon fervice. Le lac des enfers étoit formé d'un fleuve ; celui du Querron étoit formé des eaux du Nil. Le premier faifoit neuf fois le tour des enfers , novies Styx interfufa ; jamais pays n'a été plus arrofé que l'Egypte ; jamais fleuve n'a eu plus de canaux que le Nil. L'idée .de la prifon du Tartare , dont une partie , félon Virgile , étoit auiïi avant dans la terre que le ciel en eft éloigné , ne paroît- elle pas prife du fameux labyrinthe d'Egypte, qui étoit compofé de deux bâtimens , dont l'un étoit fous terre î Les crocodiles facrés que les Egyptiens nourriiîbient dans des chambres (outerraines , désignent aflez clai- rement les monftres affreux qu'on met dans le royaume de Pluton. En un mot , il femble qu'aux circons- tances près, on trouve en Egypte tout ce qui compose X'enfr des poètes de la Grèce & de Rome. Homère dit que l'entrée des enfers étoit fur le bord de l'Océan; le Nil eft appelle par ce même poëte &ku.vo{ . C'eft en Egypte qu'on voit les portes du fbleil, «lies ne font autre chofe que la ville d'Hé- J le Tartare. E N F liopolis. Les demeures des morts font marv quces par ce grand nombre de pyramides tk de tombeaux , où les momies fe font confervées pendant tant de fiecles. Caron , fa barque, l'obole qu'on donnoit pour le paflage ; tout cela eft encore tiré de l'hiftoire d'Egypte. Il eft même très - probable que le nom de l'Achéron vient de l'Egyptien Achouckerron, qui iignifie les lieux maréca- geux de Caron; que le Cerbère a pris fi dé- nomination de quelqu'un des rois d'Egypte, appelle Chebrïs ou Kébron; qu'enfin , le nom du Tartare vient de l'Egyptien Dardar&t , qui fignifie habitation éternelle; qualification que les Egyptiens donnoient par excellence à leurs tombeaux. Mais fans trop appuyer fur ces étymo- logies, & moins encore fans compter fur de plus recherchées, par lefquelles Bochart> le Clerc & autres favans , trouvent chez les Egyptiens le fyftême complet des enfers &c des champs élyfées ; c'eft allez d'en con- ncître la première origine ; il n'en faut pas demander davantage : de minimis nen cu- randum. Quant aux voyages que les poètes font faire à leur héros dans les enfer s , je crois qu'ils n'ont d'autre fondement que les évo- cations auxquelles eurent autrefois recours les hommes fuperftitieux pour s'éclaircir de leur deftinée. Orphée , qui avoit été lui- même dans la Thcfprotie pour évoquer le fantôme d'Euridice fa chère époufe , nous en parle comme d'un voyage aux enfers , ôc prend occafïon de là de nous débiter tous les dogmes de la théologie païenne fur cette matière. Les autres poètes ne man- quèrent pas de fuivre fon exemple. Bayle , réponfe aux quejlions d'un provincial. Voy. Evocation , Mânes. Quoi qu'il en fbit , il arriva que les Grecs , contens d'avoir faifi en général les idées des Egyptiens fur l'immortalité des âmes , & leur état après la mort , donnèrent carrière à leur génie, & inventèrent fur ce fujet quantité de fables dont ils n'avoient aucun modèle. l'Italie fuivit l'exemple des Grecs, & ajouta de nouvelles fictions aur anciennes, telles font celles du rameau d'or, des furies , des Parques & des ifluftres fcélérats que leurs poètes placèrent dans ENF Enfin , tant d'autres travaillèrent CucceC- fivement 8c en difFérens lieux à former le fyftême poétique des enfers , que ce fyftême produisit un mélange monftrueux de fables ridicules , dont tout le monde vint à fe moquer. Cicéron rapporte que de fon temps il n'y avoit point de vieille allez fotte pour y ajourer la moindre foi. Die, quœfo , num, te illa tenent , triceps apud inferos Cerberus , Cocyti frémi tu s y & tranfvecllo Acherontis ? Adebne me delirare cenfes , ijîa ut credam ? . . Quœ anus tam excors invenir i potejl , quee illa , quœ quondam credebantur , apud inferos portenta , extimefeat? De nat. deor. Juvénal nous allure de fon côté , que les enfans mêmes croyoient à peine l'ancienne doc- trine des enfers. Voyez l'article précédent. Cependant , malgré ce changement dans les opinions des particuliers, la pratique du culte public ne changea point de face , ni du temps de Cicéron , ni du temps de Juvénal. On vit fubfifter les mêmes fêtes , les mêmes procefïions & les mêmes facrifices en l'honneur de Pluton , de Proferpine , 8c des autres divinités infernales, auxquelles perfonne ne croyoit plus. Tant il eft vrai que les particuliers peuvent en matière de religion fe trouver defabufés , & le même culte public fubfifter. Polybe fait à ce fujet une réflexion par laquelle je finirai cet ar- ticle. " Le plus grand avantage , dit ce judi- „ cieux hiftorien , qu'ait eu le gouverne- „ ment de Rome fur tous les autres états , „ eft une chofe généralement décriée , j, l'idolâtrie 8c la fuperftition. Si une fb- „ ciété , ajoute-t-il , étoit formée feule- 3, ment de gens fages, un tel plan n'auroit „ pas été néceiîàire ; mais puifque la mul- „ titude eft toujours agitée de defïrs illi- „ cites & de pallions violentes , il n'y avoit „ pas d'autre moyen plus fur de les répri- „ mer , que ce fecret de fictions 8c de ter- „ reurs. C'étoit donc prudemment 8c fa- ,, gement que les Romains inculquèrent „ dans les efprits le culte de leurs dieux , „ 8c la crainte des punitions du Tartare. ,, Livre VI , page qyj. Voye^ Superstition. Article de M. le chevalier de J au COURT. Enfer de Boyle , (Chymie.) vaiflèau circulatoire d'un verre fort, compofé de plufieurs pièces , qui toutes enfemblefont EN F 453 uneefpece de matras , ayant le cou long 8c étroit 8c le globe très-applati , imaginé par le célèbre Anglois dont il porte le nom , pour fiire ce qu'on appelle le mercure fixé per fe. Vcye^ nos planches. Voye^ Mercu- re, (fi) * ENFERMER , v. ad. Nous difons qu'un corps eft enfermé dans un autre , lorfque celui - ci forme en tous fens un obftacle entre le premier 8c notre toucher ou nos yeux. ENFERRURE , f. f. c'eft une des opé- rations de l'exploitation de Yardoife dans fa minière. Vayeà l'article Ardoise. ENFICELER un Chapeau, terme de chapelier , c'eft ferrer le bas de la forme avec une ficelle ou cordon à l'endroit que les Chapeliers appellent le lien. Voye^ Chapeau. ENFILADE, f. f. (Gramm.) fuite ou continuation de plufieurs chofes difpofées dans un même ligne, ou fur un même fil , comme une enfilade de chambres, de portes, de bâtimens , &c. Enfilade , en terme de guerre , fe dit des tranchées ©u autres lignes qui font droites , qui peuvent être nettoyées 8c balayées par le canon de l'ennemi en longueur ou dans leur propre direction , 8c qui par-là font incapa- bles de défenfe. Il faut avoir foin que les tranchées ne foient point enfilées ; au contraire la ligne de contre-approche doit être enfilée , afin qu'on en puifle chafler l'ennemi. Les der- niers boyaux des tranchées , c'eft-à-dire ceux qui fe font au pié du glacis 8c fur le glacis , font fujets à être enfilés à caufe de leur proximité du chemin couvert. Voy. Tranchée. (Q) Enfilade , en Architeclure , c'eft l'aligne- ment de plufieurs portes de fuite dans un ap- partement. Voyc^ Appartement. ( F) Enfilade , ( Jardinage. ) feditde plu- fieurs falles de verdure qui fe commu- niquent, 8c qui font un point de vue. (K) ENFILE , adj. en termes de Blafon , fe dit des couronnes , annelets , 8c autres chofes rondes 8c ouvertes qui font pafléeS dans des fafees , bandes , lance , &c. On dit aufïi enfilant. Du Faure en Dauphiné x d'azur à trois 454 E N F .couronnes d'or, enfilées dans une tande d'azur. E N F I L E M E N T du Cable. Voye{ Enfiler. ENFILER , v. aét. ( Gramm. ) Il a deux acceptions affez différentes ; il fe dit de l'aiguille , 5c il fe dit de plufîeurs objets où il y a ouverture. Enfiler une aiguille , c'eft paffer un fil dans fon oeilj enfiler des ob- jets , c'eft paffer ou un filou une verge dans i ouverture qui y £i\ pratiquée. Ainfi on enfile des anneaux ; les chandeliers enfilent jdes mèches. Enfiler, {Marine.) On dit que le cabeftan enfile les cables en virant , lorfque le cable tourne en rond autour du cabef- ,tan. (Z) Enfiler , en terme d'épingîier , fe dit de l'action de palfer la tête de l'épingle à l'endroit où elle doit être fertie ou rivée. l^oyei^ Epingle. * Enfiler , ( Trictrac. ) Lorfqu'un des deux joueurs A , ayant fait fon plein , le garde allez long- temps pour que le joueur B , ou foit forcé d'empiler toutes fes da- mes fur la dernière café, ou ne puifle jouer fans battre à faux , ou ne puiflè ni paflèr {es dames , ni les lever , ou ne punie les lever fans les découvrir ; en forte que per- dant prefqu'à chaque coup qu'il joue un nombre de points plus ou moins grand , êc fon adverfaire A en gagnant à chaque coup qu'il joue un nombre plus ou moins grand , foit en battant les dames découver- tep , foit en gardant fon plein , celui-ci marque un grand nombre de trous tout de fuite ; ce nombre de trous s'appelle une enfilade : on dit que le joueur B eft enfi- lé , &: cela lui arrive allez fouvent pour avoir tenu mal-à-propos. ENFILEUR, f. m. en terme d'Epin- gîier y fe dit de l'ouvrier qui eft occupé à pafïèr les têtes dans les branches , & à les préparer à être prefïees entre les deux ti- roirs. ENFLAMMÉ , adj. (B la fon.) fe dit d'un cœur dont il fort une flamme : il eft le fym- feole de l'ardeur, du courage , du defîr de fervir fon prince & l'état. De Saint - Hillaire , en Languedoc ; tfa-iur au cœur d'or , enflammé de gueulps. >Pe Cur fay de Sairit-Maixent 9 en Sain- 1 E N F tonge ; d'argent au cœur enflammé de gueu- les , accompagné en pointe d'un croijfant de même. { G. D. L. T. ) * ENFLAMMER, v. ad. {Gramm.) c'eft appliquer le feu à un corps combufti- ble d'une manière fenfîble pour les yeux au delà de la furface du corps •> le corps feroit feulement échauffe , fi le feu n'y étoit fenfîble que pour le toucher ; il feroit feu- lement ardent ou embrafé, Ci le feu n'y étoit pas fenfîble pour les yeux au delà de fa furface. ENFLÉCHURES , FIGURES, FIGU- LES , f. f. p. ( Marine.) ces deux derniers ne font guère d'ufage. Les enfléchures font des cordes qui tra- verfent les haubans en forme d'échelons , elles fervent à monter aux hunes & au haut des mâts. Voyez Marine , Planche I , n°.4o.{Z) ENFLER , verbe actif , c'eft en général augmenter le volume d'un corps. Il fe prend au phyfique &: au moral , au fîmple & au figuré. Enfler des Parties , Enfler un Mé- moire , {Commerce.) c'eft y mettre les marchandifes qu'on a livrées , à un plus haut prix qu'elles ne valent , ou qu'on n'en eft convenu. On ditaufîî enfler la dépenfe d'un compte, pour fignifier qu'on y emploie des articles qui n'y peuvent ou n'y doivent point entrer. Diclionn. de Commerce , de Trévoux , de Charniers. ( G ) Enfler , {Orfevr.) opération de la retrainte; c'eft l'action d'agrandir au marteau fur la bigorne les parties inférieures des pièces d'ar- genterie , qui doivent former le ventre des pièces , comme aux pots à l'eau , cafetières, chocolatières , &c. ENFLURE , f. f. ( Médecine.) Ce terme eft employé pour exprimer en général toute élévation contre nature qui le forme fur la furface du corps, par quelque caufe & quelque matière que ce foit ; ainfî on peut dire de toutes les tumeurs, qu'elles font des enflures. Les parties externes affectées de phlegmon , d'éréfipele , de skirrhe , font toujours plus ou moins enflées ; quel- quefois même l'affection des parties inter- nes caufe une enflure qui fe montre à l'ex- térieur , comme l'inflammation , & autre- ENF flmreur du ventricule ; les metéorifmes qui pouffent en dehors les tégumens , &les font paraître enflés : on dit aufïi de la groflelfe qu'elle fait enfler le ventre, qu'elle caufe une enflure de neuf mois. Le trop d'embonpoint peut aufïi être regardé comme une enflure produire par la trop grande abondance de graille qui fouleve les tégumens , & forme comme une anafarque adipeufe. Voye{ Tumeur. L'ufage a cependant reftreint la lignifi- cation du mot enflure ; on s'en fert parti- culièrement pour déligner un amas de fluides aériens ou aqueux , qui élèvent la peau au deffus de fon niveau ordinaire dans l'état , de fanté , foit que cet amas s'étende à toute la fur-face du corps , (bit qu'elle n'ait lieu que dans quelqu'une de Ces parties. Si c'eft l'air renfermé fous la peau , qui eft la matière de l'enflure , on l'appelle emphyfeme , qui peut être univerfel ou particulier : Il cette efpeced'e/2/7wre , n'eft pas fort étendue, on lui donne le nom de tumeur emphyfémateufe : il la matière aérienne eft renfermée dans le ventre, & en diftend confidérablement les parois , on nomme cette forte d'enflure tympanitt , parce que lorfqu'on la frappe , elle raiibnne comme un tambour ( voye^ Emfhvseme tympanite) : fi c'eft la férofité ou toute autre humeur, aqueufe , qui gonfle le tiiîu cellulaire., on appelle Y enflure qui en eft formée \ leucophlegmatie : anafarque, fi elle eft étendue fur toute la furface du corps : on l'appelle bouffijfure , Ci elle n'affecte que le vifage : œdème , fi elle n'occupe qu'une petite partie : on donne le nom d'enflure ifimplement aux tumeurs aqueufes ou féreufes , qui affectent les extrémités du corps, 6c particulièrement les infé- rieures.- Si l'enflure eft produite par un amas d'eau épanchée , renfermée dans la capa- cité du bas -ventre , ou dans toute autre cavité particulière , on la nomme en géné- ral hydropifie -, qui eft aufïi diftinguée par différens noms , feloa que les liquides épanchés occupent telle ou telle partie. Ainfi ,.l 'enflure aqueufe de la cavité de l'abdomen eft appellée afcite , celle du fcrotum eft appellée hydrocele , &c. Voye^ AnA.SAR.QJJE , LEUCOPHtEGMAIIB, &c. les autres , attendu leur éloignement du centre du mouvement circulaire ; caries liqueurs ne pouvant y participer entièrement de fa force , leur retour eft beaucoup plus péni- ble : telles font à cet égard les quatre extrémités , dont la pofition perpendicu-> laire eft encore un furcroît d'obftacle à la' liberté de ce même retour, puifquelà des' humeurs font obligées de remonter contré leur propre poids. -, L'enflure peut provenir de caufe interne' ou de caufe externe. On doit l'envifàger quelquefois comme une maladie particu- lière , quelquefois aufïi comme un fympto- me de maladie. Elle eft formée par l'air dans -les emphyfemes , par des humeurs, •• c'eft-à-dire , par le fang feul dans les con-> tufions , par de- la férofité dans les œdè- mes , &c4 i L'enflure efîèntielle étant une maladie par* ■ ticuliere , ne demande qu'à être terminée * par la réfolution , de quelque efpece qu'elle foit; quant à celle qui eft un fymptome de - maladie , on y remédie en traitant la ma-- ladie qu'elle annonce différemment , felort fbn génie & fon caractère. On ne peut par conféquent preferirô" un traitement qu'eu égard- à l'enflure eflen- tieUe, S'il y. a douleur & inflammation >.- 456 ENF la iaignée , un régime modéré & humec- tant , des topiques anodyns ou légèrement réfolutifs , un breuvage purgatif enfin ad- mimftré dans le temps de la réfolution de l'humeur , fuffironr & rempliront par- faitement notre objet. Si nous n'apperce- vons ni l'un ni l'autre de ces accidens , nous mettrons d'abord en ufage des réfolutifs qui auront beaucoup plus d'a&ivité , tels que les Spiritueux; & nous réitérerons les pur- gatifs , à moins qu'il nes'agiflè d'une enflure emphyiemateufe ; car en ce cas, ces derniers remèdes ne iont pas d'une aulïi grande nécefïité. (e) Enflure , (Rkétoriq.) vice du difeours & de les .penfées; faufie image du grand, du phathétique , que le bon fens réprouve : Tout doit tendre au ton fens. . . On peut distinguer deux fortes à' enflure: Tune confifte dans des penfées qui n'ont rien d'élevé en elles-mêmes, ëc qu'un efpr.it faux s'efforce de rendre grandes , ou par le tour qu'il leur donne, ou par les mots dont il les mafque ; c'eft le nain qui fe haufle fur la pointe des pies , ou qui fe guindé fur des échalles pour paraître d'une plus haute taille. L'autre forte d'enflure eft le fablime ou- tré , ou ce que nous appelions allez com- munément le gigantefque. Les chofes qui vont au delà du ton de la nature , quel'ex- preftion rend avec obfcurité , ou qu'elle peint avec plus de fracas que de force , font une pure enflure. U enflure eft dans les mots ou dans la pen- fée , & le plus Souvent dans l'un Se dans l'autre : c'eft ce que quelques exemples font fentir. Médée , dans la tragédie qui porte Son nom , chez Séneque , s'excitant elle-même à fe venger de Jafon &c des complices de fon infidélité , s'écrie : Quoi! l'auteur de notre race , le fcleil voit ce qui fe paffe , il le voit & h laifjfè voir ? Il parcourt fa route ordinaire dans le ciel , qu'aucun nuage n'o.'fcurcit , ne retourne pas en arrière , & ne reporte pas le jour aux lieux qui l'ont vu naître. O mon père ! laiffe , laiffe-moi voler dans les airs ! Confie les rênes de ton char à mes mains ! Permets qu'avec tes guides en- flammés , je conduife tes courfiers qui por- tent le feu de toutes parts ! On fent par ces ENF puérilités , que Médée débite avec bien plus d'emphafe dans l'original que dans cette traduction , ce que c'eft que l'enflure du ftyle. Dans la Pharfale (liv. VIII , v. ygi ), Cordus couvre d'une pierre la folïe dans laquelle il vient de brûler à demi le corps de Pompée. Là deflus Lucain s'écrie : 17 te plaît donc , ô Fortune ! d'appeller le tom- beau de Pompée , cet indigne endroit oà fon beau-pere même aime mieux qu'il foit enfer- mé , que s'il manquoit de fépulture. O main téméraire ! pourquoi bornes-tu Pompée dans un fépulcre ? Pourquoi renfermes - tu fef mânes errans ? Il gît dans l'univers , & h remplit jufquoà la terre manque à la vue de l'Océan qui l'entoure. Renverfe ces pierres aceufatrices des dieux. Si le mont (Sta tout entier ejl le fépulcre d? Hercule ; fi Bacchus a pour lui celui de Nife , pourquoi le grand Pompée na-t-il qu'une feule pierre ? Il peut remplir toutes les campagnes de Lagus , pourvu qu'aucun ga^on n'offre fon nom aux yeux des voyageurs. Peuples, éloignons-nous , & que , par refpecl pour fes cendres , nos pies ne foulent aucun endroit des fables arrofés pat le Nil. Voilà ce que c'eft que l'enflure du ftyle 5c des penfées : voilà , de plus , des jeux de mots qui y font réunis , 5c , dans quel- ques endroits, des Non-fenfes , fi je puis me fervir d'un terme Anglois qui nous manque. En effet , le corps d'un homme eft nécellai rement borné dans un tombeau de lix à fept pies d'étendue , 5c celui de Pompée ne pouvoit remplir toutes Ls cam- pagnes dz Lagus. Mais Pompée , le grand Pompée avok rempli l'univers du bruit dé fes exploits , 5c l'immortalité de fon nom, étoit allurée dans la mémoire des hommes. C'eft donc là le monument que Lucain devoir faire valoir dans fon ouvrage à la gloire du héros. Ce que ce poëte dit dans un vers au fujet des Romains tués à la bataille de Pharfale , dont Ce far voulut qu'on laiflàt pourrir les corps fur la terre , le ciel couvre celui qui n'a point de fépulcre , a fourni une réflexion judicieufe au P. Bouhours. x< Cette penfée, dit-il, a un éclat qui „ frappe d'abord ; car c'eft quelque choie „ de plus noble en apparence d'être cou- «vert E N F ♦j vert du ciel , que d'être enfermé dans 7> une tombe : mais , au fond , le feul r> ufage des monumens efl de couvrir des 7) cadavres pour les garantir des injures de » l'air & des animaux ; ce que ne tait pas *> le ciel , qui efl defliné à tout autre mi- p niflere. n Balzac, qui fonda le premier un prix «l'éloquence , & qui en a fi-bien connu la partie , qui confifle dans Ja cadence des mots & l'harmonie des périodes ; Balzac , dis-je , tombe ordinairement dans Y enflure , lorfqu'il recherche le grand & le pathé- tique , & c'efl toujours ce qu'il recherche. Il mandoit de Rome à Bois-Robert , en parlant des eaux de fenteur , je me fauve À la nage dans ma chambre au milieu des parfums ,* pure enflure de flyle. Il écrivoit au premier cardinal de Retz , lors de fà promotion au cardinalat : vous vene\ de prendre le fceptre des rois & la livrée des rofes; exemple $ enflure dans lefiyle & dans ia penfée. Enfin , un grand poëte moderne qui s'eft élevé au iùblime dans fa paraphrafè ■de quelques pfeaumes ; un poëte dont les odes font fi belles , fi variées , fi remplies d'images ; un poëte encore chez qui le jugement ne le cède point à l'imagina- tion : en un mot , Roufîeau lui-même n'a pu éviter de tomber quelquefois dans le défaut dont il s'agit , ne fût-ce que dans fbn ode fur la naifîance du duc de Bour- gogne. Où fuis-} e ? Quel nouveau miracle Tient encore mes fens enchantés ! Quelvafle y quel pompeux fpeclacle F, rappe mes yeux épouvantes Un nouveau monde vient d'éclore V univers fe reforme encore Dans les abymes du chaos ! Et pour réparer fles ruines 9 Je vois des demeures divines Dej cendre un peuple de héros. Cette ftrophe entière n'eft qu'une véri- table enflure dans la penfée & dans l'élo- cution. Des yeux épouvantés par la pompe d'un fpeclacle miraculeux , tandis que tous les autres fensfont enchantés ; enfuite l'uni- vers fe reformant dans un abvme de confu- Tome XII. E N F 457 fion , après qu'un nouveau monde efl venu éclore ; enfin , un nouvel univers reformé a-t-il des ruines à réparer, pour le fqu elles il faille qu'un peuple de héros defcende des demeures divines ? On voit préfentement que , de toutes les efpeces S enflure , les plus mauvaifes font , ou celles qui confiflent dans des; idées inintelligibles , parce qu'il faut fe faire entendre ; ou celles qui confiflent dans la faufïeté des penfées , parce qu'on fait tort à fon jugement : au lieu que les autres efpeces $ enflure, comme celle qui efl contenue dans le pafîage que j'ai rapporté ci-devant de Séneque , roulent fur un fonds réel, fur des penfées qui ont quelque chofe de vrai. V~oye$là-deC- fus les additions au traité du fublime de Longin. Tirons de tout ceci deux conféquences; la première > que ceux qui cherchent le pathétique , & qui craignent qu'on ne leur reproche d'être foibles ou fecs, -font li- brement & naturellement portés vers ce vice de Y enflure, perfuadés que c'efl une faute noble de ne tomber que parce qu'on s'élève. La féconde confequence efl que les plus grands orateurs & les premiers poètes , lorfqu'ils veulent traiter le grand & le fu- blime , ont bien de la peine à fe garder de Y enflure, & à l'éviter dans la chaleur de l'enthoufiafme ; c'efl pour cela qu'ils doivent enfuite fe défier d'eux-mêmes , relire leurs écrits de fang froid & en juges féveres , avant que de les publier : enfin , s'il efl pofGble , confulter des amis propres à cenfurer , à éclairer , & fur- tout (comme le dit l'auteur de l'art poé- tique) A réprimer des mots î ambitieufe emphafe. Article deM. le Chevalier de J a uco urt. ENFLURE, [Manufacl. de draps.) c'efl ainfi qu'on appelle , dans les manu- factures de draps d'Aumale , une efpece de fil. ENFONÇAGE, termp de Tonnelier; c'efl l'action de mettre le fond A une fu- taille , quand elle efl tout-à-fait remplie de marchandifes. M mm 45S ENF ENFONCEMENT , f. m. en Archi- \ tecîure , fe dit de la profondeur des fon- dations d'un bâtiment; c'eft pourquoi on a coutume de marquer , dans un devis , que les fondations auront tant Renfonce- ment. Ce mot fe dît aufli de la profon- deur d'un puits, aire qui remplit le fond d'une pièce depuis Ton centre jufqu'à la circonférence. ENFORCIR,v. n. {Maréchal) prendre- des forces, devenir fort & vigoureux: ce. cheval enfôrcit tous les jours , il a enforci] de moitié & en forcira encore. ENFORESTER , (Hift. ancienne & ma-, -derne.) fuivant Fufage de l'Angleterre,, E N F c*efl mettre une terre en forêt royale. Voyez FORÊT. En ce fens enforefter eft oppofé à defen- forefier. Kqyq DESENFORESTER. Guillaume le conquérant & Tes fuccef- feurs continuèrent , pendant plufïeurs rè- gnes , d'enforeflerles terres de leurs fujets ; jufqu'à ce qu'enfin la léfion devint fi no- toire & fi univeriêlle , que toute la nation demanda qu'on remît les chofes dans l'état où elles étoient d'origine ; ce qui fut enfin accordé, & en coniëquence il y eut des commifTaires nommés pour faire la vifite Se l'arpentage des terres nouvellement enfoveftées , defquelles on reftitua le libre ufage aux propriétaires , & ces terres de- fenforeftées furent appellées purlieux. Cham- bers.(G) EN-FORME, (Blafoiu) fe dit du lièvre qui paroît arrêté & en repos , comme lorfqu'il eft en fon gîte dans le creux d'un fiiion. Ce mot vient de la prépofition en , & du mot Latin/or/7za ; parce que le lièvre ainfl placé fe trouve dans un efpace creux qui repréfente la forme, fa capacité, fon étendue. De Perrin , à Paris ,* d'azur à un arbre au naturel , au lièvre d'argent en-forme au pie de V arbre. (G. D. L. T.) ENFORMER//Z terme de Chaudronnier -, c eft donner en gros à une pièce la forme qu'elle doit avoir quand elle fera finie. C'eft proprement ébaucher & diftinguer les parties les unes d'avec les autres fans les finir. ENFOUIR , v. ad. ( Jardimge. ) fe dit du fumier qu'on enterre pour faire des couches fourdes , ou des .lits qu'on met au fond des terrains qui doivent être effon- drés. ENFOURCHEMENT , f. m. {coupe des pierres.) eft l'angle formé par la ren- contre de deux douilles de voûte qui fe rencontrent ; les vouffoirs qui les lient ont deux branches , dont l'une eil dans une voûte , & l'autre dans la contiguë. Voye^ VOUTE D'ARRESTE. (D) * ENFOURCHURE , f. {. (Vénerie.) Il fe dit de la tête du cerf, lorfque l'extré- mité du bois , fe divifant en deux pointes , forme la fourche. ENFOURER, c'eft, en terme de batteur 3 E N F 4^ P action d'envelopper les outils dans des fourreaux , voye\ FOURREAUX, pour les empêcher de prendre des formes & des fituations défavantageufes. ENFOURNER, en terme de Boulanger^ c'efl mettre le pain au four après qu'il efl levé pour l'y faire cuire. La groffeur & l'é- paiiTeur du pain déterminent le temps qu'on doit l'ylaiflèr; les pains de quatre, de huit & de douze livres n'y doivent refter que trois quarts-d'heure , ou une heure tout au plus. ENFUMER, v. a&. ( Gramm. ) c'efl expofer à la fumée. ENFUMER , noircir un tableau. Enfume' fe dit, en peinture , d'un tableau fort vieux que le temps a noirci. Quelquefois on en- fume des tableaux modernes pour leur donner un air d'antiquité. C'eft une rufè de brocanteur pour tirer parti de la manie de ceux qui ne veulent pas qu'il y ait rien de beau que ce qui eft ancien , ni de vi- goureux que ce qui eft noir. (R) ENGADME , (Géog. mod.) vallée de Suilîè fituée dans le pays des Grifons ; elle fe divifè en haute & baffe ; elle efl dans la ligne de la Maifon-Dieu. ENGAGE , ou VIF GAGE, f. m. (Jurif prud.) dont parlent les articles $4. & $$ de la coutume de Bretagne 9 efl un con- trat par lequel le débiteur donne à fon créancier la jouifîance d'un héritage A con- dition d'en imputer les fruits lur le prin- cipal qui lui eft dû : ce qui efl oppofé à Yanticlirefc ou mort-gage , dans lequel les fruits font donnés au créancier en com- penlation des intérêts à lui dus. M. Hevia a fait une favante difïertarion pour établir cette diftinclion de Rengage d'avec Yanti— chrefe , où il relevé l'erreur dans laquelle eft tombé M. d'Argentré , qui dit que Y engage eft la même chofe que Y antichrefe du droit Romain. Voye\ les arrêts de Bretagne , par Frain , avec les notes d'Hé- vin-, tome J, plaidoy-er j y ,obfervation jj, p. 3 i z. Cet engage paroît être la même cho.'e que Y engagement. Voye\ , ci-après , Engagement. (A) ENGAGÉ. (Commerce) On nomme ainfi aux Antilles ceux qui s'engagent avec les habitans des îles pour les fèrvir pendant trois ans. On les appelle plus communér M m m 2 46o E N G menttrente-Jrx mois ■-, à caufe des tros an- nées compofées de douze mois chacune pour lefquelles ils s'engagent. Comme notre commerce d'Amérique, tant dans les îles que dans la terre ferme, ne peut fe foutenir que par le travail de ces engagés y il y a fur cette matière plu- fieurs réglemens, & particulièrement ceux du 16 novembre 1716 , du 20 mai 1721 , & du 15 février 1724. Celui de 17 16 afïujettit les négocians François qui envoient des. vaiiïeaux dans nos colonies , d'y embarquer un certain nombre à* engagés à proportion de la force de leur bâtiment , à peine de deux cents livres d'amende contre ceux qui ne rap- porteraient pas .des certificats de la remife de ces engagés dans les colonies ; permet- tant au furplus de compter pour deux en- gagés tout homme qui fauroit un métier; comme de maçon, railleur, charpentier, &c. Y? ordonnance de ijïli convertit le rè- glement de 1716 dans, l'alternative d'en- voyer un certain nombre d'engagés , ou de payer pour chacun d'eux la lomme de Soixante livres à l'amirauté. Mais les négo- cians ayant abufé de cette indulgence , en • préfentant aux bureaux des clafTes du port de leur embarquement , des particuliers qu'ils difoient engagés, quoiqu'il n'en fût rien , qu'ils renvoyoient après les avoir fait palier en revue , & pour la décharge des- quels ils fe contentoient de rapporter des certificats de défertion. Le règlement de 1724 ordonne que , fans nul égard à ces certificats de défertion , les. négocians & capitaines de vaiffeaux affujettis au trans- port des engagés paieront 60 livres pour chaque engagé , & 1 20 livres pour chaque engagé de métier qu'ils n'auront pas remis aux îles , & dont ils ne rapporteront pas un certificat. Dicfionn. de Comm. deTré. & Charniers , & réglemens du Comm. (G) ENGAGÉ , ou trsnte-fix mois. {Marine.) On donnoit ce nom. en France à ceux qui veulent paffer aux îles de l'Amérique pour chercher à travailler & y faire quelque chofè , & n'ayant pas le moyen de payer leur pafîâge , s'engageoient avec un capi- taine pour trois années entières , & ce capitaine cédoit Y engagé à quelque habi- tant des îles qui l'employoit & le faifoit. E N G travailler pendant les trois années , après lefquelles il étoit libre. Ce marché ne fe fait plus aujourd'hui. Les Anglois pafîbient aufli des engagés dans leurs colonies , mais l'engagement étoit de fept ans. ENGAGEMENT , f. m. {Droit nat. Morale.) obligation que l'on contracte en- vers autrui. Les engagemens que Ton prend de foi- même envers autrui , font des fbpulations pofitives , par lefquelles on contracte quel- que obligation où l'on n'étoit point aupara- vant. Le devoir général que la loi naturelle preferit ici, c'eft que chacun tienne in- violablement fa parole, & qu'il effectue ce à quoi il s'efî engagé par une promefîe ou< par une convention verbale. Sans cela, le genre humain perdroit la plus grande partie de l'utilité qui lui revient d'un tel com- merce de fervices. D'ailleurs , fi l'on n'étoit pas dans une obligation indifpenfable de tenir fa promefîe, perfonne ne pourrait compter fur lesfecours d'autrui; on appré- henderoit toujours un manque de parole qui arriveroit auffi très-fouvent. Delà m fe troient mille fujets légitimes de querelles & de guerres.. On s'engage, ou par un ade obligatoire , d'une part feulement , ou par un acteobk\ gatoire des deux côtés ; c'eft-a-dire , que tantôt il n'y a qu'une feule perfonne qui entre dans quelque engagement envers une ou plufieurs autres, & tantôt deux ou. plufieurs perfonnes s'engagent les unes en- vers les autres. Dans le premier cas , c'eft une promefîe gratuite, & dans l'autre, une convention.. Vey.. PROMESSE, CONVEN- TION. Il y a une chofe abfolument nécefîàire pour rendre valables & obligatoires les en- gagemens où l'on entre envers autrui , c'efî le confentement volontaire des parties. Auffi, tout engagement efr. nul , lorf qu'on y eft: forcé par une violence injufle de la part de celui à qui l'on s'engage ; mais le con- fentement d'une partie ne lui impofe actuel- lement aucune obligation, fans l'accepta- tion réciproque de l'autre. Pour former un engagement valable, iE faut en général , que ce à quoi l'on s'en- gage , ne foit pas au deflus. de nos forces S9 E N G m de plus défendu par la religion ou par! la loi ; autrement on eft , ou fou , ou cri- minel. Perfonne ne peut donc s'engager à une impoflibilité abfolue. Il eft vrai que rimpoilibilité en matière d'engagement n'eft telle pour l'ordinaire , que par rapport à certaines perfonnes , ou par l'effet de cer- tains accidens particuliers , mais cela n'im- porte , Y engagement n en eft pas moins nul. Par exemple , s'il fe trouve qu'une maifon de campagne qu'on avoit louée , ait été confumée par le feu fans qu'on en fût rien de part ni d'autre , on n'eft tenu à rien , & l'engagement tombe. Il eft clair encore que perfonne ne peut s'engager validement à une chofe illicite ; mais il n'y a que les choies illicites en elles- mêmes , fbit de leur nature ou à caufe de la prohibition des loix civiles entre conci- toyens qui les connoifïent , qui aient la vertu de rendre nulle une convention, d'ail- leurs revêtue des qualités requifes. Il n'efl pas moins certain que l'on ne fauroit s'engager validement, au fujet de ce qui appartient à autrui , ou de ce qui eft déjà engagé à quelqu'autre perfonne. Il y a des engagemens abfolus & des enga- gemens conditionnels ; c'eft-à-dire , que l'on s'engage ou abfoîument & fans ré- fèrve , ou en forte que l'on atrache l'effet & la validité de l'engagement à quelque événement , qui eft , ou purement fortuit, ou dépendant de la volonté humaine ; ce qui a lieu fur-tout en matière de fimple promeffe. Enfin, on s'engage non-feulement par fbi-même , mais encore par l'entremife d'un tiers que l'on établit pour interprète de notre volonté , & porteur de notre parole auprès de ceux à qui l'on promet ou avec qui l'on traite ; lorfqu'un tel entremetteur ©u procureur a exécuté de bonne foi & exactement la commiflïon qu'on lui avoit donnée , on entre par-là dans un engage- ment valide envers l'autre partie , qui a regardé ce procureur , & qui a eu lieu de le regarder , comme agiiTant en notre nom & par notre ordre. Voilà des principes généraux de droit «naturel fur les engagemens. Leur obferva- tion eft fans contredit un des plus grands <& des glus inconteftables devoirs de la E N G 4$r morale. Si vous demandez à un chrétien qui croit des récompenfes & des peines après cette vie , pourquoi un homme doit tenir fon engagement , il en rendra cette raifon , que Dieu qui eft l'arbitre du bon- heur & du malheur éternel nous le recom- mande. Un difcipîe d'Hobbes à qui vous ferez la même queflion , vous dira que le public le veut ainfi , & que le Léviathan vous punira fi vous faites le contraire. Enfin un philofbphe païen auroit répondu à cette demande , que de violer fa promeffe , c'étoit faire une chofe déshonnête , indigne de l'excellence de l'homme & contraire à la vertu , qui élevé la nature humaine au plus haut point de perfection où elle foit capable de parvenir. Cependant quoique le chrétien , le païen , le citoyen, reconnoiffent également par différens principes le devoir indifpenfable des engagemens qu'on contracte ; quoique l'équité naturelle & la feule bonne foi obli- gent généralement tous les hommes à tenu- leurs engagemens , pourvu qu'ils ne foient pas contraires à la religion , à la morale ; la corruption des mœurs a prouvé de tout temps que la pudeur & la probité n'étoient pas d'afîêz fortes digues pour porter les hommes à exécuter leurs promeffes. Voilà l'origine de tant de loix au fujet des con- ventions dans tous les pays du monde. Voilà ce qui, dans le droit François, accable la juftice de tant de claufes, de conditions & de formalités fur cet article, que les parchemins inventés avec raifon pour faire' convenir ou pour convaincre les hommes- de leurs engagemens , ne font malheureu- fement devenus que des titres pour fe rui- ner en procédures , & pour faire perdre le fond par la forme. Si les hommes font jus- tes , ces formules font d'ordinaire inutiles ; ; s'ils font injuftes , elles le font encore très- fouvent , l'injuftice étant plus forte que toutes les barrières qu'on lui oppofe. Aufîl pouvons-nous juftement dire de nos enga- gemens ce qu'Horace difok de ceux de fon temps :• . ■ . . Jidie Ci eut g, Nodofi tabulas centum , mille adde. entends , Ejj'ugiet tamen h&c fcelerutus vincula Proteus. LU. H. Sat. 3. 69. Arùde deM.lechemliemEjA uco URT, 4*1 E N G ENGAGEMENT, (Jurifpr.) Il y a des en* gagemens fondés fur la nature ; tels que les devoirs réciproques du mariage , ceux des pères & mères envers les enfans , ceux des enfans envers les pères &c mères , & autres femblables qui réfultent des liaifons de parenté ou alliance , & des ientimens d'hu- manité. D'autres font fondés fur la religion; tels que l'obligation de rendre à Dieu le culte qui lui efl dû , le refpect dû à fes minif- tres , la charité envers les pauvres. D'autres engagemens encore iont fondés fur les loix civiles; tels font ceux qui con- cernent les devoirs reipectiis du fouverain & des fujets , & généralement tout ce qui concerne différens intérêts des hommes , foit pour le bien public, foit pour le bien de quelqu'un en particulier. Les engagemens de cette dernière claffe réfultent quelquefois d'une convention ex- preife ou tacite ; d'autres fe forment fans convention dire de , avec la perfonne qui y eft intéreffée , mais en vertu d'un contrat fait avec la jumee, comme les engagemens des tuteurs & curateurs : d'autres ont lieu abiolument fans aucune convention ; tels que les engagemens réciproques des cohé- ritiers &c colégataires qui fe trouvent avoir quelque chofe de commun enfemble, fans aucune convention: d'autres encore naiflent d'un délit ou quafi-délit, ou d'un cas for- tuit : dkiutres enfin nahTent du fait d'autrui, tels que les engagemens des pères par rap- port aux délits & quafi-délits de leurs en- fans ; & ceux des maîtres , par rapport aux délits & quafi-délits de leurs efclaves ou domeftiques ; & [es engagemens dont peu- vent être tenus ceux dont un tiers a géré les affaires à leur infu. Tous ces difiërens engagemens font vo- lontaires ou involontaires : les premiers font ceux qui réfultent d'une convention expreffe ou tacite : les autres font ceux qui naiffent d'un délit ou quafi-délit , d'un cas fortuit. Enfin , toutes fortes d' engagemens font fimples ou réciproques : les premiers n'o- bligent que d'un côté : les autres font fynal- -lagmatiques , c'eft-à-dire , obligatoires des deux côtés. Voy. Contrat ù Obliga- tion ; voye\ aujji l'auteur des loix civiles , E NG en fbn traité des loix 9 chap. ij&fuiv, Ôf liv. II de la première partie. (A) Engagement d'un Bien : ce terme, pris dans lefens le plus étendu , peut s'ap- pliquer à tout acl:e par lequel on oblige un bien envers une autre perfonne , comme à titre de gage ou d'hypothèque. Voy. GAGE ^Hypothèque. Ce même terme engagement lignifie auffi l'acte par lequel on en cède à quelqu'un la jouiflànce pour un temps. Il y a deux fortes d: 'engagemens pour les biens. Les uns font faits par le débiteur au pro- fit du créancier , pour fureté de fa créance; & ces engagemens fe font en deux ma- nières différentes ; favoir, par forme d'an- tichrefe , ou par forme de contrat pignoratif. F".Antichrese & Contrat pigno- ratif. L'autre forte d'engagement eit celle qui contient un efpece d'aliénation faite fous la condition expreffe ou tacite , que l'an- cien propriétaire pourra exercer la faculté de rachat, foit pendant un certain temps , ou même à perpétuité. Les ventes à faculté de réméré , & les baux emphythéotiques , ne font proprement que des engagemens. Mais , dans l'ufage , on ne donne guère ce nom qu'aux antichrefes , contrats pi- gnoratifs , & aux aliénations que le roi fait en certains cas de quelques portions du domaine de la couronne. Voy. ENGAGE- MENT du Domaine. (A) Engagement du Domaine de la COURONNE, cil un contrat par lequel le roi cède à quelqu'un un immeuble dépen- dant de fon domaine , fous la faculté de pouvoir , lui & fes fucceffeurs , le racheter à perpétuité toutes fois & quantes que bon leur femblera. L'étymologie du mot engagement vient de gage , & de ce que l'on a comparé ces fortes de contrats aux engagemens ou an- tichrefes , que le débiteur fait au profit de fon créancier. Il y a néanmoins cette différence entre Rengagement ou antichrefe que fait un dé- biteur , & l'engagement du domaine du roi , que le premier, dans les pays où il eff permis, ne peut être tait qu'au profit du créancier , E N G lequel ne gagne pas les fruits ; ils doivent être imputés fur le principal , X engagement n'étant à Ton égard qu'une fimple fureté : au lieu que X engagement du domaine du. roi peut être fait tant à prix d'argent , que pour plufieurs autres caufes; & l'engagif te gagne les fruits jufqu'au rachat , fans les imputer fur le prix du rachat , au cas qu'il lui en foit dû. Le domaine de la couronne , (oit ancien ou nouveau , grand au petit, eir. inaliénable de fa nature ; c'elt pourquoi les a&es par lefquels le roi cède à quelqu'un une portion de fon domaine , ne font confédérés que comme des engagemens avec faculté de ra- chat. Ce grand principe a été long-temps ignoré: les engagemens du domaine proprement dit étoient cependant déjà connus dès l'an 131 1, comme il paraît par une ordonnance de Philippe-le-Bel ; mais on admettoit aufll alors plufieurs autres manières d'aliéner le domaine ; favoir , la concefîîon à titre d'a- panage , l'affiette des terres pour les dots & douaires des reines & filles de France , & Finféodation qui étoit alors différente de Y engagement. Préfèntement les apanages ne pafient plus, comme autrefois , à tous les héritiers maies ou femelles indiftinâement j ils font re- verfibles à la couronne à défaut d'hoirs rçâles. Les terres du domaine ne font plus données purement & fimplement en mariage , mais feulement en paiement des deniers dotaux , & comme un engagement ou efpece de vente à la faculté de rachat. Les terres données pour le douaire des reines , ne font qu'en ufufruit : ainfi il n'y a point d'aliénation. Les inféodations du domaine faites à prix d'argent-, ou pour récompense de fervices réels & exprimés dansl'aéle avant l'ordon- nance de 1566 , ne font pas fujettes à ré- vocation comme les- Amples dons. Il y a d'autres inféodations. du domaine qui ont été faites depuis cette ordonnance , en conr féquence des édits du mois d'avril 1574 , mars 1587 , feptembre 159 1 , 4 feptembre & 23 oclobre 1592., 25 février 1594. , mars 1619, mars 163 5, mars 1639 , feptembre 1645 , décembre 1052., avril 1^67, 1669; 7 avril 1672, mars & 19 E N G 4.6 i juillet 169? , 13 mars , 3 avril & 4 fep- tembre 1696 , 13 août 1697 y avril 1702, 2. avril & l6 feptembre 1703 , août 1708 y & 9 mars 171$ : mais quoique plufieurs de ces édits & déclarations aient ordonné la vente des domaines à titre d'inféodation & de propriété incommutables & à perpé- tuité , on tient pour maxime que toutes ces inféodations.raites moyennant finance y & qui emportent diminution du domaine , en quelque* termes qu'elles foient conçues , ne font- toujours que des engagemens fujets. au rachat perpétuel , comme il elî dit par. les édits de 1574 , 1 587 , & plufieurs autres édits & déclarations pofiérieurs : à plus forcer raifon quand les inféodations participent d^ l'engagement, & qu'elles font faites en rentes. & en argent. On diffingue néanmoins- les. engagemens, qui font. Faits à titre, d'inféodation , de ceux, qui. ne font point faits à c# titre,, & que, l'on appelle engagemens. Jim pies. Les pre- miers donnent aux feigneurs engagifles un droit un peu plus étendu; ilsjouiffentçi/a/z damini, des domaines qui leur font engagés, & participent à certainsrr droits de fief &; honorifiques : au lieu que les fimples en-* gagiffes.ne font proprement que des créais ciers anrichréfiftes , quijouiffent du domaine engagé pour l'intérêt, de l'argent qu'ils ont. prêté au roi; durefte.?.ceux qui ont acquis : un bien du domaine à; titre d'inféodation , ne font toujours .qualifiés que di engagifles comme les. autres , ainfi qu'on le voit dans tous les édits & déclarations, intervenus fut cette matière depuis. 1667.. ; Qn ne doit pas confondre avec les engage** mens , J£s inféodations des domaines du roi,, lorfqu'elles font faites , fans aucun paiement de finance,, fous. la. condition par l'inféo- dataire d'améliorer le domaine inféodé.^ comme de défricher ou deifécher un terrain, d'y bâtir ou planter , &c. & fous iaréferve. de la .. lu.zeraineté , emportant foi &; hom- mage -, droits- feignenriaux &; féodaux ; on de la directe , cens- &. furçens ,. emportant lods & ventes, fa'fine r'.. & autres droits dus aux mutations des fiefs ou des rorures y fuivant qu'ils font fixés par les. coutumes, oufb'pulés par les. contrats d'inféodation. Ce qui a donné lieu quelquefois de confondre ces fortes d' inféodations avec. les 4*4 E N G engagemens , efl que par difFérens édits qui ont ordonné l'aliénation des domaines du roi à titre Rengagement , pour accréditer ces engagemens, on les a aflîmilés aux inféo- dations , en ordonnant que les engagiftes jouiroient des domaines engagés à titre d'in- féodation ; on y a même fou vent ajouté la réferve au roi y de la fuzeraineté & de la directe. La plus grande partie des aliéna- tions des juflices a été faite à ce titre d'in- féodation & fous ces référées ; & quoiqu'il y ait eu des finances payées lors de ces aliénations , on doute encore fi l'on doit confidérer les aliénations de ces juifices , faites depuis plus d'un fiecle fous la réferve de la fuzeraineté & du reflbrt , comme des aliénations des autres portions utiles du domaine du roi. Si on admettoit un pareil principe , on expoferoit la plus grande par- tie des propriétaires des terres & fiefs à être privés de leur? juflices , dans lefquelles le roi auroit droit de rentrer comme n'étant poifédées qu'à titre d'engagement : ce qui auroit bien des inconvéniens. Sans entrer dans cette queflion y il efl confiant que toutes ces aliénations des por- tions des domaines du roi , faites fans finance & au feul titre d'inféodation , fous Ja réferve de la fuzeraineté , de la féodalité , jde la directe , cenfive & furcens , empor- tant droits feigneuriaux , lods & ventes aux mutations , ne font point comprifes dans la clafie des engagemens des domaines. L'objet de Pinféodation efl: toujours , que l'inféodataire étant propriétaire incom- mutable améliorera le domaine inféodé , & jque par ces améliorations, les droits qui feront payés au roi , lors des ventes & autres mu- tations , deviennent fi cOnfidérables , que le roi foit plus qu'indemnifé de la valeur du fonds qu'il a inféodé. H y a lieu de préfumer que c'cfl par des inféodations que fe font faits les établiffe- mens des fiefs , de la directe , & des cen- fives; toutes les directes qui appartiennent au roi fur les maifons de la ville de Paris , ne proviennent que d'inféodations faites des terrains qui appartenoient à fa majeflé , & qui ont été par elle inféodés. Sans remonter aux temps reculés , il a été fait dans le der- nier fiecle plufîeurs de ces inféodations par |e roi , de femblables terrains ; tels que font E N G ceux que l'on comprend fous la dénomina- tion d'île du Palais , où font fitués la rue Saint-Louis , la rue de Harlay , le quai des Orfèvres , la place Dauphine , les falles neuves du Palais, les cours qui les envi- ronnent^ appellées l'une hcourNeuve, l'autre la cour de la Moignon : tous ces terrains ont été concédés à titre d'inféodation , fous la réferve de directe & de cenfives : toutes les fois que les propriétaires ont été inquiétés pour taxes, ou fous d'autres prétextes, comme détempteurs de terrains du domaine du roi aliénés , il ont été déchargés par des arrêts du conleil. . Les inféodations ne peuvent donc en général être mifes dans la claiîe des enga- gemens du domaine , que quand elles font faites moyennant finance , & qu'elles em- portent une véritable aliénation & diminu- tion du domaine. Toute aliénation du domaine & droits en dépendans , à quelque titre qu'elle foit faite , excepté le cas d'apanage ou d'échange, n'eil donc véritablement qu'un engagement , foit que l'acle foit à titre Rengagement^ ou à titre d'inféodation ; que ce foit à titre de vente , donation , bail à cens ou à rente , bail emphytéotique , ou autrement : & quand même le titre porteroit que c'eft pour en jouir à perpétuité & incommutablement , fans parler de la faculté de rachat; cette faculté y efl toujours fous-entendue , & elle eff tellement inhérente au domaine du roi , qu'on ne peut y déroger , & qu'elle efl imprefcriptible comme le domaine. L'ordonnance de Blois,arf. JJ3& JJ4> diflingue à la vérité la vente du domaine d'avec le fimple engagement : mais il eft fenfible que les principes de cette matière n'étoient point encore développés alors comme il faut; & félon les principes qui réfultent des ordonnances poflérieures , il eft confiant que l'aliénation du domaine , faite à titre de vente , ne peut pas avoir plus d'effet que celle qui eft faite fimplement à titre d'engagement. « L'engagiilc a même moins de droit qu'un acquéreur ordinaire à charge de rachat. En effet celui qui peut faire tous les actes de propriétaire julqu'à ce que le rachat foit exercé , & ce quand le temps du rachat eff expiré, il devient propriétaire incom- mutable : E N G mutable : au lieu que l'engagifte du do- maine n'eft en tout temps qu'un fimple acquéreur d'ufufruit , qui a le privilège de tranfmetrre Ton droit à [es héritiers ou ayans-caufe. La propriété du domaine engagé demeu- rant toujours pardevers le roi , il s'enluit par une conféquence naturelle , que l'enga- gifte ne doit point de foi & hommage , ni de droits feigneuriaux , foit pour la pre- mière acquifition , foit pour les autres mu- tations qui furviennent de la part du roi , ou de celle de l'engagifte. Quelque claufe qu'il y ait au contraire dans Rengagement, les chambres des comptes ne doivent jamais admettre les engagiftes à l'hommage des domaines engagés , fi ce n'eft par rapport aux juftices ; comme on l'a expliqué ci- devant pour les autres engagemens : cela ieroit d'une trop dangereufe conféquence , & la chambre des comptes de Paris ne s'écarte jamais de ce principe. Il ne peut pas , comme l'apanager , fè qualifier duc , comte , marquis , ou baron d'une telle terre , mais feulement feigneur par engagement de cette terre , fi ce n'eft que Rengagement contint permifïïon de prendre ces qualités. « Quand le chef-lieu d'une grande fei- gneurie eft engagé , les mouvances féodales qui en dépendent , & la juftice royale qui eft attachée au chef-lieu , & tous les droits honorifiques , demeurent réfervés au roi ; la juftice s'y rend toujours en fon nom : on y ajoute feulement en fécond celui du fei- gneur engagifte , mais celui-ci n'a point collation des offices , il n'en a que la nomi- nation , & les officiers font toujours offi- ciers royaux; s'il fait mettre un poteau en figne de juftice , les armes du roi doivent y être marquées: il peut feulement mettre les fiennes au defTous. Il n'a point droit de litre , ou de ceinture funèbre ; il ne peut recevoir les foi & hommage , aveux & déclarations , ni donner les enfaifinemens : il a feulement tous les droits utiles du do- maine engagé , excepté les portions qui ont été aliénées aux officiers du domaine , an- térieurement aux engagemens , conformé- ment à plufieurs réglemens , & notamment à l'édit du mois de décembre 1743. , Mais quand le roi engage feulement quel- Tome Xll. E N G 465 ' que dépendance du chef-lieu de la feigneu- rie , & qu'il engage auffi la juftice , alors c'eft une nouvelle jumce feigneuriale qui s'exerce au nom du feigneur; il a la colla- tion des offices , & tous les droits utiles & honorifiques , à l'exception néanmoins des droits qui font une iuite des mouvan- ces du chef-lieu, lefquelles dans ce cas de- meurent réfervées au roi , conformément à l'édit du 15 mai 171 5. Les droits de patronage , droits honori- fiques , droits de retrait féodal , ne font point comptés au nombre des droits utiles; de forte que l'engagifte ne les a point , à moins qu'ils ne lui aient été cédés nommé- ment. Tout contrat d'engagement doit être re- giftré en la chambre des comptes. Les acquifitions que l'engagifte fait dans la mouvance du domaine qui lui eft: en- gagé , foit parla voie de retrait , ou autre- ment , ne font point réunies au domaine. L'engagifte peut , pendant fa jouifTance , fous-inféoder , ou donner à cens ou rente quelque portion du domaine qu'il tient par engagement : mais en cas de rachat de la part du roi , toutes ces aliénations faites par l'engagifte font révoquées , & le do- maine rentre franc de toute hypothèque de l'engagifte. Cependant jufqu'au rachat , l'engagifte peut difpofèr comme bon lui femble du domaine ; il eft confidéré comme propre dans fa fucceffion ; le fils aine y preni fon droit d'ainefïè ; le domaine engagé peut être vendu par l'engagifte , fès héritiers ou ayans-caufe ; il peu: être faifi & décrété fur eux : mais tout cela ne préjudicie point au rachat. Tant que Rengagement fubfifte , l'enga- gifte doit acquitter les charges du domaine; telles que les gages des officiers , & autres preftations annuelles , pour fondation ou autrement , entretenir les bâtimens , pri- fons , ponts , chemins , chauffées , fournir le pain des prifonniers , payer les frais de leur' tranfport , & généralement tous les frais des procès criminels où il n'y a point de partie civile ; gages d'officiers , rentes , revenant-bons , décharges & épices des comptes des domaines : mais cet édit n'a pas été par-tout pleinement exécuté. L'édit N n ri 466 E N G d'o&obre 170$ a ordonné que les enga- giftes rembourferoienr les charges locales , telles que le paiement des fiefs & aumônes ; à l'effet de quoi il efr. obligé d'en remettre le fonds au receveur des domaines & bois, lequel rapporte au jugement de fon compte les pièces jufrificatives de l'acquittement deldites charges. Loyfeau , en fon traite' des offices } & Chopin en fon traité du domaine, ont parlé des engagemens ; mais quoique ces auteurs aient dit d'excellentes chofes , il faut pren- dre garde que leurs principes ne font pas Toujours conformes au dernier état de la jurifprudence fur cette matière. On peut aufli voir ce que Guyot en a dit en ion traité des fiefs y tome VI y & en Ççs obfervations fur les droits honorifi- ques. Vcye\ Domaine. (A) Engagement, f. m. (Hift. mod.) nom donné aux vœux des anciens chevaliers dans leurs entreprifes d'armes. Je n'en dirai qu'un mot d'après M. de Sainte - Palaye , & feulement pour crayonner une des plus Cngulieres extravagances dont l'homme foit capable. Les chevaliers qui formoient des entre- prifes d'armes , foit courtoifes , foit à outrance, c'efî-à-dire , meurtrières , char- geoient leurs armes de chaînes , ou d'au- tres marques attachées par la main des dames, qui leur accordoient fouvent un baifer , moitié oui , moitié non , comme celui que Saintré obtint de la fienne. Cette chaîne ou ce figne , quel qu*il fût, qu'ils ne quittoient plus, étoit le gage de l'entreprife dont ils juroient l'exécution , quelquefois même à genoux , fur les Evan- giles. Ils fe préparaient enfuite à cette exécution par des abftinences, & par des actes de piété qui fe faifoient dans une e*glife où ils fe confefïbient , & dans la- quelle ils dévoient envoyer au retour , tan- tôt lesarmes qui les avoient fait triompher , tantôt celles qu'ils avoient remportées fur leurs ennemis. On pourroit faire remonter l'origine de ces- efpeces d'enchaînemens jufqu'au temps de Tacite , qui rapporte quelque chofe de femblable des Caftes dans fes mœurs des Germains. Je crois pourtant qu'il yaut mieux la borner à des {iecles ENG poftérieurs , où les débiteurs infolvables devenant efclaves de leurs créanciers , & proprement efclaves de leur parole, comme nous nous exprimons , portoient des chaînes de même que les autres fèrfs , avec cette feule diftinâion , qu'au lieu de fers ils n'avoient qu'un anneau de fer au bras. Les pénitens , dans les pèlerinages auxquels ils fe vouoient , également débiteurs en- vers Péglifè, portèrent aufli des chaînes pour marque de leur efclavage ; & c'efl de là fans doute que nos chevaliers en avoient pris de pareilles , pour acquitter ce vœu qu'ils faifoient d'accomplir leurs entreprifes d'armes. Ces entreprifes une fois attachées fur l'ar- mure d'un chevalier , il ne pouvoit plus fe décharger de ce poids qu'au bout d'une- ou de plufieurs années , fuivant les condi- tions du vœu, à moins qu'il n'eût trouvé quelque chevalier qui , s'offrant de faire arme contre lui , le délivrât en lui levant fon emprife , c'eft-à-dire , en lui ôtant les chaînes ou autres marques qui en tenoient lieu, telles que des pièces différentes d'une armure,, des vifieres de heaumes , des. gardes-bras, des rondelles , &c -Vous trouverez dans Olivier de la Mar- che y les formalités qui s'obfervoient pour- lever ces entreprifes, & les engagemens des chevaliers. On croit lire des contes arabes, en lifant l'hiftoire de cet étrange fanatifme des nobles , qui régna fi long-temps dans* le midi de l'Europe , & qui n'a ceflé dans, un royaume voifin, que par le ridicule - dont le couvrit un nom?r,e de lettres ,. Michel Cervantes Saavedra, lorfqu'il mit au jour , en 1605 , fon incomparable ro- man de dom Quichote. Voye\ EcUYER,, CHEVALIER, àcles mémoires deM. de Sainte-Palaye , dans le recueil de V acadé- mie des Belles-Lettres. Article deM. le chevalier de Jauco ur t. Engagement, c'eft dans Y An mili- taire, un acte que figne un particulier , par ; lequel il s'engage pour fervir dans les trou- pes, en qualité defoldat ou de cavalier. Tout- engagement doit être au moins defix ans y à: peine de caffation contre les officiers qui en auront fait pour un moindre temps.. Voyei DÉSERTEUR. ( Q ) ENGAÇE&ENX p'UN Matxlot i E N G (Marine) c'efl: la convention qu'il fait avec le capitaine , ou le maître d'un navire , pour le cours du voyage. (Z) Engagement des Marchandi- ses , {Comm.) eu1 une efpece de commerce ou de négociation très-commune à Amster- dam , & qui fe fait ordinairement lorfque Je prix des marchandifes diminue consi- dérablement , ou qu'il y a apparence qu'il augmentera de beaucoup dans peu. Dans ces deux cas , les marchands qui ont befoin d'argent comptant , & qui cependant veu- lent éviter une perte certaine, en donnant ■à trop bas prix ce qui leur a coûté fort crier , ou s'affurer du grain qu'ils efperent de l'augmentation de leurs denrées , ont recours à V engagement de leurs marchan- difes qui fe fait en la manière fuivante. Le marchand qui veut les engager , s'adrefîe à un courtier , & lui en donne une note. On convient de l'intérêt , qui eft ordinairement depuis trois ou trois & demi , jufqu'à fix pour cent par an , félon l'abondance ou la rareté de l'argent ; on règle ce qu'il en doit coûter pour le ma- gasinage , &c. L'accord fait , le courtier en écrit l'obligation fur un fceau , c'eft-à-dire , fur un papier fcellé du fceau de l'état , à peu près comme ce que nous appelions du papier timbre y dans une forme à peu près femblable à la fuivante , que Jean- Pierre Ricard , dans fon traité du Négoce d'Amfierdam , donne comme une formule de ces fortes Rengagement , & dans laquelle il fupporte que les marchandifes engagées font huit mille livres de café , valant lors de l'engagement vingt fous la livre , qu'on engage fur le pié de vingt-cinq fous la livre , pour fix mois , à raifon de quatre pour cent d'intérêt par an, & à trois fous par balle par mois de magafinage. Formule d'un engagement de marchandifes. « Je fouffigné , confefïê par la préfente , » devoir loyalement à M. NN la 9* fomme de dix mjlle florins , argent cou- n rant , pour argent comptant reçu de lui » à ma fatisfadion ; laquelle fomme de >y dix mille florins je promets payer en » argent-courant, dans fix mois après la date tt de la préfente , franc & quitte de tous E N G 467 » frais audit Sieur NN ou au porteur » de la préfenre, avec intérêt d'icelle , à V» raifon de quatre pour cent par an ; & » en cas de prolongation , juf qu'au paie- » ment effectif du capital & de l'intérêt, » engageant pour cet effet ma perfonne & n tous mes biens, fans exception d'aucun, « les foumettant à tous juges & droits. » En foi de quoi j'ai figné la préfente de » ma propre main. A Amflerdam , le 2 a novembre 1718. J. P. R. On ajoute enfuite : f> Et pour plus grande affurance du con- r> tenu ci-defïus , j'ai délivré & remis au n pouvoir dudit Sieur NN comme un » gage volontaire , feize balles de café , » marquées /. P. R. de numéro 1 à 16 , a pefant huit mille livres ou environ , def- » quels je le rends & fais maître dès à pré- » fent, l'autorifant de les vendre & faire n vendre comme il trouvera à propos , » même fans en demander aucune permifc a fion en jufïice , fi je ne lui paie pas la n fufdite fomme , avec les intérêts & les » frais , au jour de l'échéance ; & au cas ». de prolongation , jufqu'à fon entier rem- » bourfement. Promettante plus de lui » payer trois fous par livre à chaque fois » que le café pourra baiffer de deux ou ft trois fous par livre , & trois- fous par fi chaque balle par mois pour le magafi- » nage , & tous autres frais qu'il pourra » faire fur lefdites balles , l'aPr-nchiflant a bien expreflement de la perte ou dom- fi mage qui pourroit arriver audit café, » foit par eau , foit par feu , par vol , ou a par quelqu'autre accident prévu ou im- f> prévu. A Amfterdam , ce 2. novembre » 1718. J.P.R.» Quand l'intérêt efl trop haut , comme de fix pour cent par an , on fe garde bien de le fpécifier dans l'obligation , parce qu'il eft ufuraire ; mais on met qu'il fera payé à un demi par mois , ce qui revient au même , mais qu'on tolère , parce que l'em- prunteur eft cenfé pouvoir retirer fa mar- chandife tous les mois. Si un emprunteur veut retirer fa mar- chandife avant le terme ftipulé , il n'en paie pas moins l'intérêt convenu pour tout le temps , parce qu'en ce cas on fuppofe Nnn 2 -v ENG qu'il trouve fur fa marchandife un béné- fice confidérable qui fuffit pour payer l'in- teret. Si l'on convient d'une prolongation , on en fait mention au bas de l'obligation. Enfin file prêteur, après avoir averti l'em- prunteur , veut avoir fon argent a terme , & que celui-ci ne paie pas , les marchan- difes peuvent être vendues par autorité de juftice, en faveur du premier, jufqu'à con- currence du rembourfement de la fomme prêtée & des intérêts , l'excédant du prix qu'on en retire tournant au profit de celui qui a engagé la marchandife. Dictionnaire de Comm. de Trévoux yÙ de Chambers. (G) ENGAGEMENT , en fait Refcrime , c'eft l'effort réciproque des deux épées qui fe touchent. Il y a engagement , lorfqu'un efcrimeur pl?ce le fort ou le talon de fon épée fur le foible de celle de fon ennemi , & la force de façon qu'il ne peut plus la détourner. ENGAGER, verbe ad. mettre en gage. ( Commerce. ) ENGAGER , (Comm.) fignifieauffi dif- pofer d'une chofe : foi engagé mes fonds. ENGAGER , {Cemm.) joint au pronom perfonnel ou réciproque/^ y veut quelque- fois dire s endetter y quelquefois entrer dans une affaire y dans une fociété y d'autres fois cautionner quelqrfun , & fouvent prendre parti avec un maître. Dans toutes ces fignifications , on dit en termes de commerce y qu'un marchand s'eft engagé de tous cotés , qu'on s'engage dans une entreprife , qu'un jeune homme s'eft engagé en qualité d'écrivain avec la com- pagnie des Indes , qu'un tel s'eft engagé de dix mille écus pour tirer fon afTocié d'affaire , qu'un compagnon s'eft engagé chez un maître pour tel temps & à telles conditions. Diclionn. de Comm. de Tré- voux y & de Chambers. (G) ENGAGER, (Efcrime.) c'eft faire tou- cher fon épée à celle de l'ennemi. On dit engage^ quarte & tire\ quarte y ou engage^ quarte & tire\ tierce ; &c. On entend au AI par engager , faifir du fort ou du talon de (on épée le foible de celle de l'ennemi , de manière qu'il ne puiffe plus détourner l'épée de fon adverfaire de fa direction . Voye\ Engagement. ENG ENGAGISTE, {Jurifprud.) eft celuî qui jouit d'un bien à titre Rengagement : il y a deux fortes Rengagifies. Les uns qui jouifTent d'un bien par forme d'antichrefe pour fureté de leurs créances. Les autres font ceux qui jouifTent d'un domaine de la couronne à titre Rengage- ment. Uengagifie qui jouit à titre R antichrefe 9 peut retenir le fonds qui lui a été engagé jufqu'a ce que le débiteur lui ait payé tou- tes les fommes qu'il lui doit , même au delà du prix de l'engagement. Aucune vente , foit pure & fimple , ou à faculté de rachat , ou Amplement des fruits , ne peut préjudicier au droit acquis antérieurement à Yengagifie. Suivant le droit romain, Yengagifie peut ftipuler qu'il retiendra les fruits de l'héri- tage, pour lui tenir lieu des intérêts de fès créances , ce qui s'oblerve au parle- ment de Touloufe; mais au parlement de Paris cela n'eft jamais permis, à moins que les fruits de l'héritage ne fufTent fixes & certains ; comme fi c'eft une rente en argent , auquel cas Yengagifie feroit tenu d'imputer l'excédant , s'il y en a , fur le principal. Ce ne font pas feulement les fruits perçus par Yengagifie dont il doit rendre compte , mais auili ceux qu'il a pu per- cevoir. Il eft de fon devoir de jouir comme un bon père de famille , & par conféquent de faire toutes les réparations: mais auffi en cas de rachat , il eft en droit de répéter toutes les dépenfes utiles & nécefîaires qu'il a faites à la chofe engagée ; & jufqu'à ce qu'il en foit rembourié , il peut retenir le bien engagé. A l'égard des dépenfes voluptuaires , il ne peut les répé- ter , à moins qu'il ne les eût faites de l'ordre du débiteur. Les cas fortuits ne font pas à la charge de Pengagifte , niji culpa cafum prœcejjït. Uengagifie ne peut par aucun temps prefcrire le fonds contre le débiteur , à moins que l'engagement ne fût coloré du nom de vente d faculté de rachat 3 auquel cas il pourroit prefcrire par trente ans. Il peut aufli , par une jouifîance de trente ans, prefcrire l'hypothèque contre E N G les créanciers antérieurs de Ton débi- teur. S'il vend , comme propriétaire , le bien à lui engagé , le tiers-acquéreur pourra prefcrirede Ton chef, n'ayant pas fuccédé à Ton vendeur à titre d'engagement. Les créanciers , l'oit antérieurs ou poflé- rieurs à l'engagement, ne peuvent faire faifir fur Yengagifle les fruits du fonds engagé par leur débiteur ; ils ne peuvent s'en prendre qu'au fonds par la voie de la faifie réelle. Tant que Yengagifle n'a pas encore pref- crit l'hypothèque , le créancier antérieur peut agir directement fur le fonds enga- gé , fans erre obligé de difeuter les autres biens du débiteur ; mais les créanciers pos- térieurs au contrat d'engagement ne peu- vent dépolféder Yengagifle qu'en le rem- bourfant de fon principal , frais & loyaux- coûts. Pour favoir quel peut être l'effet du ; pacte commhToire à l'égard de Yengagifle } 'l'oyei Pacte commissoire. y°ye\ff- depignorat. act. Ù de pign. & hypoth. lib. I. & cod. etiam ob chirograph. pecun.pign. retin.pojf. De'cif. deFromen- tal , au mot Engagement. {A) Engagiste du Domaine, efl celui qui tient à titre d'engagement , c'efl-à- dire , fous faculté perpétuelle de rachat , quelque portion du domaine de la cou- ronne. Lorfque le domaine , ainfi aliéné , efl tenu & cédé en fief, celui qui en jouit efl ordinairement qualifié defeigneur-engagiflef ou engagifle iimplement ; mais quand le domaine efl cédé en roture , le pofTefïeur ne peut prendre d'autre titre que celui d' en- gagifle. Voye\ , ci-devant , ENGAGE- MENT du Domaine. {A) ENGALADE, f. m. {Teinture.) c'efl l'action de teindre ou de préparer une étoffe avec la noix de gale , ou le rodoul , ou le fonic. On donne cet apprêt aux étoffes qui doivent être mifes en noir ; il confïfle à les faire bouillir dans une décoc- tion de ces ingrédiens ; on ule enfuite de la couperofe. On éprouve Yengalade par le débouilli. ENGASTREMITHE,£2VG^ & ^.D-}©- parole. Les Latins diient , par la même rai- fon , ventriloquus , quafiex ventre loquens. Voye\ Ventriloques. Les philofophes anciens font fort divifes fur le fujet des engaflremith.es ; Hippocrate parle de leur état comme d'une maladie. D'autres prétendent que c'efl une efpece de divination , & en donnent l'origine & la première invention à un certain Euriclus dont perfonne n'a jamais rien fu ; d'autres l'attribuent à l'opération ou à la poffeffion d'un efprit malin , & d'autres à l'art & au méchanifme. Les plus fameux engaflremithes ont été les pythies ou les prêtrefles d'Apollon , qui rendoient les oracles de l'intérieur de leur poitrine , fans proférer une parole , fans remuer la bouche ou les lèvres. Voyez^ Pythie. S. Chryfofrome & (Ecumenius foifc exprefTément mention de certains hommes divins que les Grecs appelloient engaflri- mandri , dont les ventres prophétiques rendoient des oracles. Voye\ Oracle. M. Scott, bibliothécaire du roi dePrufîê, foutient , dans une difTertation qu'il a faite fur l'apothéofe d'Homère , que les engaflre- mi thés des anciens n'etoient autre chofè que des poètes , qui , lorfque les prê trèfles ne pouvoient parler en vers , fuppléoient à leur défaut , en expliquant ou rendant en vers ce qu'Apollon difoit dans la cavité du baflin qui étoit placé fur le facré trépié. Voyez Trépié. Léon Allatius a fait un traité exprès fur les engaflremithes , qui a pour titre de en- gaftremitis fyntagma. Die!, de Trévoux Ù Chambers. Il efl très-vraifemblable que les prétendus ventriloques n'etoient que des fourbes ; parce que le méchanifme de la voix ne comporte pas que l'on puifTe prononcer des paroles , fans que l'air , qui efl modifié pour en produire le fon , forte par la bou- che & par le nez , fur-tout par la première 47° E N G de ces deux voies : d'ailleurs , en fuppofant même qu'il y ait moyen déparier en retirant l'air dans les poumons , le Ion retentiroit dans la poitrine & non pas dans le ventre , ainli ceux qui produiraient cette voix arti- fîcieule , feraient improprement nommés ventriloques , parce qu'il ne pourrait jamais ?fe faire qu'ils panifient parler du ventre. Voye\ Voix. On pourrait donner le nom cYengaflre- mithe ou ventriloque auxenfans que quel- ques auteurs prétendent avoir fait des cris dans le ventre de leurs mères. On trouve parmi les obfervations fur la phyfique générale {vol. II) , un extrait du journal des favans {répub. des lettres , août i 686 ', tom. VII) ; dans lequel on attelle un fait de cette efpece , & on ajoute que , quelque extraordinaire que foit ce phé- nomène , on en lit plufieurs exemples dans le livre intitulé, Medicina feptentrionalis çollatitia. Mais ces prétendus faits font-ils croya- bles, dès que l'on efl bien allure que l'en- fant ne refpire point & ne peut refpirer .dans la matrice , où il eft toujours plongé dens l'eau de l'amnios , fans autre air que celui qui efl réfolu en fes élémens dans la fubflance du fluide aqueux , qui n'a par conféquent aucune des propriétés nécefîâi- res pour produire des fons? Si la chofe .dont il s'agit efl jamais arrivée, ce ne peut être qu'après l'écoulement de cette eau & ia communication établie de l'intérieur des membranes avec l'atmofphere , de manière que l'air ait pu pénétrer en mafTe jufque dans les poumons de l'enfant , & le faire refpirer avant qu'il foit forti de la matri- ce : mais , dans ce cas , il faut qu'il en ibrte bientôt pour furvivre : autrement les membranes flottantes, venant à s'appli- quer à fa bouche & à fon nez , pour- raient le fuffoquer avant qu'il fut forti du ventre de fa mère. Voye\ RESPIRATION, Fxetus. (d) ENGEL, (Dodmafl.) poids fidif ufité en Angleterre. Voye\ Poids. ENGELURE, f. f. (Médecine.) eu une efpece d'enflure inflammatoire qui fùrvient en hiver , & qui affecte particu- lièrement les talons , les doigts des pies $c des mains j &, dans les pays bien. E N G froids , le bout du nez même & les lobe* des oreilles. Les Grecs appellent cette ma- ladie xil!J-*K0V ? de £*¥** hyems ; les Latins pernio. Les François lui donnent le nom de mule y lorfqu'ellë a fon fiege au talon. La caufe prochaine de cette maladie efl , comme celle de l'inflammation en général , l'empêchement du cours libre des fluides dans les vaifîèaux de ces parties : cet em- pêchement efl, dans les engelures, Y effet du iroid , qui reflèrre les folides & qui con- denfè les fluides. Quoique la chaleur du corps humain en famé furpafiè celle de l'air qui l'environne , même pendant les plus grandes chaleurs de l'été , félon ce que prouvent les expériences faites à ce fujet par le moyen du thermomètre , & qu'il faille par conféquent , pour que' les parties de notre corps foient engourdies par le froid , qu'il foit bien violent ; cependant comme le mouvement des humeurs & conféquemment la chaleur, efl moins confidérable , tout étant égal dans les extrémités , dans les parties qui font le plus éloignées du cœur que dans les autres , il s'enfuit que ces parties doivent être à proportion plus fufceptibles de ref- fentir les effets du froid ; les vaifîèaux ren- dus moins flexibles par cette caufe , agifîènt moins fur le fang , qui n'efl fluide que par l'agitation qu'il éprouve de l'action des folides ; & celle-ci étant diminuée , il s'épaiflît & circule avec peine : d'ailleurs , les parties aqueufes qui lui fervent de véhicule , fe figent & fe gèlent , pour ainfl dire , par l'abfence des particules ignées , & peut-être auffi par la pénétration des par- ticules frigorifiques qui remplifîènt leurs pores , & leur font perdre la mobilité qui leur efl ordinaire , d'où réfùlte une caufe fuffifànte d'inflammation. Voye\ FROID , Glace. Le tempérament pituiteux , les hu- meurs naturellement épaifîès , la pléthore , le peu de foin à fe garantir des rigueurs de l'hiver par les vêtemens & autres moyens , le pafîâge fréquent du chaud au froid , font les caufes qui difpofènc aux engelures-, les enfans & les jeunes perfonnes y font plus fujets que les au- tres , à caufe de la vifeofité dominante dans EN G îeurs'fluides , & de la débilité de leurs (6- lides. La pâleur des parties mentionnées , fui- vie de chaleur y de démangeaifon , de cuiflbn même , qui font très-incommodes ; la rougeur & la tenfion qui accompagnent cette affection , qui n'a lieu qu'en temps froid, ne laiffe aucun doute fur la nature & caufe du mal. Les engelures n'expofent ordinairement à aucun danger , cependant , fi on n'y apporte promptement remède , elles de- viennent difficiles à guérir ; elles exulcerent fouvent les parties où elles ont leur fiege ; elles peuvent même attirer la fuppuration , la gangrené & le fphacele , que l'on voit fouvent , dans les pays du nord , furvenir en très-peu de tempsj; & la corruption fait des progrès fi rapides , qu'elles tombent & fe détachent entièrement ; enforte que les effets du froid fur le corps humain , dans ces cas , font prefque femblables à ceux du feu actuel qui les détruit fubite- ment. Les engelures de cette malignité font très-rares dans ces climats : celles qui fe voient ordinairement , qu'elles foient ulcé- rées ou non ulcérées , difpofent les parties à en être affectées tous les hivers; ou plutôt les perfonnes qui en ont été attaquées par une difpôfition des humeurs , y deviennent fujettes pendant prefque foute leur vie , lorfque cette caufe prédifponente fubfifle toujours. Tous ceux qui font dans ce cas ne doi- vent donc pas moins chercher à fe préfèr- ver de cette incommodité , qu'à s'en guérir lorfqu'elle a lieu : dans cette vue on" doit s'expofer le moins qu'il eft. poflible au froid , & s'en garantir, pour ce qui regarde les pies , par de bons chauffons de lin ou de laine humectés d'efprit de vin ; on peut aufîi en porter de peaux de lièvre ou autres femblables^ on peut encore ap- pliquer fur les parties un emplâtre defenfif tel que celui de diapalme , auquel on joint le bol , l'huile rofat & le vinaigre; Turner- dit s'en erre bien trouvé pour lui-» même. On doit obferver de ne pas fe préfenter tout à coup à un grand feu , lorfqu'on fé fent les extrémités affectées d'un grand froid , parce.qu'on met trop, tôt en mou- E N G 471 vement les humeurs condenfées , qui , ne pouvant pas couler librement dans leurs vaiffeaux , les engorgent davantage , cau- fent des douleurs violentes , & accélè- rent par-là l'inflammation & quelquefois la mortification. Il eft convenable , dans ce cas , de ne réchauffer les parties froides que par degrés , de les laver pour cet effet dans de l'eau tiède , pour relâcher les folides , ouvrir les pores, détremper les fluides, On eft'dans l'ufage , parmi les habitans des pays feptentrionaux , lorfqn'ils viennent de s'expofer au froid, de ne pas entrer dans les étuves qu'on ne fe foit frotté les pies , les mains , le vifage & les oreilles avec de la neige ; cette pratique , qui pafïê pour un fur préfervatif contre les engelures, fèmbleroit confirmer l'opinion des phyfi- ciens , qui attribuent la gelée à quelque* chofe de plus que l'abfence ou la diminu-- f.on des particules ignées; favoir ,à des cor-- pufcules aigus, qui pénètrent les fluides & fixent le mouvement de raréfaction qui" établit leur liquidité. La neige, employée dans ce cas , ne femble pouvoir produire d'autre effet que d'attirer au dehors ces aiguillons frigorifiques. Voye\{\xx cela ce qu'en dit le baron Wanfwieten , dans fon^ commentaire fur des aphorifmes de Boer- haave, dans le chapitre de la gangrené : on^ trouve aufîi dans les œuvres de Guillaume* Fabrice, prax. lib. v,part. /, de très-belles : obfervationsà cefujet, qu'il feroit trop long de rapporter ici- Pour ce qui eft de la curation des en-- gelures, lorfqu'elles font formées, & que la peau n'eft cependant ni ulcérée ni ou-- verte , la première attention qu'on doit avoir eft d'employer les remèdes convena- bles pour réfoudre ou donner iffue , par les voies dej la tranfpiration à l'humeur arrêtée : on fe fert pour cet effet d'une fomentation appropriée, appliquée fur la? partie affectée avec des morceaux de fla- nelle. Quelques auteurs confèillent la fau-- mure de bœuf ou de cochon , ou l'eau: faiée Amplement , le jus ou la décoction- de navets, qu'ils regardent" prefque comme un fpécifique contre le mal dont il s'agit. La pulpe de rave, cuite fous la braife & aPRU(iyée chaudement j produit le même 47* ENG effet que le remède précédent : l'huile de pétrole , dont on frotte la partie malade , peut fervir auffi de remède , tant pour pré- ierver que pour guérir : l'encens formé en liniment avec la graiffe de porc , efl auili tort recommandé. Lorfqueles engelures viennent à s'ouvrir, s'ulcérer , on doit les panier avec l'onguent pompholix ou l'onguent blanc de Rhalis : mais , de quelque remède qu'on fe ferve dans ce cas, il y a certaines engelures ( fur- tout celles des enfans qui ne peuvent s'em- pêcher de marcher* de courir,) qui ne peuvent être guéries avant le retour de la faifon où la chaleur commence à le faire fentir. Si la gangrené fuccede à l' exulcération , elle doit être traitée félon les règles pref- crites dans les cas de gangrené en général. Voyei Gangrené. Si elle furvient fubitement après que V engelure efl formée , & qu'elle foit conii- dérable , le commentateur de Boerhaave ci-defTus cité recommande très-fort de ne pas fe preffer d'employer des remèdes fpiri- rueux, qui rendroient le mal plus confî- dérable en hâtant le fphacele : toujours fondé fur l'expérience des peuples du Nord , il confeille de frotter la partie gangrenée avec de la neige , ou de la plonger dans l'eau froide pour en tirer les corpufcules frigo- rifiques , & d'employer enfuite les moyens propres à rétablir la circulation des humeurs & la chaleur dans la partie affectée , tels que les frictions douces , les fomentations avec le lait dans lequel on ait fait une dé- coction de plantes aromatiques , & de faire ufer enfuite au malade , tenu chaudement dans le lit , de quelques légers fudorifi- ques , tels que l'infufion du bois fafîàfras prife en grande quantité , &c. Voye\ Sen- nert , Turner fur les autres différens re- mèdes qui peuvent convenir dans cette ma- ladie, (d) ENGEN , (GéogrSmod.) ville de Suabe, en Allemagne; elle appartient au comte de Furfkmberg : elle efl fituée fur un ruiffeau. ENGENCEMENT , f. m. en Peinture, fe dit des draperies ou autres ajuftemens , ou d'un afïèmblage d'objets qui fe trou- vent rarement réunis , & dont la compo- E NG fîtion efl à la fois finguliere & piquante.' On dit : ces choies font belles , finguliére- ment engence'es ; Yengencement des drape- ries , des draperies bien engence'es , fingu- liérement engence'es. (R) ENGENDRER , v. ad. ( Phyfiq.) dé- figne l'action de produire fon femblable par voie de génération. V. GÉNÉRATION. Ce terme s'applique auffi à d'autres pro- ductions de la nature ; c'efl ainfi qu'on dit que les météores font engendrés dans la moyenne région de l'air. V. MÉTÉORES , &c. Voyez auffi CORRUPTION. En Géométrie , on fe fert du mot en- gendré , pour défigner une ligne produite par le mouvement d'un point , une fur- face produite par le mouvement d'une ligne, un folide produit par le mouvement d'une furface , ou bien encore pour défigner une ligne courbe produite dans une furface courbe par la fection d'un plan. Ainfi on dit que les fections coniques font engendrées dans le cône. Voye\ CONIQUES & GÉNÉ- RATION. On dit auffi qu'une courbe eft engen- drée par le développement d'une autre. Voy. Développée. On apropofé à cette occafîon de trouver les courbes qui s engen- drent elles-mêmes par leur développement. Voici une folution bien limple de ce pro- blême. i°. Soit que la courbe développée s'engendre elle-même dans une fituation directe ou dans une fituation renverfée-, il efl évident que la développée de la dé- veloppée fera précifément fituée delà même manière que la développante. 2°. Le petit côté de la développante fera parallèle au petit côté qui lui correipond dans la déve- loppée de la développée (que j'appelle/owj-- dévcloppée; ) une figure très-iimple peutai- fémertt le faire voir. Donc , puifque la dé- veloppante & la fous-développée font fem- blables & égales ( hyp. ) , & qu'putre cela leurs petits côtés correfpondans font paral- lèles , il efl aifë d'en conclure que ces petits côtés font égaux ; or , nommant d s le petit côté de la développante ou. courbe cherchée , & R le rayon de la développée y il efl aifé de voir que le rayon ofculateur de cette développée fera -f- jt j lavoir — fi la courbe fe développe dans une fituation E N G fituation renverfée , & + fi elle fe déve- loppe dans une firuatîon directe. Donc, puilque le petit côte de la fous-développée eft égal à d s , & que ce petit côté eft égal à la différence du rayon ofculateur , on aura a {+RdJ) = ds,ik+RdR-==sds + ad s , &c + R R=s s + ias^bh; c'eft i équation générale des courbes qui s1 en- gendrent elles-mêmes par leur développe- ment. Voye^ le refie au mot OSCULA- TEUR. Si l'on vouloit que la courbe généra- trice fut non pas égale , mais femblable à la courbe engendrée , en ce cas la différence 4- ■ Rd R devroit être en raifon cons- tante avec ds. Cela fe prouve comme dans le cas précédent. On aura donc ZL R R = m**-{-cs+F. (O) t ENGERAGARIA, (Geogr.) petite ville d'Allemagne , dans le cercle de Weftpha- lie , & dans le comté de Ravensberg , qui appartient au roi de Pruffe. Elle eft fort ancienne , & la tradition porte que Wit- tikind le Grand y faifoir fa réfidence ordi- naire. L'on prétend aufïï favoir que Mat- thilde , douairière de Henri l'Oifeleur , en aimoit le iejour. Ce qu'il y a de vrai , c'eft que dans fon églife paroiiliale , fe voit un monument élevé par l'empereur Charles IV, l'an 1377 , à la mémoire de Wittikind , dont les 05 .d'ailleurs font dépofés dans l'églife de S. Jean d'Herford , & que fai- sant partie dans le XIIe. fiecledes dépouilles de Henri le Lion , mis au ban de l'em- pire , elle a palTé dès-lors en di ver [es mains qui l'ont affez maltraitée , n'ayant plus au- jourd'hui le château , les murs & les folles qu'elle avoit autrefois. Elle eft cependant encore le chef-lieu d'un affez grand bail- liage. ( D.G.) ENGERBER , v. ad. ( Agricult. ) il ie dit du blé après avoir été moiffonné ; c'eft mettre les javelles en gerbe : il fe dit aufli des muids ou tonneaux vuides ; les engerber , c'eft les mettre les uns fur les autres , comme on voit les gerbes dans une grange. ENGHIEN ou ANGUIN , ( Géogr. ) ville du comté de Hainaut , dans les Pays- Bas. Long, zi , .40 i latit. AO , 40. Tome XII. E N G 473 ENGIA , ( Géogr. mod. ) ville de Grèce , fituée dans une île de même nom. Cette île a cinq lieues de long fur trois lieues de large. Il y a le golfe d'Angia. Long. 41 y 44 ; lat. 57 , 45. ENGIN , f. m. ( Méchaniq. ) machine compofée , dans laquelle il en entre plufieurs autres {impies , comme des roues , des vis, des leviers , &c. combinés enfemble , & qui fert A enlever , à lancer , ou à foutenir un poids , ou à produire quelqu'autre effet confidérable , en épargnant ou du temps ou de la force. Voye\ MACHINE. Il y a des engins d'une infinité de fortes : les uns font propres à la guerre , comme autrefois les balliftes , les catapultes , les feorpions , les béliers , Ùc. Ces machines étoient fort en ufage parmi les anciens , Se elles avoient beaucoup de force ; on ne s'en fert plus aujourd'hui depuis l'invention de la poudre. D'autres lèrvent dans les arts , comme des moulins , des grues , des pre£- foirs. Voye\ MOULIN , ROUE , PRES- SOIR , Pompe , ùc. Le mot d'engin n'eft plus guère en ufage ,' du moins dans le fens qu'on vient de lui donner , c'eft-à-dire , de machine com- pofée ; celui de machine tout court a pris fa place , & on ne fe fert guère du mot.engin que pour défigner des machines fimples ? comme le levier , encore s'en fert-on rare- ment. ( O ) ENGIN , ( Arts méchaniq. ) il fe dit en général de toute machine qui fert à enle- ver , à porter , à traîner. En Pêche y il fe dit de toutes fortes de filets. En ChaJJe , il fe dit de l'équipage nécef- faire en filets & autres outils pour la prifè de quelques oifeaux. Dans les Mines , il fe dit de toutes les machines employées à vuider les eaux , à enlever les matières hors de la mine , &c. Voye\ V article ARDOISE. ENGIN , en Architecture , machine en triangle , compofée d'un arbre foutenu de fès arcs-boutans , & potence d'un faucon- neau par le haut , laquelle par le moyen d'un treuil à bras qui dévide un cable , en- levé les fardeaux. Le gruau n'eft différent de V engin , que par fa pièce de bois d'en haut appellée gruau , qui eft pofée en ram- Ooo 474 ENG pant pouf avoir plus, de volée. Voici les pièces de Y engin. i°. La folle. 2°. La fourchette. 3°. Le poinçon. 4°. La jambette. 5°. Les moifes. 6°. Le treuil ou tour. 7°. Les bras. 8°. Le ranchet ou efcalier. 9°. Les ranches ou chevilles. io°. La fellette. n°. Les liens 12°. Le fauconneau ou étourneau. 130. Les poulies. 14.0; Le chable. 15°. Pièce de bois à monter. 160. Le hallement. 170. Lever- boquet. Voye\ les figures de la.Pl. du Char- pentier. Voye\ Grue , &c. ENGIN, e_n terme d'Aiguillier Ù de Clou- tier d'épingle ; il fe dit d'une planche cou- verte de clous d'épingles plus ou moins forts, & plantés de diftance en diftance, entre les- quels on tire le fil de fer pour le redreifer. Voye\ Tirer. ENGISOME, f.m. ( Chirurgie) efpece de fradure du crâne , dans laquelle l'une. des deux extrémités de l'os fracturé avance intérieurement lur la dure-mere , & l'autre extrémité s'élève extérieurement faifant le pont-levis. Dans ce cas , fi l'on a pu avec des pincettes convenables faire l'extra&ion de la pièce d'os , on traite le trépan acci- dentel comme s'il étoit artificiel , ayant foin d'emporter avec le couteau lenticulaire toutes les inégalités contre leiquelles la dure-mere pourroit heurter dans les mouvemens que le cerveau lui imprime : fi au contraire la portion d'os engagée fous le crâne y & pref- fànt la dure-mere, formoit une embarrure , il faudroit appliquer une couronne de tré- pan , & même en multiplier l'application, s'il étoit néceifaire , pour dégager cette pièce d'os & en permettre F extraction. Voye\ Embarrure ù Trépan. {Y) ENGLANTÉ ,.adj. enfermes deBlafon, fe dit d'un écu chargé d'un chêne , dont le gland eft d'un autre émail que l'arbre. Mitîirinen en Bretagne , d'argent au chêne de fynople englamé d'or , au canton dextre de gueules . chargé de deux haches d'armes adoflees d'argent. ENGLECERIE , f. f. (; fftft. );terme fort fignificatif chez les anciens Ànglois , quoi- qu'à préfènt il ne foit guère en ufage : il fignifioit proprement laqualité qu'un homme «voit d'être Ànglois. Autrefois quand un homme étoit tué ou afTaffiné en fecret r on le lèputoit francigent E N G ( ce qui comprenoit toutes fortes d'étrangers,. & particulièrement les Danois ) ; cette im- putation fubfiftoit jufqu'à ce que l'on eût prouvé fon englecerie , c'eft- à-dire , jufqu'à. ce que l'on eût démontré qu'il étoit naturel Anglois. Voici l'origine de cette coutume. Le roi Canut ayant conquis l'Angleterre , renvoya, à la requête des nobles , fon armée en Dane- marck , & ne réferva qu'une garde de Danois pour fa perfonne : il fit une loi qui portoit que fi un Anglois tuoit un Danois , on lui feroit fon procès comme à un meurtrier ; ou s'il arrivoir que le meurtrier prît la fuite , le village où le feroit commis le meurtre feroit obligé de payer à l'échiquier 66 marcs. Sui- vant cette loi , toutes les fois qu'il fe cora- mettoit quelque meurtre, il falloit prouver que l'homme afîàiïiné étoit Anglois , afin que le village ne lût pas chargé de l'amende des 66 marcs. Chambers. (G) ENGONASIS ,. en Afironomie , eft le nom qu'on donne à Hercule , l'une des-, confteliations boréales.. Voyex HERCULE». (O) ENGORGEMENT , f. m. fe dit, en- Médecine, des vaifTeaux du corps humain remplis , dif rendus par des fluides trop abon- dans ou trop épais pour pouvoir y couler avec facilité. V engorgement a lieu dans toute forte d'obitruclions. Voye-{ OBSTRUC- TION., (d) Engorgement , (Jardinage) fe dit- quand il fe fait des obftrudions dans la- nourriture d'un arbre par lurabondance: d'humeurs; alors la fève s'engorge, elle s'arrête , & eft interceptée dans fon cours , . (oit par quelque vice qui lui eft particulier ,, foit par trop de plénitude dans les conduits ; ce qui arrive quand on ne coupe point par derrière la ligature de la greffe. Cet acci- dent caufe alors un engorgement , une obf— trudion , & c'eft ce qu'on appelle ftrangula- don ou étranglement, qui fait périr la greffe en peu de temps. (K) Engorgement ,(Hydr. ) fè dit d'une- conduite où il eft entré affez d'ordures pour la boucher. On y remédie en ôtant les tam- pons , les robinets, & lâchant toute l'eau, qui entraîne ces ordures. ( K ) ENGORGER , en termes et Artificiers 9. c'eft. remplir de compofition le trouvuide. E N G ou l'ame qu'on a la fiée à l'orifice d'un jet , ' ou tel autre artifice. Dici. de Trévoux. ENGOULE , adj. terme de B la/on , qui fe dit des bandes , croix , fautoirs , & autres pièces , dont les extrémités entrent dans la gueule d'un lion , d'un léopard , d'un dra- gon , &c. comme les armoiries de Gui- chenon. Il y a auffi des mufles de lions qui engoulent le calque , comme dans les an- ciennes armoiries des ducs de Savoie. Touar en Efpagne , d'azur à la bande d'or enjoulée de deux têtes de lion de même. ENGOURDISSEMENT , fubff. m. ( Médecine ) ce terme eft employé pour lignifier la diminution de la faculté d'exer- cer le fentiment attaché à toute la iurface du corps ; dans ce lens , Y engourdijjement eff particulièrement une lélion du ta& , torpor. Il peut être caufé par le froid , qui refferre tellement la peau & les houppes nerveules , que le fluide qui coule dans les nerfs des parties afFeclées , ne peut pas parvenir jufqu'à leurs extrémités , en forte que le racl fem- i>le fe faire avec Tinterpolition d'un corps étranger. U 'engourdijjement de cette efpece eft auffi quelquefois l'effet de la compreilïon àes nerfs qui le diftribuent à un membre , comme dans le cas où on eff alîîs fur une cuiffe dans une lituation gênée ; elle empê- che le cours libre. du fluide dans ces nerfs , d'où doit réfulter nécessairement le défaut , ou au moins la diminution du fentiment & même du mouvement de cette partie. C'eff par cette raifon que l'inflammation des reins caufe auffi quelquefois Y engourdijjement des cuiiîes. Si Y engourdijjement eff général , & que l'exercice du fentiment & du mouvement ne puifîe fe faire que très - imparfaitement , c'eft alors l'effet d'un vice dans le cerveau , qui diminue la diffribution du fluide ner- veux ; c'eff fouvent un avant - coureur de l'apoplexie dans les perfonnes qui n'étoient pas malades auparavant. Hippocrate , vij. coac.prceJ.Jec7. z. Voye\ APOPLEXIE. Ce peut être auffi une paralylie imparfaite. Voye\ Paralysie. V engourdijjement & la furdité qui fur- viennent dans les maladies aiguës , lbnt un très-mauvais fjgne , félon l'auteur des pré- E N G 475 fages des cos , à moins qu'ils ne foient caufés par un dépôt critique de la matière mor- bifique fur le principe des nerfs , & dans ce cas -là même, c'eff un fymptome fâ- cheux. L'engourdifîement , torpor , peut auflî être accompagné d'une forte de {èntiment douloureux , comme on l'éprouve par l'at- touchement d'un corps élaffique actuelle- ment agité par de très-promptes & très- nombreufès vibrations : l'effet que l'on attri- bue à la torpille eff auffi de cette nature „ & provient vraifemblablement 'd'une caufe approchante. Voye\ TORPILLE. Engourdissement , fe dit auffi de l'efprit , Jiupor , & dans ce fens il peut prefque fignifier la même chofe que Yanaf- taifie de Boerhaave , injiit. méd. Jymptoma- tolog. §. 8 59 ; il en eff comme le premier degré. C'elt une affection du Jenforium commune , qui le rend moins propre à re- cevoir les impreflions qui conffituent les fenlations internes , ou à les tranfmettre à l'ame les ayant reçues ; Y engourdijjement de l'efprit eff auffi un fymptome très-funeffe dans les maladies aiguës , félon Hippocrate dans les coaques, 3j4--> d'autant plus qu'elles deviennent mortelles , lans qu'on s'en ap- perçoive pour ainfi dire , le malade paroif- fant Amplement être dans un état tran- quille. Voye\ Sensation, (d) ENGRENER un cheval. ( Manège , Maréchall. ) C'eff ajouter à fa nourriture ordinaire , des alimens coniiffant dans les grains des végétaux qui lui font propres. On ne fauroit être trop circonfpect eu égard à la quantité de grains , quand il s'agit de l'entretien des poulains , du rérablifTement des chevaux qui ont été malades & qui en ont été privés pendant quelque temps , &c. Voye\ Nourriture, (e) ENGRAIS , f. m. ( Econ. rufiique. ) On comprend fous ce nom toutes les chofes qui , répandues fur la terre , fervent à la. féconder , comme font les fumiers , les terres , &c. Les engrais font en général la plus grande refîburce qu'ait l'agriculture. Ils iuppléent , jufqu'à un certain point , aux défauts des labours , & corrigent même l'intempérie des faifons. C'eff un objet de dépenfe ; mais ce qu'il en coûte eff pour le cultivateur Ooo a 47^ E N G un fonds placé au plus haut intérêt ; ufure honnête que les loix & les mœurs dcvroient encourager de concert. Quelques écrivains qui ont traité de l'a- griculture , ont paru vouloir alîoiblir la néceffité des engrais. Ils difent que les plan- tes fe nourrifTant des parties les plus déliées de la terre , il fufïit de les atténuer pour rendre celle-ci féconde. Ils ajoutent que le fumier le fait par fermentation , mais qu'on y parvient beaucoup plus fûrement par la fréquence des labours ; que la charrue brife mé-chaniquement les molécules à une plus grande profondeur & beaucoup mieux. Nous connoifTons dans toute fon étendue l'utilité des labours ; & nous favons que la divifion des molécules de la terre efl nécef- faire à fa fécondité : mais cette divifion qu'opèrent les labours, ne peut erre que momentanée ; une pluie longue & violente l'anéantit. Quelque bien labourée qu'ait été une terre , fi l'on y feme du blé fans l'avoir filmée , on la trouvera totalement affaiffée à la fin de l'hiver , & ordinairement les racines du blé feront à la fuperficie. Un entrais , par fa fermentation continuelle , l'auroit défendue de raïFaiiîèment. Il eff diffi- cile de fe perfùader qu'une divifion faite méchaniquement puiffe fournir aux plantes afléz de parties déliées pour leur nourriture. Une production continuelle doit épuifer ces parties , & les engrais en réparent l'é- puifement : on doit attendre d'autant plus iurement ce bien de ceux qu'an emploie le plus , comme font les fumiers , qu'eux- mêmes ne iont que les parties un peu alté- rées des plantes , qu'ils aident à reproduire. Ils contiennent des fels §c des huiles qui fûrement , indépendamment de leur action , concourent , avec la terre proprement dite y à la nourriture des plantes. Parmi les engrais que l'expérience a mis en ufage , il en eff dont l'effet dure un grand nombre d'années. Nous ne connoif- ibns en France que la marne qui foit de ce genre. Les Anglois ont de plus leurs glajfes , dont l'efïèt eft excellent , & que peut-être nous pourrions avoir comme eux.. Nous oiôns même a.Turer, fans avoir fait là- defTus d'expériences diredes , que le mé- lange de certaines glaifes réufliroit dans nos terres légères & chaudes, Tout mélange E N G de terres de différente nature a toujours eîî des effets fi heureux , que le fuccès de celui* là paroît démontré : il n'efl quefHon que d'éprouver fi nous avons ici , comme en Angleterre , des mines de glaife à portée des terres auxquelles elles conviendroient. L'éloignement rendroit la dépenfe excefllve» Voyei Culture. La marne eft une e(pece de terre blan- châtre & crétacée , qui fe trouve quelque- fois prefque à la fuperficie , mais plus (bu- vent à une afîez grande protondeur. Elis contient beaucoup de fels : de leur quantité dépend en partie la durée de fon effet ; mais elle dépend aufîî de la qualité de la terre. Les laboureurs difent r de certaines terres , qu'elles ufent leur marne plus promptement que d'autres. La durée la plus ordinaire eff entre dix- huit & vingt- cinq ans ; il efl rare que cette impreflion. de fécondité fe fafTe fèntir jufqu'à trente.. La marne convient à toutes les terres froi- des , & elle eu fur-tout excellente dans les terres ap,pellécs blanches, qui iont très-com- munes. La chaleur & l'activité qu'elle leur- communiqué les rend auflî propres à rap- porter du Mé qu'aucune terre q^e ce foit. Il n'efl pas poflible de déterminer d'une manière pré-cile la quantité de marne dont un arpent a befoin , puiique cela dépend r & de là qualité, & de celle de la- terre : cependant on peut l'évaluer *\- peu-près ù quatre cents minots. mefure de Paris , pour- un arpent à vingt pies pour perche ; c'efè une quantité moyenne fur laquelle on peur le régler , mais, en confultant toujours l'ex- périence, pour chaque endroit. Les cl:.;:; excès doivent être évités avec le plus grand foin ; ne pas marner* aifez , c'efl s'expoier à; recommencer bientôt une dépenfe confidé- rable. Il y auroit encore plus de danger à marner trop. L'effet de cet engrais eft d'échauffer ; il brûleroit fi l'on paifoit cer~ taines bornes,. Pendant les deux premières années après: qu'une terre efl marnée , on doit y femer de l'avoine ; les récoltes de ce grain équivalent alors à des récoltes ordinaires de blé, foit par leur abondance , foit par le peu de frais qu'exige la- culture : d'ailleurs , le blé n'y réufïiroit pas dans ces premiers, momens du feu de la marne. La ferment E N G tation qu'elle excite le laifTeroit trop long- temps verd ; il mûriroit tard , & par là feroit expofé à la rouille , qui eff un des plus grands maux que le blé ait à crain- dre. L'avoine , au contraire , court moins de rifque à proportion de ce qu'elle mûrit plus tard. Après deux récoltes de ce dernier grain , on peut en faire deux très-bonnes de blé , fans qu'il foit befoin d'employer d'autre engrais. Cependant quelques labou- reurs , qu'on ne peut qu'approuver , crai- gnant d'épuifer trop t&t leurs terres , y r - pandent du fumier en petite quantité , & du fumier le moins chaud , pour tempérer un peu le feu de la marne : quatre ou cinq années étant pafïées ,, on reprend le cours de la culture ordinaire , & une terre mar- née devient alors dans le cas de toutes celles qui n'ont jamais eu befoin de l'être. Le bon effet de la marne fe fait fentir , comme nous l'avons dit , pendant u»n temps plus ou moins long ; mais un inconvénient auquel il faut s'attendre , c'eff que la terre devient plus flérile à la fin que fi on ne l'avoit pas contrainte à cet effort de fécon- dité : il eff peut-être dans la nature qu'une fermentation extraordinaire foit fuivie d'un repos proportionné. Quoi qu'il en foit , il eff aifé de diffinguer une terre marnée trop anciennement : Ion afpect eff triffe : la pluie , qui femble ouvrir toutes les autres terres , bat celle-ci & en rapproche toutes les parties ; le foieii la durcit plus qu'il ne l'échauffé ; les mauvaifes herbes , & iur- tout le pavot fauvage , y dominent ; le grain y jaunit. Il n'eil pas poffible de la rnéconnoître à ces marques de fférilité. Le remède le trouve dans la marne même , & alors elle devient absolument néceflaire : cela fait dire à quelques laboureurs qu'elle enrichit le père & ruine les enfans. On peut dire aufli qu'elle paie d'avance avec ufure ce qu'il en coûte pour la renouveller. Nous devons ajouter ici qu'avec l'aide, des fu- miers , on prolonge pendant plufieurs an- nées l'effet de la marne ; mais il faut ne pas les épargner, & lavoir s'exécuter fur la dépenfe : cette prolongation eif même utile à la terre ,, & la pratique en eff à con- cilier. Enfin , lorlqu'on renouvelle la mar- ne , ce ne doit pas être fans y apporter «les. précautions : elle feroit pour une terre E N G 477 ainfi épuiiec , ce que font certains remèdes actifs pour un eftomac ufé ; ils ne le rani- ment d'abord que pour le lai fier bientôt plus languifïant. Il eff donc prefque nécef- faire de donner du repos à la terre , avant de la marner une féconde fois : mais , afin que ce temps de repos ne foit pas perdu , on peut y femer de la luzerne , du fain- foin , &ç. comme nous le dirons ci-defîbus en parlant des terres fatiguées de rapporter du grain. De tous les engrais , les fumiers font ceux dont fufage eff le plus généralement reçu; mais tous ne font pas indifféremment propres à toutes fortes de terres. Le fumier de mouton , fur-tout celui qui eff ramaffë dans le fond de la bergerie , doit être ré- fervé pour les terres froides & médiocre- ment fortes. Le fumier de cheval pour les terres froides & fortes en même temps. Le fumier de vache eff le meilleur engrais- des terres chaudes & légères : ces différent fumiers , mêlés & confommés enfemble , conviennent aux terres d'une qualité moyenne entre celles-là , & ce font les plus communes. Le plus chaud de tous les fumiers eff celui que donnent les pigeons ; mais il n'eff jamais poffible de s'en pro- curer beaucoup : il ne convient non plus qu'aux terres extrêmement froides. Loin d'en couvrir la terre , comme on doit faire des autres fumiers, on le feme légèrement avec la main ; fa chaleur en rendroit la quan- tité dangereufe. Le parcage des moutons a ceh d'avan- tageux , que Y engrais eff porté fur les terres par ces animaux mêmes. Par cette raifon , il eff à préférer à tous les autres, pour tous les endroits éloignés de la ferme ,, & où la dépenfe des charrois feroit gran- de. Dans quelques provinces r les labou- reurs intelligens empruntent les moutons, de ceux qui ne le font pas. Ils achètent le droit de les faire vivre pendant un certain temps fur leurs terres , & l'abondance des. récoltes eff toujours le fruit de cette loca- tion. Une terre fumée habituellement confèrve plus long-temps le principe de fa fécondité que celle qui ne l'efl qu'en panant ; mais.,, en général , on ne peut guère évaluer qu'à deux ou trois ans la durée des effets dj$ 478 E N G fumier. On fume ordinairement fur la | jachère ; on en recueille le premier fruit j par une abondante moiffon de blé : celle d'avoine ou d'orge qui la fuit fe fent en- core des bons effets de Y engrais. Après cela on laiffe une année de repos à la terre , pour la façonner & la fumer de nouveau , avant de lui redemander une récolte de blé. C'eft là le train commun de la cul- ture pour la plus grande partie des terres ; mais cette année que l'on voit perdue , peut être employée dans les terres grafîès par elles-mêmes , ou dans celles qui ont été bien engraiffées ; .on peut , on doit même y femer des pois ou de la vefce , qui donnent un fourrage excellent : ces- plantes extirpent l'herbe , rendent la terre légère fans fépuifèr beaucoup , & la dif- pofent , peut-être mieux que les labours , à recevoir la femence du blé. Les pois ou la vefce étant recueillis , un feul la- bour , avec un léger engrais y devient une préparation {uffiiante. Une attention nécef- faire dans ce cas-là , & toutes les fois que l'on fume fur le dernier labour d'une jachè- re , c'eft de n'employer que du fumier pref- qu'entiérement confommé : s'il étoit trop cru , il tiendroit d'abord foulevées les parties de la terre ; elle s'affaifTeroit enfuite pendant l'hiver , & laiiferoit à découvert les racines du blé. Si les fumiers ne font pour les terres qu'un engrais paifager , on peut dire auffi que c'eft celui dont les effets font les plus heureux & les plus furs. Il n'arrive prefque jamais que la récolte foit mauvailè dans une terre fumée affidument & depuis long- temps ; on ne s'apperçoit pas non plus que la fermentation excitée par le fumier étant preffée , les terres foient moins ferti- les qu'auparavant , comme nous l'avons remarqué de la marne. Celle-ci ne fait guère que mettre en mouvement les parties de Ja terre ; le fumier , outre fon action , augmente fes parties propres à nourrir , de toutes les tiennes. On ne peut donc aflez chercher les moyens de procurer à {es .terres une grande quantité de cet en- grais. Outre Ion excellence , c'eft celui qui fe trouve le plus aifément fous la main 4e tous les cultivateurs : les engrais dis- pendieux , & dont l'effet eft durable, E N G comme eft la marne , & comme pour- raient être les glaifes , devraient être réler- vés aux foins des propriétaires. Les fumiers doivent être l'objet & la reffource des fermiers, parce qu'ils en retirent prompte- ment le fruit. L'augmentation du bétail entraîne celle du fumier , & les fumiers , à leur tour , procurent des récoltes qui mettent à même de nourrir une plus grande quantité de bétail. Les Anglois nous ont donné fur ce point l'exemple le plus encourageant: depuis que les pâturages artificiels ont multiplié chez eux ks trou- peaux & les engrais , leurs moilfons font augmentées à un point dont on douteroit , fi l'on pouvoit fe réfuter aux témoins qui en font foi. Nous le favons ; & les moyens qui ont été employés font connus de tout le monde ; mais l'ignorance eft moins à craindre , dans ce genre , que la langueur. Un foufÏÏe de vie répandu fur la pratique pénible de ce qu'on lait , développerait des connoiflances qui ne font étouffées que par le peu d'intérêt qu'on trouve à les em- ployer. Dans tous les arts , une routine languiffante eft le partage du plus grand nombre des praticiens : l'activité , l'induf- trie en diftinguent quelques - uns ; & ce font elles qui paroifîènt multiplier les reftôurces entre leurs mains. Il en eft ainfi dans l'agriculture : un laboureur at- tentif trouvera des moyens d'engraifîèr (es terres , qui , quoique rarement em- ployés , n'en font pas moins connus de tout le monde, & fon exemple ne réveil- lera peut-être pas la ftupidité de fes voi- fins. La marne ne convient pas à toutes les terres ; V engrais des fumiers eft nécessaire- ment borné ; certaines terres n'acquer- raient , avec beaucoup de dépenfe , qu'une fécondité médiocre. Il fuppléera de diffé- rentes manières au défaut des fumiers. Nous avons dit que le mélange des terres étoit excellent. La campagne en offre quel- quefois des morceaux qui reftent inutiles par la négligence des laboureurs. On cher- che de l'or en fouillant dans le fein de la terre : on y trouveroit des richelTes plus réelles , en répandant fur fa fuperficie la I plus grande partie des terres que l'on tire > du fond. Toutes , excepté le fable pur > E N G «reviennent d'excellens engrais ; celles même qui paroiffent fîériles , comme la craie , ont leur utilité. Sur les terres froides elle fait prefque l'effet de la marne : des par- ties de ruines , celles qui peuvent fe dif- foudre feront le même effet fur les mêmes terres , & les fertiliferont pendant quelques années. Tout le monde fait que ces amas d'ordures qui incommodent les villes peu- vent enrichir les campagnes : il faut feule- ment que ceux qui les emploient les laif- fent fermenter en dépôt pendant quelques temps , avant de les répandre fur les terres. Il eff néceffaire aufli , dans l'ufàge de cet engrais , de multiplier les labours. Il con- tient les graines d'une infinité de plantes qui couvriroient la terre fi on ne les arrê- tait-pas. Outre les chofes qui font commu- nes à tous les pays , il en eft quelques-unes qui font particulières à chaque endroit. Toutes les cendres , celle de tourbe , celle de charbon de terre , celle de bruyère , font d'excellens engrais. Dans quelques provinces , on brûle la terre même , ou du moins le gazon qui la couvre ; & la prati- que en a des effets très-heureux. Le marc d'olives eff une reffource dans les pays où elles croiffent. On peut dire, en général, que les fecours ne manquent guère à l'ac- tivité qui les cherche , & à l'induffrie qui les fait valoir. Les plus mauvaifes terres ne ieront pas toujours incultes pour l'homme intelligent. Leur défrichement lui donnera , pendant plufieurs années , des récoltes affez Bonnes, au moins en menus grains : fi elles ont un peu de fond , il prolongera cette fécondité par la culture ; fi elles en man- quent , il attendra qu'un nouveau repos leur ait donné de nouvelles forces. Il y a des lieux où l'on ne fait rapporter les terres que tous les deux ans ; mais cette oifiveté périodique eff un grand mal , & ne peut être envifagée comme une refîburce que quand toutes les autres manquent. Nous avons dit qu'il y en avoit une également fûre & avantageufe pour les bonnes terres ^puifées ; favoir , le changement de plantes. Nous fommes bien éloignés de vouloir dé- cider ici fi les plantes fè nourrhTent indiffé- remment de tous les fucs ; ou fi , avec Beaucoup de principes communs , chaque ©lante n'en a. pas de particuliers qui ne E N G 479 paffent jamais dans d'autres. Nous favons feulement que les plantes qui vont cher- cher leur nourriture à une grande profon- deur, comme la luzerne , le fainfoin, le trèfle , fervent de repos & d'engrais à la terre fatiguée de rapporter du grain. Ces plantes donnent beaucoup d'herbe , &; d'une herbe excellente pour les beffiaux. La luzerne demande une terre qui ait beaucoup de fond , & elle y dure juf- qu'à quinze ans. Le fainfoin exige moins de profondeur , & ne va guère julqu'à dix ans. Le trèfle ne dure tout au plus que trois ans : auffi ne le feme-t-on ordinairement qu'avec de la graine de luzerne. Il donne de l'herbe pendant que celle-ci croît en racines , & il meurt lorfqu'elle devient en état de produire. Le temps étant arrivé auquel ces plan- tes commencent à languir , on défriche la terre , & elle eff améliorée. Sa vigueur eff telle qu'il faut prendre les mêmes pré- cautions que pour une terre marnée , & y faire deux ou trois récoltes d'avoine confécutives , avant que d'y femer du: blé. Voilà tout ce qu'il eff elfentiel de la- voir fur Y engrais des terres. Les prés mé- ritent une attention particulière ; ils en ont qui leur font fpécialement propres. Les prés fur lefquels on peut détourner l'eau des rivières , trouvent dans cette eau feule un engrais plus fur & meilleur qu'aucun autre. Il eff fur-tout excellent , fi cette eau- eff un peu limoneufe. On la répand ordi- nairement vers le 15 d'avril pour la pre- mière fois, & dans les premiers jours de mai pour la féconde. On ne fait alors qu'ar- rofer les prés ; mais il n'eff pas inutile de les noyer tout-à-fait pendant l'hiver , &c d'y lailfer féjourner l'eau pendant quelques jours. Cette précaution fait périr entière— - ment les taupes , les mulots , & tous les infectes qui- nuifent à la racine de l'herbe. Il ne faut cependant jamais rifquer cette inondation fans être fur de pouvoir retirer l'eau dès qu'on le voudra. Loin de técon-, der les prés ,- elle les détruiroit par un trop" long fejour. Il eff fi peu difpendieux de procurer cet engrais aux prés voifins des rivières , que c'eff un foin rarement né- gligé. - Arrofer les prés , . c eff les fertilifer 4So ENG fûrement : retirer l'eau d'un grand nombre de marais , ce feroit en faire Jurement des prés fertiles ; mais cette opération exige ordinairement beaucoup plus de dépenie & d'induftrie que l'autre. Dans les lieux où cela eft facile , on ne peut que con- cilier aux particuliers de s'y prêter. Dans ceux où l'objet feroit important & l'opéra- tion trop difpendieufe, un a/antage auffi fur mériteroit peut-être l'attention & le concours du gouvernement. Nous avons fait fentir l'influence que les pâturages ont fer toute l'agriculture , par la multiplication des troupeaux & des engrais. Souvent une feule chauffée pourrait faire d'un marais inutile & mal-fain , une prairie féconde & un étang bien empoifibnné. Les prés ont cet avantage fur les terres , que r engrais eft la feule culture qu'ils de- mandent. Dans tous les lieux voifins des grandes villes , où la confommation des. fourrages eft fûre , on les regarde comme précieux ; mais ils le font auflï dans les endroits les plus reculés , par toutes les reflburces que fournit le bétail qu'ils nour- rifTent. Les terres de toute efpece , excepté le fable pur , font un très-bon engrais pour les prés. Nous n'entendons parler ici que des terres proprement dites ; il n'eft pas d'ufage d'y répandre de la marne ni de la craie. Nous croyons cependant que dans les prés extrêmement froids , ces deux en- grais mis en petite quantité pourraient réuffir ; mais nous n'avons pas d'expérien- ces là-deflus. Le parcage àes moutons eft excellent dans les prés un peu froids, & le fumier de vache dans ceux qu'on appelle haut-prés. Le parcage qui , comme nous l'avons dit , eft très-utile aux terres , nous paraît avoir encore du côté de l'abondance un meilleur effet pour les prés. Nous difons du côté de l'abondance , parce que tous les fumiers , & fur-tout celui des moutons , donnent la première année , au fourrage , une odeur & un goût qui rebute le bétail au premier abord ; mais il s'y accoutume peu à peu. L'abondance doit d'ailleurs être le premier , & peut-être le feul objet des cultivateurs. En voilà affez pour que l'on foit inftruit de l'importance dont les engrais font dans l'agriculture , 6c de la manière ENG dont ils doivent être employés. Les jardins de fleurs , les potagers , les ferres où l'on force un grand nombre de plantes à croître (bus un ciel étranger , ont auffi des prépa- rations Ôl engrais qui leur font propres ; mais nous n'entrerons point ici dans les détails de cette culture particulière. Cet ar- ticle eft de M. lelloy, lieutenant des chajfes de Ver failles. ENGRAISSER un cheval. ( Manège , Maréchall. ) Voye\ NOURRITURE. §, ENGRELE , ÉE , ( terme de Blafon. ) fe dit du chei" , du pal , de la bande , de la croix y du fautoir, &c. bordés de petites dents à intervalles creux & arrondis. Ce terme vient du Latin gracilis , délié , mince , délicat , les pointes étant très- petites en comparaifon de celles du den- ché. De Montjouvent , en Brefle ; de gueules au fautoir engrêlé d'argent. De la Queilie, en Anjou ; de fable à la croix engrêlée d'or. Ramade de Tranfet , en Auvergne ; de jinople à lafafee engrêlée d'or. {G. D. L, T.) ENGRELURE , C f. ( Blafon. ) petit liftel de filet engrêlé qui fe poie au long d» bord fupérieur de l'écu. De Saint-Chamans du Pécher , en Li- mofin ; de Jinople à trois fafees d'argent ; en chef une engrêhtre de même. Henri de Saint-Chamans , gouverneur de Therouene , de Verdun & de Mariem- bourg , lieutenant de roi en Limofin , a porté le premier , au haut de l'écu de {es armes cette engrelure , qu'il demanda à Henri II , pour marque d'honneur , après avoir défendu vaillamment cette place en i$$3 , contre une armée formidable qui fut obligée de fe retirer. Ses defeendans ont depuis porté cette engrelure , comme un trophée de la valeur martiale de leur ancêtre. ( G. D. L. T. ) * Engrelure , f. f. ( Dentelle. ) C'efl ainfi qu'on appelle le pie de la dentelle. \] engrelure fe lait en même temps que la dentelle. Voye\ Part. DENTELLE. On donne le même nom à une efpece d'ouvrage qui fe fait comme la dentelle au fufeau , avec le fil de Malines & fur le couffin , qui a depuis la largeur la plus pe- tite juiqu'à la plus grande de la dentelle. Oa E N G On fè fèrt à-, cette dernière engrelure , ibit pour redonner un pié à la dentelie lorfqu elle pallè par cet endroit , f>ii pour lui fervir de monture , foit pour uair deux dentelles , &c. ENGRENAGE , f. m. ( Horlogerie. ) M générai , lignifie en méchanijuc la manière dont les dents d'une roue entrent dans les ailes d'un pignon , & dont elles agiftent fur ces ailes pour le faire tourner. Voy. Dent , Roue , Pignon , Aile , &c C'eft une chofe d'une grande importance autant de robes. Verf. 13. Mais fi vous ne pouve^me bailler la folutiôn , Vous rué donnerez trente fines chemifes & autant de robes. Le f quels lui ré- pondirent i Propofie ta propofition , afin que ? ayons. Verf 14. Et il leur dit : De celui qui man- geoit efiforti la viande , & du fort ejl venu la douceur. Et ne purent par trois jours donner la folutiôn de la propofition. Verf. 1 5. Et quand lé feptieme jour fut venu , ils dirent à la femme de Samfon : Flatte ton mari , & lui perfuade qu'il te déclare quelle chofe fighifie la propofi- tion. Verf. 17. Et ainfi tous les jours de convive elle*pleuroit devant lui ; & finalement au fep- tieme jour , comme elle le molefioit , /'/ lui expofa , laquelle incontinent le fit favoir à ceux de fon peuple. Verf. 18. Et iceux lui dirent au feptieme jour devant le foleil couchant : Quelle chofe efl plus douce que le miel , & quelle chofe ejl plus forte que le lion ? Lors Samfon leur dit : Si vous rieujfie'? labouré avec ma génijfe , vous ri euffie\point trouvé ma propo- fition. Un fàvant jurifconfulte met cette énigme au rang des gageures , en matière de jeux d'efprit j & il pourroit bien avoir rai (on \ car il y a une ftipulation de part & 'd'au tre de trente fines chemifes & autant de robes. Cependant les Philiftins a»irent*de mauvaife foi , en obligeant la femme de Samfon de tirer de la bouche de fon mari l'explication de Yénigme , & à la leur ap- prendre , au lieu de la deviner par eux- mêmes. Au refte , dans notre fïecle , Yénigme propofée par Samfon ne feroit point dans les règles , parce qu'elle 11e rouloit pas fur une chofe ordinaire ou un événe- ment commun , mais fur un fait parti- culier , c'eft- ' -dire , fur un de ces cas qu'il eft ordinairement prefque impofîîble de de- viner. EN î Quoiqu'il en foit , dans ce temps -la on n'étoit pas fi fcrupuleux \, on ne cherchoit gu a attraper ceux à qui ou préfèntoit des énigmes à expliquer : & c'eft un fait fi vrai , que l'intelligence des énigmes ou des fcntences cbfcures , devint un proverbe parmi les Hébreux pour fignifier Kadreflè à tromper , comme on le peut conclure du portrait que Daniel fait d'Antiochus Epiphanés. « Lorfque les iniquités fè » feront accrues , dit- il , il s'élèvera un » roi qui aura l'impudence fur le front , » & qui comprendra les feutences obfcu- » res. » Le voile myftérieux de cette forte de fageife la rendit , comme il arrivera tou- jours , le plus eftimé de tous les talens : c'eft pourquoi , dans un pfeaume où il s'agit d'exciter fortement L'attention , le pfalmifte débute en ces termes : « Vous , » peuples , écoutez ce que je vais dire. P Que tous les habitans de la terre" , » grands & petits ? riches &* pauvres , prê- » tent l'oreille 5 ma bouche publiera la fa- » geffe je découvrirai fur la harpe mon » énigme. » Outre les caufes que nous avons rap- portées , qui contribuèrent à conferver long-temps les énigmes en vogue , je croi- rois volontiers que l'ufage des hiéroglyphes y concourut auffi pour beaucoup : en effet, quand on vint à oublier la lignifi- cation des hiéroglyphes , on perdit peu-à- peu , quoique très-lentement , l'ufage des énigmes. Enfin ', elles reparurent lorfqu'on devoit le moins s y attendre , je veux dire dans le xvij fiecle j & ce n'eft pas , ce me fem- ble , par cet endroit qu'il mérite le plus qu'on le vante. U eft vrai qu'on habilla pour lors en Europe les énigmes avec plus d'art , de fineffe & de goût , qu'elles ne l'avoient été dans l'Afie : on les fournit ? comme tous les autres poè'mes , à des loix & à des règles étroites , dont le père Menef- trier même a publié un traité particulier. Mais , quelque décoration qu'on ait donnée aux énigmes , elles ne feront prefque jamais que de folles dépenfes d'efprit , des jeux de mots , des écarts dans le langage & dans les idées. Les gens de lettres un peu diftingués du E N K ïïecle païTé , qui ont eu la foijblefTe de donner dans cette mode, & de le laiffer entraîner au torrent , feroient bien hon- teux aujourd'hui de lire leurs noms dans la Jifte de toutes fortes de gens oififs , & de voir qu'un temps a été qu'ils fë fai- saient un honneur de deviner des énigmes , & plus encore d'annoncer à la France qu'ils avoient eu allez d'efprit pour expri- mer , fous un certain verbiage , fous un jargon myftérieax & des termes équivo- ques, une flûte , une flèche , un éventail, une horloge. Mais il faut bien fe garder de confondre de telles inepties avec les énigmes d'un au- tre genre 5 j'entends ces fameux problêmes de la géométrie tranfcendante , qui , for la fin du même fiecle , exercèrent des génies d'un ordre Supérieur. La folution de ces dernières fortes d'énigmes peut avoir de grands ufages 5 elle demande du moins beaucoup de fagacité , & prouve qu'on s eft rendu familière la connonTance de cette géométrie ûiblime , dont Newton a la gloire d'être le premier inventeur. Article de M. le chevalier de Jaucovrt. ENJOLIVER, v. a&. {Ans méchaniq. ) c'eft répandre fur le fond d'un ouvrage de perits ornemens qui lui ôtent fa lourdeur & fà fimplicité. ENJOUEMENT , f. m. ( Moral. ) c'eft la gaieté de l'efprit. Il naît d'une imagination riante , qui badine &: plaifante fur les objets qui l'exercent. Cette qualité annonce ordinairement un homme qui a beaucoup de connoilîance, & qui eft maître de fa matière. Les hommes d'un efprit enjoué font de bonne compagnie , & font defîrés dans toutes les fociétés. Les per- fonnes de ce caractère ont rarement des chagrins , c'eft-à-dire , que ce qui eft un fujet d'affliction pour les autres , les affecte fort peu , ou du inoins pas long- temps. (+) M ENISKILLING, {Géogr. mod.) ville de la province d'Ulfter en Irlande \ elle appartient au comte de Fermanagh : elie eft fîtuée fur le lac Earne. Long. 9 , 55 •■, Lu. 54, 18. ENKAFATRAHE , f. m. ( Ilift. nat. bot. ) c'efl le nom d'un arbre qui fe trouve daus lue de Madagafcar , dont le bois E N K 4H7 eft verdâtre & rempli de veines ; on dit qu'il répand une odeur fort agréable & fèmblable à celle de la rofe. On prétend qu'en l'écrafant fur une pierre avec de l'eau , & appliquant ce mélange extérieu- rement fur le cœur ou fur la poitrine , c'eft un remède fouverain contre les foi- blefTes in 1 en , dans j & de y\ s-is , cyjlis , foc , vefïïe. La membrane qui fait cette poche n'eft pas nouvellement formée dans la partie , comme 011 pourroit le déduire de la théorie de quel- ques auteurs .fur cette maladie. On connoît un tiiïu folléculeux qui fépare tGutes les parties les unes des autres , & qui en eft le lien. S'il fe fait un amas contre nature d'une humeur quelconque daus une de ces cellules , par fon accroiffement il éten- dra les parois de cette cellule , & les collera aux parois membraneufes des cellules cir- convoifincs qu'il oblitérera. C'eft ainft que commence le kifte y toujours formé par la 488 ENK cohérence de plufieiirs feuillets de la mem- brane cellulaire. A mefure que la tumeur augmente , la poche membraneufe s'épaiflit par la réunion d'un plus grand 'nombre de feuillets. Le kifte eft formé de la fubftance préexiftente de la partie. Ces connoiffances juftifient le dogme pratique des anciens. L'expérience , qui eft la même dans tous les fiecles aux yeux des bons obfervateurs , leur avoit montré que pour la guérifoii de ces fortes de tumeurs T il ne falloit pas fe contenter de les ouvrir , mais qu'il fal- loit extirper la poche ou fac qui renfermoit la matière. Pour y parvenir , on fait com- munément une incifion cruciale aux tégu- mens de la tumeur \ on les diffeque fans intéreffer le kifte , qu'on emporte en tota- lité , s'il eft pofllble. Ses adhérences à quel- ques parties qu'il feroit important de ména- ger , eft une raifon pour s'abftenir d'une dif- fèftion trop recherchée. Alors on attend de la fuppuration , la chute ou plutôt le détache- ment de la portion membraneufe qui refte du kifte. Quand les humeurs enkiftées font d'un volume confïdérable , l'extirpation , fuivant la méthode décrite , feroit une plaie énorme. Si le kifte n'eft pas trop épais , on peut , par un procédé plus doux , fe contenter de fen- dre la tumeur des deux côtés , bi. de pafler une bandelette de lin^e effilé en forme de féton , d'une ouverture à l'autre j pour con- duire dans tout le trajet les médicamens né- ceftaires pour faire fuppurer le kifte. Il y a des pierres enkiftées dans la vefïîe. M. Houftet , de l'académie royale de Chi- rurgie , a donné , dans le premier volume des mémoires de cette compagnie , des obfervations particulières qu'il a jointes à celles qui avoient été communiquées pré- cédemment à l'académie , fur cette ma- tière. L'exiftence de ces fortes de pierres eft conftatée *, & fauteur rend fon mémoire aufti utile qu'il eft curieux , en traitant des opérations qu'on peut tenter , &: de celles qui ont été pratiquées pour faire l'extraction de ces pierres. La fig. 4 de la planche V de Chirurgie, re- préfente une veflie ouverte par fa partie antérieure , derrière les os pubis qui font renverfés en devant : on y voit une pierre logée dans une cellule formée par la mem- brane interne de la veflie. ( Y ) ENL ENL ARMER, v. a&. ( Chaffe & Pêche ) On dit , enLrmer un filet ; c'eft un terme dont fe fèivent ceux qui font des filets propres pour la pèche ou pour la chaffe 5 & ce n'eft a;ur^ choie que pratiquer de grandes mailies à côté du filet avec de la ficelle. ENLASSER % v. ad. ( Chargent. ) c'eft, après que les tenons & mortonès font faits , percer un trou au travers pour les cheviller. ENLASSURE , £ f. ( Charpent. ) c'eft le trou percé avec le "laceret à travers des mor- toifes &c des tenons , pour les cheviller en- semble. ENLAYER ou ENLOYER , déférer le ferment , (Jurijpr.) Dans X article 153 de la très- ancienne coutume de Bretagne , le fer- ment eft appelle lai ou loi \ d'où font vernis les termes enlayer & enloyer , pour dire déférer le ferment ; termes qui étoient fort ufités dans l'ancien ftyle judiciaire de la province , & qui le font encore dans les jurifdi&ions inférieures , même dans quel- ques fieges royaux & préfidiaux. Voyc{ les arrêts du parlement de Bretagne , par Frain, tom. II , plaid. 112 , pag. 689. {A) ENLEVÉ , adjeô. ( Blafon. ) Il fe dit des pièces qui paroiftent enlevées , comme aux armoiries d'Anglure en Champagne , qui font d'or à pièces enlevées à angles ou croiftàns de gueules, foutenant des grelots d'argent dont tout l'écu eft femé. AngJure en Champagne , d'or à pièces enlevées à angles ou en croiffans de gueules, foutenant des grelots d'argent dont tout l'écu eft femé. ENLEVEMENT , f. m. (Jurifpr.) fe dit d'une voie de fait dont on ufe pour ravir quelqu'un ou s'emparer de quelque chofe. Uenlévement des perfonnes eft plus communément nommé rapt ou crime de rapt. Voye\ Rapt. Enlèvement fignifie aun^quelquefois tranf- port : par exemple , les adjudicataires des coupes de bois doivent enlever les bois coupés dans le temps porté par le marché. Une partie faille s'oppofe à ï enlèvement de fes meubles , en donnant bon & folvable gardien. (A) ENLEVER les chaudrons , terme de Chaudronniers ; c'eft en faire le fond avec le E N L c marteau fond. On donne cette façon fur a grande bigorne. Enlever y fignifie auîîî redreffer un chau- dron y en ôter les bojfès ; ce qu'on fait avec le marteau de buis & l'enclumeau. ENLEVER , en terme d'Éperonnier } fe dit de l'action de féparer fur l'enclume , a coup de marteau , la branche d'un mors , d'un barreau de fer de dix à onze lignes d'épaiffeur. Cette branche s'appelle bran- che d'enlevure , parce qu'elle eft effective- ment enlevée de ce barreau : on enlevé aulli du même barreau l'embouchure du mors ; & cette embouchure s'appelle enle- vure pour la même railon. On enlevé ces parties d'un mors au moyen d'un cifeau appelle tranche , que l'on frappe fur le barreau à demi-chaud pour les en féparer. Voye\ Tranche. ENLEVER, terme de Serrurier & de Taillandier ; c'eft d'une barre de fer en faire la pièce commandée ; & au lieu de dire forger une clef, une cognée, ils uifent enlever une clef, une cognée. Enlever la meute , ( Vénerie) c'eft, iorlqu'au lieu de biffer châtier les chiens , on les entraîne par le plus court chemin au lieu où un chafieur a vu le cerf, & où on retrouve la voie. ENLEVURE ^C.f.i Ouvriers en fer. ) Tous les ouvriers en fer donnent ce nom à toute pièce forgée , lorfqu'elle eft féparée de la barre dont on l'a tirée. ENLIER, v. act. en Architecture , c'eft dans la conftruetion engager les pierres & les briques enfemble en élevant les murs ; en forte que les unes foienr pofées fur leur largeur Comme les carreaux , & les autres fur leur longueur ainfi que les boutifiès , pour faire liaifon avec le garni ou remplif- fage. (P) ÏNLIGNER , ( Charpent. ) c'eft donner à une pièce de bois exactement la même forme qu'à une autre; en forte que mifes bouta bout, l'une ne paroifTe que la Con- tinuation de l'autre : cela s'appelle e aligner 4 parce qu'on dirpofé les bois à cet ctat en fè fervant de la règle ou du cordeau pour tracer les lignes. ENLISSERONNÉ , ( Rubannier. ) Voy. Lisserons. ENLOYEK, (Jàrifpt.) éft là ffiême- Tome XII. E N L 4R9 chofe qvLenlayer. Voye^, ci-devant, En- LAYER. (A) ENLUMINER , v. ad. c'eft l'art dé mettre des couleurs à la gomme avec lé pinceau , fur les eftampes & les papiers dé tapifferie ; & par conféquent l'enlumineur & l'enlumineufe eft celui & celle qui f travaillent : ces ouvriers & ouvrières y appli- quent aufîî quelquefois de l'or & de l'ar- gent moulu ; c'eft ce qu'ils appellent re- hauffer } & ils le brunifîènt avec la dent de loup. L'enluminure eft libre , &: n'a point de maîtrife ; c'eft en quelque façon une dépendance de la gravure ; & l'enlumi- neur peut tenir boutique ouverte , & vendre des eftampes & des papiers de tapifterie. Ces commerçans s'honorent du titre dé graveurs en bois , ou en cuivre , ou d'i- mages } quoique fouvent ils n'aient jamais manié le burin , ni la pointe. Article de M. Papillon. ENMANCHE , adj. c'eft-A-dire, entre: dans la Manche. ( Marine. ) Les naviga- teurs fe fervent de ce terme , lorfqu'ils en- trent dans ce canal qui fépare la France dé l'Angleterre , que l'on appelle la Manche. ENNEACORDE , inftfumcnt des an- ciens , qui avoir neuf cordes. ENNEADÉCATSRIDE , f. f. en Chronologie , eft un cycle ou période de dix-neuf années folaires. Voye^ CYCLE. Ce mot eft Grec, formé â'evvttt , neuf y Atjfp , dix , & W r , année. . . .Tel eft le. cycle lunaire inventé par Mc- thon , à la fin duquel la lune revient à-peu- pres au même point d'où elle eft partie; c'eft pour cette raifon que les Athéniens, les Juifs , & dTaUtres peuples qui ont voulu accommoder les mois lunaires avec l'année fblairé , fè font fêrvis de ïennéadécàtéride , en faifant, pendant dix-neuf ans , lept ans de treize mois lunaires , & les autres d$ douze. Vennéadéaitéfide des Juifs eft propre- ment un cycle de dix-neuf années lunaires , qui commencent à molad tohu , c'eft-à-dife , à la nouvelle lune que les juifs fuppofent être arrivée un an avant la création. Cha- cirrre des 3e , 6e , 8« j n% itf\ \^ 7 19c j &£. années de ce cycle font emboiiimiquv'. , ou de 383 jours 2.1 heures , &c les autre* Qqq 45)0 E N N «ommunes, ou de 354 jours huit heures. Voye\ An. \S ennéadécatéride des Juifs cft donc de 6939 jours 16 heures. D'où il s'enfuit que ïennéadécatéride des Juifs diffère de Yennéadécatéride julienne, ou de dix-neuf années juliennes d'environ deux heures; car dix-neuf années juliennes font 6939 jours dix-huit heures. Wolf , élemen. de Chronoî. & Chambers. Voye\ Embo- IISMIQUE. ( O) ENNÉAGONE, f. m. en Géométrie; figure de neuf angles , & de neuf côtés. Voye\ POLIGONE. Ce mot efr. formé de hv:et , neuf, & ymia , angle. Pour tracer dans un cercle Yennéagone régulier , il ne s'agit que de divifer en trois parties égales l'angle au centre du triangle équilatéral :' ainfi ce problême fe réduit à celui de la trifecHon de l'angle. Voye\ Trisection. Un ennéagone , en Fortification , fignifie une place qui a neuf bâfrions. Voye\ FOR- TERESSE. (O) ENNEEMIMERIS , ( Belles-Lettres. ) efl: une efpece de céfure d'un vers Latin , où après le quatrième pie il y a une fyl- Iabe irréguliere qui finit le mot , &: qui aide à former le pié qui fait dans le mot d'après , comme dans cet exemple : Ule latus niveum molli fultus hyacinthe qu'on feande ainfi: Ule la\tus n'fve\um mol\li ful\tus hya\cinth\>. où il faut remarquer que la fyllabe tus , brève de fa nature ,. devient longue en vertu de la céfure. Voye% CÉSURE. Ce mot eff très-peu en ufage. ( G ) ENNEMI , f. m. ( Droit des Gens. } ce- lui qui nous fait la guerre , ou à qui nous la faifons , en conféquence d'un ordre du fouverain. Tous les autres contre qui on prend les armes , font qualifiés de brigands , de voleurs ou de cerf aires. Au refte , on ne regarde pas feulement comme ennemis ceux qui nous attaquent actuellement fur mer ou fur terre , mais encore ceux qui font des préparatifs pour venir nous attaquer , & qui drefîènt des batteries contre nos jports, nos villes & nos citadelles, quoi- E N N qu'ils ne foient pas encore aux mains avec nous. Il efl certain que l'on peut tuer inno- cemment un ennemi ; je dis innocemment , tant félon la jufiiee extérieure de toutes les nations , que ielon la jufiiee intérieure & les loix de la confeience. En effet , le but de la guerre veut de nécefllté que l'on ait ce pouvoir ; autrement ce feroit en vain que l'on prend roi t les armes , & que les loix de la nature le permettroient. Mais le pouvoir de tuer Yennemi s'étend- il fur tous les fujets j)e cet ennemi , fur les vieillards , les femmes , les enfans. . . . ? Dans les cas où il eu permis d'ôter la vie à un ennemi , peut-ron employer indiffé- remment toutes fortes de moyens , le fer , le feu , larufe, le poifon ... ? Peut-on pro- fiter du miniftere d'un traître pour fe dé- faire de notre ennemi , lorfque .... ? Je frémis j & pour couper court à toutes ces queffions , & à d'autres femblabîes , je. répons en général & en particulier , que l'on ne fauroit trop limiter , trop adoucir les droits cruels de la guerre ; je répons y. dis—je , que l'on ne fauroit trop infpirer , ni étendre trop loin les principes de la mo- dération ,; de l'honneur , de la générofité,. & fi l'on peut parler ainfi , de l'humanité même dans les propres actes d'hoflilité , que les ufages de la guerre les plus reçus paroifîént autorifer. A l'égard des vieillards ,. des femmes & des enfans , loin que le droit de la guerre. exige que l'on poufTe la barbarie jufqu'à les tuer , c'efl une pure cruauté , une atro- cité d'en ufer ainfi ; même lorfque le feu de l'action emporte le foldat ,. pour ainfi dire, malgré lui à commettre des aclions d'inhumanité; comme, par exemple, dans le dernier afîaut à la prife d'une ville , qui par fa réfifiance a extrêmement irrité les troupes. Je dis plus : le droit des gens efr fondé fur ce principe , que les diverfes nations doivent fe • faire dans la paix autant de bien , & dans la guerre le moins de mal qu'il eff poffible , fans nuire à leurs véri- tables intérêts : c'eff pourquoi , tant qu'on peut l'éviter , les loix même de la guerre demandent que l'on s'abffienne du carnage , & que. l'on ne répande pas dufang fans une EN N. prenante aécefïité. L'on ne doit donc ja- mais ôter la vie à ceux qui demandent quar- tier , à ceux qui fe rendent , a ceux qui ne font ni d'un âge ni d'une profcfîlon à porter les armes , & qui n'ont d'autre part à la guerre que de fe trouver dans le pays ou le parti ennemi. En un mot , le droit de la guerre ne va pas au delà de notre propre confervation. Un état fait la guerre , parce que fa confervation efl jufle ; mais nous n'avons plus de droit de tuer , dès que nous ne fommes plus dans le cas de la dé- fenfe naturelle & de notre propre confer- vation vis-à-vis de V ennemi. L'on comprend , à plus forte raifon , que les droits de la guerre ne s'étendent pas juf qu'à autorifèr ni à fouffrir les outrages con- tre l'honneur des femmes ; car outre qu'un tel attentat ne fait rien ni à notre conferva- tion , ni à notre défenfe , ni à notre fureté , ni au maintien de nos droits , il révolte la nature , & ne peut fêrvir qu'à fatisfaire la brutalité du foldat , qu'il faut au contraire réprimer & punir très-févérement. Qu'on ne s'imagine pas auffi que les moyens d'ôter la vie à V ennemi foient indif- Férens. Les coutumes reçues chez les peu- ples civilifés , regardent comme une exécra- ble lâcheté, non feulement de faire don- ner à Y ennemi quelque breuvage mortel , mais d'empoifonner les fources , les fon- taines , les puits , les flèches , les épées , les dards , les balles , & toutes autres efpeces d'armes. Les nations qui fe font piquées de générofité, ne fe font point écartées de ces iortes de maximes. On fait que les confuls Romains , dans une lettre qu'ils écrivirent à Pyrrhus , lui marquèrent qu'il étoit de l'intérêt de tous les peuples qu'on ne donnât point d'exemples , difFérens de ceux qu'ils pratiquoient à fon égard. C'efl une convention tacite dont l'intérêt des deux partis exige également l'obferva- tion; ce font de jufles aflurances que les hommes fe doivent refpeftivement pour leur propre intérêt ; & certainement il efl de l'avantage commun du genre humain que les périls ne s'augmentent pas à l'in- fini. Ainfi , pour ce qui regarde la voie de l'afTaflinat , facile à exécuter par l'occafion jl'ua traître , je ne dis pas qu'on fuborne- ENN 4Pr roit, mais qui viendroit s'offrir de lui- même par haine , par efpérance de fa for- tune , par fanatifme , ou par tout autre motif poffible ; aucun homme , aucun fouverain , qui aura la confeience un peu I délicate , n'embraffera cette indigne ref- i fource , quelque avantage qu'il puiffe s'en promettre. L'état d'hoflilité qui difpenfe du commerce des bons offices , & qui au- torife à nuire , ne rompt pas pour cela tout lien d'humanité , & n'empêche point qu'on ne doive éviter de donner lieu à quelque mauvaife adion de M ennemi , ou de quelqu'un des fiens. Or , un traître commet fans contredit une action égale- ment honteufe & criminelle , à laquelle il n'efl pas permis de condefeendre. Il n'efl pas plus permis de manquer da foi à un ennemi : Optimus Me Militii , cui poftremum efl , primumque tueri Inter folU fidem. Punie, Ub. V1V \v. 169* c'efl-à-dire , (< le guerrier qui efl homme » de bien , n'a rien tant à cœur que de » garder religieufement fa parole à Yenne- >y mi. » Belle fentence de Sillius Italicus , écrivain de mérite , & digne conful de Rome î D'ailleurs , fuivant la remarque de Cicé- ron , tout le monde chérit cette difpofi- tion d'efprit qui porte à garder la foi , lors même qu'on trouveroit fon avantage à y manquer. N'y a-t-il pas entre les ennemis y quels qu'ils foient , une fbciété établie par la nature ? N'efl-ce pas de cette fociété fondée fur la raifon & la faculté de parler qui font communes à tous les humains , que réfulte l'obligation inaltérable de tenir les promefîès qu'ils fe font faites ? C'efl la foi publique , dit Quintilien , qui procure à deux ennemis , pendant qu'ils ont encore les armes à la main , le doux repos d'une trêve : c'efl elle qui afTûre aux villes rendues les droits qu'elles fè font réfervés : enfin , c'efl elle qui efl le lien le plus ferme & le plus facré qui foit parmi les hommes. Voilà ce que je crois d'efTêntiel à obfèr- ver touchant les bornes qu'il faut mettre aux droits de la guerre fur les perfonnes des ennemis >* & quant à ce qui regarde leurs Qqq2 49i E N N biens , j'en ai parlé au mot DÉGÂT. Ce font les mêmes principes d'humanité & de rai- ions d'intérêt , qui doivent conduire les hommes à ces deux égards ; s'ils violent ces principes fans pudeur & fans remords , tout eft perdu; les repréfailles feront affreufes , Jes cris & les gémiflemens fe perpétueront de race en race , & des flots de fang inon- deront la terre. Article de M. le Chevalier DE J AU COURT. ENNEMI ; en Peinture ; on appelle cou- leurs ennemies y celles qui s'accordent mal , & qui ne peuvent fubfifter enfemble fans offenfér la vue , on fans fe détruire en très-peu de temps. Le bleu & le vermil- lon font des couleurs ennemies ; leur mé- lange produit une couleur aigre , rude , & défagréable. Les habiles peintres fe font quelquefois un jeu de vaincre les difficultés qu'on pré- tend réfulter de l'affociarion des couleurs ennemies : ce qui feroit , chez les ignorans , une témérité , qui ne produiroit que des effets mauffades , devient , chez les habi- les , une hardiefTe louable, qui n'enfante que des prodiges. Diclionn. de Peint. (R) ENNUI , f. m. ( Morale philofoph. ) ei- pece de déplaifir qu'on ne fauroit définir : ce n'eft ni chagrin , ni trifteffe ; c'eft une privation de tout plaifir , caulée par je ne fais quoi dans nos organes ou dans les ob- jets du dehors , qui au lieu d'occuper notre ame , produit un mal-ailé ou dégoût , au- quel on ne peut s'accoutumer. Uennui eft le plus dangereux ennemi de notre être, & le tombeau des paffions ; la douleur a quel- que chofe de moins accablant , parce que dans les intervalles elle ramené le bonheur & l'efperance d'un meilleur état : en un mot , \'ennui eft un mal fi fingulier , fi cruel , que l'homme entreprend fouvent les travaux les plus pénibles , afin de s'épar- gner la peine d'en être tourmenté. L'origine de cette trifte & fâcheufe fenfation vient de ce que l'ame n'efl ni afTez agitée , ni affez remuée. Dévoilons ce principe de V ennui avec M. l'abbé du Bos , qui l'a mis dans un très-beau jour, en inf- îruifant les autres de ce qui fe parlé en eux , & qu'ils ne font pas en état de démêler , faute de favoir remonter à la, fource de leurs propres aJffè&ions* E N N L'ame a (es befoins comme le corps , & l'un de les plus grands befoins eft d'être occupée. Elle l'eft par elle-même en deux manières ; ou en fe livrant aux impreffions que les objets extérieurs font fur elle , & c'eft ce qu'on appelle fentir ; ou bien en s'entretenant par des fpéculations fur des matières , foit utiles , foit curieufes , foie agréables , & c'eft ce qu'on appelle réflé- chir & méditer. La première manière de s'occuper efl beaucoup plus facile que la féconde : c'eft auflî l'unique reflburce de la plupart des hommes contre V ennui ; & même les per- fonnes qui favent s'occuper autrement font obligées^ pour ne point tomber dans la langueur qui fuit la durée de l'occupation , de iè prêter aux emplois & aux plaifirs du commun des hommes. Le changement de travail & de plaifir remet en mouvemenc les efprits qui commencent à s'appefantir : ce changement femble rendre à l'imagina- tion épuifée une nouvelle vigueur. Voilà pourquoi nous voyons les hommes s'embarraffer de tant d'occupations frivoles & d'affaires inutiles ; voilà ce qui les porte à courir avec tant d'ardeur après ce qu'ils appellent leur plaifir y comme à fe livrer à des parlions dont ils connoiffent les fuites fâcheufes , même par leur propre expé- rience. L'inquiétude que les affaires cau- fent , ni les mouvemens qu'elles deman- dent , ne fauroient plaire aux hommes par eux-mêmes. Les parlions qui leur donnent les joies les plus vives , leur caufent auffî des peines durables & douloureufes ; mais les hommes craignent encore plus Yennui qui fuit l'inaclion , & ils trouvent , dans les mouvemens des affaires & dans Fivreffe des paffions , une émotion qui les remue. Les agitations qu'elles excitent , fe réveillent encore durant la folitude ; elles empêchent les hommes de fe rencontrer tête-à-tête, pour ainfidire, avec eux-mêmes, fans être occupés , c'eft-à-dire , de fe trouver dans l'affiiclion ou dans Yennui, Quand dégoûtés de ce qu'on appelle le moncle , ils prennent la réfolution d?y re- noncer , il eft rare qu'ils puiffent la tenir. Dès qu'ils ont connu l'inaction , dès qu'ils ont comparé ce qu'ils fouffroient par l'em- i ! barras des affaires & par l'inquiétude ck& ENN panions arec Vennui de l'indolence , ils viennent à regretter l'état tumultueux dont ils éroient fi las. On les accule fouvent à tort d'avoir fait parade d'une modération feinte ; lorfqu'its ont pris le parti de la retraite , ils étoient alors de bonne foi : mais comme l'agitation exceffive leur a fait fouhaiter une pleine tranquillité , un trop grand loifir leur a fait regretter le temps où ils étoient toujours occupés. Les hommes font encore plus légers qu'ils ne font difiî- mulés ; & fouvent ils ne font coupables que d'incon fiance ., dans les occafions où on les accufe d'artifice. " Je crois des hom- t) mes plus mal aifément la confiance, » que toute autre chofe , & rien plus ai- » fément & plus communément que lin- h confiance , » dit Montagne. En effet , l'agitation où les parlions nous tiennent, même durant la folitude , efl fi vive , que tout autre état efl un état de langueur auprès de cette agitation. Ainfi nous courons , par infime! , après les objets qui peuvent exciter nos pafîîons , quoique ces objets fanent fur nous des impreflions qui nous coûtent fouvent des nuits inquiètes & des journées plei- nes d'amertume : mais les hommes , en général , fouflfrent encore plus à vivre fans pallions que les parlions ne les font foufrrir. L'ame trouve pénible , & même fouvent impraticable la féconde manière de s'oc- cuper , qui confifle à méditer & à réflé- chir , principalement quand ce n'efl pas un fèntiment actuel ou récent qui efl le fujet des réflexions. Il faut alors que l'ame faffe des efibrts continuels pour fuivre l'objet de fon attention ; & ces efforts * rendus fou- vent infructueux par la difpofition pré- fente des organes du cerveau , n'aboutif- fent qu'à une contention vaine & ftérile, où l'imagination trop allumée ne préfente plus diltin clément aucun objet; & une infinité d'idées , fans liaifon & fans rap- port , s'y fuccedent tumultueufement l'une à l'autre. Alors l'efprit , las d'être tendu , le relâche ; & une rêverie morne & lan- guiffante , durant laquelle il ne jouit pré- cifément d'aucun objet , efl l'unique fruit des efforts qu'il a faits pour s'occuper lui- même- ENN 495 Il n'efl perfonne qui n'ait éprouvé Ven- nui de cet état , où l'on n'a pas la force de penfer à rien ; & la peine de cet autre état où, malgré foi , on penfe à trop de chofes , fans pouvoir fe fixer à fon gré fur aucune en particulier. Peu de perfon- nes même fonr allez heureufes pour n'é- prouver que rarement un de ces états , & pour être ordinairement à elles-mêmes une bonne compagnie. Un petit nombre peut apprendre cet art , qui , pour me fer- vir de l'expreflion d'Horace , fait vivre en amitié avec foi-même , quod te tibi reddat amicum. Il faut , pour en être capable , avoir un certain tempérament qui rend ceux qui l'apportent en naifiânt très-redevables à la Providence ; il faut encore s'être adonné dès la jeunefîe à des études & à des occu- pations , dont les travaux demandent beau- coup de méditation : il faut que l'efprit ait contracté l'habitude de mettre en ordre fes idées , & de penfer fur ce qu'il lit ; car la lecture où l'efprit n'agit point , & qu'il ne foutient pas en faifant des ré- flexions fur ce qu'il lit , devient bientôt fujette à Vennui. Mais à force d'exercer fon imagination , on la domte , & cette faculté rendue docile fait ce qu'on lui demande. On acquiert , à force de méditer , l'habitude de tranfporter à fon gré fa penfée d'un objet fur un autre , ou de la fixer fur un certain objet. Cette converfation avec foi-même met ceux qui la favent faire à l'abri de l'état de langueur & de mifere dont nous ve- nons de parler. Mais comme on l'a dit , les perfonnes qu'un fang fans aigreur & des humeurs fans venin ont prédeflinées à une vie intérieure fi douce , font biea rares ; la fituation de leur efprit efl même inconnue au commun des hommes , qui , jugeant de ce que les autres doivent foufïrir de la folitude, par ce qu'ils en fouffrent eux-mêmes , penfent que la foli- tude efl un mal douloureux pour tout Im- monde. Puifqu'il efl fi rare & comme impofïible de pouvoir toujours remplir l'ame par la- feule méditation , & que la manière de l'oc- cuper , qui eft celle de femir en fe livrant' , aux pallions qui nous affectent j efl unie. 45>4 ENN reflburce dangereufe & funefte , cherchons contre Y ennui un remède praticable à por- tée de tout le monde , & qui n'entraîne aucun inconvénient ; ce fera celui des tra- vaux du corps réunis A la culture de l'es- prit , par l'exécution d'un plan bien con- certé que chacun peut former & remplir de bonne heure , fuivant Ton rang , fa pofi- tion , fon âge , fon fexe , fon caradere & Ces talens. Il eft aifé de concevoir comment les travaux du corps , même ceux qui fem- blent demander la moindre application , occupent Pâme ; & quand on ne conce- vroit pas ce phénomène , l'expérience ap- prend qu'il exifte. L'on fait également que les occupations de l'efprit produifent alter- nativement le même effet. Le mélange de ces deux efpeces d'occupations,, fournif- fant un objet qu'on remplit avec foin cha- que jour , mettra les hommes à couvert jdes amertumes de l'ennui. Il faut donc éviter l'inaction & I'oifiveté , tant par remède que pour fon propre bon- heur. La Bruyère dit très-bien que ï ennui /eft entré dans le monde par la parefïe , qui a tant de part à la recherche que les hom- mes font des plaifirs de la fociété , c'eft- à-dire , des fpectacles , du jeu , de la table, des vifites & de la converfation. Mais celui qui s'eft fait un genre de vie dont le tra- vail eft à la fois l'aliment & le foutien a afîez de foi-même , & n'a pas befoin des plaifirs dont je viens de parler pour chafîèr X ennui , parce qu'alors il ne le connoît point. Ainfi le travail de toute efpece eu le vrai remède à ce mal. Quand même le travail n'auroit point d'autre avantage ; /quand il ne feroit pas le fonds qui manque le moins , comme dit la Fontaine , il por- teroit avec lui fa récompenfe dans tous les états de la vie , autant chez le plus puifîànt monarque que chez le plus pauvre labou- reur. Qu'on ne s'imagine point que la puif- fance , la grandeur , la faveur , le crédit , le rang , les richefTes , ni toutes ces chofes jointes enfèmble , puifïènt nous préferver de Y ennui ,• on s'abuferoit groffiérement. Pour convaincre tout le monde de cette vérité , fins nous attache* à la prouver par |Jês réflexions philofophiques qui nous mé- ENN neroient trop loin , il nous fuffira de parler d'après les faits , & de tranferire ici , des anecdotes dujieclede Louis XIV , un feul trait d'une des lettres de madame de Main- tenon à madame de la Maifonfort: il efl trop inftruclif & trop frappant pour n'y pas renvoyer le le&eur. " Que ne puis-je , dit madame de Main- » tenon , vous peindre l'ennui qui dévore » les grands , & la peine qu'ils ont à rem- » plir leurs journées ? Ne voyez-vous pas » que je meurs de trifteffè dans une for- » tune qu'on auroit eu peine à imaginer ? » Je fuis venue à la plus haute faveur , » & je vous protelle , ma chère fille , f> que cet état me laifïe un vuide af- » freux. » Elle dit un autre jour au comte d'Aubigné fon frère : " Je ne peux plus » tenir à la vie que je mené ; je voudrois » être morte. » On fait quelle réponfe il lui fit. Je conclus que fi quelque chofè étoit capable de détromper les hommes du bonheur prétendu des grandeurs humai- nes , & les convaincre de leur vain ap- pareil contre X ennui ; ce feroit ces trois mots de madame de Maintenon : Je n'y peux plus tenir ; je voudrois être morte. Article de M. le chevalier de J AU COURT. ENO , ENOS , jENOS , ( Ge'ogr. mod. ) ville de la Romanie dans la Tur- quie Européenne ; elle efl fituée proche du golfe de même nom. Long. 43 > 5° i lat* 40 , 46. ÉNONCÉ , f. m. {Logique & Géométrie. ) Ce mot s'applique aux propofitions & aux termes dans lefquels elles font préfentées. Ainfi on dit , cette propofition eft obfcure dans fon énonce' y voici dénoncé de la pro- pofition , &c. ( O ) ENONCIATION , f. £ . ( Logique. ) expreffion fimple d'une chofe en termes d'affirmation ou de négation. Les philofophes fcolaftiques diftinguent ordinairement trois opérations de l'efprit ; Pappréhenfion ou perception , dénonciation ou jugement, & le raifonnement. Voye\ ces mots. Enonciation 9 en Logique , lignifie la même chofè que propofition. Voye\ PRO- POSITION. E N P *ENOPTE , f. m. ( Hifl.anc.) c'étoit dans les repas une efpece d'infpe&eur qui veilloit à ce que chacun bût également ; apparemment afin que le bon fens s'afFoi- blifîant dans chacun en même propor- tion , il n'y eût pas la moitié d'une table enivrée qui fervît d'amufement & de fpeclacle à l'autre moitié qui feroit refrée fobre. *ENOPTROMANTIE, {.{.{Divin.) efpece de divination par le miroir. Ce miroir magique montroit les événemens à venir ou paflës , même à celui qui avoit les yeux bandés. h'énoptromant étoit un jeune gar- çon ou une Femme. Les Theflaliennes écri- voient leurs réponles fur le miroir en ca- ractères de fang ; & ceux qui les avoient confultées , lifoient leurs de/lins , non fur le miroir , mais dans la lune , qu'elles fe vantoient de faire defcendre du ciel : ce qu'il faut entendre apparemment , ou du miroir même qu'elles faifoient prendre pour la lune aux fuperftitieux qui recou- roient à cette forte d'incantation , ou de Fimage de la lune qu'elles leur montroient dans ce miroir. ENORCHIS, f. f. ( Hifi. nat. Minéra- logie. ) Les naturalises ont donné ce nom à une pierre dont la figure reflTemble aux tefticules ; ordinairement ce n'eft autre chofe que deux pyrites fphériques join- tes enfemble par un de leurs cotés ; ce- pendant il y en a qui font feules & déta- chées: celles-là font communément de la groflêur d'un œuf de pigeon , & contien- nent intérieurement une autre pierre qui eu adhérente à l'enveloppe intérieure , & dont elle remplit la capacité. Cette efpece d'énor- chis eu d'un gris de Gendre à l'extérieur ; la pierre intérieure eft d'une couleur obf- cure & foncée , & n'eft point luifante. Boëce de Boot la regarde comme une efpece de géode y & dit qu'il s'en trouve près de Prague en Bohême. ( — ) ENPOINTER, v. aÔr en terme d*E- pinglier y fe dit de l'action de faire la pointe cFune épingle , fans avoir égard à fa finefîe , bl à Tébauchage. On fe fert, pour enpoin- ter les épingles , d'une meule d'acier tail- ladée fur toute fa furface. Voye\ MEULE Cette meule eil plus ou moins grofîê , félon q,u£ l'on fait defïus les pointes fines ou les E N Q_ 49 j grones. Voye\ Pointes Fines & Poin- tes GROSSES. Voye\ V article EPINGLE. ENQUERE , v, acl. ( terme de Blafon. ) On nomme armes en enquere celles dont les pièces de métal font fur un champ de métal , ou celles qui , étant de cou* leur, fe trouvent fur un champ de cou- leur. Armes à enquere fe dit auili d'un chef de métal chargé de pièces pareillement de métal , ou de celui qui , étant de couleur , eil chargé de pièces de couleur. Ce terme vient du vieux verbe Gau- lois enquere , s'enquérir , s'informer ; parce que les armoiries de métal fur métal i ou de couleur fur couleur , étant contre l'ufage de l'art héraldique , donnent occa~ fion de— demander pourquoi on les porte ainfi. Bourbon de Bu Met deChalus, à Paris;: d'azur , à trois /leurs de lis d'or y un bâton de gueules péri au centre de Vécu\ au chef d' argent chargé d' une croix potencée d'or y. cantonné de quatre croifettes de même. Ar- mes à enquere. ( G. D. L. T. ) ENQUETE , f. fi inquijztio y ou fuivanr l'ancien ftyle du palais inquiefia ( Jurifpr. ) efl un procès-verbal rédigé par ordre & en préfence d'un juge ou commiffaire , con-- tenant des dépofitions de témoins fur des faits dont quelqu'un veut avoir la preuve , foit par cette voie feule , foit pour faire concourir cette preuve teftimoniale avec quelque preuve par écrit. Autrefois fous le terme d'enquête on< comprenoit également les enquêtes propre-- ment dites , c'eft-à-dire , celles qui fe font en matière civile , & les informations qui font des efpeces d'enquêtes en matière cri-^ minelle; mais préfentement on ne donne le nom d'enquête à ces fortes d'actes, qu'en matière civile. L'ufage des enquêtes y ou du moins de la preuve par témoins , eft de tous les temps & de tous les pays •;_ mais les forma- lités des enquêtes ne font pas par-tout uni-^ formes , & elles ont foufïèrt plufieurs chan-~ gemens en France. Les enquêtes font verbales ou par écrit t les premières font la même chofe que ce^ qu'on appelle enquête fommaire. Voyez r , ci-après , ENQUETE SOMMAIRE,- 4î)5 E N Q. On appelle enquêtes par écrit , celles qui ont été ordonnées par un jugement en vertu duquel elles font rédigées avec toutes les formalités ordinaires. Ces formalités ont été réglées par l'or- donnance de 1667, tit. xxij , fuivant le- quel dans les matières où il échet de faire enquête , le même jugement qui les ordonne doit contenir lesfairs dont les parties pour- ront refpedivemcnt informer (ans autres interdits & réponfes , jugemens ni com- mi liions. Voye\ INTERDITS. Lorlque ['enquête efl taire au même lieu où le jugement a été rendu , ou dans la diliance de dix lieues , elle doit être com- mencée dans la huitaine du jour de la lignification du jugement faite à la partie ou à fon procureur , & achevée dan? la huitaine fuivante. Si la diflance efl plus grande , le délai augmente d'un jour pour dix lieues; le juge, peut néanmoins , fi le cas le requiert , donner une autre huitaine pour La confection de 1 'enquête , fans que le délai puifïè être prorogé. Après que les reproches ont été fournis contre les témoins , ou que* le délai d'en fournir efl paMé , on porte la cauiè à l'au- dience , fans faire aucun ade ou procédure pour la réception de Yenquête, Il n'efl plus d'ufage comme autrefois de faire la publication de V enquête , c'eft-à- dire , d'en faire la ledure publique à l'au- dieace ; la communication deVenqucte tient lieu de cette publication ; on ne fournit plus auflî de moyens de nullité par écrit après les reproches , iauf à lespropofer en l'audience ou par contredits , fi c'efl en procès par écrit. Si Y enquête d'une partie n'eft pas achevée dans les délais de l'ordonnance , l'autre par- tie peut pourfuivre l'audience fur ua fim- ple ade , fans qu'il foit befoin de faire dé- clarer l'autre partie forclofe de faire enquê- te , comme cela fe pratiquoit autrefois; ce qui efl abrogé par l'ordonnance. Les témoins doivent être affignés à per- fonnes ou domicile , pour dépofer , & les parties au domicile de leur procureur , pour voir prêter ferment aux témoins : cela fe fait en vertu d'ordonnance du juge , fans commiflion du greffa. Le jour & l'heure four comparoir doivent *t*d E N Q^ être marqués dans les affignations données aux témoins & aux parties ; & fi les affignés ne comparent , on diffère d'une autre heure , après laquelle les témoins préfens prêtent ferment & font ouis; à moins que les parties ne confentent la remife à un au- tre jour. **Les témoins doivent comparoir à l'heure de l'aflignation , ou au plus tard dans l'heure fuivante , à peine de dix livres , au paiement de laquelle ils peuvent être contraints par faifie & vente de leurs biens , mais non pas par emprifonnement , à moins que cela ne fût ainfi ordonné par le juge , en cas de manifeffe défobéifîance. Les ordonnances des juges font exécutoires contre les té- moins , noriobflant oppofition ou appel- lation ; celles des commilTaires-enquêteurs le font aufii pour la peine de dix livres feulement. Soit que la partie compare , ou non , au jour indiqué , le juge ou commiMairc prend le ferment des témoins qui font pré- fens , & procède à la confedion de Y enquête y nonobfrant & fans préjudice de toutes op- pofitions ou appellations , fauf au défaillant a ptopofer Ces reproches ou moyens après Yenquête. Si le juge fait Y enquête dans le lieu de fa réfidence , & qu'il foit réeufé ou pris à partie , il efl tenu de furfeoir jufqu'à ce que les réeufations & prifes à parties aient été jugées. L'édit de novembre 1^78 , & une décla- ration du 14 décembre 1580, avoienteréé des adjoints aux enquêtes , dont la fonc- tion étoit d'afîifter aux enquêtes : mais l'ordonnance de 1667 a fupprimé la fonc- tion de ce* adjoints; & la déclaration du mois de novembre 1717 a pareillement fupprimé les fubitituts-adjoints , qui avoient été créés en 1696. Le juge ou commifîaire , en quelque cour ou jurifdidion que ce foit , doit re- cevoir lui-même le ferment & la dépofition d.e chaque témoin , fans que le greffier ni autre puiffe les recevoir , ni les rédiger par écrit hors la préfence du juge ou com- mifîaire. On doit faire mention au commence- ment de la dépofition , du nom , furnom , âge , qualité , & demeure du témoin , dit ferment E N Q ferment par lui prêté ; s'il eft fervireur , pa- rent ou allié de l'une ou l'autre des par- ties , & en quel degré. Les témoins ne peuvent dépofer en la préfence des parties; ni même en préfence des autres ! témoins , excepté lorfque les enquêtes fe font à l'audience; hors ce cas , ils doivent être ouis chacun féparémènt , uns qu'il y ait aufll perfonne que le juge ou commiffaire ck le greffier qui écrit l'en- quête. La dépofition achevée , on la doit lire au témoin, ck l'interpeller de déclarer fi elle contient vérité ; s'il y pifrfifte , il doit ligner fa déposition, ou s'il ne peut le faire, il doit le déclarer, ck on en doit faire men- tion fur la minute ck fur la groffe. Le juge ou le commiffaire doit faire écrire tout ce que le témoin veut dire tou- chant le fait dont il s'agit entre lés parties fans en rien retrancher. Si le témoin augmente , diminue ou change quelque chofe à fa dépofition, on doit l'écrire par apoftilles ck renvois en imrge , qui doivent être fignés par le juge & le témoin s'il fait ligner. On n'ajoute point foi aux interlignes , ni même aux renvois qui ne font point fignés ; & fi le témoin ne fait pas figner, on en doit faire men- tion , comme il a déjà été dit. Le juge doit demander au témoin s'il requiert taxe ; èk fi elle eft requife , le juge la doit faire eu égard à la qualité , voyage,, & (éjour du témoin. Tout ce qui a été dit jufqu'ici doit être obfervé à peine de nullité. L'ordonnance défend en outre aux parties de faire ouir, en matière civile , plus de dix témoins fur un même fait , ck aux juges ou commiffaires d'en entendre un plus grand nombre ; autrement la partie ne peut prérendre le rembourfement des frais qu'elle aura avancés pour les faire ouir, encore que tous les dépens lui fuffent adjugés en fin de caufe. Le procès-verbal ^enquête doit être fom- maire , ck ne contenir que le jour ck l'heure des afiîgnations données aux témoins pour dépofer, ck aux parties pour les voir jurer ; le jour ck l'heure des afiîgnations échues ; leur comparution ou défaut ; la preftation de ferment des témoins, û c'eft en lapré- Tome, XII* E N Q 497 f fence ou abfence de la partie ; le jour de chaque dépofition ; le nom , furnom, âge , qualité ck demeure des témoins ; les réqui- sitions des parties , ck les a êtes qui en feront accordés. Les greffiers ou autres qui ont écrit l'en- quête ck le procès-verbal , ne peuvent pren- dre d'émolumens que pour l'expédition de la grofle , félon le nombre de rôles , au cas que Y enquête, ait été faite au lieu de leur demeure, èk fi elle a été faite ailleurs, ils ont le choix de prendre leurs journées, qui font taxées aux deux tiers de celles du juge ou commiffaire. Les expéditions ck procès - verbaux des enquêtes ne doivent être délivrés qu'aux parties , à la requête defquelles ^enquête a été faite. Voye^ ENQUÊTE D'OFFICE. Ceux que l'on prend pour greffiers en des commiffions particulières , n'ayant point de dépôt, doivent remettre la minute des enquêtes èk procès-verbaux aux greffes des jurifdi&ions où le différend eft pendant, trois mois après la commiffion achevée ; autrement ils peuvent y être contraints , fauf à eux de prendre exécutoire de leur falaire contre la partie. Voye\_ l'art. 25. L'ufage qui s'obfervoit autrefois d'en- voyer des expéditions des enquêtes dans un fac clos èk fcellé , a été abrogé par l'ordon- nance , de même que les publications èk réceptions d'enquête , èk tous jugemens por- tant que l'on donnera moyens de nullité par rapport aux reproches que l'on peut fournir contre les témoins. Voye\ RE- PROCHES. Si celui qui a fait X enquête refufe ou né- glige d'en faire lignifier le procès- verbal èk donner copie , l'autre partie pourra le fom- mer par un fimple exploit de le faire dans trois jours , après quoi il pourra lever le procès-verbal ; 6k le greffier fera tenu de lui en délivrer expédition , en lui repré- fentant l'acte de fommation èk lui payant fes falaires de la grolfe , dont il fera délivré exécutoire contre la partie qui en devoit donner copie. La partie quia fourni des reproches , ou renoncé à en fournir, peut demander copie de X enquête ; èk en cas de refus , ['enquête doit être rejetée, ÔC l'on procède au juge- ment. Rrr 498 ENQ Si celui contre qui Yenquête a été faite en veut prendre avantage , il peut la lever en fatisfaifant à ce qui a été dit dans l'article précédent. Celui qui levé ainfî l' enquête au refus de fon adverfaire d'en donner copie , a huitaine pour lever procès-verbal , 6c autant pour lever Yenquête ; & fi elle a été faite hors du lieu où le différend eft pendant , on donne un autre délai à raifon d'un jour pour dix lieues. Ces délais de huitaine ne font que pour les cours & pour les bailliages , fénéchauf- fées & préfidiaux -, dans les autres lièges , chaque délai n'eft que de trois jours. Avant de pouvoir demander copie du procès-verbal de fa partie , il faut donner copie du fien ; il en eft de même pour Yenquête. Celui qui a eu copie du procès-verbal & de X enquête , ne peut, en caufe principale ou d'appel, faire ouir à fa requête aucun témoin , ni fournir des reproches contre ceux de fa partie. Si Yenquête a été ordonnée à l'audience fans appointer les parties, les enquêtes doi- vent être rapportées à l'audience pour y être jugées fur un fimple acle.. Lorfque Yenquête eft déclarée nulle par la faute du juge ou commiffaire, on en fait une nouvelle aux dépens du juge ou commiffaire y dans laquelle la partie peut faire ouir de nouveau les mêmes témoins. Vcye^ Commissaire-Enquêteur, & ci-après ENQUETEUR , PREUVE PAR TÉ- MOINS , Reproches, Témoins ; Franc. Marc, tome I , quefi. 901 ; le Traité de la preuve par témoins , de Danty ; la Biblio- thèque de Bouchel , au mot témoins ; le Traité des enquêtes & témoins , de Guillaume Jaudin , inférés, dans Bouchel , loc. cit. (A) Enquête d'examen a futur , étoit celle qui fe faifoit d'avance & avant la con- teftation en caufe , même avant que le pro- cès fût commencé , lorfqu'on craignoit le dépériflement de la preuve, foit que les té- moins fuffent vieux , ou valétudinaires, ou fur le point de s'abfenter. Cette forme de procéder avoit été îrrée par les docteurs & praticiens , tant du droit civil que du droit canonique, notamment ENQ de furtis , /. 3 , § duœ , ff. de Carboniano ediclo , & des décrétales j iuivantle chapitre quoniam 5 , in princip. extra ; ut lue non contefl. & cap. cum dileclœ , 4 ext. de con~ Jirm. utilit.vel inutilit. Elle fut auffi autorifée par les anciennes ordonnances , comme il paroît par celle de Charles VIII, de l'an 1493, art. 58 , qui défend néanmoins d'en faire en matière de récréance ; & la raifon eft que cette pro- cédure n'avoit lieu qu'en matière civile t, & non en matière bénéficiale ou crimi- nelle. Quand le procès étoit déjà commencé , il falloit affigner la partie pour voir prêter ierment aux témoins. Lorfqu'on vouloit faire enquête avant qu'il y eût procès commencé , il falloit des lettres- en chancellerie adrefTantes au juge pour faire ouir témoins ; & dans ce cas le juge tenoit fa procédure clofe ck fecrete julqu'à ce qu'il fût néceftaire de la produire : mais la partie qui avoit fait faire cette enquête de voit former fa demande dans un an au plus tard , à compter de la confection de V enquête, autrement Yenquête étoit nulle; à l'égard du défendeur qui avoit fait une telle enquête pour appuyer fa .défenfe jl'e*r-- quête àuxoit trente ans. Les inconvéniens qu'on a reconnus dans cette procédure prématurée , qui excitoit. fouvent une prévention dans l'efprit des juges, ont été caufe qu'elle a été abrogée: par l'ordonnance de 1667, tit. xiij. Les auteurs qui en parlent, (om le flyle- du parlement , à la fin ; Joannes Ferrarius s< cap. quando teftes pred. ad atern. rei mem*. Mafuer, inprax. tit. de teftibus ; Imbert,, en/es infiit.Jor. liv. I,ck. xliv ; Papon , en: fes notes, liv. X, titre def lettres incid» RebufT. tract, de cauf. benef. art. 2 , glojf.- unic. n. 8 \ Bornier, fur ^ordonnance de- Enquête ou Information : ces ter- mes étoient autrefois fouvent confondus ;iL y a encore certaines enquêtes civiles que l'on: qualifie ^information, telle que l'informa- tion de vie & mœurs. (A) Enquête justificative ; quelques praticiens donnent ce nom à Yenquête que i'accufé fait pour prouver fon innocence ,. de la loi ^o,ff..ad. legt aquiliam 9J.;3 2 ,jf. lorfqu'oo l'a admis à la preuve de fes faits E N Q juftificatifs. Voyei la pratique de Mafuer , p. 292 , & Faits justificatifs. (A) Enquête d'office eft une information que le juge ordonne & fait de fon propre mouvement & fans y être provoqué par perfonne , pour inftruire fa religion fur certains faits qui ont1 rapport à quelque affaire dont la connoiffance lui appartient: quoique ces fortes d'enquêtes fe fartent à la xequête du miniftere public , on ne laiffe pas de les appeller toujours enquêtes d'office , pour dire qu'il n'y a point de partie privée qui les ait demandées. Les avis de parens &c amis que le juge ordonne à l'occafion des tu telles, curatelles, émancipations , interdictions , font des enquêtes d'office , lorfqu'il n'y a aucun pa- rent qui les provoque. C'eft aufîi une enquête d'office , lorfque ie juge avant de procéder à l'enrégiftrement de quelques ftatuts , privilèges , Se lettres- patentes , ordonne qu'il fera informé de la commodité ou incommodité de ce dont il s'agit ; ce que l'on appelle vulgairement Une enquête de commodo velincommodo. Ces fortes ^enquêtes font quelquefois qualifiées iï information , comme celle qui fe fait de l'âge & des vie & mœurs d'une perfonne qui fe préfente pour être reçue dans quelque fonction publique ; ce que l'on appelle communément une information de vie & mœurs. Il y a des formalités preferites pour les enquêtes ordinaires , qui paroiffent inutiles pour les enquêtes d'office , quoique l'ordon- nance ne le dife point; par exemple, on ne peut pas afligner la partie pour voir prêter ferment aux témoins , n'y ayant point de contradicteur dans ces fortes à! enquêtes. Le terme à! enquête a" office n'eft guère ufité qu'en matière civile : cependant quel- ques auteurs l'appliquent aufli en matière criminelle aux informations qui fe font à la requête du miniftere public feul , fans qu'il y ait de partie civile privée. Vbye£ lefiyle de Cayron , pag. 221. L'ordonnance de 1667 > tUre XXI) > arl*-~ de 24, fait mention de ces fortes d'enquêtes, & ordonne qu'elles feront feulement déli- vrées à la partie publique qui les aura fait feire. Voyei auffi Loifeau , des offices , liv.I,ch. iv,n.s>.(A) E N Q 499 Enquêtes du Parlement. Voyt^ Parlement à l'article Chambre des Enquêtes. Enquêtes ou Pièces. On comprenoit anciennement fous le terme à? enquêtes, non - feulement les enquêtes proprement dites , mais généralement toutes fortes de titres Se pièces qui fervoient à la prçuve des faits. ÇA ) Enquêtes ou Procès ; ces termes étoient autrefois fynonymes , fur-tout pour les affaires de fait & procès par écrit , dont la décifîon dépendoit des titres & pièces que l'on comprenoit alors fous le terme ^enquêtes : il eft dit dans des lettres de Philippe de Valois , du mois de juin 1338, & dans d'autres du roi Jean , du mois de janvier 1351 , qu'il ne fera point fait d'en- quête en matière criminelle qu'après l'infor- mation ; ce qui fe rrouve expliqué encore plus clairement dans d'autres lettres du roi Jean , du 12 janvier 1354, où il eft dit, non obflante quodproceffus feu inquefioz inchoatœ fuerint in nofira dicta curia parlamenti. On trouve encore quelque chofe de fem- blable dans des lettres du mois de mai 1358, données par le dauphin, qui fut depuis le roi Charles V. (A) Enquêtes de sang , fignifioit autrefois information en matière criminelle ; elles étoient ainfî nommées à caufe que dans ces matières elles tendent fouvent à faire infliger à l'accufé quelque peine qui em- porte effufton de iang. L'ordonnance de Philippe V, dit le long, du mois de dé- cembre 1320 , pour le parlement , porte que les enquêtes feront remifes en trois hu- ches ou coffres ; favoir , en l'une les en- quêtes à juger, en l'autre les enquêtes ju- gées, & en la troifieme les enquêtes de fang. (A) Enquête SECRETE;les informations en matière criminelle étoient quelquefois ainfî nommées, parce qu'une des principales différences qu'il y a entre ces fortes de preuves & les enquêtes civiles , c'eft que les informations font pièces fecretes. (A ) Enquête sommaire eft celle qui fe fait fommairement &fans beaucoup de for- malité , lorfque le juge entend les témoins à l'audience , comme il fe pratique dans les matières fommaires. Rrr 2 5oo ENQ L'ordonnance de 1667, lit. xvij, art. 8, dit que fi les parties Te trouvent contraires en faits dans les matières fommaires , 6c que la preuve par témoins en foit reçue, les témoins feront ouis en la prochaine au- dience , en la préfence des parties fi elles comparent , finon en abfence des défail- lans ; 6c que néanmoins , à l'égard des cours , des requêtes de l'hôtel, 6c du palais 6c des préfidiaux , les témoins pourront être ouis au greffe, par un confeiller , le tout fommairement , fans frais , & fans que le délai puifTe être prorogé. L'article 9 ajoute que les reproches feront propofés à l'audience avant que les témoins foient entendus , fi la partie en préfente ; qu'en cas d'abfence , il fera pafté outre à l'audition , & qu'il fera fait mention fur le plumitif ou par le procès - verbal , fi c'eft au greffe , des reproches & de la dépofition des témoins. Voyt^ aujji l'article 2J de l'ordonnance. (A) Enquêtes par turbes , éroit une ef- pece d'acte de notoriété ou information que les cours fouveraines ordonnoient quel quefois , lorfqu'en jugeant un procès il fe trouvoit de la difficulté, foit fur une cou tume non écrite , foit fur la manière cfufer pour celle qui étoit rédigée par écrit, ou fur le ftyle d'une jurifdicYton , ou enfin concernant des limites ou une longue pof- feffion , ou fur quelqu'autre point de fait important. On les appelloit ainfi , parce que les. dé- positions étoient données/7£r turbas , 6c non l'une après l'autre , comme il fe pratique dans les enquêtes ordinaires 6c dans les in- formations. Ces fortes ^enquêtes ne pou voient être ordonnées que par les cours fouveraines ; les préfidiaux même n'en pouvoient pas ordonner. La cour ordbnnoit qu'un confeiller fe tranfporteroit dans la jurifdiétion principale de la coutume ou du lieu. Le commiftaire y faifoit affembler , en vertu de l'arrêt, les avocats, procureurs 6c praticiens du bailliage ; il leur donnoit les faits 6c articles ; 6c les turbiers après être convenus de leurs faits , envoyaient au commifTaire leur avis au déclaration par un député d'entr'eux. ENQ Chaque turbe devoit être compofée stî moins de dix témoins ; & il falloir du moins deux turbes pour établir un fait, chaque turbe n'étant comptée que pour un , fuivant les ordonnances de Charles VII, en 1446, article 22; de Louis XII, en 1498, article 1 3 ; de François I, en 1535, chap. pij , articles 4 & y. Ces enquêtes occafionoient de grands frais; elles étoient fouvent inutiles à caufe de la diverfité des opinions , 6c toujours dangereufes à caufe des factions qui s'y pratiquoient; c'eft pourquoi elles ont été abrogées par l'ordonnance de 1667, th. xiij. Il y en a cependant eu depuis une, con- firmée par un arrêt du confeil , du 7 fep- tembre 1669; mais elle avoit été ordonnée dès 1666 , 6c il y avoit eu arrêt en I66S'-, qui avoit permis de la continuer. Préfentement lorfqu'il s'agit d'établir un.: ufage ou un point de jurifprudence ; on. ordonne des actes de notoriété , ou bien on emploie des jugemens qui ont été ren- dus dans des cas femblables à celui dont il s'agit. Fbyet Notoriété. (-<4) Enquête verbale. Voye\ Enquête sommaire- Enquête VIEILLE , c'eft-à-dire , une enquête faite anciennement avec d'autres parties : elle ne laiffe pas de faire preuve quand elle eft en bonne forme; mais étant res inter. alios acla , elle n'a pas la même force que celle qui eft faite contre la même partie. Voyeç Peleus , quefi. 46. (A) ENQUÊTEURS , f. m. pi. (Jurifp.) font des officiers établis pour faire les en- quêtes 6c informations; on lés appelle au ffi examinateurs , parce qu'ils font l*èxamen des comptes , & ces deux titres font ordi- nairement précédés de celui de commif- faire , parce que ces offices ne font propre- ment que des commuions particulières établies pour décharger le juge d'une partie de î'inftruction. Ce qui concerne ces offi- ciers a déjà été expliqué aux mots COM- MISSAIRE au Chatelet & Commis- saires -Enquêteurs , auxquels nous renvoyons. (A ) Enquêteurs des forets , inquifito" resforejlarum , étoient des commiffaires en- voyés par le roi dans les provinces, pour , ccnnoirre des abus qui fe commettoient ENR «ferre ftifage ou exploitation des bois. Il y a dans le tabulaire de S. Victor, à Paris, (ckap.xii/.) un jugement fort ancien , dont la date ne peut fe lire, rendu par Me. Phi- lippe le Convers, tréforier de S. Etienne de Troyes , clerc du roi , & Guillaume de Saint-Michel , enquêteurs des forêts. ÇA) ENQUIS , ad). ÇJurifprud.) Ce terme qui vient & enquérir , fignifie à peu près la même chofe qu'interrogé. Il eft ufité prin- cipalement dans les enquêtes ; le procès- verbal dit , en parlant d'un témoin , enquis de fes nom , furnom , âge & qualités , a répondu , &c. Voyt\ ENQUÊTE. ÇA) ENRAYER, v. neut. ( Manège, Maré- chal.) exprefîion en ufage , en parlant d'une voiture quelconque à deux ou à quatre roues , pour défigner l'action de fixer une ou deux d'entr'elles , de manière que la voi- ture étant mife en mouvement , elles de- meurent immobiles, & gliflentfur leterrain au lieu d'y rouler. Cette précaution eft extrêmement pru- dente , lorfqu'il eft queftion de defcendre une montagne rapide. Par ce moyen , on foulage considérablement les chevaux qui pourroient fuccomber fous le poids du fardeau qui les pouffe , & qu'ils font obligés de retenir avec une force qui met à des épreuves cruelles leurs reins & leurs jar- rets. On conçoit, fans doute j les acci- dens qui pourroient arriver, fi ce même poids , à la chute duquel ils s'oppofent , î'emportoit fur leur réfiftance. Voye^ En- RAYURE. (e) ENRAYURE, f. f. (Manège, Maré- chal.) On appelle de ce nom toute corde , toute longe , tout lien deftiné à enrayer une voiture. Une fimple corde propre à tout autre ufage, eft nommée ainfi, lorfquon s'en fert à cet effet. Communément celles qui y font confacrées , font repliées en boucle à l'une de leurs extrémités ; on les paiTe d'abord dans un des brancards , &c on les y fixe, en introduifant l'extrémité, ncoi repliée dans l'anneau fait à l'autre. Après les y avoir fermement arrêtées', on fait plufieurs tours, enembraffantdeux rais de la roue ck le même brancard en avant de la bande de cette même roue , & l'on termine toutes ces circonvolutions par un double noeud coulant. II. en eft d'autres •ENR 501 que Ton pafTe de même dans le brancard; mais l'extrémité qui répond aux roues eft garnie d'un crochet de fer très-gros & très- fort que Ton accroche à un rais feulement. Celle-ci eft plus ordinairement faite d'un cuir , ayant la même force que les traits des harnois ; on arrête ce cuir par le moyen d'une boucle* au brancard qu'il embraffe , tandis que le crochet attaché à ce cuir par le moyen d'un anneau de fer , tient pareil- lement à un des rais. h'enrayure ordinaire des voituriers , des charretiers & des rouliers , confifte dans une grande perche qu'ils attachent par un bout à l'extrémité poftérieure du brancard, en; arrière de la bande de la roue , & à l'extré- mité antérieure en avant de la même bande , pour que cette même perche , par fpn appui force contre les jantes de la roue, occa- fione un frottement qui tient lieu dé. Yenrayure , & fatigue moins le rouage. O) ENRAYURES, f. f. Ipl. Ç Charpente.) c'eft l'affemblage de toutes les pièces qui'< compofent une ferme. ENREGISTREMENT ,T. m. (Juri/p.) fignifie en général la tranfcription d'un aclt- dans un regiflre , foit en entier ou par" extrait. Cette formalité a pour objet decon-r ferver la teneur d'un afte dont il peut im- porter au roi, ou au public, ou à quelque particulier , d'avoir connoiflance. Les marchans & négocians , banquiers & agens de change, font obligé, fuivant l'or- donnance du commerce , d'avoir des livres ou regiftres ,.& d'y enregistrer • ( ou écrire ) tout leur négoce., leurs lettres de change, dettes aftives &paffives. On enregistre les baptêmes , mariages & fépultures, vêtures, profeflions en religion, en infcrivant les adtes fur des regiftres pur blics deftinés à cet effet. . Les a&es fujets au contrôle, infinuation,- centième denier ou autre droit, font enrê~ giftrés , c!eft-à-dire , tranfcrits en entier ou par extrait fur les regiftres deftinés pour ces formalités. On enrégifire aufli les faifies réelles , lés - criées , les fubftitutions, des bulles & pro — yifions, &c.ÇA) ENREGISTREMENT des ordonnances,^ 502 ENR édits , déclarations ck autres lettres-paten- tes , pris dans le fens littéral , n'eft autre chofe que la tranfcription de ces nouveaux xéglemens que le greffier des jurifdi&ions , foit fupérieures ou inférieures , fait fur les regiftres du tribunal , en conféquence de la vérification qui en a été faite précédemment par les tribunaux fupérieurs qui ont le droit ck le pouvoir de vérifier les nouvelles loix. Néanmoins , dans l'ufage , on entend aufli par le terme tf enrégijlrement la véri- fication que les cours font des nouvelles ordonnances; l'arrêt ou jugement qui en ordonne Y enrégijlrement ; l'admiflion qui les barons ou grands vaffaux de la couronne qui étoient tous membres du parlement, étoient chacun maîtres de leurs domaines , qui coinpofoient au moins les deux tiers du royaume ; ils s'étoient même arrogé le droit d'y faire des réglemens : ÔC le roi n'y pouvoitrien ordonner que de ieur confentement , c'eft pourquoi il en eft fait mention dans plufieurs ordonnances qui dévoient avoir lieu dans les terres de ces barons. Tels font deux établifTemens ou ordon- nances faites par Philippe- Augufte; l'une du premier mai 1209, touchant les fiefs du royaume , où il eft dit que le roi , le duc de Bou rgogne , les comtes de Nevtrs , de Bou- logne & de Saint-Paul , le féigneur de Dom- pierre , & plufieurs autres grands du royau- me , convient unanimement de cet éta- blifTement : convenerunt 6* ajfenfu publico formaverunt ,ut à primo die maii in pofte- rum itajît de feodqlibus tenementis. L autre ordonnance, qui eft fans date , eft un accord ENîl accord entre le roi , les clercs Se les ba- rons. On trouve auflî un ctablifTement de Louis*"VIII , en 1223 , où il dit : Noveritis quod per voluntatem & qffenfum archiepifeo- porum , epifeoporum , comitum , baronum & militum regni Franciœ.... fccimusjlabilimen- tumper Judœos. Joinville , en fbn hiftoire de S. Louis , fait mention des parlemens que tenoit ce prince pour faire les nouveaux établijfemens. Il fuffît d'eu donner quelques exemples , tels que fon ordonnance du mois de mai 1246 , où il dit : Hcec autem omnia... de commuai confdio & ajfenfu diclorum baronum & militum. , volumus & prœcipimus , &c... & ce qu'il fit touchant le cours des efterlins,,- à la fin de laquelle il eft dit ,facla fuit hœc ordinatio in parlamento omnium Sanclorum , anno Dominimillefimo ducentejimofexagejimo quinto. Le règne de «-Philippe III, dit le Hardi, nous offre une foule d'ordonnances faites par ce prince en parlement , notamment celles qu'il fit aux parlemens de l'Afceuiion en 1272 , de l'oâave de la ToufTaint de la même année , de la Pentecôte de l'année £u i vante , de l'AfTomption eu 1274, de la ToufTaint ou de Noël en 1275 , de l'Epipha- nie en 1277 , & de la ToufTaint en 1283. Les ordonnances , ainfi délibérées en parle- ment , étoient regardées en quelque forte comme fbn ouvrage, de même que fesarrêts; c'eft pourquoi on les inferivoit au nombre des arrêts de la cour, comme il eft dit à la fin des ordonnances de 1283 : Hcec ordina- tio regijlrata eft inter judicia , confdia & ar- refta expedita in parlamento omnium Sanclo- rum , anno Domini 1283. La même chofefe trouve à la fin d'une ordonnance de 1287 , & aufîi de deux autres de 1327 & de 1331 , & de plufieurs autres. . Pfiilippe-le-Bel fit aufîi plufieurs ordon- nances en parlement dans les années 1287 , 1288 , 1290 , 1291 , 1296. La première de ces ordonnances , qui eft celle de 1287 , commence par ces mots , ceft t ordonnance faite par la cour de notre feigneur le Roi & de fon commandement ; & à la fin il eft dit quelle fut faite au parlement, & qu'elle fe- roit publiée en chaque baillie en la première afîife, &c. Tome XII. ENR 5o5 A la fin de celle de 1288 , il eft dit qua fi quelqu'un y trouve de la difficulté , ou confultera la cour du roi & les maîtres ( du parlement. ) Il s'en trouve aufîi plufieurs du même prince, faites en parlement depuis qu'il eut rendu cette cour fédentaire à Paris en 1302 \ entr'autres celle du 3 octobre 1303 , faite avec une partie feulement des barons^ parce que , dit Philippe-le-Bel , il ne pou- voit pas avoir à ce confeil & à cette délibé- ration les autres prélats & barons fi-tôt que la nécefîité lerequesroit j & les barons dans leur fbufeription s'énoncent ainfi : nous, parce que ladite ordonnance nous femble convenable & profitable a la befogne , & ft peu greveufe... q-ue-mdne~9fa doit refufir^-nousy c&nfcmmis^. L'ordonnance de ce prince du 28 février 1308 , deux autres du jeudi avant les Ra- meaux de la même année , & une autre du premier mai 1 3 1 3 , font faites eu plein par- lement. Il s'en trouve de fèmblables de Philippe VI dit de Valois , des 24 juillet 1333 , 10 juillet 1336, 17 mai 1345 , deftiués uniquement pour les enré- giflrermns ; ils contiennent aufîî de? arrêts rendus entre particuliers , & des procé- dures. Mais , peu de temps après , on fit au parlement des regiftres particuliers pour les enté g ijî remens des ordonnances , édits , dé- clarations & lettres-patentes , que l'on a ap- pelles regijlres des ordonnances. Le premier de ces regiftres , coté A , & intitulé ordinationcs antiquœ , commence en 1337 : il contient néanmoins quelques ordonnances antérieures , dont la plus ancienne , ce font des lettres-patentes de St. Louis , du mois d'août 1229 , qui confirment les privilèges de l'univerfité de Paris. Quand on tranferit une pièce dans les regiflres du tribunal, en coniéquence du jugement qui en a ordonné Venrégijîrement^ elle doit y être copiée toute au long , avec le jugement qui en ordonne Yenrégiflrementy & non pas par extrait feulement, ni avec des & cœtera. Ce fut fur ce fondement que le re&eur & l'univerfité de Paris expoferent , par requête au 'parlement en 1551 , que quel- qu'un de leurs fuppôts ayant voulu lever un extrait du privilège accordé en 1336 aux écoliers étudians en l'univerfité , il s'éteit trouvé quelques omiffions faites fous ces mots & cœtera , pour avoir plutôt fait , par celui qui fit le regiftré :, que ces omif- fions étoient de conféquence } & que fl l'original du privilège fe perdoit , le recours au regiftré ne feroit pas fur j c'eft pourquoi ils fupplierent la cour d'ordonner que ce qui étoit ainfi imparfait fur ie regiftré, par ces mots , & cœtera , fût rempli par colla- tion qui fe feroit du regiftré à l'original. Sur quoi la cour ayant ordonné que l'original feroit mis pardevers deux con- feillers de la cour , pour le collationner avec le regiftré : oui le rapport defdits confeillers , la cour, par arrêt du 18 août 1552 , ordonna que l'original du pri- vilège feroit de nouveau en régi/tré dans les regiftres d'icelle , pour être , par le greffier , délivré aux parties qui le requer- roicnt. Les E N R Les arrêts de vérification ou enrégiflre- ment , faits au parlement , portent ordinai- rement > que copies collationnées du nou- veau règlement 8c de Parrêt , feront en- voyées aux bailliages ôc fénéchau fiées du reiîbrt , pour y être lues , publiées 8c enré- giftrées : l'arrêt enjoint au fubftitut du pro- cureur-général du roi d'y tenir la main , 8c d'en certifier la cour dans un mois , fuivant ledit arrêt. PLe procureur- général de chaque parle- ment envoie des copies collationnées des nouveaux réglemens à tous les bailliages , fénéchauftees 8c autres juftices royales ref- fortiflàntes nuement au parlement. A 1 égard des pairies du reftbrt , quoi- que régulièrement elles duflènt tenir du juge royal la connoiflance des nouveaux réglemens , néanmoins , pour accélérer , M. le procureur-général leur en envoie aufïî directement des copies collation- nées. Si Yenrégiflrement eft fait en la cour des aides , l'arrêt de vérification porte que l'on enverra des copies collationnées aux élec- tions 8c autres Aeges du reflbrt. Lorfque les nouveaux réglemens , qui ont été vérifiés par les cours , font envoyés dans les fieges de leur reflort pour y être enrégiflrés , cet enrégiflrement s'y fait fur les conclufions du miniitere public , de même que dans les cours ; mais avec cette diffé- rence , que les cours ont le droit de dé- libérer fur la vérification , 8c peuvent ad- mettre le projet de règlement , ou le refu- ler , s'il ne paroît pas convenable aux in- térêts du roi ou au bien public : au lieu que les juges inférieurs font obligés de fe conformer à l'arrêt de vérification , 8c en conféquence de rendre un jugement por- tant que la nouvelle loi fera infcrite dans leurs regiftres , purement 8c fimplement , fans pouvoir ajouter aucunes modifica- tions ; en forte que cet enregistrement n'eu; proprement qu'une fîmple tranfcrip- tion dans leurs regiftres , 8c non une véri- fication. Il faut néanmoins obferver que , dans les provinces du refïort qui ont quelques i privilèges particuliers , les juges inférieurs i pourraient faire des repréfentations au par- I lement avant d'enrégifirer , fi le nouveau ENR ÎI3 T règlement etoit contraire à leurs privilèges. Du refte , les juges inférieurs n'ont pas droit de délibérer fur le fond de Yenrégif- trement \ mais ils ont la liberté de délibérer fur la forme en laquelle l'envoi des nou- veaux réglemens leur eft fait , c'eft-à-dire , d'examiner ii cette forme eft légitime & régulière. Ils peuvent auiïi , après avoir procédé à Yenrégifh-ement de la nouvelle loi , faire fur cette loi ( s'il y a lieu pour ce qui les concerne) , fiire des repréfentations au parlement , ou autre cour dont ils relèvent , qu'ils adrefient au procureur-général. Il paroît même , fuivant l'ordonnance de Charles VII, de 1453 , art. 66 & 6j , 8c l'ordonnance de Louis XII , du iz dé- cembre 1499 , que les juges inférieurs peuvent , en certains cas , fufpendre l'exé- cution des loix qu'on leur envoie , en re- préientant les inconvéniens qui peuvent en rélulter , relativement à leurs provinces 8c aux réglemens antérieurs. Ces cas, félon les ordonnances de Charles VII 8c de Louis XII , font lorfque les loix qui leur font en- voyées peuvent être contraires aux ordon- nances , 8c produire du trouble dans le royau- me ; tel que feroit , par exemple , quelque établiflement tendant à anéantir la forme du gouvernement. Au châtelet de Paris , les nouvelles or- donnances font enrégiflrées fur un regiftre particulier , appelle regiftre des bannières ; ce qui lignifie la même choie que regiftre des publications. Tous les juges auxquels le procureur- général envoie des copies collationnées des nouveaux réglemens , font obligés d'envoyer dans le mois un certificat de Y enregistrement. Depuis environ 3 5 ans s il eft d'ufige de garder tous ces certificats dans les minutes du parlement , pour y avoir recours au be- foin , 8c connoitre la date de Yenrégijtrement dans chaque iiege. Les nouvelles ordonnances doivent être exécutées , à compter du jour de la vérifi- cation qui en a été faite dans les cours fou- veraines;ou après le délai qui eft fixé par l'ordonnance ou par l'arrêt d'-'nrégijtrcment , comme cela fe fait quelquefois , afin que chacun ait le temps de s'inftruire de la loi. Elle doit auiïî être exécutée à compter Ttt 5i4 E N R du même jour , pour les provinces du reflort , te non pas feulement du jour qu'elle y a été enrégifiée par les juges inférieurs. Néan- moins s'il s'agit de quelque difpoiition qui doive être obfervée par les juges ,£ officiers ou particuliers , la loi ne les ta que du jour qu'ils ont pu en avoir connoiflance ; comme on voit que la novelle 66 de Juftinien, iur l'observation des conftitutions impériales , avoit ordonné que les nouvelles loix feroient obfervées àConftantinjpledans deux mois, à compter de leur date ; 6c à l'égard des provinces , à deux mois après Pinfmuation qui y feroit faite de la loi : ce temps étant . iuffifant , dit la novelle, pour que la loi fût connue des tabellions 6c de tous les fujets. Il n'eft pas d'ufage de faire enrégijïrer les nouveaux régîemens dans les juftices fei- gneuriales , ni de leur en envoyer des copies, ces juftices étant en trop grand nombre , pour que 1 on puiffe entrer dans ce détail : de forte que les orïiciers de ces juftices font pi éfw mes inftruits des nouveaux régîemens pan la notoriété publique , Se par Venrégif- trement fait dans le iiege royal auquel elles teflortiflènr. Sur les enr-égiflremens des ordonnances, vcyc7 Martianus Capella , lib. I, par:, xv ; Cujas , lié. I , cbferv. cap. xix ; la Roche- flavin , des parlernens ,liv. XIII \ch. xxyiij; Pafquier , recherch. de la France , liv. VI , ck. xxxiv ; Papon , liv. IV , tit vj , n. %2 ; Bouchel , bibliothèque du Droit François au mot loix. {A) Emb.Egistrem.ent des privilèges cuper- mijftws pour Vimpreffion des livres. Les privi- lèges que le roi accorde pour l'imprefik>n des livres , Se les permiiïions (impies du fceau ., doivent être enrégiflrés à là chambre fyndicale de la librairie, par les fyndic ôc adjoints , dans le terme de trois mois , à compter du jour de l'expédition. C'elt une des conditions auxquelles ces lettres font accordées i 6e faute de la remplir, elles deviennent nulles. Ce règlement paraît avoir- ïînguliérement pour objet de mettre tous propriétaires d'ouvrages littéraires à l'abri du préjudice auquel ils pourraient erre expofés par les Hirprifes faites à la re- ligion du roi , dans l'obtention des privi- lèges ou permiiïions fîmples , en ce que , E N R i°. il met les fyndic 6c adjoints de la librairie en état d'arrêter ces lettres dXenrégifircment , s'ils jugent qu'elles (oient préjudiciables aux intérêts de quelque tiers ; 2°. en ce qu'il fournit aux particuliers auxquels elles font préjudiciables , le moyen de s'bppofer judi- ciairement à leur enrégijlrement , 6c d'en demander le rapport. Pour entendre com- ment &c dans quelles circonftances ces lettres peuvent être préjudiciables à un tiers , il faut néceflàirement lire dans le prêtent vo- lume le mot Droit de copie \ nous y avons expliqué dans un allez grand détail quels font les droits des auteurs 6c des libraires fur les ouvrages littéraires , 6c guel a été l'efprit de la loi dans l'établilfement des privilèges. Nous y renvoyons pour éviter les longueurs 6c répétitions. ENREGISTRER. Voye^ Enregistre- ment. ENRENER , v. a£fc. ( Maneg. Maréch.) terme par lequel on exprime relativement aux chevaux de carroflé , de chaife 6c de charrette , l'action d'arrêter & de nouer les rênes. Elles font fixées , pour les chevaux de carroftè , par le moyen de deux bouts de cuir placés fur le milieu du coulîinet; pour le cheval de brancard , par le moyen d'une courroie, qu'on nomme la trou Hure , 6c qui parlé dans un trou pratiqué à cet eftet dans l'arçon de devant ; tandis qu'à l'égard des chevaux de charrette elles montent par deflus la. croifée du collier , 6c s'uniilent à une longe de cuir garnie d'un culeron , 6c qui fert de croupière. Rien n'eft plus capable d'endurcir la bouche des chevaux , de leur rendre l'ap- pui lourd , 6c de leur endommager les barres, que de les enrêner trop court. Ceft fans doute par cette confidération , 6c pour remédier aux inconvéniens qui naiflent de la confiance avec laquelle les cochers gênent 6î contraignent leurs chevaux en les enré- nant , que l'on a imaginé , depuis quelque temps , de placer un anneau carré à chaque arc du banquet. Les rênes paflent dans ces anneaux; Se comme elles ne peuvent alors tirer le bas des branches en arrière , lorfque le cheval s'sppuie , ou badine avec (on mors , le point de réfiftance de la gour- mette n'a plus lieu , 6c les parties de la bou- ENR clie , fur lesquelles porte l'embouchure , font extrêmement foulagées. Je préférerais néan- moins un bridon à ces anneaux ; 8c je crois qu'il feroit plus fur & plus avantageux de débarraflèr entièrement l'embouchure , ou le mors , de toute afeion des rênes. Les cochers qui enr/neroient trop court de jeunes chevaux , s'expo feraient à des accidens qui les puniroient peut-être de leur imprudence 8c de leur opiniâtreté. On s'eft encore fervi de l'exprelïion d'e/z- rener , en parlant de l'arrangement & de la divifîon des guides , 8c pour diftinguer , à cet égard , notre manière de celle des Italiens. Selon l'ufàge François , chaque guide eft divifée en deux fur le dos de cha- que cheval ; elle pafle par deux anneaux unies fur le couflinet. Les branches , ou les longes de dedans , font diftribuées de façon quelles vont, en fe croifant , fe boucler; lavoir , celle qui part du cheval hors la main , à la branche de dedans du mors du cheval qui eft fous la main ; 8c celle qui part de celui-ci , à la branche de dedans du mors de l'autre : par ce moyen le cocher , agilîant de la guide droite , opère fur le cheval hors la main , qui fe trouve mu en ce fens , parce qu'il y eft attiré , ainfî que le cheval fous la main , par la branche de dedans de cette guide : mais alors les im- prelTions de la main du cocher fe manifef- tent fur les deux boucles enfemble ; 8c s'il y a en elles inégalité de légèreté, de fenfibilité 8c de force , celle en qui rélîde le bon tem- pérament 8c la finefle , ne peut que iouffrir des efforts que demande néceflairement l'autre. La méthode des Italiens obvie à cette difficulté. Il n'eft parmi eux aucune com- munication des branches des guides ; cha- cune d'elles n'eft relative qu'à la bouche d'un feul & même cheval : telle eft la pre- mière différence que nous offre leur manière. La (econde confîfte dans deux courroies qui fe croifent d'un cheval à l'autre : chacune de ces courroies eft arrêtée , par l'une de fes extrémités , à la branche de dedans du mors de chaque cheval , 8c va fe terminer , favoir , celle qui eft fixée à la branche du mors du cheval hors la main , à un anneau placé à côté du couffinet du cheval fous la main , & vice verfd ; en forte que l'un 8c l'autre s'attirent réciproquement , félon les opéra- tions du cocher, dont la main peut influer fur ch?que bouche féparément. Il faut convenir néanmoins que dans le nombre prodigieux des cochers qui ont adopté cette pratique , il en eft peu qui , vu leur ignorance , ne nous y biffent apperce- voir d'autres inconvéniens , qu'il feroit fans cloute trop long de détailler ici , 8c parmi lefqueîs les hommes les moins clairvoyans ont dû remarquer ceux qui remirent d'un écartement confidérable , qui mettant les chevaux hors de la ligne fur laquelle ils devraient tirer , augmente 8c multiplie lé poids de la maflè qu'ils traînent; les oblige, en leur demandant une force plus grande , de fe précipiter fur les épaules ; contraint celle de dehors à pouffer beaucoup plus que l'autre contre le poitrail ; place , pat conféquent , chaque cheval de travers ,. &c (E) EN-REPOS S ( terme de Blàfon.) fe dit du cerf, du lion 8c de quelques autres animaux fauvages qui fe repofènt ayant le ventre à terre : on excepte le lièvre qui , en pareille fituation , eft dit en forme. De Bertrand de Moleville , de Montef- quieu , en Languedoc ; d'or au cerf en-repos de gueules , au pié d'un arbre definople; au chef d'azur chargé d'une étoile d'argent à côté de deux befans du champ de Vécu. ( G. D. L. T. ) ENRIMER , en terme d'Epinglier , ç'eft pou fier le poinçon directement au deffus de l'enclume , en approchant ou écartant la boîte , plus ou moins , avec le pouffe - broch'e. Voye^ Broche & Pousse-bro- che. ENROLEMENT, f. m. (Art.milit.). action de lever , d'engager , de prendre ■^es hommes , pour fervir dans les troupes de terre , ou dans les armées navales. Les Romains faifoient leurs enrèlemens avec beaucoup de précautions & de forma- lités. Il n'étoit pas permis à tous les citoyens de porter les armes ; 8c pour être enrôlé au fervice de la république , il falloir avoir certaines qualités dont on ne difpcnfoit que dans des occafions importantes , 8c qui de- mandoient des fecours prompts 8c extraor- dinaires. Les prépofés aux enrolemens faifoient uh Ttti 5i6 ENR éxaiiien rigoureux des perfonnes qui fe pré- fentoient pour être enrôlées. (Liv. II \ §. z , jf. dere militari.). Ils s'informoient d'abord de la naiifance de chacun \ car il n'y avoit que des hommes libres à qui il fût permis de porter les armes , & les efclaves en étoient exclus. Il falloir donc prouver fa liberté par des témoignages non fufpe&s , 8c de plus il falloit établir le lieu de fa naiflance. On avoit auiïî beaucoup d'attention à la taille ; 8c tous ceux à qui elle manquoit , étoient rejetés de l'honneur de fervir. De là vient que lorfqu'on vouloit louer un homme , on difoit qui! avoit une taille militaire i.e'eft ce qui n'a pas échappé à Lampride dans (on éloge de l'empereur Sé- vère. Cette taille militaire eft marquée par une loi qui eft dans le code théodo- fien , au titre de tyronibus \ elle nous ap- prend qu'alors un ioldat devoit avoir cinq pies fept pouces , quinque psdibus & feptem unciii. ujualibus. Vegece a remarqué que du temps de Marius on nenrôloit que des gens de cinq pies dix pouces , parce que dans le grand nombre qui fe préfentoit , on pouvoit choi- fir ; mais depuis Ce temps-là il fallut rabat- tre de cette mefure , les hommes étant de- venus rares par les guerres civiles , le luxe , la débauche, 8c le changement de gouver- nement. Cependant l'on ne connoifloit point en- core ce moyen nouveau , 8c contraire à toutes les loix de l'humanité , d'enrôler par la force , l'a fraude , le ftratagêrne , 8c pa- reilles horreurs fur lefquelles , dans quel- ques pays , lès princes 8c les miniftres fer- ment les- yeux en temps de guerre. « Les « hommes , dit la Bruyère , font au fou- « verain comme une monnoie , dont il » acheté une place , ou une victoire. S'il » fait en forte qu'il lui en coûte moins , » s'il épargne les hommes , il reflemble à a' celui qui marchande , 8c qui connoît » mieux qu'un autre le prix de l'argent. » Auffi tout profpere fous un tel fouve- rain , 8c dans une monarchie où l'on con- fond les intérêts de l'état avec ceux du monarque. Or , j'ajoute ici que les intérêts de l'état s'oppofent à la violence 8c à l'artifice dans les enrôkmçns ; non-feule- ENR ment parce que de telles pratiques bîeflênt les droits de l'humanité , mais de plus parce que la peine capitale portée contre les déferteurs , devient alors une injuftice qui révolte la nature. Voye^ Déserteur. Article de M. le chevalier DE JaucoURT. ^ ENROUEMEMT , f. m. ( Médecine. ) Ce terme eft ordinairement employé pour lignifier la maladie même , dont il n'en: proprement qu'un fymptome. Cette mala- die eft une efpece de fluxion catarreufe , qui a fon fiege dans le larynx , la trachée- artère , 8c principalement dans les parties qui conftituent l'organe de la voix. Ces parties étant engorgées ou enduites d'une trop grande quantité d'humeurs pir tuiteufes >, c'eft-à-dire , de la mucoiité na- turelle trop épaifïie 5 ont leurs furfaces- inégalement tuméfiées , mal unies , en forte qu'elles rendent les collifions de l'air rudes , 8c fur-tout les vibrations de la glotte lour- des j lentes , très-peu 8c défagréablemcnt fbnores , d'où réfulte le fymptome dont il s'agit 3 l'enrouement , mot qui vient du Latin ravis , dont on a formé raucitas x. raucedo , voix rauque. Ce défaut peut aufii être produit par le relâchement des mufcles qui fervent à ten- dre les cordes vocales qui forment les bords de la glotte , 8c par le deïlechement ou Et trop grande tenîion de ces mêmes cordes. Vcye^ Voix. Pour ce qui eft du traitement de cette maladie , (î la caufe eft catarreufe , il eft: le même que celui du cataire en général , de l'enchifrenement dont il a été fait mei> fion ci-devant , 8c du rhume ? voye^ Ca- TARRE , ENCHIFRENEMENT , RHUME.. ; Si le relâchement des mufcles du larynx qui caufe ['enrouement , dépend de la fibre- lâche en général , les remèdes contre ce vice univerfel conviennent aufii contre lé particulier dont il eft ici queftion : voye^ Fibre > Leucophlegmatie. Si ce relâ- chement eft un effet de la paralyiie , il: n'eft pas fufceptible d'une cure particulière : voye^ Paralysie. Le deftechement 8c là roideur de la glotte n'ëft pas ordinairement un vice propre a cette partie ; il tient a celui des lolides en général , qui eft de là même nature : on peut de plus employer Ja vapeur de décodions des plantes émoi- ENS lientes , reçue dans la bouche ouverte , & dirigée vers la trachée-artere par de fré- quentes infpirations , par lefquelles l'air , chargé de cette humidité médicamenteufe, eft lbuvent appliqué aux parties viciées. Si la tendon Ipafmodique , hyftérique ou mélancolique , ou de toute autre efpece , produit {'enrouement , il ne peut être traité que par les remèdes propres contre les ma- ladies dont il eft un fymptome > voye^ Spasme , Hystéricite , Mélancolie, Manie, &c. La voix, devenue rauque par un accès de colère , fe guérit par le repos du corps 8c de l'elprit , ou par les anodyns. ( d ) ;' ENROUILLER,v.neut. (Jardinage.) fè dit d'un pré où le torrent a pénétré 8c a couvert l'herbe : ce qui s'appelle enrouiller t herbe. ( K ) ENROULEMENT , f. m. (Jardinage.) que quelques-uns appellent rouleau , eft une plate-bande de buis ou de gazon con- tournée en ligne fpirale. Cet ornement fe confond avec les maflifs 8c les volutes des parterres. (K) ENS , ( Chymie. ) Paracelfe 8c fes^ dif- ciples ont donné à ce mot différentes ligni- fications ; ils l'ont employé fur-tout pour exprimer la force , la puiflance d'un agent , &c. ou pour déligner les parties d'un corps dans lefquelles réfident proprement leur efficacité ou leur vertu médicinale. C'eft dans le premier fens que Paracelfe emploie ce mot dans les expreiTîons fuivantes , ens Dei , ens ajlrorum , ens naturale , &c. qui font familières à cet auteur ; ôc dans le lè- cond, qu'il faut prendre l'ens primum des minéraux , des animaux , des végétaux ,. 8c l'ens appropriatum de ces derniers. C'eft à cet ens primum des végétaux que les difciples de Paracelfe , & fur-tout notre célèbre le Febvre, ont attribué tant de vertus, celle enrr 'autres de rajeunir , ou de renou- veller le corps , auxquelles M. Boyle , tout porté qu'il étoit à douter en chymie , paroît avoir ajouté foi , mais fur lefquelles au con- traire nous avons poufte aujourd'hui notre incrédulité jufqu'à un point où elle eft peut- être auftî peu (âge que la confiance aveugle dtes philo fophes. (b) Ens Veneris. Boyle a célébré fous ce nom. un remède çhyrnique, qui n'eft autre ENS- 517 chofe que la chaux douce du vitriol ( ou le réildu de fa diftillation leffivé avec de l'eau bouillante jufqu'à infipidité ) , fubli- mée avec partie égale de fel ammoniac. Le produit de cette fublimation eft un mélange de fleurs de mars 8c de fleurs de cuivre > car Boyle demande , pour cette opération , un vitriol de mars très-cuivreux. Ce remède n'eft abfolument d'aucun ufage parmi nous ? 8c c'eft avec raifon que nous l'avons rejeté , des expériences réitérées nous ayant démon- tré que l'ufage intérieur du cuivre n'étoit j a- mais exempt de danger. Voye^ Cuivre, (b) Ens , ( Géogr. mod. ) ville de la haute Autriche , en Allemagne 3 elle eft lîtuée dans le pays 6c fur la rivière à* Ens. Long. 32, , %% ; lat. 48 , 1%. * ENSABATÉS , adj. pris fubft. ( Hijf, ecclefiajl. ) hérétiques Vaudois qui parurent dans le treizième liecle. Ils prétendoient que1 le ferment étoit toujours illicite ; qu'on ne devoit de l'obéi (îànce à aucun fupérieur Ce- culier ou eccîefiaftique , 8c que tout châti- ment infligé pour caufe de religion , étoit un acte de tyrannie. On les appella Enfab'atésy d'une marque que les plus parfaits portoient' fur le haut de leurs fouliers , 8c qu'ils appel- loient fabbatas. ENSADA ou ENZADA , f. m. ( Hi(î. nat. botan. ) nom qu'on donne aux Indes à l'arbre des Banians. Voye^ cet article. ENSAISïNEMENT, Cm.(Jurifprud.) lignifie mife en pojfejj/on civile. Enfaifiner un contrat , c'eft mettre l'acquéreur en failîne , c'eft-à-dire, enpoflelfion de • l'héritage fur lequel le contrat lui accorde quelque droit. La formalité de \'enf ai finement vient de' ce que par. l'ancien ufage du chatelet de' Paris 8c de toute la pré voté , 8c dans plu- lieurs autres provinces coutumieres, aucune' faifie ou pofleffion n'étoit acquife de droit ni de fait fans qu'il y eût dëvejl 8c vejl ,. .c'eft-à-dire , qu'il falloit que le vendeur fe fut deflàifi entre les mains du feigneur- cenfier, 8c que ce même feigneur eûrenfuite invefti l'acquéreur , c'eft-à-dire , qu'il lui eût donné la faifine ou poflelïîon , d'où eft . venu le terme à'ènfaifinement , lequel néan- moins ne s'applique qu'aux miles en polîèl-- llon des biens en roture ; car la même for- malité à l'égard desfiefs s'appelle inféodation.- Quoique l'enfaijineme/it ne foit en effet p$ E N S qu'une mi Te en poUefTion civile & flcUve, il croit néanmoins autrefois coulioeré comme une mife en pofleiïion réelle 8c de fait , ou du moins on doit entendre par-là qu'il étoit 'nécefïaire pour autorifer le vendeur à le deflàifir, 8c 1 acquéreur à prendre poiîef- fion. On étoit obligé de prendre du feigneur {'enfaifinement du temps que les coutumes notoires du châtelet furent rédigées , c 'eft- à-dire , depuis l'an 13C0 iufqu'en 1387. Suivant Y art. j% de ces coutumes , aucun ne pouvoit être propriétaire s'il n'étoit en- faifiné réellement & de fait par le feigneur ou par Cqs gens. Cet article exceptoit néan- moins le bail à cens , parce que ce bail étant fait par le feigneur même , invertit fufïïfam- ment le preneur , fans qu'il foit befoin de prendre autre faifine. On payoit dès-lors douze deniers parifis pour la faifine ou enfaifinement , quel que fût le prix de la vente; & ce droit étoit appelle en Latin revefritura , comme on voit dans des lettres de St. Louis , du mois de mars 12.63. Quelques feigneurs prétendoient avoir droit de prendre cinq fous pour Yenfaifine- ment , comme le dit l'auteur du grand cou- tumier : le roi , 1 evêque de Paris , les abbés de Sainte-Geneviève , de Saint-Magloire 8* de Saint-Denis , prétendoient être en poflef- ilon de recevoir cinq fous pour {a. faifine. M y eut des oppofîtions faites à ce lujet, lors des deux réda&ions de la coutume de Paris; mais cette prétention n'a pas prévalu , & le droit de faifine îfeft encore communément que de douze deniers parifis. L'obligation de prendre faifine tomba bientôt en non-ufage du moins dans la prévoté de Paris ; car l'auteur du grand coutumier , qui écrivoit fous le règne de Charles VI , en parlant des lettres de fai- fine ou enfaifinement que l'on prenoit du feigneur ou de fon bailli ou député , ajoute, fi ainfi efi que le vendeur fe veuille faire en- faifiner ; car par la coutume de la prévôté de Paris il ne prend faifine qui ne veut , 8c le feigneur ne reçoit que les ventes ; ce qui fut adopté dans plufieurs coutumes , &c notamment dans celle de Paris , rédigée d'à en 15 10, réformée en 1580, dans celles de Meaux , Sens , Auxerre , Étampes , E N S Montfort , Dourdan , Mantes , Senlis & Montargis. ^ La coutume de Clermont eft la feule qui ait retenu l'ancien ufage d'obliger l'acqué- reur de fe faire enfaifiner : l'art. 114 de cette coutume porte que quand aucun a acquis quelque héritage roturier , il ne fe peut mettre audit héritage fans faifine du feigneur , fur peine de foixante fous parifis d'amende. Dans les autres coutumes , qui n'ont au- cune difpofïtion à ce fujet , l'acquéreur eft réputé mis en poflèiTion civile par le feul effet des claufes du contrat, par lefquelles le vendeur fe deflàiiit au profit de l'acqué- reur ; & ce dernier n'a pas befoin d'autre titre pour prendre poilcflion réelle & de fait ; il peut pareillement difpofer de l'hé- ritage de le revendre , quoiqu'il n'ait point fait enfaifiner fon contrat. Le feigneur ne peut faifir pour être payé du droit à' enfaifinement ; il a feulement une action pour s'en faire payer, au cas que l'acquéreur ait pris faifine , & non autrement. Il eft néanmoins avantageux à l'acquéreur de faire enfaifiner fon contrat , parce que Tannée du retrait lignager ne court que du jour de {'enfaifinement ; 8c que Ci le contrat n'eft pas enfaifiné , l'action en retrait dure trente ans ; 8c comme le feigneur a une action pour fe faire exhiber le contrat d'ac- quiiition 8c pour être payé des lods Ôc ven- tes , on ne manque guère de faire enfaifiner le contrat , en payant les droits feigne u- riaux. U 'enfaifinement fe met en marge du con- trat , 8c fe donne fous-feing privé. Il peut être donné par le fermier ou receveur du feigneur , ou autre ayant charge de lui. Toute la formalité confifte en ces mots , enfaifiné l'acquéreur au préfent contrat , &c. Le feigneur ne doit pas refufer Y enfai- finement à l'acquéreur qui le demande , en payant par celui-ci le droit de douze de- niers pour h faifine , 8c tous les droits qui font dus au feigneur, tant pour la dernière acquifîtion que pour les précédentes : fi le feigneur refufoit mal-à-propos {'enfaifine- ment , l'acquéreur peut le pourfuivre de- vant le juge fupérieur de celui du feigneur. Voye^ Brodeau fur l'article 82. de la coutume E N S de Paris, Se les autres commentateurs des coutumes au titre des cenjives. {A) Ensaisinement de Rentes consti- tuées eft une formalité qui fe pratique dans quelques coutumes , comme Seniis , Clermont Se Valois , pour donner la pré- férence aux contrats de rentes enfaifinés , fur ceux qui ne le font point : cet enfaifi- nemznt eft différent du nauijfement. Voye-^ Coutumes de Saisine , Mise de Fait, Nantissement , Rentes constituées , Saisine. ( A ) Ensaisinement des Actes d'aliéna- tion des Biens domaniaux , eft une for- malité établie par arrêt du conieil d'état , du 7 août 1703. , qui ordonne qu'a l'ave- nir tous les contrats de vente , échanges , adjudications par décret , licitations , & autres aétes rranilatifs de propriétés de terres Se héritages tenus en fief ou en roture , tant des domaines qui (ont es mains de S. M. que de ceux qui font engagés , fe- ront enfizifinês par les receveurs généraux des domaines Se bois ; Se que ceux qui pof- fedent depuis 168 5 , feront tenus de faire enfaifiner leurs titres de propriété dans les temps prescrits , Se fous les peines por- tées par les arrêts. Ce même enfaifinement a été ordonné par déclaration du 23 juin 170 y , foit que Y enfaifinement ait lieu par la coutume ou non. La perception des droits pour cet enfai- finement 'st été réglée par plu heurs arrêts du confeil des 31 janvier 1708, & premier novembre 1735. Voye^ au (fi les édits de décembre 170 1 & 1727, fur la même ma- tière. ( A ) ENSANGLANTÉ , adj. terme de Blafon , qui fe dit du pélican Se autres animaux iànglans. Du Coin en Bretagne , dJor au pélican d'azur avec fa piété , le tout enfanglaméde gueules. ENbEïGNE , f. m, (Jîifl.anc. & mod. ) figne militaire fous lequel fe rangent les foidars , félon les différens corps dont ils font , ou les différens partis qu'ils fui- \»enr. ©ans la> première antiquité, les en feignes militaires furent' aufii fcnpîcs due l'éroient les premières armes, du moins depuis E N S cette époque il n'en eft plus mention dans nos hiftoriens. Mais dans le temps même que cette en- feigne étoit le plus en honneur dans nos armées, ôc qu'on la portoit à leur tête gardée par une troupe de cavalerie d'élite , il y avok encore deux enfeignes principales j (avoir , la Bannière ou l'étendard de France , qui étoit la première enfeigne féculiere de la nation , ôc qui tenoit la tête du corps de troupes le plus diftingué qu'il y eût alors dans l'armée ; 2°. le pennon royal , qui étoit une enfeigne faite pour être inféparable de la perfonne du roi. SucceiTïvement les différens corps de troupes , infanterie ôc cavalerie , ôc leurs div liions ont eu leurs enfeignes , qu'on a nommées bannières , p en- nons , fanons , gonfanons , drapeaux , éten- dards, guidons. La bannière > qui vient du mot ban ou pan , ôc celui-ci depannus en latin , drap ou étoffe, étoit commune à la cavalerie ôc à l'infanterie , ôc de la même forme que nos bannières d'églife , avec cette différence que celles des fantallins étoient plus gran- des que celles des gens de cheval ; qu'elles étoient tout unies , au lieu que celles de la cavalerie étoient chargées de chiffres , de devifes. La bannière de France étoit auiîî plus remarquable que les autres par fa gran- deur ; elle étoit d'abord d'une étoffe bleue unie , qu'on chargea de fleurs de lis d'or , quand elles eurent été introduites dans les armoiries de nos rois. On nomma les plus grandes , bannières gonfanons. Depuis , le morceau d'étoffe qui compofoit la bannière fut attaché au bois de la pique par un de fes côtés } fans traverfe , comme on le voit aux drapeaux d'aujourd'hui qui ont fuc- cédé aux bannières de l'infanterie , comme l'étendard ôc le pennon aux bannières de cavalerie. Le pennon ou fanon étoit un mor- ceau d'étoffe attaché le long de la pique aufîî-bien que l'étendard , mais avec cette différence que celui-ci étoit carré, ôc l'autre plus étroit , plus alongé , ôc terminé en pointe. Il y avoit des pennons à plus de pointes les uns que les autres. Le pennon d'un banneret fuzerain , par exemple , n'a- voit qu'une pointe, ôc les pennons des banne- rets fes vaflàux en avoient deux. De plus > parmi les chefs de pennonies rangées fous E N S une bannière , quelques-uns étaient cheva- liers , d'autres n'étaient que bacheliers ou écuyers , &c les pennons marquoient la dii- rinction de tous ces grades ; ce qui mon- troit des pennons à une , à deux , à trois pointes. Sous Charles VII , le changement arrivé dans notre ancienne gendarmerie , dont on forma des compagnies d'ordonnance , en introduisit aufli dans toutes les enj~cign.es \ les bannières Se les pennons disparurent pour faire place aux drapeaux de l'infan- terie , aux étendards Se aux guidons de la gendarmerie , tk aux cornettes de la cava- lerie légère. Le drapeau qui vient encore de pannus ou pennus , d'où l'on a fait par corruption pellus , pelletus , pellum , drappellum , Se nos ancêtres drapel , eft un morceau d'étoffe carré , cloué par un de fes côté$ fur le bois d'une pique. L'ufage d'y mettre des croix avoit commencé au temps des croi- fàdes , Se ces croix furent rouges dans les enfeignes de France jufqu'au teriîps de Char- les VI. C'étoit alors la couleur de la nation : mais les Anglois qui avoient juSqu'alors porté dans leurs enfeignes la croix blanche ayant pris la rouge à caufe des prétendus droits qu'ils croyoient avoir au royaume de France , Charles VII , qui n'était alors que dauphin , changea la. croix rouge des enfeignes de fa nation en une croix blanche ; Se pour marquer plus intelligiblement qu'il établifloit cette couleur pour être détbr- mais celle de la nation , il Ce donna à lui- même une enfeigne toute blanche qu'il nomma cornette , Se la donna pour enfeigne à la première des compagnies de gendar- merie qu'il créa , Se c'eft ce qu'on nomma la cornette blanche. Depuis qu'il y a des croix fur les enfei- gnes , la couleur dont eft cette croix mon- tre la nation à qui appartient {'enfeigne \ pour le fond fur lequel eft placée la croix , il fait partie de l'uniforme de la troupe à qui eft Y enfeigne. A mefure que les corps militaires qui fubiiftent aujourd'hui ont été créés , le premier commandant de chacun de ces corps a eu occafion de leur commu- niquer fa livrée dans fes enfeignes ; ce qui a tenu lieu d'uniforme jufqu'à ce que l'on ait imaginé l'uniforme des habits. E N S yi5 Depuis Charles VII jufqu'à François I , il n'y eut en France que deux enfeignes royales blanches ; lavoir , la cornette de France ou la cornette blanche dont nous venons de parler , Se la cornette royale q ui étoit comme l'étendard de corps du prince , qu'on portoit auprès de lui , foit dans les batailles , Se quelquefois en temps de paix dans les grandes folemnités , comme aux entrées publiques , &c. Mais depuis les guerres du Calvinifme , outre les cornettes blanches des généraux d'armée à qui le roi accordoit cette prérogative par diftinétion , il y eut en France , fur-tout fous Char- les IX , autant à! enfeignes blanches qu'il y avoit de colonels-généraux des différentes milices. En ce temps-là l'infanterie Fran- çoife étoit partagée fous deux colonels ; lavoir , celui de l'infanterie qui étoit dans le royaume , Se celui de l'infanterie qui étoit en Italie , qu'on appelloit colonel de V infanterie de delà les monts. Chacun de ces colonels avoit fon drapeau blanc : le colo- nel des Suifles au fer vice de la France avoit le lien , Se les colonels des Lanfquenets Se des Corfes avoient aufïi les leurs. Chaque colonel mit fon drapeau blanc dans (a compagnie colonelle ; Se par la fuite lors- que l'infanterie fut enrégimentée , le colo- nel-général voulut avoir une compagnie dans chaque régiment , Se que cette com- pagnie eût un drapeau blanc ; ce qui le pratique encore aujourd'hui pour toutes les compagnies colonelles , quoique la charge de colonel-général de l'infanterie ne fub- lïfte plus ; le droit du drapeau blanc a pafle de la compagnie colonelle générale à la compagnie colonelle , la première ayant été fupprimée , chaque meftre-de-camp ou colonel d'un corps particulier s'étant à cet égard arrogé les prérogatives du colonel- général ; ulage qui a commencé fous Henri III , vers l'an 158c. Les enfeignes de la cavalerie ont été nommées étendards Se guidons , au lieu de bannière Se pension , en forte que l'étendard eft au guidon ce que la bannière étoit au ' pennon ; cependant cette difti notion ne fubfifte plus , parce que l'étendard eft com- mun à tous les corps de cavalerie : ainfî l'on dit un étendard de cavalerie Se un gui- don de gendarmerie > mais dans cette der- V v v 2 5i4 E N S niere troupe , c'eft la charge qu'on nomme guidon 8c non pas Venfeigne , on la nomme étendard comme dans les autres corps : ces deux enfeignes avoient tiré leur nom par fîmilitude de l'action à laquelle elles font propres. Le guidon eft propre à guider 8c à conduire , l'étendard eft fait pour être vu étendu \ car il eft attaché à fà lance de foutien , de manière à paraître tel , foit au moyen du vent , ou par le^moyen d'une verge de fer à laquelle le chiffon qui fait proprement l'étendard , peut être attaché comme il l'étoit autrefois : un étendard ainfi envergé reftoit bien étendu au haut de fà pique , &c il tournoit tout d'une pièce comme une girouette. Depuis l'intro- duction de la cornette blanche royale 3 le premier régiment de cavalerie a pris une cornette blanche pour fa compagnie colo- nelle , & outre cela il fe nomme la cornette Manche } comme on a autrefois défïgné les compagnies de cavalerie par le nom de , cornettes ; ainfi l'on difoit qu'il y avoit dans une armée ioo cornettes de cavalerie , pour figni fier ioo compagnies. Les étendards des dragons ont quelque reffemblance avec les anciens pennons 3 en ce qu'ils font plus longs que ceux de la cavalerie , & fe terminent en double pointe. Les étendards font chargés d'armes ou de devifes & de légendes en broderie. Les enfeignes d'infanterie ne font qu'une grande pièce de fort taffetas , avec une croix dont les bras s'étendent jufqu'aux bords ; le fond eft un champ peint de couleurs différentes , avec des fleurs de lis femées fans nombre dans quelques-uns , dans d'autres une couleur pleine , 8c dans quelques autres encore des flammes de di- verfes couleurs comme dans les drapeaux des Suiifes. Dans l'infanterie , l'officier qui porte le drapeau s'appelle en feigne , 8c dans la cava- lerie , celui qui porte l'étendard s'appelle cornette. Chaque bataillon a trois drapeaux dans l'infanterie , la cavalerie a deux éten- dards par efeadron , 6c les dragons n'en ont qu'un , il s'appelle drapeau lorfque les dragons font en bataillon , 8c étendard lorfqu'ils font en efeadron. Quand l'armée eft rangée en bataille , tous les étendards font à la première ligne , portés chacun fur E N S le front de leurs efeadrons ; 8c à droite Se à gauche du porte-étendard font deux ca- valiers qu'on choifit parmi les plus braves pour le défendre , 8c empêcher que l'en- nemi ne s'en faififïe. Chaque étendard porte d'un côté un foleil d'or brodé , avec la devife de Louis XIV , necpluribus impar s en letrres d'or , 8c de l'autre la devife du régiment. Il y a à chaque drapeau 8c chaque éten- dard un morceau de taffetas noué entre l'étoffe de l'étendard ou drapeau 8c le bout de la lance : on appelle ce morceau de taf- fetas la cravate > fa couleur eft ordinaire- ment celle de la nation à laquelle appartient Venfeigne 8c la troupe ; comme la France , blanc ; l'Efpagne , rouge \ l'Empereur , verd ; Bavière , bleu -, Hollande , jaune, &c. Chaque nation a aufïi fes enfeignes parti- culières. Les enfeignes des Turcs , comme celles de toutes les autres nations , fout attachées à une lance dont l'extrémité paflè au deiîus de l'étendard même. Leurs étendards , en général , font d'une étoffe de foie de diverfes couleurs , chargée d'une épée flamboyante , environnée de caractères Arabes en broderie ; une grofle pomme dorée , attachée au bout de la lance , 8c furmontée d'un croifïànt d'ar- gent , termine l'étendard ; ce qui , félon eux , repréfente le Soleil 8c la Lune. Si au defîous de la pomme dorée 8c autour de la lance , il n'y a que de gros floccons de queue de cheval à longs crins , teints de diverfes couleurs , on appelle ces étendards tongs. L'étendue du commandement règle le nombre de ces queues \ plus on a droit d'en faire porter devant foi, & plus on a d'autorité. On dit , un bâcha a deux queues , un bâcha à trois queues , pour fignifier que celui-ci a plus de pouvoir que le premier. Le principal étendard des Turcs eft celui qu'ils appellent l'étendard du prophète , (bit que ce foit celui de Mahomet même , ou quelque autre fait à fon imitation. Il eft verd. Les Turcs fuppofent que le falavat ou confeflîon de foi mahométane , y étoit autrefois écrit en lettres noires ; mais il y a long-temps que toute cette écriture eft effacée : pour toute infeription on y voit le mot akm au bout de la lance. Il paroît E N S déchiré en beaucoup d'endroits ; aufïi , pour^ le ménager , ne le déploie-t-on jamais. On le porte roulé autour d'une lance devant le grand -feigneur , ôc il demeure ainfiexpoié jufqu'à ce que les troupes fe mettent en marche. AufTi-tôt que l'armée eft arrivée à ion premier campement , on met l'éten- dard dans une caifle dorée , où fe conier- vent aufïi l'alcoran 8c la robe de Mahomet ; êc toutes ces chofes chargées fur un cha- meau , précèdent le fultan ou le grand-vifir. Autrefois cet étendard étoit en il grande vénération , que lorfqu'il arrivoit quelque iedirion à Conftantinople ou dans l'armée , il fuffiioit de l'expofer à la vue des rebelles pour les faire rentrer dans le devoir. Le chevalier d'Arvieux , tome IV, en décrivant la marche dugrand-feigneur pour fe rendre à l'armée , dit qu'entre deux tongs qui le précédoient , étoit un autre cavalier qui portoit un grand drapeau de toile ou d'étoile de laine verte , fimple ôc ians or- nement , que le haut de la pique où il étoit attaché , étoit garni d'une boîte d'argent doré en forme d'un as de pique , qui ren- fermoit un alcoran ; ôc que ce drapeau uni Ôc fans ornement , qui repréfentoit la pau- vreté &c la iimplicité dont Mahomet faifoit profeffion , étoit fuivi de deux autres fort grands de damas rouge ornés de paflages de l'alcoran dont les lettres étoient formées de feuilles d'or appliquées à l'huile , après lequel fuivoit un troifieme de toile ou d'é- toffe de laine légère , tout rouge ôc fans ornement , qui eft l'étendard de la maifon impériale. Sept grands étendards ou tongs précè- dent le grand-feigneur lorfqu'il va en cam- pagne. Tous les gouverneurs de provinces ont auffi leurs étendards particuliers, comme des fymboles de leur pouvoir , qui les ac- compagnent dans toutes leurs cérémonies , qu'ils placent dans un lieu remarquable de leur logis , ôc en guerre à la porte de leur tente. S'il eft queftion de lever une armée , tous les particuliers fe rangent fous l'étendard du fanjac , chaque fanjac fous celui du bâcha, ôc chaque bâcha fous celui du beglerbeg. On arbore aufîi à Conftantinople les queues de cheval en différens endroits , pour mar- que de déclaration de guerre. Les bâchas E N S 515 ui ne font point d'un rang inférieur aux viiîrs , quoiqu'ils ne foient pas honorés de ce titre , ont deux queues de cheval , un alem verd , ôc deux autres étendards, aufïi- bien que les princes de Moldavie ôc de Va- lachie ; un beg , ou fanjac a les mêmes mar- ques d'honneur , excepté qu'il n'a qu'un tong. L'alem ou grand étendard du grand- vifir, quand il eft à la tête des troupes , eft beaucoup plus diftingué que ceux des autres officiers-généraux. Celui qu'on trouva devant la tenze du grand-vifir à la levée du fiege de Vienne en 1683 , étoit de crin de cheval marin travaillé à l'aiguille , brodé de fieurs ôc de cara&eres Arabefques. La pomme étoit de cuivre doré , ôc le bâton couvert de feuilles d'or. Celui que le roi de Pologne envoya à Rome pour marque de cette victoire , étoit encore plus riche. Le milieu de cet étendard étoit de brocard d'or à fond rouge ; le tout de brocard , argent, ôc verd , Ôc les lambrequins de brocard incarnat ôc argent. On y voit ces paroles brodées en lettres Arabes , la illahe Ma allah Mahamet refulalkh; ce qui fignifie, /'/ n'y a point d'autre Dieu que le ÇeulDieu , & Mahomet envoyé de Dieu. On lifoit encore dans les rebords d'autres caractères Arabes , qui iignifloient , plaife à Dieu nous cjjijler avec un fecours puijfant ; c'efl lui qui a mis un repos dans h coeur des fidèles pour fortifier leur foi. Le bâton de l'étendard étoit fur- monté d'une pomme de cuivre doré , avec des houppes de foie verte. Les étendards ou drapeaux desjanniiTaires font fort petits , ôc mi-partis de rouge Ôc de jaune , furchargés d'une épée flam- boyante en forme d'un éclat de foudre , vis-à «'3 d'un croulant. Ceux des fpahis font rouges, ôc ceux des felictarlis font jau- nes. Tous les étendards des provinces font à la garde d'un officier nommé émir alem > c'eft-à-dire , chef des drapeaux. Il a aufïi la garde de ceux du fultan , qu'il précède immédiatement à l'armée , fiifant porter devant lui une cornette mi -partie de blanc ôc de verd , pour marque de fa dignité. Parmi les Tartares Mongouîs , ou orien- taux , chaque tribu a ion ki ou étendard , qui confifte en un morceau d'étoffe appelle kitaïka,- qui eft d'une aune en carré , atca- 5l6 E N S ché à une lance de douze pies de haut. Chez les Tartares Mahometans chaque ki a une fentence particulière avec fon nom écrit en Arabe fur cette enfeigne ; mais chez les Tartares idolâtres , tels que les Kalmouts, chaque horde ou tribu a un chameau, un cheval , ou quelque autre animal , & encore quelque autre marque diftindive , pour reconnoître les ramilles d'une même tribu. Les Tartares Européens ont auiTî des dra- peaux 8c étendards , chargés de figures &c de fymboles , tels que celui d'un kam des Tartares de Crimée , pris par les Mofco- vkes en 1738 , il étoit verd , portant une main ouverte . deux cimeterres croifés , un croiflànt , & quelques étoiles, &: le bouton d'en haut étoit garni de plumes. Guer , Mœurs des Turcs , tome IL ; mémoire du chevalier d'Arvieux , tome IV \ Beneton , comm. fur les enfeignes. , Les Sauvages de l'Amérique ont aufTî des efpeces & enfeignes. Ce font , dit le P. de Charlevoix dans Ton journal d'un voyage d'Amérique , de petits morceaux d'écorce coupés en rond „ qu'ils mettent au bout d une perche , 8c fur le (quels ils ont tracé la marque de leur nation , ou de leur village. Si le parti eft nombreux , chaque famille ou tribu a fon enfeigne avec fa mar- que diftinélïve , qui leur fert à fe recon- noître 8c à fe rallier. ( G ) Enseigne de Vaisseau , ( Marine. ) c'eft un officier qui a rang après le lieute- nant , 8c qui lui doit obéir ; mais en fon ablènce , {'enfeigne fait les fonctions de lieutenant. ( Z ) Enseigne de Poupe, ( Marine) c'eft le pavillon qui fe met fur la poupe. Ven- feigne de poupe dans les vailfeaux Fi* nçois eft blanche pour les vaifleaux de guerre , 8c bleue pour les vaiffeaux marchands. ( Z ) Enseigne , f. f. petit tableau pendu à une boutique de marchand , ou à une chambre d'ouvrier pour le déligner. L'on appelle encore enfeigne , un tableau qu'on met fous l'auvent d'une boutique , 8c qui tient toute fa longueur. ENSEIGNEMENT, f. m. (Jurifp.) font les preuves que l'on donne de quelque chofe , tant par titres & pièces que par d'autres indications. Voy. Preuve. \A) ENSELLÉ, adj. {Manège & Maréch.) E N S cheval enfellé : on défigne par ce mot un cheval dont le dos au lieu d'être uni 8c égal dans toute fon étendue ? creufe dans fon milieu , 8c y eft , vu cette efpece de concavité , infiniment plus bas que par- tout ailleurs. Les chevaux ainii conformés ont , il eft vrai , l'encolure haute 8c relevée , la tête bien placée , l'avant-main , tout le bout de devant beau ; nombre d'entr'eux ont de la légèreté : mais il en eft aufti beaucoup qui font foibles 8c qui fe lalTent aifément. Il eft extrêmement difficile d'ajufter la felle qu'on leur deftine , 8c l'on eft contraint de charpenter les arçons différemment , pour les approprier à leur tournure défec- tueufe. Voye^ Selle, (e) ENSEMBLE , ( Peint. ) Voici un mot dont la lignification , vague en apparence , renferme une multitude de loix particulières impofées aux artiftes , premièrement par la nature , ou , ce qui revient au même , par la vérité ; 8c enfuite par le raifonne- ment , qui doit être l'interprète de la nature 8c de la vérité. \Jenfemble eft l'union des parties d'un tout. \Jenfemble de l'univers eft cette chaîne prefque entièrement cachée à nos yeux , de laquelle réfulte Fexiftence harmonieufè de tout ce dont nos fens jouifTent. Uenfem- ble d'un tableau eft l'union de toutes les parties de l'art d'imiter les objets; enchaîne- ment connu des artiftes créateurs , qui le font fevir de bafe à leurs productions; tiffu myftérieux, -invifibleà laplupartdes fpec- tateurs , deftinés à jouir feulement des beautés qui en réfultent. L'enfemble de la composition dans un tableau d'hiftoire eft de deux efpeces , comme la compofition elle-même , 8c peur fe divifer parconféquent en enfemble pittoref- que , 8c en enfemble poétique. Les acleurs d'une feene hiftorique peu- vent , fans doute , être fixés dans les ou- vrages des auteurs qui nous l'ont tranimife. La forme du lieu où elle fe paftè , peut aufîi fe trouver très-exaérement déterminée par leur récit : mais il n'en reftera pas moins au choix de l'artifte un nombre infini de combinaifons que peuvent éprouver entre eux les perfonnages elfentiels 8c les objets E N S décrits. Ceft au peintre à créer cet enfemble pittcrefque ; Ôc je crois qu'on doit moins craindre de voir s'épuifer la variété dans les comportions , que le talent d'embraffer toutes les combinaifons qui peuvent le pro- duire. Celle des combinaifons pofïibles à la- quelle on s'arrête, eft donc dans un tableau ion enfemble p. ttorefque ; il eft plus ou moins parfait •> félon que l'on a plus ou moins réufîi à rendre les grouppes vraifemblables , les attitudes juftes , les fonds agréables , les dra- peries naturelles , les acceffoires bien choifis ôc bien difpofés. L 'enfemble poétique exige à fon tour cet intérêt général , mais nuancé , que doivent prendre à un événement tous ceux qui y participent. L/efprit , l'ame des fpeitateurs veulent être fatisfaits , ainfi que leurs yeux ; ils veulent que les fentimens dont l'artifte a prétendu leur faire paffer l'idée , aient dans les figures qu'il repréfente , une liaifon , une conformité , une dépendance , enfin , un enfemble qui exifte dans la nature. Car dans un événement qui occafione un con- cours de perlonnes de difFérens âges , de différentes conditions , de difFérens fexes , le fentiment qui réfulte du fpectacle pré- fent , femblable à un fluide qui tourbil- lonne , perd de fon a&ion en s'étendant loin de ion centre : outre cela , il emprunte fes apparences différentes de la force , de la foiblelîe , de la feniibiîité , de l'éducation , qui font comme différens milieux par lef- quels il circule. De cette multitude d'obligations qu'im- potent les loix de Y enfemble , on juge bien que la couleur revendique les droits. Son union , fon accord , fa dégradation ïnfenfible forment fon enfemble ; le clair- obfcur compofe le dm des gouppes de lumière ôc d'ombre , ôc de l'enchaînement de (es mafîes : mais ce fujet mérite bien que l'on confulte les articles qui font plus particulièrement deftinés à les approfondir : ainfî je renverrai entr'autres , pour l'expli- cation plus étendue de ce genre à' enfemble , au mot Harmonie , qui l'exprime. La couleur a des tons , des proportions , des intervalles ; il n'eft pas étonnant que la peinture emprunte de la mufîque le mot harmonie , qui exprime fi bien l'effet que EN S 527 produifent ces. différens rapports : ôc la mufîque , à fon tour , peut adopter le mot coloris , en nommant ainfî cette variété de ftyle qui peut l'affranchir d'une monotonie , à laquelle il femble qu'elle s'abandonne parmi nous. Si je ne me fuis arrêté qu'à des réflexions générales fur le mot enfemble , on doit fentir que je l'ai fait pour me conformer à l'idée que préfente ce terme : cependant il devient d'une lignification moins vague & plus connue , lorfqu'il s'applique au deiïïn. Il eft plus communément employé par les artiftes : ôc de cet ufàge plus fréquent doit naturellement réfulter une idée plus nette ôc plus précife : aufïî n'eft-il pas d'é- levé qui ne fâche ce qu'on entend par Yen - femble d'une figure , tandis que peut-être fe trouveroit-il des artiftes qui auraient peine à rendre compte de ce que lignifie enfemble poétique ÔC enfemble pittorefque. Cet ufage plus ou moins fréquent des termes de Sciences ôc d'Arts , eft un nés obftacles les plus difficiles à vaincre pour parvenir à fixer les idées des hommes fur leurs différentes connoiffances. Les mots font-ils peu ufîtés,onne connoît pas affezleur lignification. Le deviennent - ils , bientôt , ils le font trop : on les détourne , on en abufe au point qu'on ne fauroit plus en faire l'ufage méthodique auquel ils font deftinés. Mais fans m'arrêter à citer des exemples trop faciles à rencontrer , je reviens au mot enfemble. Lorfqu'il s'agit d'une figure , c'eft l'union des parties du corps ôc leur correfpondance réciproque. On dit un bon ou un mauvais enfemble j par conféquent le mot enfemble ne fîgnifie pas précifément la perfection dans le deflin d'une figure , mais feulement l'affemblage vraifemblable des parties qui la compofent. Uenfemble d'une figure eft commun ÔC à la figure, ôc à l'imitation qu'on 'en fait. Il y a des hommes dont on peut dire qu'il font mal enfemble ; parce que , difgraciés dès leur naiilance, leurs membres font effectivement mal affemblcs. Mais n'eft-il pas étonnant que l'extravagance des modes ôc l'aveuglement des prétentions aient fou- vent engagé pluiîeurs de ces êtres indéfinif- fables qu'on nomme petits-maîtres , à défi- ' gurer un enfemble quelquefois très-parfait , 51^ E N S ou au moins paffable , dont ils étalent doués , pour y fubltituer une figure décompofée qui contredit défagréablement la nature ? Les grâces font plus refoectées par la peinture ; &c il on ne leur facrifie pas tou- jours , au moins a-t-on toujours pour objet d'obtenir leur aveu par la peift-ction de Venfembh. Les Grecs qui , entr'autres avan- tages , ont fur nous celui de nous avoir précédés , ont fait une étude particulière de ce qui doit conftituer la perfection de Y enfemble d'une figure. Ils ont trouvé dans leur goût pour les arts , dans leur émulation , dans les ref- lources de leur efprit , Se dans les ulages qu'ils pratiquoient , des facilités &c des moyens qui les ont menés à des fuccès que nous admirons. Je reprendrai ce fil , qui me conduiroit infenfiblement à parler des proportions , Se de la grâce , aux mots Proportion, Grâce; voye^aufji Beau; Se je .me contenterai de dire que la juftefle de Y enfemble dépend beaucoup de la con- noiflànce de l'anatomie , puifqu'il eft l'effet extérieur des membres mis en mouvement par' les mufcles Se les nerfs , 6c fou tenus, dans ce mouvement , par les os qui font la charpente du corps. L'effet du tout enfemble eft , comme on le fent bien , le réfultat des enfembles dont je viens de parler , comme le mot cjfit général eft le réfultat des effets particuliers de chacune des parties de l'art de peindre , dont on fait ufage dans un tableau. Voye^ Effet , voye^ Tout-ensemble. Cet article eft de M. IVatelet. Ensemble , f. m. en Architecture , fe dit de toutes les parties d'un bâtiment , qui , étant proportionnées les unes avec les au- tres , forment un beau tout ; ce qu'on en- tend quelquefois auifi par maffe : on dit , la matfe d'un tel édifice , ou bâtiment, fait un bel enfemble. ( P) Ensemble , ( Mufiq. ) Ce n'eft guère qu'à l'exécution que ce terme s'applique dans la mufique , lorfque les concertans font fi parfaitement d'accord x (oit pour l'intonation , foit pour la mefure , qu'ils femblent être tous animés d'un même efprit , & que l'exécution rend fidellement à l'oreille tout ce que l'œil voit fur la par- tition. E N S \J enfemble ne dépend pas feulement de l'habileté avec laquelle chacun lit fa partie , mais de l'intelligence avec laquelle il en fent le caractère particulier , & la liaifon avec le tout ; foit £our phrafer avec exac- titude , foit pour fuivre la précifion des mouvemens , foit pour (aifir le mouvement 8c les nuances des forts & des doux ; foit enfin pour ajouter aux ornemens marqués , ceux qui font fi nécefïairement fuppofés par l'auteur , qu'il n'eft permis à perfonne de les omettre. Les muficiens ont beau être ha- biles , il n'y a cY enfemble qu'autant qu'ils ont l'intelligence de la mufique qu'ils exé- cutent , Se qu'ils s'entendent entr'eux : car il feroit impofïible de mettre un par- fait enfemble dans un concert de lourds , ni dans une mufique dont le ftyle feroit parfaitement étranger à ceux qui l'exécutent. Ce font fur-tout les maîtres de mufique conducteurs Se chefs d'orcheftre , qui doi- vent guider ou retenir ou prefïer les mu- ficiens pour mettre par-tout Y enfemble ; & c'eft ce que fait toujours un bon premier violon par une certaine charge d'exécution qui en imprime fortement le caractère dans routes les oreilles. La voix récitante eft aflujettie à la bafle & à la mefure; le premier violon doit écouter Se fuivre la voix : la fymphonie doit écouter &c fuivre le premier violon : enfin , le clavecin , qu'on fuppofe tenu par le compofiteur , doit être le véritable Se premier guide de tour. En général , plus le/ ftyle , les périodes, les phrafes , la mélodie Se l'harmonie ont de caractère , plus X'enfemble eft facile à faifir ; parce que la même idée imprimée vivement dans tous les efprits préfide à toute l'exécution. Au contraire , quand la mufique ne dit rien , Se qu'on n'y fent qu'une fuite de notes fans liaifon , il n'y a point de tout auquel chacun rapporte fa partie , Se l'exécution va toujours mal. Voilà pourquoi la mufique françoife n'eft jamais enfemble. (S) Ensemble , (Art militaire.) U enfemble dans la tactique , c'eft l'exacte exécution des mêmes mouvemens , de la même manière , Se dans le même temps. Ainfi , X'enfemble dans la marche d'une troupe , où d'un bataillon , c'eft l'union de tous les hommes du bataillon , qui doivent agir E N S agir comme s'ils étoient mus par une feule Se même caufe qui agirait également fur chacun d'eux. Une troupe dont tous les foldats marchent bien enfemble , garde tou- jours Ton même arrangement : Tes rangs Se fes files font toujours en ligne droite , Se aucune des parties ne va ni plus vite ni plus lentement que l'autre. Cer enfemble eft d'une grande utilité dans les mouvemens des troupes ; mais les foldats ne peuvent l'acquérir que par un exercice fréquent. (Q) Ensemble, (Manège.) Uenfemble n'eft autre chofe que la fituation d'un cheval exactement contre - balancé fur fes quatre membres. Mettre un cheval enfemble , c'eft l'obliger à rafïembler les parties de fbn corps Se fes forces , en les distribuant également fur fes quatre jambes , Se en les réunifiant pour ainfi dire. On prononce fans celle le mot à! enfemble dans nos manèges; peu d'écuyers font en état de le définir. On verra toute l'étendue de fa lignification à Y article Union. («) ENSEMENCER , v. a&. On die enfe- mencer une terre, un potager, une pépi- nière quand on la fait labourer, fumer, Se qu'on y a femé les plantes convenables. V. Semence. (R) ENSINIER , v. act. c'eft chez les Ton- deurs de draps un terme qui fîgnifie graijfer légèrement une étoffe avec du fain-doux , pour la rendre plus aifée à être frifée. ENSISHEIM , ( Géographie moderne. ) ville de la haute Alface, en France. Elle eft fîtuée fur l'Ill. Long. 25 , 2, 15; lat. 47 > 5l . *. ENSKIRKEN , ( Géographie moderne. ) ville de Weftphalie , en Allemagne. Elle appartient au duché de Juliers. Long. 23 , £& ; lat. £o , $8. ENSOÛ AILLE, f. f. terme de rivière, petite corde fervant à retenir le bout de la croflè du gouvernail d'un bateau foncet. * ENSOUFRER , v. ad. c'eft expofer les laines au fbufre. L'endroit où on les expofe s'appelle Venfoufroir. Cette prépara- tion fe donne à tous les ouvrages en laine blanche. Pour cet effet , on prend une ter- rine bien verniflee; on en couvre le fond de cendres; on forme fur ces cendres un Tome XII. EN S 5i9 I petit bûcher de bâtons de foufre. On prend les ouvrages au fortir de la fouloire pour les bonnetiers , les couverturiers , les dra- piers, &c. en un mot, pour tous les ou- vriers en laine. On palïe dans un des bouts un petit bout de fil en boucle ; on palîè la boucle dans des cordes tendues , auxquelles les ouvrages relient fufpendus. On met le feu au foufre : la vapeur du foufre leur donne une blancheur éclatante , Se les rend plus faciles à peigner. Mais il faut bien ob- ferver que la terrine foit de terre vernillee , Se non pas de fer : le foufre détache , félon toute apparence , des particules qui em- pêchent le blanchiment; car il eft d'expé- 'rience que cet effet en produit. ENSTHAL, (Géog.) quartier du duché de Styrie, dans le cercle d'Autriche, en Allemagne. C'eft un des plus montueux de la contrée ; cependant on y trouve les villes1 de Bruck fur laMuerh, Se de Rotenmann, avec treize bourgs tenant marché , une abbaye Se trois couvens. (D. G.) * ENSUPLE, ENSUBLE, ENSOU- BLE , ENSOUPLE , f. f. terme général d'Ourd/Jfage. Tous les métiers des manu- facturiers en loie , en laine , en fil , &c. ont des enfuples. Ce font deux rouleaux de bois , dont l'un eft- placé au devant du métier , & l'autre au derrière. La chaîne eft portée fur ces rouleaux ; elle fe déroule de deffus Venfuple de derrière , à mefure que l'étoffe fe fabrique ; Se l'étoffe fabri- quée s'enroule fur celle de devant. Nous allons donner la defeription des- enfuples du manufacturier en foie , du ru- banier, du frifeur d'étoffe, du rapiflier Se du tifïèrand ; celles du gazier , du drapier Se des autres ouvriers ourdillèurs , en dif- férent peu ; Se d'ailleurs nous en parlons aux articles de leur métier. Voye^ Drap, Gaze , &c. Enfuple de devant , partie du métier de l'étoffe de foie. \J enfuple de devant le mé- tier eft un rouleau de 6 à 7 pouces de diamètre , d'environ 3 pies de longueur. Il a une chanée d'environ 2 pies , de ? de pouce de large , fur autant de profondeur , dans laquelle entrent la verge Se le com- pofteur. Il a à un bout un cercle de fer qui eft coché , pour fervir à faire la chaîne tuante , au moyen du chien de fer qui X xx 550 E N S mord dans les cochées dudit cercle, Il' eft de plus , 8c du même côté, percé à double ; 8c au moyen de ces trous , dans lefquels entre la cheville de fer , on tourne Yenfuple avec la cheville, à force d'hommes, & on dévide l'étoffe à mefure qu'elle fe fabrique. Enfuple de derrière. U enfuple de derrière eft un rouleau de bois de 7 pouces de diamètre, 8c d'environ 4 pies de long. Il eft percé à double d'un coté, 8c il avoit jadis de l'autre un nerf de bceuf cloué tout autour, pour fixer la corde du va-- let ; mais les enfuples d'aujourd'hui ont des moulures qui tiennent lieu du nerf de beeuf dont on parle. Enfuple de velours uni. Uenfuple du ve- lours uni eft foite comme celle des autres étoffes; il n'y a de différence que dans la ebanée, qui eft plus large à l'embouchure, & qui perce Yenfuple d'outre en outre. Enfuple de velours façonné. \Jenfuple de velours façonné eft faire comme celles ci- deiTus , avec cette différence , qu'il n'y a point de chance ; 8c pour contenir l'étoffe à mefure qu'elle fe fabrique , ces fortes d'enfuples font garnies de petites pointes de fer très-aiguës , qui entrent dans l'étoffe à mefure qu'elle fe roule deiïus. Enfuple 'de poil, h' enfuple de poil eft faite comme Yenfuple de derrière , décrite ci- deffus , avec la feule différence , qu'elle eft de moitié plus petite , &c que les deux bouts font proportionnés au rayon , dont l'ouverture eft ordinairement très -petite. L'enfuple de devant eft une pièce de bois ronde , d'environ 4 ou 5 pouces de dia- mètre, de toute la largeur du métier : elle eft terminée à fes deux bouts par deux petits tourillons qui entrent dans deux pe- tites mortoifes pratiquées dans les deux harres de long du métier. La même enfuple « eft traverfée diamétralement du coté de la main droite de Touvrier , à $ ou 6 pouces de fon extrémité , par deux menus bâtons , dont les bouts faiilans fervent à faire rouler ladite enfuple , k>rfque l'ouvrier tire fa tirée. Il eft bon de dire que lorfque l'on fait quelque ouvrage extrêmement lourd , ces deux bâtons croifés fe trouvent répétés à l'autre bout de Uenfuple ; ce qui fait que l'ouvrier , par cette double force réunie , .vient plus aifément à bout de tirer fa tirée. E N S Cette enfuple a encore à fon bout à main gauche , une roue dentelée : il y a un trou carré pratiqué dans le centre de cette roue , & qui fert à la tenir fixée fur la pièce , aulTi carrée, de Yenfuple qui lui fert d'axe. Cette roue ne doit pas être fixée à demeure dans ce tenon , attendu que fi l'on vouloit que Yenfuple enroulât en dellbus, au lieu d'enrouler defllis, il n'y auroit qu'à retour- ner cette roue, dont les dents, fe trouvant en fens contraire , arrêteront Yenfuple du coté que l'on jugera nécefïaire. Cette roue eft rendue ftable , 8c fixe Yenfuple , au moyen d'une petite pièce de bois , appellée chien , attachée fur la barre de long , du côté de la roue que l'on décrit , dont la mâchoire engrenant dans les dents de la roue , du fens oppofé à fon tirage , l'em- pêche de dérouler. L'ufage de cette enfuple eft de recevoir l'ouvrage fait , à mefure que l'ouvrier tire ce que l'on appelle tirée. Voy. Tire. Ensuple, (Rubanier.) eft une pièce de bois faite au tour : les bouts .qui la ter- minent font menus, pour entrer dans les échancrures des potenceaux : les moulures fervent , par leur éminence , à retenir les cordes des contre-poids, 8c les empêcher de glifler. Il y a une entaille pratiquée dans le corps de Yenfuple , pour recevoir le vergeon , pafle lui-même dans les foies de la pièce. Lorfque ce vergeon eft placé dans cette entaille , on glifïe fur lui deux ficelles , nommées bracelets , qui font entor- tillées 8c nouées fur Yenfuple : ces ficelles venant fur ce vergeon , le retiennent & l'empêchent de fortir de fa place , confé- qutmment les foies de la chaîne fe dé- roulent de defllis les enfuples, jufqu'à ce que le vergeon ainfi arrêté par les ficelles ci-deflus dites , qui fervent à le retenir , Yenfuple ne pourra plus dérouler : pour lors on fe fert de la corde à encorder , qu'il faut voir à fon lieu. L'ufage des en- fuples eft de porter tout ce qu'on appelle chaîne. Ensuple, {Drapier.) eft une partie de la machine -à frifer , fur laquelle tourne l'étoffe en fortant de defîous les tables. Elle eft garnie de cardes de fer , pour em- pêcher l'étoffe de fe chiffonner fous les tables , 8c foutenue par un châilis fur le E N T devant , dans deux petits collets à chaque montant. L'enfuple le termine à droite par un hériflbn , qui reçoit fon mouvement d'une petite lanterne placée vis-à-vis. V. HÉRISSON. Ensuple , cfpece de gros 8c long cy- lindre ou rouleau de bois, placé en large fur le derrière du métier de ceux qui tra- vaillent de la navette , tels que font les tiflèrands , ti (leurs ou tiiliers , &c. On l'appelle auffi rouleau. V. Basse-Lissé. Ensuple, pièce du métier des tijferands; c'eft un gros cylindre ou rouleau de bois long , placé en large fur le derrière du métier , fur lequel les fils qui compofent la chaîne d'une toile font roulés, & d'où on les déroule à meiure que la toile fe fabrique. Cette enfuple eft percée , par les deux bouts , de plufieurs trous , dans les- quels on introduit un bâton , appelle le bachelier , pour l'arrêter de l'empêcher de fe dérouler. ENTABLEMENT, f. m. du latin tabu- latum y plancher , ( Architecture. ) Sous ce mot on entend la partie qui couronne la colonne ou le pilaftre. Il a , félon Vignole , le quart de l'ordre; félon Palladio, le cin- quième ; 8c félon Scamozzi , entre le quart & le cinquième. Les autres commentateurs de Vitruve font aullî d'avis difFérens; mais les trois que nous citons font le plus géné- ralement approuvés, 8c peuvent être em- ployés avec fuccès fuivant ces trois mefures, félon qu'ils couronnent un édifice qui a plus ou moins d'étendue, plus ou moins d'élévation , ou qui doit être apperçu d'un point de diftance plus ou moins éloigné. \J entablement eft nommé improprement , par Vitruve & Vignole, ornement : il ne faut pourtant pas confondre ces deux mots; car Vtntablement , qui eft une partie eftentielle de l'ordre , eft lui-même fufeep- tible d'ornement , en plus ou moins grande quantité, félon qu'il appartient à un ordre viril ou délicat. On dit : cet entablement couronne bien cet édifice ; les ornemens qui y font appliqués font d'un beau choix : les ornemens font donc les parties de dé- tail de Y entablement ; celui-ci en eft la to- talité. U entablement en général eft compofé de trois parties; favoir, de l'architrave., de la E N T J3, frife & de la corniche. ( Voye^ Archi- trave, Frise & Corniche.) Le rapport le plus parfait que l'on puifle donner à ces trois membres, eft de faire en forte que l'architrave foit à la frife ce que la frife eft à la corniche. Les entablemens tofean & ionique de Vignole font difpofés ainfi ; dans le premier , l'architrave a 1 1 pouces , la frife 14, & la corniche 16; dans le fécond , l'architrave 1 module 4 , la frife 1 module ?, ôc la corniche 1 module i ; les autres entablemens de cet auteur font moins réguliers. Plufieurs architectes font leur corniche égale à leur architrave : Ser- lio fait les trois membres de l'entablement tofean égaux. (Voyelle Parallèle de M. de Cambrai. ) Rien n eft plus propre à diriger le goût que de conftater les rapports qu'on doit obferver entre les parties ôc le tout , non-feulement dé l'entablement dont nous parlons , mais auiîi de l'ordre en général , qui nécessairement doit donner le ton à toute la décoration d'un édifice , foit qu'on y emploie les ordres , foit qu'on veuille feulement n'en emprunter que l'ex- preflion. (P) Pour remonter à la première origine & à la nature de l'entablement , concevons qu'un homme de bon fens ait entrepris de fe faire un abri , un couvert , avant que l'archite&ure fût réduite en art. Il aura commencé par élever deux rangs de piliers ou de colonnes d'égale hauteur, l'un fur le devant , l'autre fur le derrière de fon emplacement. Au defîus de chaque rarg^e de colonnes il aura couché une poutre horizontale , qui fèrve à lier les têtes des colonnes, 8c à fouteninles poutres longi- tudinales qui doivent aller. d'un rang à l'autre; celles-ci forment la bafe de fon couvert, 8c pour achever fon abri, il n'a plus qu'à clouer fur ces poutres un plan- cher bien ferré ; mais afin de mieux ga- rantir la tête des poutres, il aura imaginé de faire déborder les planches en dehors : telle eft l'origine de l'entablement. Ainfi l'entablement a trois parties indif- penfables ou elfentielles : i°. l'architrave ou la poutre principale qui porte immé- diatement fur les chapiteaux des colonnes, 8c les lie enfemble ; 2.0. la frife qui re* préfente l'efpace occupé par les têtes dei Xxxi 53* EN T poutres longitudinales, portant fur l'ar- chitrave , & l'intervalle que ces têtes de poutres laiftent entre elles; 30. la corniche qui , repréfentant la faillie des planches , forme le couronnement de l'édifice entier pour le mettre à lJabri des eaux du toit. Lorfque enfuite on ne fe borna plus dans les bitimens au iïmple néceflàire , qu'on commença à y introduire le beau , on imagina divers ornemens pour chacune de ces trois parties de l'entablement , ôc on leur affigna des proportions & des déco- rations différentes dans chaque ordre d'ar- chitecture. L'entablement devint une partie eifentielle de Tordre, il en fit le couron- nement , comme le chapiteau fait celui de la colonne ; en forte que lorfqu'on fubf- titua la pierre au bois, ôc lors même que les colonnes n'avoient ni poutres, ni pla- fonds à foutenir, on a néanmoins toujours repréfenté au dehors un entablement , pour cbferver la régularité &c la beauté de Ten- femble. Mais dans ces cas-là même , où \ enta- blement ôc les colonnes fur lefquelles il porte ne font qu'un (impie ornement , comme lorsque les pilaftres tiennent au mur , il ne faut jamais perdre de vue l'origine de l'en- tablement, pour ne pas tomber dans des fautes abfurdes qui bleflent l'œil du con- noiiTeur. Il eft clair , par la nature du lujet , que l'architrave doit régner en ligne droite ôc horizontale, tout le long de la façade, puifqu'elle repréfenté une poutre réellement couchée fur les chapiteaux des colonnes. Cependant des architectes , d'ailleurs cé- lèbres , commettent fouvent la faute de brifer l'architrave , ou même de l'inter- rompre tout-à-fait, pour haufler davantage une ou deux fenêtres; de forte qu'en ces endroits , les têtes des poutres femblent ne porter fur rien. C'eft un défaut qu'on ne remarque dans aucun des édifices de la belle antiquité : tous les entablemens des anciens Grecs font entiers , ôc fuivant la droite horizontale, fans coupure ni brifure. On n'apperçoit ces brifures qu'aux édifices conftruits fous les empereurs Romains des iîecles poftérieurs au beau fiecle d' Augufte. \J entablement eft néceflàire même dans les bâtimens qui n'ont ni colonnes ni pi- lâtes. Une bande tirée fous les poutres E N T de l'étage fupérieur tient lieu de l'archi- trave ; ôc les têtes des poutres forment la frife ; enfin , pour couronner le bâtiment ôc le garantir des eaux du toit, on fait une corniche faillante compoféc de diverles moulures. Ainfi les mailons le plus fim- plement bâties , ont un entablement ; mais pour l'ordinaire , à caufe que les parties en font peu diftinguées , ôc que la corniche femble le confondre avec l'architrave , il prend le nom de corniche ou de corniche architravée. Quoique l'entablement ne foit qu'une bien petite partie du bâtiment, il ne con- tribue cependant pas peu à l'embellir ou à le défigurer. Un entablement écrafé , ÔC dont la corniche a peu de faillie , donne un air mefquin ôc chétif à une grande façade. C'eft une petite tête fur une figure colofiale. Si , d'un autre côté , l'entablement eft trop grand ôc trop lourd, il menace d'affaifTer le bâtiment. Il faut ici un œil jufte qui fâche faifir la belle proportion; elle eft différente dans les différens ordres d'architecture , ôc les architectes ne font pas non plus entièrement d'accord fur les mefures des parties & de Tenfemble. Gold- mann , dont nous adoptons ici les propor- tions , donne dans les cinq ordres à l'en- tablement la hauteur de quatre modules. Il eft rare que de bons architectes réduifent cette hauteur à trois modules ; quelques-uns au contraire, comme Barozzi ôc Cataneo, la portent jufqu'à cinq dans Tordre Co- rinthien ôc dans le compofîte. On n'eft pas plus d'accord fur la hauteur 6c la faillie des membres que de Tenfemble. Dans les ordres inférieurs , Goldmann afîigne à chacune des trois parties de l'en- tablement une même hauteur; favoir, 1 -j du module. Dans les ordres fupérieurs , l'architrave a de hauteur 1 $ , la frife 1 t? , Se la corniche 1 j de module. Les faillies de l'architrave &c de la frife n'égalent pas la hauteur de ces parties. Mais la corniche, deftinée à couronner & à garantir le bâti- ment, a une faillie plus forte de 1 î jufqu'à 2 | de module. Dans la plupart des ordres, l'architrave eft divifée dans fa hauteur en deux ou trois ; bandes , dont la plus haute , ôc qui a, la 1 plus grande faillie , eft couronnée d'ua E N T filet ou de deux mowlures. La frife eft ou plate , ou ornée de Sculpture en bas reliefs , ou de triglyphes qui repréfentent les têtes des poutres, elle .1 aufïi un petit couronne- rneni: à fa partie fupérieure. Quant à la corniche , chaque architecte la décore à fa xnanieie; & Ton ne finirait point fi on vouloit décrire toutes les variétés dont elle eft fufceptible. {Cet article ejî tiré de la Théorie générale des Beaux-Arts de M. SULZER.) ENTAILLER, v. ad. {Manège.) Quel- ques-uns ont très-mal-à-propos confondu ce mot avec celui à' acculer , 8c ont employé cette dernière expreffion dans le fèns qui na- turellement ne convient qu'à la première. Nous expliquerons ici la différence de la fignification de l'une Se de l'autre. Tout cheval tntablé eft celui dont les hanches devancent les épaules , lorfqu'il manie de deux piftes , tant fur les voltes que fur les changemens de main , larges ou étroits. Cette faufïe pofition précipite le devant 8c le derrière dans une contrainte , qui non - feulement s'oppofe à toute juftefïe , mais qui eft capable de eau fer de vérita- bles défordres. Les épaules, d'une part, trop en dehors , 8c de l'autre , les hanches trop rapprochées du dedans ou du centre, ne jouiflent plus de cette liberté mutuelle & néceflàire qu elles fe communiquent ou Ce ravifTent toujours réciproquement , at- tendu l'intimité de leur rapport & de leur correfpondance : dès-lors l'animal ne fau- loit avancer, ainfi qu'il le doit, un pas à chaque temps ; au contraire , il (è refterre , il fe rétrécit du derrière ; & fi on ne le tire de cette fituation forcée, il eft impofïible qu'enfin il ne s'accule. Ce défaut , qui fe rencontre dans une multitude étonnante de chevaux , eft na- turel ou accidentel : naturel , quand on peut en aceufer l'animal ; accidentel , quand il a pour principe des leçons prématurées , peu réfléchies , administrées fans jugement, ou quand il n'eft que momentané , & qu'il ne peut être imputé qu'à une faute pafla- gere du cavalier. On ne doit donc point être furpris qu'un cheval foible de reins , dont les jarrets n'ont point de folidité & E N T 53J derrière eft en proie à quelque douleur , ainfi que celui qui eft hé avec une fi forte lifpofition à s'unir , que la nature l'a en quelque façon conftruit pour être ra- mingue , rentable fouvent 8c facilement. Nous devons l'être encore moins de le voir tomber dans ce vice, lorfque, fans avoir égard à fon peu de fouplefle , à la nécefïité de le déterminer , de le réfoudre , de l'élargir avec foin fur les voltes fimples 8c par le droit ( voye^ Élargir ) , & fans penfer à l'obligation de perfectionner fon appui , 8c de parer à l'incertitude de fes hanches faufles ou trop légères, on a cher- ché à l'aflujettir pécipitamment 8c tout- à-coup ainfi que le pratiquent encore au- jourd'hui nombre de maîtres , qui fe per- fuadent que les aides forcées des jambes , 8c même les châtimens redoublés font la feule voie &c l'unique moyen d'engager le derrière à accompagner le devant de l'animal , qu'ils mettent indiftinctement. fur deux piftes. Dans le premier cas , le cheval Rentable fans doute, à raifon de fà foiblefîe ou des maux qu'il relient ; 8c fi ion derrière fe refterre plutôt qu'il ne* s'élargit , ce n'eft que parce que l'épaule ne recevant pas de ce même derrière les fecours dont elle auroit befoin pour em- braffer beaucoup de terrain 5 8c étant trop retenue fur le dehors , la hanche de ce même côté eft furchargée , 8c par confé- quent l'animal eft obligé de jeter fon extré- mité poftérieure dans le fens contraire ; c'eft-à-dire , dans celui où il eft plus libre 8c moins contraint. Dans le fécond cas, il ne falfifie fa ligne que par la mauvaife ha- bitude qu'on lui a fuggérée ; 8c l'on peut dire qu'il ne rentable que pour avoir été trop entablé. Il fufrît de connoître la fource de ce mouvement faux 8c défordonné , pour être inftruit des moyens d'y remédier. Le der- rière du cheval fe meut toujours dans le fens oppofé à celui où fe meut le devant : ce principe eft d'autant plus confiant, qu'il eft tiré de la îtructure de l'animal. Or, lors- qu'il s'agira de maintenir la croupe en li- berté, ou de l'afïujettir proportionnément à la capacité du cheval 8c au genre d'ac- tion à laquelle je le follicite , je détermi- nent atteints de divers maux, 8c dont le] nerai toujours plus ou moins l'épaule A 534 E N T félon ce genre d'action Se fon pouvoir : pour cet effet je croiferai plus ou moins ma rêne de dehors , en la portant en de- dans; Se l'épaule étant conftamment libre, le derrière ne fera jamais trop allervi. De plus , fi les hanches tendoient , attendu la grande facilité que je leur conferve, à s'éloi- gner du centre , plutôt qu'à s'en approcher, c'eft-à-dire , à s élargir plutôt qu'à fe réter- cir, je les foutiendrois , non d'abord avec ma jambe de dehors , mais en croifant ma rêne de dedans en dehors , & en mettant, en fécond lieu, ma rêne de dehors à moi, & je n approcherais ma jambe qu'autant que les effets réfultans de ma main f eroient impuif- fans. Mais il n'eft pas queftion ici d'indiquer les moyens de commencer à mettre un cheval fur deux-piftes , ce détail appartient à l'article qui concerne les voltes ou ieschangemensde main : je ne dois donc me propofer dans ce- lui-ci, que de rechercher les voies de corriger l'animal qui rentable. De quelque caufe que provienne le rétréci ffement defon derrière , on y obviera , i°. par le fecours de la rêne de dehors, qui étant croifée, renverfèra l'épaule en dedans ; i°. par celui delà rêne de dedans à foi ; 3°. enfin par celui de la jambe de ce même côté, appliquée avec plus ou moins de ménagement au corps du che- val. Ces trois aides feront employées dans l'ordre où je les décris : elles ne doivent être mifes en ufage que fucceiîîvement ; car réunies & données enfemble, elles le furprendroient inévitablement. Il eft néan- moins des chevaux qui ne peuvent être réduits à l'obéifîànce que par les châtimens Se par le fer ; tels font les chevaux ramin- gues , colères , obftinés , 6c dans lefquels cette habitude eft invétérée. Il eft bon , après avoir laflë Se épuifé fa patience , d'en venir prudemment aux actes de rigueur ; mais on ne fauroit traiter avec trop de dou- ceur Se trop d'égard , ceux qui ont une débilité naturelle, puifque l'exécution leur coûte plus qu'à d'autres, Se ceux qui montrent beaucoup d'ardeur Se de viva- cité, parce qu'on courroit rifque de les gendarmer Se de les confirmer dans leur vice , plutôt que de les en guérir. Durefte, la méthode la plus afliirée , relativement au cheval qui sentabk 3 conféquemment E NT aux faulTes leçons qu'il a reçues , eft de le re- mettre aux premiers principes de l'école , Se de les lui faire entendre. Lorfqu'on l'aura conduit , &c qu'on l'aura fait palier avec or- dre par tous ceux qui peuvent le préparer à décrire des voltes ou des changemens de main larges Se étroites , en obfervant les hanches , on tentera de le faire palier fur ces différentes formes de terrain : s'il perfé- vere dans fon rétréci ilement , Se s'il fe relfent toujours des anciennes imprefïîons , on le châtiera félon fon naturel Se fon inclination : on le foutiendra, on l'attaquera diferétement avec la jambe de dedans, on le fera mar- cher quelques pas par le droit ; Se lorf- que les hanches leront élargies, on l'arron- dira de nouveau , ou on le rappellera fur une diagonale. J'obferverai encore que les che- vaux sentablent plus fréquemment dans les changemens de main , lorfqu'ils font larges , que lori qu'ils font étroits ; la longueur de la ligne fatigue ceux qui (ontfoibles , Se révolte les autres. En coupant ou en interrompant fouvent la marche du cheval qui travaille de deux piftes , pour ne le faire cheminer que fur une feule Se droit devant lui , Se en pafTant alternativement de l'une à l'autre de ces actions , on eft en quelque façon afluré de l'empêcher enfin de s'entabler. Il eft même à propos , lor (qu'il Rentable avec précipi- tation, & qu'il jette violemment fon derrière en dedans , de le pincer vivement du talon du même côté , Se de profiter du port ou de la fituation actuelle de fon épaule en dehors, pour le contre-changer. Au bout de quelques pas on le remet par le droit ; on le fait rentrer enfuite fur la ligne oblique ; Se on le contre- change de nouveau lorfqu'il commet la même faute. Si le terme à'entabler , de sentabler , eft uniquement reftreint à la feule fignification du rétrecijfement du derrière, quel fera le fens dans lequel nous emploierons celui à' acculer , de s'acculer ? Il me femble que cette queftion eft facile à réfoudre , d'au- tant plus que ce dernier mot préfente en quelque forte à l'efprit l'idée de l'action même qu'il défigne. Suppofons que par une caufe quelconque les jambes antérieu- res foient tellement rejetées en arrière , ou les jambes poftérieures tellement rejetées E N T eti avant , que les pies de derrière outre- paflènt le centre de gravité de l'animal , il eft certain que dès-Tors les hanches étant non-feulement furchargées, ain(i que les jarrets , mais étant hors de leur point de force 3c de foutien , elles fléchiront de manière que le cheval s'accroupira , s'il m'eft permis de rn exprimer ainfi ; & voilà ce que nous appelions en général être acculé. Que s'il demeurait un certain intervalle de temps dans cette faufilé position , fa chute en arrière ferait inévitable. Les chevaux qui ont peu de reins, des jarrets foibles 8c mous, 8c dont le derrière pèche par quelque maladie , font plus fujets à s'accu- ler que les autres. Lortque pour élargir le derrière du cheval qui s'entable , 8c pour renverfer l'épaule en dedans , nous agitions de la main , de manbre que Perret de notre rêne de dehors qui ne croife point allez, contraint la partie que nous voudrions dé- gager, nous acculons l'animul. Nous Yen- tablons 8c Y acculons encore en même temps, quand nous le renfermons fi fort, que aune part la fujécion dans laquelle il eft, l'oblige de fe reflerrer du derrière , & de l'autre de reculer du devant , ce même derrière étant immobile 8c fixé en dedans. Enfin, tout cheval peut être acculé dans les piliers , au parer , au reculer , &c. Voyez ces mots à leur place. On conçoit d'avance qu'il ne peut être tiré de cet état chancelant 8c incertain , qu'autant que les pies anté- rieurs acquerront la liberté de s'éloigner de ceux de derrière ; ou qu'enfin ceux de derrière , par un effort que n'accompagne jamais la grâce, parviendront eux-mêmes à fe dégager, (e) *ENTACAGE , f. m. ( Manuf. en ve- lours. ) c'eft un aftèmblage de différentes baguettes, qui fe place en une chanée ou logement pratiqué à l'enfuple de devant des métiers à velours. Cette enfuple étoit , avant l'invention de cette machine ingénieufe , garnie de petites pointes qui pafloient à travers le velours , 8c qui le tenoient appliqué fur l'enfuple. On étoit obligé d'employer ces pointes au velours , parce que fi l'on eût enroulé cette étoffe fur elle-même , comme les autres , foif poil fe ferait écrafé , n'aurait pu fe redreflèr, 8c l'étoffe eût été gâtée ; mais ENT ni d'un autre côté les pointes Pérailloient , la cribloient de petits trous , ôcnuifoient beau- coup à fa qualité. Ce fut ce qui détermina un ouvrier à chercher un remède à ces inconvéniens ; de il trouva Yentacage , qui confifte à faire faire plufieurs tours au ve- loufs , fur des baguettes auxquelles fon envers eft toujours appliqué , 8c contre lefquelles il eft fi fortement retenu par le feul frottement , qu'on déchirerait plutôt l'étoffe- que de l'en féparer. Entre ces ba- guettes il y en a à la vérité une de fer allez large , 8c dont la furface eft toute hachée , afin d'augmenter le frottement par ces inégalités. On trouvera à Yarticle Velours, une description plus détaillée de cette invention. En attendant nous pro- pofons à ceux qui voudront fentir tout le mérite de cette invention , de réfoudre ce problême de Méchanique : Subflituer aux pointes de l'enfuple , une machine telle que l'étoffe [oit tenue fortement & également ten- due fur toute fa largeur , fans la p.rcer de trous ni écrafer fon poil. ENTAILLE, f. f. en Architecture ; c'eft une ouverture qu'on fait pour joindre quel- que chofe avec une autre. Les entailles fe font carrément de la demi - épailleur du bois , par embrévent a queue d'aronde , en adenty Ôcc. ainti que les atlemblages. On fait des entailles dans les incruftations de pierre ou de marbre, pour y placer les morceaux poftiches. On fait encore des en- tailles à queue d'arotide, pour mettre un tenon de nœud de bois de.chêne , ou un crampon de fer ou de bronze incrufté de ton épaiffeur , pour retenir un fil dans un quartier de pierre , ou dans un bloc de marbre. ( P ) Entailles, {Lutherie.) ce font dans le fommier de l'orgue , ces vuides ou mor- toifes que l'on fait aux longs ■cotés du châfïis , pour recevoir les barres qui for- ment les gravures. Voye^ Sommier de grand Orgue. Entailles, ce font aufïl les ouvertures que l'on fait derrière les tuyaux de mon- tre , pour les amener à leur ton. Ce font de grands trous , dont l'ufage eft de déter- miner la longueur du tuyau , lorfqu'on l'a fait plus long qu'il ne faut pour remplir la face du fuft d'orgue. XJentailk ou ouver- lit E N T ture inférieure , qui met le tuyau à Ton ton, a plu fieurs fentes à fa parcie inférieure , qui forment plufieurs lambeaux qu'on note pas tout- à- fait , ôc avec lefquels , comme avec les oreilles , on accorde les tuyaux. Voye{ Oreilles. ENTAILLOIRS droits ôc courbes , (Luth. ) font des outils ou efpeces de petites équoines , dont les fadeurs de mufettes fe fervent pour féparer en deux les éminences qu'ils ont réfervées au dehors des chalu- meaux , pour fervir de tenons aux clefs. Voye^ Musette. ENTALINGUER, (Mar. ) voye^ Ta- LINGUER. * ENTAMER, v. act. au phyfique , c'eft féparer d'un corps qu'on confidere comme un tout , une partie qu'on regarde comme la première , qu'on appelle \' enta- mur e. Au figuré, il eft fynonyme à commen- cer ; ainfi entamer une négociation , c'eft la commencer. Entamer , (Manège.) terme que nous employons en divers fens. Entamer un cheval , ou commencer à lui faire comprendre les premières leçons du ma- nège , exprefïions fynonymes : ce cheval n'ejl ûu'ejitatné. Entamer une vclte , un changement de main, fe dit pour défigner l'inftant où l'on com- mence cette volte ou ce changement de main: Vous naveipasfaifi les temps jufies par lef- quels vous dévièrent amer votre changement de main. fc Entamer fe dit encore en parlant du ter- rain que l'animal embrafle , ■ & de la jambe qui précède , ou qui eft la première à l'em- braûef. Au galop à droite la jambe de devant du hors - montoir , & au galop la jembe de devant du montoir , doivent entamer. Vcye[ Galop. C'eft-à dire, qu'à l'un la jambe droite doit précéder la gau- che , Ôc qu'à l'autre la jambe gauche doit devancer la droite, (e) ENT AMURE , f. f . ( Chirurgie.) d< Vi- llon de continuité qui fe fair avec les înftru- mens tranchans , tant fur les parties dures que fur les parties molles. Les anciens ont diftingué cinq manières de faire une entamure fur les parties dures y- favoir , en trouant ou trépanant , en raclant, en feiant , en limant & en coupant. ENT | On troue ou on trépane avec un initra- I ment tranchant en forme de feie ronde , i appelle trépan. On racle avec un inltru- I ment nommé rugine ; cette opération em- \ porte la .luperficie des os corrompus; ce j qui rend plus prompt l'effet des remèdes | appliqués. On feie les os des membres i qu'on doit amputer. On lime les dents ' pour les féparer , pour les rendre égales, | Ôc pour en emporter la carie. On coupe , avec des tenailles incifives , les extrémités des os caftes , dont les pointes peuvent piquer certaines parties. On coupe les os , même dans leur continuité , lorrqu'on ne peut les feier , ou les féparer dans leur contiguïté. Voye^ Trépan , Rugine , Scie , Lime ù Tenailles incisives en Chirurgie. Les anciens ont aufïî diftingué douze manières de faire une entamure aux partie molles ; i'aplotomie , la phlf botomie , l'ar- tériotomie , l'oncotomie , le catacafmos , le périérefe , l'hypo'patifme , le périfei- thiline , l'encopé , l'acrotériafme , l'an- géiotomie , ôc la lithotomie. La définition de tous ces mots, que nous allons ajouter ici contre notre coutume , ne tiendra guère plus d'e'pace que la désignation des ren- vois. L'nplotomie eft une fïmple ouverture faite à une partie molle ; la phlébotomie eft l'ouverture d'une veine; l'artériotomie, celle d'une artère ; ôc l'oncotomie , celle d'un abcès. Le catacafmos eft ce qu'on appelle en François feanfication ; il y en a de trois fortes ; favoir , la moucheture , qui ne va pas au delà de la peau ; l'inciiion , qui pénètre jusqu'aux mufcles; Ôc la tail- lade , qui va jurqu'aux os. La périérefe eft une espèce d'incifion que les anciens fai- f oient autour des grands abcès; l'hypofpa- tilme eft une incifion qu'ils pratiquoient au devant de la tête , ôc qui pénétroit juf- qu'à l'os ; le périfcithifme eft une incifion circulaire qu'ils con^nuoient depuis une tempe jufqu'à l'autre, & qui pénétroit jus- qu'à l'os. La cruauté de ces trois efpeces d'opérations , ôc leur peu de fuccès , les ont prorcrires. L'encopé eft l'amputation d'une petite partie , par exemple , d'un doigt ; l'acrotériafme eft l'amputation d'un membre confidérable , par exemple , d'une. jambe j ENT jambes ; l'angéiotomic eft. l'ouverture d'un vaiflèau ; la lichotomie eft une ouverture qu'on fait à la veffie pour en tirer une pierre. Principes de Chirurgie. Article de M. le Che- valier DE JaUCOURT. E nt amure , en Architecture : ce mot fè dit des premières pierres d'une carrière nouvellement découverte. ( P ) ENTE , ENTER K ENTURE , ( Jar- dinage, ) eft la même chofe que greffer. Voye^ Greffe. ( K) § ENTÉ en pointe , ( Blafon.) fè dit d'une entaille au bas de l'écu ; elle eft tracée par deux portions de cercle rentrantes, qui s'é- tendent aux angles inférieurs , s'y joignent , s'élèvent fur la pointe du même écu 3 & le terminent en angle aigu curviligne. Maillé Brezé en Normandie , fafcé , enté , ondoyé d'or 8c de gueules. • Poufïèmotthe de l'Etoile , de Thierfan- ville de Montbrifeuil , à Paris ; d'azur à trois lis au naturel ; enté en pointe de fable à une étoile d'or. Cet enté en pointe eft une fubftitution , depuis le 8 février 1651 , qu'un de cette famille devint héritier ( du coté maternel ) de François de l'Etoile. ( G. D. L.T.) ENTÉES , f. f. (F com- ment Venture fe pratique. Les réglemens veulent que les entures aient au moins fîx mailles , & foient doubles ôc bien nettes. ENTÉRINEMENT , f. f. ( furifprud.) fîgnifie la difpofition d'un jugement , qui donne un plein ôc entier effet à quelque a£te qui ne pouvoit valoir autrement. Ce terme vient du mot Gaulois entérin , qui fignifioit entier , & entérinement , qui figni- fîoit entièrement. On difoit fief enter in , pour fief entier. On demande en juflice l'entéri- nement des lettres de refeifion , &c des let- tres de requête civile ; 8>c lorfquelles pa- roifïent bien fondées , le juge en ordonne l'entérinement , c'eft-à-dire , la pleine ôc en- tière exécution. Ce terme paroît propre pour exprimer l'exécution qui eft ordonnée de certaines lettres du prince ; pour lesftatutSj, E N T tranfactions , fcntences arbitrales , on fe fert du terme A' homologation. {A) ENTÉROCELE , f. f. en Chirurgie , hernie ou defcente des inteftins dans le pli de laine. Le mot eft formé du Grec \v\ipov , intejîin , ÔC mm , tumeur. C'eft ordinairement l'inteftin iléon qui forme la tumeur herniaire dont il eft quef- tion. La caufe prochaine de X'entérocele eft la relaxation ou l'extenlion de la partie infé- rieure du péritoine , qui pafte alors à tra- vers l'anneau du mufcle oblique externe. Ses caufes éloignées font les grands efforts , les exercices trop rudes , la toux violente , le fréquent vomilîement , les cris , &c. ce qui fait que les enfans y font plus fujets que les autres. Voye^ Hernie. (Y) ENTÉROÉPIPLOCELE , f. f. {Chirur- gie. ) tumeur au pli de l'aine , formée par l'inteftin & l'epiploon. Koye^ Hernie. Ses caufes font les mêmes que celles de l'cntérocele. Foye^ENTÉROCELE. {Y} ENTÉROÉPIPLOMPHALE , f. fém. ( Chirurgie. ) efpece d'exomphale ou de hernie , dans laquelle les inteftins ôc l'épi- ploon forment une tumeur au nombril. Voye[ Exomphale. Ce mot eft compofe de ivjtfov , intejîin , Wittmov , épiploon , ÔC o^xhof 3 nombril. ENTERO-HYDROMPHALE , f. fém. en Chirurgie , efpece d'exomphale dans la- quelle , outre le déplacement de l'inteftin qui lui eft commun avec l'exomphale , il fe ramafle encore une quantité d'humeur aqueufe. Vbye[ Exomphale. Ce mot eft formé du Grec selspoe , in- tejîin y vJlap , aqua , eau , férofîté , ôc de cy.*K@- > nombril. {Y) ENTEROLOGIE , f. fém. ( Anatomie.) mot compofé de »1«pw , intejîin > vifçere 3 ôc hôy@- , fermo , difcours ; c'eft propre- ment un traité des vifceres , quoique ce mot s'entende généralement des vifceres des trois cavités , de la tête , de la poitrine , ôc du bas-ventre. Voyer Viscère, (i) ENTÉROMPHALE , f. f . ( Chirurgie.) efpece d'exomphale , dans laquelle les in- teftins fbrtent de leur place , ôc forment une tumeur dans le nombril. Voy. Exom- phale. E N T 535» Ce mot eft formé du Grec «pjg/w , Utejlia^ ÔC èf/.} roifles de cette ville de Paris lui ont j , envoyé leurs mémoires concernant les 3, fépultures, l'évaluation du nombre des ,, enterremens annuels , la nature du fol , Si l'étendue 8c l'ancienneté des cimetie- 3, res j les avis de diverfes fabriques , que 3, les commifTaires au. châtelet lui ont re- „ mis , 8c leurs divers procès - verbaux ; „ qu'enfin ,j les officiers du châtelet ont „ donné leurs avis fur ces mêmes objets ; 3, que d'après l'examen de toutes ces ,, pièces , le procureur-général du roi fe 3, croit en état de propoier à la cour fes ,, réflexions, & le moyen de remédier aux ,, inconvéniens de tout genre, qui paroif- ,, fent réfulter de l'ufage actuel d'enter- „ rer les corps des défunts dans i'inté- 3, rieur de la ville ; ufage qui ne doit Ion „ origine qu'à l'agrandiiîement de cette ca- ,, pitale , qui, en s'étendant , a renfermé j, la plupart des cimetières dans l'enceinte ,, de fes limites , que d'ailleurs le nombre „ des habitans de chaque paroifle s'eft fi fort ,, augmenté par l'élévation des maifons, ,, que les lieux deftinés aux inhumations fe ,, font trouvés trop refièrrés , & par- là „ font devenus fort à charge à tout leur „ voifînage ; que c'eft ce qui eft établi 3, par le plus grand nombre des aétes 3, qui feront remis fous les yeux de la 3, cour*; qu'elle y verra que dans la plu- 3, part des grandes paroifles , & fur-tout 3, de celles qui font au centre de la ville , ,, les plaintes font journalières fur l'infec- 3, tion que répandent aux environs les ci- 3, metieres de ces paroifles , principale- 3, ment lorfque les chaleurs de l'été aug- 3, mentent les exhalaifons; qu'alors la pu- a, tréfaction eft telle , que les alimens les 3, plus néceflaires à la vie , ne peuvent fe 3, conferver quelques heures dans les mai- ,, fons voifines lans s'y corrompre ; ce „ qui provient ou de la nature du fol „ trop engraifié pour pouvoir confommer ,, les corps, ou du peu d'étendue du ter- ,, rain pour le nombre des enterremens ,3 annuels ; ce qui néceflite de revenir „ trop fouvem au même endroit , 8c peut- EN T „ être aufïi du peu d'ordre de ceux qui, „ prépofés au foin d'enterrer les morts, ,, n'ont ni l'attention ni l'exactitude né- ,, ceflaires pour ne pas rouvrir trop tôt ,, les mêmes fépultures : que la cour de- ,, meurera d'autant plus pénétrée de ces „ inconvéniens , qu'elle remarquera , avec „ fatisfaction , que plufieurs fabriques , „ fenfibles aux plaintes réitérées des pa- „ roifïiens , s'étoient déjà déterminées à ,, fupprimer leurs cimetières actuels, 8c que „ dès avant lbn premier arrêt , elles avoient „ entr'elles pris des arrangemens pour ac- „ quérir en commun , hors de la ville , ,, un terrain propre à cet ufage , 8c allez „ étendu pour le befoin de ces paroifles , „ eu égard au nombre de leurs habitans ; „ que dans telles circonftances le procu- „ reur-général du roi eftime qu'il ne s'a- „ git que d'étendre un plan fî naturel 8c „ ii facile à remplir -, qu'il propofera donc „ à la cour , d'un côté , de fupprimer de „ l'enceinte de la ville les cimetières , „ afin que la loi , étant générale , de- ,, vienne d'une exécution plus facile, 8c ,, de l'autre , de placer au dehors de la ,, ville fept ou huit cimetières communs ,- à plufïeurs paroifles d'un même arron- „ diflèment , afin de diminuer le nombre ,, de ces établiflèmens , 8c de trouver plus „ facilement des terrains qui y foient con- „ venablès. 3, La cour ordonne, i°. qu'aucunes in- „ humations ne feront plus faites , à l'ave- „ nir , dans les cimetières actuellement „ exiftans dans cette ville , ious aucun „ prétexte que ce puiflè être , 8c fous telle „ peine qu'il appartiendra, &ceàcomp- ,, ter du premier janvier prochain , fauf „ néanmoins dans ceux qui feront excep- „ tés par l'article 1 9 ci-après ; i°. que les „ cimetières , actuellement exiftans , de- ,, meureront dans l'état où ils font, fans „ que l'on puifle en faire aucun ufage 3, avant le temps 8c efpace de cinq an- „ nées 3 à compter dudit jour premier jan- „ vier prochain ; après lequel temps il fera ,, procédé à la vifite deidits terrains par les „ officiers de police , 8c par les médecins „ 8c chirurgiens du châtelet , pour leur „ avis communiqué aux curés 8c marguil- ,3 liers de chaque paroifle ; 8c dans le cas E N T ï, où les officiers ôc médecins eftimeroient qu'on pourroit faire ufage defdits ci- }i metieres , fe pourvoir par lefdits curés 3, Ôc marguilliers vers le fupérieur ecclé- 9? fiaftique , pour obtenir de lui la per- „ million d'exhumer les corps Ôc ofïe- „ mens avant de remettre lefdits terrains „ dans le commerce. 30. Qu'aucunes fé- a, pultures ne feront faites à l'avenir ou ,, accordées dans les églifes , foit paroif- „ fiales , foit régulières , fi ce n'eu, celles ,, des curés ou fupérieurs décédés en pla- 3, ce , à moins qu'il ne foit payé à la fa- }j brique la fomme de deux mille livres „ pour chaque ouverture en icelles ; ôc ,, que quant aux fépultures dans les cha- ,, pelles ôc caveaux , elles ne pourront 33 avoir lieu que pour les fondateurs ou j, leurs repréfentans, &c pour ceux des fa- „ milles qui en font propriétaires, ou font „ dans une poffefïion longue ôc ancienne 33 d'y avoir leurs fépultures , &ce à la ,, charge d'y mettre les corps dans des 33 cercueils de plomb Se non autrement. 3, 40. Qu'il fera fait choix de fept à huit 3, terrains différens propres à recevoir ôc 33 confommer les corps, ôc fîtués hors de ,, la ville au fortir des fauxbourgs, aux s, endroits les plus élevés ôc afïez étendus „ pour l'ufage des paroifîes de chaque ,, arrondifîement , ainli qu'il fera 'fixé par „ l'article 1 1 ci-après ; ôc à cet effet or- ,, donne que le roi fera très-humblement ,, fupplié de vouloir bien déroger à la dé- 33 claration du 31 janvier 1 690 , regiftrée „ le 6 février audit an , ôc à l'édit du „ mois d'août 1 749 , concernant les gens 3, de main-morte , regiftré le 2 feptem- 33 bre audit an. ye. Que chacun defdits „ cimetières fera clos de murs de dix pies „ d'élévation dans tout le pourtour ; ôc 33 que dans chacun d'iceux il y aura une 3, chapelle de dévotion , ôc un logement ,3 de concierge , fans qu'on y puifïè conf- j, truire autres bâtimens , ni même met- „ tre dans l'intérieur aucune épitaphe, fi 3, ce n'eft fur lefdits mûrs de clôture , ôc ,3 non fur aucunes fépultures. 6°. Que les 33 enterremens fe feront comme par le „ paffé , mais qu'après les prières, finies dans „ l'églifè , les corps feront portés dans le „ lieu du dépôt y ou chapelle mortuaire 3 E N T 541 tel qu'il fera , ci-après , indiqué , article 1 o , pour un certain nombre de pa- roifîes de chaque arrondifîement , fans que fous aucun prétexte , l'on puiffe y accorder de fépulture particulière , non plus que dans le cimetière commun. 7°. Que les bières ou ferpillieres feront marquées d'une lettre alphabétique indi- cative de la paroiffe , ôc d'un numéro , qui porté également à la marge de l'ex- trait mortuaire de chaque défunt , indi- quera que le corps y eft renfermé ; ôc les corps feront accompagnes lors du tranfport au dépôt , d'un eccléfiaftique de la paroiffe d'où le tranfport fera fait , ôc y demeureront jufqu'au lendemain matin. 8°. Il reftera toujours audit lieu de dépôt , l'un des eccléfîaftiques qui y aura accompagné les corps, jufqu'au moment où »l'on viendra les lever pour les tranfporter au cimetière commun de chaque arrondifîement , pour prier Dieu pour les défunts ; à l'effet de quoi il fera bâti dant le dépôt de chaque arrondiffement une ou deux chambres pour ledit eccléfiaftique ; ôc fera ledit eccléfiaftique pris alternativement dans chaque paroifle de l'arrondifïement , ôc nommé par le curé de la paroifle. 9°. Tous les jours à deux heures du matin , depuis le premier avril jufqu'au premier octobre , Ôc à quatre heures du matin , depuis le premier octobre juf- qu'au premier avril , on ira lever les corps qui auront été portés audit dépôt , ôc ils feront tranfportés dans un ou plu- fieurs chars couverts de draps mortuai- res , attelés de deux chevaux , allant toujours au pas , au cimetière commun de l'arrondifïement. Le conducteur du- dit chariot fe rendra d'abord au pre- mier des dépôts de l'arrondifïement qui fera fur la route , ôc ira fucceiïivement à chacun des dépôts , ôc ledit chariot fera toujours accompagné d'un ecclé- fiaftique ou deux au plus , qui feront choifis alternativement dans chaque pa- roiffe de l'arrondifïement , ôc nommés par les curés de chaque paroiffe de l'ar- rondifïement ; le chariot fera précédé d'autant de lanternes qu'il y aura de dépôts dans l'arrondiflèment ; ôc les 54i E N T „ porteurs d'icelles chargeront le chariot , ,, Si aideront en roure en cas d'accident; ,, ils feront en même temps les fofToyeurs ,, du cimetière commun. io°. Quecha- „ que entrepôt où feront dépofés les corps ,y en attendant qu'ils foient portés au ci- „ metiere commun , fera un lieu fermé , „ à la hauteur de fix pies au moins , ,, de murailles garnies au de (Tu s de bar- ,, reaux de fer de quatre pies de haut „ dans tout le pourtour ; & terminé par ,, une voûte ouverte dans (on fommet. ,, n°. &iz°. Ces deux articles contiennent „ des détails de règlement relatifs aux dif „ fer entes paroijfes. i $°. Que la dépenfe „ à faire pour l'acquifition des terrains „ 8c bâtimens qui devront fervir aux „ nouveaux cimetières , fera fupportée ,, par chaque paroifle du même arrondif- ,, fement , à proportion du nombre des „ fépultures annuelles qu'elles peuvent ,, avoir , & au marc la livre de la fomme „ totale qui aura été employée aux dé- „ penfes fufdites du cimetière de leur „ arrondiffement. 140. Que les paroiffèsde ,, chaque arrondifTement feront tenues de „ contribuer , dans la même proportion de ,, l'article précèdent , à la dépenfe 8c en- J3 tretien , gages 8c appointerons , (oit „ des eccléfiaftiques 8c luminaires , foit „ du char, des chevaux, du concierge & „ des fofToyeurs , foit du cimetière com- „ mun , foit du lieu du dépôt particulier „ à aucune des paroiflès de chaque ar- 3) rondiifement , 8c généralement à toute 33 dépenfe commune, de quelque nature ,, qu'elle puifle être. 150. Que pour fup- „ porter lefdites charges , il fera payé , „ par les héritiers ou les repréfentans les „ défunts, à la fabrique 'de chaque pa- „ roiife , un fupplément de fix livres par „ chaque enterrement des grands orne- 33 mens , 8c de trois livres pour chacun „ des autres, fiufceuxde charité 8c demi- 3, charité, peur raifon defquelsil ne fera 3, rien perçu , non plus que pour ceux 3J qui, en payant le double des frais or- 33 dinaires en tout genre , voudraient faire „ porter directement les corps de leurs J} parens au cimetière commun , (ans que 3} pour ce , l'on y puifle ouvrir aucune )3 fbffe particulière , s'il n eft préalable - E N T „ ment payé la fomme de trois cents „ livres qui fera employée aux dépenfes ,, communes des paroiffes de l'arrondif- „ fement ; & qu'il fera réfervé à cet effet „ un terrain de huit pies au pourtour „ intérieur des murailles de chaque cime- „ tiere , dans lequel efpace ne pourra „ être ouverte aucune foffe commune. „ 1 6°. Que la fofïe commune de chacun „ des huit cimetières fera renouvellée au „ plus tard trois fois dans l'année , 8c l'an- „ cienne comblée ; quand même elle ne „ feroit pas remplie ; favoir , une fois ,, depuis odobre jufqu'en avril , 8c deux ,, fois depuis le premier avril jufqu'au „ premier odobre. 170. Que l'ouverture ,, de la fofïe générale fera couverte 8c fer- „ mée par un affemblage de bois , fur „ lequel fera attachée une grille de fer „ fermant avec un cadenas. 1 8°. Défend „ au concierge 8c à tous autres de planter ,, aucuns arbres ou arbrifîcaux dans lefdits „ cimetières.» V. l'art. Cimetière. (A.A.) ENTERRER LES FUTAILLES, (Marine) , c'eft- à-dire, les mettre en partie, ou les enfoncer un peu dans le left du vaif- feau. (Z) ENTETER , verb. ad. c'eft , en termes d'Epinglier , attacher la tête à l'anfe , de manière qu'elle paroifïe y avoir été foudée. Cela fe fait dans le métier entre le poinçon 8c l'enclume. Voye^ Métier , Poinçon, Enclume , Epingle. ENTHLASIS, f.f. ( Chirurgie.) efpece de fradure du crâne faite par l'inftrument contondant , dans laquelle l'os eft brifé en plufieurs pièces avec dépreilîon , 8c plu- rieurs fentes qui fe croifent. Ce mot eft Grec , ïv$KA7tt , collifio , infraclio , fradure à plufieurs pièces , du verbe kvdhâa , in- fringo , je brife. Voye-^ Trépaner. ( Y) ENTHOUSIASME , f. mafe. ( Philof. ù Belles-Lettres.) Nous n'avons point de dé- finition de ce mot parfaitement fatisfaifante: je crois cependant utileau progrès des beaux- arts qu'on en cherche la véritable lignifica- tion , 8c qu'on la fixe , s'il eft poflible. Communément on entend par enthoujiafme, une efpece de fureur qui s'empare de l'efprit 8c qui le maîtrife , qui enflamme l'imagi- nation , l'élevé , 8c la rend féconde. C'eft un tranfport , dit - on , qui fait dire ou E NT faire des ehofes extraordinaires & furpre- nantes : mais quelle eft cette fureur &c d'où paît-elle ? quel eft ce tranfport , & quelle eft la caufe qui le produit ? C'eft là , ce me femble , ce qu'il auroit été néceilaire de nous apprendre , 8c dont on a cepen- dant paru s'occuper le moins. Je crois d'abord que ce mouvement qui élevé l'efprit 8c qui échauffe l'imagination , n'eft rien moins qu'une fureur. Cette dé- nomination impropre a été trouvée defang- froid , pour exprimer une caufe dont les effets ( quand on eft dans cet état paifible ) ne fàuroient manquer de paroïtre fort extraordinaires. On a cru qu'un homme devoit être tout- à- fait hors de lui-même , pour pouvoir produire des chofès qui met- toient réellement hors d'eux-mêmes ceux qui les voyoient ou qui les entendoient : ajoutez à cette première idée Yenthoujiafme feint où vrai des prêtres du paganifme , que la charlatanerie les engageoit à charger de grimaces 8c de contorfion , 8c vous trou- verez l'origine de cette faufîè dénomination. Le peuple avoit appelle ce dernier enthou- fiafme , fureur prophétique ; 8c les pédans de l'antiquité (autre partie du peuple peut- être encore plus bornée que la première ) donnèrent à leur tour à la verve des poètes, dont il n'eft pas donné aux efprits froids de pénétrer la caufe , le nom fuperbe de fureur poétique. Les poètes flattés qu'on les crût des êtres infpirés , n'eurent garde de détromper la multitude ; ils afiurerent dans leurs vers , au contraire , qu'ils l'étoient en effet , Se peut-être le crurent-ils de bonne foi eux- mêmes. Voilà donc la fureur poétique établie dans le monde comme un rayon de lumière tranfeendante , comme une émanation fu- blime d'en haut , enfin comme une infpi- ration divine. Toutes ces exprelïions en Grèce 8c à Rome étoient fynonymes aux mots dont nous avons formé en François celui à'enthoufafme. Mais la fureur n'eft qu'un accès violent de folie , & la folie eft une abfence ou un égarement de la raifon ; ainfi lorfqu'on a défini l'enthoufiafme , une fureur , un tranf- port , c'eft comme fi l'on avoit dit qu'il eft un redoublement de folie 3 par conféquent E N T î4} incompatible pour jamais avec la raifon. C'eft la raifon feule cependant qui le fait naître ; il eft un feu pur qu'elle allume dans les momens de fa plus grande fupériorité. Il fut toujours de toutes fes opérations la plus prompte , la plus animée. Il fuppofe une multitude infinie de combinaifons pré- cédentes , qui n'ont pu fe faire qu'avec elle & p?r elle. Il eft , fi on ofe le dire , le chef-d'œuvre de la raifon. Comment peut - on le définir comme on définiroit un accès de folie ? Je fuppofe que , fans vous y être attendu, vous voyiez dans fbn plus beau jour un excellent tableau. Une furprife fubitevous arrête , vous éprouvez une émotion géné- rale , vos regards comme abfbrbés reftent dans une forte d'immobilité , votre ame entière fe raflemble fur une foule d'objets qui l'occupent à la fois ; mais bientôt rendue à fbn activité , elle parcourt les différentes parties du tout qui l'avoit frap- pée , fa chaleur fe communique à vos fens, vos yeux lui obéiffent 8c la préviennent : un (ea vif les anime ; vous appercevez , vous détaillez, vous comparez les attitudes, les contraries , les coups de lumière , les traits des perfonnages , leurs pallions , le choix de l'action repréfentée, l'adre fie , la force , la hardiefle du pinceau ; 8c remar- quez que votre attention , votre furprife , votre émotion , votre chaleur feront dans cette circonftanceplus ou moins vives, félon le différent degré de connoiflances anté- rieures que vous aurez acquis , & le plus ou le moins de goût , de délicatefïe , d'ef- prit , de fenlîbilité, de jugement , que vous aurez reçu de la nature. Or , ce que vous éprouvez dans ce mo- ment eft une image (imparfaire à la vérité, mais fufïifante pour éclaircir mon idée,) de ce qui fe patîè dans l'ame de l'homme de génie , lorfque la raifon , par une opé- ration rapide , lui préfente un tableau frap- pant 8c nouveau qui l'arrête, l'émeut, le ravit , 8c l'abforbe. Obfervez que je parle ici de l'ame d'un homme de génie ; parce que j'entends par le mot génie , l'aptitude naturelle à rece- voir , à fentir , à rendre les imprefïions du tableau fuppofe. Je le regarde comme le pinceau du pintre , qui trace.les figures 544 E N T fur la toile , qui les crée en effet, mais qui eft toujours guidé par des infpirations pré- cédentes. Dans les livres , comme dans la converfation , on commence à partir du pinceau , comme s'il étoit le premier mo- teur. Le ftyle figuré chez des peuples inf- truits , tels que le nôtre , devient infènfi- blement le ftyle ordinaire ; 3c c'eft par cette raifon que le mot génie , qui ne déiigne que l'inftrument indifpenfable pour produire , a été fucceffivement employé pour exprimer la caufe qui produit. Obfervez encore que je n'ai point em- ployé le mot imagination , qu'on croit communément la ïource unique de Ven- thoufiafme ; parce que je ne la yois dans mon hypothefe que comme une des caufes fécondes , Ôc telle ( pour m'aider encore d'une comparaifon prife de la peinture ) , telle , dis- je , qu eft la toile fous la main du peintre. L'imagination reçoit le deflïn rapide du tableau qui eft préfenté à l'ame , ôc c'eft fur cette première efquiflè que le génie diftribue les couleurs. Je parle enfin , dans la définition que je propofe , d'un tableau nouveau ; car il ne s'agit point ici d'une opération froide ôc commune de la mémoire. Il n'eft point d'homme à qui elle ne rappelle lbuvent les différens objets qu'il a déjà vus: mais cène font là que de foibles efquiflès qui paftènt devant fon entendement , comme des ombres légères , fans furprendre , affec- ter , ou émouvoir fon ame , ne fuppo- fent que quelques fènfations déjà éprou- vées , & point de combinaifbns précédentes. Ce n'eft là peut - être qu'un des apanages de l'inftind ; j'entends développer ici un des plus beaux privilèges de la raiibn. Il s'agit donc d'un tableau qui n'a point encore été vu , d'un tableau que la raifon vient de créer , d'une image toute de feu qu'elle préfente tout-à-coup à une ame vive, exercée , ôc délicate ; l'émotion qui la îaifit eft en proportion de fa vivacité , de Ces con- noiflances , de fa délicateflè. Or , il eft dans la nature que l'ame n'é- prouve point de fentiment , fans former le defir prompt ôc vif de l'exprimer ; tous fes mouvemens ne font qu'une fucceflion continue de fentimens ôc d'exprefïions ; elle eft comme le cœur, dont le jeu ma- E N T chinai eft de s'ouvrir fans celte pour rece- voir ôc pour rendre : il faut donc qu'à l'afped fubit de ce tableau frappant qui occupe l'ame , elle cherche à répandre au dehors l'imprefllon vive qu'il fait fur elle. L'impulfion qui l'a ébranlée , qui la rem- plit , Ôc qui l'entraîne , eft telle que tout lui cède , ôc qu'elle eft le fentiment prédo- minant. Ainfi , fans que rien puiflè le dif- traire ou l'arrêter , le peintre faifît fon pinceau , ôc la toile fe colore , les figures s'arrangent , les morts revivent ; le cifeau eft déjà dans la main du fculpteur , ôc le marbre s'anime ; les vers coulent de la plume du poète , ôc le théâtre s'embellir de mille acfjons nouvelles qui nous intérefïènt ôc nous étonnent ; le muficien monte la lyre, ôc l'orcheftre remplit les airs d'une harmo- nie fublime ; un ipe&acle inconnu , que le génie de Quinault a créé , Ôc qu'elle em- bellit , ouvre une carrière brillante aux arts divers qu'il raflèmble ; des mafures dé- goûtantes difparoiftent , Ôc la fuperbe façade du Louvre s'élève ; des jardins réguliers ôc magnifiques prennent la place d'un terrain aride , ou d'un marais empoifonné ; une éloquence noble Ôc mâle , des accens dignes de l'homme font retentir le barreau , nos tribunes , nos chaires ; la face de la France change ainfi rapidement comme une belle décoration de théâtre ; les noms des Cor- neille , des Molière , des Quinault , des Lully , des Lebrun , des Bolfuet , des Perrault , des le Nôtre , volent de bouche en bouche , ôc l'Europe entière les répète Ôc les admire : ils font déformais des mo- numens immuables de la gloire de notre nation ôc de l'humanité. h'enthoujiafme eft donc ce mouvement impétueux , dont l'ellbr donne la vie à tous les chefs - d'œuvre des arts , ôc ce mouvement eft toujours produit par une opération de la raifon aufïi prompte que fublime. En effet , que de connoiffances précédentes ne fuppofe-t-il pas ! que de combinaifons i'inftruc~t.ion ne doit-elle pas avoir occafionées ! que d'études antérieu- res n'eft-il pas nécellàire d'avoir faites ! de combien de manières ne faut-il pas que la raifon fe foit exercée , pour pouvoir créer tout-à-coup un grand tableau auquel rien ne manque, ôc qui paroît toujours à E N T à l'homme de génie , à qui il fêrt cîe mo- dèle , bien fùpérieur à celui que fbn enthou- fiafme lui fait produire ! D'après ces ré- flexions puifées dans une métaphyftque peu abftraite , & que je crois fort certaine , j'oferois définir l'enthouiîafme une émotion vive de famé à tafpecl d'un tableau neuf & bien ordonné qui la frappe , & que la raifon lui préfente. Cette émotion , moins vive à la vérité , mais du même caractère , fe fait fentir à tous ceux qui font à portée de jouir des diverfès productions des beaux - arts. On ne voit point fans enthoufiafme une tragédie intéreifante , un bel opéra , un excellent morceau de peinture , un magnifique édi- fice , &c. ainfi la définition que je pro- pofe paroît convenir également , & à ïen- thoujiafme qui produit , & à ïenthoufiafme qui admire. Je crains peu d'objections de la part de ceux que l'expérience peut avoir éclairés , fur le point que je traite \ mais ce tableau fpirituel , cette opération rapide de la raifon , cet accord mutuel entre l'àme & les fens , duquel naît l'exprefîion prompte des impreffions qu'elle a reçues , paraîtront chimériques peut-être à ces efprits froids , qui fe fou viennent toujours , & qui ne créeront jamais. Pourquoi , diront-ils , dénaturer les cho- fes ? à quoi bon des fyftêmes nouveaux ? On a cru jufqu'ici ïenthoufiafme une ef- pece de fureur , l'idée reçue vaut bien la nouvelle , & quand l'ancienne feroit une erreur, quel défavantage en réfulteroit-il pour les arts ? Les grands poètes , les bons peintres , les muficiens excellens qu'on a crus & qui fe font crus eux - mêmes des gens iufpirés, ont étéauffi loin fans tant de métaphysique : on refroidit l'efprit , on sffoiblit le génie par ces recherches incer- taines ou au moins inutiles des caufes j contentons - nous des effets. Nous favons que les gens de génie créent \ que nous importe de lavoir comment ? Quand on aura découvert que la raifon eft le premier moteur àes opérations de leur ame , & non l'imagination , qu'on en a crue chargée jufqu'à préfent , penfè-t-on qu'on donnera du génie ou du talent à ceux à qui la nature aura refufé un don fi rare ? Terne XII. . ENT .* ■ M A ces objections générales je répondrai , i°. qu'il n'eft point d'erreur dans les arts , de quelque nature qu'elle foit , qu'il ne paroiife évidemment utile de détruire. 2°. Que celle dont il s'agit eft infiniment préjudiciable aux artiftes 6c aux arts. 3°. Que c'eft applanir des routes qui font encore allez difficiles , que de chercher , de trouver , d'établir les premiers principes. Les règles n'ont été faites que fur le mé- chanifme des arts j &. eu paroifTant les gêner , elles les ont guidés juftru'au point heureux où nous les voyons aujourd'hui. Que s'il eft poffible de porter des lumiè- res nouvelles fur leur partie purement Spiri- tuelle , fur le principe moteur duquel dé- rivent toutes leurs opérations, elles devien- dront dès-lors auffi fûres que faciles. Il en eft des arts comme de la navigation j on ne courait les mers qu'en tâtonnant avant la découverte de la bouffole. 4°. Ne craignons point d'affoiblir l'efprit, ou de refroidir le génie en les éclairant. Si tout ce que nous admirons dans les pro- ductions des arts eft l'ouvrage de la raifon , cette découverte élèvera lame de l'artifte , en lui donnant une opinion plus glorieufe encore de l'excellence de fon être } & de cette élévation attendez de nouveaux mi- racles , fans en craindre un plus grand or- gueil. La vanité n'eft le grand reifort que des petites âmes } le génie en fuppofe tou- jours une fupérieure. 5°. Les mots d'imagination , de génie , d'efprit , de talent , ne font que des termes trouvés pour exprimer les différentes opé- rations de la raifon : il en eft d'eux à -peu- près comme des divinités inférieures du paganifme : elles n'étoient aux yeux des fages, que des noms commodes pour expri- mer les divers attributs d'un Dieu unique j l'ignorance feule de la multitude leur fit par- tager les honneurs de la divinité. 69. Si ïenthoufiafme , à qui feul nous fbmmes redevables des belles productions des arts , n'eft dû qu'à la raifon comme caufe première } li c'eft à ce rayon de lu- mière plus ou moins brillant , à cette éma- nation plus ou moins grande d'un Etre fùprême , qu'il faut rapporter conftamment les prodiges qui forteut des mains de l'hu- manité j dès-lors tous les préjugés nuifibles Z z z 54* E N T à la gloire des beaux-arts font pour jamais détruits , & les nrtiftes triomphent. Ou pourra déformais être poète excellent , fans ceffer de palier pour un homme fage '■) un muficien fera fublime, fans qu'il foit indifpenfablement réputé pour fou. On ne regardera plus les nommes les plus rares comme des individus prefqu'inutiles , peut-être même s'imaginera-t-on un jour qu'ils peuvent penfer , vivre , agir comme îe refte des hommes. Ils auront alors plus d'encouragement à efpérer , & moins de dégoûts à foutenir. Ces têtes légères , or- gueilleufes & bruyantes , ces automates lourds &: dédaigneux qui décident en maî- tres dans la fociété , feront peut-être à la fin perfuadés qu'un artifte , qu'un homme de lettres tiennent dans l'ordre des chofes un rang fupérieur à celui d'un intendant qui les a fubjugués & qui les mine , d'un vil complaifant qui les amrne & qui les joue , d'un caifiier qui leur refufè leur ar- gent pour le faire valoir à fon profit , même d'un fècretaire qui fait mal leur befogne , & très-adroitement fa fortune. Au refte , foit que la vérité triomphe enfin de l'erreur , foit que le préjugé plus puiffant demeure le tyran perpétuel des opinions contemporaines , que nos illuftres modernes fe confolent & fe raffu- rent ; les ouvrages du dernier fiecle font regardés maintenant fans contradiction , comme des chefs - d'œuvre de la raifon humaine, & il n'eft pas à craindre qu'on ofè prétendre qu'ils ont été faits fans en- thoujiafme : tel fera le fort , dans le fiecle prochain , de tors ces divers monumens glorieux aux arts & à la patrie , qui s'élè- vent feus uos yeux. La multitude en eft frappée , il eft vrai , fans les apprécier ; Jes demi-connoiffeurs les difeutent fans les fèntir : on s'en occupe moins long-temps aujourd'hui que d'une parodie fans efprit , dent on n'a pas honte de rire : qu'importe , en feront-ils moins un jour l'école &: l'ad- miration de tous les efprits & de tous les âges ? Mais la définition que je propofe con- vieiît-elle à toute forte à'enthoufiafme & à toutes les efpeces de talens ? Quel eft le tableau , dira-t-on peut-être , que la raifon peut offrir à pejudre à l'art du mufiçieii l EN T Il ne s'agit là que d'un arrangement géo- métrique de tons , &c. L'éloquence d'ail- leurs eft fublime fans entkoujlafme , & il faut fupprimer de cet article tout ce qui a été dit des orateurs du fiecle dernier. Je répons , i°. qu'il n'exifte point de mufique digne de ce nom , qui n'ait peint une ou plufieurs images : fon but eft d'émouvoir par l'expreilion , & il n'y a point d'expreiîion fans peinture. Voye\ la queftion plus au long aux art. EXPRESSION , Musique , OpÉRA. 2°. Mettre en doute Yenthoufafme de l'orateur , c'eft vouloir faire douter de l'exiftence de l'éloquence même , dont l'objet unique eft de l'infpirer. Ce difeours qui vous émeut , qui vous intéreffe ou qui vous révolte } ces détails , ces images fuc- cefîives qui vous attachent , qui ouvrent votre cœur d'une manière infenfible à celui des fentimens que l'on veut vous infpirer , tout cela ifeft & ne peut être que l'effet de l'émotion vive qui a précédé dans l'a me de l'orateur celle qui fe glifle dans la vôtre. On fait une déclamation , une harangue , peut - être même un difeours académique fans enthoufiafme ; mais ce n'eft que de lui qu'on peut attendre un bon fermon , un plaidoyer tranfeendant , une oraifon funè- bre qui arrache des larmes. Voye[ Elo- CUTION. Je finis cet article par quelques obfèr- vations utiles aux vrais talens , & que je fiipplie tous ceux qui s'érigent en juges fouverains des arts de me permettre. Sans enthoujiafme point de création , Se fans création les artiftes & les arts rampent dans la foule des choies communes. Ce ne font plus que de froides copies retour- nées de mille petites façons différentes : les hommes difparoiflënt , on ne trouve plus à leur place que des Anges & des perroquets. J'ai dit plus haut qu'il y a deux fortes d'enthoujiajmes ; l'un qui produit , l'autre qui admire ; celui-ci eft toujours la fuite &: le falaire du premier , & la preuve cer- taine qu'il a été un enthoufiafme véritable. Il y a donc de faux enthoufajmes. Un homme peut fe croire des talens , du gé- nie , & n'avoir que des réminifeences ,, une facilité maUieureufe % & un peuçMufc ENT ridicule 9 qui en eft prefque toujours la fuite , pour tel genre ou tel art. Il n'eft point à'enthoufiafme fans génie , c'eft le nom qu'on a donné à la raifon au moment qu'elle le produit } ni fans talens , autre nom qu'on a donné à l'aptitude natu- relle de l'ame à recevoir Xenthoufiafme & à le rendre. Voye^ Génie , Talens. Venthoufiafme plonge les hommes privi- légiés qui en font fufceptibles , dans un oubli prefque continuel de tout ce qui eft étranger aux arts qu'ils profeffent. Toute leur conduite eft en général fi peu reffem- blaute avec ce que nous regardons comme les manières d'être , adoptées dans la fb- ciété , qu'on fe trouve porté , prefque fans le vouloir , à les regarder comme des ef- peces iingulieres \ ce n'eft rien moins qu'à Ja raifon qu'on attribue ce qu'on appelle leurs bizarreries ou leurs écarts \ de là tous les préjugés établis , & que l'inftruétion a bien de la peine à détruire. Mais a-t-on vu encore quelque efpece d'hommes par- faite ? en trouve-t-on beaucoup qui portent une raifon fupérieure dans plufieurs genres ? qu'il nous fuffile de dire qu'on rencontre communément dans les vrais talens une bonne foi comme naturelle , une franchise de caradtere , & fur-tout l'antipathie la plus décidée pour tout ce qui a l'air d'in- trigue ? d'artifice , de cabale. Penfè-t-on que ce foit là un des moindres ouvrages de la raifon ? Aufti lorfque vous verrez un homme de lettres , un peintre , un mufi- cien fouple 7 rampant , fertile en détours , adroit courtifan , ne cherchez point chez lui ce que nous appelions le vrai talent. Peut-être aura-t-il des fuccès : il en eft de paffagers que la cabale procure. Ne foyez point iùrpris de le voir envahir toutes les places de fon état , & celles même qui paroifTent lui être le plus étrangères ^ il a la forte de mérite qui les donne : mais un nom illuftre , une gloire pure & durable , cette confédération flatteufe ? apanage ho- norable des talens diftingués , ne feront jamais fon partage. La charlatanerie trompe les fots , entraîne la multitude , éblouit les grands :, mais elle ne donne que des îouillànces de peu de durée. Pour produire des ouvrages qui relient , pour acquérir une gloire que la poftérité confirme , il ENT 547 faut des ouvrages 6c des fuccès qui réfîf- teiit aux efforts du temps , & à l'examen des fages ; il faut avoir fenti un enthow- fiafme vrai , & l'avoir fait paffer dans tous les efprits } il faut que le temps l'entre- tienne , & que la réflexion , loin de l'étein- dre , le juftifie. Il eft de la nature de Xenthoufiafme de fè communiquer & de fe reproduire } c'eft une flamme vive qui gagne de proche eu proche , qui fê nourrit de fon propre feu , & qui , loin de s'afïoiblir en s'étendant , prend de nouvelles forces à mefure qu'elle fè répand & fe communique. Je fuppofe le public affemblé pour voir la repréfentation d'un excellent ouvrage ; ia toile fe levé , les adfceurs paroifTent , l'action marche , un tranfport général in- terrompt tout- à-coup le fpeclacle } c'efl Xenthoufiafme qui fè fait fentir, il aug- mente par degrés , il pafTe de l'ame des acteurs dans celle des fpecfateurs j & re- marquez qu'à mefure que ceux-ci s'échaufi- fent , le jeu des premiers devient plus ani- mé j leur feu mutuel eft comme une balle de paume que l'adreflè vive & rapide des joueurs fè renvoie \ c'eft là où nous devons toujours être fûrs d'avoir du plaifir en pro- portion de la fènfibilité que nous mon- trons pour celui qu'on nous donne. Dans ces fpeclacles magnifiques , au contraire , que le zèle le plus ardent pré- pare , mais où le refpedt, lie les mains , vous éprouvez une efpece de langueur à- peu-près vers le milieu de la repréfenta- tion \ elle augmente par degrés jufqu'à la fin , & il eft rare que l'ouvrage le plus fait pour émouvoir ne vous laiife pas dans un état tranquille. La caufe de cette forte de phénomène eft dans l'ame de l'adleur & du fpedtateur. On ne verra jamais de re- préfentation parfaite , fans cette chaleur mutuelle qui entretient la vivacité de celui qui repré fente , & le charme de ceux qui l'écoutent } c'eft un méchanifme confiant établi par la nature. Uenthoufiafme de ce genre le plus vif s'éteint , s'il ne fe commu- nique. Il y a en nous une analogie fecrete entre ce que nous pouvons produire & ce que nous avons appris. La raifon d'un homme de génie clécompofe les différentes idées Zzz z 54» E N T qu'elle a reçues , Se les rend propres , 5c en forme un tout , qui , s'il eft permis de s'exprimer ainfï , prend toujours une phy- lîonomie qui lui eft propre : plus il acquiert de connohTances , plus il a raffemblé d'i- dées j & plus fes momens à'entàou/iafme font fréquens , plus les tableaux que la rai- fon préfente à foa ame font hardis , no- bles , extraordinaires , &c. Ce n'eft donc que par une étude aflldue & profonde de la nature , des parlions , des chefs-d'œuvre des arts , qu'on peut dé- velopper , nourrir , réchauffer , étendre le génie. On pourroit le comparer à ces grands fleuves , qui ne paroilfent à leur fburce que de foibles ruiiîèaux : ils cou- lent , Serpentent , s'étendent :, &. les torrens des montagnes , les rivières des plaines fe mêlent à leur cours , groftiffent leurs eaux , ne font qu'un feul tout avec elles : ce n'eft plus alors un léger murmure , c'eft un bruit impofant qu'ils excitent :, ils roulent ma- jeftueufement leurs flots dans le fein de l'o- céan , après avoir enrichi les terres heu- reufès qui ont été arrofées. Voilà l'examen philofophique de X enthoufiafme ; voyez à ïarticle ECLECTISME un abrégé hiftorique de quelques-uns de fes effets. (S) ENTHOUSIASTE, f. m. ( Phihf. & Seaux-Arts. ) perfonne qui eft dans J'en- ihoufîafme. Voye\ ENTHOUSIASME. Ce mot , féparé du Sens qu'on lui donne dans les beaux-arts , fè prend Souvent en mauvaiSè part pour défîgner un fanatique. Voyei Fanatique. (G) * ENTHOUSIASTES , f. m. pi. {Hijf. eccl. ) nom d'anciens fe&aires , les mêmes que ceux qui ont été appelles Majjalienk , Enchites. Ou leur avoit donné ce nom , à ce que dit Théodoret , parce qu'étant agités du démon , ils croyoient avoir de vérita ibles inipirations. On donne encore aujour- d'hui le nom REnthoufiajles aux Anabap- tiftes , aux Quakers ou Trembleurs , qui iè croient remplis d'une inspiration divine , & Soutiennent que la fainte Ecriture doit £wc expliquée par les lumières de cette inS- piration. Voye{ Quaker , ô>c. (G) * ENTHRONISTIQUE , adjeft, pris fiibft. ( Hiji. eccl. ) fomme d'argent déter- E NT minée que les eccléfiaftiques du premier ordre étoient obligés de payer pour être inftallés. ENTHYMEME , f. m. {Logique.) eft un argument qui ne comprend que deux proportions , l'antécédent , & le confé- quent qu'on en tire. Il faut cependant obfcrver que c'eft un Syllogifme parfait dans l'efprit > mais imparfait dans l'expref- Sïon , parce qu'on y Supprime quelqu'une des propositions , comme trop claire &: trop connue , & comme étant facilement fup- pléée par l'efprit de ceux à qui on parle. Cette manière d'argument eft fi commune dans les difcours & dans les écrits , qu'il eft rare , au contraire , qu'on y exprime toutes les proportions. L'efprit humain eft flatté qu'on lui laiflë quelque chofe à fuppléer } fa vanité eft fatisfaite qu'on Se remette de quelque chofe à Son intelli- gence : d'ailleurs , la fuppreiîion d'une pro- position , affez claire pour être Suppoiée , en abrégeant le difcours ? le rend plus fort & plus vif. Il eft certain , par exemple , que Si de ce vers de la Médée d'Ovide , qui contient un enthymeme très- élégant , Servare potui ? perde re an pojfim rogas ? on en avoit fait un argument en forme , toute la grâce eu feroit ôtée : &: la raifon en eft , que comme une des principales beautés d'un difcours eft d'être plein de feus , & de donner occafion à l'efprit de former une penfée plus étendue que n'eft l'expreffion , c'en eft au contraire un des plus grands défauts d'être vuide de fens , & de renfermer peu de penfées , ce qui eft prefque inévitable dans les Syllogifmes philofophiques , où la même penfée eft pefamment renfermée dans trois proposi- tions. C'eft ce qui rend ces fortes d'argu- meus Si rares dans le commerce des hom- mes \ parce que , fans même y faire ré- flexion , on s'éloigne de ce qui ennuie , & l'on fe réduit à ce qui eft précifément néceffaire pour Se faire entendre. II arrive aufli quelquefois que l'on ren- ferme les deux proportions de ï enthymeme dans une feule proposition , qu'Ariftote appelle pour ce Sujet fentence enthyméma- EN T tique. Tel cft ce vers qu'il cite lui-même d'Euripide , fi je ne me trompe : Mortel , ne garde pas une haine immortelle. Tel eft encore ce vers de Racine : Mortelle ,fubijftl le fort d'une mortelle. Voyei Logique, Syllogisme. Article de M. FORMEY. * ENTICHITES , f. m. pi. {WJl. eccl.) eft le nom .qu'on a donné à certains lèc- tateurs de Simon le Magicien , dans le premier fiecle. Ils célébroient des facrifi- ces abominables, dont la pudeur défend de rapporter la matière 8c les circonftances. (G) ENTIENGIE , f. f. {Hijl. nat. Ornitho- logie.) oifeau d'Afrique qui fe trouve dans le royaume de Congo , 8c dont la peau eft de différentes couleurs 8c mouchetée. On raconte , entr'autres merveilles de cet oifeau , que lorfqu'il pofe le pié a terre il meurt auffi-tôt : ce qui fait qu'il vole d'arbre en arbre , ou fe foutient dans l'air. Il eft environné de petits animaux noirs , que les habitans du pays nomment embis^ ou embas , qui l'accompagnent comme des fatellites quand il vole : on prétend qu'il y en a dix qui le précèdent , 8c autant qui le fùivent. Sa peau eft regardée comme une chofè fi précieufe , qu'il n'eft permis d'en porter qu'au roi , 8c aux princes à qui il accorde cette prérogative. Les au- tres rois du pays , tels que ceux de Loango , Cacongo 8c Goy , envoient des ambaiTades folemnelles à celui de Congo , pour en ob- tenir des peaux de cet oifeau. Hubner , Dicl. .^univ. ENTIER, adj. {Géométrie.) Nombre en- tier. V. Nombre. - Entier , adj. {Manège.) Un cheval eft dit entier , lorfque , parfaitement réfolu & déterminé en avant 8c par le droit , il pèche par le défaut d'une franchife abso- lue , en refufànt de tourner à l'une ou à l'autre main, ou à toutes les deux enfemble. Quelques auteurs ont cherché dans le plus ou- le moins d'obftination de l'animal , les raifons d'une diftin£r.ion qu'ils ont faite , mais qui n'a pas été généralement adoptée : ENT 54p ils fondent en effet la différence qu'ils nous propofent , fur la rélîftance que le cheval oppofe au cavalier qui le follicite à l'action dont il s'agit. Si l'animal obéit enfin , 8c cède à la force , ils le nomment entier ; mais s'il ne peut être vaincu , s'il perfifte dans fa défobéiffance , s'il fe précipite en avant , ou du côté oppofé à celui fur lequel on veut le mouvoir , ils le déclarent rétif fur les voltes. Je ne prévois point les avantages que nous pourrions tirer de la confidération de ces dénominations diverfes \ 8c il fèroit aifez fùperflu d'élever ici une difpute de mots. Que l'opiniâtreté du cheval foit plus ou moins invincible , le vice étant toujours le même , il nous fera fans doute plus utile d'en rechercher les caufês , 8c d'examiner quels peuvent être les moyens de l'en cor- riger. En général , tous les chevaux fê por- tent plus naturellement 8c plus volontiers à la main gauche qu'à la main droite. Les uns ont attribué cette inclination 8c cette facilité , à la fituatiou du poulain dans le ventre de la mère \ ils ont pré- tendu qu'il y eft entièrement plié du côté gauche : les autres ont foutenu que le cheval , fe couchant le plus fouvent fur le côté droit , contracte l'habitude de plier le cou 8c la tête à la main oppofée. Il me paroît plus fimple de rapporter la plus grande liberté dont il eft queftion , à l'habitude dans laquelle font les palefre- niers d'aborder 8c d'approcher l'animal du côté gauche dans toutes les cccafions , foit qu'il s'agiftè de l'attacher , de le bri- der , de le feller , ou de lui diftribuer le fourrage : ainfî toutes ces raifons font fuf- fifantes pour nous autorifer à penfer que , s'il lui eft plus libre de tourner à cette main , il ne doit la franchife qu'il témoi- gne à cet égard , qu'aux foins que nous avons de la favorifer nous-mêmes. Une des plus fortes preuves qu'on en puifîe don- ner encore , eft la rareté des chevaux qui ont plus de pente à fè porter fur la main droite : il en eft néanmoins , & l'expérience nous a appris que ceux-ci font d'une nature plus rebelle \ il faut beaucoup de temps 8c de patience pour les réduire 8c pour les fbumettre. S^o E N T Lorfque la réfiftance du cheval entier provient d'une douleur où d'une foiblelfe occafionée par quelques maux qui affec- tent quelques parties , les reflources de l'art font impuilfantes , à moins qu'on ne puiiîè rendre à ces mêmes parties leur in- tégrité & leur force : àinn dans un cas où un accident à un pié , à une épaule , à une jambe , l'obligera à refufer de fe prêter fur le côté fenfible , & où un effort de reins , une courbe , des éparvins , &c. l'empêchant de s'appuyer fans crainte fur les jarrets , le porteront à redouter l'action de tourner dans le fens où il ne pourroit que foufTrir , il cft aifé de concevoir que la première tentative à laquelle on doit fe livrer , eft celle qui tendra à la cure &: à la guérifbn des unes ou des autres de ces maladies^ J'avoue qu'il eft cependant des moyens de foulager les parties fouffrantes , & de diminuer le poids dont elles doivent être chargées dans les mouvemens divers qu'on imprime à l'animal \ mais tout che- val , dans lequel de pareils défauts fubfif- tent ', ne peut jamais jouir de cette facilité, d'où dépendent & fou exacte obéifîance , & la grâce & la jufteffe de fon exécu- tion. Quoiqu'il foit certain que tous les che- vaux ne naiffent pas avec une même dif- pofition dans les membres , une même ibupleftè, une même aptitude &une même inclination , il en eft très-peu qui foient naturellement entiers. Ils n'acquièrent ce vice que conféquemment à de mauvaifes leçons j & il fuffiroit d'envifager les actions de la plupart de ceux qui les exercent , pour en dévoiler les caufes les plus ordi- naires , & de pratiquer le contraire de ces mêmes actions , pour en diftraire l'animal. Notre première attention , quand il s'agit de commencer à gagner le confèutement des poulains , ainfi que des chevaux faits , doit être de les déterminer en avant , in- fenliblement & avec douceur : lorfqu'ils feront habitués à fuivre les lignes droites , iùr lefquelles nous les faifons cheminer , &: qu'ils feront accoutumés aux objets qu'ils peuvent rencontrer fur ces mêmes lignes , nous pourrons les en détourner E N T légèrement ; c'eft-ù-dire , non en les por* tant tout-à-coup far une autre ligne droite, mais en attirant peu -à -peu leurs épau- les , ou en dedans , ou en dehors , fi rien ne nous gêne , de (.elles qu'ils décri- voieut } de manière qu'ils en tracent une diagonale , fur laquelle nous les maintien- drons quelque temps , pour leur en faire reprendre toujours de nouvelles. On doit remarquer qu'en en ufant ainfi , nous leur fuggérerons , fans les révolter par des mou- vemens forcés , & fans qu'ils s'en apper- çoivent , une action directement oppofée à celle des chevaux entiers , qui ne fe défendent & ne fe fouftraient aux effets de notre main , qu'en refufant de s'élar- gir du derrière , &: qu'en roidiflant & en préfentant la croupe dans le fens où nous voudrions mouvoir leur avant-main. De cette leçon fur les diagonales , on revient à celles par lefquelles nous avons débuté : à celles-ci ou fubftitue d'autres lignes droites , fur lefquelles on entre en tournant à moitié l'animal : enfin , on le j travaille fur les cercles larges , que l'on refferre toujours par gradation , félon fon plus ou moins de foupleffe & de volonté , & l'on parvient , par ce moyen , à le rendre également libre & obéilFant à tou- tes mains. Mais fi , d'une part , cette diftributien variée du terrain dégage le cheval de toute contrainte , & accroît fans ceffe en lui la facilité d'exécuter , il faut néceffairement que , de l'autre , le cavalier , par la précipitation & la finefTe avec laquelle il agira , obvie à la trop grande fujétion & à la furprife , qui ne naiffent que trop fouvent des aides fortes & précipitées \ car l'action violente de la main &: des jambes eft une des princi- pales fburces de l'obftination de l'animal: une impreffion fubite fur les barres l'étonné & le blelfe } la tenfion forcée & conti- nuée de la rêne , jufqu'au moment où il devroit fè rendre , l'engage plutôt à fe roidir contre la main , qu'à en reconnoî- tre le pouvoir. Il eft donc de la dernière importance que le cavalier, tenant les rê- nes fëparées dans l'une & l'autre de fes mains , attire la tête fur le côté où il fe propofe de le tourner , non dans un fèul &, même temps , 6c par un feul & même E N T mouvement, mais en l'y incitant imper- ceptiblement & à diverfes reprifes \ c'eft- à - dire , e;i diminuant ]e premier effort fuivi & augmenté de la main , &. en re- venant fucceffivemeiit à ce même point d'effort , qui ne doit nullement être con- tredit par aucun effet de la rêne oppofée , puifque cet effet ne tendroit qu'à dé- truire celui de la rêne qui eft chargée d'opérer. Les actions des jambes ne contribuent pas moins à lùfciter la révolte du cheval & à le confirmer , quand elles font faites mal-à-propos , fans befoin , ou avec trop de dureté & de rigueur. i°. Bien - loin d'aider l'animal , elles hâteront fes dé/or- dres , & les lui fuggéreront , lorfqu'elles s'effectueront fur l'arriere-main , de ma- nière à le déterminer dans le fens où le cavalier veut mouvoir l'épaule : ce qui arriveroit , par exemple , fi la jambe gau- che étoit approchée du corps , lorfque la rêne droite eft tirée & éloignée du corps du cheval , dans l'intention de le tourner de ce même côté , &c. car , en ce cas , le port de la croupe à droite feroit le réfultat de l'appui de cette jambe \ & il eft incon- teftable que l'animal ne peut obéir à la main qui le tourne , que fon extrémité poftérieure ne fbit follicitée du côté con- traire. Si ,' en fécond lieu, quoique nous trouvions dans la foumiiîion de l'animal des raifons de ne point recourir à d'autre puiffance que celle de notre main , nous nous fervons indifféremment de la jambe :, car , que ne peuvent pas la routine & l'habitude ? ou fi l'aide qui en partira eft violente & peu modérée , il n'eft pas douteux que ces mouvemens inutiles & iadiferets feront naître dans le cheval une crainte capable de lui infpirer à la fin la haine & l'averfion de la volte ; ainfi , en réfumant en peu de mots tous les détails dans lefquels je vieus d'entrer , pour in- diquer les voies de réfoudre l'animal aux deux mains , on verra que l'oii ne doit , dans prefque toutes les circonftances , ac- eufèr de fon irréfolution , i°. que la force & la dureté de la main du cavalier } z°. la fauffe application ou la rigueur des aides qu'il a employées j 30. le peu d'attention «ju'ijl a eu de faire pafTer kfèniiblemeiit t E N T î5i le cheval d'une aétion aifée à une action plus difficile , en diverflfîant fes leçons , & en lui faifant parcourir différentes li- gnes } 40. l'ignorance avec laquelle il a exigé de lui , en le rétrecifîant &. en le tournant , pour ainfi dire , de côté & d'autre fur lui - même , des mouvemens dont il ne peut être vraiment & franche- ment fufceptible , qu'autant qu'il a été en quelque façon affoupi , &c. Les mêmes règles preferites pour pré- venir le défaut dont il s'agit , doivent être mifes en ufage pour y remédier , eu égard aux chevaux qui l'ont con- tracté : j'ajouterai néanmoins ici quelques réflexions. Il faut , lorfqu'on fe propofe de com- battre ce vice , tâcher de reconnoître d'où il procède , & étudier le caractère de l'ani- mal : les meilleurs moyens de le vaincre , font ceux qui font les moins contraires à fon naturel : on ne rifque rien de le ra- mener par la douceur , on rifque tout lors- qu'on tente de le fubjuguer par les châti- mens : s'il eft mélancolique & flegmatique, il perd le courage & la vigueur } s'il eft colère , s'il eft aclif , il fe défefpere. Il s'agit donc de réformer avec patience la mauvaife habitude qu'il a prifè , & de fe perfuader fur-tout que fon obftination aug- mente toujours par la nôtre. On doit en- core éviter de lui fuggérer le defir de fe défendre : travaillons - le d'abord par le droit , & fur le côté où il eft libre 3 la faci- lite de cette main pourvoira à celle de l'autre , & nous l'attirerons , avec le temps , fur celle à laquelle il refufe d'obéir : plions- le dans une feule & même place à cette même main ; tirons l'encolure de cet état de roideur dans lequel elle peut être :, pré- férons les leçons clu pas dans lefquelles il. nous eft plus aifé de dominer le cheval & de fortifier fa mémoire j contraignons-le , en un mot , de perdre jufqu'au moindre fbuvenir de fes déréglemens , par la voie des careffes j & enfin, fi nous, y femmes forcés , par des moyens rigoureux , dont l'ufage ne devroit néanmoins appartenir qu'à? de véritables maîtres, (e) ENTIERCEMENT , i. m. (Jwifpr.)- terme de coutume qui fîgnifie enlèvement d'une chofe mobilière & mife en main tierce-^ 55* £ N T ainfî que le dit Dumoulin -fur l'a/'/. 454 de la coutume d'Orléans. Cet ufage eft fort ancien *, car on trouve dans les loix faliques & ripuaires , Ôc dans les capitulaires de Charlemagne & de fes enfans , intertiare & res intertiata , pris dans le même fèns que l'on entcird ici Yen- tiercement. La coutume d'Orléans , art. 454 , dit que la chofe mobilière étant vue à l'œil , c'eft-à-dire , reconnue dans un marché , foire ou place publique , peut être cn- tiercée , fauf le droit d'autrui , c'eft-à-dire , que fans qu'il foit bcfoin de permiflion de juftice , ei'e peut -être enlevée & mile eu main tierce. Ce droit de fuite s'exerce ordinaire- ment par ceux auxquels on a volé ou détourné quelque meuble , comme un cheval qu'en auroit détourné d'une mé- tairie , & que l'on retrouve expofé en vente dans un marché ou foire publique. Pour entiercer une chofe dérobée ou per- due , il faut la faire voir à l'huiflier ou fer- gent, lequel peut enfuite l'enlever , comme le dit la coutume. Lorfque des meubles ont été vendus en juftice , ou dans une foire ou marché , il n'y a plus lieu à \ entier cernent. Celui fur qui la chofe eft entzerce'e , & ceux qui peuvent y avoir intérêt , ont le droit de s'oppofer à X entier cernent ; & fur l'oppofition , c'eft à celui qui entierce, comme étant demandeur, à prouver que la chofe Jui appartient. Lorfqu'un créancier , en faifant faifir & arrêter les meubles & effets de fon débi- teur, reconnoît parmi les meubles faifis quelques effets appartenans à lui faififtant, alors , fuivant le même article 454 , il peut à cet égard convertir fa faille en tn- tiercement , pourvu que la chofe ait été vue à l'œil par le fèrgent qui a fait la faifie. Au furplus, X article 445 défend à tous fergens & autres perfonnes d'entrer en la maifon d'autrui pour faire entiercer & en- lever les biens étant en icelle , fans autorité de juftice : la préfence du juge eft même quelquefois néceflàire. Voye-{ la coutume de Dunois , art. 93 , & le glojf, de Lauriere au mot EHtiercement, ( A ) ENTOILAGE , Ç m. ( Commerce.) On donne en général ce nom dans tous les ajuftemens en linge , en dentelle, &c. à tout ce qui fert de foutien ou de monture à quelque autre partie de rajuftemcnt d'un travail plus fin , plus délicat , & plus pré- cieux. L'entoilage a lieu dans les tours de gorge , les garnitures , les manchettes , &c C'eft ou de la mouflèîine qui foutient de la dentelle , ou une dentelle moins belle qui en foutient une plus belle , 6 c. ENTOILER, v. au. c'eft coller fur une toile une eftampe , une thefe , un défini j pour cet effet , on palîè de la colle faite avec de l'eau & de la farine bouillie fur une toile tendue fur un châflîs , fur laquelle on applique l'eftampe ou deflui qu'on veut y coller , après quoi on met un papier deffus , fur lequel on frotte en appuyant , pour que la colle prenne bien par-tout , & qu'il ne refte point de vent. ( R ) ENTOIRS , ( Jardinage. ) Voye^ GREF- FOIRS. ENTOISER , v. a&. terme de Maçon.' nerie , c'eft arranger carrément des maté- riaux , comme moellons & plâtras , pour enfuite en mefîirer le cube. ( P ) ENTONNER, v. aét. en Mufique, c'eft former jufte avec la voix les fbns & les intervalles que l'on s'eft propofés. Les con- fonnances Amples & les petits intervalles font faciles à entonner ; mais il y a plus de difficulté à entonner de grands intervalles , fur-tout quand ils font diftonans , parce qu'alors la glotte fe modifie fclon des rap- ports plus grands & plus compofés. Entonner eft encore commencer le chant d'une hymne , d'un pfeaume , d'une an- tienne , pour en donner le ton à tout le chœur. ( S ) ENTONNER , terme d'économie rufti- que , de marchand de vin & de brajfeur y c'eft remplir les tonneaux de vin & de bière. ENTONNERIE , f. f. terme de Braf- feur ; c'eft un lieu placé au defîbus des cuves , où font rangés des tonneaux qu'on remplit de bière à mefure qu'elle fe fait. ENTONNOIR , f. m. ( Anatomie. ) '. cavité ou fouette affez profonde , qu'on découvre E N T E N T 553 découvre dans la partie inférieure du troi- que ceux que les diffections démontrent fieme ventricule du cerveau , & dont l'on verture évafée , le retrécifîânt infcniible- ment , aboutit à la glande pituitaire , qui eft logée dans la cavité de la {elle turci- que. L'entonnoir a , dit-on , deux ouver- tures ; l'une , qu'on appelle aujourd'hui ouverture antérieure commune , parce qu'elle communique avec les ventricules latéraux ; & l'autre , qu'on nomme ouverture com- mune pofle'rieure , parce qu'elle communi- que au cervelet , fuivant l'hypothelè géné- ralement reçue. Mais ces deux ouvertures de Y entonnoir , & les communications qu'on lui attribue , font-elles bien certaines? Du moins tout le monde n'en convient pas. M. Lieutaud, par exemple , croit s'être affuré du con- traire par les adminiftrations multipliées ; cet anatomifte , loin d'admettre aucune cavité dans l' entonnoir , a trouvé que cette partie du troifieme ventricule du cerveau ( qu'il nomme tige pituitaire , à caufe de là folidité ) eft une elpece de cylindre de deux à trois lignes de hnuteur , formé par la fubftance cendrée , & recouvert de la pie-mere. Il a encore obfervé que ce cy- lindre eft nourri dans fon axe par de très- petits vaiffeaux , lefquels communiquent avec ceux de la glande pituitaire , qui reçoit cette colonne ou qui la foutient. ( * ) Je ne prétends point ici que M. Lieu- taud ait raifon , & que les autres anato- raiftes foient dans l'erreur ; je ne décide rien entre les maîtres de l'art , moi qui ne fuis qu'un écolier. Je dis feulement que tout ce qui regarde la ftrudure des diverfes parties du cerveau , eft entière- ment fujet à un nouvel examen , non de découvrir quelque chofe de leurs fonc- tions , puilque la nature a pris à tâche de nous en voiler le myftere , mais parce qu'il eft important de. n'établir pour faits clairement à tout le monde , fans aucune contradiction. Auflî nous garderons -nous bien d'expofer dans ce livre des opinions anatomiques, fans tracer en même temps l'hiftoire des doutes & des incertitudes. Article de M. le Chev. DE Ja uco ur t. ENTONNOIR, inft rumen t de Chirurgie dont on fe fert pour conduire le cautère actuel fur l'os unguis dans l'opération de la fiftule lacrymale , afin d'en détruire la carie. Cet entonnoir eft d'acier , fon pavil- lon a fept lignes de diamètre , fon extré- mité inférieure deux & demie ; cette ex- trémité eft taillée en talut pour s'accom- moder au plan incliné de l'os. La. Ion-, gueur de ï'inftrument eft d'environ un pouce & demi ; on le tient avec un man- che plat de la même matière , foudé fur le côté du p'avillon. On ne fe fert plus du cautère actuel , ni par conféquent de Yentonnoir dans cette maladie , à caufe de l'inflammation & d'autres accidens fâcheux qui en réfultent. Voye\ FISTULE LACRYMALE. ( Y) ENTONNOIR, ( Pharmacie^ Chymie.) Outre l'ufage ordinaire de Yentonnoir qui eft connu de tout le monde , il y en a encore plufieurs autres , foit en pharmacie , foit en chymie ; on s'en fert très-commo- dément pour filtrer , ou , pour mieux dire, pourfoutenir les filtres ( voye^FlLTRE , ) & pour féparer les huiles eiîentielles de l'eau qui les a accompagnées dans la diftila- tion , &c. Voye\ HUILE ESSENTIELLE. Les entonnoirs dont on fe fert plus com- munément dans les laboratoires , font de verre, & ce font en- effet les meilleurs pour la filtration des fels , des fucs de parce qu'il faut efpérer , en s'y dévouant , plantes , de fruits , du petit lait , &c. Ceux qui font faits d'étain ou de fer-blanc peu- vent fervir en bien des cas , mais il taut avoir foin de n'y point fihrer des liqueurs qui pourroient les attaquer. Ceux de fer- (*) C'eft Ridley, qui a découver: que Yentonnoir eft fol:de:la chofe eft allez difficile à mettre au net. Nous nous ibmmes fervis du gel , & il nous a paru qu'il n'y a en efier aucune ca-vicé dans ce prétendu entonnoir. L'anatomie nous fournit dans les poiilons de quoi appuyer une conjecture : ces animaux ont une g'.an-.e pituitaire placée comme dans l'homme ; il en fort comme un filet nerveux qui s'unit au nerf olfactif. Dans l'homme , la glande pituitaire a dans le pofîéneur cie fes lobes de la fubftance coïticale , & dans l'antérieur , de la moelle ; cela promet bien la production d'un filée nerveux. L'entonnoir ne feroic-il pas ce filet même recouvet de la pie-mere ,. que les deux fubitances de la glande ont produit, & qui va s'unir au cerveau. La pie-mere qui accompagne le prétendit entonnoir, s'épanouit, & recouvre la glande pituitaire. {H,D. Ç.J Tome XII. Aaaa 554 ENT blanc font les plus mauvais , ils font trop fujets à la rouille , aufîi s'en fert-on fort peu. On doit toujours leur préférer les entonnoirs de verre : ces derniers , à la vé- rité, font fortfyj^fs à fe cafler; & fouvent même , fans qu'on les touche , ils fe fendent d'eux-mêmes d'un bout à l'autre, quel- quefois en ligne droite , quelquefois en fpi- rale : ils ne Ibnt pas pour cela hors d'état de fervir, on rapproche exactement leurs par- ties , & avec du blanc d'œuf & de la chaux éteinte à l'air , on fait une pâte li- quide , qui , étendue fur du linge y & ap- pliquée de diftance en diflance fur les fê- lures , les contient , & met Yentonnoir en- état de fervir comme auparavant. Voye\ .Vaisseaux chymiques. \J entonnoir effaullî mis en ufage pour porter la fumée de certains remèdes fur les dents , dans l'anus & 'dans le vagin. Voye\ SUFFUMIGATION. {b) Entonnoir , ( An mil. ) dans l'artil- lerie , efl Pincavation ou l'efpece de trou que les mines font en fautant ou en jouant. On l'appelle ainfi , à caufe de fa reffemblance à un entonnoir renverfé. V. MlNE. (Q) ENTONNOIR, en terme de Blanchijferie, eff un pot de cuivre évafé , ayant un bec & un manche : il n'eff guère d'ufage dans les blanchiilerics. ENTONNOIR , infiniment de Tonnelier, c'cfl un vaiffeau fait ordinairement de fer-blanc , en forme de cône , à la pointe duquel efl un cou plus ou moins long , fuivant l'ufage auquel on le deftine : on -s'en fert pour entonner du vin dans des futailles. Il y a deux fortes d'entonrïoirs : de pe- tits , pour tirer le vin en bouteilles ; & de grands , pour remplir les tonneaux de vin fans le troubler. Ceux-ci ont un long cou bouché par l'extrémité , mais garni de petits trous dans fa longueur. ENTORSE , f. f. terme de Chirargit , mouvement dans lequel une articulation cil forcée , fans que les os fouffrent de déplacement fenfible. Les mouvemens des articulations ne peuvent être portes au delà des bornes naturelles , fans que les • ligamens , deftinés à borner ces mouve- mens , ne foient forcément alongés^ ou rompus. Ces extenfions violentes > & les ENT ruptures plus ou moins confidérables des tendons & même des muicles , occafio- nent plus ou moins d'accidens , parmi les- quels la douleur & le gonflement fe ma- nifestent d'abord. Les entorfes du pic font les plus communes ; elles lbnt la fuite des faux pas. Les douleurs font très-vives , & l'inflammation proportionnée à la iènfïbi- lité des parties affeclées & à l'effort qu'elles ont fouffert. La rupture des ligamens & des capfules articulaires occafione , afïez fouvent , l'épanchement de la fynovie , dont l'altération peut ulcérer les parties , carier les os , & produire des maladies très-lon- gues , fouvent incurables & même mortelles. Pour prévenir ces fâcheux accidens , il faut , s'il eil poflible , dans l'inflant que Yentorfe efl arrivée , plonger la partie dans un leau d'eau très - froide. Ce répercuilif empêche l'épanchement de la fynovie , prévient l'inflammation , & appaife la dou- leur. Si l'on n'a pas employé ce moyen fur le champ , il faut faigner copieufement , preferire une diète févere , tenir le ventre libre , & appliquer fur la partie des linges trempés dans des liqueurs fpiritueufes , coupées avec des décodions réfolutives. On met enluite des cataplafmes fortihans de mie de pain & de vin. Quand les ac- cidens ibnt parlés , on met la partie , fi c'efl la main ou le pié , dans le ventre ou dans la gorge d'un boeuf ou autre animal nouvellement tué. On fait des dou- ches de différentes efpeces ; & s'il cil bc- foin , on a recours aux eaux minérales de Bourbon , Bourbonne , Barege , Aix-la- Chapelle ^ Ù. Voye\ les Maladies des os de M. Petit. ( Y) ENTORSE , ( Manège > Maréchal/.) maladie commune à l'homme & au che- val, & qui quelquefois efl fi rebelle dans l'un & dans l'autre , qu'elle efl en quelque façon l'opprobre dç ceux à qui le traite- ment efl confié. On entend par le terme tfentorfe tout mouvement dans lequei l'articulation efl forcée , fans cependant que les os fouffrent de déplacement fenfible. Quoiqu'elle (bit infiniment moins dan- gereufe que la luxation , elle peut être accompagnée d'accidens très-graves. Le* ENT plus fâcheufes font celles des parties qui ont un grand nombre de ligamens capa- bles de s'oppofer au déplacement , d'au- tant plus que ces ligamens doivent avoir beaucoup (ourTert > & qu'il a fallu un grand effort pour vaincre leur réfillance. Ajou- tons que non-feulement elles font d'autant plus funeftes , que les articles font munis de ligamens plus multipliés ; mais que les fuites en font terribles , fi ces articulations font encore recouvertes de plufieurs ten- dons > qui , de même que leur gaine , ne peuvent être violemment diftendus qu'il ne lurvienne de vives douleurs , & une inflammation proportionnée à la fenfibi- lité des parties affe&ées. La fynovie , cette humeur dont l'ufage cft de lubréfier & de faciliter le mouvement , s'amafïànt en- fuite dans ces gaines , augmente beaucoup les douleurs , tant par la diffenfion & l'é- cartement de ces mêmes gaines , que par la compreflion des tendons. Les fymptomes de ïentorfe font la clau- dication y l'action de traîner la partie fouf- frante , la chaleur , la dureté & le gon- flement caufés par l'inflammation de tou- tes les parties diftendues , & fur -tout conféquemmenr. à l'amas de la fynovie qui , rompant auffi quelquefois les gaines , s'épanche dans tout le voifinage de l'ar- ticle , & forme même des tumeurs dans lefquelles on trouve une fluctuation fen- fible. Ses caufes font conftamment externes , & font renfermées dans le nom que nous lui donnons relativement aux chevaux , c'efl-à-dire , dans celui de mémarchure , terme qui nous en offre fur le champ une idée. En effet , un cheval fait un faux pas , il pofe le pie à faux dans un lieu raboteux , il le trouve pris dans une or- nière , & l'arrache fur le champ avec force , il fe le détourne entre des pavés ; ce qui arrive fréquemment par la faute des palefreniers , qui tournent l'animal trop court ; & l'on conçoit que dès-lors il pewt en réfulter une entorfe plus ou moins formidable , félon le plus ou le moins d'extenfion des tendons & des li- gamens dans l'articulation du boulet , ou dans celle du paturon, ou dans celle de la couronne. Je dois encore obferver ENT 555 que celles dont font atteintes les unes & les autres de ces parties dépendantes des extrémités poflérieures , font toujours plus à craindre que celks qui arrivent à ces articles des colonnes qui foutiennent Pa- vant-main , parce que les premières étant extrêmement travaillées dans toutes les différentes actions de l'animal , les hu- meurs y affluent avec plus d'abondance , & en rendent toujours les maladies plus compliquées & plus difficiles à vaincre. En général , la marche du maréchal dans le traitement de celle - ci doit être différente félon le temps & fes degrés. Les remèdes répercufîifs , reflrinctifs , con- viennent dans ces commencemens , parce qu'ils préviennent l'épanchement qui pour- roit fe faire , & rendent aux parties leur ton naturel ; ainfi on peut mener le che- val à l'eau , appliquer , fur le lieu affecté , des linges trempés dans de l'eau & du ri- naigre , &c. Dans le cas où il y a des inflammation , douleur , épanchement , il faut nécefTàire- ment faigner à la jugulaire , appliquer en forme de cataplafmes des réfolutifs doux & qui ne crifpent pas , tels que celui des rofes de provins bouillies avec du gros fon dans du gros vin , &c. & les réité- rer foir & matin : j'ai été quelquefois obligé de mêler , avec ces mêmes rôles , des plantes émollientes , & je ne fuis par- venu fouvent à la guérilbn de ces maux, fréquemment opiniâtres , que par les ap- plications répétées de ces derniers médica- mens employés lans mélange. J'ai de plus eu à combattre des dépôts enlùire de l'acrimonie 6k de la perverlion des humeurs : j'ai été forcé d'en hâter la fuppuration par les mêmes émolliens , ou par l'onguent fuppuratif y & de leur frayer enfuite une iffue , en pratiquant une ouverture avec le fer plutôt qu'avec le feu , par la. raifon que la plaie en étoit plus aifement guérie. Enfin , les humeurs ayant acquis dans d'autres cireonftances , & après des fautes encore commifes par des maréchaux , un caractère d'induration , j'ai eu recours aux emplâtres tondans , tels que le dir— chylon , celui de mercure , de mucilage , dont j'ai fait ufàge féparement , ou en les Aaaai 556 E N T mêlant les uns & les autres avec beau- coup de iuccès. ., Dans tout le traitement de cette ma- ladie , l'animal doit .jouir du repos ; cepen- dant , dans ce dernier cas d'endurciffe- ment , quelques mouvemens modérés fa- voriferont l'atténuation & la réfolution de l'humeur. ( e ) * ENTORTILLER , v. act. couvrir en tout ou en partie une choie avec une autre qui fait plufieurs tours fur celle-ci. On prend ce mot au phyjique & au moral. On dit un difcours entortillé ; le lierre s'entortille fur toutes Les plantes qui lui font poi/mes. ENTOURER , v. aét en terme de Met- teur en œuvre ; c'eft l'action d'environner une pierre de plufieurs autres qui font plus petites qu'elle. On dit entouré double , lorfque ce rang de petites pierres efl dou- blé, jy entourer , on a fait le fubflantif entourage. ENTOURNURE , f. m. ( Couturière.) Vove% Remonture. § ENTR' ACTE, f. m. (Belles-Lettres.) On appelle ainft l'intervalle qui , dans la repréiéntation d'une pièce de théâtre , en fépare les actes , & donne du relâche à l'at- tention des fpeclateurs- Chez les Grecs , le théâtre n'étoit prefque jamais vuide : l'intervalle d'un acte à l'autre ctoit occupé par les chœurs. Un des plus précieux avantages du théâtre moderne , c'eft le repos abfolu de Yentr'acle. De toutes les licences qu'on eft convenu d'accorder aux arts,, pour leur faciliter les moyens de plaire , c'eft peut-être la plus heureufe , & celle dont on eft le mieux dédommagé. Obfervons d'abord que Yentr'acle n'eft un repos que pour les fpectateurs , & n'en efl pas un pour l'action. Les perfonnages font cenfés agir dans l'intervalle d'un acte à Pautrë ; & tandis qu'en effet l'acteur va refpirer dans la couliilè , il faut qu'on le croie occupe. Ainfi le poëte , dans le plan de fa pièce , en divifant fon action , doit la diflribuer de façon qu'elle continue d'un acte à l'autre , &: que l'on fâche, ou que l'on fùppofe ce qui fe pafîê dans l'inter- valle ; à-peu-près comme un architecte &lpoic. dans ion plaa les vuides & les | E N T pleins y ou plutôt comme un peintre ha- bile deffme tout le corps qui doit être à demi voilé. Rien de plus fimple que cette règle ; & on la néglige fouvent. Il eft ailé de fentir à préfent quelle efl la facilité que Yentr'aBe donne à l'action , foit du côté de la vraifemblance , foit du côté de l'intérêt. Il y a dans la nature une infinité de chofes dont l'exécution eft impofïïble fur la feene , & dont l'imitation manquée détruiroit toute illufion. C'eft dans Yentr'acîe qu'elles fè paffent : le poëte le fuppofe , le Ipectateur le croit. L'action théâtrale a fouvent des longueurs inévitables , des détails froids & languifîans , dont on ne peut la dégager ; & le fpecta- teur qui veut être continuellement ému ou agréablement occupé , ne redoute rien tant que ces. feenes ftériles. Il veut pourtant que tout arrive comme dans la nature , & que la vraiiemblance amené l'intérêt ; or , le poëte les concilie en n'expoiant aux yeux: que les icenes intérefîantes , & en déro- bant dans Yentr'acie toutes celles qui lan- guiroient. Enfin , par la même raifon que l'on doit préfenter aux yeux tout ce qui peut con- tribuer à l'effet que l'on veut produire, lequel, foit dans le pathétique , foit dans le ridicule , efl toujours le plaifir d'être ému ou d'être amufé , on doit dérober à la vue tout ce qui nous déplaît , ou ce qui nous répugne ; car l'impreflion du tableau étant beaucoup plus forte que celle du récit, nous rend plus cher ce qui nous flatte , mais auffi plus odieux ce qui nous bleffe. Or , le poëte qui doit prévoir & l'un & l'autre effets , jettera dans ï 'entr 'ac7è ce qui a befoin d'être affoibli ou voilé par l'expreffion , &t préfentera fur la feene ce qui doit frapper vivement. Un avantage encore attaché à Yentr'acïe , c'eft de donner aux événemens qui fe paffent hors du théâtre un temps idéal , un peu plus long que le temps réel du fpectacle. Comme le mouvement mefure la durée ,. celle d'une action préfente aux yeux ne peut nous échapper 'y au lieu que d'une action abfente , & dont nous ne fommes plus oc- cupés , nous, ne comptons point les momeas» E N T Voilà pourquoi nous pouvons accorder à ce qui fe pafTe hors de la icene un temps moral beaucoup plus long que l'intervalle d'un acte à l'autre. Mais cette licence fuppofe ce que nous avons dit ailleurs , que l'on regardera Yentr'acîe comme une abfence totale de l'action , &: même, du lieu de l'action. La première convention faite en faveur de l'art dramatique a été , que le fpectateur feroit cenfé abfènt ; car imaginer que le public eft aflemblé dans une place , & qu'il voit de là ce qui fe pafle dans le cabinet d'Augufte ou dans le ferrail du fultan , c'eft une abfurdité puérile : il faut pour cela fuppofer un des quatre murs abattus ; & alors même , le moyen de concevoir que 1 acteur étant vu , ne verrait pas de même , & agiroit comme s'il étoit fèul ? Le fpectateur n'en1 donc préfent à l'ac- tion que par la penfée , & le {pectacle n'en1 fuppofé fe pafler que dans fon efprit. Cette hypothefe étoit (ans doute une chofè hardie à propofer , fi on l'eût propofée. Mais comme elle éroit indifpenfable , on en efl convenu fnême fans le lavoir. Ce n'eft donc rien propofer de nouveau , que de vouloir qu'à la fin de chaque acte l'idée du lieu difparoirTè , & que notre illufion détruite nous rende à nous-mêmes en un lieu totalement diftinct de celui de l'action ; en forte , par exemple , qu'au fpe&acle de Cinna , quand les acteurs font fur la feene , nous foyons en efprit à Rome , & que l'acte fini , l'illufion cefTant , nous nous retrouvions ^ Paris. Ces mouvemens de la penfée font aufll ailes que rapides ; & l'inftant de lever & de baifîer la toile les produit naturellement. Cela pofé , la conféquence immédiate & néceifaire qu'on en doit tirer , c'eft que la toile , qui détruit l'enchantement du (pec- tacle , devrait tomber toutes les fois que le charme efl interrompu. Ne fût- •ce même que pour pacher le befoin qu'on a quelquefois de baîfTer la toile , il feroit à fouhaiter qu'on la baifiat toujours , dès qu'un acte feroit fini : l'iîlufion y gagne- -roit , les moyens de la produire* feroient plus fimples & en plus grand nombre; on ne verrait plus ce jeu des machines qui- n'eft plus étonnant, & qui devient rifible E N'T 557 quand le .mouvement eft manqué ; on ne verrait plus des valets de théâtre venir ranger ou déranger les lièges du lenat Romain ; l'œil & l'oreille ne feroient pas en contradiction , comme lorfqu'on entend des violons jouer un menuet près des tentes d'Agamemnon , ou à la porte du capitolc ; & le coup-dlceil d'un changement fubit de décoration feroit réfervé pour le fpectacle du merveilleux. Voye\ ACTE , UNITÉS , POEME DRAMATIQUE , ( M. MAR- MONTEL. ) §ENTR'ACTE, ( Mufiq.) Ventr'actt eft manifestement deftiné non-feulement au repos des acteurs , mais encore à celui des fpectateurs & à fournir au poëte un temps pendant lequel il puifîe fuppofer qu'il s'ell paifé quelque chofè , qui n'auroit pu , fans inconvénient , fe palier fur la feene , ou qui aurait alongé inutilement le fpectacle. C'en1 ainii que dans ¥ Alexandre de Racine , Porus eft battu dans l'intervalle du qua- trième acte au cinquième. Si le principe qu'on vient d'avancer eft jufte , il eft clair que le théâtre doit refter abfolument vuide pendant Ventr'acle ; car il eft fait pour r«- pofèr , non -pour diftraire l'attention du fpectateur , que rien ne doit détourner de la fituation où l'a laifté la fin de l'acte pré- cédent. ( f. p. c.y Mais quoique le théâtre refte vuide dans Yentr'acle , ce n'eft pas à dire que la mufî- que doive être interrompue ; car à l'opéra où elle fait une partie de l'exiftence des chofès , le (ens de l'ouie doit avoir une telle liaifon avec celui de la vue , que tant qu'on voit le lieu de la lcene , on entende l'harmonie qui en eft fuppofée inféparable , afin que fon* concours ne paroifîè enfuite étranger ni nouveau fous le chant des acteurs. La difficulté qui fe préfente à ce fujet eft de favoir ce que le muficien doit dicter à i'orcheftre quand il ne fe paffe plus rien fur la feene ; car fi la fymphonie , ainfi que toute la mufique dramatique , n'eft qu'une imitation continuelle , que doit-elle dire quand perfonne ne parle ? Que doit- elle faire quand il n'y a plus d'action ï Je répons à cela, que, quoique le théâtre {oit vuide , le eccur des fpectateurs ne l'eft pas ; il a dû leur reiier une forte impreiiiua 5 5 S ENT de ce qu'ils viennent de voir 6c d'en- tendre. C'eit à l'orcheftre à nourrir & «à foufenir cette impreflion durant Yentr'acîe , afin que le fpectateur ne fe trouve pas au début de l'acte fuivant , aufll froid qu'il l'étoit au commencement de la pièce , 6 que l'intérêt l'oit, pour ainli dire, lié dans fon ame comme les événemens le font dans l'action repréfentée. Voilà com- ment le muficien ne ceffe jamais d'avoir un objet d'imitation , ou dans la fituation des perfonnages , ou dans celle des fpec- tateurs. Ceux-ci n'entendant jamais fbrtir de l'orcheftre que l'exprefTion desfentimens qu'ils éprouvent , s'identifient , pour ainfi dire , avec ce qu'ils entendent , & leur état eft d'autant plus délicieux , qu'il règne un accord plus parfait entre ce qui trappe leurs fens & ce qui touche leur cœur. L'habile muficien tire de fon orcheftre un autre avantage pour donner à la repré- fentation tout l'effet qu'elle peut avoir , en amenant par degrés le fpectateur oifif à la fituation d'ame la plus favorable à l'effet des feenes qu'il va voir dans l'acte fuivant. La durée de Yentr'ac7e n'a .pas de mefure fixe ; mais elle eft fuppofée plus ou moins grande , à proportion du .temps qu'exige la partie de l'action qui fe pafîe derrière le théâtre. Cependant cette durée doit avoir des bornes de fuppofition , relativement à la durée hypothétique de l'action totale , & des bornes réelles, relatives à la durée de la repréfentarion. Ce n'eft pas ici le lieu d'examiner fi la règle des vingt-quatre heures a un fonde- ment luffifant, & s'il n'eft jamais permis de l'enfreindre. Mais fi l'on veut donner à la durée fuppofée d'un entr'acîe , des bornes tirées de la nature des choies , je ne vois point qu'on en puifTe trouver d'au- tres que celles du temps durant lequel il ne fè fait aucun changement fenfible & régulier dans la nature , comme il ne s'en lait point d'apparent fur la feene durant Yentiacle. Or , ce temps eft , dans fa plus grande étendue , à peu près de douze heures , qui font la durée moyenne d'un jour ou d'une nuit. Pafîe cet efpace , il n'y a plus de poffibilité ni d'illufion dans la durée fuppofée de Ycntr'aâfe. ENT Quant à la durée réelle, elle doit être* comme je l'ai dit, proportionnée, & à la durée totale de la repréfentation , & à la durée partielle & relative de ce qui fe pafîe derrière le théâtre. Mais il y a d'autres bornes tirées de la fin générale qu'on fe propofe ; lavoir , la mefure de l'attention : car on doit bien fe garder de faire durée Yentiacle jufqu'à laiffer ie fpectateur tom- ber dans l'engourdiflcment & approcher de l'ennui. Cette mefure n'a pas, au refte , une telle préafion par elle-même , que ie muficien qui a du feu , du génie & de I'ame , ne puiile , à l'aide de Ion orcheftre , l'étendre beaucoup plus qu'un autre. Je ne doute pas même qu'il n'y ait des moyens d'abufer le fpectateur fur la durée effective de Yentr'acle , en la lui faifant eftimer plus ou moins grande par la ma- nière d'entrelacer les caractères de la fim- phonie : mais, il eft temps de finir cet article qui n'eft déjà- que trop long. (S) ENTRAGE , f. m. ( JuriJ "prudence. ) lignifie quelquefois entrée ou commence- ment de pojjejjion & jouijjance ; plus fou- vent il fignifie un droit en argent que le nouveau pofTeiïeur eft obligé de payer au ieigneur ; il en eft parlé dans la coutume de Nivernois, titre xxij y art. 8 ; Bour- bonnois, art. 2.7/}, & 44'Z. Voye\ ISSUE. (*) ENTR AIGUËS, {Géographie mod.) ville du comté du Rouergue en France ; elle eft fituée à l'endroit où la Truyere fe jette dans le Lot. ENTRAILLES, f. f. plur. (Anatom.) intefiins , boyaux. Avoir les entrailles échauffées y rafraîchir les entrailles. Il fè prend quelquefois dans un lèns plus gé- néral , pour tous les vilceres , toutes les parties renfermées dans le corps des nom-» mes & des animaux. L' infpection des en- trailles des victimes a aidé à connoître la jtruclure du corps fain. L'obligation des victimes étoit une cérjé- monie religieufe de nos premiers parens , comme on le voit par l'hiftoire d'Abel dans la Genefe , & par les plus anciennes fables de l'âge d'or. On auroit cru dé»- plaire à la divinité , & ne pouvoir appaifer fa colère , fi la victime eût été fouillée de la moindre maladie ; c'eft pourquoi nous E N T lifons dans le Lévitique , qu'on n^immoloit que les animaux les plus fains & les plus purs , & c'eft ainli que les prêtres com- mencèrent à s'appliquer à connoître les marques diftinctives de la fànté & de la maladie. Voye\ ANATOMIE. Charn- iers. (L) * Entrailles , ( Myth&l. ) c'étoient les parties des animaux que les arufpïces coniùltoient particulièrement. Il faut voir avec quelle impiété Cicéron parle de cette pratique de fa religion. Il fuit de fon dis- cours que l'infpedion ejes entrailles efï la dernière des extravagances ; & que ceux qui en font chargés , font aûez commu- nément des impofteurs. C'eft à cette oc- •cafion qu'il rapporte un mot de Caton , ■qui auroit pu avoir lieu dans une infinité •d'autres cas , fi la prévention n'eût point fafeiné les yeux & les efprits. Caton difoit " qu'il étoit toujours étonné qu'un arufpice ti qui en. rencontroit un autre , ne fe mît w pas à rire. ENTRAIT, f.m. (Charpenterie.) efï une poutre fur laquelle portent les folives des galetas , & les arbaleflriers. Entrait ( double) , il fe dit de ceux qui font dans les enrayures. § ENTRAVAILLÉ, ée , (terme Je Blafon. ) fe dit du dauphin , de la bille , de l'aigle , du îion & des autres animaux qui fe trouvent entrelacés dans des cotices , :bureles & autres pièces de longueur. De Quenazret , en Bretagne ; burelé d'argent & de gueules à deux biffes d'azur affrontées, entrav aillée s dans les bure les , de manière que la deuxième & la quatrième du fécond émail brochent fur les bijfes. ( G. D. L. T.) ENTRAVER un Cheval , (Manège, Maréch. ) lui mettre des entraves ; expref- fions également ufitées dans un feul & même fens. Voye\ ENTRAVES. • ENTRAVER, v. neut. (Faucon.) c'eft raccommoder les jets de l'oifeau, de forte qu'il ne peut fe déchapero mer. ENTRAVES , f. f. ( Manège , Miréch. ) efpece de liens par le fecours defquels nous pouvons nous aflurer & nous rendre maîtres des chevaux , foit qu'il s'agiiïe de les retenir dans les pâturages, ou de ,ieur ycer la liberté , dans l'écurie , E N T 5^9 d'élever leurs pies de devant fur l'auge ou contre les râteliers ; foit que nous foyons dans l'obligation de les afTujettir ou de les abattre pour leur faire quelque opération. Les entraves dont nous faifons ufage dans le premier cas , font compofées de deux entravons qui font unis par des an- neaux ou par une chaîne de frr , ou quel- quefois par une lanière non moins forte que celles qui forment les entravons. Voy. ÊNTRAVON. On doit avoir la précaution d'en délivrer l'animal , pour lui lailfer plus de liberté lorfqu'il veut fe coucher. Il efi bon aufli de faire attention que les jam- bes du cheval entravé très-long-temps , peuvent infenfiblement s'arquer , & que fouvent par cette même raifon l'animai devient panard. Dans le fécond cas , nous n'employons que des entravons non unis , mais fépa- rés ; nous les fixons , ainfi que les premiè- res entraves , dans le pli des paturons des quatre jambes enfemble , ou d'une ou de deux feulement , félon le befoin , en ob- fervant de les boucler de façon que les boucles foient en dehors. Lorlque notre intention eft d'empêcher uniquement le cheval de ru^r , nous ne mettons nos en- travons qu'aux extrémités poflérieures , & nous pafTons une corde de chaque coté , dans l'anneau dont doit être pourvu cha- cun d'eux. Nous croifons enfuite chacune de ces cordes ou de ces longes fous le ventre de l'animal , & nous les arrêtons fermement par une feule boucle coulante, qu'il nous eft facile de défaire prompte- ment , aux deux côtés de l'encolure , & à des anneaux de fer dont eft garni un. collier de cuir que nous avons paffé fur la tèît & fur l'encolure du che- val. Ell-il queftion de l'abattre & de le renverfer , les quatre paturons feront faifis- àes entravons; nous attacherons une longe à l'anneau de l'un de ceux de devant , nous en ferons paffer l'autre extrémité dans celui de l'autre entravon de ce même de- vant , & eniuîte dans les deux anneaux de ceux de derrière : nous repaierons une féconde fois dans le premier anneau au- quel la longe eft attachée ; après quoi plulieurs hommes réunifiant leurs forces , 5 par rapport au mariage de leurs ferfs ; & par ics traités d'entre- cours qu'ils faifoient entr'eux à ce fujet , le fèrf de l'un pouvoit librement , & fans peine de for-mariage , fe marier avec une perfonne ferve d'un autre feigneur. Voye\ le glojfaire de Lauriere , au mot entre-cours, Bbbb 1 564 ENT On trouve des exemples de ces entre- cours } tant par rapport au domicile que pour les mariages , dans l'hiftoire de Verdun , aux preuves } pag. i 5 & 1$. Le droit d'entre-cours eft quelquefois appelle parcours y quoique ce dernier terme s'applique plus ordinairement aux conven- tfons qui ont trait à la réciprocité du pâ- turage entre deux feigneuries. Voye\ PAR- COURS. (A) ENTRE-DUERO-E-MINHO, (Ge'og. mod.) c'eft une des provinces du Portu- gal ; elle a environ dix-huit lieues de lon- gueur fur autant de largeur. Brague en tft la capitale. ENTRE-DEUX , f. m. (Drap.) il fe ' dit de quelques endroits d'une étoffe , où elle n'a pas été tondue aflez ras. On ne répare ce défaut qu'en y repartant la force. ENTRÉE , f. f. (Grammaire.) fe dit généralement au fimple, de toute ouver- ture qui conduit du dehors d'un lieu au dedans de ce lieu. Ce mot fe prend au figuré , pour le commencement , le début. EtrÉE , fedit, en Aftronomie , du moment auquel le foleil ou la lune com- mence à parcourir un des fignes du zodia- que. Ainû on dit Ventrée du Soleil ou de la Lune dans le Bélier, dans le Taureau, &c. Voye\ Signe , Soleil , &c. On fe fert auilî du mot entrée dans ces phrafes : Ventrée de la Lune dans V ombre , dans la pénombre , &c. Voye\ ECLIPSE. ENTRÉES , f. f. pi. (ffifi. anc.) privilège accordé à des particuliers d'être admis auprès des rois & des princes , dans certains temps & à certaines heures. La coutume des rois , des princes , & des grands feigneurs , de distinguer leurs courtifans & les perfonnes qui leur font atta- chées par les différentes entrées qu'ils feur donnent chez eux , eft une coutume fort ancienne. Séneque , dans fon livre IV, des bienfaits, chap. xxiv. nous inllruit que C. Gracchus & Livius Drufus } tribuns du peuple , en furent les auteurs à Rome. « Parmi nous , dit-il , Gracchus & après » lui Livius Drufus , ont commencé à fé- w parer la foule de leurs amis & de leurs » courtifans , en recevant les uns en parti- ENT » culier , les autres avec plusieurs , & les » autres avec tout le monde. » Les premiers étoient appelles propiores y ou primi amici , ou primai admijjionis ; les amis de la première entrée : les féconds , fecundi amici , ou fecundee admijjionis , les amis de la féconde ; & les derniers , infe- riores amici 3 ou ultimœ admijjionis ; les amis qui n'avoient que les dernières en- trées. Cet ufage qui avoit été long-temps in- terrompu , & qui ne fubfiftoit point à la cour d'Augufte , fut rétabli par Tibère , qui, comme Suétone nous l'apprend, par- tagea fa cour en ces trois claiTes , & appella la dernière la clajje des Grecs ,* parce que les Grecs étoient des gens dont on faiibic alors peu de cas , & qui n'entroient que les derniers chez cet empereur. La coutume dont je parle fe perdit encore après Tibère ; elle fut renou- vellée par d'autres empereurs , & elle prit enfin de fi fortes racines fous Conftantin , qu'elle s' eft toujours conlervée depuis , & qu'il n'y a pas d'apparence qu'on la laide tomber : au fond , il eft bien jufte que les princes aient la même prérogative & la même liberté que fe donnent les parti- culiers , de recevoir différentes perfonnes chez eux à différentes heures , les unes plutôt , les autres plus tard , félon qu'elles leur font ou agréables , ou néceffaires. Ce- pendant aujourd'hui ce qu'on appelle en- trées dans les cours de l'Europe , eft u» privilège Spécialement attaché à certains emplois & à certaines charges , d'entrer à certaines heures dans la chambre des rois , quand les autres n'y entrent pas. C'eft donc un droit que donne la charge , & non la perlonne ; c'eft une pure étiquette qui ne prouve point de confiance particu- lière du prince dans ceux: qui jouiffenf, de ce droit. Voye\ V article ÉTIQUETTE. (de Jaucovrt) ENTRÉE, (Hifl. mod.) réception folem- neîîe qu'on fait aux rois & aux reines lorfqu'iis entrent la première fois dans les villes , ou qu'ils viennent triomphans de quelque grande expédition. Ces fortes de cérémonies varient fui van t le temps , les lieux , les nations ; mais elles font toujours un monument des ufages E N T des difïerens peuples, & de la diverfité de ces ulages dans une même nation , lefquels font communément un excellent tableau de caractère : c'étoit , par exem- ple , un ipeclacle fîngulier que l'appareil de décorations profanes & de mafearades de dévotion qui le voyoit en France aux entrées des rois & des reines , dans le xv fiecle. L'auteur des effai s fur Paris, qui parurent dans l'année (1754, in-iz.) en donne une efquiffe tirée d'après l'hii- toire , qu'il fuffira de rapporter pour exemple : il feroit trop long de tranlcrire ici , même par extrait , ce que j'ai recueilli fur cette matière avant & depuis Charles VIL Comme les rois & les reines ( dit l'au- teur dont je viens de parler ) failoient leurs entrées par la porte Saint-Denis , on tapifleit toutes les rues fur leur palTage , & on les couvroit en haut avec des étoffes de /oie & des dr?ps camelotés ; des jets d'eaux cle lenteurs parfumoient l'air , le lait & le vin coûtaient de piuiieurs fontaines. Les députés des fix corps de marchands por- toient le dais. Les corps de métiers (ùivoient à cheval, repréfentant en habits de caradere les fept péchés mortels; lesfept vertus , foi , ■cfpérance , charité , juitice , prudence , force , & tempérance ; la mort , le purga- toire , Tenter & le paradis. Il y avoir de diftance en dillance des théâtres où des acteurs pantomimes , mêlés avec des chœurs de mufique , repréien- foient des hiftoires de l'ancien & du nou- veau teftament, le facrifice d'Abraham , le combat de David contre Goliath , l'â- neffe de Balaam prenant la parole pour la porter à ce prophète , des bergers avec leurs troupeaux dans un bocage , à qui l'ange annonçoit la naifïance de Notre- Seigncur , & qui chantoient le Gloria in exceljis Deo } &c. & pour lors le cri de joie étoit Noël y Noël. Voye\ Comédie SAINTE. A Y entrée de Louis XI, en 146 1 , on imagina un nouveau fpectacle : Devant la fontaine du Ponceau, dit Malingre, p. 2.08 de/es antiquités & annales de Paris (ou- vrage plus pafTable que ceux qu'il a publiés depuis) étoient plujieurs belles filles en fy renés toutes nuesjlefquclles en f ai/ara voir E N T 565 leur beaufein , chantoient de petits motets de bergerettes > fort doux & charmans. Il paroît qu'à Ventrée de la reine Anne de Bretagne , on poufla l'attention jufqu'à placer de dillance en diibnce , de petites troupes de dix ou douze perfonnes, avec des pots-de-chambre pour les dames & demoiiéiies du cortège qui en auroient befoin. Ajoutez fur-tout à ces détails , la des- cription curieufe que le P. Daniel a donnée dans Ion hiiloire de France , de Ventrée de Charles Vil, & vous conviendrez en raf- lemblant tous les faits , que quoique ces fortes de réjouifiànces ne ibient plus du goût , de la politefîe , & des mœurs de notre fiecle , cependant elles nous prouvent en général deux chofes qui fubiiiîent tou- jours les mêmes; je veux dire i°. la paf- fion du peuple François pour les fpedacles quels qu'ils foient , 1°. Ton amour & fbn attachement inviolable pour nos rois & pour nos reines. Je ne parle pas ici des cérémonies d'entrées de princes étrangers , légats , ambafTadeurs, miniitres , Ùc. ce n'eil qu'une vaine éti- quette de cérémonial dont toutes les cours paroifîènt laffes , & qui finira quand la principale de l'Europe jugera de fon in- térêt de montrer l'exemple, {de Jau- COURT.) ENTRÉE , (Jurifp.) lignifie , dans cette matière , acquijition , prife depojpj/ion. On appelle deniers d'entrée ', ceux qui (ont payés par le nouveau propriétaire au précédent , pour entrer en jouiiiance. V. DENIERS. Entrage cil ce qui fe paie au feigneur pour le droit d'entrée , c'ell-à-dire , pour la mu- tation. (A) Entrée, (Comm.)dro\t ou impôt qu'on levé au nom du fouverain fur les marchan- difes qui entrent dans un état, loit par terre> foit par mer , fuivant le tarif qui en ell drefle , & qui doit être affiché en lieu apparent dans les bureaux où l'on exige ces droits. Les droits d'entrée le paient auili enFrance fur les marchandifes qui entrent dans les provinces qui font réputées étrangères , & il y en a d'autres encore qui fe lèvent à l'entrée de quelques villes. Lorfque le droit d'entrée de quelque mar- 1&6 E 'N T chandife n'eft pas réglé par le tarif , on le rpaie par efhmation , c'efl-à-dire , à propor- tion de ce qu'une autre marchandife , a peu près de même qualité , a coutume de payer. Les droits d'entrée fe paient, y compris les caifïès , tonneaux , ferpilieres , cartons , pailles , toiles & autres emballages , à la réferve des drogueries & épiceries , fur ielquelles les emballages font déduits. Tous fortes de marchandiies ne peu- vent entrer en France par toutes fortes de villes & de ports , même en payant les droits , mais lèulement pour certaines mar- chandiies par les lieux qui leur (ont mar- qués, ou par les ordonnances , ou par les arrêts du confeil , comme les drogueries & -épiceries par la Rochelle , Rouen & Calais , Bordeaux , Lyon & Marfeilïe; les chevaux, par Dourlens , Peronne , Amiens , &c. les manufactures étrangères, par Saint-Valéry, Calais , Ùc. & ainfi de quelques autres. Les peines contre ceux qui veulent faire entrer des marchandifes en fraude , font la confifeation de ces marchandiies , & des équipages & harnois, & une amende flatuée par les arrêts & ordonnances. Voye\ Con- TREBANDE, DROIT & TARIF. Dicl. de Corn m. de Trév. & Chamb. (G) ENTRÉE , {Comm.) terme de teneur de livres en parties doubles. L' 'entrée du grand livre, c'en1 l'état des débiteurs & créditeurs portés par la balance ou le bilan du livre précédent. Voye\ LIVRES. (G) ENTRÉE , (Danfe.) air de violon fur lequel -les divertifîêmens d'un aé'te d'opéra entrent fur le théâtre. On donne aufli ce nom à la danfe même qu'on exécute. Ce font ordinairement les chœurs de danfe qui paroiflènt fur cet air ; c'eft pour cette raifon .-qu'on les nomme corps d'entrée. Ils en danfent un commencement ; un danfeur eu une danfeufè danfe un commencement & une fin , & les chœurs reprennent la dernière fin. Chaque danfe qu'un danfeur •ou une danfèufe exécute , s'appelle auffi entrée. On lui donne encore le nom de pas. Voye\ Pas. Un maître fort fupérieur, avec qui j'ai conféré fouvent fur cette matière, rn'a confié un réfultat de fes obfer-yations, ^qui peut être fort utile à l'art. Le voici. vDgnsxoiue entrée -de danfe ,, le danfeur , E N T a qui on fuppofe de la vigueur & de l'ha- bileté , a trois objets principaux & indif- penfables à remplir. Le premier , les con- traries perpétuels de la force & de la grâce, en oblervant que la grâce fuive toujours les coups de vigueur. Le lecond , l'efprit de l'air que les pas doivent rendre ; car il n'efl point d'air de danlè, quelque plat que le mufîcien puiffe le faire , qui ne préfente une forte d'cfprit particulier au danfeur qui a de l'oreille & du goût. Le froifieme , de former toujours fa danfe dé pas , & de ne les facrifier jamais aux fàuts : ceux-ci font plus ailes à faire que les autres. Le mélange fage de tous les deux forme la danfe agréable & brillante. Chaque partie féparée des ballets an- ciens étoit nommée entrée. Dans les mo- dernes , on a conlèrvé ce nom à chacune des actions féparées de ces poèmes. Ainfî on dit : l'entrée de Tibulle dans les fêtes Greques & Romaines eff. fort ingénieu- fe , c'eff. une des meilleures entrées de ballet que nous ayions à l'opéra. Vroye\ Ballet. Ce nom qu'on donne encore aux di- verfes parties de ces fortes d'ouvrages , doit faire connoître aux commençans , & quelle eft l'origine de ce genre difficile, tk quelle doit être leur coupe pour qu'ils foient agréables au public; c'eft lur-tout cette méchantque très-peu connue qui paroît fort aifee , & qui fourmille de difficultés qu'il faut qu'ils étudient Voyei^ Coupe. Il feroit ridicule que l'on y fît com- mencer l'action dans un lieu , & qu'on la dénouât dans un autre. Le temps d'une entrée de ballet doit être celui de l'action même. On ne fuppofe point des inter- valles ; il faut que l'action qu'on veut ' repréfenter fe patte aux yeux du fpecla- teur, comme fi elle étoit véritable. Quant à fa durée , on juge bien que puilque le ballet exige ces deux unités , il exige à plus forte raifon l'unité d'action : c'eff la feule qu'on regarde comme indifpenfable dans le grand opéra ; on le diipenie de deux autres. Uentrée de ballet y au contraire , eu aftreinte à toutes les trois. Voye\ Ballet, Opéra, Poème lyri-* que. (B) E NT ENTRÉE , {Serrurerie) c'eft l'ouver- ture par laquelle la clef entre dans la ferrure. ENTRE -FERS ou ENTRE DEUX .FERS, {Commerce.) il fe dit, dans le poids des marchandifes , de l'arrêt ou du repos de la lance ou du fléau"* exactement au milieu de la chape ; fi la lance ou le fléau incline un peu de l'un ou de l'autre côté des deux plats de la balance , on dit aiors , que le trait eft forcé. Il faut que le trait fort ou forcé loir du côté de la mar- chandife , c'eft-à-dire , que h màrchan- difei'emporte un peu en pefanteur fur fon ENTRE-FESSON, voye^ PÉRINÉE. ENTRE-H1VERNER , {Agriculture.) c'en1 donner un labour aux champs pen- dant l'hiver. Comme ce travail eit fait entre les temps de gelée qui le luccedent dans cette faifon , le mot entre -hiverner peut avoir été deftiné à exprimer qu'on laboure entre les difFérens hivers qui fe fùivent de la forte. ( Hr ) ENTREJÛU, f. m. ( Jurif prudence.) terme ulité dans quelques coutumes & anciens titres , pour exprimer un certain efpace néceflaire pour donner cours à l'eau. Suivant la coutume de Berri , tom. xvjy article z , chacun peut en fon héritage , par lequel pafle aucun fleuve ou rivière non navigable ni publique , faire édifier moulin, pourvu que le lieu foit difpofë pour ce faire ; à favoir qu'il y ait faut & entre j ou , c'eft-à-dire , qu'il y ait de l'es- pace pour faire une abée ou lanciere par où l'eau puhTe avoir cours quand le mou- lin ne va pas. Vqye^ÇujaSyObferpat. 2.4, chap. xx'w. & le gloJJ'aire <& Lauriere , au mot Entre jou. Voyez ju/TTLanciERE. (A) ENTRELAS, f. m. en Architecture , ornement compote de iifteaux & de fleu- rons liés & croifés les uns avec les autres, qui fe taille fur les moulures &. dans les frifes, (P) Entrelas d'appui , {Sculpture. ) ornemens à jour , de pierre ou de marbre , qui fervent quelquefois au lieu de baluP .très pour' remplir les appuis évuidés des tribunes , balcons , & rampes d'efcalier. &.1 ENT 567 ENTRELACÉ , adj. en terme de Bla- fon , fe dit de trois croiflans , de trois an- neaux, & autres chofes femblables , pafïees les unes dans les autres. Bourgeois en Bourgogne, d'azur à trois annelets entrelacés l'un dans l'autre en triangle d'or. ENTRE-LIGNE , f. f. ou , comme on dit ordinairement , INTERLIGNE , c'eft l'efpace qui eft entre deux lignes d'ecricure. On ne doit rien ajouter dans les acles entre-lignes; il eft plus convenable de faire des renvois & apoftilles en mar^e : en tout cas, les entre-lignes ou interligne- . .-.e font valables qu'autant qu'ils font approuvés parles parties, notaires & témoins. (A) ENTREMETS, f m.{HiJl. moderne.) Le mot entremets s'eft dit pendant long- temps au lieu de celui à' intermède , dans nos pièces de théâtre ; entremets de la tra- gédie de Sophonisbe dans les œuvres de Baïf ; il fignifioit une efpece de fpeclacle muet , accompagné de machines ; une re- préfentation comme théâtrale où l'on voyoit des hommes &" des bêtes exprimer une action ;. quelquefois des bateleurs & au- tres gens de cette efpece y faifoient leurs tours. Ces ^divertiiffemens avoient été imaginés pour occuper les convives dans l'intervalle des fervices d'un grand feftin , dans l'entre- deux d'un mets ou fervice à un autre mets \ . d'ouïe vaot entremets a pafle dans nos ta- bles pour défigner iimplemenr le fervice particulier qui eft entre le rot & le fruit,, & les divertifïemens fe font évanouis. Ces divertifïemens anciens , qui méri- toient bien mieux le nom d'entremets que le fervice de nos tables honoré aujourd'hui ■ de cette qualification , éroient des ipeéta- cles fort finguliers qu'on donnoit du temps de l'ancienne chevalerie , le jou^d'tin ban- quet, pour rendre, la fête plus magnifique &: plus iolemnelle. Il laut lire tout ce qui concerne ces fêtes dans Yhiftoire de la che- valerie de M. de Saint-Palaye ; il en parle avec autant de connoifïànce que s'il eût ' vécu dans ces temps-là , & qu'il eût écrit fon ouvrage en ailiftant aux banquets des ■ preux chevaliers. On voyoit paronre dans la falle divérfès - décorations , des machines ., des figures • $£8 E N T d'hommes & cPanimaux extraordinaires , des arbres , des montagnes y des rivières , une mer , des vaiflêaux ; tous ces objets entremêlés de perfonnages , d'oifeaux , & d'autres animaux vivans , ctoient en mou- vement dans la falle ou fur la table , & repréfentoient des actions relatives à des entreprifes de guerre & de chevalerie , fur- tout à celles des croifades. Il eft vraifemblable que/ufage des en- tremets dans les banquets , V étoit introduit avant le règne de fàint Louis : suffi furent- ils employés aux noces de fon frère Ro- bert, à Compiegne , en 12.37. Une chroni- que manuferite de S. Germain fait une ample defeription des entremets qui fe vi- rent au feflin que Charles V donna, en 1378, au roi des Romains, fils de l'empe- reur Charles de Luxembourg , que les indhpofïtions empêchèrent de s'y trouver. Mais rien n'efï plus curieux que le détail que Matthieu de Couci , & Olivier de la Marche nous ontlahTé delà fête donnée à Lille , en 1453 ? Par Philippe le Bon , duc de Bourgogne , à 'toute là cour & à toute la noblelfc de (es états , pour la croi- fade contre les Turcs qui venoient d'ache- ver la conquête de l'empire d'Orient par la prife de Conitantinople. Je pourrois citer un grand nombre d'autres repréfen- tations femblables , qui furent long-temps à la mode dans nos cours , mais ces cita- tions feroient inutiles après les exemples que nous venons de rapporter. On vit encore les relies de cette an- cienne magnificence au mariage du prince de Navarre , en 1572. , avec la fœur du roi; de même qu'à la fuite d'un autre teftin , que la reine donna l'année fuivante au duc d'Anjou , roi de Pologne. Le goût de ces plaifirs s'eft confervé à Florence jufqu'en 1600 , fuMmt la defeription du banquet donné dans cette ville pour le mariage de Marie de Médicis avec Henri IV. Enfin la mode des entremets s'évanouit entièrement au commencement du xvij fiecle. Louis XIV fit fuccéder d'autres magnificences , mieux entendues , dignes de lui , & qui ont auffi ceffé. Elles ont été remplacées par un genre de luxe plus général , plus voluptueux , qui fe répète journellement , & qui préfente à nos yeux E N T ' toute la moîlefle ou l'ennui des Si Santés. Ar- ticle de M. le chevalier n e Ja uco ur t. ENTREMETTEUR , f. m. dans le Commerce , elf un médiateur qui intervient entre deux marchands, pour faciliter quel- que marché ou négociation. Les commerçans fe fervent plus ordi- nairement du terme d'agent de change , fi c'efî pour des remifes d'argent ou autres affaires de banque ; & de celui de courtier lorfqu'il s'agit d'achat ou de vente de mar- chandifes. Voye\ AGENT DE CHANGE & COURTIER. Dictionnaire du Commerce, de Trévoux y & de Charniers. (G) ENTREMISES , f. f. (Manne) ce font de petites pièces de bois , qui étant pofées dans un vaiilèau entre les autres , les tien- nent fujettes & fervent auffi à les renfor- cer. Voye\9PL iV^fig. 1 , n. zzy,\cs entremifes du lecond pont au milieu enrre les caillebotis ; n. z 48 , entremifes du gaillard derrière au milieu entre les caille- botis. Entremifes emmorto: fées dans les équil- letes , & régnant le long des ferre - bou- quieres. Entremifes Ce dit auffi de certaines pie- ces de bois qui font pofées entre les ta- quets ou fuleaux du cabeflan , pour [es tenir. (Z) ENTRE-NERF, f, m. pi. {Reliure.) ce font les efpaces que laiflênt entr'eux , fur le dos, les ficelles auxquelles les livres font coufus. On remplit les entre-nerfs de dorure. Voye\ DORER. ENTRE-PLANTER , v. aâ. (Agri- culture.) c'eft planter du cherclu à la place des ieps qui ont manqué. ENTRE-POINTILLÉ, adj. il fe dit, che\ les Graveurs en bois , des tailles entre leiquelle.s il y a du pointillé. Tailles entre- pointillés. (Papillon.) ENTREVAUX , (Géographie.) ville de Provence , en France ; elle efl fituée fur le Var. Long. £.4 y 4.6 , lat. 44. z. ENTR'OUVERT , adj. (Manege^Ù Maréchallerie.) cheval qui a fait un eiFort violent. Voye\ ECART. ENTR'OUVERTURE , f. f. (Manège ^Maréchallerie.) terme par lequ el on dé- fignela maladie qui réfulte d'un violent écart. Voyez ECART, (e) ENTRE-PAS,. E NT ENTRE-PAS , f. m. (Manège.) allure | défe&ueufè , train rompu du cheval. Voye\ Manège, (e) ENTRE-PILASTRE, f. m. en Archi- tecture , c'eft l'efpace qui eft entre deux pilaftres. (P) ENTREPOSER , v. ad. (Commerce.) mettre des marchandifes dans un magafin d'entreDÔt. Voye^ ENTREPÔT. (P) -ENf REPOSEUR , f. m. (Commerce) commis qui a foin d'un magafin ou d'un bureau d'entrepôt. L'auteur du dictionnaire de commerce obferve que ce terme eft nouveau , & ne le trouve dans aucun ade public avant la déclaration du roi, du 10 octobre 1723 , qui accordant à la compagnie des Indes l'exploitation de la vente exclufive du café , porte qu'elle pourra établir des ma- gafins , bureaux & entrepôts , & y pré- pofer tels receveurs , gardes-magafins , & entrepofeurs , en tel nombre & dans telles villes & lieux qu'elle jugera "néceffaire. Dicl. de Comm. de Tre'v.&Chambers. (G) ENTREPOT, f. m. (Commerce) lieu de réferve où l'on dépofe quelque chofe qui vient du dehors , & où on le garde pendant quelque temps pour l'en tirer & pour l'envoyer ailleurs. Villes d'entrepôt , font des villes dans lesquelles arrivent des marchandifes pour y être déchargées , mais non pas vendues , & d'où elles paffent aux lieux de leur def- tination , en les chargeant fur d'autres voi- tures , foit par terre , foit par eau. Srnyrne eft la principale ville du Levant où les François , les Anglois , les Hollandois , & les autres nations font t entrepôt de leurs magafins pour la Perfe & Les états du grand-feigneur. Batavia eft V entrepôt de la compagnie de Hollande, pour le com- merce des Indes orientales. Nous avons en France plufieurs villes d'entrepôt, tant pour les marchandifes qui viennent de l'é- tranger , que pour celles du royaume qui doivent palier dans les états voiflns. CommiJJîonnaires d'entrepôt; ce font des fadeurs qui rélident dans les villes d'entre- pôt , où ils ont foin de retirer les marchan- difes qui arrivent pour leurs commettans, & de les leur faire tenir. Voye\ COMMIS- SIONNAIRE. Tome XII. ENT 5£<> Magafin d'entrepôt , eft un magafin établi dans quelques bureaux des cinq greffes fermes , en conféquenc% de l'ordonnance de 1664 & de celle de 1684. , pour y rece- voir les marchandifes deftinées pour les- pays étrangers. Les villes où il y a de ces fortes de magafins , font la Rochelle , In- grande, Rouen, le Havre -de- Grâce , Dieppe, Calais, Abbeville , Guiie , Troyes, &c Saint-Jean de Lofne. Les étrangers & les François ont également droit d'y interpofer leurs marchandifes , qui rie font fujettes à aucun droit d'entrée & de fortie , pourvu qu'elles (oient transportées hors du royaume dans fix mois , par les mêmes lieux par les- quels elles font entrées. Ces magafins font fermés à deux clefs , dont une refte entre les mains du fermier, l'autre en celles d'un député des marchands. Pour y interpofer des marchandifes, les négocians ou voituriers doivent repréfenter leurs lettres de voiture ou connoiflemens au commis, avec la déclaration en détail de ce qui eft contenu dans les ballots & paquets , pour en être fait la vérification & être enfuite (celles & plombés. Aucune marchandée ne peut ètreinterpofée, à moins que la deftination n'en foit faite par lefdites lettres de voiture & connoiflemens , & elle ne peur être enfuite vendue dans le royaume , à peine de confifeation & de cinq cents livres d'amende. Tout autre magafin d'entrepôt , hors ceux qui font marqués ci-defîùs , font défendus dans les quatre lieues proche les frontières de la ferme , & dans les huit lieues près de la ville de Paris, à peine de confifeation & de trois cents livres d'amende. Entrepôt, fe prend auili pour une per- fonne interpofe'e. Ecrire par entrepôt , c'eft écrire par le moyen d'une perlonne dont on eft convenu avec fon correfpondant. Dictionnaire de commerce, de Trévoux & de Chambers. (G) Entrepôt de Tabac. C'eftle lieu où l'on vend le tabac. Le tabac eft une herbe originaire des pays chauds , ammoniacale , acre, cauftique , narcotique venéneufe , laquelle cependant , préparée par l'art , eft devenue dans le cours d'un fiecle , par la bizarrerie de la mode & de l'habitude , la plante la plus cultivée , la plus recherchée, Cccc 57o E N T & l'objet des délices de prefque tout le monde qui en fait ufage , foit par le nez , en poudre ; Toit en fumée , avec des pipes ; foit en machicatoife , foit autrement. On ne la connoît en Europe , que depuis la découverte de l'Amérique , par les Efpa- gnols ; & en France , depuis Tan 1560. On dit qu'Hermandès de Tolède eft un des premiers qui l'aient envoyée en Efpagne & en Portugal. Les auteurs la nomment en latin nicotiana, petun^m, tabacum, &c. Les Américains qui habitent le continent , l'ap- pellent petun , & ceux des îles , y oit. Les François lui ont suffi donné fucce- livement diflérens noms. Premièrement , ils l'appellerent nicotiane , de Jeai>Nicot , am- bafîàdeur de François II , auprès de Sébas- tien , roi de Portugal, en 1 5 59 , 1560 & 1^61 ; miniftre connu des favans par divers ouvrages , & principalement par fon dic- tionnaire François-Latin , in- fol. dont notre langue ne peut fe palier. Il envoya cette plante de Portugal en France , avec de la graine pour en fèmer , dont il fit prêtent à Catherine de Médicis , d'où vient qu'on la nomma herbe à la reine. Cette princefie 'ne put cependant jamais la faire appeller mé- dicée. Enfuite on nomma le tabac , herbe du grand-prieur , à caufe du grand-prieur de France de la maifon de Lorraine , qui en ufoit beaucoup ; puis V herbe de fainte- croixy & X herbe de tournabon y du nom des deux cardinaux , dont le dernier étoit nonce en France , & l'autre en Portugal ; mais enfin , on s'eft réduit à ne plus l'appeller que tabac , à l'exemple des Efpagnols , qui nommo;ent tabaco l'inftrument dont ils fe fervoierft pour former leur petun. Sa racine eft annuelle ; fon calice eft ou long , tubuleux , & partagé en cinq quar- tiers longs & aigus ; ou ce calice eft court, large, & partagé en cinq quartiers obtus. Sa fleur eft monopétale , en entonnoir , dé- coupée en cinq fegmens aigus & profonds, étendus en étoile ; elle a cinq étamines ; fon fruit eft membraneux , oblong , ron- delet , & divifé par une cloifan en deux cel- lules. On compte quatre efpeces principales de tabac ; [avoir , i°. nicotiana major , lati- folia , C. B. P. en François grand tabac, grand pîtun \ 2/°, nicotiana major 3 augufti E N T folia, I.R.B. C.B. P. 30. nicotiana minor, C. B. P. 40. minor yfoliis rugojioribus . La première efpece poufïê une tige à la hauteur de cinq ou fix pies , grolïê comme le pouce , ronde , velue , remplie de moelle blanche. Ses feuilles font très-larges épaiflès, moliaiiès , d'un verd fàle , d'environ un pié de long , fans queue , velues , un peu pointues , nerveufes , glutineufes au tou- cher , d'un goût acre & brûlant. Ses fleurs croiflènt au iommet des tiges ; elles font d'un rouge pâle, divifées par les bords en cinq fegmens , & reflèmblant à de longs tubes creux. Ses vaiflèaux féminaux font longs , pointus par le bout, divifés en deux loges, & pleins d'un grand nombre de petites femences brunes. Sa racine eu fibreufe , blanche, d'un goût fort âcie. Toute la plante a une odeur fort nauiëa- bonde. Cette efpece diminue confiderable- ment en léchant, & comme on dit aux iles , à la pente ; cette diminution cil caufe que les Anglois en font moins de cas que de la féconde efpece. En échange , c'eft celle qu'on préfère pour la culture en Alle- magne, du coté d'Hanovre & de Stras- bourg , parce qu'elle eft moins délicate. La féconde efpece diffère de la précé- dente , en ce que fes feifilles -font plus étroites , plus pointues , & attachées à leur tige par des queues afiez longues ; fon odeur eft moins forte , fa fumée plus douce & plus agréable au fumeur. On cultive beau- coup cette efpece dans le Bréfd , à Cuba, en Virginie & en d'autres lieux de l'Amé- rique , où les Anglcis ont des établi fïèmens. La troifieme efpece vient des colonies Françoifes , dans les Indes occidentales , & elle réuflit fort bien dans nos climats. La quatrième efpece , nommée petit tabac Anglois , eft plus baffe & plus petite que les précédentes. Ses tiges , rondes & velues , s'élèvent à deux ou trois pies de hauteur. Ses feuilles inférieures font affez larges, ovales, émoufîees par la pointe, & gluantes au toucher ; elles font plus pe- tites que les feuilles des autres efpeces de tabacs ; celles qui croiffent fur les tiges , font auiïï plus petites que les inférieures, & font rangées alternativement. Ses fleurs font creufes* & en entonnoir ; leurs feuilles font divifées par le bord en cinq fegmens j E N T elles font d'un verd jaunâtre, & placées dans des calices velus. Ce tabac a la femence plus grofle que la première efpece ; cette îemence fe forme dans des vaiifeaux fémi- naux ; on la feme dans des jardins , & elle .fleurit en juillet & en août. Toutes les nicotianes dont on vient de parler, font cultivées dans les jardins bo- taniques par curiofité ; mais le tabac fe cultive pour Pillage en grande quantité dans plufieurs endroits de l'Amérique , lur- rout dans les îles Antilles , en Virginie , à la Havane , au Bréiil , auprès de la ville de Comana , & c'efl ce dernier qu'on nomme tabac de Verine. Le tabac croît auffi par-tout en Perfe , particulièrement dans la Sufiane , à Hama- dan , dans la Caramanie déferte > & vers le fem Perfique; ce dernier cil le meilleur. On ne fait point fi cette plante efl origi- naire du pays , ou fi elle y a été tranfportée. On croit communément qu'elle y a paffé d'Egypte , & non pas des Indes orientales. II nous vient du tabac , du levant , des côtes de Grèce & l'Archipel , par feuilles attachées enfemble. Il s'en cultive auffi beau- coup en Allemagne & en Hollande. Avant que fa culture fut prohibée en France , elle y étoit très-commune , & il réuffifïbit à merveille , particulièrement en Guienne , du côté de Bordeaux & de Clerac , en Bearn , vers^ Pau ; en Normandie , aux en- virons de Léry ; & en Artois , près Saint- Paul. On ne peut voir, fans furprife, que la poudre ou la fumée d'une herbe vené- neufe , foit devenue l'objet d'une fenfation délicate prefque univerfelle : l'habitude y changée en pafïîon , a promptement excité un zèle d'intérêt pour perfectionner la cul- ture & la fabrique d'une chofe fi recher- chée ; & la nicotiane efl devenue, par un goût général, une branche très-étendue du commerce de l'Europe , & de celui d'Amé- rique. A peine fut-elle connue dans les jardins des curieux, que divers médecins, ama- teurs des nouveautés , l'employèrent inté- rieurement & extérieurement à la guérifon des maladies. Ils en tirèrent des eaux dif- îilées , & de l'huile par infufion ou par délation ; ils en prép.îfërcnt ac's lirons & ENT J7l des onguens, qui fubfifîent encore au- jourd'hui. Ils la recommandèrent en poudre , en fumée, en machicatoire, en errhine,pour purger , difoient-ils , le cerveau , & le dé- charger de fa pituite furabondante. Ils louèrent fes feuilles appliquées chaudes pour les tumeurs œdémateufes y les dou- leurs de jointures , la paralyfie , les furon- cles , la morfure des animaux venimeux ; ils recommandèrent auffi ces mêmes feuilles broyées avec du vinaigre , ou incorporées avec des graines en onguent , & appliquées à l'extérieur pour les maladies cutanées ; ils en ordonnèrent la fumée , dirigée dans la matrice , pour les fufFocations utérines ; ils vantèrent la fumée , le fuc & l'huile de cette herbe , comme un remède odontal- gique ; ils en prefcrivirent le firop dans les toux invétérées , l'allume , & autres mala- dies de la poitrine. Enfin , ils inondèrent le public d'ouvrages compofés à la louange de cette plante ; tels font ceux de Monardes, d'Everhartus , de Néander, &c. Mais plufieurs autres médecins , éclairés par une théorie & une pratique plus fa- vante , penferent bien différemment des propriétés du tabac pour la guérifon des maladies; ils jugèrent, avec raifon, qu'il n'y avoit prefque point de cas où fon ufage dût être admis. Son âcreté , fa cauflicité , fa qualité narcotique le prouvent d'abord . Sa laveur nauféabonde efl un figne de fa vertu émétique & cathartique ; cette faveur, qui efl encore brûlante & d'une acrimonie qui s'attache fortement à la gorge, montre une vertu purgative très-irritante. Mais en même temps que la nicotiane a ces quali- tés,, fon odeur fétide indique qu'elle agit par flupéfa&ion furies efprits animaux, de même que le flramonium , quoiqu'on ne puifïê expliquer comment elle poflède à la fois une vertu flimulante & fomnifere ; peut-être que fa narcoticite dépend de la vapeur huileufe & fubtile dans laquelle fon odeur confifle. .Sa poudre forme, par la feule habitude, une titillation agréable fur les nerfs delà membrane pituitaire. Elle y excite , dans le commencement , des mouvemens convul- fifs , cnfuiteune fenfation plus dôu'e, & m-eat H Ê pot c 572 E N T touillement, que cette poudre {bit plus aiguifée & plus pénétrante. C'eft ce qui a engagé des détailleurs, pour débiter leur tabac aux gens qui en ont fait un long ufage , de le fufpendre dans des retraits, afin de le rendre plus acre > plus piquant , plus fort ; & il faut avouer que l'analogie eft bien trouvée. D'autres le mettent au ka- rabé pour l'imbiber tout d'un coup d'une odeur ammoniacale , capable d'affecîer l'or- gane ufé de l'odorat. La fumée du tabac ne devient un plaifir à la longue , que par le même méchanifme ; mais cette habitude eft plus nuifible qu'utile. Elle prive l'eftomac du fuc falivaire qui lui eft le plus néceuaire pour la digeftion ; aufli les fumeurs font-ils obligés de boire beau- coup pour y remédier , & c'eft par cette raifon que le tabac fupplée dans les camps à la modicité des vivres du malheureux foldat. La m&chication du tabac à les mêmes in- convéniens , outre qu'elle gâte l'haleine , les dents , & qu'elle corrode les genci- ves. Ceux qui fe font avifés d'employer pour remède le tabac en petits cornets dans les narines , & de l'y laifîèr pendant le fommeil , ont bientôt éprouvé le mauvais effet de cette herbe ; car fcs parties huileufes & fub- tiles , tombant dans la gorge & dans la trachée-artere , caufent au réveil , des toux feches & des vomiffemens violens. Quant à l'application extérieure des feuilles du tabac , on a des remèdes beau- coup meilleurs dans toutes les maladies , pour lefquelles on vante l'efficace de ce to- pique. Sa fumigation eft très-rarement convenable dans les fufTocations de la ma- trice. L'huile du tabac irrite fouvent le mal des dents ; & quand elle le diflïpe, cen'eft qu'après avoir brûlé le nerf par {a caufticité. Si quelques pcrfonnes ont appaifé leurs douleurs de dents , en fumant la nico- tiane , ce font des gens qui ont avalé de la fumée , & qui s'en font enivrés. On ne per- fuadera jamais aux Phyficiens qui con- noiffent la fabrique délicate des poumons , que le firop d'une plante acre & caufti- que fbit recommandable dans les maladies de la poitrine. ENT La décoction des feuilles de tabac eft ua vomitif, qu'il n'eft guère permis d'em- ployer , foit de cette manière , foit en remède , que dans les cas les plus pref- fàns , comme dans l'apoplexie &: la lé- thargie. L'huile diftilée de cette plante eft un fi puiffant émétique , qu'elle excite quelque- fois le vomiilement , en mettant pendant quelque temps le nez fur la fiole dans laquelle on la garde. Un petit nombre de gouttes de cette huile injedées dans une plaie , caufe des accidens mortels , comme l'ont prouvé des expériences faites fur divers animaux , par Harderus & Redi. Si quelque recueil académique contient des obièrvations ridicules à la louange du tabac , ce font aflurément les mémoires des curieux de la nature ; mais on n'eft pas plus fàtisfait de celles qu'on trouve dans la plupart des auteurs contre l'ufage de cette plante. Un Pauli , par exemple , nous allure que le tabac qu'on prend en fumée , rend le crâne tout noir. Un Borrhy } dans une lettre à Bartholin , lui mande qu'une ptrfonne s'étoit 'tellement defïéchée le cer- veau à force de prendre du tabac , qu'après « fa mort on ne lui trouva dans la tête qu'un grumeau noir , compofé de membranes. Il eft vrai que dans le temps de tous ces écrits, le tabac avoit allumé une guerre civile entre les médecins, pour ou contre (on ufage , & qu'ils employèrent fans fcru- pule, le vrai & le f;ux pour faire triom- pher leur parti. Le roi Jacques lui-même , fe mêla de la querelle ; mais fi Ion règne ne fut qu'incapacité , fon érudition n'étoit que pédanterie. (D. J.) Culture du tabac. Ce fut vers l'an iÇio que les Eîpagnols trouvèrent cette plante dans le Jucatan , province de la Terre- Ferme \ & c'eft de là que fa culture a paffé à Saint - Domingue , à Mariland , & à la Virginie.. Vers l'an 1560, Jean Nicot , à fon retour de Portugal, préfenta cette plante à Catherine de Médicis ; ce qui fit qu'on I'appella la nicotiane. Le cardinal de Sainte- Croix & Nicolas Tornaboni la vantèrent en Italie fous le nom iïherbe fainte , que les Efpagnols lui avoient donné à caufe de les vertus. Cependant l'herbe fainte , loin E N T d'être également accueillie de tout le monde*,* alluma la guerre entre les favans ; les igno- rans en grand nombre y prirent parti , & les* femmes même fe déclarèrent pour ou con- tre une choie qu'elles ne connoirîoient pas mieux que les affaires férieufes qui fe pal- foient alors en Europe , & qui en changè- rent toute la face. On fit plus de cent volumes à la louange ou au blâme du tabac, un Allemand nous en a confervé les titres. Mais malgré les adverlaires qui attaquèrent l'ufàge de cette plante , fon luxe feduifît toutes les nations , & fe répandit de l'Amérique jufqu'au Japon. Il ne faut pas croire qu'on le combattit feulement avec la plume ; les plus puiffans monarques le profcrivirent très-févércment. Le grand duc de Mofcovie , Michel Féde- rowits , voyant que la capitale - de les états , bâtie de maiions de bois , avoit été prefque entièrement confumée par un in- cendie , dont l'imprudence des fumeurs qui s'endormoient la pipe à la bouche , fut la caufe , défendit l'entrée & l'ufage du tabac dans Ces états ; premièrement fous peine de la baflonade, qui efl un châ- timent très-cruel en ce pays-là; enfuite fous peine d'avoir le nez coupé ; & enfin , de perdre la vie. Amurath IV , empereur des Turcs , & le roi de Perfe Scach-Sophi firent les mêmes défenfes dans leurs em- pires & fous les mêmes peines. Nos mo- narques d'occident , plus rufés politiques , chargèrent de droits exorbitans l'entrée du tabac dans leurs royaumes, & laifïèrent établir un ufage qui s'ef^ à la fin changé en nécefllté. On mit en France en 1629 trente fous par livre d'impôt fur le pétun , car alors le tabac s'appelloit ainfi ; mais comme la confommation de ce nouveau luxe efl devenue de plus en plus confidé- rable, on en a multiplié proportionnelle- ment les plantations dans tous les pays du monde. On peut voir la manière dont elles fe font à Ceylan , dans les Tranfacl. philof. n°. zy$ , p. z 14$ & fuiv. Nous avons fur- tout des ouvrages précieux écrits en Anglois , fur la culture du tabac en Mariland & en Virginie ; en voici le précis fort abrégé. On ne'connoû en Amérique que quatre r i . E N T '7Î fortes de tabacs ; le pétun , le tabac à lan- gue , le tabac d'amazone , & le tabac de Verine ; ces quatre elpeces fleurirent & portent toutes de la graine bonne pour fe reproduire , toutes les quatre peuvent croître à la hauteur de 5 ou 6 pies de haut , & durer plufieurs années, mais ordinairement on les arrête à la hauteur de deux pies , & on les coupe tous les ans. Le tabac demande une terre gralîe , médiocrement forte , unie , profonde , & qui ne foit pas fujette aux inondations ; les terres neuves lui font infiniment plus pro- pres que celles qui ont déjà fervi. Après avoir choifi fon terrain , on mêle la graine du tabac avec fix fois autant de cendre ou de fable , parce que fi on la fe- moit feule , fa petiteife la feroit pouffer trop épais , & il feroit impoflible de tranf- planter la plante fans l'endommager. Quand la plante a deux pouces d'élévation hors de terre , elle efl bonne «à être tranfplantée. On a grand foin de farder les couches , & de n'y laifler aucunes mauvaifes herbes , dès que l'on peut diflinguer le tabac ; il doit toujours être feul & bien net. Le terrain étant nettoyé , on le partage en allées diflantes de trois pies les unes des autres , & parallèles , fur lefquelles on plante en quinconce des piquets éloignés les uns âes autres de trois pies. Pour cet effet, on étend un cordeau divifé de trois en trois pies par des nœuds , ou quelques autres marques apparentes , & l'on plante un piquet en terre à chaque nœud ou marque. Après qu'on a achevé de marquer les nœuds du cordeau , on le levé , on l'étend trois pies plus loin , obfervânt que le premier nœud ou marque ne correfponde pas vis-à-vis d'un des piquets plantés , mais au milieu de l'efpace qui fe trouve entre deux piquets , & on continue de marquer ainfi tout le terrain avec des piquets , afin de mettre les plantes au lieu des piquers , qui , de cette manière , fe trouvent plus en ordre , plus ailées à farder , & éloignées les unes des autres fuffifamment pour pren- dre la nourriture qui leur efl nécefîaire. L'expérience* fait connoître qu'il efl plus 4 propos de planter en quinconce , qu'en, carré , & que les plantes ont plus d'elpacs 574 ENT pour étendre leurs racines , & pouffer les feuilles , que fi elles faifoient des carrés parfaits. II faut que la plante ait au moins fix feuilles pour pouvoir être tranfplantée. Il faut encore que le temps fort pluvieux ou tellement couvert, que Ton ne doute point •que la pluie ne (bit prochaine ; car de tranfplanter en temps fec , c'eft rifquer de perdre tout fon travail & (es plantes. On levé les plantes doucement , & fans en- dommager les racines. On les couche pro- prement dans des paniers , & on les porte à ceux qui doivent les mettre en terre. Ceux- <\ font munis d'un piquet d'un pouce de diamètre , & d'environ quinze pouces de longueur , dont un bout eft pointu, & l'autre arrondi. Ils font avec cette efpece de poinçon un trou à la place de chaque piquet qu'ils lèvent , & y mettent une plante bien droite , les racines bien étendues : ils l'enfoncent jufqu'à l'oeil , c'eïl-à-dire , jufqu'à la naif- fance des feuilles les plus baffes , & pref- fent mollement la terre autour de la racine, afin qu'elle foutienne la plante droite fans îa comprimer. Les plantes ainfi miles en ferre, & dans un temps de pluie, ne s'ar- rêtent point , leurs feuilles ne fouffrent pas la moindre altération , elles reprennent en 24 heures , & profitent à merveille. Un champ de cent pas en carré contient environ dix mille plantes : on compte qu'il faut quatre perfonnes pour les entretenir , & qu'elles peuvent rendre quatre mille livres pefant de tabac , félon la bonté de la terre , le temps qu'on a planté , & le foin qu'on en a pris ; car H ne faut pas s'imaginer qu'il n'y a plus rienàfaire, quand la plante eft une fois en terre. Il faut travailler fans celTe à farder les mauvaifes herbes , qui confbmmeroient la plus grande partie de fa nourriture. Il faut l'arrêter , la rejeton- ner , ôter les feuilles piquées de vers , de chenilles , & autres infectes ; en un mot avoir toujours les yeux & les mains defîùs jufqu'à ce qu'elle foit coupée. Lorfque les plantes font arrivées à la hauteur de deux pies & demi, ou environ , & avant qu'elles fieuriiTent , on les arrête , c'eft-à-dire , qu'on coupe le fommet de chaque rke-, pour IVnpecljer de croître ENT * de fleurir ; & en même temps on arrache les feuilles les plus baffes , comme plus dif- T^ofées à toucher la terre , & à fe remplir d'ordures. On ôte aufli toutes celles qui font viciées , piquées de vers , ou qui ont quelque difpofition à la pourriture , & on fè contente de laifîer huit ou dix feuilles tout au plus fur chaque tige , parce que ce petit nombre bien entretenu rend beau- coup plus de tabac > & d'une' qualité infi- niment meilleure , que fi on laifîoit croître toutes celles que la peinte pourroit produire. On a encore un foin particulier d'ôter tous les bourgeons ou rejetons que la force de la fève fait pouffer entre les feuilles & la tige ; car outre que ces rejetons ou feuilles avortées ne viendroient jamais bien , elles artireroient une partie de la nourriture des véritables feuilles qui n'en peuvent trop avoir. * Depuis que les plantes font arrêtées juf- qu'à leur parfaite maturité, il faut cinq à fix femaines , félon que la faifon eu chaude , que le terrain eft expofé , qu'il efî fec ou humide. On vifite pendant ce temps-là , au moins deux ou trois fois la femaine , les plantes pour les rejetoner^, c'eft-à-dire , en arracher tous les rejetons , fauffes tiges ou feuilles , ' qui naiffent tant fur la tige qu'à fon extrémité , ou auprès des feuilles. • Le tabac eu ordinairement quatre mois ou environ en terre , avant d'être en état d'être coupé. On connoît qu'il approche de fa maturité , quand fes feuilles com- mencent à changer de couleur , & que leur verdeur vive & agréable , devient peu à peu plus obfcmre : elles penchent alors vers la terre , comme fi la queue qui les attache à la tige , avoit peine à foutenir le poids du fuc dont elles font remplies : l'odeur doute qu'elles avoient , fe fortifie , s'augmente , & fe répand plus au loin. Enfin , quand on s'apperçoit que les feuilles caffent .plus facilement lorfqu'on les ploie , c'eft un ligne certain que la plante a toute la maturité dont elle a bèfqin , & qu'il eu temps de la couper. On attend pour cela que la rofée foit tombée , & que le foleil ait defîeché toute l'humidité qu'elle avoit répandue fur les feuilles : alors on coupe les plantes par le nié, Quelques-uns les coupent entre deux EN T terres , c'efl-à-dire , environ un pouce au défions de la fuperficie de la terre ; les au- tres à un pouce ou deux au defTûs ; cette dernière manière eft la plus ufitée. On laiffe les plantes ainfi coupées auprès de leurs fiauches le relie- du jour , & on a foin de les retourner trois ou quatre fois, afin que le foleil les échauffe également de tous les côtés., qu'il confomme une par- tie de leur humidité , & qu'il commence, à exciter une fermentation néceffaire. pour mettre leur fûc en mouvement. Avant que le foleil fe couche , on les tranfporte dans la café qu'on a préparée pour les recevoir , fans jamais laiffer paffer la nuit à découvert aux plantes coupées , parce que la rofée qui eft très-abondante dans ces cli- mats chauds , rempliroit leurs pores ou- verts par la chaleur du jour précédent , & en arrêtant le mouvement de la fermen- tation déjà commencée , elle difpoferoit la plante à la corruption & à la pourri- ture. C'efl pour augmenter cette fermenta- tion que les plantes coupées & apportées dans la café , font étendues les unes fur les autres , & couvertes de feuilles de ba- lifier amorties, ou de quelques nattes, avec des planches par-deflus , & des pierres pour les tenir en iujétion : c'eft ainfi qu'on les laiffe trois ou quatre jours , pendant lelquels elles fermentent, ou pour parler comme aux îles Françoiies, elles reffuent; après quoi on les fait lécher dans les cafés ou fueries. On y conflruit toujours ces maifons à portée des plantations ; elles font de différ- rentes grandeurs , à proportion de l'éten- due des plantations ; on les bâtit avec de bons piliers de bois fichés en terre & bien traverfcs par des poutres & poutrelles , pour fou tenir le corps du bâtiment. Cette car- cafîe faite , on la garnit de planches , en les pofant l'une fur l'autre , comme l'on borde un navire , fans néanmoins que ces planches foient bien jointes ; elles ne font attachées que par des chevilles, de bois. La couverture de la mai (on eft aufiî couverte de planches , attachées l'une fur l'autre fur les chevrons , de manière que la pluie ne puiffe entrer dans la maifon . : E N T 575 & cependant on obferve de laiffer une ou- verture entre le toit & le corps du bâti- ment , en forte que l'air y parte fans que la pluie y entre , parce qu'on entend bien que le toit doit déborder le corps du bâ- timent. On n'y fait point de fenêtres , on y voit affez clair, le jour y entrant futli-' iàmment par les portes & parles ouver- tures pratiquées entre le toit & le corps du bâtiment. Le fol ordinaire de ces maifons eft la terre même; mais comme on y pofe les tabacs , & que dans des temps humides îa fraîcheur peut les humecter & ks corrom- pre, il efl plus prudent de faire des plan- chers , que l'on forme avec des poutrelles & des planches chevillées par-defïï:s. La hauteur du corps du bâtiment efl de quinze à feize pies , celle du toit juiqu'au faîte de dix à douze pies. En dedans du bâtiment , on y place en travers de petits chevrons qui font chacun de deux pouces & demi en carré ; le pre- mier rang efl pofé à un pie & demi , ou' deux pies au deffous du faîte , le deuxième rang à quatre pies & demi au deffous , le troifieme de même, &c. jufqu'à la hau- teur de l'homme : les chevrons font ranges à cinq pies de diltance l'un de l'autre ils fervent à pofer les gaulettes auxquelles; on pend les plantes de tabac. Dès que le tabac a été apporté dans des - civières à la fuerie; on le fait rafraîchir en étendant fur le plancher des lits de trois plantes* couchées l'une fur l'autre. Quand il s'eff rafraîchi environ douze heures , on paffe dans le pie de chaque plante une brochette de bois , d'une façon à pouvoir être accrochée & tenir aux gaulettes , & tout de fuite on les met ainfi à la pente en obfervant de ne les point prefîêr l'une contre l'autre. On laiffe les plantes à la pente jufqu'à ce que les feuilles foient bien lèches; alors on profite du premier temps humide qui arrive , & qui permet de les manier fans les brifer. Dans ce temps fa<- vorable on détache les plantes de la pente , & à mefure on arrache les feuilles de la tige , pour en former des manoques ; cha- que manoque efl compofée de dix à douze ' feuilles , &' elle fe lie avec une feuille» Quand la manoque n'a point d'humidité^ , V* ENT & qu'elle peut être preflee , on la met en boucaux. Le tabac fort de Virginie fe cultive en- core avec plus de foin que le tabac ordi- naire , & chaque manoque de ce tabac fort n'eft compofee que de quatre à fix feuilles , fortes , grandes , & qui doivent être d'une couleur de marron foncé; on voit par là, qu'on fait en Virginie deux fortes de raa- noques de tabac , qu'on nomme première & féconde forte. Quant au merrain des boucaux , on fè fert pour le faire du chêne blanc, qui eft un bois fans odeur ; d'autres fortes de bois font également bons , pourvu qu'ils n'aient point d'odeur. On diftribue le bois en mer- rain , au moins fix mois avant que d'être • employé. Les boucaux fe font tous d'une même grandeur ; ils ont 4 pies de haut fur 31 pouces d« diamètre dans leur mi- lieu ; ils contiennent <> ou 600 liv. de tabac feulement preffés par l'homme, & jufqu'à ioco livres lorfqu'ils font preffës à lapreffe ; les boucaux du tabac fort pefent encore davantage. Telle eft la culture du tabac que les fermiers de France achètent des Anglois pour environ quatre millions chaque année. Il eft vrai cependant que quand le revenu du tabac feroit , comme on l'a dit . pour eux de quarante millions par an , il ne fur- pafTeroit pas encore ce que la Louifiàne mife en valeur pour cette denrée , produi- roit annuellement à l'état au bout de quinze ans ; mais Jamais les tabacs de la Louifiane ne feront cultivés & achetés fans la liberté du commerce. ( Le chevalier de Jau- COVRT. ) f ENTREPRENDRE , v. ad. ( Gramm.) c'eft en général fe charger de la réuffite d'une affaire , d'un négoce , d'une manu- facture , d'un bâtiment , &c. La compagnie de l'Aflicnte a entrepris la fourniture des nègres pour l'Amérique Efpagnole. Le fieur Cadeau eft le premier qui ait entrepris en France la manufacture des draps façon de Hollande. Ce maître maçon a entrepris ce bâtiment , & doit le rendre la clef à la main. Voye\ Entrepreneur. ( G ) ENTREPRENEUR , f. m. ( Gramm. ) il fe dit en général de celui qui le charge d'un ouvrage ; on dit un entrepreneur de ENT manufactures , un entrepreneur deMtimensT' pour un manufacturier , un maçon. Voye\ Manufacturier, Maçon. Entrepreneur en 'Bâtiment, eft celui qui fe charge, qui entreprend , & qui conduit un bâtiment pour certaine fomme , dont il eft convenu avec le pro- priétaire , foit en bloc ou à la toifè. ( P ) Entrepreneur , ( Manne. ) c'eft ce- lui qui s'engage à faire fabriquer & fournir un vahTeau tout conftruir, aux termes d'un certain devis qui fe fait entre lui & l'ache- teur , pour le prix dont ils font conve- nus. ( Z ) * ENTREPRISE, f. f. ( Gramm. ) c'eft en général , ou le deffein d'exécuter quelque chofe , ou l'exécution même de ce deffein. On dit d'un homme , qu'il ne voit pas tous les dangers de fon entreprife ; que [on entreprife lui a réujfi; qu'il y agagne' cent mille e'cus. Entreprife , dans un autre fèns , eft fynonyme à ufurpation , comme dans ces phrafes : la puiffance civile peut former des entreprifes fur la puiffance eccle'- fiaflrque ; la puiffance ecclefiaflique peut for- mer des entreprifes fur la puiffance fouve- raine. Le même terme a lieu , félon la même lignification , dans les arts & métiers. Si les maîtres de quelque communauté s'immif- çoient de faire des ouvrages qui fufïênt du reffort d'une autre communauté; comme fi les orfèvres vouloient débiter des pincettes de fer j ce qui appartient auxferruriers ; ces for- tes iï entreprife s occafioneroient infaillible- ment de grandes conteftations. Entreprise , ( An. Milit. ) c'eft , à la guerre , la réfolution que l'on prend d'exécuter quelque opération , comme de combattre , de faire un fiege , &c. 11 Quand une entreprife a été une fois » réfolue dans un confeil de guerre , il eft yy d'une extrême conféquence que les » officiers & les fbldats même ignorent » le pour & le contre ; car il y en a tou- » jours un fort grand nombre qui comptent a les avis plutôt qu'ils ne les pefent. Sou- » vent dans les confeil s ce ne font pas » les plus fages qui font les plus écoutés » & qui décident, mais ceux qui font à » la tête , à qui il eft permis de faire & de » dire tout ce qui leur plaît : outre que M l'on a de l'éloignement dans ces fortes » d'affemblées E N T w d'afîembîées pour tout . ce qui tend à ?> éviter ou retarder le combat , 7de peur w qu'on ne doute de, leur courage. Il ira- m porte donc que ceux qui ont été d'un » fentiment contraire , paroifTent approu- « ver ce qui s'y eft déterminé , quelque » mauvais qu'il puiffe être ; il faut qu'ils le » maintiennent publiquement ; ce qui fait »» que le général , ou celui qui en eft l'au- « teur , perd cette crainte que caufe ordi- » nairement le doute où l'on eft de ne pas « réunir. » Comment, fur Polybe y de M. le chevalier Folard , tom. IV y pag. i 6 'z. L'objet de l'auteur dans ces réflexions efl d'empêcher , loriqu'un général a une fois pris un parti qu'on croit dangereux , & dont on ne peut pas le diftraire , de lui donner , ainfi qu'aux officiers & aux foldats de l'armée , aucune inquiétude fur l'événe- ment ; parce que , comme il l'obferve avec beaucoup de raifon, la vérité qui frappe , & à laquelle on fe refufe, nous laijfe fouvent dans une fufpenjion d'efprit & une efpece de crainte de ne pas réujjir 9 qui efl toujours dangereufe. (O) ' ENTRER DANS LES COINS , en teK me de Manège y ledit du cavalier lorfqu' il tourne fon cheval dans les quatre coins du manège , en fuivant exactement la muraille. ENTRE-SABORS, f. m. {Marine.) bordages qui font entre les ouvertures des fabors , ou dans la diftance des fabors. Voye\ Bordages. (Z) ENTRE -SOL , f. m. petites pièces pratiquées au deflus d'un petit appartement à rez-de-chauflee , ou au premier étage d'un bâtiment , pour fe procurer quelques gardes-robes ou cabinets de plus dans un château ou maifon de plaifance. Ces entre- fols (ont quelquefois deftinés aufti à faire de petits appartenons d'hiver pour les maîtres , lorfque la cage du bâtiment eft peu fpa- cieufè , tels que font ceux que l'on a prati- qués au château de Marly pour Mefdames & madame la Dauphine; quelquefois aufll on y pratique des bains , des cabinets de toilette , Ùc. Les entre-fols doivent être dégagés par des efcaliers qui rendent leur communication facile avec les appartemens d'en bas & avec ceux d'en haut , en obfer- vant qu'ils foient éclairés , foit en lanternes , foit en abat-jours ou autrement. Tome XII, ENT m Quelquefois âuffi on pratique des entre- fols fans néceffité de logement , mais feule- ment pour corriger la trop grande élévation des planchers , qui , dans une pièce d'un petit diamètre , deviendront délagréables ; ce qu'on ne peut fouvent éviter à caufe de la grandeur des pièces de fociété , de parade , Ùc. Voyez FAUX-PLANCHER. ENTRE-TAILLES , fubft. f- mot ima- giné dans les principes de la Gravure en. bois y pour déiigner des tailles plus nour- ries à certains endroits que dans le refte de leur longueur ; c'eft ce que les graveurs; au burin ^appellent tailles rentrées celles fe font ordinairement à deux fois , c'eft-à- dire , que l'on repafîe un burin plus gros dans chaque taille pour la rendre plus épaifïc où il eft nécefTaire , tandis que celle de bois entre-taillé doit être gravée du premier coup comme il faut qu'elle refte , étant pour ainfi dire par endroit une taille entée fur une autre. Voy. à V article GRAVURE EN BOIS la façon de pratiquer les entre- tailles. Mellan , très-habile graveur au bu- rin , & qu'aucun autre n'a ofé imiter dans fà manière de graver , ne formoit tes om- bres que par des tailles rentrées ; ce qu'il faifoit d'un même coup de burin , tant il pofTédoit parfaitement le deflin : ainfi les graveurs en bois trouveront dans fes ou- vrages des entre-tailles de toutes façons: la fainte Face couronnée d'épines , de grandeur naturelle , eft un de {es morceaux les plus admirables. La taille commençant au bout du nez , allant toujours en, tour- nant fans difeontinuer , & embraffant toute la grandeur de l'eftampe , forme les yeux , la bouche , les cheveux , la couronne , le linge , & jufqu'aux gouttes de fang , parles feules forces ou gras de cette taille rentrée à propos aux endroits néceflaires : c'eft un miracle de l'art. François Chauveau , aufS célèbre graveur en cuivre , eft celui qui a le mieux approché de la manière de Mellan ; on le peut voir dans les planches du carrou- fel , & dans celles qu'il a faites pour plu- fieurs romans & poèmes , tels que le*Cyrus, la Cléopatre , la Clélie, S. Louis ou la fainte couronne recpnquife , Alaric , Clovis I & autres. (Papillon. ) * ENTRE-TAILLES,feditdanslaGra^wrc Dddd J7S ENT en bois } des tailles ménagées & faites entre d'autres tailles , & ordinairement plus fines & plus courtes que les autres ; c'efl ce que les graveurs en cuivre appellent entre-deux , ou également entre-tailles : elles fervent , tant dans l'une que dans l'autre gravure , à donner du brillant aux étoffes , à l'eau , aux métaux , &c. Voye\ à V article GRA- VURE EN BQIS , la manière de les exé- cuter. ( Papillon. ) ENTRETAILLER ( S' ) , S'ENTRE^ COUPER , SE COUPER ( Man&e , Maréchall. ) termes fynonymes, V, s'En*- TRE-COlfPER. ENTRETAILLURE , f. f. (Manège, Maréchall. ) c'efl* ainfi que quelques per- sonnes appellent les écorchures , ou les éroiiôns & les plaies , qui font une fuite des heurts & des frottemens du fer , ou du pié de l'animal contre le boulet de la jambe voifine de celle qui efl en action , lorfqu'il chemine & qu'il s'entaille ( voye \ s'EnTRE-COUPER ).Ces bleffures deman- dent à-peu-près le même traitement que celles qui naifïent de l'enchevêtrure (voye^ Enchevêtrure ). Mais on doit avoir attention d'entourer & de garnir la partie Méfiée , d'un cuir capable de la défendre de rimpreffion des nouveaux coups que le cheval pourroir fè donner en travaillant ; il efl même nombre de gens qui pour pré- venir Ventretaillure y ont à cet effet la pré- caution d'employer une efpece de botte allez défagréable à la vue , incommode pour les chevaux dans les commencemens , mais- qui néanmoins efl d'une réelle uti- lité, (e) ENTRETENU, adj. terme de Blafon , il fe dit de plufieurs clefs & autres chofes liées enfetnble par leurs anneaux. Clugny , en Bourgogne , d'azur à deux clefs d'or , adoffées en pals , & entretenues par le bas. ENTRETOÏSE, {.{.(Charpent.) il fe dit en général d'une pièce de bois placée entre deux autres , & afïemblée avec elles à renon & mortoife. U entre toi fe forme chaflis , & produit le même effet dans les ouvrages de charpente , que ce qu'on appelle traverfe dans les ou- vrages de menuifçrie. V&jre\ l'article Tra- verse, E N V ENTRETOÏSE , terme de Charron; c'eft un morceau de bois 'qui furmonte les deux moutons de derrière) & qui y efl enchâffë par des mortoifès , & qui les tient en état. ENTREVAL , f. m. ( Jurifp. ) quafi in- terrallum 9 terme ancien qui fè trouve dans quelques coutumes pour exprimer l'efpace qui efl entre deux maiibns. Voye\ la cou- tume de S. Sever y tit, 4- bâtir mai fons > article z. (A) ENTURE , f. f. Voyei les articles, Enter & Bas au métier. ENTURES , ( Carrier. ) c'efl ainfl qu'on, appelle les différentes pièces de bois don* l'échelle des carriers efl compofée. Le nom-» bre des entures efl d'autant plus grand , que- la carrière efl plus profonde ; la première des entures efl la plus grande, elle a dix pies ; les autres font moins hautes. ENVELOPPE, f.f. (Gram.) fediten général de tout ce qui fërt de couverture artificielle à quelque chofe ; ainfi le papier ou la toile qui fert à empaqueter & à cou-- vrir des marchand ifes , en efl une enve- loppe. On appelle même, papier d 'enveloppe & toile d'enveloppe , certaines fortes de papier & de toile qui fervent A cet ufage. ENVELOPPE : les arbres , les graines ont plufieurs enveloppes qui changent de déno-«. mination. Enveloppe , parmi les Bourjiers , eu le morceau de cuir qui couvre le bois d'une cartouche. ENVELOPPÉE , f. f. ou Sillon,; terme de fortification , par lequel on ex- prime une efpece d'ouvrage conflruit dans le fofTé , pour en diminuer la largeur,. Voyt\ Villon. ( Q) • ENVELOPPEMENT, (Co/n/ra.)aôion d'envelopper. Ce terme n'efl guère en ufage, * ENVELOPPER , v. aft. c'efl couvrir une chofe d'une autre qui s'applique exac- tement fur la première , en conféquence de fa flexibilité. Il fe dit au fimple & au. figuré» Envelopper , (Gramm.) c'efl couvrir d'une enveloppe de papier , de toile ou de carton , pour conièrver ou mettre en paquet. •EN VERGER , v. ad. che\ les B oise- liers ; c'efl garnir les foufflets de plufieurs E N V verge* ou baguettes de bois , qui font ©our- ' bées félon la forme des foufflets , & fur lefquelles s'applique le cuir qui les couvre. ÉNVERGER , dans les Manufactures de foie ; c'efl faire croifer les fils de foie fur fes doigts , de manière que l'un ne puiflfe pas paîfer devant l'autre , pour les difpofer enfuite fur des chevilles. On enverge auffi les femples , le rame , le corps , &e. & le terme enverge r n'a pas une acception autre , que quand il s'agit des fils de foie. ENVERGER UNE CORDE , terme de rivière ; c'eft la porter au deifus d'un pont , pour le pafîage d'un bateau. Il y a un offi- cier envergeur de corde au pont-royal. ENVERGEURE dun oifeau , (Hifl. nat. ) c'eft la longueur qu'occupent tes ailes déployées. ENVERGEURE , terme de la Fabrique des étoffes de foie. Les envergeures font de petits bouts de ficelle très-fine & très-dou- ce , qui fervent à enverger les chaînes avant de les lever de deffus l'ourdiffoir. Le même mot fe dit aufîï des ficelles de foie ou de fil qu'on pafle dans les deux féparations des fils de foie , &c. quand on les a envergés. ENVERGUER UNE VOILE oaEN- VERGUER LES VOILES, (Marine.) c'efl attacher & placer les voiles. Envergue* tout proche de la vergue y fans laiffer de jour entre deux. (Z) ENVERGURE, f.ri. (Marine.) c'eft la pofition ou Fanprtiment des vergues avec les mâts & les voiles. Ce mot fe dit auffi de la largeur des voiles ; ce qui s'en- tend par navire qui a beaucoup d'envergure , & navire qui a peu $ envergure. (Z) * ENVERS , f. m. (Gramm.) On donne généralement ce. nom à la face la moins belle ou la moins commode dans tout ou- vrage où l'on diftingue deux faces , dont l'une efl ou plus belle ou plus commode que l'autre ; ainfi le drap a fon envers y dont le côté oppofé s'appelle Y endroit. S'il •arrive que l'ouvrage foit auffi beau ou auffi commode à Y envers qu'à l'endroit , alors on dit qu'il a deux envers-, On. diroit plus exactement qu'il efl fan» envers , ou qu'il a deux endroits. ENVERSAIN , f. m. ( Mfinufacl. en E N V 579 drap. ) étoffés qu'on nomme autrement cordillats de Crefl. Voye^ CORDILLA.TS. • ENVIE , f. f . ( Morale. ) inquiétude de l'ame , caufée par la confidération d'un bien que nous defirons , & dont jouit une autre perfonne. 1 II réfulte de cette définition de M. Xocke , que Y envie peut avoir plufieurs degrés ; qu'elle peut être plus ou moins malheu- reufe , & plus ou moins blâmable. En gé- néral elle a quelque choie de bas , car d'or- dinaire cette fombre rivale du mérite ne cherche qu'à le rabaifîer , au lieu de tâcher de s'élever jufqu'à lui : froide & lèche fur les vertus d'autrui , elle les nie , ou leur refufe les louanges qui leur font dues. Si elle fe joint à la haine , toutes deux fe fortifient l'une l'autre , & ne font re~ oonnoiffables entr'elles , qu'en ce que la dernière s'attache à la perfonne , & la pre- mière à l'état , à la condition , à la for- tune , aux lumières ou au génie. Toutes deux multiplient les objets , & le« rendent plus grands qu'ils ne font ; mais Y envie eif. en outre un vice pufillanime , plus digne de mépris que de reffentiment. Sans rafïèmbler ici ce que les auteurs ont dit d'excellent fur cette paillon , il fuffiroit, pour fe préferver de fa violence , de confi- dérer l'envieux dans fes chagrins , ùs ref- fources & Ces délices. • Les objets qui donnent le plus de fatif- fa&ion aux âmes bien nées , lui caufent les plus vifs déplaifirs , & les bonnes qua- lités de ceux de fon cfpece lui deviennent ameres : le jeunefle , la beauté , la valeur , les talens , le favoir , &c. excitent fa dou- leur. Trifie état , d'être bleffé de ce que l'on ne peut s'empêcher de goûter & d'eftimer intérieurement ! Les reffources de Y envie fe bornent à ces petites taches & à ces légers défauts qui fe découvrent dans les perfonnes les plus illuftres. Sa joie & fes délices font à-peu-près femblâbles à celles d'un géant de roman , qui met fa gloire à tuer des hommes , pour orner de leurs membres les murailles de fon palais. On ne fauroit trop préfenter les malheu- reux effets de Y envie y lorfqu'elle porte les gens en place à regarder comme leurs Dddd 1 ffo E N V rivaux & comme leurs ennemis , ceux dont les confeils pourraient les aider à remplir leur ambition. Agéfilas , en mettant Lylàn- dre à la tète de Tes amis , fournit un exemple f enfible de fa fageffe. U'envie eft particulièrement la ruine des républiques. Tandis que les Achéens ne*< portèrent point d'envie à celui qui étoit le premier en mérite-, & qu'ils lui obéi- rent , non-feulement ils le maintinrent libres au rnilieu de tant de grandes villes , de tant de grandes puiffances , & de teint de tyrans , mais de plus , par cette fage conduite , ils affranchirent & fauverent la plupart des villes greques. Quoi qu'il en foit des efFets de l'envie contre les gens vertueux dans toutes iortes de gouvernemens , Pindare dit avec rai- fon que pour Pappailrr il ne faut pas abandonner la vertu ; ce feroit acheter trop cher la paix avec cette paffion lâ- che & maligne , d'autant plus qu'elle il- luflre fon objet , lorsqu'elle travaille à Pobfcurcir : car à mefure qu'elle s'acharne iur le mérite fupérieur qui la blefTe , elle rehaufîe l'éclat de l'hommage involontaire qu'elle lui rend , & manifefte davantage la balTèlTe de Famé qu'elle domine. C'eit ce qui faifoit dire à • Thémifîocle , qu'il n'envioit point le fort de qui ne fait point d'envieux ; & a Cicéron , qu'il «voit toujours été dans ce fentiment , que Y envie 'acquife par la vertu , étoit de la gloire. Article de. M. le chevalier de J AU COURT. Envie, (Médec.) çS'ovfy. Cette affec- tion de l'ame , qui confifte dans une maligne trilteiTe que l'on reffent en con- sidérant les avantages d'autrui , foit par rapport aux qualités de Fefprit , foit par rapport à la fortune ; cette baffe & vile paffion, qui rend l'humeur chagrine , & n'ocupe que des chofes qui paroifïènt très-défagréables & très-fâcheufes , relati- vement à fon objet , peut être tellement exceilive , qu'elle eonftitue une forte de délire mélancolique , & qu'elle peut- pro- duire les mêmes effets que cette maladie, & fur-tout la maigreur , l'atrophie ; parce que les envieux iont rêveurs , éprouvent» àes ennuis mortels, des agitations conti- nuelles, des infomnies j perdent l'appétit, E N V & tombent dans un état de langueur qui eft le plus fouvent accompagné de fièvre lente , &c. C'eft ce que donne à entendre fort judicieufement la defeription que, font les poètes de V envie. Entr'autres traits qui la caraclérifent , félon eux , c'eft un ferpene qui lui ronge le fein. Ils donnent à entendre- par-là que fi elle fait du mal , elle n'en reifent pas moins , & qu'elle porte ren- fermé en elle-même le fùpplice de fa mé- chanceté. Lorfque Y envie eft pouffée à ce degré qui la rend ii nuifible à l'économie animale ,. qu'elle peut être regardée comme une vraie maladie , il faut la traiter comme l'affection hypocondriaque. Les bains domeftiques, les eaux minérales , le laitage, les anodyns peu- vent produire de bons effets ; mais à ces remèdes phyfiques , il convient de joindre les remèdes moraux , que la philoibphie & la religion fourniffent , pour tacher de gué- rir Tel prit en même temps que Fon travaille à changer la dnfpofition du corps : fans ceux-ci , ceux-là font ordinairement ineffi- caces. Voye\ Mélancolie , Manie , & autres aftèdions fpirituelles. Envie , en fbus-entendant déréglée , eff suffi le nom que l'on donne communément à la dépravation du fentiment, qui porte naturellement l'homme à manger, à ufer des chofes qui doivent fervir à fa nourri- ture. Cette dépravation confifte dans un defir immodéré de prendre des alimens fo- lides ou fluides d'une efpece particulière , de bonne ou de mauvaifè qualité , qui ne font pas d'ufage ou de failon , préférable- ment à tous autres, ou d'employer comme alimens , des matières ablurdes , niîifibles par elles-mêmes , par la difpofition des per- sonnes qui en ufent. Cet appétit dépravé a reçu indiflindement de quelques auteurs, tels que Rivière, le nom depica, 6c celui de malaria. Les affections désignées par ces différens termes, ne différent, félon eux, que par Pintenfité & la durée. D'autres font d'avis , avec Sennert , qu'il convient de diftinguer deux efpeces de dépravations de l'appétit ; d'appeller pica celle qui excite ceux qui en font- affectés , tantèiommes que femmes , à manger des chofes d'une nature abfolument différente , & contraire même à celle des E N V alimens , comme de la craie , des charbons , des excrémens , &c. & de donner le nom de malaria à celle qui affecte plus particulière- ment les femmes groffes , & ne leur fait fou- haiter de manger que des chofes ordinaires & de bonne qualité , mais avec une ardeur & une impatience à fe les procurer , qui tiennent de la paffion , & qui font quelque- fois fi démefurées , que celles qui éprouvent ces fentimens , tombent dans la iangueur & dans l'abattemenf de corps & d'elprit, qui dégénère en une vraie mélancolie ; ou qu'elles (ont agitées par ce violent defir , au point de faire une fauife couche fi elles ne font pas iarisfaires. La dépravation d'appétit de la première efpece , eft commune parmi les filles & les femmes ; les enfans des deux fexes y font fort lùjets : les hommes en font très-rare- ment afkctés. Il ne confie prefque par aucun exemple que les vieillards aient éprouvé cette forte d'indifpofition. On ne voit guère que les femmes greffes qui aient des envies paffionnées pour certains alimens plutôt que pour d'autres , ce qui leur arrive ordi- nairement pendant les premiers mois de la groifefTe ; mais elles ne font pas moins fu- jettes au vice d'appétk de la première ef- pece , pour lequel elles ont une diipofition cfui leur eft commune avec toutes les per- fonnes de leur fexe. Le fentiment naturel qui nous porte à prendre la nourriture convenable pour cor- riger le vice que contractent nos humeurs , lorfqu'elles ne £>nt pas renouvellées , & pour réparer les §ertes qui fe font par l'ac- tion de la vie , tant des parties folides que des parties fluides de notre corps ; ce fen- timent qui fert le plus à exciter nos fens pour la confervation de notre individu , nous fait avoir naturellement en horreur tout ce qui eft connu de nature à pouvoir nuire à l'économie animale , étant pris en forme d'alimens* & il nous fait aufîi ré- pugner à manger des chofes qui ne font pas d'ufage , dans la crainte qu'elles ne foient pas fàlutaire^ : ainfi le fentiment con- traire , qui porte à faire ufage des chofes- abfurdes, de mauvaife qualité, ou de celles que l'on n'emploie, pas ordinairement pour fé nourrir , ne peut pas être produit par une diipofition naturelle des organes , dont E N V i8r la fonction eft d'exciter à manger. On ne peut pas même attribuer la caufé prochaine de la dépravation de l'appétit , au vice des humeurs falivaires , ftomacales , & autres de telle ou de telle nature , parce qu'il eft certain que ce vice fuppofé , de quelque nature qu'il puiflè être , ne peut fuffire pour déterminer par lui-même cette dépra- vation., telle que l'obfervation l'a fait con- noitre , fans qu'il s'y joigne une autre con- dition efTentielle pour l'établir. Lorfqu'il s'eft pafTé un certain temps depuis que l'on a pris de la nourriture , on fe fent porté à en prendre de nouveau. L'homme le plus appliqué à l'étude , occupé des plus profondes méditations , peut , à la vérité , s'abftenir de manger pendant un- temps confidérable ; mais il éprouve enfin y même contre fon gré , & quelque réfblu- tion qu'il ait formée de prolonger encore l'abftinence , l'aiguillon de la faim qui le preffe , l'inquiète , l'importune par quelque caufe que ce foit , jufqu'à ce qu'il ait pris des alimens. Le" corps , la machine ont des droits dont il n'eft pas au pouvoir de la- volonté de les fruftrer. Voye^ Faim. Cependant , quel que puiife être le vice des organes ou des fucs digeftifs , foit dans la bouche, foit dans l'eftomac , qui con- courent à exciter ce fentiment falutaire , il pourra bien former une caufe déterminante de la dépravation de l'appétit ; mais il ne fera pas fuffifant pour la produire immé- diatement. Il n'y a vraifemblabiement que la léfion de l'imagination ( d'où naît un defir ardent de telle ou telle chofè , ab- ■ furde , nuifible, ou de quelque aliment de bonne qualité , mais qui n'eft pas de faifôn qu'il eft fouvent impofiible de trouver ). que l'on puifTe regarder comme la caufe prochaine de ce vice dans la, faculté conçu-- pifcible. L'expérience des perfonnes qui ont été affectées de cette indifpofition , l'obfer- vation que l'on a faite de ce qui peut la pro- duire, prouvent conitamment que l'on ne peut en imputer la: caufe efficiente qu'à la léfion de l'imagination. Il eft fouvent arrivé à des perfonnes fu£- ceptibles de la dépravation d'appétit , â^eri' contracter le vice & l'habitude même,, d'après une trop forte application à confi- dérer dans un tableau quelque chofe qy.ï 58i E N V pût être l'objet de cette dépravation. On ne peut pas dire avec fondement , que dans ce cas l'humeur viciée reflue dans la bouche ou dans l'eftomac , précifément à caufe de l'attention que l'on donne à regarder -une peinture. On ne peut pas dire non plus que la caufe de cette afTèéfion efr engendrée fubitement à cette occafion , fi on la tait confiffer dans le vice de quelque humeur ou de quelque organe que ce puiffe être; l'imagination ne s'ell tournée à defirer ar- demment telle ou telle chofe , que confé- quemment à ce que cette chofe lui a été préfentée dans ce tableau : il ne paroît pas que l'on puilTe rendre autrement raifon de ce phénomène , d'autant plus que ce defir immodéré des chofes abfurdes ou autres , qui conftitue la dépravation de l'appétit , fubfifte quelquefois pendant long-temps , comme un objet fixe de délire , qui dé- tourne l'efprit de toute autre peniée , qui ne l'occupe que de la chofe defirée , foit pour fe la procurer , foit pour s'en fournir & en continuer l'ufage ; en forte que cette affection peut fe faire lentir prefque fans relâche , ou au moins par des retours très- fréquens. Elle eff tellement de la nature des ma- ladies qui dépendent principalement du vice •de l'imagination , que l'on a lbuvent guéri des perfonnes qui avoient l'appétit dépravé , •en éloignant foigneulement tout ce quipou- voit rappeller ou fixer l'idée de l'objet de cet appétit , en évitant même d'en faire mention , & en ne préfentant que de bons alimens , qui puffent effacer l'idée des mau- vais dont on étoit occupé. On ne doit pas être furpris de voir les femmes , fur-tout , très-fujettes à cette efpece de maladie fpirituelle , fi l'on fait attention à ce qu'elles ont des organes beaucoup plus délicats & plus fenfibles que les hommes ; qu'elles mènent ordinairement une vie plus fédentai e ; qu'elles ont l'imagination plus vive ; qu'elles éprouvent , pour la plupart , de fréquens dérangemens dans leurs fonc- tions , à caufe du flux menftruel , dont la diminution & la fiippreffion , foit à l'égard d^6 filles par maladie , foit à l'égard des femmes par la grofTefTe , font des change- mens dans ïa circulation du fang , qui , après avoir croupi dans les -vaiflèaux uté- E N V rins , reflue dans la maffe des humeurs >" s'y mêle , & la corrompt de manière qu'il s'enfuit bien des troubles dans l'économie animale , que l'on ne fauroit attribuer à la feule quantité du fang excédante par le défaut d'évacuation périodique , puifque les taignées répétées , qui en enlèvent plus qu'il n'en efr. retenu de trop , ne font pas le plus fouvent ceffer ces defordres. Voye\ Opilation , Grossesse. Il réfulte par confequent de toutes ces difpofitions , que les perfonnes du fexe lont plus fulceptibles d'engendrer de mauvaiies humeurs , & de fournir matières aux caufes déterminantes & prochaines qui peuvent produire la dépravation de l'appétit. C'efl dans cette idée que Rivière dit que les humeurs dominantes peuvent être de na- ture à déterminer la fantaiiie à defirer des chofes abfurdes, &c. ainfi il femble par-M reconnoitre les mêmes cauies des envies , que celles qui viennent d'être établies. Si quelques hommes fe trouvent avoir des difpofitions approchantes de celles que l'on obferve dans les femmes , ils font auffi fujets qu'elles à l'affection dont il s'agit ; c'eft pourquoi on en a vu d'un tempéra- ment délicat reffentir comme elles tous les effets de la depravation.de l'appétit. C'eft par k même raifon que quelques jeunes garçons ont aufli des envies > des fantaifies de manger certains alimens , ou autres chofes qu'ils prennent comme alimentaires.: mais il n'efr pas aufli ailé de rendre railbn d'un pareil vice dans le» vieillards , qui n'efr. pas fans exemple* on en trouve un entr'autresdansManget , Bibl. méd.pract. tome III y à l'égard d'un artifan d'un âge afïez avancé, à qui il étoit arrivé plufieurs fois d'éprouver une dépravation d'appétit bien marquée , & des vomiifemens très- fréquens & très-farigans , toutes les fois que fa femme devenoit enceinte. Ces fymptomes nepouvoientetre vraifemblable- roent qu'une fuite de la lefi-on de l'ima- gination de cet homme , dont la fènfibilité lur l'état de là tanme , qui étoit fans doute la première affectée , changeoit la difpofi- tion des fibres de fon cerveau , & érablif- foit la caufe prochaine d'une forte de dé- lire mélancolique concernant les alimens , i tel que celui' de fa femme. Il n'eif. pAs E N V E N V 5g5 d'ailleurs rare , quant au vomifTem^nt de | blés ', telles que du poivre en grande quan- tité. Nicolas Florentin , fermon V , tract. IV y cap. xxxvj y dit en avoir vu une qui en avoit mangé près de vingt livres , fans cet homme , que des perfonnes fe Tentent des naufées & vomiffent même en voyant vomir quelqu'un. La dépravation de l'appétit peut être facilement diftinguée de toute autre ma- ladie , par les lignes caractériftiques , men- ■ tionnés dans la définition de cette maladie , fous le nom d'envie. La différence des ei- peces de cette affection a auffi été fuffi- famment établie au commencement de cet article : ainfi lorfque des femmes greffes n'ont des envies que pour des alimens d'ufage ordinaire , cette dépravation d'ap- pétit, qui ne confifte que dans le defir immodéré , &: fouvent- hors de iaifon , de ces alimens , doit être diftinguée par le nom de maucia , du vioUnt defir des chofes abfurdes , qui conftitue la maladie appellee pica : celle-là fe change fouvent en celle-ci. En effet , on voit journelle- ment des fçmmes enceintes qui ont les fantaifies les plus fîngulieres : plufieurs fou- haitent de mordre des animaux, d'étrangler des oifeaux avec les dents ; quelques-unes mangent même des animaux vrvans. Drin- cavel rapporte de fa mère , qu'elle avoit mangé des écreviffes crues. Foreftus , liv. VIII , obfervation 7 , fait mention de plufieurs femmes enceintes , qui avoient dévoré des anguilles vivantes : il parle auffi d'une qui avoit mangé toute la peau d'une brebis avec fa laine. Il eft même arrivé , ièlon Langius, lib. II, epift. IZ, qu'une femme grofTe avoit eu une forte envie de mordre le bras d'un jeune boulanger , & qu'il avoit fallu la fatisfaire , à quelque Enx que ce fût , pour éviter qu'elle ne fe leifât. Une autre , félon le même auteur , avoit eu une fantailie de cette efpece , bien plus violente encore ; c'étoit de fe nourrir de la chair de fon mari : quoiqu'elle l'ai- mât tendrement , elle- ne laiffa pas de le tuer, pour affouvir fon cruel appétit; & après avoir mangé une partie de fon corps , elle fala le refte , pour le conferver & s'en raffafier à plufieurs repfifes. Ce font là des exemples très.-rares , au moins s'ils font bien certains. Mais ce qui arrive plus communément , c'eft que les femmes groffes aient des envies de manger des choies abfurdes & nuiii- que cet excès la fît . avorter : d'autres mangent du linge, de la chaux , du cuir, des excrémens même , félon fobfervation de Borelli , cent. III, obferv. z ; d'autres , des cendres, du charbon , de la craie, du fel , du vinaigre , &c. & ne prennent aucun bon aliment avec goût , pendant qu'elles ufent avec avidité de ces différentes ordures. La plupart de ces chofes font auffi l'ob- jet de l'appétit dépravé des filles ; mais il eft rare qu'elles fment auffi exceffives dans: leurs deiirs déréglés que les femmes grof- fes : la dépravation de l'appétit dans les filles eft- toujours accompagnée d'un vice ds humeurs , qui pèche par fa quantité ou par fa . qualité , qui difpofe le plus fou- vent à la fuppreûion des règles , ou en eft une fuite. Ce vice eft différent , félon la différence des objets abfurdes de l'ap- pétit dépravé : ce vice dominant fe fait connoître par les naufées , les vomifîê- mens , les douleurs que les perfonnes af- fe&ées rapportent à feftomac , la pâleu* du vifage , & autres lymptomes qui dé- pendent de ce vice , dont il n'eft d'ailleurs pas poilible de déterminer précifément la nature particulière , qui fait varier le goût | pour l<°s différentes matières qui font l'objet de l'appétit dépravé. II. eft plus aifé de juger des fuites que peut avoir cette biïcà'ion , & de prévoir fi elle fe terminera par le rérablifïèment de la fanté , ou par la mort ; ou fi elle dégéné- rera en quelque autre maladie. Lorfqu'elle eft fimple , il n'y a rien à en craindre , quand même elle auroit duré depuis long- temps. Les obftruâions , la cachexie , les pâles couleurs , l'hydropifie , ■ la fièvre lente , &c. font les maladies auxquelles elle fç trouve fouvent jointe , & qu'elle peut auffi produire par les effets de la mauvaife nourriture. Les femmes encein- tes font ordinairement délivrées du mala* cia y & même du pica , environ le qu;>. trieme mois de leur groffeffe , parce qu$ l'enfant qu'elles portent dans leur fein , a alors acquis allez d'aecroiffement pou^ 4^4 E N V confumer toute la partie furabondante des | humeurs qui ie portent à la matrice ; par conféquent elle n'eft plus dans le cas d'y engorger les vaiflêaux , d'y croupir , de refluer dans la mafTe & d'y produire les -mauvais effets mentionnés. Si la déprava- tion de l'appétit fubfifte au delà du qua- trième mois , elle / devient dangereufe , parce qu'elle dépend d'une autre caufe que la fîmple grofîefle , & qu'elle prive le fœtus de la nourriture ; alors elle ne peut qu'être extrêmement nuifible à la mère &  l'enfant. On a vu différentes fortes d'en- vies terminées par la mort : mais , dans ces cas , elles n'étoient pas {impies ; elles ji'étoient que des fymptomes de maladies plus confidérables , qui font devenues mor- telles , fans qu'on pût en accufer les envies dont elles étoient accompagnées. On doit en général fe propofer deux objets dans la curation de l'appétit dépra- vé ; lavoir , de corriger l'erreur de l'ima- gination , & le vice dominant du corps : ii c'eft l'eiprit qui eff le plus affeclé , le médecin doit y faire beaucoup d'atten- tion , & s'appliquer particulièrement à le remettre en bon état , par des remèdes moraux : s'il y a indice de mauvais lues abondans dans les premières ou dans les iecondes voies , on doit faire en forte qu'ils foient évacués , ou qu'ils changent de qua- lité & s'améliorent : il faut prefque tou- jours- , dans cette affection , traiter en même temps le corps & Tefprit. Après avoir employé les remèdes généraux , félon qu'ils font indiqués , on doit enfuite avoir recours aux altérans appropriés au vice dominant des humeurs ; & comme elles (ont le plus fouvent épaiffes , groffieres & difpofées à former des obftru&ions , on fait ufage avec fuccès de légers apéritifs, rendus plus actifs par degpé , fous diffé- rentes formes. Les eaux minérales , celles de Balaruc , fur-tout , comme purgatives , & celles de Vais comme altérantes , ou toutes autres de nature approchante , font très-recommandées dans ce cas. Si le fang pèche par acrimonie , comme lorfqu'il a contracté ce vice par l'ufage exceflif , qui a précédé , du poivre , du fel , de la chaux , &: autres choies femblables, après avoir rempli les préalables convenables , on doit E N V employer les humedans, les rafraîchifîans & les adouciffans , auxquels on pourra affocier efficacement les légers apéritifs , les laitages , & les eaux minérales aci- dulés. On appelle aufli envie des taches ou autres chofes contre nature , qui paroi£- fent fur le corps des enfans nouveau- nés , que l'on attribue au pouvoir de l'imagination des femmes enceintes , d'im- primer fur le corps des enfans renfermés dans leur fein , les figures des objets qui les ont frappées particulièrement , enfuite des fantaifies qu'elles ont eues pour cer- taines chofes , fans pouvoir fe fatisfaire ; ce qui a fait donner proprement le nom d'envie à ces défeduofités. C'eft mal-à- propos qu'elles font nommées ainfi , lors- qu'elles font réputées une fuite de la crainte , de la frayeur , ou de tout autre fentiment de l'ame , qui n'eff point agréa- ble : ces marques font appellées des Latins d'une manière plus générique » noevi y & des Grecs (tt'ikoi , arnihoyctTA, Voye\ Fœtus , Grossesse , Imagi- nation, (d) * Envie , ( Mythologie. ) Les poètes Grecs ou Romains en ont fait une divi- nité infernale : ils ont dit qu'elle a*oit les yeux louches , le corps décharné , le front pâle , l'air inquiet , la tète coëffée de ferpens , &c. ENVIEUX, JALOUX, fynonymes. Voici les nuances par lefquelles ces mots différent. i°. On eft jaloux de ce qu'on pofîede, & envieux de ce que poiTedent les autres : c'eff ainfi qu'un amant eff ja- loux de fa maîtrette , un prince jaloux de fon autorité. 2.°. Quand ces deux mots font relatifs à ce que poffedent les autres , envieux dit plus que jaloux : le premier marque une difpofition habituelle & de caradere ; l'autre peut défigner un fenti- ment pafTager : le premier défigne aufli un fentiment aduel plus fort que le iècond. On peut être quelquefois jaloux fans être; naturellement envieux y la jaloujie y fur- tout au premier mouvement , eff un fen- timent dont on a quelquefois peine à fc défendre : Y envie eft un lentement bas , qui ronge & tourmente celui qui en eff pénétré. (O) ÉNUMÉRATION. ENU ENUMÉRATION. ( Art poétique. ) Cette figure de rhétorique eft admirable en poéfie , parce qu'elle raffembîe , dans un langage harmonieux , les traits les plus frappans d'un objet qu'on veut dépeindre , afin de perfuader , d'émouvoir & d'entraî- ner l'efprit , fans lui-donner le temps de fe reconnoitre. Je n'en citerai qu'un feul exemple , tiré de la tragédie d'Athalie. Jehu , qu avoit choififa fagejft profonde ; Jehu , fur qui je vois que votre efpoir je fonde. D'un oubli trop ingrat a payêfes bienfaits. Jehu laiffe d'Achab Vaffreufe fille en paix ; Suit des roisd'Ifraël les prophanes exemples, Du vildieu de f Egypte a confervé les temples. Jehu , fur les hauts lieux , ofant enfin off'iir Un téméraire encens que Dieu ne peut foufrir , N*a , pour fer vir fa caufe & venger fe s in~ JUres> - Ni lecteur ajje{ droit , ni les mains affe-^ pures* Article de M. le Chevalier de Jau court. ENUMÉRATION , DÉNOMBREMENT , (Hift. a ne. )l'action décompter ou de marquer le nombre des chofes. Voy. Numération. Au temps de la naiflance de Notre- Seigneur , Céfar-Augufte avoit ordonné qu'on fit le dénombrement du monde , ou E NV s$S millions foixante- trois mille. Pan 746 on fit encore le dénombrement des citoyens romains , qui fe trouva monter à quatre millions deux cens trente-trois mil'e. L'an 766 , qui fut le dernier de la vie d'Au- gufte , ce prince fit avec Tibère un autre dénombrement des citoyens romains , donc le nombre fe trouva monter à quatre mil- lions cent trente-fept mille perfonnes. Clau- de fit un nouveau dénombrement l'an 48 de Jefus-Chrift ; & fuivant le rapport de Tacite , les citoyens romains répandus dans tout l'empire, fe trouvoient monter alors à fix millions foixante- quatre mille , quoique d'autres repréfentent ce nombre comme beaucoup plus grand. Une mé- daille de Claude très-rare marque plus précifément le dénombrement fait par Clau- de , qu'elle appelle ojlenfio , & qu'elle fait monter à fept millions de perfonnes en état de porter les armes . fans parler des armées qui étoient fur pie , & qui montoient à cinquante légions , cinquante fept cohor- tes & foixante foldats. Après cette é numé- ration , nous n'en trouvons plus jufqu'à celle de Vefpafien , qui a été la der- nière. Voye{ (article DÉNOMBREMENT- Chambers. (G) * ENVOI , f. m. ( Gramm. ) adion par laquelle on fait transporter une chofe (d'un lieu à un autre. On dit faire un envoi de marchandifes par terre ou par eau , faire un envoi de lettres de change par un plutôt du peuple de fon empire ; quoique courier ou par un exprès. (G) d'habiles auteurs croient que ce cenfus ou dénombrement , dont parle S. Luc, ne s'é- tendit pas fur tout l'empire , mais qu'il fut particulier à la Judée. Voye^ Perizo- nius , de cenfu judaïco , & Berger ; de viis militaribus. On étoit à Rome dans Pufage de faire le dénombrement de toutes les familles. Ce fut Servius Tullius qui fit le premier, le- quel ne fe trouva comprendre que 80 mille hommes : Pompée & Craffus en firent un fécond , qui fut de 400 mille hommes: celui de Céfar ne fut que de 100 mille hommes ; ainfi la guerre civile avoit fait périr 300 mille citoyens romains. Sous Augufte , en l'an 715 , les ci- toyens romains , dans toute l'étendue de l'empire , fe trouvèrent monter à quatre Tome XI h ENVOIE , ( Marine. ) terme de com- mandement que l'on fait au timonnier de- pouffer la barre du gouvernail , pour met- tre le'vaifleau vent devant. (Z) * EN VOILER , (s') v. paiT. ( Art. méchan. ) il fe dit de tout corps qui venant à fe tourmenter , fe fléchit & dont les parties qui étoient auparavant dans un même plan , fe trouvent dans des plans difFérens. S'envoiler eft fynonyme à fe dé- jeter ; les planches senvoilent par l'action de l'humidité , les lames fe dé jettent à la trempe. ^ ENVOYÉ , adj. pris fubft. (H//?, mod. ) fe dit d'une perfonne députée ou envoyée exprès pour négocier quelque affaire avec* un prince étranger ou quelque république». Voye{ Ministre. Eeee- s%6 EN Y Les miniftres qui vont de la cour de France ou de celle d'Angleterre , à Gènes , vers les princes d'Allemagne , & autres petits princes & états , n'ont point la qua- lité d: ' ambaffadeurs , mais de (impies envoyés. Joignez à cela que ceux que quelques grands princes envoient à d'autres de même rang, par exemple! l'Angleterre à l'empereur , n'ont fouvent que le titre d'envoyé , lorfque le fujet de leur commifïion n'eft pas fort important. Voyez AMBASSADEUR. Les envoyés font ou ordinaires ou extra- ordinaires. Voye{ Ordinaire & Extra- ordinaire. Les uns & les autres jouiiTent de toutes les prérogatives du droit des gens aufli- bien que les ambafladeurs , mais on ne leur rend pas les mêmes honneurs. La qualité d'en- voyé extraordinaire , fuivant l'obfervation de Wiquefort , eft très-moderne, & même beaucoup moins ancienne que celle de réfi- dent. Les miniftres qui en ont été revêtus , ont voulu d'abord fe faire confidérer pref- que comme des ambaffadeurs , mais on les a mis depuis fur un autre pie. La cour de France en particulier déclara en 1654 , qu'on ne feroit plus à ces minif- tres l'honneur de leur donner les carroffes du roi & de la reine pour les conduire à l'audience, & qu'on ne leur accorderoit plus divers autres honneurs. Juftiniani , le premier envoyé extraordi naire de la république de Venife à la cour de France, depuis que les honneurs y ont été réglés , prétendit' fe couvrir en parlant au roi , & cela lui fut refufé. Le roi déclara même à cette occafion qu'il n'entendoit point que Y envoyé extraordinaire qui eft de fa part à Vienne , fût regadé autrement qu'un réfident ordinaire. Depuis ce temps , on a traité de la même manière ces deux efpeces de miniftres. Voyc^ Wiquefort , Champ. & leDiâionn. de Trévoux. (G) ENVOYER , v. ad. ( Gramm. ) faire l'envoi d'une chofe. La campagnie des In- des envoie tous les ans un certain nombre de vaiffeaux aPondichery. *ENYALIUS,( Mnhol.) furnom qu'on donnoit à Mars , fils de Bellonne , qu'on apoeloit aufti Nia. ■ ENYÈD , ( Géogr. ) ville d'Hongrie , dans la Tïanfylvanie , au diftrict de Weif- ENZ fenbourg. Elle eft peuplée de ré'formé's en tr'autres qui y jouiiTent d'un collège pour l'éducation de la jeunefle , & l'on trouve fréquemment dans fes environs des mé- dailles romaines. {D.G.) ENYO , ( Mythol.) Quelques auteurs; difent que le dieu Mars portoit Je nom d'Enyalius , parce qu'il étoit fils de Jupiter & d'Enyo , dédie de la guerre. Stace dit qu'£/2jopréparoit les armes, les chevaux & le char de fon fils , lorfqu'il alloit au combat. Phurnutus , dans fon traité De natura Deorum , rapporte que les auteurs varient fur l'origine & les fondions d'Enyo : les uns difant qu'elle étoit mère , les au- tres foutiennent qu'elle étoit fille , dautres enfin attellent qu'elle étoit fimple nourrice du dieu Mars ; mais il ajoute que tous les mythologiftes s'accordent à dire qu'Enyo en grec lignifie qui donne , qui excite le courage , la valeur & la fureur dans le cœur des combattans. L'interprète de Ly- cophron dit qu'Enyo , fœur de Gorgones , étoit une épithete que l'on donnoit à Ju- non. Héfiode, dans fa Théogonie , attefte quEnyo étoit fille dePhorcynos &de Ceto & par conféquent qu'elle étoit fœur des Phorcynides. On lit dans Paufanias qu'Enyo ainfi que Paîlas préfidoient à la guerre , & la dirigeoient. ( V. A. L. ) ENZ , ( Géogr. ) rivière du duché de Wirtemberg , dans le cercle de Souabe , en Allemagne. Elle naît au pié des mon- tagnes de la Forêt Noire, reçoit le Nngold , & tombe dans le Necker : fon cours eft na- vigable jufqu'affezprès de fa fource. (D.G ) ENZERSDORF , (Géograp. ) ville d'Allemagne, dans la baffe- Autriche , dans le quartier inférieur du Manharfberg , au bord du Danube : elle a un château d'une certaine importance , & elle appartient aux évêques de Freyfingue. ( D. G. ) * ENZINA , nom Efpagnol qui ligni- fie chêne. Ainfi l'ordre d'en^ina ou l'ordre du chêne , eft le même. La marque dif- tinclive de cet ordre étoit une croix rouge fur un chêne. E O EOLE, (MyiKd.) C'eft le roi ,ou pour mieux dire, le dieu des vents ; car ,Yui- E O L vant la remarque du P. Sanadon , les vents paroiflenc dans la Mythologie comme des efpeces des petits génies , volages , inquiets & mutins , qui femblent prendre plaifir à bouîeverfer l'univers. Ce font eux qui ont donné entrée à la mer au milieu des terres , qui ont détaché quantité d'illes du conti- nent , & qui ont caufé une infinité d'autres ravages dans la nature. Pour prévenir de pareilles fentreprifes dans la fuite, la fable les reflerra dans de certains pays , particulièrement dans les ifles éoliennes , aujourd'hui les ifles de Lipari , en- tre l'Italie & la Sicile ; & en conféquence la même fable leur donna un roi nommé Eole. Ce nouveau monarque , ou plutôt ce nouveau dieu , a joué un grand rôle dans la Poéfîe , pour élever les tempêtes , ou pour les calmer. UlyfTe s'adreffe à lui dans Ho- mère , pour en obtenir une heureufe navi- gation : mais dans Virgile , la reine même des dieux ne dédaigne pas d'implorer fon fecours,pour traverfer l'érablifTementde la colonie troyenne en Italie , & l'on peut dire que le roi des vents a la gloire de com- mencer le nœud de cette grande adion dans l'Enéïde. C'eft lui qui , dans un antre vafte & profond , tient tous les vents enchaînés ;il les gouverne par fa puifTance ; & fe tenant aflls fur la montagne la plus haute , il ap- paife à fa volonté leur fuire , s'oppofe à leurs efforts , les arrête dans leurs prifons , ou les met en liberté : s'il ceflbit un mo- ment de veiller fur eux , le ciel , la terre , la mer , tous les élémens feroient con- fondus. Celfafedet (Eolus arce SceptfW tenens , mollitque animos , & tem- pérât iras ; Ni faciat , maria , ac terras , ccelumque profundum Quippe feront rapidi fecum , vert^ntqueper auras. ^Eneïd. lib. I. v. $x. & feqit.. Junon , pour l'engager à fervir fa colère , lui offre en mariage une des quatorze nym- phes de fa fuite , & la plus belle de toutes , en un mot Déjopée : E O L 5S7 Sunt mihi bis feptem prceftandi cor pore nymphce : Quarum , quac forma pulcherrima , Dejo- peiam. Connubio jungam ftabili , propriamque dicabo : Omnes ut tecum meritis pro talibus annos Exigat , & pulchrâ faciat te proie parentem. A ces mots , Eole enfonce fa lance dans le flanc de la montagne, & Pentr'ouvre : tous les vents à l'inftant fortent impétueu- fement de leurs cavernes, & fe répandent fur la terre & fur la mer. Hcec ubi diâa , cavum converfâ cufpide montem Impulit in latus. At venu , velut agrnine fado , Quâ data porta , ruunt , & terras turbine perflant. Alors s'élève une tempête afTreufe , donc il faut lire la peinture admirable dans le poème même , car elle n'a point de rapport direct à cet article. Voye^ encore fur Eole t Diodore de Sicile , lib. V. Strabon , lib I. Ovide , Mêtamorph. lib. XI. Pline , lib. HT. c. jx. Bochard , l'abbé Banier , les DiSionn. de Mythologie. ( De JaucouRT.) EOLIE ou EOLIDE , f. f. ( Géogr. ) contrée de l'Aile mineure , qui s'appela Myfie , avant que les Eoliens yinfTent l'ha- biter & lui donner leur nom. Elle eft fituée fur la mer Egée , au midi de la Troade , & au feptentrionde l'Ionie, entre ces deux pays. . EOLIEN ou EOLIQUE , adj. ( terme 2s Gramm. ) nom d'un des cinq dialectes de la langue grecque. Voye^ Grec & Dia- lecte. Il fut d'abord en ufage dans la Béotie , d'où il pafTa en Eolie. C'eft dans ce dialecte que Sapho & Alcée ont écrit. Le dialeâe éolien rejette fur-tout l'accent rude ou âpre. Du refte il s'accorde en tanc de chofes avec le dorique , qu'on ne fait ordinairement de ces deux qu'un feul dia- lede. C'eft pourquoi la plupart des gram- mairiens ne comptent que quatre différens dialectes grecs , quoiqu'il y en ait réelle- ment cinq , en en faifant deux de \éolittt Eeee 2. 588 EOL & du dorique. Toy^DORIQUE & DIALEC- TE. (G) EOLIEN , en Mufique , eft le nom que les anciens donnoient à un de leurs modes ou tons , duquel la corde fondamentale étoit immédiatement au-deffus de celle du mode phrygien. Voyt^ MODES & Ton. Le mode éolien e'toit grave, au repport de Laïus. " Je chante , dit-il , Cérès& fa fille » Mélibée époufe de Pluton , fur le mode éolien , rempli de gravité. » {s) * EOLIENS , f. m. pi. {Géogr. Hift. anc.) peuplesde Grèce , ainfi appelés d'Eole fils d'Helien. Ils pafterent dans l1 Afie mineure , { & s'établirent dans la Myfie , dont ils chan- [ gèrent le nom en celui d'Eolie. Voye[\ Eolie. *EOLIENNES , adj.pris fubft.( Géogr. anc. Mythol. ) ce font aujourd'hui les ijles de Lipari. Les volcans répandus dans la principale , avoient donné lieu aux prêtres d'en faire l'antre de Vulcain , & d'y placer fes forges ; ce fut de-là qu'elle s'appella ; Vulcanie. ENVOYER, Voyez Avoyer. E O L I PYL E , f. m. ( Phyf. ) inftru- ment hydraulique qui confifte dans une boule de métal creufe , ayant un cou ou un tuyau. Cette boule étant remplie d'eau & expofée au feu , il fort par le tuyau un vent violent. Defcartes & d'autres fe font fervis de cet inftrument pour expliquer la caufe & la génération du vent ; c'eft pourquoi il eft appelé éolipyle , comme qui diroit pila JEoli, boule d;Eo!e ; parce queEole étoit le dieu des vents. On voit la forme de cet inftrument ( PL de Phifiq. fig. z8 ) A eft la boule pofée fur des charbons ardens B , & C eft fon cou , par lequel fort le vent ou la vapeur. On écrit ordinairement éolipyle , comme on prononce ; on devoit écrire ceolipyle , fuivant l'étymologie : mais il vaut encore mieux fe conformer à la pro- nonciation. Quelquefois le cou de Yéolipyle eft joint à la boule par une vis ; ce qui elt plus com- mode , parce qu'alors on a plus de facilité à remplir d'eau la cavité. S'il n'y a pas de vis , on peut la remplir de la manière fui- vante : faites chauffer la boule jufqu'à ce qu'elle foit rouge , & jettez-la dans un vaif- feau plein d'eau ; l'eau entrera par le tuyau, EOL & remplira environ les deux tiers de la cavité. Si on .met enfuite Yéolipyle fur le feu , ou devant le feu , enforte que l'eau & le vaif- feau s'échauffent beaucoup; l'eau étantalorç raréfiée & convertie en vapeur, s'échappera avec beacoup de bruit & de violence j mais par bonds , Se non pas d'une manière égale & uniforme. " En mettant Yéolipyle fur un brafier bien allumé , » dit M. Formey , d'après la plupart des phyftciens , dans un article qu'il nous a communiqué fur ce fujet ; » le feu y » dilate l'air , allant & venant au- travers » des pores de la boule , fans aucun acci- » dent fenfible ; parce que l'air qu'il chaffe » trouve à s'échapper par la fortie du gou- » lot. Si cette boule rougie par le feu eft » plongée dans l'eau , l'air dilaté qui y de- »> meure fe refterre aux approches de celle- » ci. Le vafe fe trouve peu à-peu rempli « d'eau & d'air , par portions à-peu-près « égales. Remettez pour lors Yéolipyle fur » les charbons en y enfonçant un peu le » petit bout , & en tournant à l'air I'ou- y> verture du goulot , que l'eau remplit par » ce moyen fans s'écouler ; dès que le bra- » fier fera vivement allumé, lefeuquifem- w bloit ne pas agir fur l'intérieur de cette » poire quand elle étoit fans eau , & que n rien ne le retenoit, commence par y dila- » ter l'air.L'air débande tous fes refTorts con- » tre l'eau qui l'enveloppe ; celle-ci , quoi- » que naturellement fans activité , étant » fortement pouffée en tout fens & en mê- ;> me temps reflerrée de toutes parts par les t} parois du vaiffeau , ne trouve que l'iffue » du goulot vers laquelle fe tourne toute la n furie du feu & de l'air, & par conféquenc » de l'eau. L'eau en fort malj^ré la peti- » tefte de l'iffue, & malgré la rCTiftance de « l'air extérieur , en s'éiançant à quinze & » à vingt pies de diftance. Ainfi le feu qui » s'entretient paisiblement fous une marte « de cendre par la liberté que mille petits n fentiers lui laiffent de s'échapper à l'air » & d'en tirer quelque fecours, vient-il à » recevoir autour de lui quelques gouttes w d'eau , il les étend , il les foùleve , » & fouleve avec elles la braife & la « cendre. C'eft par cette raifon que le feu n fouttrrain qui étant fculrouleroit autour EOL 'y? ou au travers d'un petit caillou fans le dé- g» placer , fe joignant à l'air & à l'eau, fou- n levé des malles énormes , ébranle les ré- y> gions , perce les terres , & fait voler les n rochers. Quand le feu fécondé de l'air , 7> pouffe devant lui des furfaces d'élémens y/durs & maflifs , comme le fel & l'eau , •» qui ne peuvent être reçus par les ouver- v tures qui livreroient paffage au fer , il fait pi alors des ravages épouvantables & il 7> renverfe , brife , ou diffipe parce fecours 7) ce qu'il auroit traverfé par un écoulement 7) continuel étant feul. Ainfi quoique l'élaf- 7) ticité du feu ne foit pas toujours fenfible , 7f elle eft toujours réelle , & c'eft de cette 7> élafticité modifiée ou fécondée par les 7> autres élémens , qu'on peut déduire les 9) différentes actions du feu. » M. Formey »> cite ici le fpeâacle de la nature , tome IV. Cette expérience de Yéolipyle eft une des plus fortes preuves quepuiffent alléguer en faveur de leur fentiment , ceux qui croient que l'air eft la principale caufe de l'ébulii- tion des fluides. Il paroît vraifemblable au premier coup-dœil , que le vent de Yéoli- pyle eft produit par l'air renfermé dans l'eau. Mais lorfqu'on remplit d'eau Yéolipyle , il n'y avoit prefque point d'air , & l'eau qu'on a fait entrer ne contient qu'une dixième partie d'air ; une fi petite quantité d'air peut- elle être la matière de ce fouffle impétueux ? De plus, lorfque le vent eft dans fa plus grande force , plongez le cou de Yéolipyle dans un vaiffeau plein d'eau froide , on ne voit point paroître à la furfaceles bulles que ce vent devroit produire , s'il étoit produit lui-même par l'air. Donc , conclut-on , la caufe du vent de Yéolipyle eft la même que celle de l'ébullition , la vapeur de l'eau di- latée 13 ou 14000 fois au delà de fon état naturel. Cette dernière raifon eft-el!ebien convaincante ? car quand ce feroit la vapeur de l'eau qui produiroit le fouffle de Yéoli- pyle , pourquoi cettevapeur expofée dans l'eau froide ne produiroit- elle pas des bulles d'air à !a furface , comme on prétend qu'elle en produit dans l'ébullition ? Fbye^EBU LO- TION , & les mém. acad. zj^.M.Muffchen- brock , ejfais de Phyf. art. 8jo , paroît aufîi attribuer le fouffle àeYéolipyleï lava- peur de l'eau. Quoi qu'il en foit , voilà les raifons de part & d'autre , fur lefquelles EOL 5S$ on peut juger , & fur lefquelles on fera peut-être encore mieux de fufpendre fon jugement. La vapeur ou l'air qui fort de Yéolipyle a une chaleur fenfible près dé l'orifice ; mais à quelque diftance delà elle eft froide , comme nous l'obfervons dans notre halaine. On ne convient pas de la caufe de ce phé- nomène. Les partifans des corpufcules l'ex- pliquent en difant, que le feu qui eft con- tenu dans la vapeur raréfiée , quoique fuffi- fant pour fe faire fentir près de l'orifice , s'en débarrafle enfuite , & devient infenfibîe avant que d'être arrivé à l'extrémité de la vapeur. Voye% Feu. Les philofophes méchaniciens d'un autre côté prétendent que la vapeur en fortant de la boule , a une forte de mouvement circu- laire en quoi confifte proprement la chaleur; & qu'à mefure qu'elle s'éloigne de la boule , ce mouvememt diminue de plus en plus par la réaction de l'air contigu , jufqu'à ce qu'en- fin la chaleur devient infenfibîe. Voye^ Chaleur. Pouf nous, qui ne nous flattons pas de favoir en quoi confifte la chaleur & le froid, &qui croyons tous Iesphyficiens aufh* peu avancés que nous fur ce point , nous avouons fans peine que la caufe de ce phé- nomène nous eft inconnue , ainfi que bien d'autres. Quelques auteurs ont propofé différens ufages de Yéolipyle. i°. Ils croient qu'on pourroit l'employer au lieu de foufflet pour fouffler le feu , lorfqu'on a befoin d'une très-grande chaleur. zQ. Si on ajuftoit une trompette , un cor , ou quelqu'autre inf- trument fonore au cou de Yéolipyle , il pour- roit les faire fonner. $°. Si le cou étoit tour- né perpendiculairement en-haut , & pro- longé par le moyen d'un tube ou cylindre creux qu'on y adapteroit , & qu'on mît une boule creufe fur l'orifice du tube,cette boule feroit élevée en l'air & y feroit foutenue en voltigeant, tantôt plus haut, tantôt plus bas , comme dans un jet d'eau. Voye[ FON- TAINE. 40. L'éolipyle étant rempli d'une eau de fenteur , au lieu d'eau fimple , pourroit fervir à parfumer une chambre. Tous ces ufages , comme l'on voit , ne font pas fort importans ; quelques-uns feroient tout aa plus curieux. (0) EONES , Foyei Eons. j-$a E O N EONIKNTS , f. m. p!. ( JE/?, 'eccl ) on appela ainfi dans le xij fiecle les fecta- teurs d'Eon de l'Etoile , gentilhomme bre- ton , qui abufant de la manière dont on prononçoit alors ces paroles , per. eum ( on prononçoit eon ) qui venturus e(l judicare vivos ù mortuos , &c. prétendoit qu'il étoit le Fils de Dieu , devant juger un jour les vivans & les mors. Cette héréfie , ou plu- tôt cette ridicule extravagance , ne mérite de place dans l'hiftoire que par le trouble qu'elle caufa. Plufieurs fectateurs de cet Êon fe îâifTerent brûler vifs , plutôt que de renoncer à une fi étrange folie. O mife- rashominum mentes ! Mais notre liecîe que nous croyons fi éclairé , eft-il plus fage ? Voye{ CONVULSIONN AIRES. (O) EONS ou EONES , ( Théologie. ) mot tiré du grec «** , qui &r\gmÇ\.Q Jiecle , éternité. Voye[ SlECLE. Quelques anciens hérétiques ont attaché une autre idée au mot aon ; & partant des principes da la philofophie de Planton , qu'ils entendoient mal , ils donnèrent de la réalité aux idées que ce piîofophe avoit imaginées en Dieu ; c'eft-à-dire , qu'ils les perfonnifierent , & les diftinguerent de Dieu même , prétendant qu'il les avoit produites les unes mâles & les autres fe- melles Voye{ Idée & Platonisme. Ils appeloient ces idées éons ou éones ; & de leuraflemblage complet ilsformoient la Divinité , qu'ils nommoient wA^a^* ; c'eft-à-dire , plénitude» A commencer dès Simon le Magicien , tous les hérétiques des premiers fiecles trou- vant la doctrine de l'Eglife trop fimple , & à force de vouloir relever plus haut le Dieu qu'ils reconnohToient pour fouverain , avoient ainft confondu les idées corporelles avec les fpirituelles , & formé une fcien- ce myftérieufe quTs appeloient Gnofe , qui leur fit donner à tous en général le nom de Gnofliques , c'eft-à-dire , plus parfaits ou plus éclairés que le commun des hommes. u L'hiréfiarque Valentin qui parut vers « l'an 134 de J.C. rafinant , dit M. Fleury , t> fur ceux qui l'avoient précédé , déduifoit « une longue généalogie de plufieurs Eones v> ou Aiones \ il en faifoit des perfonnes. » Le premier & les plus parfait étoit dans » une profondeur in vifible& inexplicable, E O R »3 &îlîe nom moit Proon , préexiflant J » & de plufieurs autres noms; mais plus » ordinairement Bythos , c'eft-à-dire pro- n fondeur. Il étoit demuré plufieurs iiecles n inconnu en filence & en repos , ayant » avec lui feulement Enoïa , c'eft-à-dire ?> la penfée , que Valentin nommoit auftï » Charis , grâce , ou Sigé , filence , & » dont il faifoit la femme. Enfin Bythos » avoit voulu produire le principe de tou- yy tes chofes,.&avec Sigé il avoit engen- » dré Nous , fon fils unique , femblable n & égal à lui , feul capable de le com- » prendre. Ce fils étoit le père & le prin- » cipe des toutes chofes.N«~yj en grec intel- » ligence , mais il eft du genre mafculin „ » c'eft pourquoi les Valentiniens en fai- » foient un fils ; & quoiqu'il fût unique , » ils lui donnoient une fœur Aletheïa , » c'eft-à-dire , la vérité. Ces deux premiers » couples Bythos &C Sigé , Nous & Ale- t> theïa , formoient un quarré qui étoit m comme la racine & le fondement de n tout le fyftême : car Nous avoit engen- » dré deux autres perfonnages ou Eones , >y Logos & Zoé , le verbe & la vie , & ces » deux en avoient encore produit deux » autres , Anthropos & Ecclefia , l'homme » &Péglife. » Le Verbe & la Vie , continue le me. » me auteur , voulant glorifier le père > » avoient encore produit dix autres , éones y » c'eft-à-dire cinq couples ; car ilsétoient » toujours deux à deux. L'Homme & I'E- » glife avoient produit douze autres éones,. » entre lefquelles étoit le paraclet , la foi > » l'efpérance , la charité. Les deux der- >j niers étoient Tdetos , le parfait , & » Sophia y la fagelTe. Voilà les trente éones , » qui tous enfemble faifoient le pleroma. y> ou plénitude invifible & fpirituelle. » H:ft. eccléf.tom. I.liv. III. pag. 443. &444» Ces hérétiques croyoient trouver claire- ment tout cela dans quelques pafTages de l'Ecriture, auxquels ils donnoient des ex- plications allégoriques & forcées. En voilà plus qu'il n'en faut fur ces extravagances» (G). * EORIES , adj. pris fubft. ( Myth. ) fêtes que les Athéniens céîébroient en l'honneur d'Erigone, qui avoit attiré par fes prières une fâcheufe malédiction fur Us EPA filles des Athéniens ; parce qu'ils avoïent néglige de venger la mort d'Icare fonpere. te ciel permit que les filles des Athéniens devinrent amoureufes d'hommes qui ne répondirent point à leur pafïion , & qu'el- les s'en pendifTent de défefpoir. On con- fultalà-deflus l'oracle d'Apollon , qui or- donna les fêtes éories aux mânes d'Erigo- ne ; & les filles des Athéniens continuèrent apparemment d'aimer , & quequefois de n'être point aimées , mais ne s'en pendi- rent plus. E P ^* EPACHTES, f. f. (JE/?, anc. ) fêtes que les Athéniens célébroient en l'honneur de Cérès, & en commémoration de la douleur qu'elle refTentit de l'enlève- ment de Proferpine fa fille. Le mot èpachtes «ft compofé de eV« ,fur , & *%toç , douleur. EP AC T E , f. f. en Chronologie , eft proprement l'excès du mois folaire fur le mois fynodique lunaire , ou de l'année fo- laire fur l'année lunaire de douze mois Yy- nodiques , ou de piu (leurs mois folaires fur autant de mois fynodiques , & de plufieurs années folaires fur autant de douzaines de mois fynodiques. Les épaâes font donc ou annuelles , ou menftruelles. Les épaâes menjlruelles font ies excès du mois civil , ou du mois du ca- lendrier furie mois lunaire. Voye{ Mois. Suppofons par exemple qu'il y ait nou- velle Lune le premier de Janvier ; puifque le mois lunaire efl de 29J 1 ih 44 ' 3 ", & que ïe mois de Janvier contient 3 ù , Yépaâe menfiruelle eft donc de 1 j 1 ih 1 j ' 57". Les épaâes annuelles font l'excès de l'an- née folaire fur la lunaire. Voye[ An. Ainfi comme l'année julienne eft de 36 f j 6h , & que l'année lunaire eft de 354) Sh 48' 38'' , Yépaâe annuelle eft de loi 2ih 1 1 ' 21", c'eft-à-dire , de près de 1 îi ; & par conféquent lV/w Se cette table fe voit encore dans les élémens de Chronologie de Wolf : ainfî 011 voit que le cycle des épacles pour le fiecle où nous fommes eft 22 , 3 , 14 , &c. c'eft-à- dire que l'année dont le nombre d'or eft 3 , a pour épacle grégorienne 22, que l'année fuivante a pour épacle grégorienne , 3 , &c. Ce même ordre durera dans le fiecle qui fuivra celui-ci :, mais en 1900 il changera 7 êc l'ordre des épacles dans ce fiecle & dans les trois autres confécutifs , fera 21, 2 , 13, 24 , &c. & ainfi de fuite. V. auffi, fur cette matière, Y abrégé du calendrierpat M. Rivard, Ôc le grand ouvrage que prépare M. Couci- cault ancien échevin , 8c que nous croyons fous preffe. Ce dernier ouvrage nous a paru fait avec beaucoup d'intelligence , de foin , &c de détail» Par l'ordre des cycles des épacles , il pa- raît que le même cycle peut avoir à la fois les épacles 24 8c 25 :, comme on le verra fa- cilement dans le cycle qui commence par lç nombre 24 , dans celui qui commença Ffff 594 E P A par Je nombre 10 , &c. Or nous avons dit ci-deffus que dans le calendrier des épaâes on met les nombres 24 & 25 au même jour , & cependant les nouvelles lunes ne peu- ve it tomber au même jour dans le cours de dix-neuf ans. Pour obvier à l'erreur qui pourroit réfulter de-là , on écrit dans tous les mois pairs lunaires les nombres 26 8*25 à côté l'un de l'autre , mais le dernier en plus petit caractère \ & toutes les fois que les épaâes 24 Se 25 fe trouvent enfèmble dans le même cycle , alors il faut fe fervir de Xépaâe 25 , écrite en petit caractère 5 & on ne doit point craindre de confufion de la combinaifon des évades 24, 25 , 26, parce que ces trois épaâes ne peuvent ja- mais fe trouver enfèmble dans un même cycle. A l'égard des épaâes 26 & 25 , lorf qu'elles fe rencontrent dans un même cy- cle, il faut fe fervir de Xépaâe 25 , qui eft jointe au même jour avec 24. Enfin dans ce même calendrier on met Xépaâe 19 au dernier Décembre , avec Xépaâe 20 *, parce que la nouvelle Lune tombe au dernier Dé- cembre toutes les fois que Yépacle 19 répond au nombre d'or 19. De plus , les épaâes font difpofées de manière qu'elles donnent la nouvelle Lune environ un jour trop tard \ la raifon que Clavius apporte de cette dif position , c'eft qu'il vaut mieux que les épac- zes donnent les nouvelles lunes , & par con- féquent les pleines Lunes , trop tard , que trop tôt , afin qu'on ne foit point en rifque de célébrer la fête de Pâque avant la pleine Lune , ce qui feroit contraire au décret du concile de Nicée. Cependant quelque foin que le pape Gré- goire XIII , & les aftronomes dont il s'eft fèrvi , aient employé pour la détermination des nouvelles Lunes par les épaâes , & pour fixer la Pâque , il faut avouer que la mé- thode de trouver ainfi les nouvelles Lunes n'a pas toute l'exactitude qu'on pourroit defîrer. En premier lieu , la fixation de l'é- quinoxe du printemps au 2 1 de Mars , eft fautive , puifque cet équinoxe peut arriver quelquefois le 19 , & quelquefois le 23 , comme nous l'avons remarqué dans Yarticle Calendrier. On trouve de plus dans le tome IV des œuvres de M. Jean Bernoul- li ? imprimées à Laufanne en 1743 ', une pièce curieufe fur ce fujet , ou l'on voit I E P A l'erreur dans laquelle Xépaâe peut induire quelquefois. En 1724 , fuivant le calcul de ce favant géomètre , la vraie pleine Lune pafchale a dû tomber le fàmedi 8 avril à 4I1 n' du foir , l'équinoxe étant arrivé le 20 Mars. Or fuivant le calcul par Xépaâe , on trouve que la pleine Lune pafchale de 1724 a dû tomber le 9 Avril , qui étoit un diman- che } de forte que par la règle établie , Pâ- que n'a été que le 16 avril , au lieu qu'il auroit dû être le 9. La même chofe eft ar- rivée en 1744, où Pâque s'eft trouvé 8 jours plus tard qu'il n'auroit dû être : car on verra dans les almanachs de cette année-là , que la pleine Lune pafchale eft arrivée le famedi 28 Mars , ainfi Pâque devoit être le len- demain 29 \ au lieu que par le calcul de Xépaâe , la pleine Lune n'a dû être que le 29 , qui étoit un dimanche , ce qui a fait remettre Pâque au 5 Avril fuivant. Il en arrivera autant , félon M. Bernoulli , en 1778 & 1798 , par l'erreur d^Xépaâe. Voy* Paque. Dans la préface de Y art de vérifier les da- tes , p. 38 & f. on trouvera des obfervations utiles fur l'ufage du calcul des épaâes pour la chronologie , & pour les dates des ancienï titres. (O) Addition à l'article précédent, ÉPACTES , ( Ajlronom. ) nombres de jours , d'heures , de minutes & de fécondes dont les aftronomes font des tables , & qui fervent à préparer les calculs des éclipfes. On en trouve les tables dans le P. Riccioli, Afiron. reform. page 60 j dans M. de la Hire , dans M. Cafîini , Tables Afiron. p* 58 j dans les Ephémérides du P. Hell , pour 1764 j & dans nos Tables de la lune y imprimées en 1771 à la fuite de notre Af- tronomie. Les épaâes aftronomiques dont nous nous fervons pour trouver les nouvelles Lunes moyennes ? ne font autre chofe que l'âge de la Lune au commencement de l'année , ou le nombre de jours qui reftoit depuis la dernière conjonction moyenne de l'année précé- dente jufqu'au commencement de l'année actuelle \ fi elle eft biffextile , ou à la veille , fi c'eft une année commune. Par exemple > EP A il y a «u conjon&ion moyenne le 16 Dé- cembre 1761 , à ih 14' 14" , temps moyen , la longitude moyenne du foleil étant alors égale à celle de la Lune : depuis ce moment- là jufqu'au 3 1 Décembre à midi , pour le- quel font calculées les époques des années communes , il y a quatre jours , 22k 45' 46" j c'eft-là ce qu'on appelle Xépacle aftro- nomique de 1762. Cette épacle étant retran- chée de 29 jours I2h 44' 3", révolution moyenne de la Lune au foleil , nous apprend que la première conjonction moyenne de 1761, arriva le 24 Janvier à 13*» 58' 17" de temps moyen , puifque 4 jours 22^ qui reftent de l'année précédente avec 24 jours 13(1 du mois de Janvier , font l'intervalle de 29 jours I2*1 qu'il doit y avoir d'une conjonction à l'autre. Pour calculer Y épacle d'une année , il ftiffit donc de retrancher la longitude moyenne du foleil de celle de la Lune , & de convertir le refte en temps lunaire à raifon de 120 u' 17" par jour, qui eft la différence des mouvemens diurnes du fo- leil & de la Lune. Ainfi l'époque du foleil pour 1762 , eft 9J 100 6' 14" j & celle de 1 la Lune nj 100 25' 45", fuivant les pre- mières Tables de Mayer : celle du foleil étant retranchée de cette dernière , il refte 2j 00 19' 31" , qui répondent à 4 jours 2 2 li 45' 46" de temps : ces 4 jours font Xé- pacle de 1762 , parce qu'il a fallu 4 jours à la Lune pour s'éloigner du foleil de 2 lignes , & qu'au moment de l'époque de 1762 , il y avoit quatre jours que la conjonction étoit palfée. Epaâes de mois. 1J épacle du mois de Jan- vier eft zéro ; car puifque Xépacle de l'an- née marque l'âge de la Lune le 3 1 Décem- bre , &que nous appelions \éro le 3 1 Décem- bre, il n'y a rien à ajouter pour le mois de Janvier. \J épacle de Février fera l'âge de la Lune au commencement de Février, en fup- pofaut que la Lune ait commencé le 3 1 Dé- cembre \ c'eft donc l'excès de 3 1 jours fur une lunaifon entière, ou un jour iih 15' 58" , & ainfi des autres mois. Exemple. On demande la conjonction moyenne du mois d'Avril 1764 j on ajou- tera enfcmble les nombres tirés de la table des épacles aftronomiques. E P A Epacle de l'année 1700 , Changement pour 60 ans , Pour 4 ans , Pour le mois d'avril , 92 lK$o'53" 3 7 16 9 14 o 1 38 1 9 47 5r Somme à ôter , 28 14 56 31 Révolution entière , 29 12 44 3 Conjonction moyenne , c'eft- à-dire , le 31 Mars à 2ih. o 2ih47'32" L'orfque le jour de la conjonction moyenne fè trouve zéro , comme dans l'exemple pré- cédent , il faut prendre le dernier jour du mois précédent \ car tant qu'il n'y a que zéro de jours pour le mois d'Avril , on ne peut pas dire que nous foyons en Avril , car on compte 1 aufii-tôt que le mois com- mence. M. Halley avoit donné une fuite d'éclip- Ces , depuis 1701 jufqu'à 1718 , pour fer- vir à trouver les autres éclipfes par la pé- riode de 1 8 ans } mais les éditeurs y ajou- tèrent une table des conjonctions moyen- nes , que M. Pound avoit conftruite , &c que l'on peut voir dans le premier volume des Tables de Halley, à Paris, chez Bailly , //z-8°. en 1754 : elle revient à-peu-près au môme que celle des épacles ; mais on y a joint des tables d'équations , pour trou- ver à-peu-près les conjonctions vraies. Il y en a de femblables dans le Calendarium im- primé à Berlin pour 1749. ( M. de la Lande. ) * EPACTROCELE , f. m. (Hijf.anc.) bâtiment léger à l'ufage des pirates anciens. Ce mot , compofé du grec , fignifie bâti- ment chargé de butin. % EPAGNEULS , f. m. pi. ( Vénerie. ) Voye^t article Chiens. Les chiens épagneuls ou efpagnols font plus chargés de poil que les braques , & conviennent mieux dans les pays couverts '-, ils chaffent de gueule , ôc forcent le lapin dans les brouftailles : quel- quefois ils rident , & fùivent la pifte de la bête fans crier. Ils font bons aufîi pour la plume , & chaffent le nez bas. * EPAGOGES , f. m. ( Hift. anç.) ma- giftrats d'Athènes , inftitués pour juger les différends qui furveuojent entre les mar- chands. EPAGOxMENES , adj. pi. ( Hift. anc. & Ckronol. ) On appelloit ainfi les cinq jours qu'on ajoutoitàla fin de l'année égyptienne t Ffff 2 596 E P A dont chaque tnois avoît trente jours : ces cinq jours ajoutés faifoient 365. Voye\ An. {0) EP AILLER, v. adt. (Bijoutier, Metteur en œuvre , Orfèvre , &c. ) c'eft avec l'échope à épailler ( dont nous avons décrit la forme ) , enlever de l'or toutes les faletés , doublu- res &: porures qui proviennent de la fonte ou du mal-forgé. Quand l'or eft à une cer- taine épaifTeur , on enlevé à l'échope plate toute la fuperficie \ enfuite on le ploie & reploie avec un marteau de bois. Cette courbure découvre toutes les cavités qui ibnt dans l'or , & on les enlevé avec l'é- chope à épailler. L'or étant plus fujet aux faletés que l'argent , à caufe de fon alliage , cette opération eft de plus grande confé- quenec pour le Bijoutier que pour tout au- tre artifte , d'autant plus que le poli de l'or demande une grande netteté dans le métal. * EPAIS , adj. C Gramm. ) Il fe prend ou relativement à la dimenfion , ou relative- ment au nombre , ou relativement à la con- fîftance. Dans le premier cas on dit un livre épais , un bloc épais ; dans le fécond on dit des bataillons épais ; dans le troifîeme on dit une encre épaijfe , un vin épais , &c. Il fe prend a'ufli au figuré , & l'on dit un homme épais , une mâchoire épaijfe. Un livre épais eft celui qui contient un trop grand nombre de feuillets , eu égard à fon format } car un. in-folio pourroit être trop mince avec le même nombre de feuil- lets qu'un in- 11 trop épais : d'où l'on voit que le mot épais eft un terme relatif. Le fubftantif d'épais eft épaijfeur. Si la dimen- fion d'un corps qu'on aura appellée fa lar- geur , eft parallèle à l'horizon , fon épaif leur fera perpendiculaire à fa largeur. Epais , adje£f. en Mujique : genre épais ou denje , ttvkvk j eft , félon la définition d'Ariftoxene , celui où dans chaque tétra- corde la fomme des deux premiers interval- les eft toujours moindre que le troifîeme: ainfi le genre enharmonique eft épais j parce que les deux premiers intervalles , qui font d'un quart de ton chacun , ne for- ment enfembîe qu'un femi-ton '■, fomme beaucoup moindre que le troifîeme inter- valle , qui eft une tierce majeure. Le genre chromatique eft aufîi un genre épais ; 'car EP A fes deux premiers intervalles ne forment qu'un ton , moindre encore que la tierce mineure qui fuit. Mais le genre diatonique n'eft point épais , car fès deux premiers in- tervalles forment un ton & demi 5 fomme plus grande que le ton qui fuit. Voy. Té- TRACORDE , GENRE, &c. {S) EPAISSISSANT , ( Thérapeutique. ) Vovei Incrassant. ^ ÈPAISSISSEMENT , f. m. ( Médec. ) fe dit ordinairement des humeurs du corps humain qui ont trop de coufiftance. Toutes les parties élémentaires qui conf- tituent le compofé des corps fluides , ont une certaine force de cohéfion entr'elles 5 il en eft par conféquent de même de ceux qui fe trouvent dans les animaux : & peur que ceux-ci puilfent couler dans la cavité des plus petits conduits , il eft néceffaire que les molécules qui y font portées fous une forme t plus ou moins volumiueufe , fe fépareut les unes des autres , pour pou- voir palier chacune en particulier avec un diamètre proportionné à celui du caual \ il faut par conféquent que les puiffances qui font mouvoir ces malles fluides , & les pouffent vers, les dernières filières des vaif- feaux ? aient une force fupérieure à celle de la cohéiîon des molécules , qui les tient unies entr'elles jufqu'à un certain point r & leur donne le degré de confiftance con- venable à leur nature & à leurs ufages. S'il arrive donc par quelque caufe que ce foit , que la cohéfion des parties élé- mentaires qui compofent les humeurs du corps humain , foit augmentée , de ma- nière que ne pouvant pas être féparées les unes des autres par l'action du cœur Se des vaiifeaux , ces particules reftent unies ; & que confervant un volume trop confî- dérable , refpeéfivement à la capacité des vaiifeaux dans lefquels elles doivent être diftribuées , elles trouvent de la réfiftance à couler dans leurs extrémités , elles y caufènt des engorgemens . des obftru&ions, de différente nature , félon la différence des humeurs épaifîîes. La plupart d'entr'el- les , comme le fang , la lymphe , n'étant fluides que par accident , c'eft-à-dire , à caufe des parties aqueufès qui entrent dans: leur composition , qui leur fervent de- véhicule , & du mouvement de la via E P A faifte , qui s'oppofe continuellement à leur concrétion , fout par conféquent naturelle- ment très-dtfpofées à contracter ce vice , & à devc.ur par-là moins propres à circuler , à être diftribuées dans leurs vaiffeaux refpec- tifs. Le mouvement & le repos , la chaleur &: le froid , lu force tk la foiblefle du corps, favonfe.it également cette difpofition , & prodft ifeat ïépaiffîjfment de ces différens Suides : comme au;îi bien d'autres cauiès , telles que les coagulans acides , fpiritueux :. les vifqueux , les huileux mêlés avec la malle des humeurs. Ainfi ou doit employer pour corriger Ce vice , des moyens aulfi différens que les caufes. Si le fan g trop épais occafione des engorgemens inflammatoires dans le pou- mon , dans le foie , la faignée &. lés dé- layans font les remèdes que l'on met en ufage avec fuccès dans ce cas : ce même traitement ne ponrroit que produire de très-mauvais effets , fi on l'employoit pour combattre lavifeofité pituiteufe. F. Sang, & fes vices; OBSTRUCTION, INFLAMMATION. w EPANADIPLOSE , f. î. figure de dic- tion | ÏTruvetii-TKaTtu Ce mot eft compofé de la prépofïtion M , & de avet£i-r\aTi< , redupticatio. R. JVtaoo? , duplex. Il y a ana- diplofe & épanadiplofe ; ce font deux efpeces de répétitions du même mot* Dans J'anadi- plofe , le mot qui finit une propofition , eft répété pour commencer la propofition fui- vante ; . . . Sequitur pulcherrimus Afîûr , Ajlur equo fidens. /Eueid. I. X. v. 180. &: dans Ovide , au fécond livre des Métam. v. 106. .... Silvce cum montibus ardent j Ardet Athos , Taurufque , &c. & en françois , Henriade , liv. I. Il apperçoit de loin le jeune Teligny; Teligny^ dont f amour a mérité fa file» au lieu que dans Y épanadiplofe le même mot qui commence une propofition, eft répété pour finir le fens total : Ambo florentes œtatibus , Arcades ambo. ' Yirg. ég. 7. E P A 597 & Ovide , au liv. 11. desFajtes^v. 135. dit : Una dies Fabios ad bellum miferat omnes j Ad bellum miffos perdidit una dies. On trouve le dyftique fnivant dans deux an- ciennes inferiptions rapportées par Gruter j l'une au r. /. p. 615 , & l'autre au t. II. p* 912. Balnea , vina , Venus , corrumpunt cor* pora noflra ; Sed vitamfaciunt balnea , vina , Venus. ]~? épanadiplofe eftauffi nommée épanaplefe par Donat ôl par quelques autres grammai- riens. Pour moi je trouve qu'il fùfîît d'obfèr- ver qu'il y a répétition , & de fentir la grâce que la répétition apporte au dis- cours , ou le dérangement qu'elle caufe. Il eft d'ailleurs bien inutile d'appeller la répétition , ou anadiplofe , ou épanadiplofe, félon les diveries combiuaifons des mots répétés. Ceux qui fe fout donné la peine d'inventer ces fortes de noms fur de pa- reils fondemens , ne font pas ceux qui ont le plus enrichi la. république des lettres. (G) EPANCHEMENT , f. m. {Médec.) Ce terme eft employé à-peu-près dans le même fèns quejfu/ion , extravafation ; il femble ce- pendant plus particulièrement affecté pour exprimer l'écoulement confidérable d'un fluide dans quelque efpace du corps humain qui n eft pas deftiné à en contenir , comme lorique la fé/ofité du fang fort de fes vai£ féaux , & fe répand dans la cavité du bas- ventre : d'où réfulte une hydropifie afeite y &c V. Effusion , Extra vasation , Hy- dropisie , &c. {d) EPANNtLEK, v. a£t. terme de Sculptu- re; c'eft couper à pans. Le fculpteur-ftatuai- re , après avoir déterminé la baie du bloc de marbre qu'il veut employer , & avoir faiç faire le lit pour la plinthe , épannele le bloc j c'eft-à-dire qu'après avoir définie avec le crayon fur ce bloc , & arrêté les mafiês principales de fon lu jet , il fait donner plu- iïeurs traits de feie ou de cifeau pour jeter en bas les fuperfluités , & dégager de fa maffe la tête , les bras & autres parties, fui- vant fon modèle , & les traits qu'il a formés fui le marbre. Cette opération 3 qui rend le pS E P A bloc plus maniable &plus aifé à manœuvrer, fe fait alternativement fur fes quatre faces. Voyei Lit, Plinthe, Bloc , & Sculp- ture. EPANORTHOSE, f. f. {Belles-Leur.) figure de Rhétorique , par laquelle l'orateur rérracle ou corrige quelque chofe de ce qu'il a déjà avancé , tk qui lui paroît trop foible: il y ajoute quelque chofe de plus énergi- que , & de plus conforme à la pafîion qui l'occupe ou le tranfporte. Voye\ CORREC- TION. Cicéron emploie cette figure dans fon Oraifon pour Caelius , lorfqu'il dit : Oftul- titiam ! ftultitiamne dicam ? an impudentiam fingularem ? tk dans fa première catilinaire : Quanquam quid loquor? te ut ulla res /ran- ge t ? tu ut unquam te corrigas ? tu ut ullam fugam me dit ère ? tu ut ullum exiliumcogitesl utinam tibi illam mentem dii immor taies do- utaient ! Ainfi Térence , dans fon heautontimoru- menos , fait dire au vieiilard Mcnedeme : Filium unicum adolefcentulum Habeo. Ah ! quid dixi habere me ? imb habui , Chrême ; Nunc habeam , nec-ne , incertum eft. (G) EPANOUIE, IE , adj. (terme de Blafon.) fè dit des lis , des rofes , des tulipes , & au- tres fleurs fur leurs tiges , qui paroiflent en- tièrement ouverts tk dans une parfaite croif fànce. Epanouie , fe dit aufll d'une fleur de lis , dont le fleuron fupérieur eft ouvert , tk qui a des boutons entre les fleurons des côtés : telle que la. fleur de lis de Florence , qui eft de gueules en un champ d 'argent. Veraiiy de Varenne à Paris ^d'argent à la rofe épanouie de gueules ; la tige , les feuilles & les épines de f/nople.t{ G^D. L. T.) EPANOUIR (s') , Gram. il fe dit de l'ac- croifîémentqui fuit lafortie du bouton d'une fleur \ ce bouton forti , la fleur commence à fe former parl'épanouiflèment du bouton. Il fe dit aufïî de la fleur , lorlqu'dle a pris toute fa beauté tk toute fon étendue : cette fleur eft entièrement épanouie. Il fè prend quelquefois a&ivement tk paiîivement , & l'on dit : vous vous épanouijfe^ épanouijfe^ yotre cœur. JEPARCHA , ( Mufiq. des anc. ) Pol- E P A lux , Onomaft. liv. IV. chap. 9 , nous ap* prend que Xéparcha étoit une des parties du mode des cithares , fuivant la divifion de Terpandre : c'étoit apparemment le pré- lude , car c'eft: ce que fîgnifie le mot éparcha, (F.D.C.) EPARCHEIA, {Mufiq. des anc.) c'étoit la féconde partie du monde des cithares, fuivant la divifion de Terpandre , Pollux , Onomaft. liv. IV, chap. 9. Ueparcheia , com- mencement , étoit probablement le commen- cement même du mode , puifqu'il fuivoit Xéparcha ou prélude. V. EPARCHA. ( Mufiq. des anc. ) {F.D.C.) EPARER , v. neut. {Manège.) terme par lequel nous défignons l'action d'un cheval qui détache fes ruades avec une telle force r que fes jarrets parfaitement tk vigoureufe- ment étendus, font fouvent entendre un bruit à- peu-près femblable à celui d'un léger coup de fouet. Cette action eft principalement requifè dans l'air des caprioles , tk le diftingue des. airs relevés que nous nommons croupades & ballotades. V. RELEVÉS {airs.) {e) EPARGNE , f. f. {Morale) fîgnifie quel- quefois le tréfor du prince , tréforierde l 'épar- gne , les deniers de f épargne , &c. Epargne en ce fens n'eft plus 'guère d'ufàge j on dit plutôt aujourd'hui tréfor, royal. Epargne , la loi de t'épargne , expreftion employée par quelques phyficiens moder- nes , pour exprimer le décret par . lequel Dieu. règle de la manière la plus fimple tk la plus confiante tous les mouvemens , toutes les altérations , tk les autres changemens delà nature. V. Action, Cosmologie , &c. Epargne , dans le fens le plus vulgaire , eft une dépendance de l'économie ; c'eft proprement le foin & l'habileté néceflaires pour éviter les dépenfes fuperflues , tk pour faire à peu de frais celles qui font indifpen- fabjes. Les réflexions que l'on va lire ici , auroient pu entrer au mot Economie , qui a un fens plus étendu , tk qui embraffe tous les moyens légitimes , tous les foins néceflaires pour confèrver tk pour accroî- tre un bien quelconque , tk fur- tout pour le difpeufèr à propos. C'eft en ce fens que l'on 4^ économie d'une famille , économie E P A des abeilles , économie nationale. Au refte les termes d'épargne & d'économie énon- cent à-peu-près la même idée } & on les emploiera indifféremment dans ce cl if cours , fuivant qu'ils paroîtront plus con- venables pour la jufteffe de l'expreffion. L'épargne économique a toujours été regardée comme une vertu , & dans le Paganifme , & parmi les Chrétiens j il s'eft même vu des héros qui l'ont constam- ment pratiquée : cependant , il faut l'a- vouer , cette vertu eft trop niodefte , ou , fi l'on veut , trop obfcure pour être effen- tielle à l'héroïfme j peu de héros font ca- pables d'atteindre jufque-là. L'économie s'accorde beaucoup mieux avec la politi- que j eile en eft la bafe , l'appui , & l'on peut dire en un mot qu'elle en eft infé- parable. En effet, le miniftere eft pro- prement le foin de l'économie publique : aufli M. de Sully, ce grand miniftre, cet économe fi fage & fi zélé , a-t-il intitulé {es mémoires , Economies royales , &c. L 'épargne économique s'allie encore par- faitement avec la piété , elle en eft la com- pagne fidèle } c'eft-là qu'une ame chré- tienne trouve des relfources affurées pour tant de boanes œuvres que la charité prefcrit. Quoi qu'il en foit , il n'eft peut-être pas de peuple aujourd'hui moins amateur ni moins au fait de l'épargne , que les Fran- çois } & en conféquence il n'en eft guère de plus agité , de plus expofé aux chagrins & aux miferes de la vie. Au refte , l'indif- férence ou plutôt le mépris que nous avons pour cette vertu , nous eft infpiré dès l'en- fance par une mauvaife éducation , & fur- tout par les mauvais exemples que nous voyons fans ceflè. On entend louer per- pétuellement la fomptuofité des repas & des fêtes , la magnificence des habits , des appartenons , des meubles , &c. Tout cela eft repréfenté , non feulement comme le but & la récompenfe du travail & des talens , mais fur-tout comme le fruit du goût & du génie , comme la marque d'une ame noble & d'un efprit élevé. D'ailleurs , quiconque a un certain air d'élégance & de propreté dans tout ce qui l'environne j quiconque fait faire les hoa- E P A x 5cr9 neurs de fa table & de fa maifon , paffe à coup sûr pour homme de mérite & pour galant homme , quand même il manque- rait effentiellement dans le refte. Au milieu de ces éloges prodigués au luxe & à la dépenfe , comment plaider la caufe de l'épargne ? Aufli ne s'avifè-t-on pas aujourd'hui dans un difeours étudié y clans une inftruétion , dans un prône , de recommander le travail , l'épargne , la fruga- lité , comme des qualités eftimables & utiles. Il eft inoui qu'on exhorte les jeunes gens à renoncer au vin , à la bonne-chere , à la paru- re , à favoir fe priver des vaines fuperfluités, à s'accoutumer de bonne heure au fimple néceflaire. De telles exhortations paraî- traient baffes & mal-fbnnantes } elles font néanmoins bien conformes aux maximes de la fageffe , & peut-être fèroient-elles plus efficaces que toute autre morale , pour rendre les hommes réglés & vertueux. Malheureufèment elles ne font point à la mode permi nous , on s'en éloigne même tous les jours de plus en plus j par-tout on infinue le contraire , la molleffe & les commodités de la vie. Je me fouviens que dans ma jeuneffe on remarquoit avec une forte de mépris les jeunes gens trop occupés de leur parure \ aujourd'hui on regarderoit avec mépris ceux qui auraient un air fimple & négligé. L'éducation de- vrait nous apprendre à devenir des ci- toyens utiles , fobres , défintéreffés , bien- faifans : qu'elle nous éloigne aujourd'hui de ce grand but ! elle nous apprend à mul- tiplier nos befoins , & par-là elle nous rend plus avides , plus à charge à nous- mêmes , plus durs & plus inutiles aux autres. Qu'un jeune homme ait plus de talent que de fortune , on lui dira tout au plus d'une manière vague , qu'il doit fbnger tout de bon à fon avancement j qu'il doit être fidèle à fès devoirs , éviter les mau- vaifes compagnies, la débauche , &c. mais on ne lui dira pas , ce qu'il faudrait pour- tant lui dire & lui répéter fans ceflè , que pour s'affurer le néceifaire & pour s'avan- cer par des voies légitimes , pour devenir honnête homme & citoyen vertueux , utiles, à foi & à fa patrie , il faut être courageux; & patient % travailler fans relâche % éviter £oo E P A la dépenfe , méprifer également la peine & le plaifîr , & fe mettre enfin au deifus des préjugés qui favorifent le luxe , la difîipa- tion & la mollefïë. On connoît aflèz l'efficacité de ces moyens : cependant comme on attache m al- à-propos certaine idée de bafleffe à tout ce qui fent Yépargne &. l'économie , on n'oferoit donner de femblabks confeils , on croiroit prêcher l'avarice j for quoi je remarque en parlant , que de tous les vices combattus dans la morale , il n'en eft pas de moins déterminé que celui-ci. On nous dépeint fouvent les avares comme des gens fans honneur & fans humanité , gens qui ne vivent que pour s'enrichir , & qui facrifient tout à la paiîion d'accu- muler 5 enfin comme des infenfés , qui, au milieu de l'abondance , écartent loin d'eux toutes les douceurs de la vie , & qui fe refufent jufqu'au rigide néceffaire. Mais peu de gens fè reconnoiffent à cette peinture affreufe } & s'il falîoit toutes ces circonftances pour conftituer l'homme ava- re , il n'en feroit preique point fur la terre. Il fùffit pour mériter cette odieufe qualifi- cation , d'avoir un violent defir des ri- chefTes , & d'être peu fcrupuleux fur les moyens d'en acquérir. L'avarice n'eft point effentiellement unie à la léfine , peut-être même n'eft-elle pas incompatible avec le fafte & la prodigalité. Cependant , par un défaut de jufteffe , qui n'eft que trop ordinaire , on traite communément à' avare l'homme fobre, 'at- tentif & laborieux , qui , par fon travail & fes épargnes , s'élève infenfiblement au deffus de fes femblablesç, mais plût au ciel que nous enflions bien des avares de cette efpece ! la fociété s'en trouveroit beaucoup mieux , & l'on n'elfuieroit pas tant d'in* juftice de la part des hommes. En géné- ral , ces hommes relTerrés , fi l'on veut , mais plutôt ménagers qu'avares , font pref- que toujours d'un bon commerce } ils de- viennent même quelquefois compatiflàns ; & fi on ne les trouve pas généreux , on les trouve au moins allez équitables. Avec eux enfin on ne perd prefque jamais , an lieu qu'on perd le plus fouvent avec les difîipateurs. Ces ménagers en un mot font dans le fyftême d'une honnête épargne , à ep A laquelle nous vrodiguons mal-à-propoa le nom d'avance. Les anciens Romains plus éclairés que nous fur cette matière , étoient bien éloi- gnés d'en ufer de la forte } loin de regar- der lu parcimonie comme une pratique baflc ou vicieufe , erreur trop commune parmi les François , ils l'identifioient , au contrai- re , avec la probité la plus entière } ils ju- geoient ces vertueufes habitudes tellement inféparables , que l'exprefïion connue de vir frugi , fignifioit tout-à-la -fois , chez eux , ? homme fobre & ménager , l honnête homme & /' homme de bien. L'Efprit-Saint nous prélente la même idée } il fait en mille endroits l'éloge de l'économie , & par-tout il la diftingue de l'avarice. Il en marque la différence bien fenfïble , quand il dit d'un côté qu'il n'eft rien de plus méchant que l'avarice , ni rien de plus criminel que d'aimer l'argent , ( Eccléfîaji. x. 9. 10. ) & que de l'autre il nous exhorte au travail , à Y épargne , à la fobriété , comme aux feuls moyens d'en • richiffement } lorfqu'il nous repréfente l'ai- fance & la richeflè comme des biens de- firables , comme les heureux fruits d'une vie fobre & laborieufe. # Allez , dit-il au pareffeux , allez à la fourmi , & voyez comme elle ramaffe dans l'été de quoi fubfifter dans les autres fai- fons. Prov. vj. 6. Celui , dit-il encore , qui eft lâche & négligent dans fon travail , ne vaut guère mieux que le diiîlpateur. Prov. xviij. 9. Il nous allure de même , que le paref- feux qui ne veut pas labourer pendant la froidure , fera réduit à mendier pendant l'été. Prov. xx. 4. Il nous dit dans un autre endroit : pour peu que vous cédiez aux douceurs du re- pos , à l'indolence , à la parefîe , la pauvreté viendra s'établir chez vous & s'y rendra la plus forte : mais , continue-t- il , fi vous êtes a&if & laborieux , votre moiffou fera comme une fource abondante , 8c la di- fette fuira loin devons. Prov. vj. 10. ir. Il rappelle une féconde fois la même leçon , en difant que celui qui laboure fon champ fera rafîàfié } mais que celui qui aime l'oifiveté fera furpris par l'indigence. Prov, xxviij. 19. I) E l'A II nous avertit en même temps ^ que l'ouvrier fujet à l'ivrognerie ne deviendra jamais riche. Eccléjîajliq. xjx. z . Que quiconque aime le vin & la bonne chère , non-feulement ne s'enrichira point , mais qu'il tombera même dans la mifere. Prov. xx j. 1 7. Il nous dérend de regarder le vin lors- qu'il brille dans un verre , de peur que cette liqueur ne fafîè fur nous des impref- fions agréables mais dangereufes ; & qu'en- fuite femblable à unTerpent & à un bafilic, elle ne nous tue de fon poifon. Prov. xxiij. 3*. 3Z- Retranchez , dit-il , ailleurs , retranchez le vin à ceux qui font chargés du miniftere public , de peur qu'enivrés de cette boif- fon traîtreflê , ils ne viennent à oublier la juftice , & qu'ils n'altèrent le bon droit du. pauvre. Prov. xxxj. 4. $. Contentez-vous , dit-il encore , du lait de vos chèvres pour votre nourriture , & qu'il fourniffe aux autres befoins de votre maifon , &c. Prov. xxvij. zj. Que d'inftrucHon & d'encouragement à Y épargne & aux travaux économiques , ne trouve-t-on pas dans l'éloge qu'il fait de la femme forte ! il nous la dépeint comme une mère de famille attentive & ména- gère , qui rend la vie douce à fon mari & lui épargne mille follicitudes ; qui forme des entreprifes importantes , & qui met elle-même la main à l'œuvre ; qui fe levé avant le jour pour diftribuer l'ouvrage & la nourriture à fes domeftiques ; qui augmente fon domaine par de nouvelles acquittions ; qui plante des vignes ; qui fabrique des étoffes pour fournir fa maifon "Se pour commercer au-dehors ; qui n'a d'autre pa- rure qu'une beauté fimple & naturelle ; qui met néanmoins dans l'occafion les ha- bits les plus riches ; qui ne profère que des paroles de douceur & de fagefïè ; qui eft enfin compatiffante & fecourable pour les malheureux. Prov. xxxj. zo. z z. z z. z%. 24. z 5. &c. A ces préceptes , à ces exemples d'éco- nomie fi bien tracés dans les livres de la Sagefîè , joignons un mot de S. Paul , & confirmons le tout par un trait d'épargne que J. C. nous a laifle. L'apôtre écrivant à Thimothée , veut entr'autres qualités , dans Tome XII. E P A Goi les évêques , qu'ils foient capables d'élever leurs enfans & de régler leurs affaires do- meftiques , en un mot qu'ils foient de bons économes ; en effet , dit-il , s'ils ne favent pas conduire leur maifon , comment con- duiront-ils les affaires de l'Eglife ? Si quis autem domui fuce prceejfe nefeity quomodd Ecclejice Dei diligentiam habebit .? I. épître à Timothée , ch. iij. f. 4. £. Le Sauveur nous donne aufli lui-même une excellente leçon d'économie, lorfqu'ayant multiplié cinq pains & deux poifTons au point de rafTafier une foule de peuple qui le fui- voit , il fait ramaffer enfuite les morceaux qui reffent & qui remplifTent douze corbeil- les , & cela , comme il le dit , pour ne rien laiûer perdre : colligite quœ fuperaverunc fragmenta ne pereant. Jean , vj. z z. Malgré ces autorités fi refpeâables & fi facrées , le goût des vains plaifirs & des folles dépenfes eff chez nous la paffion dominante , ou plutôt c'eft une efpece de manie qui poflêde les grands & les petits , les riches & les pauvres , & à laquelle nous facrifions fouvent une bonne partie du nécefîaire. Au refte ilfaudroit n'avoir aucune expé- rience du monde , pour propofer férieufe- ment l'abolition totale du luxe & des fuper- fluités ; auffi n'eff-ce pas là mon intention. Le commun des hommes eff trop foible , trop efclave de la coutume & de l'opinion % pour réfiffer au torrent du mauvais exem- ple ; mais s'il eff impoffible de convertir la multitude , il n'eft peut-être pas difficile de perfuader les gens en place , gens éclairés & judicieux , à qui l'on peut repréfenter l'abus de mille dépenfes inutiles au fond , & dont la fuppreffion ne gêneroit point la liberté publique ; dépenfes qui d'ailleurs n'ont pro- prement aucun but vertueux , & qu'on pourrait employer avec plus de fagefïè & d'utilité : feux d'artifice & autres feux de joie , bals & feffins publics , entrées d'am- baffadeurs , &c. que de momeries , que d'à- mufèmens puériles , que de millions prodi- gués en Europe , pour payertribut à la cou- tume ! tandis qu'on eft preffé de befoins réels , auxquels on ne fàuroit fàtisfaire , parce qu'on n'eft pas fidèle à l'économie nationale. Mais que dis-je ! on commence à fè^tii* Gggg £oi E P A E P A la futilité de ces dépenfes , & notre minif- | » dres ; ce qui eft , dit- on , le préfent ordî- tere l'a déjà bien reconnue , lorfque le ciel ayant comblé nos vœux par la nahTance du duc de Bourgogne , ce jeune prince fi cher à la France & à l'Europe entière, on a mi eux aimé pour exprimer la joie commune dans cet heureux événement , on a mieux aimé ,- . dis-je , allumer de toutes parts le flambeau de l'hymenée, & préfenter aux peuples fes ,ris & fes jeux pour favorifer la population par de nouveaux mariages , que de faire , Suivant la coutume , des prodigalités mal entendues , que d'allumer des feux inutiles & difpendieux qu'un inftant voit briller & s'éteindre. Cette pratique fi raifonnsble rentre par- faitement dans la penfée d'un fage fuédois , qui donnant une fomme , il y a deux ans , .pour commencer un établifïêment utile à fa ccrivoit à ce fujet : " Plût au ciel que la 9> mode pût s'établir parmi nous , que dans ?> tous les événemens qui caufent PalégrefTe 9> publique , on ne fît éclater fa joie que 9> par des a&es utiles à lafociéré! on ver- *> roit bientôt nombre de monumens hono- *> râbles de notre raifbn , qui perpétueraient 9> bien mieux la mémoire des faits dignes py de paffer à la poflérité , & feroient plus 9> glorieux peur l'humanité que tout cet 9) appareil tumultueux de fêtes , de repas , 9) de bals , & d'autres divertifTemens ufités 9) en pareilles occafions. » Galette de France , 8 Décembre ZJS3- Suéde. La même propofition eft bien confirmée par l'exemple d'un empereur de la Chine qui vivoit au dernier fiecle , & qui dans l'un des grands événemens de fon règne, défen- dit à l'es fujets de faire les réjouifîances or- dinaires & confacrées par l'ufage , foit pour leur épargner des frais inutiles & mal pla- cés , foit pour les engager vraifemblable- jnent à opérer quelque bien durable , plus glorieux pour lui-même , plus avantageux à tout fon peuple , que des amufemens fri- voles & paffagers , dont il ne refte aucune utilité fenfible» Voici encore un trait que je ne dois pas oublier : " Le miniftere d'Angleterre , dit v une gazette. . . .de l'année 1754 , a fait f> compter mille guinées à M. Wal , ci- » deyant ambafiadeur d'Efpagne à Lon- » naire que l'état fait aux miniftres étran- » gers en quittant la Grande-Bretagne. » Qui ne voit que mille guinées ou mille louis forment un préfent plus utile & plus raifon- nable que ne feroit un bijou , uniquement deftiné à l'ornement d'un cabinet ? Après ces grands exemples d'épargne po- litique , oferoit-on blâmer cet ambaffadeur hollandois , qui recevant à fon départ d'une cour étrangère le portrait du prince enrichi de diamans , mais qui trouvant bien du vuide dans ce préfent magnifiqqe , demanda bonnement ce que cela pouvoit valoir. Comme on l'eut afîuré que le tout coûtoit quarante mille écus : que ne me donnoit- on , dit-il , une lettre-de-change de pareille fomme à prendre fur un banquier d'Amfter- dam? Cetti naïveté hollandoife nous "fait patrie, s'exprimoit ainfi dans une lettre qu'il" rire d'abord; mais en examinant la choie de près , les gens fenfés jugeront apparem- ment qu'il avoit raiion , & qu'une bonne lettre de quarante mille écus eft bien plus de fervice qu'un portrait. En fuivant le même goût d'épargne y que de retranchemens , que d'inftitutions utiles & praticables en plufieurs genres difFércns ! Que d'épargnes poflibles dans l'adminiftra- tion delà juftice, police & finances, puis- qu'il feroit aiié , en Amplifiant les régies & les autres affaires , d'employer, à- tout cela bien moins du monde qu'on ne fait à pré- fent ! Cet article eft afTez important pour mériter des traité» particuliers ; nous en avons fur cela plufieurs qu'on peut lire avec beaucoup de fruit. Que d'épargnes poflibles dans la cîifci- plinedenos troupes , & que d'avantages on en pourroit tirer pour le roi & pour l'état , fi l'on s'attachoit comme les anciens à les occuper utilement ! J'en parlerai dans quel- qu'autre occafion. Que d'épargnes poffibles dans la police des Arts & du Commerce, en levant les obftacles qu'on trouve à chaque pas fur le tranfport & le débit des marchandifes & denrées , mais fur-tout en rétabliflant peur- à-peu la liberté générale des métiers & né- goces , telle qu'elle étoit jadis en France , & telle qu'elle eft encore aujourd'hui en plu- fieurs états voifins ; fupprimant par confé- quent les formalités onéreufes des brevets E P A d'apprentifîâge , maîtrifes & réceptions , & autres femblables pratiques , qui arrêtent l'activité des travailleurs , fouvent même qui les éloignent tout-à-fait des occupations utiles , & qui les jettent eniuite en des ex- trémités funeftes ; pratiques enfin que l'ef- prit de monopole a introduites en Europe , & qui ne le maintiennent dans ces temps éclairés que par le peu d'attention des légii- lateurs. Nous n'avons déjà , tous tant que nous fommes , que trop de répugnance pour les travaux pénibles ; il ne faudroit pas en augmenter les difficultés , ni taire naître des occaiions ou des prétextes à notre pareflê. De plus, indépendamment des maîtriies, il y a parmi les ouvriers mille ufages abu- fifs & ruineux qu'il faudroit abolir impi- toyablement ; tels font , par exemple , tous droits de compagnonage , toutes fêtes de communauté , tous irais d'afîemblée , je- tons , bougies , repas & buvettes : occa- lions perpétuelles de fainéantife , d'excès & de pertes , qui retombent nécefTairement fur le public , & qui ne s'accordent point avec l'économie nationale. • Que la €c* E P A violence , & tant d'autres excès qui vien- nent de la même fource. Je prêche donc hautement Yépargne publique & particulière ; mais c'eft une épargne fage & défintéreflee , qui donne du courage contre la peine , de la fermeté contre le plailir , & qui cil enfin la meil- leure refîburce de la bienfaifance & de la générofité ; c'efi cette honnête parcimonie ii chère autrefois à Pline le jeune , & qui le mettoit en état , comme il le dit lui- même , de faire dans une fortune médio- cre , de grandes libéralités publiques & particulières. Quidquid mihi pâte r tuus de- huit y acceptum tibi ferri jubeo; neceftquod verearis ne fit mihi ifia onerofa donatio. Sunt quidem omninb nobis modicae facilitâ- tes y dignitas fumptuofa , reditus pr opter conditionem agellorum nefcio minor an in- certior; fed quod ceffat ex reditu, frugalitate fuppletur , ex quâ v élut à fonte liber alitas nojlra decurrit. Lettres de Pline , livre II. lettre jv. On trouve dans toutes ces lettres mille traits de bienfaifance. Voye\ fur-tout liv. III. lett. xj. liv. IV. lett. xiij. &c. Rien ne devroit être plus recommandé aux jeunes gens que cette habitude ver- tueufe , laquelle deviendrait pour eux un préfervatif contre les vices. C'eft en quoi l'éducation des anciens étoit plus conlé- quente & plus raifonnable que la nôtre. Ils accoutumoient les enfans de bonne heure aux pratiques du [ménage , tant par leur propre exemple que par le pécule qu'ils leur accordoient , & que ceux-ci , quoique jeu- nes & dépendans , faifoient valoir à leur profit. Cette légère adminiftration leur don- noit un commencement d'application & de follieitude , qui devenoit utile pour le refte de la vie. Que nous penfons là-defïus différem- ment des anciens ! on n'oferoit aujourd'hui tourner les jeunes gens à l'économie ; & ce fèroit , comm# l'on penfe , n'avoir pas de fentiment que de leur en infpirer l'eftime & le goût. Erreur bien commune dans notre fiecle , mais erreur funeffe qui nuit infini- ment à nos mœurs. On a fondé en mille endroits àcs prix d'éloquence & de poéfie ; qui fondera parmi nous des prix d'épargne & de frugalité ? Au refte ; ces proportions n'ont d'autre E P A but que d'éclairer les hommes fur leurs intérêts , de les rendre plus attentifs fur le nécefiaire , moins ardens fur le fuperflu , en un mot d'appliquer leur induftrie à des objets plus fructueux , &. d'employer un plus grand nombre de fujets pour le bien moral , phylïque & fenfible de la fociété. Piût au ciel que de telles mœurs priffent chez nous la place de l'intérêt , du luxe & des plaifirs ; que d'ailance , que de bonheur & de. paix il en réfulteroit pour tous les ci- toyens ! Cet article eftde M. Fa iguet. EPARGNE, (Hydr.) Voye^ Aju- tage. EPARGNE , {Gravure en bois. ) Ou- vrage fait à taille d'épargne : c'eft une ma- nière de graver ou entailler le bois , les pierres , les métaux , Ùc. qui fe dit lors- qu'on taille & qu'on enlevé le fonds de la matière , & qu'on n épargne & qu'on ne lailTe en relief que les parties qu'on veut faire paroitre à la vue , ou qui doivent marquer & imprimer : anaglyphum fcul- pere y incidere : ainli les gravures en bois font taillées ou* gravées en épargne. Car au lieu que dans la gravure en cuivre ou taille douce , les traits ou lignes qui doivent paroître , font gravées en creux dans le métal , & que les blancs relient relevés fur la planche : au contraire , dans les tailles ou gravures en bois , les blancs font en- foncés , creufés & vuidés , & les traits & lignes qui doivent paroître , font élevés & épargnés : d'où l'on doit concevoir la lon- gueur &. la précifion que demande cette efpece de gravure. * ÉPARS. ( Gram. ) Il fe dit en gé- nérai d'un grand nombre d'objets de la même efpece , diftribués fur un efpace beaucoup plus grand que celui qu'ils de- vroient naturellement occuper : ainfi épars elf encore .un terme relatif ; & les deux termes de la comparaifon font le nombre &: le lieu , ou les diilances des objets les uns à l'égard des autres. EPARTS , f. m. pi. terme de Charron 9 font des morceaux de bois plat , de l'épaif- feur d'un bon pouce , longs environ de cinq pies , qui joignent les deux limons & les afluiettilTent à pareille diffance : c'eft deflûs les éparts que l'on afïujettit les planches du fond. EPARVIN E P A EPARVIN ou EPERVIN -, f. m. ( Manège. Maréchal. ) rumeur qui affecte les jarrets , ôc qui ne doit être regardée que comme un gonflement de Péminence ofleu- fe qui eft à la partie latérale interne & fu- périeure de l'os du canon : les anciens ont donné à cette éminence le nom d'éparv/n ou d'épervin ; ôc c'eft en conféquence de cette dénomination que l'on a appelle ainii la tumeur dont il s'agit , ôc fur laquelle je ne peux me dilpenfer de m'étendre dans cet article. Prefque tous les auteurs ont diftingué trois fortes à'éparvins ; Véparvinfec , Vépar- vin de bœuf \ ôc Yéparvin calleux. Par Véparvinfec ils ont prétendu défîgner une maladie qui confifte dans une flexion convulfive ôc précipitée de la jambe qui en eft attaquée lorfque l'animal marche. Ce mouvement irrégulier que nous exprimons, d'un commun accord , par le terme harper , eft très-vifible dès les premiers pas que fait le cheval , ôc continue jufqu'à ce qu'il foit échauffé ; après quoi on ne l'apperçoit plus : iî néanmoins la maladie eft à un cer- tain période , l'animal harpe toujours. Un cheval crochu avec ce défaut doit être ab- folument rejeté : ceux dans les deux jam- bes defquels il fe rencontre , n'ont pas été rebutés ôc proferits des manèges , quand ils ont eu des qualités d'ailleurs ; parce qu'au moyen de ces deux prétendus épar- vins , leurs courbettes ont paru plus trides , ôc leurs battues plus fbnores. On doit en- core obferver que ce mal ne fufeite aucune claudication ; ôc s'il arrive que l'animal boice au bout d'ua certain temps , c'eft en conféquence de quelqu'autre maladie qui furvient au jarret , fatigué par la con- tinuité de l'action forcée qui réfulte delà flexion convulfive dont j'ai parlé. On ne doit chercher la raifon de cette flexion que dans les mufcles mêmes qui fervent à ce mouvement ; c'eft-à-dire , dans les mufcles fléchifleurs , ou dans les nerfs qui y aboutifïent ; car les nerfs font les rênes , par le moyen defquelles les corps font mus , tournés ôc agités en divers fens , & ce n'eft qu'à eux que les parties doivent véritablement leur action ôc leur jeu. C'eft aufïi dans leurtenfion irréguliere , & dans la circulation précipitée des efprits Tome XII. E P A 6o$ animaux , que nous découvrons le princi- pe ôc la fource des convuliions ôc des mou- vemens convullifs : mais alors ces mouve- mens fe remarquent indiftinctement dans plufieurs parties , & ont lieu de différentes manières ôc en toutes fortes de temps ; tandis qu'ici ils fe manifeftent conftam- ment , ôc toujours dans les leuls mufcles fléchifleurs de la jambe , & qu'ils.ne font fenfibles qu'autant que l'animal chemine. Or pour déterminer quelque chofe dans une matière auffi abftraite ôc aufïi embar- raflànte , je dirai que cette maladie arri- vera , lorfqu'en conféquence d'un exercice violent ôc réitéré , ces mufcles, & même le tiflu des fibres nerveufes qui en font partie , auront fouffert une diftention telle qu'il en réfulteraune douleur plus ou moins vive , au moindre mouvement de con- traction qu'ils feront follicités de faire j ôc c'eft précifément cette douleur que l'a- nimal reflènt dans le moment qui l'obligé à hâter , à précipiter ion mouvement , à harper : que fi la maladie n'eft pas parve- nue à un degré confidérable , cette fen- lation douloureufè n'exiftera que pendant les premiers mouvemens , c'eft-à-dire dans les premiers inftans où ces muicles entre- ront en contraction , après lefquels elle cédera , ôc l'action de la partie s'opérera dans l'ordre naturel , comme fî l'on pou- voit dire que les fibres fouffrantes s'accou- tument ôc fe font à ce mouvement. Nous avons un exemple de cette diminution ôc de cette ceffation de fenlibilité ôc de dou- leur dans certains chevaux qui boitent de l'épaule , ôc qui "font droits après un cer- tain temps de travail , c'eft-à-dire lorfque cette partie eft échauffée. Il eft donc de toute impoffibilité d'afïï- gner raifonnablement à cette maladie une place dans le jarret ou dans les parties qui l'environnent. 1 °. Son fiege n'eft point ap- parent , ôc elle ne s'annonce par aucun ligne extérieur. i°. J'ai vu trois chevaux har- per du devant , au moment où ils fléchiC- fent le genou. $°. Dans ce cas l'animal boiteroit infailliblement , ôc retarderoit fon action , loin de la hâter. Que le jeu d'une articulation quelconque foit en effet traverfé par quelque obftacle d'où puiflè réiulter une impreiïion doulourenfe ; qu'il Hhhh 6io E P A y ait dans le jarret une courbe accrue à un certain point ; qu'un oflelet ou bou- let gêne ôc contraigne les tendons dans leur parTage , le cheval , pour échapper à la douleur , ôc pour diminuer la longueur du moment où il la relient , ne précipitera point Ion mouvement , ou s'il le précipite , ce ne fera qu'en fe rejetant prompte - ment fur la partie qui n'eft point affectée , pour foulager celle qui fouffre , ôc non en hâtant ôc en forçant l'action à laquelle il é;oit déterminé. C'eft aufîi ce qui me con- firme dans l'idée que je me fuis formée des caufes de la flexion convullîve dont il eft queftion. Le premier moment de la con- traction des mufcles eft l'inftant de la dou- leur , & la preuve en eft palpable , fi l'on fait attention qu'avant l'influx des efprits animaux qui produifent la contraction , les fibres dans une fltuation ordinaire n'é- toient point agitées , ôc l'animal ne fouf- froit point : or iï le premier moment de la contraction eft celui de la douleur , il faut donc conclure que le fiege du mal eft dans la partie qui fe contracte , c'eft-à-dire dans la portion charnue des mufcles , & non dans les tendons qui font fimplement tirés par le moyen de la contraction , ainfi que les autres parties auxquelles ces mufcles ont leurs attaches ; ôc conféquemment cette flexion convullîve , ce mouvement irrégu- lier & extraordinaire ne peut être imputé à un vice dans les jarrets. Les deux autres efpeces d'éparvin peu- vent véritablement affecter cette partie , mais les idées que l'on a conçues jufqu'ici ne font pas exactement diftinctes. Le premier eft appelle éparvin de bœuf y parce que les bœufs d'un certain âge , ôc après un certain temps de travail , y font extrêmement fujets. Dans ces animaux , félon la direction que j'en ai faite moi- même , on apperçoit une tumeur humorale d'un volume extraordinaire , fituée à la yartie latérale interne du jarret , &c qui oc- cupe preique toute cette portion : elle eft produite par des humeurs lymphatiques arrêtées dans les ligamens de l'articulation , &c notamment dans le ligament capfulaire. Cette humeur molle dans fon origine , mais s'endurcifïant par fon féjour , devient pîa- treufe > de manière que la tumeur qu'elle E P A forme efl extrêmement dure. Il s'agiroit donc de favoir fi dans le cheval c'eft cette même tumeur que l'on appelle éparvin : pour cet effet confidérons-en la fltuation , le volume ôc la coniiftance , foit dans fon principe , foit dans fes progrès. Quant à fa fltuation, elle occupe , ainfi que je viens de le remarquer , toute la partie latérale in- terne du jarret : fon volume eft donc plus confîdérable dans le bœuf que dans le che- val , ôc fon fiege n'eft pas précifément le même , puifque nous ne lui en afTignons d'autre dans celui-ci que l'éminence qui eft à la partie latérale interne &c fupérieure du canon. Quant à fa confîftance , j'avoue ingénuement que jamais Y éparvin ne m'a paru mol dans fon commencement ôc lors de fa naiflance : ainfi , fans prétendre nier la pofïibilité de l'exiftence de cette tumeur humorale dans le jarret du cheval , fi elle s'y rencontre , je l'envifagerai comme une tumeur d'une nature qui n'a rien de par- ticulier, &qui peut arriver indiftinctement à d'autres parties. Je nommerai par conféquent feulement éparvin la tumeur ou le gonflement de l'é- minence ofleufe même dont j'ai parlé ; ôc dans le cas où le jarret fesa affecté d'une tumeur pareille à celle qui fe montre quel- quefois furlejarretdu bœuf, jelaconfidére- rai comme une maladie totalement diffé- rente de Yéparviny foit qu'elle foit molle, foit qu'elle foit endurcie ; parce que ce qui ca- ractérife Y éparvin eft fa fltuation , ôc que dans la maladie que je reconnois pour telle , je ne vois de gonflement qu'à la por- tion de l'os du canon , -que l'on a nommée ainfi ; ôc c'eft un mal dont le fiege , ainfi que celui de la courbe , eft dans l'os même. La courbe n'eft en effet autre chofe qu'une tumeur ou un gonflement du tibia : elle eft fituée fupérieurement à Y éparvin , à la partie interne inférieure de cet os ; c'eft- à-dire , qu'elle en occupe le condile de ce même côté , ôc elle en fuit la forme , puif- qu'elle eft oblongue ôc plus étroite à fa par- tie fupérieure ôc à fon origine qu'à fa par- tie inférieure. Le gonflement , en augmen- tant , ne peut que gêner l'articulation ; ce qui produit infenfiblement ôc peu-à-peu la difficulté du mouvement : il contraint l aulïi les tendons ôc les ligamens qui l'en- E P A vironnent ; ce qui , outre la difficulté du mouvement , excitera 8c occaiionera la douleur. Aufïî voyons-nous que l'animal qui eft attaqué de cette maladie boite plus ou moins , félon les degrés 8c les progrès du mal : la jambe eft roide , la flexion du jarret n'eft point racile , &c il fouffre , de manière enfin qu'elle eft prefque entière- ment interrompue ; cette indifpoficion dé- génère alors en faufle anchylofe. Il faut en- core obferver qu'elle paroît fou vent accom- pagnée d'un gonflement au pli du jarret , à l'endroit où furviennent les varices : mais , en premier lieu , ce gonflement peut n'ê- tre qu'une tenfion plus grande de la peau; tenlion quiréfulte de l'élévation formée par la courbe ou par la tumeur de l'os : en fé- cond lieu , il peut être une fuite du gêne- ment de la circulation. Le véritable éparvin 8c la courbe ont un même principe ; les caufes en font com- munément externes , 8c peuvent en être in- ternes , quelquefois les unes 8c les autres fe réunifient. Les premières feront des coups , un tra- vail violent 8c forcé ; 8c les fécondes feront produites par le vice de la ma (le. Les coups donneront lieu à ces tumeurs ou à ces gonflemens , parce qu'ils occafio- neront une dépreffion , qui fera fuivie de l'extravafion des fucs & de la perte de la folidité des fibres offeufes : -ces fucs répan- dus , non-feulement la partie déprimée fe relèvera , mais elle augmentera en volume , félon l'abord des liqueurs. Le trop grand exercice , un travail vio- lent 8c forcé contribueront aufTi à leur ar- rêt 8c à leur ftagnation : i°. pa rie frotte- ment fréquent de ces os , avec lesquels ils font articulés ; frottement fuffifant pour produire le gonflement : i°. par la difpofi- tion que des humeurs éloignées du centre de la circulation , 8c obligées de remonter contre leur propre poids , ont à féjourner , fur-tout celles qui font contenues dans des veines 8c dans des canaux qui ne font point expofés à l'action des mufcles; action ca- pable d'en accélérer le mouvement progref- Iif 8c le cours , 8c telles font celles qui font dans les os 8c dans les extrémités inférieu- res de l'animal. Enfin iî à défaut des caufes externes nous E P A 6u croyons ne devoir accufer que le vice du fang , nous trouverons que des fucs épaiilis ne pourront que s'arrêter dans les petites cellules qui compofent les têtes ou le riflu fpongieux des os , qu'ils écarteront les fibres oiïeufes à^nefure qu'ils s'y accumuleront , qu'ils s'y durciront par leur féjour; &de-là l'origine 8c l'accroiflèment de la courbe 8c de \' éparvin , lorfque ces tumeurs ne re- connoiflènt qne des caufes internes. L'une 8c l'autre cèdent à l'efficacité des mêmes médicamens. Si elles font le réful- tat de ces dernières causes , on débutera par les remèdes généraux , c'eft-à-dire par la faignée , le breuvage purgatif , dans le- quel on fera entrer X'aquila alka : on mettra enluite l'animal à l'ufagedu crccus métallo- rum , à la dofè d'une once , dans laquelle on jettera quarante grains d'éthiops miné- ral , que l'on augmentera chaque jour de cinq grains , jufqu'à la dofe de fbixante. A l'égard du traitement extérieur , bor- né jufqu'à préient à l'application inutile du cautère actuel , application qui n'outre- paflant pas le tégument , ne peut rien con- tre une tumeur réfïdente dans l'os ; on aura foin d'exercer fur le gonflement un frottement continué s par le moyen d'un corps quelconque dur , mais îilîe 8c poli , afin de commencer à divifer l'humeur re- tenue. Auffi-tot après on y appliquera ua emplâtre d'onguent de vigo , au triple de mercure , & on y maintiendra cet emplâ- tre avec une plaque^de plomb très-mince , qui fera elle-même maintenue par une li- gature , ou plutôt par un bandage fait avec un large ruban de fil : on renouvellera cet emplâtre tous les trois jours , 8c ces tumeurs s'évanouiront 8c fe réfoudront incontefta- blement. Il eft bon de rafer le poil qui les recouvre , avant d'y fixer le réiblutif que je preferis , & dont j'ai conftamment éprou- vé les admirables [effets. Le même topique doit être employé dans le cas où ces gonflemens devroient leur naiflànce aux caufes externes ; la faignée néanmoins fera convenable ; mais on pour- ra Ce difpenfer d'ordonner la purgation , le crocus metallorum , 8c l'éthiops minéral. La cure de la tumeur humorale , en fup- pofant qu'elle fe montre dans le cheval , n'aura rien de différent de celle de toutes Hhhhz *n EPA les autres tumeurs : ainfi , enfuite des remè- des généraux , & après avoir , lelon l'in- flammation Se la douleur , eu recours aux anodyns , aux émolliens , on tentera les réfolutifs. Si néanmoins la tumeur fedil- pofe à la fuppurarion , 8c parent fuir la voie première que nous avons voulu lui indiquer , on appliquera des fuppurans , après quoi on procédera à fon ouverture : 8c Ci elle incline à fe terminer par indura- tion , on ufera des émolliens , qui feront fuivis par degrés des médicamens deltinés à réfoudre , lorfqu'on s'appercevra de leurs effets , &c. On ne doit point auffi oublier le régime que nous avons preferit en parlant des maladies qui demandent un traitement intérieur 8c méthodique. Celui du prétendu éparvin fec , que jJai démontré n'exifter en aucune façon dans le jarret , n'eft: pas encore véritable- ment connu. J'ai vainement eu recours à tous les remèdes innombrables que j'ai trouvés décrits dans les ouvrages des au- teurs anciens 8c modernes de toutes les nations , & qu'ils conseillent dans cette circonftance , aucun d'eux ne m'a réufli : j'y ai lubftitué , conformément à la laine pratique s les topiques , les médicamens gras , adouciffans 3 émolliens : j'ai employé enfuite la graille de cheval, la graillé hu- maine , la graiffe de blaireau , de caftor , de vipères , auxquelles j'ai ajouté les hui- les diîfcilées de rbue , de lavande , de mar- jolaine , de mufeade , de romarin , 8c que j'ai cherché à rendre plus pénétrantes , en les aiguifant avec quelques gouttes de fel volatil armoniac y tous mes efforts n'ont eu aucun fuccès. Quelquefois cette mala- die , qui d'ailleurs n'influe en aucune façon fur le fond de la lanté de l'animal , a paru céder à ces remèdes j mais leur efficacité n'a été qu'apparente ) 8c l'aétion de harper n'a celle que pour quelque temps. Je ne peux donc point encore indiquer des mo- yens sûrs pour la vaincre ; mais j'efpere que les expériences auxquelles je me livre (ans ceiîe , aux dépens de tout , 8ç fans efpoir d'autre récompenfe que celle d'être utile , m'en fuggéreront d'autres , que je publie- rai dans mes Elémens d'Hippiatrique : ce n'eft que du travail 8c du temps que nous devons attendre les découvertes, (e) EPA L'objet de V Hippiatrique ejf maintenant d'une telle importance , qu'après avoir vu ce que M. Bour gelât penfe de /'éparvin , on ne fera pas fâché de trouver a la fuite defes idées celles qui nous ont été communiquées par M. Genfon, Cefl un avantage bien précieux pour V En- cyclopédie y d'avoir pu fe procurer en même temps fur cette matière les fecours & les lumiè- res des deux hommes de France qui la connoif- fent le mieux. Ceux pour qui l'objet de f Hippiatrique efl intéreffant , trouveront ici de quoi fefatisf aire ; & les hommes qui courent la même carrière remarqueront , dans ce que nous allons ajou- ter de M. Genfon , un exemple de cette équité , avec laquelle il feroit toujours à fouhaiter qu'on fe traitât réciproquement , autant pour l'intérêt de tart que pour l'honneur de l'hu- manité. Les différens fymptomes de V éparvin ont fait divifer cette maladie en plusieurs efpe- ces : les uns prétendent en diltinguer trois , X éparvin de bœuf , \' éparvin fec , 8c {'éparvin calkux : les autres n'en admettent que de deux ; Y éparvin fec , 8c \' éparvin calleux. Les plus expérimentés n'en reconnoiflent qu'un proprement dit , qui eft le calleux. C'cft , comme on l'a vu par ce qui précède , le fentiment de M. Eourgelat , que l'expérien- ce nous a confirmé. On entend par X épar- vin de bœuf y une tumeur offeufe , fembia- ble à celle qui fe trouve au jarr<-t de cet ani- mal \ mais nous pouvons attefter avec M. Bourgelat , que nous n'avons jamais rien trouvé de la nature de cet éparvin dans le jarret du cheval. On entend par éparvin fec , un mouvement convulfif que le jarret du cheval éprouve , mais qu'il faut diftinguer de X éparvin , comme ayant des caufes , des accidens , 8c un liège différent. Quoique V éparvin calleux ou la tumeur ofTeuie contre nature , qu'on déligne par ce nom , tire fa caufè principale des violentes extenlïons que le jarret du cheval a {buffertes, dont nous parlerons dans la fuite , elle en reconnoit encore d'autres qui font internes ou héréditaires , comme une mauvaife con- formation des os , des ligamens , des muf- cles ;. d'où rélultent des jarrets étroits 3 mal- fa"its , crochus , trop ou trop peu arqués. Cette difformité dans le cheval vient le E P A plus fouvent de l'étalon ou de la jument qui l'ont produit , 8c Y éparvin eft prefqu inié- parable de ce vice de conformai? ion ; les par- ties qui en font affe&ées n'ayant point leur jufte proportion ni le degré de foîidité , font peu propres à fbutenir le poids énorme du cheval, encore moins à rélifter aux dif- férens mouvemens que Ton lui fait fiire dans de certains cas ; d'où s'enfuit que le fuc nourricier des os prelTé par ia tenfion & la colliiion des parties encore tendres , s'épanche fur la furface fup-rieure latérale 8c interne du canon. Ce fuc ie durcit , 8c gêne plus ou moins le mouvement du jar- ret , félon qu'il eft plus ou moins proche de l'articulation. Tantôt cette concrétion of- fèule ioude ie canon avec quelques-uns des os voiiins ; pour lors elle fait boiter l'animal dès le commencement de la formation de la tumeur, 8c de tous les temps. Tantôt cette tumeur nefait que pincer l'.-rticulation: dans ce cas l'animal boite jusqu'à ce que la furface intérieure de la tumeur étant ufée par le frottement de l'os voifîn , laiflè un mouvement libre à l'articulation ; & c'eft alors qu'on dit improprement que Y éparvin eft forti. Ce qu'on appelle proprement éparvin fec, eft comme nous l'avons dit, un mouve- ment convulfif dans les jarrets du cheval. M. Eourgelar en fixe le liège dans les muf- cles fléchiiTeurs , propres aux jarrets de cet animal , 8c la caufe dans la diftenfion de ces parties organiques , 8c des nerfs qui en- trent dans leur compoiition : mais nous croyons que le iiege en eft aum* dans les li- gamens du jarret , car ces parties qui atta- chent les os enfemble, ne font pas fimples , & deftiuées feulement à les aflujettir , com- me l'ont imaginé les anciens. Ces ligamens font des parties compofées , qui par leur vertu élaftique contribuent bien plus au mouvement des membres, que lesmufcles : or les petits tuyaux qui les compofent étant fort ferrés 8c fort étroits, pour peu que leur calibre vienne à changer dans les mouve- mens violens que l'animal éprouve , les ef- prits animaux qui patient dans les pores de ces tuyaux rétrécis , font effort pour chan- ger 8c redrefîer ces petits tubes , 8c les re- mettre dans l'état où ils étoient ; ce qui ne peut s'exécuter ians caufer à cette partie un E P A 61$ mouvement convulfif que nous appelions liarptr ou troujfer. Il eft inutile de propofer des remèdes pour ces genres de maladies , puifque la cure en eft jufqu'a préfent inconnue. Ceux qui fe flattent d'avoir guéri les éparvins , s'appro- prient mal-à -propos les effets de la nature , qui feule , pendant leurs trairemens inutiles, travaille par le frottement à lever l'obftacle que la tumeur oppofe à l'articulation ; aufîî ces cures prétendues, n'arrivent - elles que dans les cas où V éparvin eft fuperflciel , c'eft- à-diredans le cas où le frottement fufîît pour rendre aux parties voilines la liberté de leur mouvement. Mais le vrai remède pour IV- parvin , eft d'en connoître , d'en prévenir 8c éviter les caufes primitives. Ces caufes font , i°; dans la génération du poulain. 20. dans l'éducation,3°.dansle maquignonage, 4°. dans l'ufage que l'on fait des chevaux. EfLyons de combattre tous ces abus , de faire fentir pourquoi les éparvins font plus communs aux chevaux en ce temps - ci , qu'ils ne l'étoient autrefois, Ôc d'où vient que les beaux 8c bons chevaux font fî rares de nos jours. i°. De l'abondance des bons chevaux avant que les abus en euflent altéré l'efpece , réfultcir que l'on pouvoit faire fa- cilement choix des bons étalons 8c jumens propres à multiplier : on ne les employoit point à la .propagation qu'ils n'eufîent at- teint l'âge de fixou fept ans , 8c par-làpref- que tous les poulains étoient bien confor- més. 2°. Le particulier qui avoit des pou- lains , ne trouvant à les vendre qu'à un cer- tain âge , ne s'emprefïbit point de les dref- fer : ces jeunes fojetsainfl ménagés , acqué- roient clans toutes leurs parties , 8c nommé- ment au jarret , un parfait degré de foîidité, qui les garantifloit des éparvins. $°. Les maquignons du temps paffé ignoroient la méthode de mettre continuellement leurs chevaux fur les hanches ; ignorance avanta- geufe pour la confervation des jarrets de ces animaux, qui fembîent aujourd'hui n'ê- tre faits que pour fervir de victime à ces pernicieux écuyers , qui les îacrifient à leur cupidité. 40. Anciennement le travail que l'on failoit faire aux chevaux , étoit des plus modérés ; ceux de earroilè étoient menés tranquillement , & ceux de [die avaient dans toutes leur 's parties la banne conformation &la tfi4 E P A foUdité nécejfairepour foutenir les courfcs aux- quelles en lesdeftinoit. Il réfultoit de cette propagation , de cette éducation , de cette ignorance des maquignons , '& de cet em- ploi opportun , que l'elpece s'en conlervoit dans la beauté ôc la bonté. i°. Aujourd'hui les propriétaires des pou- lains , pour peu qu'ils î oient beaux & bien faits , avant l'âge de trois ans en veulent tirer de la race avant de les vendre , & les emploient non-feulement à la propagation , mais encore au travail. Cette avare écono- mie les ruine , rant mâles que femelles ; & les parties qui fourFrent le plus dans ces jeu- nes chevaux , font les jarrets , où il fe forme des éparvins , comme il eft aifé de le com- prendre en fe rappellant les caufes immé- diates de cette maladie. 2°. Avant de les vendre on veut les rétablir 3 ou , pourmieux dire , continuer de les ufer , en les montant & les raiîemblant pour leur donner plus de grâce , & pour féduire les demi - connoif- léurs. 3°. les marchands qui les achètent, contribuent encore à leur ruiner les jarrets, en les mettant continuellement fur la mon- tre , un énorme fouet à la main. Un garçon qui les tient vigoureufementaflujettis, ar- mé d'un bridon long de branche de plus d'un pié , enlevé le cheval pardevant , tan- dis que le maître qui eft pt?.r derrière , le fuftige fans pitié. L'animai ne fait à qui ré- pondre ; on diroit , à voir ces réformateurs de la nature , qu'ils veulent accoutumer ces animaux à marcher lurles deux pies de der- rière , comme les linges : or eft-il pofïîble que les chevaux qui ont tout au plus qua- tre ans , comme prefque tous ceux que les marchands vendent aujourd'hui , (oient en état de fupporter jufqu'à vingt fois par jour ces cruels exercices , fans que leurs jarrets foient affe&és & éparvins ? 40. Enfin , au- trefois les chevaux mouroient fans être ulés , ils le font aujourd'hui avant d'être formés. On fait à quels exercices ils font deftinés , fur-tout les plus fringans & les plus beaux : autrefois le maître étoit efclave de fon cheval , aujourd'hui le cheval eft ef- clave du maître ; ufage plus raifonnable , mais plus pernicieux aux chevaux. De ces différences réfulte la raifon pour laquelle les chevaux finiflbient autrefois leur car- rière fans éparvins , au lieu qu'ils en ont fou- E P A vent aujourd'hui avant même de la com- mencer. Ce font les éparvins qui font la di- letce des bons chevaux , & cette difètte à fon tour occaiîone les éparvins. Cet article eft de M. G en s on. ^ EPAUFRURE , f. f. en Architeclure ; c'eft l'éclat du bord du parement d'une pierre , emporté par un coup de têtu mal donné : ôc encornure , c'eft un autre éclat qui fe fait à l'arrête de la pierre lorfqu'on la taille , qu'on la conduit , qu'on la monte, on qu'on la pôle. ( P ) * ÉPATÉ , adj. ( Gramm.) fedit en gé- néral de toute partie d'un corps qui a moins de faillie qu'elle n'en doit avoir , en forte que fon aplatifîement lui donne alors la hgure d'un pié de pot qui a peu de hauteur, eu égard à ià baie. On dit que le nez des Nègres eft épaté. Voyc^ Nègre. Epate , ( Metteur en œuvre.) On appelle fertiffure épatée , celle dont la circonférence eft plus large d'en-basque d'en-haut. On emploie ces fortes de fertiffures aux pierres roboles & inégales , pour mafquer leurs inégalités & groftir leur étendue. EPAVES , f f. pi. ( Jurifp. ) font les cho- fes mobiliaires égarées ou perdues, dont on ignore le légitime propriétaire. Quelques-uns tirent l'origine de ce terme du grec «Havo ta , qui lignifie chofes éga- rées & perdues. Mais il paroît que ce mot vient plutôt du latin expavefeere , parce que les premiè- res chofes que l'on a conlidérées comme épaves , étoient des animaux effarouchés qui s'enfuyoient au loin , expavefacla ani- malia. On a depuis compris fous le terme d' épa- ves , toutes les chofes mobiliaires perdues, & dont on ne connoît point le véritable propriétaire. Il y a même des perfonnes qu'on appelle épaves , & épaves foncières Ù immobiliaires , comme on le dira dans les fubdivifïons fui- vantes ; mais communément le terme d'é- paves ne s'entend que de chofes mobiliaires, telles qu'animaux égarés , ou autres chofes perdues. En Normandie on les appelle chofes gay* ves. Voyc^ Gayves. Les biens vacans font difFérens des épa- ves 3 en ce que ces fortes de biens font EP A ordinairement des immeubles , ou une uni- versalité de meubles, & que d'ailleurs on en connoît l'origine , & le dernier proprié- taire qui n'a point d'héritier connu ; au lieu que les épaves font des choies dont on ignore le propriétaire. Il y a auflTi beaucoup de différence entre un tréfor 8c une épave. Le tréfor eft vêtus pecunice depojitio , cujus mcmoria non ex ta t. L'épave efl: toute chofè mobiliaire qui fe trouve égarée 8c perdue : l'un 8c l'autre fe règlent par des principes différens. Voye^ Trésor. Les loix romaines veulent que ceux qui trouvent quelques beftiaux égarés* les raflent publier par affiches , afin de les rendre à ceux qui les réclameront juftemenr. Dans notre ufage les épaves appartiennent au feigneur haut-jufticier, 8c non au pro- priétaire du fonds où elles font trouvées , ni même au feigneur féodal , ni au feigneur moyen-jufticier. Celui qui trouve une épave , efl obligé d'en faire la déclaration au feigneur haut- jufticier dans les vingt - quatre heures : la coutume de Nivernois l'ordonne ainfi. Après la déclaration de celui qui a trou- vé l'épave y le feigneur doit la faire publier par trois dimanches confécutifs, afin qu'elle puifîe être réclamée. Ces publications fe raifoient autrefois au prône ; mais depuis 1 edit de 1695 , toutes publications pour ces fortes d'affaires temporelles doivent être fai- tes par un huifïîer à la porte de l'églife. La plupart des coutumes donnent au pro- priétaire de S épave quarante jours pour la réclamer , à compter du jour de la pre- mière publication, en juftifiant par lui de Ion droit , 8c en payant les frais de garde 8c autres. Les publications faites 8c les quarante jours expirés, le feigneur haut-jufticier ne devient pas encore de plein droit proprié- taire de Y épave 3 il faut qu'elle lui foit adju- gée en juftice , comme l'ordonne la coutu- me d'Orléans , article 156. Après l'expiration des quarante jours , 8c l'adjudication faite en bonne forme au fei- gneur , le propriétaire de l'épave n'eft plus recevable à la réclamer. On n'exige pas tant de formalités , ni de délais , quand l'épave eft de peu de valeur > ) E P A 615 ou qu'il s'agit de quelque animal dont la nourriture abforberoit le prix. La coutume de Sens , article z 1 , permet en ce cas de la faire vendre après la première quinzaine, & après deux criées ou proclamations, à la charge de garder l'argent pour le rendre au propriétaire. On diftingue plusieurs fortes d'épaves , dont il fera parlé dans les fubdivi fions fui- vantes. . Les coutumes qui contiennent quelques difpofitions fur cette matière , fontMeaux, Melun, Sens, Montfort, Mantes, Senlis, Troyes , Chaumont , Châlons , Chauny , Boulonois , Artois , les deux Bourgognes , Nivernois, Monrargis , Orléans, Lodunois, Dunois , Amiens, Auxerre , Grand-Perche, Bourbonnois , Auvergne , la Marche , Poi- tou , Bordeaux , Montreuil , Beauquefne , Peronne , Berry, Cambray , S. Pol fous Ar- tois , Bar , Lille , Hefdin , Lorraine. Les auteurs qui traitent des épaves , font Bouthillier , en fa fomme rurale ; Conan , en les commentaires de droit civil , lib. III. cap. de thefauris & rébus adefpotis ; Bacquet, des droits dejujlice , ch. xxxiij. le glojf. de M. de Lauriere ; 5c les commentateurs des coutu- mes dont on a parlé. ( A ) Epaves d'Abeilles ou Avettes, font des eflàims de mouches à miel qui viennent fe pofer dans le fonds de quelqu'un , & ne font pourfuivies par perfonne. Ces épaves appartiennent au feigneur haut-jufticier du fonds où les mouches font venues fe pofer, 8c non pas au premier occupant , ni même au propriétaire du fonds. Voye^ la coutume de Tours , art. ij & A4, la coutume locale de Preully , reffort de Tours ; celle de Lo- dunois , ch.j. art 13. 8c ch. iij. art. 3, An- jou , art. îz. Maine , art. 23. Ce dernier article porte que les épaves des avettes , non- obftant qu'elles foient mouvantes, tenant 8c étant en aucun arbre , ou autrement affi- les au fief d'aucun , appartiennent pour le tout au feigneur du fonds où elles font afïï- fes , fi ledit feigneur du fonds y a juftice fon- cière en nuejfe ; 8c s'il n'a juftice en fon fonds, elles lui appartiennent pour la moi- tié , 8c au jufticier en nuejfe pour l'autre moitié. Mais fi lëfdites avettes font pourfui- vies avant qu'elles foient encore logées 8c pris leur nourriffement audit lieu où elks 6i€ E P A font aiîîfes , celui à qui elles appartiennent les peut pourfuivre , & les doit avoir com- me lîennes. {A) Epaves d'Aubains. En quelques coutu- mes , comme Vermandois 8c autres , on appelle épaves les hommes 8c femmes nés hors le royaume en pays fi lointain , que Ton ne peut avoir connoifïance du lieu de leur naifîance ; à la différence de ceux dont le lieu de la naifïance'eft connu , que Ton appelle fimplement aubains ou étrangers. Fbye^Bacquet, du droit d'aubaine , première partie , ch. jv. n° . zo. (A) Epaves d'Avettes ou Abeilles , voye^ ci-devant Epaves d'Abeilles. Epave eu destrier , qu'on devroit écrire dextrier , efl le droit qui appartient au feigneur baron , d'avoir à titre d'épave le dejirier ou grand cheval de guerre , appelle auffi courfier ou cheval de lance , qui fe trou- ve égaré fur fa terre , fans être réclamé par celui auquel il appartenoit : les coutumes d'Anjou, art. 47. 8c Maine art. 55. lui attribuent ce droit. Voye^ la note de Bo- dreau/i/r les articles de la coutume du Maine. (A) Epave du Faucon, efl le droit qui ap- partient au feigneur baron dans les coutu- mes d'Anjou 8c du Maine , de prendre à titre d'épave tout faucon ou autre oifeau de leurre ou de proie qui fe trouve égaré dans fa terre , fans être réclamé par celui auquel il appartenoit. Voye^ la coutume d'Anjou , art. 47 '. 8c celle du. Maine art. 55. 8c Bo- dreau/i/r cet article. {A) Epaves foncierfs , (ont les immeubles qui échéent au feigneur à titre d'épave , pour droit de bâtardife ou de déshérence. Quel- ques coutumes y comprennent aufïi les im- meubles délaifles par les aubains; mais dans l'ufage ces fortes d'épaves aubaniales appar- tiennent au roi , 8c non au feigneur , quoi qu'en difent au contraire la coutume d'An- jou , art. 10.8c celle du Maine , art. 1 1 . U) Epaves marines ou maritimes , lont tous les effets que la merpoufTe 8c jette à terre , qui fe trouvent fur les bords , 8c ne font réclamés par aucun légitime proprié- taire. On les nommoit en vieux langage harpes E P A prendre. Ce nom leur fut donné , parce que ces fortes d'épaves appartiennent au roi ou aux feigneurs des lieux , félon les différentes coutumes; 8c que les officiers des juflices royales ou feigneuriales les peuvent faire prendre 8c enlever. Les poifïbns qui viennent échouer , ou qui font pou (les par la violence des flots fur les bords de la mer 3 font du nombre des épaves maritimes ; perfonne ne peut les ré- clamer , fi ce n'efl le roi ou le feigneur , félon la coutume du lieu. Le droit naturel qui donne au premier occupant les poiiîons qui font péchés 8c pris dans les eaux , cefïe à l'égard de ceux-ci , attendu que ce n'efl: point par l'effet d'aucune induflrie que le premier occupant les peut avoir en fa pof- fefïion. Les jugemens d'Oleron , qui font partie des anciennes coutumes de la mer , ne com- prennent au nombre des épaves maritimes que les poifïbns à lard , tels que les balei- nes , veaux marins , &c. Il efl dit que le fei- gneur en doit avoir fa part , fuivant la cou- tume du pays , 8c non en autre poiflbn ; que fi un navire trouve en pleine mer un poiflbn à lard , il fera totalement à ceux qui l'ont trouvé, s'il n'y a pourfuite ; 8c que nul fei- gneur n'y doit prendre part , encore qu'on l'apporte à fa terre : qu'en toutes chofes trouvées à la cote de la mer , lefquelles au- trefois ont été poUedées , comme vin , huile 8c autres marchandifes , quoiqu'elles aient été jetées 8c délaiflees des marchands , 8c qu'elles doivent être au premier occupant ; toutefois la coutume du pays doit être gar- dée , comme des poifTons; que s'il y a pré- fbmption qu'ils foient d'un navire qui ait péri , en ce cas le feigneur ou l'inventeur ne doivent rien prendre pour les retenir , mais en doivent faire du bien aux pauvres nécef- fkeux ; qu'autrement ils encourent le juge- ment de Dieu. Foye^ Clairac fur les juge- mens d'Oleron , ch. xxxvj. La coutume de Normandie, chap. xxiij. appelle varech ce que l'on appelle ailleurs épaves maritimes. Voye^ Varech. L'ordonnance de la Marine du mois d'Août j 68 1 , ch. vij. déclare les dauphins , eflurgeons , faumons& truites être poifïbns royaux , 8c en cette qualité appartenir au marines , du gaulois harpir , qui fignifioit roi , quand ils font trouvés échoués fur le bord EP A bord de la mer , en payant les falaires de ceux qui les auront rencontrés Semis en lieu de fureté. Les baleines , marfouins , veaux de mer, thons, fouffleurs & autres poiffons à lard, échoués & trouvés fur les grèves de la mer, doivent , fuiyant la même ordonnance , être partagés comme épaves , de même que les effets échoués. Mais lorfque les poifTons royaux & à lard ont été pris en pleine mer , ils appartien- nent à ceux qui les ont péchés ; fans que les receveurs du roi , ni les feigneurs parti- culiers, & leurs fermiers y puifTent pré- tendre aucun droit , fous quelque prétexte que ce foit. (A) Epave mobiliaire , eft celle qui con- fiée dans quelque effet mobiliaire , comme un animal ,un poiiïon , &c. Ces fortes d'é- paves font furnommées mobiliaires , pour les diftinguer des épaves foncières , qui con- fiaient en immeubles. Il en eft parlé dans la coutume de Tours, art. 47 & 52; & en la coutume locale de Maizieres , reffort de Tours ; Lodunois, ch. ij , art. 9, ch. iij ,aft. 1 ; Anjou , art. 40 , 41 , 1 50 ; le Maine , art. 46, 48, 183 ; Blois, art. 26 & 32. (A) Epaves de Personne, eft la même chofe qu'épaves dy aubains ^ ce qui ne s'en- tend que de ceux dont le lieu de la naif- fance n'eft point connu. Voye\ ci-devant Epave d'Aubain. Voye^ aujji ci-devant Enfans exposés. ÇA) Epave de Rivière : on appelle ainfi tout ce qui eft trouvé abandonné fur les rivières , foit par naufrage, débordement , inondation , chute de pont , ou autres acci- dens , & qui n'eft point réclamé par le légitime propriétaire. L'ordonnance des eaux & forêts, tit. xxxj de la pêche, art. 16, veut que toutes les epav.es qui feront pêchées fur les fleuves ck rivières navigables , foient garrées fur terre , & que les pêcheurs en donnent avis aux fergens & gardes-pêche , qui feront tenus d'en donner procès-verbal, & de les donner en garde à des perfonnes folvables, qui s 'en «chargeront, dont le procureur du roi prendra communication au greffe , aufli-tôt qu'il y aura été porté par le fergent ou garde-pêche , & qu'il en foit fait lecture i la première audience : fur quoi le maître Tome XII, E P A £i7 particulier, ou fon lieutenant , doit ordonner que fî dans un mois les épaves ne font de- mandées & réclamées , elles feront vendues au profit du roi , au plus offrant &c dernier enchériffeur , & les deniers en provenant mis es mains des receveurs de S. M. fauf à les délivrer à celui qui les réclamera , un mois après la vente , s'il eft ainft ordonné en connoiffance de caufe. L'article fuivant défend de prendre & enlever les épaves fans la permiiîion des officiers des maîtrifes", après la reconnoif- fance qui en aura été faite ; &: qu'elles auront été adjugées à celui qui les aura réclamées. (AJ EPAVITÉ , f. f. {Jurifpr.) fe dit en quelques coutumes , pour aubaine ; de mê- me que les aubains ou étrangers y font appelles épaves. La coutume de V\uy,art. 72 , dit qu'épavité ne gît en noblefte , d'au- tant que , fuivant cette coutume , les nobles nés Se demeurant hors le royaume, doivent fuccéder à leurs parens décédés dans le royaume, ou ailleurs, en tous leurs biens meubles ou immeubles , nobles ou roturiers. Mais Bacquet , en fon traité du droit d'au' baine, ck. xxx , dit que cette coutume ne préjudicie point aux droits que le roi a fur la fuccefîion des aubains. Suivant les ordon- nances du duc de Bouillon , art. 617 , le droit d'épavité appartient audit fleur duc , par le décès d'un étranger qui n'eft point fon fujet , & a délaiffé des biens meubles ou immeubles, en fes terres & feigneuries, & il eft dit qu'il a quitté & remis ce droit aux bourgeois de Sedan. Voye^ EPAVES & Aubaine. (A) EPAULARD, f. m. orca , (Hift. nat. Ichthiol.) poiffon cétacée, que l'on appelle dorgue en Languedoc. Il eft prefque rond. Il a, comme le dauphin, un conduit pour tirer l'air , & il lui reftemble par le mufeau , les nageoires & la queue : mais il eft vingt fois plus gros. Ses dents font lar- ges &c pointues ; il mord la baleine , & la fait mugir comme un taureau & fuir fur les côtes , ce qui eft très-favorable aux pê- cheurs : auffi empêchent-ils autant qu'ils peuvent qu'on ne bleffe les épaulards. Ron- delet , hifioire des poiffons , Liv. XVI. ch. ix. Voye^ POISSON. (7) EPAULE, f. f. (Anat.) partie double Iiii 618 .EPA, au corps humain , fituée à l'extrémité fupé- rieure, & qui eft compofée de deux pièces ofleufes; l'une antérieure appellée clavicule, & l'autre poftérieure dite omoplate. Voye\ Clavicule, Omoplate. On fait que c'eft principalement de l'o- moplate que dépendent les différentes atti- tudes de Y épaule; car la clavicule ne fait que fuivre les mouvemens de l'omoplate, en bornant néanmoins ces mouvemens dans certaines attitudes : aiuTi la clavicule n'a d'autre mufcle que le fouclavier , tandis que l'omoplate en a cinq considérables qui fer- vent à la lever , à fabaiffer , à la porter en- arriere , à la ramener en devant , en un mot à tous les mouvemens de Yépaule. Les épaules font plus hautes ou plus baf- fes , plus larges ou plus étroites dans diffé- rentes perfonnes , ce qui dépend des deux pièces qui forment cette partie : mais par leur fubftance cartilagineufe Se flexible dans la première enfance , elles font fufeep- tibîes de prendre de mauvaifes conforma- tions , comme de s'arrondir ou de fe voû- ter , de pro'duire Xengon cernent , & même de contracter une inégalité de hauteur ; trois difformités principales qui gâtent entiè- rement la beauté de la taille. Indiquons donc les moyens de prévenir ou de corriger ces fortes de défauts, d'après les bons au- teurs d'Orthopédie. Les épaules s'arrondiffent ck fe voûtent en les ferrant pardevant , en creufant la poitrine, ou amenant les bras fur l'eftomac, comme font quelques perfonnes dans leurs prières , s'imaginant que cette pofture eft elTentielle à la dévotion : il faut au con- traire , pour éviter une vouifure , qui ne croît que trop avec l'âge, engager les en- fans à avancer* la poitrine en devant , à retirer les épaules en arrière , à porter leurs coudes fur les hanches. Une féconde précaution néceffaire pour conferver aux enfans le dos plat, c'eft de les empêcher, quand ils font affis , qu'ils ne fe renverfent fur leur fiege , & les obli- ger de fe tenir à plomb fur leur féant : en effet , quand on eft affis renverfé, le dos prend néceffairement une courbure creufe en dedans. Une troifleme précaution , c'eft de faire enforte que la tablette du fiege fur laquelle E P A les enfans s'afTeient , au lieu d'être enfon- cée dans le milieu, foit abfolument plate; parce que quand on eft aflis dans un enfon- cement, l'effort que l'on fait naturellement ck. fans deffein pour ramener le corps à l'é- quilibre , oblige la taille à fe voûter encore davantage : c'eft cependant dans des fieges enfoncés que l'on afîîed les enfans dès leurs plus tendres années , au lieu de leur donner des fauteuils ou des chaifes dont le fiege foit d'une planche de bois bien unie. On peut remédier à l'enfoncement des chaifes ou fauteuils de paille dans lefquels on aflied les enfans, en mettant fous cet enfonce- ment une vis de bois qui monte & defeende, fur laquelle fera pofée une petite planche ; enforte qu'en tournant lavis félon un certain fens, elle pouffe la planche, & élevé en haut la paille qui eft fous la chaife. Com- me cette vis doit porter fur quelque chofe qui lui ferve d'appui , on la pofe fur le milieu d'une petite traverfe de bois , dont on cloue en - bas les deux bouts à deux bâtons de la chaife. Enfin , une quatrième précaution eft de coucher l'enfant pendant la nuit le plus à plat qu'il fera poftible ; & fi une de fes épau- les ie trouve plus groffe que l'autre , on le fera coucher fur le côté oppofé à cette épau- le, parce que Yépaule fur laquelle on fe cou- che s'élève toujours fur la furface du dos. Paifons à la féconde difformité , qui confifte dans l'engoncement , c'eft-à-dire , dans le cou enfoncé dans les épaules. Les nourrices , les fevreufes, les gouver- nantes , qui fufpendent fans cefte un en- fant par la lifiere en le foulevant en l'air, l'expofent à avoir le cou enfoncé dans les épaules. Les maîtres ou les maîtreffes à lire èk à écrire , qui font manger , lire , ou écrire , dans leurs penfions , un enfant fur une table trop haute , & qui monte au deffus des coudes de l'enfant ("au lieu qu'elle doit être deux doigts plus baffe ,J l'expo- fent pareillement à avoir le cou enfoncé dans les épaules. Cet inconvénient eft difficile à éviter dans les écoles publiques, où il n'y a d'or- dinaire qu'une même table pour tous les enfans de quelque taille qu'ils foient : ainfî cette table proportionnée feulement pour quelques-uns, fe trouve trop haute ou trop E P A baffe pour un grand nombre d'autres ; alors ceux pour qui la table eft trop haute , font obligés d'élever les épaules plus qu'il ne faut , ce qui à la longue les rend engon- cés ; &C ceux pour qui la table eft trop baffe, font obligés de fe voûter & d'avancer les épaules en arrière , ce qui ne peut que con- tribuer à les leur arrondir. Mais dans les maifons domeftiques , les enfans qui man- gent à la même table que leurs pères & neres , ne feront point expofés aux incon- véniens dont on vient de parler , dès qu'on leur donnera des fieges proportionnés à la hauteur de la table , avec un marche-pié pour appuyer les jambes. # Un autre moyen feroit de ne point affeoir les enfans dans des fieges , ou dans des rou- lettes qui ont des accoudoirs un peu hauts-; parce que de pareils accoudoirs fur lefquels les enfans s'appuient toujours , leur font néceffairement lever les épaules. Le remè- de , fi le défaut eft contracté , confifte à fe fervir des avis que nous venons de donner, & à y joindre tous les moyens qui peuvent tendre à mettre les deux épaules au niveau, où elles doivent être à l'égard de la partie inférieure du cou. Parlons à préfent du furjettement d'une épaule au deffus de l'autre, ou de l'inégalité de leur hauteur , qui fait que l'une s'élève trop , ou que l'autre baiffe trop. Un bon moyen pour corriger un enfant qui levé ou qui baiffe trop une épaule , c'en1 de lui mettre quelque choie d'un peu loud fur ? épaule qui baiffe, & de ne point tou- cher à celle qui levé ; car le poids qui fera fur Yépaule qui baiffe , la fera lever , & obligera en même temps celle qui levé à baiffer. Uépaule qui porte un fardeau , monte toujours plus haut que celle qui n'eft pas chargée ; ôc alors la ligne centrale de toute la pefanteur du corps &: du fardeau , paffe par la jambe qui foutient le poids : fi cela n'étoit pas , le corps tomberoit ; mais la nature y pourvoit, en faifant qu'une égale partie de la pefanteur du corps fe jette du côté oppoféàcelui qui porte le fardeau, & produit ainfi l'équilibre ; car alors le corps eft obligé de fe pancher du côté qui n'eft pas chargé , & de s'y pancher jufqu'à ce que ce côté non chargé participe au poids du EPA 6i9 fardeau qui fe trouve de l'autre côté : d'où il réfulte que Vépaule chargée fe hauffe, Sc.que celle qui ne l'eft pas fe baiffe. Cette méchanique de la nature démontre l'erreur de ceux qui , pour obliger un enfant à baif- fer Vépaule qui levé trop , lui mettent un plomb fur cette épaule, s'imaginant que ce poids la lui fera baiffer; c'eft au contraire le vrai moyen de la lui faire lever davantage. On peut fe contenter , au lieu de lui mettre un poids fur ['épaule qu'on veut faire lever , de faire porter par l'enfant, avec la main qui eft du côté de cette épaule , quel- que chofe d'un peu pefant; il ne manquera point alors de lever Vépaule de ce côté-là, & de baiffer l'autre : ce dernier expédient eft fur-tout d'une grande utilité , quand un enfant a la taille considérablement plus tour- née d'un côté que de l'autre ; car dans ce cas , foit qu'on lui faffe porter quelque poids fous le bras , ou qu'on lui faffe lever par exemple une chaife , un tabouret , avec la main qui eft du côté vers lequel fa taille penche , il ne manquera point de fe pen- cher du côté oppofé. Un autre moyen, c'eft d'amufer l'enfant , en l'exerçant à porter une petite échelle faite exprès; enforte qu'il la foutienne d'une épaule qu'il pofera fous un échelon ; Vépaule fur laquelle fera l'é- chelon , lèvera , ôt l'autre baillera. Nous venons de dire que lorfqu'on fou- leve d'un bras une chaife ou un tabouret,. Vépaule de ce côté-là hauffe, & l'autre baiffe. Mais il faut obferver que fi l'on porte avec la main pendante un vafe qui ait une anfe pofée de niveau avec le bord du vafe , & que l'on porte ce vafe par l'anfe , enforte i°. que le fécond doigt entre dans l'anfe &C la foutienne par le haut , i9. que le doigt du milieu aille fous l'anfe & en foutienne le bas, 30. que le pouce paffe fur l'anfe, ÔC que le pouce appuyant en cet endroit fur le bord du vafe même , entre un peu dans le vafe; alors Vépaule du bras qui porte le vafe ne fe hauffe pas comme dans les cas précé- dens, mus fe baiffe au contraire : ainfi c'eft un autre moyen dont on peut facilement fe fe vir à l'égard d'une jeune perfonne qui levé trop une épaule* Voici deux autres expédiens très-fîmples 6k très-ailés. Premier expédient. Si l'enîant levé trop une épaule , faites-le marcher liii 2 ; 6io EP A appuyé de ce côté-là fur une canne fort baffe; 6k fi au contraire il la baiffe trop, don-^ nez-lui une canne un peu haute ; enfuite lorfqu'il voudra. fe repofer, faites-le affeoir dans une chaife à deux bras , dont l'un (bit plus haut que l'autre, enforte que le bras haut frit du côté del' épaule qui baille , 6k l'autre du côté de celle qui levé. Deuxième expé- dient. Comme perfonne n'ignore que lors- qu'on fe carre d'un bras , c'eft-à-dire qu'on plie le bras en forme d'anfe , en appuyant le poing fur la hanche du même zoiè^V épaule de ce côté-là levé, & l'autre baiffe , 6k que fi l'on couche alors l'autre bras le long du corps, enforte qu'il pende jufqu'à l'endroit de la cuiffe auquel ii peut atteindre, Vépaule de ce côté-là baiffera encore davantage : fervez-vous de ce moyen fimple , 6k répé- tez-le, pour rectifier dans un enfant le dé- faut de X épaule qui levé ou qui baiffe trop. ' Enfin, quelquefois un enfant panche trop X épaule fur un des côtés , foit le gauche , foit le droit ; s'il penche trop Vépaule du côté gauche , faites-le foutenir iur le pié droit ; car fe foutenant alors fur ce pié à l'exclufion de l'autre, qui dans ce temps- la demeure oifif, il arrivera néceffairement que l'épaule droite qui ie voit trop , baiffera, ck que ï'épaule gauche qui baifToit trop, lèvera: cela fe fait naturellement en vertu de l'équilibre , fans quoi le corps feroit en rilque de tomber , parce que quand on fe Soutient fur un leul pié , la jambe oppofée, qui alors eft un peu pliée , ne foutient point le corps , elle demeure fans action ck com- me morte » ainfi qu'on le voit dans les en- fans qui jouent à cloche-pié ; de forte qu'il faut néceffairement que le poids d'en-haut qui por:e fur cette jambe , renvoie le cen- tre de fa pefanteur iur la jointure de l'autre jambe qui foutient» le corps. Si donc l'en- fant penche trop Vépaule fur le côté droit , dites-lui de fe. foutenir fur le pié gauche ; s'il la p'enche trop fur le côté gauche, dites- lui de fe foutenir fur le pié droit. Je laiffe à imaginer d'autres moyens ana- logues à ceux- ci , ck de meilleurs encore ; je remarquerai feulement que tous ceux que nous avons indiqués demandent pour le fuccès une longue continuation , guidée par des regards attentifs de la part des pe- ies ck des mères fur leurs enfans , ck ce n'eft E P A pas communément la branche de l'éduca-- tion dont ils font le moins occupés; il eft vrai cependant que malgré Fintérêt qu'ils y prennent , l'art orthopédique le plus favant ne corrige les difformités des épaules que dans ces premières années de l'enfance, où les pièces cartilagineufes qui cempofent les épaules , font encore tendres ck flexibles. Au refte , l'Anatomie, la Chirurgie, ck la Méchanique , fe prêtent de mutuels fecours pour guérir les graves accidens auxquels cette partie du corps humain fe trouve ex- pofée. D'un autre côté la phyfiologie, Tan- tîim feientiarum cognatio ,juncluraquepol- letl tâche d'expliquer les caufes de quelques fymptomes fînguliers, que le hazard offre quelquefois à nos regards furpris , ck pour en citer un feul exemple , c'eft par les lu- mières de cette feience qu'on peut com- prendre pourquoi l'on a vu des perfonnes qui , après avoir été bleiTées à Vépaule, ont perdu tout-à-coup l'ufage de la parole , ck ne l'ont recouvert que par la guérifon de la plaie. Ce phénomène dépend de la com- munication d'un des mufcles de l'os hyroïde- avec l'épaule ; ce mufcle quia deux ventres ck un tendon au milieu eft le coracohyoï- dien , qu'on pourroit nommer à plus jufte titre omoplato-hyoîdien , parce qu'il a fort atache fixe à la côte fupérieure de l'omo- plate, ck finit à la corne de l'os hyoïde*. :(de J AU COURT.) Epaule , ( Manège.) partie de l'avant- main du cheval. Accoutumés à n'envifâger cet animal que par le dehors ck par la fuperficie, nous avons jufqu'à préfent compris dans la dénomina- tion de Vépaule, toute l'étendue qui fe trouve depuis la fommité du garrot jufqu'à la portion fupérieure de la jambe. On a donc indiftincîement confondu cette partie,, qui n'eft proprement compofée'que de l'o- moplate , avec le bras qui eft formé par l'humérus ; ck par une fuite de cette erreur ,, on a donné à la partie réfultante du cubi- tus , le nom de bras , tandis qu'elle devoit être appelle V avant bras.. 11 importoit cependant effentiellement à, ceux qui s'érigent en connoiffeurs , 6k qui; font profefîion de dreffer des chevaux, ainfi qu'aux perfonnes qui fe livrent au trai- tement de leurs maladies, de fe former une. EP A idée jufte de la ftru&ure de cet animal. Comment en effet décider de la franc hife & de la beauté de fes mouvemens, fi on ignore d'où ils doivent partir? comment juger de la pofïibilité des actions qu'on lui demande , 6k mettre enjeu fes reiïbrts, fi l'on n'a acquis la connoiûance du lieu 6k de l'efpece des articulations , à la faveur def- quelles fes parties doivent fe mouvoir : d'ail- leurs, s'il arrive fréquemment des écarts, des entre-ouvertures , &c. comment y re- médier dès qu'on fera hors d'état de s'orien- ter en quelque façon , relativement aux diffé- rens articles, 6k de parlerdesligamens , des mufcles , des cartilages , de la fynovie , ck des vaiffeaux des parties qui fouffrent? Ces confédérations m'ont fuggéré la di- vifion que j'ai faite , ck dont je m'écarte- rois indifcrétement , fi je ne rapportois aux bras toutes les obfervations qui ont été adoptées ck qui ont paru me concerner que X épaule : ainfi je dirai que le bras ne doit point être recouvert par des mufcles trop épais 6k trop charnus , ck que cette partie doit conféquemment être petite, plate, li- bre , mouvante. Pour diftinguer fi elle eft douée des deux premières qualités, il furfit de confidérer iç. cette faillie vifib'e formée par l'articulation de l'humérus avec l'omo- plate , faillie que l'on appelle encore la pointe de l'épaule ; le mufcle commun re- couvre cette articulation : or fi ce mufcle eft d'une épaiffeurconfîdérable, cette partie au lieu d'être plate fera groffe, ronde , ck char- nue , ck dès-lors le cheval ferapefant, il fe laflera aifément, il bronchera , les jambes de devant étant en quelque façon furchar- gées, ne pourront être que bientôt ruinées; la groffeur démefurée des os articulés , peut encore occafioner ce défaut. On examine- ra , en fécond lie», le vuide ou l'interfection qui eft entre le mufcle commun ck le grand pectoral. Cette interfection marque la féparation du bras ck du poitrail , 6k le grand pectoral forme cette élévation qui eft à la partie antérieure de la poitrine de l'animal : or fi le repli ou ph que nous appercevons ordinairement , 6k que je nomme interfection , n'eft point diftinct , s'il n'eft point apparent , attendu le trop de chair ou l'épaiffeur des mufcles , il en réful- tera que le cheval fera chargé ck ne- fera E P k 6n propre qu'au tirage. Enfin , en fuppofant de la contrainte dans le mouvement de cette partie , l'animal ne marchera jamais agréablement 6k fûrement ; parce que fon action ne partant en quelque forte que de la jambe , elle fera hors de la nature de celle à laquelle le membre mu étoit deftiné , 6k fera inévitablement privée de fermeté, de folidité 6k de grâce. Aufîi voyons-nous que tels chevaux fe fatiguent aifément , pe- fent à la main , 6k rafent continuellement le tapis. Ce défaut de liberté peut fe réparer par l'art 6k par l'exercice , pourvu que cette par- tie ne foit que nouée 6k entreprife ; mais fi elle fe trouve chevillée , ou froide , oudeffér chée , ce feroi't une. témérité que de former une pareille efpérance. On reconnoîtra qu'elle eft chevillée , à un défaut de jeu que les meilleures leçons ne fauroient lui rendre. J'entends par défaut de jeu, une inaction véritable , qui n'a fa fource que dans la conformation défectueufe de l'animal , dont les bras font tellement ferrés , qu'ils femblent attachés l'un à l'autre par une cheville. Nous difons qu'elle eft froide, Iorfqu'e'le eft dépourvue de fentiment 6k de mouvez ment. Il eft rare qu'on y remédie avec erri* cacité , à moins qu'on ne tente cette cure dès le commencement 6k dès l'origine du mal. Il provient de pîufieurs caufes. Pre- mièrement, de la ftructure naturelle du cheval ; ainfi celui dans lequel cette partie fera trop décharnée , fera plus fujer à cette froideur , que celui dans lequel elle fera exactement proportionnée. Que l'on con- fidere , en effet , que les mufcles font les or- ganes du mouvement, & que de leur feule petitefie naît le décharnement dont il s'a- git ; comme ils ne peuvent être plus petits, qu'autant que leur tifTu eft compofé d'une moins grande quantité de fibres , ou que ces fibres font plus minces, dès-lors la force ne peut être que moins grande dans la partie , qui deviendra néceffairement débile après un certain temps de travail. On obfervera néanmoins que dans ce cas il n'y a que dif- culté de mouvement , fans douleur. Une féconde caufe , eft que le paffage fubit de la chaleur au froid. Un cheval fue; loin de lui abattre la fueur , on lelaiffe refroidir,- 6u E P A Dès-lors les pores fe refferrent, 5c en con- féquence de ce refferrement ck de cette conftri&ion , la tranfpiration eft intercep- tée. Cette humeur arrêtée ne peut que con- tra£ter de mauvaifes qualités ck un caractère d'acrimonie , par le moyen duquel elle picote les membranes de l'articulation ck des muf- cles ; ce qui donne lieu à la douleur , à la roideur, ck à la difficulté du mouvement dans cette partie. Une troifieme caufe fera encore le féjour de l'animal dans un lieu trop humide. En ce cas les vaiiTeaux fe relâcheront infenfible- ment , principalement les vaiffeaux lym- phatiques , dans lefquels le cours des li- queurs eft toujours plus lent. Ce relâche- ment produira un engorgement qui fera dans les ligamens de l'article , où ces vaif- feaux lymphatiques font en plus grand nombre. De là la douleur ck la difficulté dans le mouvement , comme nous le voyons dans les rhumatifmes ; que fi quelquefois nous appercevons de l'enflure, c'eft que l'engor- gement eft plus confidérable , ck qu'il oc- cupe le tiffu cellulaire ou les membranes des mufcles. Enfin , une quatrième caufe que l'on peut admettre ck reconnoître,eft unobftacle quelconque dans la circulation des efprits animaux. Leur cours étant intercepté, la diaftole ck la fyftole des artères , ainfi que la conftru&ion des mufcles , ne peuvent que diminuer : ce font néanmoins autant d'a- gens nécelTaires pour aider au fuc nour- ricier à fe porter dans les parties les plus intimes; aura* l'expérience démontre-t-elle que ces mouvemens étant diminués ck abolis par la continuation de l'interception , cette partie tombe bientôt dans l'atrophie 6k dans le defféchement. Ce defféchement peut provenir du défaut d'exercice. Ainfi , par exemple , fi nous fuppofons un effort , ou un écart , ou quel- que mal confidérable à un pié , il eft conf- tant que l'animal , tant que la maladie fub- fiftera dans toute fa force, ne fauroit mou- voir la partie affectée. Or s'il ne peut la mouvoir , ck que la maladie foit longue , la circulation ne s'y fera jamais parfaitement ; parce que les liqueurs ne pénétreront plus dans les dernières ck dans les plus petites ramifications des vaiffeaux , ck que c'eft pré- ET A cifément dans ces mouvemens les plus ténus que s'exécure la nutrition. Les fignes auxquels on reconnoîtra que la partie dont il s'agit eft froide ou prife , font le défaut ou la difficulté du mouve- ment; quelquefois la douleur que l'animal refTenr, ck la difficulté du mouvement tout enfemble, félon la différence des caufes de la froideur. Les fymptomes du defféchement font une inégalité manifefte, ck qui frappe dès qu'on examine les deux bras en même temps; leur diminution apparence ck (en" fîble , ainfi que l'impoffibilité de les mou- voir, lorfque l'une ck l'autre s'atrophient, ce qui n'arrive que rarement. Il eft certain que fi Ton prévient les pro- grès de ces maladies par des réfolutifs fpi- ritueux ck aromatiques , ck par un exercice modéré , on pourra attirer dans ces parties les fucs qui les entretiennent ck qui les nourriffent , ck elles feront bientôt rani- mées; mais dès que le mal eft ancien rnos tentatives font infruétueufes. On ne peut en effet , fe livrer raifonnablement à l'elpoir de faire circuler des liqueurs dans des vaif- feaux totalement obftrués & oblitérés. J'ai dit que la nutrition s'exécute dans les der- nières ck dans les plus petites ramifications. Imaginons donc une partie privée depuis long-temps de la faculté d'agir , la circu- lation s'y rallentira; ck les liqueurs ne par- venant plus dès - lors dans les dernières fériés des canaux, ces mêmes canaux , na- turellement élaftiques ck difpofés par con- féquent à la contraction , fe refierreront infenfiblement ck s'oblitéreront à la fin. Or par quel moyen rouvrira-t-on aux fluides cette voie, qui , une fois fermée, leur eft à jamais interdite ? C'eft affurément tenter l'impoffible ck faire profeffion d'ignorance , que de l'entreprendre. L'epaute ou l'omoplate peut être portée en avant, en arrière, en haut; elle peut être encore rapprochée de^ côtes. A l'égard du bras ou de l'humérus joint avec l'omo- plate par une articulation très-libre, c'eft- à-dire, par genou, il peut fe mouvoir en tout fens,en avant, en arrière, en de- dans , en dehors , ck en rond , en manière de pivot , ck en manière de fronde. La libre exécution de tous les mouvemens permis à Tune ck à l'autre de ces parties , eft E P A fans doute ce que tous les auteurs qui ont écrit fur le manège, &t principalement le duc de Newkaftle , ont appelle lafouplejje des épaules. La néceflité de les faciliter à l'animal a été regardée , avec raifon , par cet écrivain illuftre , comme la bafe de toutes les actions auxquelles nous pouvons folliciter l'animal ; & ce n'eft fans doute qu'à la force & à la folidité de cette maxime , toujours préfente à fon efprit , que nous devons une toule de répétitions fur ce point , qui rendent fon ouvrage prolixe fans le rendre plus inftruc- tif. Je tâcherai d'éviter ce défaut, & de ne pas mériter ce reproche. Dès que nous connoiiïbns les mouve- mens àorxtY épaule &. le bras font capables, & dès que nous fommes convaincus , qu'affouplir les parties d'un cheval quel- conque , n'eft autre chofe que leur faire ac- Suérir par l'habitude la liberté de fe mouvoir ans tous les fens qui leur font pofïibles, il eft aifé de juger par les effets qui peuvent réful- ter des leçons que nous donnons à l'animal , de celles qui font les plus propres Scies plus convenables à notre objet. Toute action en-avant, en-arriere ck par le droit, opère nécessairement la flexion, l'élévation , l'extenfion , l'abaiffement , & le port en-arriere des omoplates ck des humérus , qui font les principaux ck les uniques agens d'où dépend réellement la translation de l'animal d'un lieu à un autre. ÇVoye\ MANEGE. ) Ainfi le pas , le recu- ler , èk principalement le trot déterminé ck délié , qui excite fes parties à de grands mouvemens , font des moyens très-effica- ces pour les dénouer ck pour en faciliter le jeu dans les uns ck dans les autres de ces fens; ces allures fur des cercles, ou qrjoi qu'il en foit en tournant pour repren- dre d'autres lignes droites , influent encore fur elles relativement au mouvement cir- culaire dont le bras eft doué , mais elles ne fufcitent pas ce même mouvement dans toute fon étendue ; ck leur impreffion n'é- tant que foible ck légère, ck ne pouvant animer tous les relions qui l'effectuent , l'a- nimal ne fauroit acquérir l'entière facilité par cette voie. Le duc de Newkaftle eft le premier qui E P A 623 diverfes leçons à donner fur les cercles lar- ges ck d'une pifte; je ne me propofe ici j ni de les extraire , ni d'apprécier fa méthode. M. de la Gueriniere , à l'imitation de la, Broue, a préléré les leçons données fur les quarrés, ck admet celles des voltes, qu'il blâme d'ailleurs, parce qu'il croit qu'elles mettent le cheval fur le devant , dans la circonftance où. pour éviter la trop grande fujétion de ce qu'il nomme Yépaule en - dedans , l'animal y porte trop cette même épaule ou y jette la croupe; ainfi, d'un côté il improuve la pratique des cer- cles ; ck de l'autre , il la préfente comme une reffource dans le cas où la pratique des quarrés porte l'animal à fe défendre. C'eft: fans doute d'après fa propre expérience, que M. de la Gueriniere a connu que la tête dedans, la croupe dehors, contraint ck aiTe.rvit beaucoup moins le cheval qui trace une figure ronde , que la tête dedans ck la croupe dehors fur des lignes droites ; ck c'eft apparemment auffi d'après cette vérité dont il s'eft convaincu , qu'il veut bien permettre de recourir au cercle pour procurer aux chevaux la première fouplefle. Sans m'abandonner à l'examen de tous les raifonnemens auxquels il fe livre , 6k fans perdre un temps précieux à marquer les contradictions qui en réfultent , il me fuffit que l'action fur la volte foit moins pénible, moins difficile à l'animal , pour que je lui donne la préférence fur toute autre. On ne doit point oublier que mon unique intention eft d'aflbuplir l'omoplate & l'hu- mérus , 6k que je ne dois avoir à préfent d'autre but que de folliciter le mouvement en rond, dont le bras principalement, ou fon articulation fphéroïde , eft fufceptible; pénétré de l'importance dont il eft de ne travailler d'abord toutes les proportions dont la machine entière eft formée, que féparé- ment 6k non enfemble , (voye\ ENCOLU- RE , ) mon premier foin fera de divifer er> quelque façon celles que j'ai déjà mifes en jeu , 6k celles que je me propofe de dénouer ici, des côtes de la croupe, fur lefquelies je ne dois encore rien entrepren-_ dre directement, 6k que je ne contraindrai dans mtt opérations , qu'autant que leur connexion avec la tête , l'encolure, & les sous en a ouvert une, en nous indiquant [épaules pourra m'y obliger. 614 E P A Les leçons parlefquelles j'ai provoqué les flexions latérales du cou & le port de la tête de côté & d'autre , m'offrent tous les moyens de parvenir à mes vues. Je trouve en elles non -feulement l'avantage que je defire, eu égard à l'action circulaire, mais celui d'augmenter la facilité du pli , dont ces deux premières parties ont déjà con- tracté l'habitude ; & c'eft ainfi qu'une feule route me conduit à. tout , affure toujours de plus en plus mes fuccès , & que j'ôte, en un mot , tout prétexte & toute idée de défenfe à l'animal, puifque je ne le foumets à l'obéiflance que par la liberté que je lui donne d'obéir. Détournez légèrement , au moyen du port de la rêne de dehors en-dedans, &cde l'approche de la jambe de ce même dedans , fi la rêne déterminante a befoin de ce Ce- cours , le cheval dont l'encolure eft pliée , & qui par le droit ck au pas regarde dans le centre, (voyq; ENCOLURE,) à l'effet de lui faire décrire des cercles d'une étendue proportionnée à fon plus ou moins de dif- pofition ck de volonté. Auflî-tôt qu'il a quitté la ligne droite fur laquelle il che- minoit, augmentez fubitement l'aftion de la rêne de dedans à vous, & maintenant la rêne de dehors dans un degré de ten- don , non auffi fort , mais feulement en raifon du foutien qui doit en réfulter; croi- fez-îa imperceptiblement & pour féconder amplement celle qui plie, Dans cet état Ci vous parccairez la ligne de la volte , en élargiffant infenfiblement le cheval, il eft. certain que fa jambe de dedans dans cha- cune de fes foulées fe trouvera précifément au-devant de la pifte de la jambe de dehors fa voifine ; or elle ne peut s'y placer qu'au- tant que les parties fupérieures dont elle eft une dépendance, & auxquelles elle doit {es mouvemens , font rapprochées du corps de l'animal , & mues dans un fens oblique ; d'où nous devons conclure que cette leçon convient parfaitement à notre projet , puifqu'elle fufcite d'ans l'humérus & dans l'omoplate une partie de l'action que nous nous proposons de leur imprimer , & que cette même action n'apportant aucun chan- gement dans la pifte du derrière, -ne trou- ble en aucune manière l'ordre des jam- bss poftérieures, dont la marche s'erfec- E P A tue fans qu'elles fe refferrent ou fe retré- ciffent. Le cheval habitué à cheminer aux deux mains , librement & dans cette pofition où il aura été entretenu par la puiiTance conf- tamment combinée des deux rênes confiées à une main habile , & par des aides mo- dérées de la jambe de dedans , fi elles ont été néceffaires , le cavalier pourra tenter de porter les parties qu'il doit dénouer à faire un plus grand effort. Il croifera donc la rêne de dehors , dont il cherchera à aiïurer par l'approche de fa jambe de de- dans , de façon que la jambe de dehors du cheval avoifine davantage le centre , &C foit dans une oppofition plus ou moins forte, félon les progrès de l'animal, avec l'extrémité antérieure de dedans; alors, & dans chacun des inftans où la jambe dirigée vers la volte fera pofée ou dans fon appui , & où l'autre extrémité fera élevée ou dans fon foutien, (voyq; Manège. ) il croifera la rêne de dedans qui opère principalement le pli par fa tendon, & qui opérera encore, par fon obliquité, le port de cette même extrémité vers le dehors Se au-delà de la pifte qu'elle marquoit , lorf- que l'une 8>t l'autre étoient moins affujet- ties ; ainfi au lieu de fe placer fimplement dans fa battue au-devant de la jambe de dehors , elle chevalera &c parfera fur cette même jambe. Or fi dans la première ac- tion nous avons obfervé que l'omoplate &c l'humérus accompîiiToient une partie du mouvement que notre unique deifein eft de folliciter , il eft vifible que, dans celle- ci , qui demande de la part du maître qui travaille une précifion , une jufteffe & une attention finguliere , nous obtenons de l'a- nimal tout ce qu'il peut nous accorder , & tout ce que nous devons en attendre, dès qu'en nous conformant fcrupuleufe- ment à cette fage maxime qui nous aftreint à détacher , pour ainfi dire , du corps du cheval les parties que nous voulons aflbu- plir , avant d'entreprendre de les mettre toutes enfemble & d'accord , nous nous bornons à n'exercer ici que le bras & IV- paulc , indépendamment des côtés & <\es hanches , de la fouplefie defquelles nous ne fommes point encore occupés. J'avoue que les extrémités poftérieures reçoivent E P A reçoivent néanmoins dans ce dernier cas une impreflion dont je ne peux douter , puifque je vois que la jambe de derrière de dedans eft preffée & rapprochée de la jam- be de derrière de dehors , & que leur pifte eft à-peu-près marquée comme celle des jambes antérieures , fur les premiers cer- cles que j'ai aflignés ; mais ce rétrecifîe- ment eft inévitable , puifqu'il n'eft pas poflible de défunir abfolument le derrière du devant , & d'interdire entr'eux une re- lation qui ne pourroit ceffer qu'enfuite d'une • disjonction entière & réelle ; la croupe n'é- prouve qu'une légère contrainte , & non une gêne dont l'animal puiflè foufFrir & fe gendarmer.» Tel eft aurïï le point auquel nous de- vons nous arrêter. Engager lùr ces mêmes cercles le devant, & chaffer les hanches , ainfi que le prefcrit le duc de Newkaftle dans fa leçon de la tête de dedans , de la croupe de dehors , ou exécuter cette même leçon fur les quarrés , félon le vœu de M. la Gueriniere , (qui , s'il n'avoit pas jugé à propos de couper une phrafe du premier par un &c. n'auroit pu déguifer que les cercles ne mettent un cheval fur le devant que par la faire du cavalier qui néglige de le foutenir , ) ce feroit travailler à la fois , de l'aveu même de l'un & de l'autre, non- feulement les épaules , mais les côtés & la croupe , (ans parler de la tête & de l'enco- lure , pour l'arlbuplhTement defqueiles nous ne trouvons dans leur ouvrage aucune le- çon particulière. Que l'on réfléchifïe fans partialité fur l'entreprife de faire mouvoir enfemble & tout-à-coup une foule de reflbrts , dont la force naturelle prouve la difficulté de vain- cre la roideur , tandis que tous nos efforts , pour les mettre en jeu, ne peuvent s'im- primer directement que fur une partie foi- ble , délicate , & auffi fenfible que la bou- che ; & l'on jugera dès-lors fainement du mérite d'une méthode que j'admirerois , fi je ne confultois que le préjugé , le nombre de fedateurs qu'elle a eus , & la multitude de partiians qu'elle a encore, (e) EPAULE , {Maréchallerie.) Cette partie du cheval eft fu jette à beaucoup d'infirmités, comme entre-ouverture , écart , ou effort d'épaule, &c. Tome XIL E P A €i5 Pour mieux expliquer la caufe , les effets de ces genres de maladies , il eft impor- tant de développer la compofition anato- mique de la partie qui en eft le fiege. lfépaule du cheval renferme dans fa compofition des os , des cartilages , des li- gamens , des mulcles , des vaifîêaux fan- guins , lymphatiques & herveux ; la peau fert d'enveloppe à toutes ces parties orga- niques. Le premier des os eft l'omoplate , qui a prefque la figure triangulaire , dont deux angles font fupérieurs , l'un antérieur , &: le iècond poftérieuf, qui eft plus obtus: le troifteme eft antérieur-inférieur. Cet os a deux fortes de connexions ; la première fe tait par fyfarcofe , avec les vertèbres du garrot , au moyen d'une forte membrane ligamenteufe qui attache & aflujettit à cette partie les deux angles fupérieurs de cet os , qu'on nomme paleron ; ce ligament & les mufcles qui lui font propres , l'attachent aux os voifins : l'autre articulation fe fait par artrodie avec l'humérus , l'omoplate aylnt à fon angle antérieur-inférieur une cavité glenoïde qui reçoit la tête de l'hu- mérus. Cette cavité eft induite d'un carti- lage qui facilite le mouvement : elle a un bord ligamenteux qui la rend plus profon- de & plus capable d'embraffer la tête de l'humérus , & en fortifie l'articulation. Le dernier des os eft l'humérus ; il eft articulé par fes deux extrémités , par celle d'en-haut avec l'omoplate par artrodie , ( on appelle vulgairement cette articula- tion la pointe de Y épaule > ) & par celle d'en-bas doublement , favoir par ginglime avec le cubitus , & par artrodie avec le ra- dius. Le cubitus eft adhérent au radius au- deftbus de l'apophyfe olecrane, partie où le cheval fe blefîe , quand il fe couche en vache. Ces articulations font recouvertes de forts ligamens membraneux , qui pren- nent leur attache aux extrémités des os ar- ticulés , qu'ils tiennent fortement jointes enfemble , afin qu'ils ne puifîênt fortir dé leur place : ils ont feulement la liberté d'exécuter leurs divers mouvemens. L'omoplate fait fes différens mouve- mens , au moyen de cinq mufcles qui font le trapèze , le rhomboïde , le rele- Kkkk éi6 E P A veur propre , le petit pecloral , & le grand dentelé , qui prend ion origine de la bafe de l'omoplate. L'humérus efl la partie de l'épaule du cheval qui exécute les plus forts mouve- mens : ces mouveœens font faits par le moyen de plufieurs mufcles , qui font le deltoïde , le (us-épineux , le latiilimus , le grand rond , le grand pectoral , le coracoï- dien , le fous-épineux , le petit rond , & le fous-fcapulaire. On lait que les mufcles ont deux fortes de mouvemens , celui de contraction , & ce- lui d'extenfion , d'où fuivent tous les di- vers mouvemens que nous voyons faire à l'animal. On peut y en ajouter un troifie- me , qu'on appelle mouvement tonique , qui fe fait lorfque plufieurs mufcles agiiîent de concert , & tiennent une partie ferme & bandée. Or la caufe principale de l'effort 8 épaule vient de ce que l'un de ces mouvemens a été exécuté avec violence par cet organe , foit antérieurement , foit pofférieurement , foit latéralement , ou dans un fens oblique : les fibres nerveufes , les tendineufes , les petits tuyaux fanguins & lymphatiques qui entrent dans la compofition des mufcles , & qui fe font trouvés les uns . en contraction , & les autres en extenfion dans ces mouve- mens forcés, en font plus ou moins affec- tés ; ce qui produit un effort d'épaule , ou entre-ouverture , ou disjonction de cette partie , plus ou moins difficile à guérir , félon le cas. Si les parties qui compofent ces mufcles n'ont fubi que de légers tirail- îemens , & qu'on y apporte un prompt fe- cours , quoique le cheval en boite , on le guérit facilement ; on appelle cette mala- die faux écart } ou effort a' épaule Jimple : fi au contraire la fecouffe a été affez tumui- tueule pour déranger le tiffu cellulaire des mufcles , rompre & déchirer fes parties or- ganiques , les liquides ne pouvant circuler que difficilement , fi on n'y apporte un prompt fecours , la partie s'obfhue , la ma- ladie devient fouvent incurable, & pour- iors on l'appelle disjonction d'épaule ou en- tre-ouverture ; fauffe dénomination qu'on a donnée ù beaucoup de maladies qui font boiter le cheval , & dont on ne .connoît point la caufè. Ce n'eil pas que l'éloigné- E P A ment de l'épaule foit impoŒible ; maïs cet accident conflitue un autre genre de maladie que celle que l'on a entendue fous le nom Centre-ouverture ou disjonction d'épaule. L'entre-ouverture ou disjon#ion des os de l'épaule proprement dite , efl un des plus hineftes accidens qui puiilènt arriver au cheval ; voici les lignes fymptomatiques qui le caradérilent : i°. une grande dou- leur qui fait boiter cet animal à ne pouvoir pofer le pié à terre : 2°. une tumeur qui s'étend quelquefois fur toute cette extré- mité , & qui empêche le cheval de fe cou- cher : 3°. la perte du boire & du manger : 4°- un grand battement de flancs qui iùp- pofe toujours la fièvre : enfin quelquefois la fourbure , d'où fuit affez communément la néceflité de faire tuer le cheval. Cure pour l'écart ou effort d'épaule Jimple. On faigne le cheval à la veine céphalique , qu'on appelle communément l'ars 3 & l'on fait une charge de ion iang fur toute la partie aiîligée : • cinq ou fix heures après la iaignée , on emploie des médicamens ré- folutifs , pour difliper les obftruCtions , & donner aux liqueurs nourricières du mou- vement , & les volatilifcr. Ces médicamens font l'efprit de térébenthine , d'afpic ou la- vande , l'huile de pétrole , le baume de fio- ravanti ou de Pérou , le tout mêlé avec l'eiprit-de-vin camfré & appliqué fur la partie : on a foin de les faire pénétrer par des frictions avec la main , d'expofer le cheval , fi c'eft en été , au grand foîeil ; en hiver on préfente une pelle de fer bien chaude auprès de la partie , dans la même intention : on attache le cheval à deux lon- ges , l'une au râtelier, & l'autre à la man- geoire, afin qu'il ne puifliç point fe cou- cher de neuf jours , pendant leiquels on le laijfe à la diète , favoir à la paille , au fon mouillé donné en petite quantité , & à l'eau blanche. Si le cheval n'eft point guéri au bout de ce temps , ou qu'il lui reffe quelque foi- blefié à cette partie , on fe fert d'un bain , pour y faire deux fois par jour des fomen- tations un peu chaudes. Ce bain doit être compofé avec les herbes aromatiques & émollientes ; favoir , le feordium , l'ab- fynthe , la fauge , le romarin , la graine de E P A genièvre piîée , les fommités de milleper- tuis , de camomille , de bouillon blanc , du thym & du pouillot , &c, on fait bouillir pendant une heure le tout dans de la lie de vin , & dans du vin , au défaut de la lie. Si l'effort d'épaule eu ancien , il demande des remèdes plus forts , qui foient ca- pables de réfoudre les liqueurs arrêtées dans le tiffu cellulaire des mufcles. Ces médicamens font les baumes du Pérou , mêlés avec l'eiprit-de-vin camfré , l'efprit de genièvre , l'efprit de ver de terre , de fel ammoniac ou d'urine ; ou , à la place de cette compofition , on fe'fervira de l'em- plâtre de gomme diiTous dans l'huile de tartre , appliqué un peu chaud fur la par- tie affligée. Si ces médicamens ne réuffif- (ent point , on fait au cheval un cautère entre ["épaule & le fternum , qu'on laiffe couler pendant l'efpace de dix à douze jours , & plus , li le cas l'exige : on (e fert auffi du féron , qu'on lui applique tantôt à une partie de V épaule } tantôt à une autre. Pour dernier remede on y met le feu en baies ou en pointes ; on y applique uty fi- roëne pardeffus le feu , qu'on laifîê juf- qu'à ce qu'il tombe : enfin on fait prome- ner le cheval en main pendant un certain temps, pour donner la facilité à la nature de rétablir les forces dans cette partie : car l'effort d'épaule , quoique fimple , devient fouvent incurable par l'empreffement que l'on a de vouloir fe lervir trop tôtde l'animal, & de l'erreur où l'on eff. en le croyant guéri: il peut l'être en effet pour de certains petits ufages ; car tel cheval eff droit d'un écart pour rouler doucement, qui ne le feroit pas pour pouffer un relai de quatre ou fix lieues fur le pavé, mené vivement: de mê- me fi c'efi un cheval de felle , il peut être droit pour un voyageur qui ne va qu'au pas , & il ne le feroit pas fi on le menoit à la chaffe ou à quelqu'autre exercice fembla- ble. On peut conclure de-là que la guérifon de cet accident dépend autant du ménage- ment que l'on doit avoir pour le cheval , que des remèdes qu'on lui adminiftre. Les épaules des chevaux font fujettes à un autre genre de maladie , que nous allons divifer en trois eipeces différentes , qui ont chacune leur caufe particulière , & quel- E P A 6ij quefois plufieurs enfemble : on les a fouvent confondues fous une même dénomination. On appelle cette forte de maladie tantôt épaule s froide s ou emreprifes , tantôt épaules chevillées ^ tantôt épaules étroites ou ferrées. i°. On doit entendre d'un cheval qu'il a les épaules froides , lorfque Ces parties étant bien conformées , fans aucune apparence d'accident , il ne laiffe pas de boiter , au fbrtir de l'écurie , des deux jambes de de- vant , comme s'il étoit fourbu , jufqu'à ce qu'il foit échauffé par le travail , du moins quand ces parties font engourdies à un cer- tain degré. 2°. On doit dire que cet animal a les épaules chevillées , lorfqu'il a ces parties fort grofîès , fort larges & fort charnues , ainfi que le garrot. 3°- Un cheval a les épau- les étroites ou ferrées , lorfqu'il a ces parties fi près l'une de l'autre , qu'à peine peut-il marcher fans croifer les jambes. Ces deux derniers défauts font des vices de conformation , oppofés l'un à l'autre : ils caufent pour l'ordinaire au cheval la même infirmité que l'accident que nout venons de défigner fous le nom d'épaules froides ou entrepnfes. En remontant à la première caufe de cet accident , nous allons faire fentir pourquoi les chevaux anglois, & fur-tout les che- vaux de felle , font plus fujets à cette ma- ladie que ceux des autres nations. Dans les courfes violentes qu'on fait faire à un cheval, avant qu'il ait atteint l'âge & les forces propres à réliffer à ces fatigues , telles que les Anglois en fontfoutenir à leurs chevaux , les mufcles & les ligamens n'ayant peint encore acquis la confiflance néceiiai- re pour fupporrerles extenfions que ces par- ties éprouvent dans ces mouvemens forcés , il arrive que ces ligamens &: ces mufcles fe relâchent ; la fynoyie perd fa fluidité ; les petits vaiffeaux lymphatiques & les petits cordons nerveux fe diftendent ; la lymphe ne pouvant plus circuler dans (es petits tuyaux, non plus que les efprits, (s'il en exifie réellement , ) les fibres perdent de leur mouvement & de leur reflort , faute d'être tenus bandés & raccourcis par l'élaf- ticité des nerfs ; & l'animal cfl perclus. Cet accident augmente encore par lepafïage du chaud au froid , après ces violens exercices ; alors les corpufcules de l'air s'infinuant dans Kkkk 2 4z8 E P A les pores de la peau , que la chaleur a dila- tés , coagulent la lymphe , & caiifent des obftrudions dans toute la fubftance des mufcles & des ligamens de l'épaule : d'où fuit que la férofité ne pouvant plus être contenue dans (es petits tuyaux y s'épan- che , ne circule que difficilement & ac- quiert cette acidité qui caufe une éré- thifme aux fibres membraneuies , ce qui gêne le mouvement. Mais comme l'obirruâion ne fè fait que par' degrés, l'afFoibliffement & l'engourdif- fement qu'elle caufe ne font pas tout-à- coup fienfibles : quelque palliatif même , & un travail modéré , fait difparoître pour un temps cette léfion dans les épaules des che- vaux ; de forte que celui qui a envie de les acheter n'en peut rien appercevoir. En effet quel eft le connoiffeur qui peut deviner qu'un cheval périra par les épaules , lorfqu'il voit ces parties bien conformées & libres en apparence-, & que l'animal eff d'ailleurs gai , vigoureux , potelé ? car malheureufe- ment l'acquéreur n'a point la liberté de le travailler affez pour le tâter à fond ,■ & de le voir le lendemain troter après qu'il efi pefroidk II ne peut donc que l'acheter au hafard , à moins qu'il n'oblige le marchand à lui donner le temps de l'éprouver & de le connoître ; précaution que celui-ci a inté- rêt d'éluder , mais qu'on a encore plus d'in- térêt à prendre. Au défaut dé cet examen , quand on vient , après l'avoir acquis, à le- faire travailler un peu fort , on commence par degrés à s'appercevoir de la foibleffe des épaules, tantôt d'un côté , tantôt de l'autre, & quelquefois des deux en même temps : enfin le cheval s'engourdit telle-r ment , & va fi près du tapin , qu'il bronche à chaque infiant , & devient par fucceflion des temps fi perclus, qu'il paroît comme fourbu au fortir de l'écurie. On voit par cet expofé , i°. pourquoi lès chevaux anglois font plus fujets que d'au- tres à avoir les épaules froidesou entreprifes: 2, . quel danger on court en les achetant, puifque l'on n'a pas le temps de les éprou- ver à fond. Pour être convaincu de ce dan-_ ger , il- fuffit de voir qu'entre ceux que. l'on acheté pour les remontes des écuries- roya- les , qui font fans contredit choifis-, foignés & montés par d'exçellens écuy.ers, cepen- E P A dant iî en çû beaucoup qui périffent par ces parties , fans que tout l'art & toute l'expé- rience poffible ait pu les faire prévoir dans les achats. Cette maladie reconnoît encore pour caufe féconde , le trop de repos donné au cheval , nommément au cheval anglois , qui a prefque toujours fubi ces violens exer- cices dès fa tendre jeuneffe : car les muf- cles & les ligamens reflanf long-temps dans l'inaction , après ces courfes outrées , de— viennent roides & inflexibles; parce que le' fuc nourricier que leurs fibres fatiguées & difîendues reçoivent en cet état , remplit leurs petires cellules, s'y épaiflit, s'y con- denfe , & comprime les petits cordons ner- veux , ce qui prive ces parties organiques de leur foupleffe naturelle , ainfi que de- leur élafhcité ; d'où réfulte cet engour-. diffement qu'on appelle épaule froide ou cntreprife. Le défaut des épaules chevillées eft , corn-- me nous l'avons dit , un vice de conforma-. Bon de ces parties :.car il réfulte néceflàire-. ment qu'un cheval qui a les épaules & le. garrot fort gros & fort charnus , doit avoir- le mouvement moins libre que celui qui a* ces parties bien faites & bien conformées ; car les mufcles & les ligamens propres ;i mouvoir ces parties étant enveloppées de- chair & de graiffe , n'exécutent qu'avec peine- leurs divers mouvemens. Les épaules ferrées & étroites font de me-- me un vice de conformation , car un che-- val qui eft fort ferré & fort étroit des épau-. les a par. conféquent le flernum très-étroit : les omoplates & les humérus appliqués Se collés fur le fiernum laiffent fi peu de dis- tance d'un avant-bras à l'autre , qu'àpcine: l'animal peut troter ou galoper fans fe étof- fer les jambes & fe couper ; ce vice fait- tomber les épaules du cheval dans un amai-. grifîement total. Cette efpece d'atrophie influe non feulement fur les graiffes , mais- encore fur les mufcles, furies ligamens & furies articulations ; ces parties n'étant pas. affez enduites par un nouveau fuc nour-. cier , deviennent fi feches & fi arides , qu'el-u les ne peuvent que difficilement agir. On voit, par ce que nous venons de dire: de ces maladies, que celles qui font pro-* duitçs par vice de. conformation font incu-*. E P A rablcs-'; elles ont feulement feryi , & fer- vent encore de règle prefque générale , pour prédire ce qui doit réfulter de l'un ou l'au- tre. Quoique cette règle fouffre des excep- tions , il eft toujours très-prudent de ne point s'en écarter , fur-tout dans l'achat des chevaux de (elle , & encore plus de ceux qu'on deftine à la chalfe & à des exercices violens. Nous finiffons à regret l'article de ces maladies particulièrement de celle des épau- les froides ou entreprifes ,. fans pouvoir indiquer aucun fpécifique propre à la vain- cre: on a fait mille tentatives infru&ueuf es qui n'annoncent que trop notre infuffi- fance à la guérir : on y a eflayé quantité de remèdes internes & externes ; les internes font les fondans , les fudorifiques , les diuré- tiques, les panacées mercurielles & anti- moniales ; & pour remèdes externes , les fomentations , les frictions , les emplâtres., les onguens , les fêtons , les cautères poten- tiels & actuels , & tout cela fort inutile- ment ; car fi quelques chevaux entrepris des épaules fe font trouvés guéris , on doit plutôt l'attribuer au repos modéré- qu'on leur a donné , qu'aux remèdes ; mais nous dirons de cette maladie ce que nous avons dit de l'éparvin , que le bon moyen de la guérir c'eft de ne pas la.caufer. Cet article efi de M. G EN S ON. Epaule , en terme de Fortification-, eft la partie du baftion où la face & le flanc fe joignent enfemble , & où ils font un an-, gle qu'on appelle Y angle de. l'épaule. . Voye\ Bastion. (Q) Epaule de Mouton , ( Chargent. ) la plus grande des coignées dont fe fervent ces ouvrier* pour drefler &. équarrir leurs bois. Epaule d'un Vaisseau , (Marine. ) virures de l'avant: ce font les: parties du bordage qui viennent de l'éperon vers les hauts bans de mifene ,. où il fe forme une rondeur qui foutient le. vaifTeau fur l'eau. ÉPAULÉE, fi f. en Maçonnerie. Ce terme a- lieu ; lorfqu'un , bâtiment , au lieu d'être levé de luite & de niveau , eft repris par redens , c*eft-à-dire à diverfes reprifes ou à divers temps , comme cela fe pratique quand, on travaille par fous-œuvre. (P) E P A 6i9 EPAULEMENT, f. m. en terme de Fortification y eft un ouvrage ou une élé- vation de terre qui fert à couvrir du canon de l'ennemi. Ainfi on appelle épaulement tout parapet à l'abri duquel on peut faire le fervice ; c'eft pourquoi , dans l'artille- rie , le parapet des batteries eft appelle épaulement. Voye\ BATTERIE. C'eft encore la partie avancée d'un flanc couvert , non arrondi. Voyei^ ORILLON- Il étoit autrefois d'ufage de faire des épau~ . lemens dans les fieges pour couvrir la cava- lerie du canon de l'affiégé : mais cette cou* tume ne fubfifte plus. ( Q ) EPAULEMEMT , ( Charpente. ) fert à couvrir un des côtés de la mortoife , & il fe lait en recran d'un côté , d'environ ur> pouce , de la largeur du tenon. EPAULER un Cheval , ( Manège „ Maréchall. ) c'eft occafioner dans l'une ou* l'autre de fes épaules un mal qui le rend in- capable de fervice. Ce mot pris néanmoins» dans fon véritable fens , ne. doit être appli- qué que dans le cas où ce mal eft incurable , (bit par fa propre nature , foit par fes pro- grès communément favorifés par ceux à> qui le traitement en- eft dévolu. Ainii un. cheval épaulé eft véritablement un chevaL inutile , qui ne fera jamais d'aucun ufage*. (0 SPAULIERES, f. f. pi. {Basaumé-- tier. ) parties du métier à faire des. bas*. Voye\ V article BAS AU MÉTIER. . * EPAULIES , f, m. pi. c'eft ainfi que; les Grecs appelloient le lendemain des no— ■ ces. Ce jour les parens & les conviés fai-- foient des préfens aux nouveaux mariés^ On Tappelloit épaulie , de ce que lepoufe- n'habitoit la maifon de fon époux.que de ce* jour. On donnoit le même nom aux pré*- fens , fur-tout aux meubles que le* mari re— - cevoit de fon. beau-pere.. Ces préfens fe? tranfportoient publiquement & en cérémo-- nie ; un jeune homme , vêtu de blanc &: portant à la main un flambeau allumé , , précédoit la marche» . • *EPEAUTRE, f..m. (Agriculture.) efpece de froment dont le grain eft petitj & plus brun qu'au froment ordinaire. Om en diftingue de deux fortes-; le fimple , &: celui qui a double bourre & toujours deux: grains dans chaque gouiTe* Oa. en, hic. 6$o EPE du pain qui n'eft pas défâgréabic au goût, mais qui eft lourd à l'eftomac. Les anciens en compofoient leur jromentée , efpece de bouillie qu'ils ont beaucoup vantée ; & l'on en fait aujourd'hui en quelques endroits de la bière. Vépeautre eft un grain moyen entre le froment & l'orge. La plante refTemble beaucoup à celle du froment ; elle a le tuyau plus mince , l'épi plat & uni , le grain jeté feulement de deux côtés, & une barbe longue & déliée. On donne le nom çYépeautre à une efpece de feigle blanc. * EPECHER|POILE , ( Fontainesfalan- tes. ) c'eft à la fin d'une remandure , ( Voye\ Remandure , ) puifèr le refte de la muire, ( Voye\ MuiRE,) qui fè trouve au fond de la poîle , & la porter aux cuves ou réfervoirs , pour y fortifier les eaux foibles. Voye\ SALINE. EPÉE 7[.f. ( Efcrime. ) arme ofFenfive qu'on porte au côté , enfermée dans un four- reau , qui perce , pique & coupe , & qui eft en ufage chez prefque toutes les nations. Elle eft compofee d'une lame , d'une garde , d'une poignée & d'un pommeau : à quoi l'on peut ajouter la tranche de la garde , le fourreau , le crochet & le bout. Voye\ Garde , Fourreau. La lame eft un morceau de fer ou d'acier qui a deux tranchans , deux plats , une pointe , & la foie. « Le tranchant ( en terme d'efcrime le vrai tranchant y) eft la partie delà lame avec laquelle on fe défend ; c'eft celui qui eft du côté gauche de la lame , quand on a Yépée plachée dans la main. Le faux tranchant , eft celui dont on fait rarement ufàge, & qui eft du côté droit de la lame. Le tranchant fe divife en trois parties , qu'on appelle le talon , lef&ible , & le fort. Le talon , eft le tiers du tranchant le plus près de la garde. Le foible , eft le tiers du tranchant qui fait l'extrémité de la lame. Le fort , eft le tiers du tranchant qui eft entre le foible & le talon. Le plat , eft la partie de la lame qui eft entre les deux tranchans. La pointe , eft la partie de la lame avec laquelle on perce l'ennemi. EPE La foie , eft la partie de la lame qui en- file la garde , la poignée , & le pommeau. La garde , eft la partie de ïe'pe'e qui ga- rantit la main. La poignée , eft la partie de Yépée avec laquelle on la tient. Le pommeau , eft la partie de Yépe'e à l'extrémité de laquelle on rive la foie , & où elle eft attachée. Les maîtres en fait d'armes divifent en- core , Yépée en trois parties , la haute , la moyenne & la baffe , & en fort , mi-fort & foible. Le fort de Yépée eft la partie la plus proche de la garde. Le mi-fort gît au milieu & aux environs de la lame, & le foible eft le refte qui va julqu'à la pointe. Ils divifent de même le corps en trois , dont la partie haute comprend la tête , la gorge & les épaules ; la moyenne , la poi- trine , l'eftomac & le ventre fupérieur ; & la baffe , le ventre inférieur & au défaut jufque vers le milieu des cuiffes. Voye% Escrime. Ëpée a deux mains ou efpadon , eft une large épe'e qu'on tient à deux mains , & qu'on tourne 11 vite & li adroitement , qu'on en demeure toujours couvert. Il y a des épées quarrées , il y en a de plates , de longues & de courtes. Lesfauvages du Mexique , dans le temps que les Efpagnols y abordèrent pour la pre- mière fois , n'avoient que des épc'es de bois , dont ils fe fervoient avec autant d'avan- tage que nous des nôtres. En Efpagne , la longueur des épées eft fixée par autorité publique. Les anciens chevaliers donnoient des noms à leurs épées : celle de Charlemagne s'appelloit joyeufe , celle de Roland durandal , &c. Les épées dans les premiers temps de la troifieme race de nos rois dévoient erre larges , fortes , & d'une bonne trempe , pour ne point fe cafTer fur les cafques & fin- ies cuiraffes , quifaifoient tant de réfiftance ; & telle fut celle de Godefroy de Bouillon , dont quelques hiftoires de croifades difenr , qu'il fendoit un homme en deux. La même chofe eft racontée de l'empereur Conrad au fiege de Damas. M. Ducange dit que ces faits, tout in- croyables qu'ils paroiftènt , ne lui femble- rent plus tout-à-fait hors de vraifèmblance E P E depuis qu'il eut vu à Saint Faron de Meaux une épée antique que l'on dit avoir été celle d'Ogier le Danois , lî fameux du temps de Charlémagne , au moins dans les romans , tant cette épée cil pelante , & tant par can- ïequent elle fuppolbit de force dans celui qui la manioit. Le P. Daniel qui l'a taire peler , dit qu'elle pefe cinq livres & un quarteron. Hïftoire de la milice francoife. M. le maréchal de Puyfegur prétend que Y épée efl une arme inutile & embarralfante au foldat. Voye\ ARMES. (Q) ÉPÉE , (Art militaire.) On ne s'arrê- tera point ici à parcourir toutes les nations de l'antiquité qui fe fervoient de Y e'pee , ni à décrire les différentes formes qu'elles lui donnoient. On fe contentera de remar - quer, comme l'ont déjà fait plufieurs au- teurs , qu'il y avoit des épies courtes , for- tes , qui frappoient d'eftoc & de taille , telles quetoient celles des Efpagnols , que les Romains empruntèrent d'eux , & avec lefquelles , dit Tite-Live , ils coupoient des bras entiers , enlevoient des têtes , & failoient des bleflùres terribles (a). Il y en avoit de longues & fans pointe , qui ne fervoient qu'à frapper de taille , comme étoient celles des Gaulois , qui , quoique plus braves que les Romains , ne les défi- rent prefque jamais^ parce que leur igno- rance & leur aveuglement ne leur per- mirent pas de reconnoître le défaut de leurs armes , & de prendre celles de leurs ennemis. Les François fous la première race , dès- lors comme aujourd'hui pleins de vigueur & d'impétuofité , portoient , outre leurs francifques (b) & leurs javelots , des e'pe'es courtes & tranchantes qui les rendoient très-redoutables dans toutes (ortes d'atta- ques. Il y eut quelques changemens dans leurs armes fous la féconde race , du moins on leur donna des arcs & des flèches , mais pour cela on ne leur ôta pas Yépée. On E P E 6$x remarque feulement que depuis il y eut quelques variations dans la forme & les dimenfions de cette arme. Il cil certain que tant qu'on ne quitta pas 4'armure complète , 1 es épées dévoient être larges , fortes , & d'une excellente trempe , pour ne point fe cafîer fur les calques , les cuiraifes , &c. qui faifoient tant de refiflance ; & telle fans doute fut celle de Godefroy de Bouillon , dont les hiffo'res des croifades nous difent qu'il fendoit un homme en deux. Le P. Daniel , ( Hïftoire de la Milice franpoife y tome I y liv. VI y chip. 4. ) qui cite les merveilles de cette épée , rapporte que la même chofè efl racontée de l'empereur Conrad au fiege de Damas. Il ajoute que ces fairs , tout incroyables j qu'ils paroifîent , ne femble- rent plus fi fort hors de vraifemblance à Ducange , depuis qu'il eut vu à Saint Faron de Meaux une épe'e antique , qu'on dit avoir été celle d'Ogier le Danois, fi fameux du temps de Charlémagne ; tant il la trouva pelante ; & tant par confé- quent il fuppofoit de force dans celui qui la manioit. Il efl probable que ces fortes d' épée s étoient plus longues que celles qui étoient le plus généralement en ufage dans ce temps-là , afin d'avoir plus de coups &: faire de telles exécutions. En effet, félon le même auteur , celle d'Ogier a trois pies un pouce de lame , trois pouces de lar- geur vers la garde , & un pouce & demi vers la pointe ; la garde efï de fept pouces de longueur , & elle pefe cinq livres un quart. ( Hïftoire de la Milice francoife y tome I } liv. VI , chap. 4. ) Les épées du temps de S. Louis étoient , comme celles des Francs , courtes & tran- chantes des deux côtés : c'eft ce que nous apprenons par la relation de la bataille de Benevent , où Charles d'Anjou , frère de S. Louis , défit Mainfroi fon compétiteur pour le royaume de Sicile , rapportée ( a ) Gludio lliftanienfi detruncata. corpor.% brachtis abfcijfis , aut totâ cervice deje&â , divtfa * eorpore capita , patentia.jue vifeera , & fœditatem œliam vulnerum viderunt ; Liv. lib. XXXI n. 34. (è) C'étoit une hache d'arme , nommée Frttncifque , du nom de la nation. Le fer de cette hache f . félon Procope, étoit gros & à deux tranchans ; le manche étoit de bois , & fort court. «Au moment, >j dit cet auteur , en parlant de l'expédition que les François tirent en Italie fous Theodebert I , roi oj de la France Auftrafienne , qu'ils entendent le lignai, ils s'avancent ,& au premier afïaut, dès » qu'ils fon: à portée , ils lancent leur hache contre les boucliers de l'ennemi , les cafTent , & puis fautant Véfée à la maiu fur leur homme ils le tuent. Hift- de lu mil.franf. par Daniel , xom. 1. chap. 1. 6ht E P E E P E par ie Père Daniel. Sous le rcgne de ' les premiers François s'en fervoient très- François I , félon du Bellai , Langey & Montluc, elles étoient plus longues que celles des anciens François. En un "mot, il femble qu'on peut dire que dans ces temps déjà reculés , comme dans ceux cAui les précédèrent , il y eut des épées de toutes les formes & de différentes longueurs. Il y en avoit de courtes nommées bracquemart } qui avoient de la pointe 6c étoient à double tranchant ; il y en avoit de larges , nom- mées fiocades ; il y en avoit d'autres qui étoient fans pointe , & taillantes feule- ment d'un côté. Il y en avoit enfin des unes &c des autres , dont on ne pouvoit fe fervir qu'avec les deux mains , & qu'on nom- moit efpadons ; telle eft celle de Henri IV , qui eft au tréfor des médailles du roi. Les gendarmes portoient auili quelquefois de grands coutelas tranchans pour couper les bras maillés & trancher les morillons. Ibul Du temps de Louis XIII , les moufquetai- res & les piquiers avoient des épées d'une moyenne grandeur. Une ordonnance de Louis XIV , du 16 mars 1676 , dit qu'ou- tre les piques , fufils & moufquets , les fol- dats feront armés chacun d'une bonne épe'e , mais elle n'en détermine pas les dimen- lions. Les dernières épées qu'on donna à notre infanterie avoient vingt-fix pouces de lame avec un talon de deux pouces ; croient à deux tranchans jufqu'à la pointe , terminées en langue de carpe , ( règlement du 1 <) janvier 1 j^j ) & avoient une mon- ture de cuivre ; mais elles étoient d'une mauvaife trempe. Ce n'eft que depuis, le commencement de la guerre dernière qu'on a négligé de les porter, & qu'infenfiblement elles ont été fupprimées. Uepe'e , comme on en peut juger par le précis hiftorique qu'on vient d'en faire , eft une arme fort ancienne , & dont toutes les nations ont connu l'ufage ( a ). Cette arme , plus fimple , plus maniable & plus forte qu'aucune autre , fut en quelque forte le principal infiniment de la grandeur des Romains. On a déjà fait remarquer que avantageufement : & nous favons que ceux de la troilieme race , notamment fous les règnes de faint Louis , de François I , de Henri IV , de Louis XIII , en faifoient tout autant. On pourroit citer différens exemples tirés de l'hifbire de ces temps-là ; mais nous en avons de bien plus récentes , qui prouvent que la nation , toutes les fois qu'on lui en a fourni l'occafion , a fu faire uf âge de Y épe'e avec la même vigueur , la même vivacité & le même fuccès. A la bataille de Caflèl , en 1677 ( Victoi- res mémorables des François ) , deux corn* pagnies de moufquetaires , ayant à leur tête MM. de Forbin & de Jauvelle , mirent pié à terre & attaquèrent, Y épe'e à la main, deux bataillons des gardes du prince d'O- range , qui étoient environnés de haies , ayant un large fofTé devant eux. Ces com- pagnies franchirent le foffé malgré le feu des ennemis , taillèrent en pièces tout ce qui leur fit réfiftance , ék prirent le refte prifonnier avec le commandant. A la bataille de StafFarde , en 1690 , quatre régimens de la féconde ligne que le marquis deFeuquieres fit avancer pour fou- tenir la première , attaquèrent , Yépée à la main , des caflines couvertes de haies , de fofTés & de chevaux de frife , & les em- portèrent malgré le feu des ennemis. " La » vigueur avec laquelle ces régimens don- nèrent , dit Moreau de Brafêy , qui étoit à cette action , & dont nous en avons un détail très-circonftancié , ranima les ren- tes des régimens de la première ligne , & tous enfêmble ils ébranlèrent l'armée ennemie , l'attaquèrent de toutes parts , & enfin la mirent en fuite, (b) » La brigade des gardes , au combat de Steinkerque , en 1692 , fit une charge , Yépée à la main , qui ne fut pas moins dé- crive que celles qu'on vient de citer. Voici comment le maréchal de Luxembourg ra- conte cette glorieufe action. « Les enne- » mis étant lords des bois , & étant venus » fort près de nous pofer les chevaux de » frife , derrière lefquels ils faifoient un ( a ) On en attribue l'invention à Tubalcain , fils de Lamech , qui commença le premier à forger l'airain & le fer ,1'an du monde 130. (£) Journal de la campagne de Piedmont fous le commandement de M. Catinxt , en I690. Par M. Moreau de Brafey, Capitaine au régiment de la Sarre , Paris 169t. m feu E P E » feu très-confidérable , tout le monde d'u- >» ne commune voix , propofa de mettre w nos meilleures pièces en œuvre 8c de fai- »> re avancer la brigade des gardes. L'or- » dre ne lui fut pas plutôt donné qu'elle » marcha avec une fierté qui n'étoit inter- » rompue que par la gaieté des officiers 8c » des foldats ; eux-mêmes , aufïi-bicn que » tous les généraux , furent d'avis de n'al- » 1er que l'épée à la main , 8c c'eft comme » cela qu'ils marchèrent. Les gardes-Suil- » les, imitateurs des François, marchèrent » avec la même gaieté 8c la même har- » diefle. Reinold vint propofer de n'aller « que l'épée à la main 5 8c Vaguenair dit j» que c'étoit la meilleure manière. Tout » auilî-tôt il vola au centre de fon ba- » taillon , 8c le mena à la même hau- » teur que les gardes , droit aux ennemis , » qui ne purent tenir contre la conte- »» nance auilî hardie qu'avoit cette bri- » gade ; je dis contenance , parce qu'elle » ne tira pis un feul coup ; mais la vigueur 3> avec laquelle elle alla aux ennemis , les « furprit afTez pour qu'ils ne-filîent qu'au- » tant de réfiftance qu'il en falloir pour » être joints , 8c en morne temps tués de » coups d'épée 8c de pique , tous les gar- » des étant entrés dans les bataillons en- ** nemis ( a) » S'il eft vrai , comme on le penfé géné- ralement , que les armes blanches font plus propres qu'aucune autre à l'humeur im- pétueufe des François : s'il eft reconnu qu'on ne peut fe pafler de la p:que , ou à fa place du fu fil -pique , ni du fufil , il n'y a perlonne qui ne doive admettre avec ces armes la néceffité de l'épée , d'autant , qu'outre les occasions générales qu'on peut avoir de s'en fervir , il en eft de particulières où elle eft préférable au fufil avec fa bayonnette ; telles font les attaques de poftes , les efealades , les furprifes de E P E 653 nuit , 8c toutes les actions où l'on peut faire porter le fufil en bandoulière, (b) A la défenfe de Luzerne , en 1690 , par le marquis de Feuquieres , contre un détachement de l'armée du duc de Savoie , le régiment de Quinfon , qui gardoit un pofte hors de la ville , ayant été attaqué 8c vivement pouffé par les Barbets , celui de Poudins , placé pour le (butenir , s'avança l'épée à la main , fonça fur les ennemis , les tailla en pièces , & reprit le pofte d'où Quinibn avoit été chafte. Journal de la cam- pagne de Piedmont, M. de Maizeroy dit qu'il a vu un jour un capitaine de grenadiers charge de l'at- taque d'un pofte dans les montagnes de Gênes , faire mettre le fufil en bandoulière à fa troupe , la mener le fabre à la main , 8c réuffir à fouhait. Traité de tactique , T. I y chap, I , art. IV. En fe décidant à rendre l'épée à l'infan- terie , on ne croit pas qu'on puifle donner une forme plus avantageufe à cette arme , que celle dont on fait mention à la fin de l'article Fusil-Pique. On en fait fabriquer une fuivant les dimenfions propofées qu'on a trouvée ttès-maniable 8c d'un très-grand efter. On fe difpenfe de rapporter ici les rai- fons qui ont fait fupprimer l'épée dans l'infanterie , parce qu'en totalité elles ne valent pas mieux que celles qu'on a eues pour quitter la pique , 8c qu'il eft aifé de ïentir qu'elles n'ont rien de fblide. ( M. D. L.R.) Epee , ( Art milit. Antiq. ) Plufieurs ha- biles généraux ont regardé l'épée ÔC le labre que portent les ioldats comme inutiles 8c incommodes , depuis l'ufage de la bayo- nette. Car , dit M. le maréchal de Pu/lc- gur , dans fon Art de la guerre , " comme » on les porte en travers , dès que les fol- » dats touchent à ceux qui font à leur (a) Lettre du Maréchal de Luxembourg au Roi fur ce qui s'efl pajfé au combat de Steenkerque. H'iftoire milit. de Flandre. ( b ) Tout le monde convient que les François font plus redoutables dans toutes efpeces d'attaques qu'aucune des nations contre Jefquelles ils font ordinairement la guerre. Mais comme il n'eft pas fans exemple que cette impétuofité, qui leur eft naturelle, n'ait été ralentie & rebutée par quelque obf- tacle , ou par quelque incident inopiné ; je crois que le mélange des armes leur eft abfolument né- .ceffaire. Rien ne feroit plus propre à fortifier leur audace, afïurer leur choc , à le rendre même encore plus terrible : avec la confiance qu'ils auroient dans leurs armes , lorfque la fortune ne leur feroit pas favorable , on auroit bîen moins de peine à les ranimer & à en tirer parti. Tome XII. LUI ^34 E P E >•> droite de à leur gauche , en fe remuant » & en fe tournant , ils s'accrochent tou- » jours. » Un homme feul même ne peut aller un peu vite , qu'il ne porte la main à la poignée de Ton épée , de peur qu'elle ne palle dans Tes jambes , Se ne le fafTè tomber ; à plus forte raifon dans les com- bats , fur-tout dans des bois , haies ou re- tranchemens, les foldats pour tirer étant obligés de tenir leurs fufils des deux mains. Mais ces raifons font-elles folides ? Voyez l'article précédent. (-+-) La plupart des armes & des épées ro- maines que l'on a découvertes dans les an~ ciens monumens , font faites avec environ cinq parties de cuivre de une partie de fer fondues enfemble. M. le comte de Cay- lus , dans le premier volume //z-40. de [es Jlecueils des antiquités égyptiennes , étruf- ques , greques & romaines , dit qu'il pré- fume que les armes des anciens étoient faites avec de la mauvaife mine de fer qui étoit mêlée de cuivre , &que les romains préfé- raient cette matière , parce que les armes fe rouilloient moins facilement , & parce que le cuivre étoit plus commun que le fer. Ce /avant prouve par des expériences , qu'il eft poiïible de donner au cuivre , par le moyen de la trempe , un degré de dureté à-peu-près égale à celle de l'acier. Dans le 6 1 e. Tableau de la colleclion des pitture antiche d'Ercolano , on voit que Per- fée , qui va pour délivrer Andromède , a une épée, recourbée , qui relîemble à une faux , conformément à la defeription que donne le poë'te Ovide , dans le IVe. livre des Métamorphoses. Quelques auteurs anciens appelloient cette épée ielum uncum , dard crochu. Tfetfées , iùr Licophron, v. 836 , dit que Perfée préfenta la tête de la Gor- gone au monftre marin , & le frappa d'une arme tranchante tk crochue : il fépara une partie de fon corps 3 tandis que l'au- tre partie fut pétrifiée. Les Turcs fe fer- vent encore aujourd'hui de fibres un peu courbés , dont la partie tranchante eft dans la partie concave. Il eft évident que des êpées ou des fabres de cette efpece ont de grands inconvéniens. L'épée des anciens étoit ordinairement courte , à-peu-près comme nos couteaux de chafie. L'on en a trouvé plufeurs dans Herculane : l'on E P E en voit la repréfentation fur quantité de médailles , de bas-reliefs , &c. La forme des épies a beaucoup varié depuis huit fiecles. M. le comte d'Olan dans Avignon , & quantité de perfonnes dans Paris tk dans Rome , ont formé des cabinets de curio- lité , compofés d'armes anciennes. La for- me des épées 8c des fabres a moins varié dans la Chine 8c dans le Japon : on peut , à ce fujet , confulter les ouvrages qui con- cernent l'art militaire des Chinois. Le peu- ple terrible nommé Macaffar , qui habite près de Siam , a en ufage depuis plufieurs iiecles , de ne porter pour toute arme qu'une épée très-courte , ou plutôt un long poignard qu'ils nomment cric. La ceinture à laquelle ils attachent ce poignard , (èrt à envelopper le bras gauche , qui devient par ce moyen un boucher. ( V. A. L. ) EpÉe , f. f. enfis , is ; gladius , ii : ( ter- me de Blafon. ) arme offeniive , meuble qui fe trouve en beaucoup d'armoiries. L'épée paroît dans l'écu avec une lame , une garde , une poignée 8c un pommuau ; tk n'a point ordinairement de branche à la poignée. L'épée eft le plus fouvent la pointe en- haut lorfqu'elle eft feule. Une épée peut être pofée en bande , eîi fafee , &c. Deux épées fe pofent en fautoir , les pointes en haut , quelquefois en bas. L'épée dont la lame eft d'un émail , la garde , la poignée 8c le pommeau d'un au- tre émail , eft dite garnie. Les anciens chevaliers donnoient des noms à leurs épées : celle de Roland s'ap- pelloit durandale ; celle d'Olivier , haute- clerc ; celle d'Ogier , courtin , 8c celle de Renaut flamberge. L'épée j la principale arme de la guerre , eft le fymbolede la noblefle, du courage, de l'intrépidité 8c de la victoire. De Villeneuve de la Crofille , de Lan- rafous , Diocefe de Lavaur , du Croufillat ôc de Beauville à Touloufe ; de gueules à une épée d'argent pofée en bande la pointe en bas. D'Aguilhac de Soulages de Malmont y en Gevaudan ; de gueules a deux épées d'ar- gent en fautoir , au chefeoufu d'agir charge de trois étoiles d'or* E P E De Ravignan en Champagne ; d'azur à deux épées d'argent garnies d'or 3 pajjees en fautoir. Épée , ( Hijf. mod.) ordre de chevalerie , autrefois en honneur dans l'île de Chypre , où il fut inftitué par Guy de Lufignan , qui eut cette île en échange du Royaume de Jérufalem , qu'il céda à Richard , roi d'Angleterre , en 1191. Les chevaliers de cet ordre portoient un collier compolé de cordons ronds de foie blanche , liés en lacs d'amour , entremêlés de lettres S formées d'or. Au bout du collier pendoit un ovale où étoit une épée ayant la lame émaillée d'argent , la garde croifetée &c fleurdelifée d'or , &c pour devife ces mots , fecuritas regni. La première cérémonie s'en fît en 1195, par le roi Guy de Lufignan , qui con- féra cet ordre à lbn frère Amaury , conné- table de Chypre , de à trois cents barons qu'il établit dans fon nouveau royaume. Favin , théat. d'honn. & de chevalerie. ( G ) * Epées. ( Hiji. mod. ) L'ordre des deux épées de J. Ç. ou les chevaliers du Chrift des deux épées ; ordre militaire de Livonie ck de Pologne en 1 1 97. Dans ces temps où l'on croyoit fuivre l'efprit de l'Evangile ôc fe fanctifier , en forçant les hommes d'em- brafler le Chriftianifme , Bertold , fécond évêque de Riga , engagea quelques gentils- hommes qui revenoient de la croîfade , de parler en Livonie , Se d'employer leurs ar- mes à l'avancement de la religion ; mais ce projet ne fut exécuté que par Albert fon frère , chanoine de Rheims 3 & fon CucœC- ieur. La troupe de nos foldats convertifleurs fut érigée en ordre militaire. Vinnus en fut le premier grand-maître en 1103. Ils por- toient dans leurs bannières deux épées en fautoir. Ils s'oppoferent avec fuccès aux en- treprifes des idolâtres. Epee romaine , ( Manège , Maréchal!. ) On nomme ainfi un épi , qui dans quelques chevaux règne tout le long de l'encolure , près de la crinière , tantôt de deux côtés , tantôt d'un feul. Je ne rechercherai point les raifbns qui lui ont mérité cette dénomi- nation , &par lefquelles il a pu fe rendre digne de l'eftime & du cas infini qu'on en fait. Il feroit à fouhaiter que les préjugés qui nous maîtrifent dans notre art , ne nous euifent pas aveuglés jufqu'au point de ne E P E 6ÎV nous foire envifager que certains jeux de la nature , & de nous donner de l'éloignement pour tous les travaux qui pouvoient nous faire connoître , ôc admirer les opérations qu'elle veut bien ne pas dérober à notre foible vue. (e ) Epees , ( Marine. ) Voye^ Barres de Virevaut. Epee , terme de Cordier ; c'eft un inftru- ment de buis , long d'un pié Se large de deux pouces , dont cet ouvrier fe fert pour battre la (angle qu'il fabrique. C'eft pro- prement le battant du métier à fangle. On l'appelle épée , parce qu'il a la forme d'un coutelas. Epee , en terme de Diamantaire , eft le lien de fer qui unit le bras avec le coude de l'arbre de la grande roue. Ce lien eft com- pofé de plufieurs pièces de fer , dont deux s'aflemblent à charnière , elles entourent le coude de l'arbre de la grande roue j elles font alfujetties l'une contre l'autre par le moyen d'un anneau dans lequel palle un coin qui ferre les platines l'une contre l'au- tre. Enre les deux platines on en introduit une troilleme , que l'on aiïujettit entre les deux premières par le moyen de deux an- neaux ferrés avec des coins. Cette troilieme barre eft percée d'un trou , dans lequel paflè un boulon qui traverfe le bras de bas en haut , où il eft retenu par une cheville ou clavette qui l'empêche de reflortir. Ce mouvement imprimé au "bras ,• fe commu- nique par le moyen de Y épée au coude qui fait mouvoir l'arbre & la roue qui eft mon- tée deftus. Epee , ( Manufacl. en foie. ) c'eft une des parties du chevalet à tirer les foies. Voye^ l'art. Soie. EPEICHE , f. f. ( Hifi. nat. Ornith ) cul- rouge ,picus varias major , oifeau de la grof- feur du merle , ou un peu plus gros. La fe- melle pefoit trois onces ; elle avoit neuf pou- ces de longueur depuis la pointe du bec juf- qu'à l'extrémité de la queue > & feulement huit jufqu'au bout des ongles : l'envergeure étoit d'un pié. Le bec a un pouce 8e plus de longueur ; il eft droit , de couleur noire , épais à fa racine , &c pointu à. l'extrémité. Les ouvertures des narines font recouvertes par des poils noirâtres ; l'iris des yeux eft rouge , fa langue reflemble à celle du Llllz 6$<$ EPE pic-verd. Le mâle a au-deflous du fommet de la tête une belle bande rouge 8c tranf- verfale. La gorge 8c la poitrine de la femelle font d'un blanc-fale ou jaunâtre ; les plumes du bas-ventre , qui fe trouvent fous La queue , font d'une belle couleur rouge , ce qui fait donner à cetoifeau le nom de cul-rouge. Les plumes qui entourent la bafe de la pièce fu- périeure du bec , les yeux 8c les oreilles font blanches : la couleur de la tête 8c du dos eft noire. Il y a fur les épaules une tache blan- che , 8c on voit une large bande noire qui s'étend depuis les coins de la bouche jus- qu'au dos , &c qui eft coupée au deflous de la tète par une autre ligne tranfveriale. Chaque aile a vingt grandes plumes ; la première eft très-courte : elles font routes de couleur noire , & elles ont des taches figurées en demi-cercle. Les plumes inté- rieures des ailes forment une partie de la tache blanche des épaules , dont il vient d'être fait mention. Les plumes qui recou- vrent les ailes à l'extérieur , ont une ou deux taches en demi-cercle , la bafe de l'aile eft blanche : la queue a trois pouces 8c demi de longueur : elle eft compofée de douze plumes ; les deux du milieu font fort roi- des , pointues , recourbées , &c plus longues que les autres. Toutes les plumes paroiflent fourchues à l'extrémité } parce que le tuyau ne s'étend pas jufqu'au bout : la plume ex- térieure de chique côté eft noire , à l'excep- tion d'une tache blanche qui fe trouve fur les bords extérieurs : les deux fuivantes font noires par le bas , 8c le refte eft blanc , avec deux taches noires ; celle du deflus coupe tranfverfalement toute la plume , 8c l'autre ne s'étend que fur les barbes intérieures : la couleur noire monte plus haut dans la qua- trième plume que dans la troifieme -, 8c la partie fupérieure , qui eft blanche , n'a qu'une tache noire : la cinquième eft noire prefqu'en entier ; elle n'a qu'une tache blan- che faite en demi-cercle vers la pointe , qui eft d'un blanc roufïatre : les deux plumes du milieu font entièrement noires. Mais ces couleurs varient fouvent. Les doigts font de couleur plombée : il y en a deux en- arriere , comme dans les autres pics : ceux de devant font joints enfemble jufqu'à la première articulation. Ces oifeaux vivent d'infe&es. Wil^igh, 0/7w'M,F,Oiseàv.( JJ EPE * EPÈLER,/. a&.( Gramm. ) k kconâ pas de l'art de lire. Le premier eft de con- noitre les lettres ; le fécond , d'en former des fyllabes , ou d'épeler ; le troifieme , d'af- fembler des fyllabes , 8c de lire. Ce fécond pas eft très-difficile , grâce au défordre de notre orthographe. Voye^ Alphabet. EPENTHESE , f. f. terme de Gram. RR. *« y îv , in , ii^fJLi , peno. C'eft une figure de diction qui fe fait lorfqu'on infère une lettre ou même une fyllabe au milieu d'un mot : c'eft une liberté que la langue latine accordoit à fes poètes , foit pour alonger une voyelle , foir pour donner une fyllabe de plus à un mot. Notre langue eft plus difficile. Ainfi Lucrèce ayant befoin de ren- dre longue la première fyllabe de religio a a redoublé 17 :. Tantùm relit gio potuit fuadere malorum. Lucrèce , lib. I. Virgile ayant befoin de trouver un dac- tyle dans alitum 3 au lieu de dire régulière- ment aies , alitis , & au génitif pluriel ali- tum 3 a dit alnuum : Alituum y pecudumque genus fopor altus habzbat. j£neïd. lib. VII, v. xj. AiiTUUMpro ALITUM , metri caufd , addidu fyllabam } dit Servius fur ce vers de Virgile. Juvenal a dit induperator pour imperator : Homanus , Graïufque , ac barbarus in~ duperator. Juven; fat. x. v. îj8% 8c au vers %y de la quatrième fatire , il dit : Quales tune epulas ipfum glutéjfe putemus Induper atorem , On trouve auffi relliquias pour reliquias. Ce font autant d'exemples de Vépenthefe. (F) EPERIES , ( Géogr. mod. ) ville de la haute Hongrie \ c'eft la capitale du comté de Saros : elle eft fituée fur la Tarza, Long. :?# , 36 , lat. 48. 50. EPÈRLÀN , f. m. eperlanus , ( Hijl. nat. Iclyol, ) poiftbn ajnii# nommé , parce qu'il E P E a une belle couleur de perle. Il fe trouve aux embouchures des rivières qui fe jet- tent dans l'Océan. Il y en a de deux for- tes , Tune eft dans la mer , fur les rivages ; l'autre dans les rivières. Uéperlan reflèm- ble aux petits merlans : fa longueur ne va guère au-delà d'un demi-pié : il a le corps mince &z rond , tk la bouche grande & garnie de dents. Ses nageoires fontfem- blables à celles des faumons ; la dernière du dos eft ronde & épailfe. La chair de Yéperlan eft tranfparente , & a une odeur de violette : on le pêche à la fin de Tété &au commencement de l'automne. Rond, hijl. des poijfons. Voye^ Poisson. ( I) Eperlan , ( Diète. ) Il nourrit médio- crement , tk. fe digère facilement ; il eft eftimé apéritif, 6c propre pour la pierre &: pour la gravelle. On ne remarque point qu'il produifè de mauvais effets , il contient beaucoup d'huile & de fel volatil. Il convient en tout temps , à toute forte d'âge & de tempérament. * EPERLIN , f. m. {Fontaines falantes. ) C'eft ainfi qu'on appelle dans les fontaines falantes , des rouleaux de bois d'un pouce & demi de diamètre ou environ , qu'on établit entre les bourbons & la poile , pour la contenir , & réfifter autant qu'il eft po£- fible aux efforts du feu, EPERON , f. m. ( Manège. ) \J éperon eft une pièce de fer , ou une forte d'ai- guillon , quelquefois à une feule pointe , communément à plufieurs , dont chaque talon du cavalier eft armé , & dont il fe fert comme d'un inftru ment très-propre à aider le cheval dans de certains cas , &c le plus fouvent à le châtier dans d'autres. Il n'eft pas douteux que les anciens i avoient des éperons , &c qu'ils en faifbient ufage. Les Grecs les appelloient KÎvrçov * t» Kivrça i%\u&Tffiiv , calcari cruentare* ! Virgile , ainfi que Silius Italicus , nous les I désignent par cette exprefïion 3ferraid cake : Quadrupedemque citum ferratâ çalcefatigat - dit le premier i & le fécond : Ferratâ calce , atqut effusâ largus fiabenâ Çunclantem impetkbc: equum% E P E 637 Térence en fait aufli mention , contra jiimulum ut cakes. Cicéron encore caracté- rife cet inftrument par le mot de calcar , il l'emploie même dans un fens métapho- rique , tel que celui dans lequel Ariftote parloit de Callifthene »Sc de Theophrafte , lorfqu'il difoit que le premier avoit befoin d'aiguillon pour être excité , & l'aune d'un frein pour le retenir. Il paroit donc que l'ufage des éperons pris dans le fens natu- rel , étoit anciennement très-fréquent : nous n'en voyons cependant aucune trace dans les monumens qui nous reftent , & fur lefquels le temps n'a point eu de prife \ mais on doit croire , après les autorités que nous venons de rapporter , que cette armure ne confiftant alors que dans une petite pointe de fer fortant en-arriere du talon, on a négligé de la marquer &c de la repréfenter fur les marbres &c fur les bronzes. Le père de Montraucon eft de ce îenti- ment : nous trouvons dans (on ouvrage une gravure qui nous offre l'image d'un ancien éperon. Ce n'eft autre chofe qu'une pointe attachée à un. demi-cercle de fer qui s'ajuftoit dans la caliga , ou dans le campagus , ou dans Yocrea , chauflures en ufage dans ces temps, & qui tantôt étoient fermées & tantôt ouvertes. A une des ex- trémités du demi-cercle étoit une forte de crochet qui s'inféroit d'un côté. Le moyen de cette infertion ne nous eft pas néan- moins connu. L'aurre bouc étoit terminé par une tête d'homme- Autrefois les éperons étoient une mar- que de diftinétion dont les gens de la cour étoient même jaloux. Plufieurs ecclé- fiaftiques , peu empreffés d'édifier le peuple parleur modeftie, en portoient,à leur imita- tion , fans doute pour s'attirer des homma- ges que les perfonnes fenfées leur refui- foient , & qu'elles leur auroient plutôt, rendus en faveur du foin avec lequel ils fe feroient tenus dans les bornes de leur état , qu'eu égard à ces vains ornemens dont ils fe paroient. Louis le Débonnaire crut devoir réprimer en eux cette vanité puérile , qui cherche toujours à fe faire valoir & à fe faire remarquer par de pe- tites choies. Des évêques afïèmblés qui penfoierit , comme Fléchier 3 que tout ce 638 E P E qui n'a que le monde pour fondement , fe diffipe & s'évanouit avec le monde, condam- nèrent &c réprouvèrent hautement ces té- moignagnes d'orgueil dans des hommes deftinés à prêcher l'humilité , non -feule- ment par leurs difcours , mais par leur exemple. Ce qui fait le plus de honte à l'huma- nité , eft l'attention de le befoin que l'on eut dans tous les fiecles de s'annoncer plutôt par fes titres que par fon mérite. L'éperon doté établifloit la différence qui règne entre le chevalier ôz l'écuyer , celui- ci ne pouvoir le porter qu'argenté. Je ne fais (i la grofleur de ce fer , Ôc l'énor- me longueur du collet, étoit encore une preuve de bravoure Se une marque d'hon- neur accordée aux grands hommes de guerre *, en ce cas , à en juger par les épe- rons dont-on a décoré les talons de Gatta Mêla général Vénitien , dans fa ftatue élevée vis-à-vis la porte de l'églife de S. Antoine] de Padoue , on devroit le regar- der comme infiniment fupérieur en ce genre aux grand Condé , aux Luxem- bourg , aux Eugène , aux maréchaux de Turenne & de Saxe. Fbyeç Eperonnier. ÉPERON , f. m. ( terme de Blafon. ) meuble qui repréfente X éperon de l'ancien chevalier. De Rofîeres en Franche-Comté ; de fable a trois éperons d'or. Gautier d'Ortigues de Valabre , en Pro- vence \ d'azur à deux éperons d 'or , au chef d'argent chargé de trois étoiles de gueules. (G.D.L.T.) Eperon , (Hijt. mod.) nom d'un ordre de chevalerie établi par le pape Pie IV , l'an i féo. Les chevaliers portent une croix tif- fue de filets d'or. Le pape Innocent XI le conféra à Pambalïadeur de Venife , le 3 Mai 1677- Autrefois lorfqu'on dégradoit un che- valier de Yéperon , ou autre , on le faifoit botter & prendre fes éperons dorés , Se on les lui brifbit fur les talons à coups de hache. Voye{ le roman de Garin , manuferit. Li éperon li foit copé parmi Près del talon , au franc acier ferbi. V°yel Chevalier. E P E Eperons, dans la Fortification , (ont des folides de maçonnerie joints au revêtement , qui le mettent plus en état de réfifter à la pouflée des terres du rempart. Koje^CoN- tre-forts. ( q ) Eperon , Poulaine, Cap, Avantage, ( Mar. ) ces noms ont la même lignifica- tion -, mais les deux derniers ne font guère en ufage. L'éperon ou la poulaine eft un allemblage de plu fieurs pièces de bois , qu'on pofe en faillie au-devant du vaifleau , qui fert à ouvrir les eaux de la mer , 8c à aflujettir le mât de beaupré par des cordages , qu'on nomme des Heures. On y place plu fieurs poulies , pour palier des manœuvres. Voye^ Marine , Plane. I. l'éperon côté N. L'éperon fait une (aillie en-avant du corps du vaifleau , à prendre de l'étrave , que les conftrucreurs règlent fur la nature du bâti- ment. Pour les vaifleaux , ils prennent la douzième partie de l'étrave à Fétambord , qui leur fert à fixer la fortie de Yéperon au-dehors de l'étrave : pour les frégates , la treizième partie ; pour les corvettes , la qua- torzième. Par exemple , un vaifleau de quatre-vingt-dix canons, de 168 pies de longueur, aura 14 pies pour la fortie de l'éperon ; une frégate de 28 canons, de iji pies 3 pouces de longueur , aura 7 pies 9 pouces 2 lignes de fortie de Yéperon. Il eft bon de raccourcir Yéperon & de di- minuer fa pefanteur le plus qu'il eft poiTible. Les conftrucreurs d'aujourd'hui le font beaucoup plus court que les anciens ; ils le reftreignent à ce qui eft néceffaire pour aflujettir le beaupré, .& pour placer les pou- lies qui fervent à orienter la mifaine , ainfî que toutes les autres voiles d'avant qui font de grand ufàge , fur-tout pour faire arriver les vaifleaux : car c'eft l'opération à laquelle la plupart fe refufent le plus. L'éperon eft compofé d'un grand nombre de pièces , dont la fîtuation fe verra beau- coup plus aifément en renvoyant aux figu- res. Voye^ Planches IV > figure 1. Les prin- cipales font la gorgere ou taillemer , cotée 1 03 ; les aiguilles cY éperon , n°. 1 84 ; la frife , 185- ; la courbe capucine du gibelot , i S 6 ', alonge de gibelot , 1 87 ; les porte-vergues , 188; les courbâtons de portes-vergues > 185 ; vaigre'de caillebotis d'éperon , 190» E P E E P E 659 caillobotis d'éperon , 189; traverfms à'é- } énorme , placée au bout d'un manche de peron , 192. i courbe de la poulame ,15)4; herpès , 195. On pourroit entrer dans le dérail parti- culier de la grandeur &c des proportions de chacune de ces pièces ; mais cela feroit très- long , & ici de peu d'utilité : on peut en cas de befoin avoir recours à l'excellent traité de la conjiruâion des vaijf^aux de M. Duhamel. (Zj Eperon, (Hydraulique.) eft le même que arc-boutant. On s'en fert pour foutenir les murs des terralles contre la pouilée des terres , ou quand on conftruk un bailin ou un aqueduc dans des terres rapportées. Voye^ Arc-boutant. (K) EPERONNÉ , ad). ( Manège. ) ne fe dit plus qu'avec le mot botté. Je luis botté &c éperenné ; ce qui lignifie, il y a des éperons aux bottes que je viens de mettre. V. Botte. ÉPERONNIER , f. m. (Art. Méchaniq.) artifan qui forge , qui conftruit &c qui vend des éperons , des mors de toute eipece , des maftigadours , des filets ; des bridons , des caveçons , des étriers , des étrilles , des bou- cles de harnois, &c. Les éperonniers peu- vent dorer , argenter , étamer , vernir , mettre en violet ou en couleur d'eau leurs ouvrages. Ils ont encore le droit de faire toutes fortes de boucles d'acier poli poar ceintures , porte-manchons , jarretières , iouliers , ùc. mais communément ils ne le livrent pas à ce genre de travail. L'art de l'éperonnier , prefque auffi an- cien que l'ufage de monter à cheval , ne fut pas auiïi compote dans l'ancien temps qu'il l'eft aujourd'hui. Les anciens fe conten- toient d'armer leur talon d'une petite pointe de fer pour hâter la marche des «chevaux paretfeux ; tels étoient ceux dont font men- tion les auteurs de la plus haute antiquité. On voit même dans une gravure de l'anti- quité expliquée du père Montfaucon , que les éperons des anciens n'étoient qu'une pointe attachée à un demi-cercle de fer qui s'ajuftoit dans les chauilures qui étoient pour lors en ufage. Dans nos anciens manèges on fe fer voit autrefois d'un aiguillon pour faire hauflér le derrière du cheval dans les fauts , mais comme cette méthode décou- ir.geoit certains chevaux , les rendoit rétif- bois , qu'on abandonna encore pour la rem- placer par les éperons que nous connoif- fons. Les éperonniers ont droit de dorer , ar- genter . étamer , vernir , mettre en violet ou en couleur d'eau leurs ouvrages. Ils peu- vent auffi faire toutes fortes de boucles d'acier ; mais ordinairement ils ne fe livrent pas à ce genre de travail. L'éperon eft une pièce de fer , ou une forte d'aiguillon , quelquefois à une feule pointe , communément à plufieurs , dont chaque talon du cavalier eft armé , & dont il fe fert comme d'un inftrument propre à aider le cheval dans de certains cas, & le plus fouvent à le châtier dans d'autres. L'éperon «peut être fait dans toute forte de métal. Il doit erre ébauché à la forge : fini à la lime douce y s'il eft de fer , ôc enfuite doré , argenté ou étamé , & bruni ; s'il eft: d'autre métal , on le mettra en couleur Se on le brunira de même : c'eft le moyen de le défendre plus long-temps contre les impreiïïons qui peuvent en ternir l'éclat , &c hâter fa deftrudion. On fait des éperons de différentes fa- çons ; mais les plus commodes & les plus en ufàge font ceux qu'on appelle éperons brijés , & dans lefquels on diftingue le collier , les branches , le collet & la molette. Le collier eft cette efpece de cerceau qui embrafte le talon. Il y a des éperon- niers qui l'appellent le corps de l'éperon» Les branches qu'ils nomment alors les bras , font les parties de ce même collier , qui s'étendent des deux cotés du pié jufquer fous la cheville. Le collet eft la tige qui femble fortir du collier , & qui fe pro- longe en arrière. Enfin la molette n'eft autre choie que cette forte de roue qui eft en- gagée comme une poulie dans le collet refendu en chappe , & qui eft refendue elle-même en plufieurs dents pointues. Le collier & le collet , de quelquefois les branches , font tirés de la même pièce de métal , par la forge ou par le même jet de fonte. Ce collier &: ces branches doivent être plats en dedans , les arrêtes doivent en être exactement abattues & arrondies. Quant à la furface extérieure elle peut être eu vicieux , on lui fubftitua une molette » à cotes a à filets i ou ornée d'autres, mou.- 640 E P E lures. La largeur du collier doit être de cinq ou fix lignes à Ton appui fur le talon , & doit diminuer infenfîblement , de ma- nière qu'elle fok réduite à deux ou trois lignes à l'extrémité de chaque branche. Cet appui doit être fixé à l'origine du talon , directement au - deifous de la faillie du tendon d'Achille. Du refte , il eft néceffaire que le col- lier 8c les branches foient fur deux plans ditférens ? c'eft-à-dire que le collier em- brafle parfaitement le talon ; 8c que les branches foient légèrement rabaiflees , au- deflbus de la cheville , fans qu'elles s'écar- tent néanmoins de leur parallélifme avec la plante du pie ; parallélifme qui fait une partie de la grâce de l'éperon. Elles doi- vent de plus être égales , dans leurs plis & en toutes chofes , dans la même paire d'éperons ; mais elles font fouvent terminées diversement dans différentes parties. Dans les unes , elles finiffent par une platine quarréede dix lignes ; cette platine efl: verti- cale , & refendue en une , 8c plus fréquem- ment en deux claffes longues , égales, parallèles 8c horizontales , au travers def- quelles , dans ce cas , une feule courroie paffe de dedans en dehors , 8c de dehors en dedans pour ceindre enfuite le pié & pour y affujettir l'éperon. Dans les autres , chaque carne de leurs extrémités donne naifîançe à un petit œil de perdrix qui eft plat. Le fupérieur eft plus éloigné de l'ap- pui que l'inférieur , quoiqu'ils fe touchent en un point de leur circonférence extérieure. Dans chaque œil de la branche intérieure eft affemblé mobilement , par S fermée , ou par bouton rivé , un membret à crochet , ou à bouton. Dans l'œil infé- rieur de la branche extérieure eft aflem- blé de même un autre membret femblable aux deux premiers : l'œil fupérieur de cette même branche porte , par la chappe à S fermée ou à bouton rivé , une boucle à ardillon. Les deux membrets inférieurs fai- iifTent une petite courroie qui palfe fous le pié , 8c que , par cette raifon , on ap- pelle le fous - pié : ces deux membrets faififlent cette courroie par ces bouts qui font jefendus en boutonnières , tandis que le membret fupérieur 8c la boucle en faififlent :jne autre fort large dans fbn milieu, qui; E P E pafTant fur le coup-de-pié , doit être ap^ pellée le fus-pié. En engageant le bout plus ou moins avant dans la boucle , on affu- jettit plus ou moins fermement l'éperon. Le membret à S eft le plus commun ; il eft banni des ouvrages de prix. Ce n'eft autre chofe qu'un morceau de fer long d'environ vingt lignes contourné en S. Le membret à bouton eft plus recher- ché ; c'eft une petite lame de métal arron- die par plan à fes deux extrémités ; elle eft ébauchée du double , plus épaiffe qu'elle ne doit refter. Dans la conftruction de l'éperon en gé- néral , la forme de la molette eft ce qui mérite le plus d'attention. Il ne s'agit pas d'eftropier , de faire des claies au cheval , d'en enlever le poil; il îuffit qu'il puiilè être fenfîble à l'aide 8c au châtiment , 8c que l'inftrument deftiné à cet ufage foit tel que , par (on moyen , on puiile remplir cet objet. Une molette refendue en un grand nombre de petites dents devient une feie. Une molette à quatre pointes eft dé^ fectueufe , en ce que l'une de ces pointes peut entrer jufqu'à ce que les côtés des deux autres , en portant fur la peau , l'arrêter t ; fî elle eft longue , elle atteindra jufqu'au vif; fi elle eft courte , il faut que les trois autres le foient auili ; 8c dès lors fi elles fe préfentent deux enfemble , elles ne font qu'une imprefïion qui eft trop légère. La molette à cinq pointes n'excède pas deux lignes. Les"eperons étoient autrefois une marque de diftinction , dont les gens de la cour étoient même jaloux. Plufieurs eccléfîafti- ques , peu empreffés à édifier le peuple par leur modeftie , en portaient à leur imita- tion. En 8 1 6 , Louis le Débonnaire crut devoir réprimer cette vanité puérile , qui cherche toujours à fe faire valoir 8c à fe faire remarquer par de petites chofes. Au polijjoir , ou brunijfoir près , dont les éperonniers fe fervent pour polir 8c brunir leurs ouvrages étamés , leurs outils font les mêmes que ceux des ferruriers. Le polif- foir eft compofé de deux pièces principales , de l'archet 8c de celle qu'on nomme le polif- foir. L'archet eft de fer , il eft long d'un pié 8c demi , eft recourbé par les deux bouts f dont l'un eft emmanché dans du bois pour EPE lui fervir de poignée, & l'autre eft fait en "crochet pour y recevoir un piton à queue ; au milieu de l'archet eft le pohffoir qui eft une petite pièce d'acier ou de ter bien acé- rée , large par en bas de deux pouces , 5c longue de trois , qui eft rivée à l'archet , ck qui le traverfe. Lorfqu'on veut fe fervir de cet outil, on enfonce la queue du piton de l'archet dans ,un trou d'un morceau de bois , qu'on ap- pelle bois à polir , 6k qui eft engagé dans un étau : alors l'ouvrier prend de la main droite le manche de l'archet , & de la gau- che l'ouvrage qu'il veut polir, 6k qui eft appuyé fur l'extrémité arrondie du bois , 6k ne ceffe d'y paffer le poliffoir qui tient à l'archet, jufqu'à ce que l'ouvrage étamé ait ce brillant qu'on appelle poli ou bru- niffure. La communauté des maîtres éperonniers de la ville 6k fauxbourgs de Paris eft fort ancienne. Quoiqu'il n'y ait pas long-temps qu'elle y foit cQnnue fous ce nouveau nom; elle eft la même que celle des fell;ers-lor- miers, qui anciennement étoit compofée de lormiers-éperonniers , dont 1 etab'uffe- ment de la maîtrife remonte au douzième Éecle. Pour être reçu maître dans cette com- munauté , qui eft aujourd'hui compofée à Paris de vingt -trois maîtres, il faut faire apprentiffage pendant quatre années , ck fervir cinq autres années chez les maîtres ■en qualité de compagnon. EPERVIER , f. m. (Hift. nat. Ornith.) tûccipiter , fringillarius , feu recentiorum ni fus ; oifeau de proie , gros comme un pigeon. Il a près de treize pouces de lon- gueur depuis la pointe du bec jufqu'à l'ex- trérrité de la queue , ck Tenvergeure eft de deux pies. Le bec eft court , crochu , 6k A~ cée de couleur brune , jaunâtre ou blan- châtre. Ils reftent dans des trous creufés en terre au deflous de la furface de l'eau d'une rivière , ou d'une autre eau moins cou- rante ; les uns n'en fortent que très-rare- ment, d'autres plus fouvent : ceux-ci na- gent dans l'eau , 6k marchent fur les corps qu'ils y rencontrent, ou fe tiennent cachés fous des pierres, &c. Lorfqu'onlesobferve de près , on voit le long du corps , de cha- que côté , des fortes de petites houppes qui ont un mouvement fort rapide , & qui tient lieu d'ouies à ces animaux. Comme les infectes qui doivent fe trans- former en mouches éphémères , ne nagent que très - rarement dans l'eau , il faut , quand on les veut voir, les chercher dans une terre compacte, où ils font les trous : la confiftance de cette terre approche de celle de la glaife. Lor.que les eaux de la Seine 6k de la Marne ne font pas hautes y. on voit fur les bords de ces rivières , juf- qu'à deux ou trois pies au deflus du niveau de l'eau , la terre criblée de ces trous ,. dont les ouvertures ont deux ou trois lignes de diamètre ; ils font vuides, les infectes les ont abandonnés lorfqu'ils fe font trou-*- vés à fec, 6k ont fait d'autres trous plus bas dans la terre que l'eau baigne; il y en a jufqu'à plufîeurs pies au deflous de la fur- face de l'eau. Ces trous font dirigés hori- zontalement; ils ont deux ouvertures plar cées l'une à côté de l'autre , de forte que ! la cavité du trou eft femblable à celle d'un tuyau coudé. L'infecte entre par l'une des ouvertures , 6k fort par l'autre : la capacité du trou eft proportionnée au volume de foncorps dans les différens degrésd'accrpif- fement. La transformation de la nymphes en mouche eft très-prompte; celle-ci quitte fon fourreau avec beaucoup de facilité : quelques-unes prennent leur efîbr avant que de s'en être entièrement dégagées, 6k em- portent leur dépouille qui tient encore à leur queue. Lé temps de l'apparition des mouches éphémères n'eft pas toujours le même pous toutes les efpeces de ces mouches. C'eft vers la fêfe de faint Jean qu'elles paroiflenr, dans des pays plus froids que le nôtre. A Paris on les voit vers la mi-Août > quel- E P H quefois plutôt , & d'autres fois plus tard, j Sur le Rhin , la Meufe , &c. les éphémères j commencent à voler environ deux heures j avant le coucher du foleil. Sur la Seine & la Marne on n'en voit que dans le temps où le foleil eft prêt à fe coucher; elles ne viennent en grand nombre que lorfqu'il a difparu : alors il s'élève en l'air une prodi- gieufe multitude de ces infectes; ils vo- lent fi près les uns des autres , que Ton ne voit que des éphémères autour de foi , fur- tout fi l'on tient une lumière. Elles s'y por- tent de toutes parts ; elles décrivent des cercles tout autour & en tout fens ; elles fe répandent par-tout en un inftant ; elles tombent comme les flocons de la neige la plus abondante , la furface de l'eau en eft couverte ; la terre en eft jonchée fur les bords de la rivière , où elles s'amoncelent , & forment une couche d'une épaiffeur conficlérable. En 17 î8, le 19 Août, cette grande af- fluence d éphémères ne dura fur la Marne à Charenton, que depuis neuf heures jufqu'à neuf heures ck demie; leur nombre dimi- nua peu-à-peu, &r_ fur les dix heures on n'en appercevoit plus que quelques-unes qui voloient fur la rivière : on en avoit déjà vu le jour précédent. Le 20, ces infectes pa- rurent en auflî grand nombre que le 19 ; le 21 il y en eut à peine le tiers ; le 22 on en vit moins : mais quoiqu'il fît moins chaud que les jours précédens, & qu'il tom- bât de la pluie , elles parurent à la même heure. Les quatre ou cinq jours fuivans en en vit encore, mais leur nombre diminuoit de jour en jour : les premières s'étoient montrées chaque jour entre huit heures &c un quart Se huit heures & demie. En 1739 , les éphémères vinrent dès le 6 Août; mais elles ne parurent que vers les neuf heures ÔC demie , ou les neuf heures trois quarts. Il y en eut beaucoup moins cette année que la précédente. Les Pêcheurs regardent les (éphémères comme une manne qui iert de nourriture aux poilTons , Se ils prétendent que cette manne ne tombe que pendant trois jours. En effet ces infectes ne paroi f- ient que pendant trois jours en grand; abondance. La plupart fe noyèrent dans la liviere, 6>c les autres relièrent furies bords prefque fans mouvement, entaffées lesunes E^H 645 fur les autres, ck moururent bientôt; à peine s'en trouva-t-il qui vécufient jufqu'au lever du foleil. Elles avoient plus de deux pouces de longueur , en y comprenant les filets de la queue. Les ailes étoient bl niches lorfqu'elles ne fe touchoient pas , & d'un blanc-fale ou rougeâtre lorfqu'elles étoient appliquées l'une fur l'autre. Les mâles ont un des filets de la queue plus court que les- deux autres. Dès que les femelles ont quitté leur dé- pouille , elles font prêtes à pondre ; après avoir pris leur vol, elles dépofent leurs œufs dans le premier endroit où elles fe trouvent en tombant , ou en fe pofant foit fur la fur- face de l'eau, foit fur la terre. La ponte eft raite en un moment , quoique le nombre des œufs foit très-grand. Ils étoient arran- gés dans chaque femelle de façon qu'ils formoient deux grappes compofées de grains qui fe touchoient ; la longueur de chacune étoit de trois lignes & demie ou quatre lignes , êf le diamètre d'environ une demi-ligne ou urie ligne : il y avoit fept ou huit cents œufs dans les deux grap- pes. Y! éphémère vole à fleur d'eau, & s'ap- puie fur l'eau par le moyen des filets de la queue; lorfqu'elle pond, les grappes fortent de l'infecte toutes les deux à la fois, &C tombent au fond de l'eau qui les diflout , de façon que les œufs fe féparent ck'fe difperfent fur le fond de la rivière. On n* fait pas combien de temps ils y reftent avant que les vers en fortent : on ne fait pas bien non plus fi les éphémères s'accouplent, ou fi le mate féconde les œufs après la ponte.- Mém. pour fervir à l'iiifloire des Infçiles, tome FI. Voyti INSECTE. (I) ÉPHÉMÈRE, adj. (Médecine.) ce terme eft grec, £.?f&v, compofé de la prépofi- tion brfc, auns , & vft.fa, , jour; ainfi il eft employé pour fignifier ce qui fe pafte dans un jour, dans l'efpace de 24 heures ; c'eft aufîi l'étjrmologie du mot éphémeride , qui a la même lignification , & qui eft quelque- fois employé en Médecine au lieu de calen- drier. Voy. ÉPHÉMÉRIDES. Ephémère eft une épithete que les Méde- cins donnent à une foi te de fièvre, qui fait, ion cours dans l'efpace d'un jour; c'eft celle que Gahen appelle tf$4«(«f «ruftTo? , & les Latins jebris diaria ; quelques-uns ont é46 E P H improprement étendu la fignification àz fiè- vre éphémère à celle donr le cours eft pro- longé jufqu'au troifieme jour inclusivement, qu'il eft plus convenable de ranger Ample- ment parmi les fièvres continues non putri- des. Voye\ Fièvre putride. La fièvre éphémère doit aufli être regar- dée comme continue , puifqiùi eft de ion caractère que l'agitation fébriie qui la conf- titue , étant commencée , ne celle pas que la maladie ne Toit terminée ; enforte que dans l'efpace de temps qu'elle dure , elle parcourt les quatre degrés que l'on obferve dans toute forte de fièvre ; favoir , le prin- cipe , l'accroiflement , l'état , la déclinai- son : mais celle - ci n'eft pas une maladie aiguë, parce qu'elle n'eft pas accompagnée d'un grand changement , foit dans les par- ties foîides , foit dans les fluides, ck qu'elle ne produit pas par conféquent un grand dérangement dans les fondions ; ainfi la fièvre éphémère proprement dite eft dif- tinguée de la fuece ou fueur angloife , qui eft le nom que l'on donne à une forte de fièvre qui a régné en Angleterre à différentes re- paies , pendant les deux derniers fiecles , dont le principal fymptome étoit une fueur fi abondante , qu'elle -faifoit périr la plupart de ceux qui en étoient attaqués en moins d'un jour , ck quelquefois en peu d'heures ; celle-ci eft de {'efpece des fièvres malignes très-aiguës : (i on lui donne le nom ^éphé- mère , on doit lui joindre 1 epiîhete àepefii- itnt'ullty (voye^ Suete ou Sueur AN- gloise , Fièvre maligne, Peste.) La fièvre éphémère diffère de toute autre fièvre continue, par le peu de trouble qu'elle caiife dans l'économie animale , ck par fa courte durée : le défaut de retour la diftin- gue des fièvres intermittentes. Elle eft le plus fouvent caufée par quel- que abus des chofes qu'on appelle dans les écoles non-naturelles , comme lorfque la perfonne qui en eft affeétée s'eft expofée à l'ardeur du foîeil , ou a fait un exercice violent , ou a trop bu ou trop mangé , ou qu'elle a fait des veilles exceftives , ou s'eft livrée à un trop grand travail d'efprit , à quelque accès de coiere , &c. Quelqu'une de ces caufes étant récente , ck n'ayant pas vicié notamment la ma fTe des hu- meurs , ck n'y ayant produit qu'un épaif- , EPH fiiïement , ou une raréfaction , ou une conftri&ion des vaiffeaux plus confidéra- bles ; le iang trouvant coniëquemment un peu de réfiftance à parcourir les extrémi- tés artérielles , il. s'excite par la caufe géné- rale , qui détermine toutes les fièvres de quelque efpece qu'elles foient , un mouve- ment fébrile , qui tend à faire cefler l'obf- tacle , à détruire le vice dominant ; 6k attendu qu'il n'eft pas de nature à réfifter beaucoup , il cède bientôt , ck la fièvre fe termine. ^ Cette fièvre éphémère n'eft point précé- dée par le dégoût des alimens , ni par la laftitude fpontanée , ni par aucun friffon ou tout autre avant-coureur des fièvres de toute efpece ; elle furvient prefque fubite- ment fans aucun fâcheux fymptome , &c. il ne fe fait aucun changement dans les urines , ck elle finit fouvent fans aucune évacuation fenfible , ck quelquefois par de fortes moiteurs ou des fueurs légères fans mauvaife odeur, ou par quelque douce éva- cuation , par le vomifTement ou par la voie des felles ; tel eft le caractère confiant de cette fièvre : cependant il n'eft pas facile de la connoître dans fon principe , & de s'afTurer qu'elle n'eft quéphémere , parce qu'il arrive fouvent que les fièvres continues fimples de plusieurs jours , 6k même les pu- trides , commencent de la même manière 6k ne fe montrent qu'imparfaitement, at- tendu que la matière morbifique eft d'abord trop tenace , ne fe développe dans les pre- mières voies ou dans le fangque peu-à-peu, ck n'occafione quelquefois, qu'après quel- ques jours , les fymptomes qui caraciéri- fent la maladie; par conféquent les fièvres de cette efpece en impofent fouvent dans leur commencement, ck paroiffent être ou une fièvre éphémère , ou une fièvre continue fimple. On eft cependant fondé à regarder une fièvre commençante , comme étant de I'efpece de ces dernières , lorfqu'el'e eft produite dans une perfonne qui étoit bien laine auparavant, par une caufe légère ;lor£» que les fymptomes n'ont rien de violent, ck que les évacuations critiques, s'il s'en faitde fenfibles , fuivent de près; ck enfin lorfque le pouls redevient naturel ck abfolument tranquille d'abord après la fin de la fièvre : toutes ces conditions étant réunies, on ne ÊPH rîfque guère de fe tromper dans le juge- ment que l'on porte fur la nature de la maladie. La fièvre éphémère , telle qu'elle vient d'être décrite , n'eft jamais accompagnée d'aucun danger : cependant le médecin doit prudemment attendre que la fièvre tende à fa fin , avant de dire Ton fentiment fur la nature de l'événement, puifqu'il peut être trompé dans la connoiflance de la maladie , comme il a été dit ci-deflus ; & s'il y a le moindre foupçon de fièvre intermittente, il faut encore plus fufpendre fon jugement, pour ne pas compromettre fa réputation & l'honneur de l'art.M.Wanfwietem dit qu'il a vu des perfonnes qui étoient fujettes à avoir deux ou trois fois l'année un accès de fièvre éphémère , fans y donner occafion , mais vraifemblablement par un amas de bile , dont l'évacuation étant faite par un doux vomiiïement , tout mouvement &£ tout fymptome fébrile ceffoient , ils recouvroienr la fanté. Il fuit de ce qui a été dit jufqu'ici de la fièvre éphémère , qu'elle peut être regardée comme falutaire, Se que la curation en efl facile : elle fe diflipe mêmefouvent fans au- cun fecours, 6k elle fe termine promptement de fa nature, pourvu qu'elle n'en change pas par un mauvais traitement, & qu'on ne la rafle pas dégénérer en une autre efpece de fièvre de mauvaife qualité. Il fuffit donc, pour la cure de cette fiè- vre, que le malade s'abflienne absolument de manger, qu'il ne prenne, pour toute nourriture pendant vingt- quatre heures, que du bouillon de viande, très -léger, en petite quantité, & même qu'il fe borne à boire beaucoup de tifanne d'orge ou de pe- tit-lait , pour délayer &: détremper la mafTe des humeurs ; qu'il obferve de fe livrer au repos du corps & de l'efprit. La faignée eft très-rarement employée dans cette efpece de fièvre , & ce n'eft que dans le cas où les fymptomes font violens , où le malade fe plaint beaucoup de douleur de tête; mais alors il y a lieu de craindre que ia fièvre ne devienne aiguë , & ne fe termine pas auffi- tôt que la nature de 1' 'éphémère le comporte : c'eft ce dont on ne tarde pas à être inftruit par la continuation de la fièvre & les nou- veaux fymptomes qui fur viennent , ou par] EPH 647 ' une forte de ce nation qui annonce d'avance le retour de la fièvre par un accès prochain. Voye^ Fièvre continue, intermit- tente. Çd) EPHÉMÉREUTE, f. m. ÇHift. anc.J prêtredesThéraDeutes. ^.Thérapeutes. § ÉPHÉMÉR1DE , f. f . ( Aftron. ) en grec ieny.tfi\ , livre qui contient pour cha- que jour les lieux des planètes fk les cir- conftances des mouvemenscélelles. Voye^ Tables astronomiques. Les plus anciennes éphémérides dont il foit parlé dans l'hiftoire de l'aflxonomie , font celles qui furent calculées par Regio- montanus , & qui s'étendent depuis l'année 1475 jufqu'à IS05; on y trouve les lieux des planètes, les afpe&s, les latitudes & éclipfes : elles fureut dédiées à Mathias , roi de Hongrie , qui fit préfent à l'auteur de huit cents écus d'or : elles furent reçues par les favans avec tant d'ernpreffement , que chaque exemplaire fe vencloit douze écus d'or , duodecim aurds : toutes les nations de l'Europe s'empreiïbient de les faire ve- nir , fuivant le témoignage de Ramus , SchoL mathem. liv. II , p. 65 : elles furent imprimées à Nuremberg en 1474, & ceft le fécond ouvrage d'aftxonomie, du moins que je fâche , qui ait été imprimé : le Poème de Manilius l'avoit été l'année précédente au même endroit. S'il y a eu des éphémérides plus anciennes que celles de Régiomonta- nus , elles étoient fi informes & font fi peu connues , qu'il eft inutile d'en faire ici men- tion. On conferve à la bibliothèque du roi de France des éphémérides de l'an 1441 , Journal des favans , i~ji,page 347. On imprima en 1 494 , à Vienne , des éphémérides pour les années 1494 & 1 500 , d'Augelus : en 1499 , on imprima celles de Stofîer, qui vont jufqu'à l«J$i; en 1532, celles de Schoner ; en 1 «5 3 3 , celles de Gauricus, qui vont jufqu'à l'année 155 1 ; en 1^57, celles deLeovitius, qui vont jufqu'à l'année 1606, ck qui forment un très - grand & gros vo- lume in-folio ; en 1580, celles de Magini, qui vont jufqu'à l'année 1610, & eniùite jufqu'à l'année 1630; en 1580, celles de Msftlinus, qui vont jufqu'à l'année 1 590; en 1581, celles de Stadius, qui vont jufqu'à l'année 1606 ; en 159^ , celles d'Origan , qui vont jufqu'à Tannée 1630, ck qu'il pro- 6*4S EPH longea jufqu'à l'année 1655. ^n *fc*ïi Argoli fît imprimer à Rome des êphémérides qui s étendent jufqu'à l'année 1640 , & qu'il prolongea enfuite jufqu'à l'année 1700; en 1634, on publia celles d'Eufta- •chius , qui ont été prolongées jufqu'en 1665. Je ne parle pas de beaucoup d'autres êphé- mérides qui renfermoient moins d'années , &r qui iont par conféquent moins remarqua- bles , comme celles de Hecker , Kirch , Montanari , "Wlng, Gadburi , Mezavachi , Pirati , Smi , Carelli , Ulac , Duliris , &c. mais je ne puis pafTer fous (ilence celles de Kepler, depuis 16 17 jufqu'en 1630 , q-ii étant calculées fur des tables beaucoup plus exactes que celles dont on avoit fait ufage jufqu'alors , tont une époque dans l'aftro- jiomie. Celles de Malvafia , imprimées à Modene en 1662I, s'étendent de 1661 à 1666 : elles «voient auffi le mérite d'être faites avec un loin tout particulier, & le célèbre Caflini ies enrichit de (es oblërvations &c de fes tables. Noël Duret de Montbrifon fut le pre- mier François qui calcula des êphémérides , & publia en 1641 les années 1637— 1700 , fous ce titre : Novce motuum cœlefiium £phemerides Richelianae. Lorfque l'académie des feiences de Paris vit, en 1700, que les êphémérides d'Ar- goli finiiïoieiit, eile chargea M. de la Hire le fik de les continuer; mais il ne calcula H Dieu par l'organe du grand-prétre ; ce qui n'étoit pas défendu par la loi : d'autres pré- tendent que cet éphod n'avoit rien de fa- cré , mais que c'étoit un vêtement de dif- tinction dont Gédéon , en qualité de juge & de premier magiftr3tde la nation, avoit deiïein de fe fervir dans les afTemblées & les cérémonies publiques. Ses defcendans n'eurent pas les mêmes idées : ils en abu- ferent par des pratiques idolâtres ; car Y éphod n'étoit pas inconnu parmi les payens. Il paroît par ïfaïe qu'on revétoit les faux- dieux à'éphods , peut-être lorfqu'on vouloit confulter leurs oracles. (G) EPHORE , f. m. ( Hifl. anc. ) magiftrat de Lacédémone. Ce mot vient de eçopâV , veiller, formé de la préposition ex/, fur, & du verbe op£v , voir : s^opoV fîgnifie donc proprement un furvei liant , un infpeâeur ; auffi les éphores étoient les infpe&eurs de toute la république; ilsparvenoientà cette dignité par la nomination du peuple, mais leur charge ne duroit qu'un an. Ils étoient au nombre de cinq , & quel- ques-uns ont écrit que les Romains réglè- rent fur les éphores de Sparte , l'autorité des tribuns du peuple. Xénophon repréfente Jeur pouvoir en peu de mots ; ils abolif- foient la puifTance des autres magiftrats , pouvoient appeller chacun d'eux en jufti- ce, les mettre en prifon fi bon leur fem- bloit, & leur faire rendre compte de leurs mœurs & de leurs aérions. Ils eurent l'adminiftration des deniers de l'état , lorfque _, pour le malheur de la république, Lyfander y apporta les tréfors qu'il avoit tirés de fes conquêtes. On avoit bâti près de la falle où ils rendoient leurs jugemens , une chapelle dédiée à la Peur , pour montrer qu'il faîloit les craindre & les refpecter à l'égal des rois. En effet , leur pouvoir s'étendoit d'un côté à tout ce qui concernoit la religion ; de l'autre , ils pré- fidoient aux jeux publics , avoient infpec- tion fur tous les magiftrats , & pronon- çaient fur des tribunaux qu'Elien nomme des trônes: enfin ils étoient fi abfol us, qu'A- riftote compare leur gouvernement â la ty- rannie , c'eft-à-dire , à la royauté. Ils ne contrebalançoient pas feulement l'autorité du fénat ; mais ils faifoient à Sparte ce que les rois pouvoient faire ailleurs , régloient E P H ffi les délibérations du peuple , les déclarations de guerre, les traités de paix, l'emploi des troupes , les alliances étrangères , & les ré- compenfes , aufîi-bien que les châtimens. Les armées des Lacédémoniens prenoient leur nom du principal des cinq éphores , comme celles des Athéniens le prenoient de leur premier archonte. L'élection des éphores fe faifoit vers le foiflice d'hiver , & c'étoit alors que commençoit l'année des Spartiates. Hérodote & Xénophon attribuent leur inftitution à Lycurgue , qui imagina ce moyen pour maintenir la jufte balance d'autorité dans le gouvernement. Théo- pompe , roi de Sparte , augmenta leur au- torité , environ 130 ans après Lycurgue. Cet établifTement contribua long-temps à maintenir la royauté & le fénat , dans les juftes bornes de la douceur & de la mo- dération. Ces bornes font néceffaires au maintien de toute ariftocratie ; mais fur-tout dans l'ariftocratie de Lacédémone , à la tête de laquelle fe trouvoient deux rois qui étoient comme les chefs du fénat , on avoit befoin de moyens efficaces pour que les fénateurs rendirent juftice au peuple. Il falloir donc qu'il y eût des tribuns , des magiftrats , qui parlaffent pour ce peuple , & qui puf- fènt dans certaines circonstances modifier l'orgueil de la domination ; il falloit fap- per les loix qui favorifent les diminuions que la vanité met entre les familles , fous prétexte qu'elles font plus nobles ou plus anciennes : distinctions qu'on doit mettre au rang des petiteffes des particuliers. Mais d'un autre côté, comme la nature du peu- ple eft d'agir par pafïion , il falloir des gens qui pufïent le modérer & le réprimer, il falloit par conféquent la fubordination extrême des citoyens aux magiftrats qu'ils avoient une fois nommés. Voilà ce qu'o- péra l'inftitution des éphores , propre à con- ferver une heureufe harmonie dans tous les ordres de l'état. On voit dans l'hiftoire de Lacédémone comment , pour le bien de la république , ils furent dans plufieurs con- jonctures , modifier les foibleffes àes rois , celles des grands , & celles du peuple. Elien nous raconte aufïi des traits de leur fagefle ; dans la chaleur des faclions, quel- ^4 E p I t Clazoméniens ayant un jour répandu | de l'ordure fur les fîéges des ephores , ces màgiftrats fe contentèrent pour les punir de faire publier par toute la ville de Sparte , que de telles fottifes feroient permifes aux Clazoméniens. L'unique remède qu'on trouva pour dé- truire leur pouvoir , fut de tâcher de les brouiller les uns avec les autres , & cela rcuïlit quelquefois. Paufanias , par exem- ple , pratiqua adroitement ce ftratagême , lorfque jaloux des victoires de Lyfander , il gagna trois des ephores pour fe faire don- ner la commifîion de continuer la guerre aux Athéniens. Mais le roi Cléomene , III du nom , prit un parti plus infâme ; il ex- cita des troubles dans fa patrie y fit égorger les ephores y partagea les terres , donna l'abolition des dettes , & le droit de bour- geoise aux étrangers , comme Agis l'avoit propofé. Cependant il paroît par des paf- fages de Polybe , de Jofephe , & de Phi- loftrate , que les ephores furent rétablis apiès la mort de Cléomene; les Spartiates ne connoifïant aucun inconvénient com- parable aux avantages d'une magistrature faite pour empêcher que ni l'autorité royale & ariftocratique ne penchaflent vers la dureté & la tyrannie , ni la liberté popu- laire vers la licence & la révolte. Article de M. le Chevalier de J au court. * EPHYDRIADES , f. f. pi. (Myth.) nymphes qu'on appelle quelquefois aufli J-fydriades.Ulles préfidoient auxeaux,com- me l'indique affez clairement leur nom qu'on a fait du mot grec , eau , vfap, EPI , f. m. (Bot. ) c'eft dans une plante l'endroit où fe forme le fruit ou la fleur, quand elle eft montée. Il y a beaucoup de plantes à épi. Epi d'eau, potamogeton _, (Hifi. nat, lot. ) genre de plante à Heur faite en forme de croix , conipofée de quatre pétales fans calice. Le piftil produit quatre femences , qui font ordinairement oblongues & raf- femblées en grouppe. Tournefort, infi.rei herb. Voye\ PLANTE. (/) Epi a la Vierge JjUca Virginis,(Af- tronom. ) efr une étoile de la première gran- deur , qui eft dans la conftellation de la Vierge. Voye\ VIERGE, Qp trouvera aux mots ASCENSION , DÉ- E P I clinaison, Longitude, Latitude, &c. la pofition de cette étoile. (O) Epis, (Hydmul. ) font les bouts ou ex- trémités d'une digue conftruite en maçon- nerie , ou avec des coffres de charpente remplis de pierres. (K) EpISDeFacINAGE , ( Hydraul.) font des extrémités d'une digue, conftruite d'un tiffu de fafcinage piqueté , tuné , & garni d'une couche de gravier ; on les place fur les bords d'une rivière , pour contraindre le courant d'aller d'un certain côté . pour foutenir les eaux, & pour empêcher les dégradations des rivières. (K) Epi au Mollette, termes fynonymes. ( Man. & Maréch. ) L'épi eft , félon quek ques perfonnes , un aflèmblage de poils frifés , qui placés fur un poil couché & abattu , forme une marque approchante de la figure d'un épi de blé. Je préférerois l'idée de ceux qui ne l'en vifagent que com- me un retour ou un rebrouflèment du poil , provenant de la configuration des pores, On peut divifer les épis en ordinaires & en extraodinaires. Les épis ordinaires feront ceux qui fe trouvent indiftinctement & indifférem- ment fur tous les chevaux ; tandis que nous entendons par épis extraordinaires , ceux qui ne fe rencontrent que fur quelques-uns d'eux. Il n'eft pas étonnant que dans des temps de ténèbres & d'obfcurité , la fuperfti- tion ait pu ériger en maximes tout ce qu'elle fuggere ordinairement à des efprits fojbles & crédules ; mais il eft Singulier que dans un fiecle aufîi éclairé que le nôtre , on puifte croire encore que les épis placés aux endroits que le cheval peut avoir en pliant le cou , doivent déprifer l'animal , & font inconteftabîement à' un très-fmiftre prefage, On ne peut perfévérer dans de femblables erreurs , qu'autant que l'on perfévere dans fon ignorance , & peut-être cette preuve n'eftVelle pas la feule de notre confiance à fuir toute lumière, (e) Epi , en terme de Boutonnier , c'eft un ornement de bouillon d'or ou d'argent , formant deux rangs féparés de plufieurs de travers , parfaitement vis-à-vis l'un de l'autre. Chacun de ces derniers eft plus élevé à fon extrémité extérieure , qu'à celle E P I qui aboutit à la ramure , & ils femblent monter le long d'elle comme la maille monte le long de la tige d'un épi de blé : refîbmblance qui a donné le nom d'épi à cet ornement. EPIALE , adj. ( Méd. ) on donne cette épithete aune fièvre quotidienne continue , dans laquelle on a une chaleur répandue par tout le corps , & en même temps des iriffons vagues & irréguliers. Voye\ V ar- ticle Fièvre. EPIAN , C m. terme de Voyageurs , nom que les naturels de l'île de Saint-Domingue donnent à cette maladie chez eux endémi- que , qui parut pour la première fois l'an 1494 en Europe , où elle fut appellée par les François le mal de Naples , 6c par les Italiens le malfrançois , les uns & les autres ignorant fon origine mexiquaine. Tout le monde connoît aujourd'hui Vépian fous le terme générique de maladie vénérienne , ou fous celui de vérole. Voye\ VÉROLE. Ar- ticle de M. le Chevalier de J au COURT. EPI AULIE , f. f. ( Mujiq. des anc. ) nom que les Grecs donnoient à la chanfon des meuniers , appellée autrement hymée. V. Chanson. Le mot burlefque piauler ne tireroit-il point d'ici fon étymologie ? Le piaulement d'une femme ou d'un enfant qui pleure & fe lamente long-temps fur le même ton , reflèmble allez à la chanfon d'un moulin, & par métaphore à celle d'un meunier. {S) EPIBATERION , f. m. (Belles-Let. ) mot purement grec , qui lignifie une efpece de compofuion poétique , en ufage parmi les anciens Grecs. Lorfqu'une perlonne diftin- guée revenoit chez foi après une longue abfence , il afTembloit fes concitoyens un certain jour , & leur faifoit un difcours ou • récitoit une pièce de vers , dans laquelle il rendoit grâces aux dieux de fon heureux retour , & qu'il terminoit par un compli- ment à fes compatriotes. Dicl. de Trév. & Chambers. (G) * EPIBDA , ( Hifl. anc. & Myth. ) on entend par ce terme purement grec , le quatrième & le dernier jour des apatuties , ou en général le lendemain d'une fête , ou le fécond jour des noces. V. APATUE.IE , NôCE , ùc. . Ê P I 6^ EPIBOMIE , ( Mufiq. des anc. ) nom d'un cantique que les Grecs chantoient de- vant l'autel. ( F. D. C. ) EPICÉDION , f. m. ( Belles-Lettr. ) mot qui dans la poéfie grecque & latine , fignifie un poème ou une pièce de vers fur la mort de quelqiCun. Chez les anciens , aux obfeques des per- fonnes de marque , on prononçoit ordinai- rement trois fortes de difcours : celui qu'on récitoit au bûcher s'appelloit nenia : celui qu'on gravoit fur le tombeau , épitaphe ; & celui qu'on prononçoit dans la céré- monie des funérailles , le corps préfent & pofé fur un lit de parade , s'appelloit épice- dion. C'eft ce que nous appelions Oraifon funèbre. Voye\ ORAISON FUNEËRE. (G) EPICINION , ( Muf. des anc. ) Chant de victoire chez les Grecs. EPICENE , adj. terme de Grammaire , t'iriKoivot , fuper commuais , au-deflus du commun. Les noms épicenes font des noms d'efpece , qui fous un même genre fe di- fent également du mâle ou de la femelle. C'eft ainli que nous difons , un rat y une linotte,un corbeau,une corneille,une fourisy &c. foit que nous parlions du mâle ou de la femelle. Nous difons , un coq , une poule ; parce que la conformation extérieure de ces animaux nous fait connoître aifément celui qui eft le mâle & celui qui eft la fe- melle : ainli nous donnons un nom parti- culier à l'un & un nom différent à l'autre. Mais à l'égard des animaux qui ugmous font pas allez familiers , ou dont la conforma- tion ne nous indique pas plus le mâle que la femelle , nous leur donnons un nom que nous faifons arbitrairement ou mafeu- lin , ou féminin ; & quand ce nom a une fois l'un ou l'autre de ces deux genres , ce nom , s'il eft mafeulin , fe dit également de la femelle , & s'il eft féminin , il ne fe dit pasmoinsdu mi\e,une carpe uvée : ainfi Yépicene mafeulin garde toujours l'article mafeulin , & Yépicene féminin garde l'arti- cle féminin , même quand on parle du mâ- le. Il n'en eft pas de même du nom com- mun , fur-tout en latin : on dit hic civis quand on parle d'un citoyen , & hue civis Ci l'on parle d'une citoyenne , hic parmi < , le père , heee parens , Ja mère , hic ce ijux , le«nari , hœc conjux , la femme. Voy'e\ la 6^6 E P I lifte des noms latins épiceries , clans la métho- de latine de P. R. au traité des genres. (F) EPICÉRASTIQUE, f. m. ( Pharm. ) iTizipctç-iKov , de Kîf>â.vvupi , mêler , tempé- rer : remède externe ou interne , qui corri- ge , émouffe , tempère l'acrimonie des hu- meurs , 6c appaife la fenfation incommode qu'elle caule. On met communément dans ce nombre les racines émollientes ; comme celles de guimauve , de mauve , 6c de régliffe ; les feuilles de mauve , de nénuphar , de gran- de joubarbe , de pourpier, & de laitue ; les femences de jufquiame blanche , de laitue , de pavot blanc & de rue : parmi les fruits , les jujubes , les raifins , les pommes , les febeftes , les amandes douces , & les pig- nons ; parmi les fucs 6c les liqueurs , le lait d'amande , l'eau d'orge , les bouillons gras, le lait du laiteron , la crème de décoction d'orge , le fuc des feuilles de morelle , de fureau , &c. parmi les parties des animaux , le lait , le petit-lait , la tête 6c les pies de veau , &c les bouillons qu'on en prépare ; parmi les mucilages , ceux qui font faits avec les femences de pfyllium , de coings , de lin , &c, parmi les huiles, celles d'olive, de behen } d'amandes douces , les huiles exprimées des graines de calebaffe , de juf- quiame blanche , de pavot blanc, &c. par- mi les onguents , l'onguent rofat , l'on- guent blanc camphré , &c. parmi les firops, ceux de violettes , de pommes , de guimau- ve , de fernel , de régliffe , de jujubes , de pavot , dflfpourpier , &c. parmi les prépa- rations officinales , la pulpe de caffe , les juleps adouciffàns , le miel violât , &c. Mais quelque vraie que foit cette lifte , elle elt informe &c fautive ; parce que dans la bonne théorie le véritable épicérafiique fera toujours celui qui pourra tempérer , corriger l'acrimonie particulière dominan- te. Par cette raifon , tantôt les acides , tantôt les alkalis pourront être rangés dans la claffe des épicérafliquçs internes , puis- qu'ils feront propres à produire l'effet qu'on defire , fuivant la nature des humeurs mor- bifiques , qu'il s'agira d'adoucir , de tem- pérer , de corriger. C'eft un point qu'il faut fans ceffe avoir devant les yeux dans le traitement des maladies , que de varier les remèdes fuivant les cauies , &: c'eft ce EPI que l'empirifme ne comprendra jamais. Article de M. le Chev. de J au court, EPICES , f. m. pi. ( Comm. ) On don- ne ce nom en général à routes les drogues orientales &c aromatiques , telles que le girofle , le poivre , le gingembre , &c. dont nos épiciers font le commerce. EPICES , ( Fines. ) Pnarm. c'eft , fuivant M. Pomet , un mélange de poivre noir , de girofle , de mufcade , de gingembre , d'anis verd , 6c de coriandre , en propor- tion convenable. Prenez , par exemple , gingembre choifi , douze livres 6c demie ; girofle , mufcade , de chaque une livre 6c demie ; femences d'anis , coriandre , quan- tité proportionnée : mêlez 6c les pulvéri- fez aflèz fubtilement , puis les gardez dans une boîte bien bouchée. Ces fines épices ne font employées que pour les ragoûts ; mais elles pourroient être , fi l'on vouloit , d'un grand ufage dans la Médecine , d'autant que c'eft une poudre aromatique qui eft ftomachjque , carmina.tive _, céphalique , expectorante , antiputride. On peut s'en fervir pour for- tifier le cerveau , pour atténuer les hu- meurs vifqueufes , pour faire éternuer, James 6c Ckambers. Epices , (Jurifprud. ) font àes droits en argent que les juges de plufieurs tribunaux font autorifés à recevoir des parties pour la vifite des procès par écrit. Ces fortes de rétributions font appellées en Droit fportulce ou fpecies , qui fignifioiç toutes fortes de fruits en général , ik fin- guliérement les aromates ; d'où l'on a fait en françois épices , terme qui comprenoit autrefois toutes fortes de confitures , parce qu'avant la découverte des Indes , &c que l'on eût l'ufage du fucre , on faifoit confire les fruits avec des aromates ; on faifoit aux juges des préfens de ces fortes de fruits , ce qui leur fit donner le nom d'épices. L'origine des épices , même en argent , remonte jufqu'aux Grecs, Homère , Iliade VI ', dans la defcriptiort qu'il fait du jugement qui étoit figuré fur lç bouclier d'Achille, rapporte qu'il y avoit deux talens d'or pofés au milieu des ju- ges , pour donner à celui qui opineroit le mieux. Ces deux talens étoient , il eft vrai alors , de peu de valeur \ car Budé , en fou E PI fon IVe. liv. de ajje , en parlant de talento homerico , prouve par un autre pallage du XXIVe. de l'Iliade , que ces deux talens d'or étoient eftimés moins qu'un chauderon d'airain. Plutarque, en la vie de Périclès , fait men- tion d'un ufage qui a encore plus de rap- port avec les épices ; il dit que Périclès fut le premier qui attribua aux juges d'Athè- nes des falaires appelles prytanées , parce qu'ils fe prenoient fur les deniers que les plaideurs confignoient à l'entrée du procès dans la prytanée , qui étoit un lieu public deftiné à rendre la juftice. Cette configna- tion étoit du dixième , mais tout n'étoit pas pour les juges : on prenoit auftï fur ces de- niers le falaire des fergens \ celui du juge étoit appelle 70 JWruoj'. A Rome, tous les magiftrats &c autres officiers avoient des gages fur le flfc , & fai- foient ferment de ne rien exiger des parti- culiers. Il étoit cependant permis aux gou- verneurs de recevoir de petits préfens ap- pelles xenia , mais cela étoit limité à des chofes propres à manger ou boire dans trois jours. Dans la fuite , Confbntin abolit cet ufage , & défendit à tous miniftres de juftice d'exiger ni même de recevoir aucuns pré- ïens , quelque légers qu'ils fufient j mais Tribonien , qui étoit lui-même dans l'ufage d'en recevoir, ne voulut pas inférer cette loi dans le code de Juftinien. L'empereur lui-même fè relâcha de cette févérité par rapport aux juges d'un ordre inférieur,; il permit , par fa novelle xv. chap. y), aux défendeurs des cités de prendre , au lieu de gages , quatre écus pour chaque feu- tence définitive j &. en la novelle Ixxxij. chap. xjx. il afligne aux juges pedanées qua- tre écus pour chaque procès , à prendre fur les parties , outre deux marcs d'or de gages qu'ils avoient fur le public. Ces épices étoient appellées fportulœ , de même que le falaire des appariteurs & au- tres miniftres inférieurs de la jurifdictron j ce qui venoit de [porta , qui étoit une petite corbeille où l'on recueilloit les petits pré- fens que les grands avoient coutume de dis- tribuer à ceux qui leur faifoient la cour. Par les dernières conftitutions greques , la taxe des épices fe faifoit eu égard à la femme dont il s'agiffoit 3 comme de cent Tome XU. E P ï 657 écus d'or on prenoit un demi-écu , &. ainil des autres fbmmes à proportion , fuivant que le remarque Théophile , §. tripl. injïit. de action. On appelloit aufti les épices des juges pulveratica , comme on lit dans Cafîiodore , lib. XII. variar. où il dit , pulveratica olim judicibus prœfiabantur ; pulveraticum étoit le prix & la récompenfè du travail , & avoit été ainfî appelle , an faifant aliufîon à cette pouffiere dont les luteurs avoient coutume de fè couvrir mutuellement lorfqu'ils al- loient au combat , afin d avoir plus de prifè fur leur antagonifte. Quelques-uns ont cru qu'anciennement en France les juges ne prenoient point à' épi- ces ; cependant , outre qu'il eft probable que l'on y fuivit d'abord le même ufage que les Romains y avoient établi , on voit dans les loix des Vifigoths , liv. I. tit. ij. câ, xxv. qui étoient obfervées dans toute l'A- quitaine , qu'il étoit permis au rapporteur de prendre un vingtième, vigefimumfolidum pro labore & judicatâ caufâ ac légitimé deli- beratâ. Il eft vrai que le concile de Verneuil tenu l'an 884 au fujet de la difeipline ecclé- fiaftique , défendit à tous juges eccléfiafti- ques ou laïques de recevoir des épices , ut nec chrifius , nec abbas , nec ullus laicus pro juflitiâ faciendâ fportulas accipiat. Mais il paroît que cela ne fut pas toujours obfervé ; en effet , dès le temps de S. Louis, il y avoit certaines amendes applicables au profit du juge , & qui dans ce cas tenoient lieu Ôl épices. On voit , par exemple , dans l'ordonnance que ce prince fit en 1 2 54 , que celui qui louoit une maifon à quelque ri- baude , étoit tenu de payer au bailli du lieu , ou au prévôt ou au juge , une fomme égale au loyer d'une année. Ce même prince , en aboliffant une mau- vaifè coutume qui avoit été long-temps ob- fervée dans quelques tribunaux, par rap- port aux dépens judiciaires & aux peines que dévoient fùpporter ceux qui fuccom- boient , ordonne qu'au commencement du procès les parties donneront des gages de la valeur du dixième de ce qui fait l'objet du procès j que ces gages feront rendus aux parties , & que dans tout le cours du pro- cès., on ne lèvera rien pour les dépens ,' mais qu'à la fin du procès celui qui fuccom- O o 00 é<$ EPI bera , paiera à la cour la dixième partie de ce à quoi il fera condamné , ou l'eftima- tion j que fi les deux parties fuccombent chacune en quelque chef, chacune paiera à proportion des chefs auxquels elle aura fùccombé } que ceux qui ne pourront pas trouver des gages , donneront cau- tion , &c. Ce dixième de l'objet du procès , que l'on appelloit décima litium , fervoit à payer les dépens dans lefquels font compris les droits des juges. Il étoit alors d'ufage dans les tri- bunaux laïques que le juge , fous prétexte de fournir au falaire de fès affeffeurs , exigeoit des parties ce dixième, ou quelque autre portion , avec les dépenfes de bouche qu'ils avoient faites :, ce qui fut défendu aux ju- ges d'églife par Innocent III , fuivant le chap. x. aux décrétales de vitâ & honeftate clericorum , excepté lorfque le juge cft obligé d'aller aux champs & hors de fa maifon \ le chapitre cîim ab omni , &. le chapitre fiatutum , veulent en ce cas que le juge foit défrayé. Il u'étoit pas non plus alors d'ufàge en cour d'églife de condamner aux dépens : mais en cour laïque il y avoit trois ou qua- tre cas où l'on y condamnoit, comme il pa- roît par le chap. xcij. des établiifemens de S. Louis en 12.70, & ce même chapitre fait mention que la juftice prenoit un droit pour elle. Les privilèges accordés à la ville d'Ai- guefmortes par le roi Jean , au mois de Fé- vrier 1 3 50 , portent que dans cette ville les juges ne prendroient rien pour les actes de tutelle , curatelle , émancipation, adoption, ni pour la confection des teftamens & or- donnances qu'ils donneroient j qu'ils ne pourroient dans aucune affaire faire faifir les effets des parties pour fureté des frais , mais que quand l'affairé feroit finie , celui qui auroit été condamné paieroit deux fous pour livre de la valeur de la chofe fi c'étoit un meuble ou de l'argent ; que fi c etoit un immeuble , il paieroit le vingtième en ar- gent de fa valeur, fuivant l'eftimation j que fi celui qui avoit perdu fon procès , ne pou • voit en même temps fatisfaire à ce qu'il de- voit à fa partie & aux juges , la partie feroit payée par préférence. H y eut depuis quelques ordonnances qui F PI défendirent aux juges , même laïques , de rien recevoir des parties , notamment celle de 1302, rapportée dans l'ancien ftyle du parlement , en ces termes : Prcvfati officiarii nofiri nihil penitus exigant Jubjeclis nojiris. Mais l'ordonnance de Philippe de Va- lois , du 1 1 Mars 1 344 , permit aux com- mifiàires députés du parlement , pour la taxe des dépens , ou pour l'audition des té- moins , de prendre chacun dix fous parifïs par jour , outre les gages du roi. D'un antre côté , l'ufage s'introduifit que la partie qui avoit gagné fon procès , en venant remercier fes juges , leur préfen- toit quelques boîtes de confitures feches ou de dragées, que l'on appelloit alors épices. Ce qui étoit d'abord purement volontaire paflà en coutume , fut regardé comme un: droit , & devint de nécefîité. Ces épices fu- rent enfuite converties en argent : on en trouve deux exemples fort anciens avant même que les épices entraffent en taxe : l'un eft du 12 Mars 1369 j le fire de Tournon par licence de la cour fur fa requête donna vingt francs d'er peur les épices de fon pro- cès jugé , laquelle fbmme fut partagée en- tre les deux rapporteurs ; l'autre eft que le 4 Juillet 1371 , un confeiller de la cour, rapporteur d'un procès , eut après le juge- ment de chacune des parties fix francs. Mais les juges ne pouvoient encore rece- voir des épices ou préfens des parties qu'en vertu d'une permifîiôn fpéciale, & les épices n'étoient pas encore toujours converties en argent. En effet , Charles VI , par des let- tres du 17 Mars 1395 , pour certaines cau- Ces & confidérations , permit à Guillaume de Seus , Pierre Boufchet , Henri de Marie , & Ymbert de Bcify , préfidens au parle- ment , & à quelques confeillers de cette cour , que chacun d'eux pût fans aucune ojfenfe prendre une certaine quantité de queues de vin à eux données par la reine de Jérufalem & de Sicile , tante du roi. Papon , eu fès arrêts , lit. des épices , rap- porte un arrêt du 7 Mai 1384, qu'il dit avoir jugé qu'en taxant les dépens de la caule principale , on devoit taxer. auffi les épices de l'arrêt. Cependant du Luc , liv. V. de fes arrêts r th. v. art. 1. en rapporte un poftérieur du 17 Mars 1403 , par lequel il fut décidé que le* EP I épices , qu'il appelle tragemata , n'entroient point en taxe , loriqu'on en accordoit aux ra >orteurs. Il rapporte encore un autre arrêt de la même année , qui énonce que dans les affai- res importantes & pour des gens de qualité, on permettoit aux rapporteurs de recevoir deux ou trois boîtes de dragées ; mais l'arrêt défend aux procureurs de rien exiger de leurs parties fous ombre à épices. Ces boîtes de dragées ie donnoient d'a- bord avant le jugement pour en accélérer l'expédition ; les juges regardèrent enfuite cela comme un droit , tellement que dans quelques anciens regiftres du parlement on lit en marge, non deliberetur donec falvantur fpecies ; mais comme on reconnut l'abus de cet ufage , il fut ordonné par un arrêt de 1437 > rapporté par du Luc , liv. IV. th. v. art. 10, qu'on ne paieroit point les épices au rapporteur , & qu'on ne lui diftribueroit point d'autre procès qu'il neût expédié celui dont il étoit chargé. Il appelle en cet en- droit les épices dicafiica , ce qui feroit croire qu'elles étoient alors converties eu argent. On fe plaignit aux états de Tours , tenus en 1483 , que la vénalité des offices indui- foit les officiers à exiger de grandes & ex - ceflîves épices , ce qui étoit d'autant plus criant qu'elles ne pailbieut point encore en taxe} cependant l'ufage en fut continué, tellement que par un arrêt du 30 Novembre 1494 , il fut décidé que les épices des procès jugés , fur lefquels les parties avoient tranfî- gé , dévoient être payées par les parties & non par le roi j & ce ne fut que par un règle- ment du 18 Mai 1502 qu'il fut ordonné qu'elles entreroient en taxe. L'ordonnance de Roufîillon , art. 3 1 , & celle de Moulins , art. 14 , défendirent aux juges préfidiaux , & autres juges inférieurs , de prendre des épices , excepté pour le rap- porteur. La chambre des comptes fut autorifée à en prendre par des lettres patentes du 1 1 Décembre 1581 , regiftrées en ladite cham- bre le 24Mars 1582. Ily a cependant encore plufîeurs tribunaux où l'on ne prend point $ épices , tels que ie confeil du roi ,- les confeils de guerre. Les épices ne font point accordées pour EPI *;* le jugement , mais pour la vifite du procès. L edit du mois d'Août io'o'o contient ua règlement général pour les épices & vaca- tions. Il ordonne que par provifion , & en at- tendant que S. M. fe trouve en état d'aug- menter les gages des officiers de judicatu- re , pour leur donner moyen de rendre la. juftice gratuitement , les juges , même les cours , ne puifTent prendre d'autres épices que celles qui auront été taxées par celui qui aura préfidé , fans qu'aucun puiffe pren- dre ni recevoir de plus grands droits , fous prétexte d'extraits, de fciendum , ou d'arrêt j ce qui eft conforme à ce qui avoit déjà été ordonné par ïart. 127 de l'ordonnance de Blois , qui yeut que la taxe en foit faite fur les extraits des rapporteurs qu'ils auront faits eux-mêmes, &: que l'on y ufe de mo- dération. Celui qui a préfidé , doit écrire de fa main au bas de la minute du jugement la taxe des épices , & le greffier en doit faire mention fur les grofTes & expéditions qu'il délivre. M. Duperray, en fon traité des dîmes , c. xi), fait mention d'une déclaration du roi., dont il ne dit pas la date , qui remit , à ce qu'il dit , aux juges fubalternes les épices mal-prifès , en payant une taxe. Il paroît être d'avis que cette taxe ne difpenfe pas ces juges de faire reftitution à ceux dont ils ont exigé induement des épices. On ne doit taxer aucunes épices pour les procès qui font évoqués, ou dont la connoif- fance eft interdite aux juges, encore que le rapporteur en eût fait l'extrait , & qu'ils euf- feut été mis fur le bureau c'eft ce que nous avons appelle le monde : ce feroit un préjugé que de conce- voir autrement l'origine de la terre , de la mer , & des cieux. La combinaifon des ato- mes forma d'abord les femences générales ; ces femences fe développèrent , & tous les animaux, fans en excepter l'homme, furent produits feuls , ifolés. Quand les femences lurent épuifées , la terre ceflad'en produi- re, & les efpeces fe perpétuèrent par diffé- rentes voies de génération. Gardons-nous bien de rapporter à nous les tranfactions de la nature; les chofesfe font faites , fans qu'il y eut d'autre caufe que l'enchaînement uni- verfeldes êtres matériels qui travaillât, foit à notre bonheur , foit à notre malheur Laifïbns-là auflî les génies & les démons ; Tome XII EPI 6tf s'ils étoient , beaucoup de chofes ou ne feroient pas , ou feroient autrement. Ceux qui ont imaginé ces natures n'étoient point philofophes , & ceux qui les ont vues n'é- toient que des vifionnaires. Mais fi le monde a commencé, pourquoi ne prendroit-il pas une fin ? n'eft-ce pas un tout compofé ? n'eft- ce pas un compofé fini? l'atome n'a t-il pas confervé fon activité dans ce grand compofé, ainfi que dans fa portion la plus petite? cette activité n'yeft-ellepas égale- ment un principe d'altération & de deftruc- tion ? Ce qui révolte notre imagination , ce font les fauftes mefures que nous nousfom- mes faites de l'étendue & du temps; nous rapportons tout au point de l'efpace que nous occupons , & au court inftant de notre durée. Mais pour juger de notre mon- de , il faut le comparer à l'immenfité de l'univers, & à l'éternité des temps: alors ce globe eût-il mi'le fois plus d'étendue , ren- trera dans la loi générale , & nous le verrons fournis à tous les accidens de la molécule. Il n'y d'immuable , d'inaltérable , d'éter- nel , que l'atome ; les mondes parferont , l'arôme reftera tel qu'il eft. La pluralité des mondes n'a rien qui répugne. Il peut y avoir des mondes femblabîes au nôtre ; il peut y en avoir de différents. Il faut les con- fidérer coinme de grands tourbillons ap- puyés les uns contre les autres , qui en refTer- rent entr'eux de plus petits , & qui rem- pliflent enfemble le vuide infini. Au milieu du mouvement général qui produifit le nô- tre , cet amas d'atomes que nous appelions Te:re , occupa le centre; d'autres amas allèrent former le ciel & les aftres qui l'é- clairent. Ne nous en laifïbns pas impofer fur la chute des graves : les graves n'ont point de centre commun ; ils tombent pa- rallèlement. Concluons -en l'abfurdité des Antipodes. La terre n'eft point un corps fphérique ; c'eft un grand difque que l'at- mofphere tient fufpendu dans l'efpace : la Terre n'a point d'ame ; ce n'eft donc point une divinité. C'eft a des exhalaifons fouter- raines, à des chocs fubits 9 à la rencontre de certains élémens oppofés , à l'action du feu , qu'il faut attribuer fes tremblemens. Si les fleuves n'augm entent point les mers, c'eft que relativement à ces volumes d'eau, | à ieuïi immenfes refervoirs, & à la quantité P ppp €66 EPI de vapeurs que le Soleil élevé de leur farface , les fleuves ne (ont que de foibles écoulemens. Les eaux de la mer fe répan- dent dans toute la mafTe terreftre, l'arrofent, fe rencontrent, fe raflèmblent , & viennent fé précipiter derechef dans les badins d'où elles s'étoient èxtravafées : c'eft dans cette circulation qu'elles font dépouillées de leur amertume. Les inondations du Nil font occafionnées par des vents étéiiens, qui fou- levent la mer aux embouchures de ce fleu- ve , y accumulent des digues de fable , & le font refluer fur lui-même. Les monta- gnes font aufli anciennes que la terre. Les plantes ont de commun avec les animaux , qu'elles naiflent , fe nourriffent , s'accroif- fent y dépéiiffent & meurent: mais ce n'eft point uneame qui les vivifie : tout s'exécute dans ces êtres par le mouvement & Tinter- pofition. Dans les animaux , chaque organe élabore une portion de femence , & la tranf- met à un réfervoir commun : de-là cette analogie propre aux molécules féminales , qui les fépare , les diftribue , les difpofe chacune à former une partie femblable à celle qui l'a préparée, & toutes, à engen- drer un animal femblable. Aucune intelli- gence ne préfide à ce méchanifme. Tout s'exécutant comme fl elle n'exiftoit point, pourquoi donc en fuppoferions - nous l'ac- tion ? Les yeux n'ont point été faits pour voir , ni les pies pour marcher: mais l'ani- mal a eu des pies , & il a marché ; des yeux, & il a vu. L'ame humaine eft corporelle, ceux qui affurent le contraire ne s'entendent pas, & parlent fans avoir d'idées. Si elle étoit incorporelle , comme ils le prétendent, elle ne pourroit ni agir , ni fouîTrir ; fon hétéro- généité rendroit impofîible fon a&ion fur le corps. Recourir à quelque principe imma- tériel , afin d'expliquer cette aclion, ce n'eft pas réfoudre la difficulté, c'eft feulement la tranfporter à un autre objet. S'il y avoit dans la nature quelque être qui pût changer les natures , la vérité ne feroit plus qu'un vain nom:or pour qu'un être immatériel fut un inftrument applicable à un corps, il fau- droit changer la nature de l'un ou de l'au- tre. Gardons-nous cependant de confondre l'ame avec le refte de la fubilance animale. L'ame eft un compofé d'atomes fi unis y fi légers , fi mobiles , qu'elle peut fe féparer E PI du corps fans qu'il perde fenfiblement de fon poids. Ce réfeau , malgré fon extrême fubtilité , a plulieurs qualités diftincles; il eft aérien , igné , mobile , & fenfible. Ré- pandu dans tout le corps , il eft lacaufe àe$ pallions , des a&ions , des mouvemens , des facultés , des penfées , & de toutes les au- tres fonctions _, foit fpirituelles , foit anima- les; c'eft lui qui fent , mais il tient ccite pniflànce du corps. Au moment où l'ame> fe fépare du corps , la fenfibilité s'évanouit, parce que c'étoit le réfultat de leur unien; les fens ne font qu'un toucher diverfàfié ; n s'écoule fans ceflè des corps mêmes , des fi- mulacies qui leur font femblabies , & qu* viennent frapper nos fens. Les fens fontf communs à l'homme & à tous les animaux. La raifon peut s'exercer , même quand les fens fe repofent. J'entends par Xefprit, la por- tion de l'ame la plus déliée. L'efpriteft dif- fus dans toute la fubftance de l'ame , comme l'ame eft diflufe dans toute la fubftance du corps ; il lui eft uni ; il ne* forme qu'un être avec elle ; il produit fes a&es dans des inftants prefque indivifibles; il a fon fîege dans le cœur : en effet c'eft de-là qu'émanent la joie , la triftefle , la force , la pufillanimiré , &c. L'ame penfe , comme l'œil voit, par des ftmulacres ou des idoles} elle eft affe&ée de deux fentimens généraux, la peine & le plaifir. Troublez l'état natu- rel des parties du corps , & vous produirez la douleur ; reftituez les parties du corps dans leur état naturel , & vous ferez éclore le plaifir. Si ces parties, au lieu d'ofciller pouvoient demeurer en repos , ou nous cef- ferions de fentir, ou , fixés dans un état de paix inaltérable , nous éprouverions peut- être la plus voluptueufe de toutes les fitua- tions. De la peine & du plaifir naiftent le defir & l'averfion. L'ame en général s'épa- nouit & s'ou vre a u plai fi r; elle fe flétri t&fe refterre à la peine. Vivre , c'eft éprouver ces mouvemens alternatifs. Les paftions varient félon la combinaifon des atomes qui compo- fent le tiffu de l'ame. Les idoles viennent frapper le fens ; le fens éveille l'imagination; l'imagination excite l'ame , & l'ame fait mouvoir le corps. Si le corps tombe d'afFoi- bliffement ou de fatigue , l'ame accablée ou diftraite fuccombe au fommeil. L'état où elle eft obfédée de fimuîacres écrans qui k EPI tourmentent ou qui Pamufent involontaire- ment^eft ce que nous appellerons Yinfomnie .ou le rêve , félon le degré de confcience qui lui refte de Ton état. La mort n'eft que la .cefTation de la fenfibilité. Le corps difîbus , lame eftdiflbute ;fes facultés fon anéanties ; idle ne penfe plus;elle nefe reffouvient point; ^ellenefoutfre ni n'agit. La diffolution n'eft pas une annihilation ; c'eft feulement une fé- paration de particules élémentaires. L'ame n'étoit pas avant la formation du corps, pour- quoi feroit-elle après fa deftruction? Comme il n'y a pJ us de fens après la mort , l'ame n'eft capable ni de peine , ni de plaifir. Loin de nous donc la fable des enfers & de l'élifée , >& tous ces récits menfongers dont la fuperf- tition effraie les médians qu'elle ne trouve pas aflez punis par leurs crimes mêmes y ou (repaît les bons qui ne fe trouvent pas affez récompenfés par leur propre vertu. Con- cluons , nous , que l'étude de la nature n'eft point fuperflue , puifqu'elle conduit l'hom- me à des connoiftànces qui afïurent la paix dans fon ame , qui affranchiffent fon efprit de toutes vaines terreurs , qui l'élevent au niveau des dieux , & qui le ramènent aux feuls vrais motifs qu'il ait de remplir fes de- voirs. Les aftres font des amas de feu. Je .compare le Soleil à un corps fpongieux , dont les cavités immenfes font pénétrées .d'une matière ignée, qui s'en élance en tout fens. Les corps céleftes n'ont point d'ame : ce ne font donc point des dieux. Parmi ces xorps , il y en a de fixes & d'errans : on ap- pelle ces derniers planètes. Quoiqu'ils nous femblent tous fphériques , ils peuvent être ou des cylindres , ou des cônes , ou des dif- ques , ou des portions quelconques de fphé- re ; toutes ces figures & beaucoup d'autres ^ne répugnent point ave/; les phénomènes. Leurs mouvemens s'exécutent , ou en con- séquence d'une révolution générale du ciel qui les emporte , ou d'une tranflation qui leur eft propre & dans laquelle ils traverfent ;la vafte étendue des cieux qui leur eft per- méable. Le Soleil fe levé & fe couche , en •montant fur l'horifon & defcendant au- defïbus , ou en s'allumant à l'orient & ^'éteignant à l'occident , confumé & re- produit journellement. Cet aftre eft le •foyer de notre monde : c'eft de-là que tou- te la chaleur fe répand ; il ne faut que quel- E P I 6C7 ques étincelles de ce[feu«pour embrafer tou- te notre atmofphere. La Lune & les pla- nètes ne peuvent briller ou de leur lumière propre, ou d'une lumière empruntée du So- leil ; & les éçlipfes avoir pour caufe , ou l'extinction momentanée du corps éclipfé , ou l'interpofition d'un corps qui l'éclipfe. S'il arrive à une planète de traverfer des ré- gions pleines de matières contraires au feu & à la lumière , ne s'éteindra- t-elle pas ? ne fera-t-elle pas éclipfée?Les nuées font ou des mafîès d'un air condenfé par l'action des vents , ou des amas d'atomes qui fe font ac- cumulés peu-à-peu , ou des vapeurs élevées de la terre & des mers. Les vents font ou des courans d'atomes dans Patmofphere , ou peut-être des fouffles impétueux qui s'é- chappent de la terre & des eaux , ou même une portion d'air mife en mouvement par l'action du Soleil. Si des molécules ignées fe réunifient , forment une malle , & font prefTées dans une nuée , elle feront effort en tout fens pour s'en échapper , & la nuée ne s'entr'ouvrira point fans éclair & fans tonnerre. Quand les eaux fufpendues dans Patmofphere feront rares & éparfes } elles retomberont en pluie fur la terre , ou par leur propre poids , ou par l'agitation des vents. Le même phénomène aura lieu , quand elles formeront des malles épailîès ; fi la chaleur vient à les raréfier , ou les vents à les difperfer. Elles fe mettent en gouttes , en fe rencontrant dans leur chute : ces gout- tes glacées ou par le froid ou par le vent , forment de la grêle. Le même phénomène aura lieu , fi quelque chaleur fubite vient à refoudre un nuage glacé. Lorfque le Soleil fe trouve dans une oppofition particulière avec un nuage , qu'il frappe de fes rayons , il forme Parc-en-ciel. Les couleurs de l'arc- en-ciel font un effet de cette oppofition , & de Pair humide qui les produit toutes , ou qui n'en produit qu'une qui fe diverfifie fé- lon la région qu'elle traverfe , & la manière dont elle s'y meut. Lorfque la terre a été trempée de longues pluies & échauffée par des chaleurs violentes , les vapeurs qui s^n élèvent infectent Pair & répandent la mort au loin , &c. De la théologie. Après avoir pofé pour principe qu'il n'y a dans la nature que de [la matière & du vuide , que penferons- Pppp z 66% EPI nous des dieux ? abandonnerons - nous notre philofophie pour nous aflervir à des opinions populaires , ou dirons-nous que les dieux font des êtres corporels ? Puifque ce font des dieux , ils font heureux ; ils jouiffent d'eux-mêmes en paix ; rien de ce qui fe pafTe ici-bas ne les affe&e & ne les trouble ; & il eft fuffifamment démontré par les phénomènes du monde phyfique & du monde moral , qu'ils n'ont eu aucune part à la production des êtres , & qu'ils n'en prennent aucune à leur confervation. C'eft la nature même qui a mis la notion de leur exiftence dans notre ame. Quel eft le peuple fi barbare , qui n'ait quelque notion anticipée des dieux ? nous oppofe- rons-nous au confentement général des hommes ? éleverons-nous notre voix con- tre la voix de la nature? La nature ne ment point ; l'exiftence des dieux fe prouveroit même par nos préjugés. Tant de phéno- mènes , qui ne leur ont été attribués que parce que la nature de ces êtres & la caufe des phénomènes étoient ignorées ; tant d'autres erreurs ne font-elles pas autant de garans de la croyance générale ? Si un homme a été frappé dans le fommeil par quelque grand fimuîacre , & qu'il en ait cenfervé la mémoire à fon réveil , il a con- clu que certe idole avoit néceffairement fon modèle errant dans la nature ; les voix qu'il peut avoir entendues , ne lui ont pas permis de douter que ce modèle ne fût d'une nature intelligente ; & la confiance de l'apparition en différens temps & fous une même forme , qu'il ne fût immortel : mais l'être qui eft immortel , eft inaltéra- ble , & l'être qui eft inaltérable , eft parfai- tement heureux , puifqu'il n'agit fur rien , ni rien fur lui. L'exiftence des dieux a donc été & fera donc à jamais une exiftence ftérile, & par la raifon même qu'elle ne peut être alté- rée ; car il faut que le principe d'activité , qui eft la fource féconde de toute deftruction & de toute réproduction , foit anéanti dans ces êtres. Nous n'en avons donc rien à ef- pérer ni à craindre. Qu'eft-ce donc que la divination ? qu'eft-ce que les prodiges > qu'eft-ce que les religions? S'il étoif < û quelque culte aux dieux ,ce feroit celu d'une admiration qu'on ne peut refufer à tout ce qui nous offre l'image féduifante de E P I la perfection & du bonheur. Ncus fommes portésà croire les dieux de forme humaine ; c'eft celle que toutes les rations leur ont attribuée , c'eft la feule fous laquelle la raifon foit exercée , & la vertu pratiquée. Si leur fubftance étoit incorporelle , ils n'auroient ni fens > ni perception , ni plaifir , ni peine. Leur corps toutefois n'eft pas tel que le nôtre , c'eft feulement une combinaifon femblable d'atomes plus fubtils ; c'eft la même organifation \ mais ce font des organes infiniment plus parfaits ; c'eft une nature particulière li déliée , fi ténue y qu'aucune caufe ne peut ni l'at- teindre , ni l'altérer , ni s'y unir , ni la divifer , & qu'elle ne peut avoir aucune action. Nous ignorons les lieux que les dieux habitent : ce monde n'eft pas digne d'eux , fans doute ; ils pourroient bien s'être réfugiés dans les intervalles vuides que laiffent entr'eux les mondes contigus. De La morale. Le bonheur eft la fin de la vie : c'eft l'aveu fecret du cœur humain ; c'eft le terme évident des actions mê- mes qui en éloignent. Celui qui fe tue regarde la mort comme un bien. Il ne s'a- git pas de réformer la nature , mais de diriger fa pente générale. Ce qui peut ar- river de mal à l'homme , c'eft de voir le bonheur où il n'eft pas , ou de le voir où il eft en effet , mais de fe tromper fur les moyens de l'obtenir. Quel fera donc le premier pas de notre philofophie morale , fi ce n'eft de rechercher en quoi confifte le vrai bonheur? Que cette étude importante foit notre occupation actuelle. Puifque nous voulons être heureux dès ce moment , ne remettons pas à demain à favoir ce que c'eft que le bonheur. L'infenfé fe propofe toujours de vivre , & il ne vit jamais. II n'eft donné qu'aux immortels d'être fouve- rainement heureux. Une folie dont nous avons d'abord à nous garantir , c'eft d'ou- blier que nous ne fommes que des hommes. Puifque nous défefperons d'être jamais aufïi parfaits que les dieux que nous nous fom- mes propofés pour modèles , refolvons- nous à n'être point aufîi heureux. Parce que mon œil ne perce pas limmenfîté des efpaces > dédaignerai-je de l'ouvrir fur les objets qui m'environnent ? Ces objets de- viendront une fource intariftàble de volug.* EPI té , fi je fais en jouir ou les négliger. La peine eft toujours un mal , la volupté tou- jours un bien : mais il n'eft point de vo- lupté pure. Les fleurs croiffent à nos pies , & il faut au moins fe pencher pour les cueillir. Cependant , ô volupté ! c'eft pour toi feule que nous faifons tout ce que nous faifons ; ce n'eft jamais toi que nous évitons , mais la peine qui ne t'accompa- gne que trop fouvent. Tu échauffes notre froide raifon ; c'eft de ton énergie que naif- fent la fermeté del'ame & la force de la vo- lonté ; c'eft toi qui nous meus, qui nous tranf- portes , & lorfque nous ramafïbns des rofes pour en former un lit à la jeune beauté qui nous a chai mes, & lorfque bravant la fureur des tyrans , nous entrons tête bai fiée & les yeux fermés dans les taureaux ardens qu'el- le a préparés. La volupté prend toutes for- tes de formes. Il eft donc important de bien connoître le prix des objets fous lef- quels elle peut fe préfenter à nous , afin que nous ne foyons point incertains quand il nous convient de l'accueillir ou de la repouiïer , de vivre ou de mourir. 4^près la fanté de l'ame, il n'y a rien de plus pré- cieux que la fanté du corps. Si la fanté du corps fe fait fentir particulièrement en quelques membres , elle n'eft pas générale. Si l'ame fe porte avec excès à la pratique d'une vertu , elle n'eft pas entièrement vertueufe. Le muficien ne fe contente pas de tempérer quelques-unes des cordes de fa lyre ; il feroit à fouhaiter pour le con- cert de la fociété , que nous l'imitaflions , & que nous ne permifîions pas , foit à nos vertus y foit à nos pallions , d'être ou trop lâches ou trop rendues , & de rendre un fon ou trop fourd ou trop aigu. Si nous faifons quelque cas de nos femblables, nous trouverons du plaifir à remplir nos devoirs , parce que c'eft un moyen fur d'en être confidérés. Nous ne mépiïferons point les plailirs des fens ; mais nous ne nous ferons point l'injure à nous-mêmes , de comparer l'honnête avec le fenfuel. Comment celui qui fe fera trompé dans le choix d'un état fera-t-il heureux ? com- ment fe choifir un état fansfe connoître ? & comment fe contenter dans fon état , ii l'on confond les befoins de la nature , les appé- tits de la pailion , & les e'carts de la fan- E P I 66 j taifie ? II faut avoir un but préfent à l'ef- prit , fi l'on ne veut pas agir à l'aventure. II n'eft pas toujours impoflible de s'emparer de l'avenir. Tout doit tendre à la pratique de la vertu , à la confervation de la liberté & de la vie , & au mépris de la mort. Tant que nous fommes , la mort n'eft rien , & ce n'eft rien encore quand nous ne fom- mes plus. On ne redoute les dieux , que parce qu'on les fait femblables aux hommes. Qu'eft-ce que l'impie, linon celui qui adore les dieux du peuple ? Si la véritable piété confiftoit à fe profterner devant toute pierre taillée, il n'y auroit rien de plus commun : mais comme eileconfifte à juger fairemenc delà natuie des dieux, c'eft une vertu rare. Ce qu'on appelle le droit naturel y n'eft que îe fymbole d'une utilité générale. L'utilité générale & le confentemer-.t com- mun doivent être les deux grandes règles de nos actions. Il n'y a jamais de certitude que le crime refte ignoré : celui qui le commet eft donc un infenfé qui joue un jeu où il y a plus à perdre qu'à gagner. L'amitié eft un des plus grands biens de la vie , & la décence une des plus gran- des vertus de la fociété. Soyez décens , parce que vous n'êtes point des animaux, & que vous vivez dans des villes , & non dans le fond des forêts , ùc. Voilà les peints fondamentaux de la doctrine d'Epicure } le feul d'entre tous les Philofophes anciens qui ait fu concilier fa morale avec ce qu'il pou voit prendre pour le vrai bonheur de l'homme , & [es pré- ceptes avec les appétits & les befoins de la nature ; aufîi a-t-il eu & aura-t-il dans tous les temps un grand nombre de difciples. On fe fait fto'icien , mais on naît épicurien. Epicure étoit Athénien , du bourg de Gargette & de la tribu d'Egée. Son père s'appelloit Néoclèsy & fa mère Chdreflrata: leurs ancêtres n'avoient pas été fans dif- tinciion; mais l'indigence avoit avili leurs delcendans. Néoclès n'ayant pour tout bien qu'un petit champ, qui ne fourniffoit pr» à fa fubfiftance, il fe fit maître d'école ; la bonne vieille Chéreftrata , tenant fon f]ls parla main , alloit dans les maifons faire des luftrations 3 chaffer les fpedres , lever les incantations ; c'étoit Epicure qui lui avoit enfeigné les formules d'expiations ^ &. 67o EPI toutes lesfottifesde cette efpecede fupeif- tition. Epicure naquit la troifieme année de la cent neuvième olympiade, le feptieme jour du mois de Gamilion. Il eut trois frères , Néoclès , Charideme & Ariftobule : Plu- tarque les cite comme des modèles de la tendreiTe fraternelle la plus rare. Epicure demeura à Téos jufqu'à l'âge de dix-huit ans : il fe rendit alors dans Athènes avec la petite provifion de connoifTances qu'il avoit laites dans Pe'cole de fon père ; mais fon fé- ÎDur n'y fut pas long. Alexandre meurt; ^rdiccas défoie l'Attique , & Epicure eft contraint d'errer d'Athènes à Colophone , à Mytiiene , & à Lampfaque. Les troubles populaires interrompirent fes études ; mais n'empêchèrent point fes progrès. Les hom- mes de génie , tels qu' 'Epicure , perdent peu de temps ; leur activité fe jette fur tout ; ils obfervent & s'inftruifent fans qu'ils s'en apperçoivent ; & ces lumières , acquifes prefque fans effort, font d'autant plus efti- mables , qu'elles font relatives à des objets plus généraux. Tandis que le Naturalifte a l'œil appliqué à l'extrémité de rinfrrument qui lui grofïit un objet particulier, il ne jouit pas du fpe&acle général de la nature qui l'environne. Il en eft ainfi du philofo- phe ; il ne rentre fur la feene du monde qu'au fortir de foircabinet ; & c'eft là qu'il recueille ces germes de connoiflànces qui demeurent long-temps ignorés dans le fond de fon ame , parce que ce n'eft point une méditation profonde & déterminée , mais à des coups d'œil accidentels qu'il les doit : germes précieux, qui fe dévelop- pant tôt ou tard pour le bonheur du genre h.tmain. Epicure avoit trente-fept ans lorfqu'il reparut dans Athènes : il futdifciple du pla- tonicien Pamphile , dont il méprifa fou- verainement les vifions : il ne put fouffrir les fophifmes perpétuels de Pirrhon: il for- tit de l 'école du pythagoricien Naufipha- nis , mécontent des nombres & de la mé- tempfycofe. Il connoiilbit trop bien la na- ture de l'homme & fa force , pour s'ac- commoder de la févérité du Scoïcifme. Il s'occupa à feuilleter les ouvrages d'Anaxa- gore , d'Arc helaiïs , de Metrodore & de |)*mocrite ; il s'attacha particulièrement E P I à la philofophie de ce dernier , & il en fit les fondemens de la iienne. Les Platoniciens occupoient l'académie, les Péripathéciciens le Lycée, les Cyniques le cynolarge , les Stoïciens le portique ; Eptcure établit fon école dans un jardin dé- licieux , dont il acheta le terrein , & qu'il fit planter pour cet ufage. Ce fut lui qui apprit aux Athéniens à tranfporter dans l'enceinte de leur ville le fpeûacle de la campagne. Il étoit âgé de quarante-quatre ans lorfqu'Athenes afliégée par Démétrius , futdéfolée par la famine : Epicure , réfolu de vivre ou de mourir avec fes amis , leur diftribuoit tous les jours des fèves , qu'il partageoit au compte avec eux. On fe ren- doit dans fes jardins de toutes les contrées de la Grèce , de l'Egypte & de l'Afie : on y étoit attiré par fes lumières & par fes ver- tus , mais fur-tout par la conformité de fes principes avec les fentimens de la nature. Tous les philofophes de fon temps fem- bloient avoir confpiré contre les plaifirs des fens & contre la volupté : Epicure en prit la défenfe ; & la jeuneîTe athénienne , trompée par le mot de volupté , accourut pour l'entendre. Il ménagea la foiblefîb de fes auditeurs ; il mit autant d'art à les rete- nir , qu'il en avoit employé à les atti- rer ; il ne leur développa fes principes que peu - à - peu. Les leçons fe don- noient à table & à la promenade ; c'étoit ou à l'ombre des bois , ou fur la mollelTe des lits , qu'il leur infpiroit l'enthoufiafrre de la vertu , la tempérance , la frugalité , l'amour du bien public , la fermeté de l'a- me , le goût raifonnable du plaifir , & le mépris de la vie. Son école, obfcure dans les commencemens , finit par être une des plus éclatantes & des plus nombreufes. Epicure vécut dans le célibat: les inquié- tudes qui fuivent le maiiage lui parurert incompatibles avec l'exercice afhdu de la philofophie ; il vouloit d'ailleurs que la femme du philofophe fût fage ;> riche & belle. Il s'occupa à étudier , à écrire & à enfeigner : il avoit compofé plus de trois cents traités différents ; il ne nous en refte aucun. Il ne faifoit pas alTez de cas de cette élégance à laquelle les Athéniens étoient fi feniîbles ; il fe contentoit d'être vrai , clair & profond. Il fut chéri des grands , admiré EPI de fes rivaux , & adoré de fes difciples : il reçue dans fes jardins plufieurs femmes cé- lèbres , Léontium , maîtreffe de Métrodore; Thémifte, femme de Léontius ; Philénide, une des plus honnêtes femmes d'Athènes ; Nécidie , Érotie, Hédie , Marmarie , Bo- die, Phédrie, &c. Ses concitoyens, les hommes du monde les plus enclins à la mé- difance , & de la fuperftion la plus ombra- geufe , ne font aceufé ni de débauche ni impiété. Les Stoïciens féroces l'accablèrent d'in- jures ; il leur abandonna fa perfonne , dé- fendit fes dogmes avec force , & s'occupa à démontrer !a vanité de leur fyftême. Il ruina fa fanté à force de travailler : dans les derniers temps de fa vie il ne pouvoir ni fupporter un vêtement , ni defeendre de fon lit , ni fouffrir la lumière , ni voir du feu. Ii urinoit le fang , fa vaiîie fe fermoit peu- à-peu par les accrohTemens d'une pierre : ce^e îdant il écrivoit à un de fes amis que le fpecracle de fa vie paffée fufpendoit fes douleurs. Lorfqu'il fentit approcher fa fin , il fit appeller fes difciples ; il leur légua fes jar- dins ; il aflura l'état de plufieurs enfans fans fortune , dont il s'étoit rendu le tuteur : il «(Franchit fes efcîaves il ordonna fes funé- railles, & mourut âgé de foixante & douze ans , la féconde année de la cent vingt-fep- tieme olympiade. Il fut univerfellement regretté : la république lui ordonna un mo- nument; & un certain Théotime, convain- cu d'avoir compofé fous fon nom des lettres infimes, adrefîees à quelques-unes des fem- mes qui fréquentoient fes jardins , fut con- damné à perdre la vie. La phitofopiiie épicurienne fut profefTee fans interruption , depuis fon inftitution jufqu'au temps d'Augufte ; elle fit dans Ro- me les plus grands progrès. La fecte y fut cornpofée de la plupart des gens de lettres & der, hommes d'état ; Lucrèce chanta 1Y- picuréifn.e , Celfe !e profeiîa fous Adrien , Pline le Naturalise f3us Tibère ; les noms de Lucien & de Diogene Laerce font encore célèbres parmi les Epicuriens. Vépicuréif/ne eut, à la décadence de l'em- pire romain , le fort de toutes les connoif- fances ; il ne fortit d'un oubli de plus de mille ans qu'au commencement du dix-fep- E P I t7i tieme fiecle : le diferédit des formes plafèi— ques remit les atonies en honneur. Magne- ne, de Luxeu en Bourgogne , publia fon Democritus revivifeens^ ouvrage médiocre, où l'auteur prend à tout moment fes rêve- ries pour les fentimens de Democrite &c d'Epicure. AMagnene fuccéda Pierre Gaf- fendi , un des hommes qui font le plus d'hon- neur à la Philofophie & à la nation : il na- quit dans le mois de Janvier de l'am -'e 1592, à Charterfier, petit village de Pro- vence , à une lieue de Digne , où il fit fes humanités. Il avoit les mceurs'douces , 1q jugement fain , & des conncifîances pro- fondes : il étoit verfé dans l' Aftronomie , la. Philofophie ancienne & moderne , la Mé- taphyfique , les langues , rhiftoire , les an- tiquités ; fon érudition fut prefque univer- felle. On a pu dire de lui que jamais philo- fophe n'avoit été meilleur humanifre , ni humanifte fi bon philofophe : fes écrits ne font pas fans agrément ; il eft clair dans Ces raifonnemens, &: jufledansfes idées. Il fut parmi nous le reftaurateur de lu philofophie d'Epicure : fa vie fut pleine de troubles ; fans cefTe il attaqua & fut attaqué : mais il ne fut pas moins attentif dans fes difputes , foit avec Flud, foit avec mylord Herbert, foit avec Defcartes , à mettre l'honnêteté que la raifon de fon coté. GafTendi eut pour difciples ou pour fec- tateurs , plufieurs hommes qui fe font irrw mortalifés , Chappelle , Molière , Bernier , l'abbé de Chaulieu , M. le grand-prieur de Vendôme , le marquis de la Fcre , le cheva- lier de Bouillon , le maréchal de Catinat , & plufieurs autres hommes extraordinaires , qui, par un contrafle de qualités agréables & fublimes, réunifïbient en eux rhéroifme avec la molleffe , le goût de la vertu avec celui du plaiiir , les qualités politiques avec les taLens littéraires, & qui ont formé par- mi nous différentes écoles $ épi curé if me mo* rai dont nous allons parler. La plus ancienne & la première de ces écoles où Ton ait pratiquée profeiTé la mo- rale d'Epicure , étoit rue des Tournelles , dans la maifon de Ninon Lenclos ; c'efr-Ià que cette femme extraordinaire raflèmbloit tout ce que la cour ck la ville avoient d'hom- mes polis , éclairés & voluptueux : on y vit madame Scarron ; la comceilè de la Suzc j 672. E PI célèbre pas Tes élégies; la comtefïed'Olon- riS , fi vantée par l'a rare beauté & le nom- bre de fes amans ; Saint-Evremond , qui protefïa depuis Vépicuréifme à Londres, où i! e it pour difciple le fameux comte de Grammont, le poète Waller , & madame de Mazarin ; laduchefîe de Bouillon Man- cini , qui fut depuis de l'école du Temple; des Yvetaux , {yoye\ Arcadiens,) M. de (''jrville, madame de la Fayette , M. le duc de la Rochefoucault, 6c plu fieurs au- tres , qui avoient formé à l'hôtel de Ram- bouillet une école de Platonifme , qu'ils abandonnèrent pour aller augmenter la fo- cL'té & écouter les leçons de 1 épicurienne. Après ces premiers épicuriens , Bernier , Chapelle & Molière dtfciples de Gaflèndi, transférèrent l'école d'Epicure de la rue des Tourneîies à Auteuiî : Bachaumont , le ba- ron de Bîot ^ dont les chanfons font fi rares & fi recherchées , &: Desbarreaux , qui fut Je maître de madame Deshouilleres dans l'art de la poéTie &: de la volupté ^ ont prin- cipalement illuflré l'école d'Autcuil. L'école de Neuilîy fuccéda à celle d' Au- teuiî : elle fut tenue , pendant le peu de temps qu'elle dura , par Chapelle & MM. Sonxiings ; mais à peine fut-elle inftituée , qu'elle fe fondit dans lécole d'Anet & du Temple. Que de noms célèbres nous font offerts dans cette dernière! Chapelle & fon dilci- ple Chaulieu , M. de Vendôme, madame de Bouillon , le chevalier de Bouillon , le m irqais de la Fare , Rondeau , MM. Son- rings , l'abbé Côurtin , Campiftron , Pala- prat , le baron de Bieteuil , père de l'illuf- tre marquife du Chkelet ; le préfiient de Mofmes , le préfi ient Ferrand , le marquis de Dangeau , le duc de Nevers, M. de Ca tînat , le comte de Fiefque , le duc de Foix ou de Randan , M. de Périgny , Renier , convive aimable, qui chantoit & s'accom- pagnoit du luth, M. de Lafteré , le duc de là FeuillaJe , &c. cette école efî: la même que celle de St. Maur ou de madame la ducheiîe. L'école de Seaux raffembla tout ce qui reftoit de ces fecrateurs du luxe , de l'élé- gance , de la politeîle , de la philofophie , des vertus , des lettres & de la volupté > & elle eut encore le cardinal de Polignac , qui EPI la fréquentoit plus par goût pour les difei- ples & Epi cure , que pour la doctrine de leur maître , Hamilton, Saint Aulaire , l'abbé Gênet , Malefieu , la Motte, M. de Fonte- nelle, M. de Voltaire, plufieurs académi- ciens , & quelques femmes illuft res par leur efprit ; d'où l'on voit qu'en quelque lieu & en quelque temps que ce foit , la feCte épicurienne n'a jamais eu plus d'éclat qu'en France, & fur-tout pendant le fiecle dernier. Voye\Bruckery GuJJendi r Lucre- ce , &c. EPIC YCLE , f. m. en Aflronbmi c , cercle dont le centre eft dans 1 : circonférence d'un autre cercle , qui eft cenfé le porter en quel- que manière. Ce mot eft formé des mots grecs , sV/, fuprà j fur, & de k-'kkoç , cercle, comme fi 1 on difoir cercle fur cercle. De même que les an iens aftronomes ont inventé un cercle excentrique pour ex- pliquer les irrégularités apparentes du mou- vement de planètes, &: leur différente dif- tance de la terre, ils ont auiii inventé un petit cercle pour expliquer les ftations & | les rétrogradations des planètes. Ce cercle, qu'ils appellent épicycle , a fon centre dans la circonférence du plus grand , qui eft l'ex- centrique de la planète. Voye\ ENCENTRI- QUE. C'eft dans cet excentrique que fe meut le centre de cet épicycle , lequel emporte avec lui la planète , dont le centre fe meut régulièrement dans la citeonférence de 1Y- pi cycle, fuivant l'ordre des lignes , lorfqu'el- le eft dans 1 1 partie inférieure de Y épicycle , & contre l'ordre des fignes, loifqu'elle eft dans la partie fupérieure. Le point le plus haut de X épicycle s'appel- le apogée y & le point le plus bas s'appelle périgée. Voye\ A ?OG É E & P^RI G ÉE. Quoique les phénomènes des ftations & rétrogradations des planètes s'expliquent d'une manière bien plus naturelle dans le fyftème de Copernic , on ne peut disconve- nir que fa manière dont Pcolomée les a fau- vées ne foit ingénieufe ; c'eft apparemment pour cette raifon que M. Godin , dans un mémoire imprime parmi ceux de l'Acadé- mie , en 1733 , acherché à développer cette théorie, & à donner les loix du mouvement apparent des planètes dans les épicycles. Lorfqu'on E P ï Lorfqu'on ne cherche qu'à connoître les apparences & à conftruire des tables , il importe peu , dit l'hiftorien de l'Acadé- mie , quelle hypothefe on choififîè , pourvu que cette hypothefe les fauve toutes , & que ces tables les repréfentent. De plus , les fatellites de Jupiter & de Saturne , ont par rapport à nous , des apparences de mouve- mens femblables à celles que doivent avoir les planètes dans le fyftême de Ptolomée : la Terre & la Lune , vues du Soleil ou de quelque autre point du fyllême folaire , font auffi dans le même cas ; c'efl pourquoi la théorie dont il s'agit peut être de quelque utilité. D'ailleurs M. Godin l'a donnée d'une manière beaucoup plus fimple que n'ont fait jufqu'ici tous les Aftronomes : il n'a befoin pour cela que des deux fuppofi- tions fuivantes ; i°. la direction apparente d'un corps qui décrit un cercle , eft à cha- que inftant la tangente au point du cercle qu'il décrit dans cet inftant ; z°. un corps mu par deux forces , dont les directions font angle entr'elles , ou paroiflent faire angle , décrira ou paroîtra décrire la dia- gonale d'un parallélogramme formé fur ces directions. Le grand cercle , dans la circonférence duquel V épicycle eft fitué , s'appelle auffi le déférent de Vépicycle. Voye\ DÉFÉRENT. Riccioli , quoique ennemi déclaré du mouvement de la terre , n'a jamais pu faire de tables aftronomiques qui s'accordafTent tant-foit-peu avec les obfervations , fans fuppofer ce mouvement de la terre , quoi- qu'il appellât à fon fecours , d'une manière un peu forcée , les épicycles variables , fu- jets à des augmentations & à des décroifîè- mens perpétuels , & différemment inclinés àVtclipùque. V. Copernic, Station, Rétrogradation , ùc Quoique les épicycles des planètes , ima- ginés par Ptolomée , foient aujourd'hui en- tièrement bannis de l'Aftronomie , cepen- dant quelques aflronomes modernes s'en font fervis pour expliquer les irrégularités du mouvement de la Lune , mais avec cette différence , qu'ils n'ont pas prétendu que la lune parcourût en effet la circonférence d'un épicycle , comme Ptolomée prérëndoit que les planètes la parcouroient : ils ont feulement dit que les inégalités apparentes Tome XII. E P I 675 du mouvement de la Lune étoient les mê- mes que fi cette planète fe mouvoit dans un épicycle. M. Machin , dans un ouvrage fort court qui a pour titre , the laws ofmoon's motion , les loix du mouvement delà Lune , fait mouvoir la Lune dans une ellipfe dont le petit axe eft la moitié du grand : tandis que le centre de cette ellipfe décrit d'un mouvement uniforme un cercle autour de la Terre , la Lune fe meut dans l'eliipfc , de manière qu'elle y parcourt des aires propor- tionnelles aux temps. Mais M. Clairaut, dans un mémoire imprimé parmi ceux de l'académie , en 174.3 » Soutient que M. Ma- chin fe trompe , & qu'on ne peut expliquer par cette fuppofition les mouvemens de la Lune. M. Halley a fuppofé que la lune fe mouvoit dans une ellipfe , & que le centre de cette ellipfe étoit dans un épicycle dont le centre fe mouvoit uniformément autour de la terre : il a déduit de ce mouvement les inégalités qu'on obferve dans la vîteflè de l'apogée , & dans l'excentricité de l'orbite de cette planète. Voye\ Lune. Voye\ auffi les Dicl. de Harris , de Chambers , & les élém. d'Aftr. de Wolf , d'où une partie de cet article eft tirée. (O) EPICYCLOÏDE , f. f. en Géométrie , ligne courbe qui eft engendrée par la révo- lution d'un point de la circonférence d'un cercle , lequel fe meut en tournant fur la partie convexe ou concave d'un autre cercle. Chaque point de la circonférence d'un cercle qui avance en droite ligne fur un plan , tandis qu'il tourne en même temps fur fon centre , décrit une cyclo'fde , ( Poye^CY- CLOÏDE ; ) & fi le cercle générateur, au lieu de fe mouvoir fur une ligne droite , fè meut fur la circonférence d'un autre cercle , ou égal ou inégal à lui , la courbe que dé- crira chacun des points de fa circonférence , ' s'appelle épicycloïde. Par exemple , fî une roue de carrofîê rou- Ioit fur la circonférence d'une autre roue , la courbe que décriroit un des clous de cette roue feroit une épicycloïde. Si le mouvement progrefîif du cercle rou- lant eft plus grand que fon mouvement cir- culaire , \ épicycloïde eft nommée allongée', & accourcie s'il eft plus petit. Si le cercle générateur fe meut fur la ' Qqqq é74 E P ï convexité de la circonférence , Vépicycloïde cil nommée fupérieure & extérieure ; & s'il fe meut fur la concavité , on la nomme épi- cycloïde inférieure ou intérieure ; on appelle bafe de Vépicycloïde la partie de cercle fur laquelle fe meut le cercle générateur , tan- dis qu'il fait un tour entier. Ainfi dans les Planches de Géométrie ,fig. $8. D B efî la bafe cle Vépicycloïde ,. V ion fommet , V B fon axe , D P V la moitié de IV- picycloïde extérieure produite par la révo- lution du demi-cercle VL B , qu'on appelle cercle générateur , fur le côté convexe de la bafe D B. On trouvera dans les Tranfact. philofoph. ». 2.8. & dans les infiniment petits de M. de l'Hôpital, les démonitratiom- des prin- cipales propriétés de Vépicycloïde , fur-tout ce qui concerne les tangentes de ces. courbes , leurs rectifications & leurs quadratures. M. Nicole a aufll donné fur la rectification des épicycloïdes allongées & accourcies un ex- cellent mémoire dans le vol. de V académie de iyo8. Le volume de 1732. de la même acadé- mie renferme plufieurs écrits de MM. Ber- nou'li , de Maupertuis , Nicole , & Clai- raut , fur une autre efr>ece iï épicycloïdes ap- pellées épicycloïdes fphériques. Ces épicy- cloïdes font encore engendrées par le point de la circonférence d'un cercle qui roule fui- un autre cercle ; mais avec cette différence eue dans les épicycloïdes ordinaires le cer- cle roulant efl dans le même plan que le cer- cle fur lequel il roule ; au lieu que dans celle-ci le plan du cercle roulant fait un angle confiant avec le plan de l'autre cercle. Les épicycloïdes fphériques ont plufîeurs belles propriétés que l'on peut voir dans les mémoires dont nous venons de parler , & dont le détail feroit au-deffus de la portée du plus grand nombre de nos lecteurs. Nous nous contenterons de donner ici «n peu de mots une théorie des épicycloïdes fîmples ou ordinaires. Cette théorie con- tiendra le germe de tous les problêmes qu'on peut fe propofer fur les épicycloïdes , & facilitera le moyen d'étendre ces pro- blêmes à des épicycloïdes plus oompofées. Je fuppofè d'abord que 1 foit le rayon dn cercle roulant ou générateur , & que Vépicycloïde foit extérieure. Soit x l'arc qui E P I a roulé , r le rayon de l'autre cercle , îî eft évident qu'en prenant dans ce (hcond. cercle un arc ~ x , 6c tirant en fuite la corde de l'arc .r dans le cercle générateur, on aura un des points de Vépicycloïde. Or les angles formés par deux arcs égaux dans differens cercles , font entre eux en raifon inverfe des rayons de ces cercles. Voye{ Angle , Décru , Mesure , &c. Donc il ne s'agit que de divifer un angle en raifon de r à 1 , pour avoir un point de Vépicy- cloïde. Donc fi r eft à 1 en raifon de nombre à nombre , Vépicycloïde fera une courbe géométrique , puisqu'on peut toujours di- viier un angle géométriquement en raifon de nombre à nombre. Voye^ Trisec- tion, &c. Confidérons à préfent les deux cercle comme deux polygones réguliers d'une in- finité de cotés chacun , mais dont les co- tés foient égaux , enforte que ces polygo- nes ne foient point femblables : il eft vifi- ble, i°. que l'angle de contingence du cercle générateur fera d x ; que l'angle de A se contingence de l'autre fera — ( Vcy. Po- lygone & Courbe : ) ze. que pendant le roulement où l'application d'un côté infi- niment petit du cercle générateur fur le coté correfpondant de l'autre , une des extrémi- tés de la corde de l'arc x pourra être regar- dée comme fixe,, & que l'autre décrira un. arc de cercle qui fera le petit côté de Vépi- cycloïde : 30. que la tangente de Vépicy- cloïde, (voye[ Tangente) , fera par con- féquent perpendiculaire à la corde de l'arc x dans le cercle générateur : 40. que le petit côté de Vépicycloïde fera L T ) x cord. x = ex X 2 fin. dL x ( -~ V donc l'arc total de Vépicycloïde fera- (-p)Xlx(j_cor.i)„cyctSl- nus : J°. que l'élément de l'air de Vépicy- cloïde fera égal au petit triangle (calene , dont dx eft la bafe & cord. x un des cô- tés, plus au triangle ifocele qui a cord. x pour côté , & pour bafe d x ( — ~ j x (]n. ~, Cela fe voit à l'œil par la feule infpeétion , d'une figure, Gr le premier, de ces élémens SM- EP ï «ft: l'élément du cercle , & le fécond eft dx ( r r ) z fin.~ X «y cord. a: = a: d (- — -r) ^.^)W,(^)x(_la,C,+L> ^oyeç Sincjs. Donc Taire de Y épicycloïde eft égale à l'aire du cercle , plus à l'inté- grale de la quantité précédente; intégrale ailée à trouver : voye^ Sinus , Intégral, & le traiié de M. de Bougainville le jeune. 69. L'angle que font enfemble deux côtés confécutifs de Yépicyclcï-e , fe trouvera aifément , Se tou j :>urs par la feule infpec- tion d'une figure fort {impie; car cet angle eft égal , i°. à -*; à deux angles à la bafe d'un triangle ifocele , dont l'angle du fommet eft dx-h — , c'eft-à-dire 180 — -p : donc l'angle de contingence eft — . Or le rayon ofculateur efl: égal au côté de la courbe divifé par l'angle de contingence. Voye^ Osculateur & Dé- veloppée. Donc le rayon ofculateur eft égala i(l+r,-2!!Ëi\ Si on fait r négative dans les calculs pré- cédens , on aura les propriétés de Y épicy- cloïde intérieure. Si dans les mêmes calculs on fait r = a l'infini , on aura les propriétés de la cy- cloïde ordinaire. On peut encore confidérer d'une autre minière toutes les épicycloïdes ordinaires , allongées, accourcies, fphériques, &c. Au keu de faire rouler te cercle générateur , il 11 'y a qu'à tuppofer que le centre de ce cer- cle décrive une ligne quelconque , Se qu'en même temps un point mobile le meuve fur la circonférence de ce cercle. Par le prin- cipe de la compétition des mouvemens, on aura facilement les élémens de Yépicy- clvïde;Y épicycloïde fera iimple ou ordinaire , té de la peau , & compofée au-dehors de plufieurs petites lames écailleufes d'une grande fineffe , & très-étroitement unies , mais par-tout fans apparence de tiifu fibreux ou vafculeux , excepté de petits filamens qui l'attachent aux mamelons. Cette fùbftance eft ferrée , quoique fufceptible de EPI 679 que .que gonflement ou épaiffiffement , comme la fimple macération dans l'eau commune , & les cloches ou ampoules qui s'élèvent fur la peau par des véficatoires , par la brûlure ou autrement , le font allez voir ; de forte qu'à cet égard Vépiderme pa- ro:t être une efpece de tiffu fpongieux ; il prête confidérablemcnt dans les enflures , mais il n'y réfifte pas toujours. Les artouchemens durs & réitérés déta- chent Vépiderme plus ou moins impercepti- blement , &auiïï-tôt il renaît une nouvelle couche qui fouleve la première, & à laquelle en pareil cas il arrive un pareil détache- ment par la naifîànce d'une troifieme cou- che nouvelle. C'eft à-peu- près de cette manière que fe forment les caliofités aux pies , aux mains & aux genoux , & qu'arrive la pluralité des lames ou couches que quelques anatomiftes ont prifes pour être naturelles. En effet , les caliofités ne font autre chofe que des couches de plufieurs épidermes ; ma;s pour que ces caliofités fe forment , il ne faut pas que Vépiderme fe fépare entière- ment , car alors la matière de la tranfpira- tion ou de la fueur s'éleveroit en véficuies ; c'eft ce qui arrive dans les brûlures. Vcye^ Callosité , Brûlure. 5°. Ses trous ou pores. Ils donnent paflage aux poils , aux liqueurs du dehors en-de- dans ; à celles du dedans en-dehors , telles que font les exhalaifons de la tranfpiration cv de la fueur. Cependant les petits trous ou pores par où s'échappe la fueur , étant bien examinés, il femble que Vépiderme s'y infi- nue pour achever les tuyaux excrétoires des glandes cutanées. Les niches ou follettes des poils font garnies des allongemens de Vépiderme , & les poils même en paroiflent recevoir une efpece d'écorce : les canaux prefqu'imperceptibles des pores cutanés en font encore intérieurement revêtus. En ef- fet , au moyen d'une longue macération de la peau , on en peut détacher avec Vépider- me tous ces allongemens , de façon qu'ils entraînent les poils, leurs racines , & même les glandes axillaires. On pourroit expliquer par cette remar- que , comment les cloches ou empoulesqui s'élèvent fur ia peau , reftent gonflées pen- dant un temps confidérable , fans laiffer la 6Kp EPI fcrolîté extravaiee échapper par les trous , qui doivent être agrandis par la diir.ra6t.ion ëc l'extenfîon de Yépiderme foulevé. Lorf- qu'il fe détache ainfî du corps de la peau , il arrache quelquefois des portions de ces petits tuyaux cutanés , qui fe plifîènt ôc bouchent les pores de Yépiderme foulevé , à- peu-près comme les tuyaux des ballons à jouer. Ne feroit-ce point ces petites portions de Yépiderme détaché , que quelques anato- imftes ont prifes pour des valvules des tuyaux cutanés 6°. Son épaijfeur différente en diverfes parties du corps. L'épidémie eft fort épais dans le creux des mains ôc aux plantes des pies , ou plutôt il y a dans ces endroits plu- sieurs couches à'épidermes les uns fur les autres ; par-tout ailleurs Yépiderme n'eft qu'un tifïu fort fin. Remarquons ici que quand quelque portion de cette toile fè dé- tache de la peau , cette portion devient alors plus épaifïè , comme on le voit dans la cuticule des veilles , & dans celle qui fè fépare des bords des ulcères ou des plaies. 7°. Ses filions plus ou moins confïdéra- bles en différentes parties du corps. On les remarque fur-tout à la paume des mains ôc au bout des doigts , où ils fe manifeftent en lignes fpirales. Ils défendent peut-être les vaifTeaux excrétoires qui font dans leurs cavités. Quoi qu'il en fbit comme Yépi- derme eft intimement appliqué à la fuper- ficie de la peau , il n'eft pas étonnant qu'il en prenne la forme , ôc qu'il foit marqué comme elle des mêmes plis , des mêmes rides , des mêmes filions ôc des mêmes lofànges. 8°. Son infenfibilité. On n'y apperçoit point non plus de vaiflèaux , & Ruyfch n'a jamais pu en découvrir par fes inje6tions les plus fubtiles : de-là vient qu'il ne coule point de fang quand Yépiderme eft blefle. Cepen- dant il eft naturellement fî fouple , qu'il permet aux corps tangibles de communi- quer iumTam ment leur imprefïïon aux houp- pes nerveufes fituées au-defîous. 9°. Son incorruptibilité , il je puis parler ainfî : du moins Yépiderme eft la partie de tout le corps la moins expofée à la corrup- tion , & la moins fujette à être rongée. Dans les abcès le pus n'a guère d'autre action fur Yépiderme , que de le féparer de la peau , ôc E P I de le déchirer ; mais il ne le difTôut pas. Dans la gangrené Ôc le fphacele Yépiderme le conferve entier , tandis que toutes les parties qu'il [recouvre tombent en pourritu- re. Il ne permet pas même à la pierre in- fernale de le pénétrer , &c de détruire les parties qu'il couvre , fans avoir été divifé le premier. Ces effets viennent-ils de ce qu'il n'a point de vaifTeaux qui lui foient propres , ôc de ce qu'il ne reçoit point la liqueur î io°. . Sa couleur. 'Uépiderme eft générale- ment blanc , du moins les recherches exac- tes ont tait voir qu'il change peu chez les divers peuples , ôc qu'il conferve prefque dans tous là couleur blanche. Je dis qu'il conferve prefque dans tous fa couleur blan- che , parce qu'on a obfervé que dans les Nè- gres il n'eft point aufli blanc que dans les peuples de nos climats ; mais il eft d'une couleur de corne brûlée , c'eft-à-dire jaunâ- tre. Ainfî la couleur de Yépiderme ne déter- mine point abfblument celle de la peau , mais plutôt celle du corps muqueux fîtué au-defîôus. Cela n'empêche pas que Y épi- derme qui recouvre immédiatement le corps réticulaire , ne rende le teint plus ou moins délicat , félon qu'il eft plus ou moins épais. ii°. Son ufage: le voici. Uépiderm? fert à maintenir les pinceaux ou filamcns ner- veux des mamelons dans une fîtuation égale, à les empêcher de flotter confufément. ôc à modifier l'imprefîîon des objets , qui auraient été douloureux , fi cette imprefïïon s'étoit faite immédiatement fur les papilles nerveufes de la peau. D'un autre côté , le tact particulier , auffi- bien que le toucher en général , eft plus ou moins exquis , fdon la fineflè ou l'épaiflèur de Yépiderme , dont la callofîté affoiblit , ÔC même fait perdre l'un ôc l'autre. Un autre ufage de Yépiderme y eft de ré- gler les évacuations cutanées ; je veux dire Celles de la fueur , ôc de la tranfpiration inlen- fible qui eft la plus confîdérable. Il fert vrai- fembiablement à rétrécir les vaifTeaux cu- tanés , parce qu'il en forme les extrémités. En effet , nous remarquons que toutes les fois qu'il eft enlevé , ces vaiflèaux laiflènt, échapper les liqueurs qu'ils contiennent , en plus grande abondance que de coutume. Enfin e p r Enfin , comme Yepiderme rend là furface de la peau égale & polie , il contribue ex- trêmement à la beauté de cette partie , car plus la cuticule eft mince & diaphane, plus le teint eft brillant & délicat. Au lurplus Yepiderme mérite fort l'examen & les recherches des Phyfîologiftes ,* car ou- tre que fa ftrucîure n'eft pas à beaucoup près bien connue, il a des propriétés fingu- îieres , qu'aucun auteur ne s'eft donné la peine d'approfondir jufqu'à ce jour. Je finis cet article par une remarque utile aux Accoucheurs. Comme les enfans naif- fent rarement fans épiderme y comme cette toile ne doit point fon origine a la conden- iàtion de l'air , j'avoue que lorfqu'elle fe dé- tache du corps des enfans avant leur naif- iance , dans les parties par lefquelles ils fe préfentent , on a lieu de craindre pour leurs jours , & de foupçonner qu'ils foient déjà morts dans l'utérus ; cependant il ne faut pas regarder le détachement de Yepiderme pour un figne certain de la mort de l'en- fant , l'expérience a fouvent juftifié la fauf- feté d'un pareil jugement , & l'erreur de ceux qui ï'avoient prononcé : on en trou- vera la preuve dans les obfervateurSi M. Saviard , qui en particulier a eu tant d'oc- cafions de s'éclairer fur ce fujet , en fa qua- lité de chirurgien-accoucheur de l'Hôrel- Dieu de Paris , nous affaire qu'il a vu plu- fieurs enfans dont Yepiderme s'enlevoit avant leur naifïance ; lefquels enfans font toute- fois venus au monde bien-vivans , & on' vécu depuis aufïi long-temps que fon âge lui a permis d'en être le témoin. Les fignes de la virginité des filles , de la groflèfle des mères , de leur accouchement prochain, de la vie ou de la mort des enfans qu'elles portent, font quatre points qui demandent Y- e poche des Grecs , ou le non-lïquet des La- tins. C'eft-là le doute r ai fon nabi e qui diftin- gue le phyficien éclairé , mod eft e , & par con- fisquent toujours retenu dans fes dédiions, du dogmatique ignorant , hardi & prefomt - tueux. Art. de M. DE J AU COURT. EPÏDIDYME , Y.m.-en Anatomie , nom de deux corps variqueux fitués fur la partie fiipérieure des tefticules , dont ils femblent proprement être une parrie , u oique dif- fé-ens du refteen forme & en onfiftance. Voye\ Testicule.. Tome. XII. E P I 68t Ce mot eft formé du grec «rî , & d© filvfjiof y jumeau , tefticule. Les épididymes , de même que les tefti- cules , font compofés de- la circonvolution ' des tuyaux féminaires mêlés avec les vaif- feaux fànguins ; ils différent feulement en' ce que dans les épididymes les tuyaux fémi-' naires font réunis en un feul^ dont les dif- férentes circonvolutions font plus ferme- ment liées enfemble par une forte meirw brane de la tunique albuginée ; ce qui le? rend plus compactes au toucher que les tefticulcs. Voye\ SEMENCE , SPERMA- TIQUE , &c. Les épididymes & les teflicules font" renfermés dans trois membranes qui leur fontprepres. La première vient du mufcle. cremafler , la féconde eft appelles la virgi- nale y & la troisième Y albuginée. Vbye% chacune des ces membranes fous leur article particulier. Ckambers . ( L ) La beauté de la ftrudure de cette partie mérite un détail. On ne peut pas féparer fà defeription de celle des vaiffeaux féminaux qui naiifent dey- tefticulcs. Le tefticule de l'homme & du quadru- pède eft compofé d'une pulpe molle-, qut eft feparée en lobes par un très-grand nom- bre de cloifons cellulaires , produites par l'albuginée , & qui amènent à la ligne blanche les vaifîèaux rouges artériels & vei-'- neux , qui viennent des intervalles des lobes. Toutes ces cloifons fe réunifient dans une ligne blanche qui répond à toute la longueur de Ye'pididyme , & dont la nature eft celluleufe. Il n'y a aucune apparence de glandes dans la pulpe , dont le tefticule eft compo- sé : quand on la trempe dans l'eau , elle fe refour en filets jaunâtres , naturellement -•opliés comme desferpens, & ramaiTés par une cellulofité fine ; mais qui s'étendent dans l'eau & deviennent très-longs. On a âché d'en efîimer la longueur ; on l'a cal-- culee à 4800 fois la longueur du tefticule, & même à 52°8 pies. Ils font très-fins* cylindriques», cependant épais-, avec une ■ rès-petite lumière , & il y va des vaifîèaux rouges. Nous avons réufli à remplir une partie de ces filets avec du mercure , 6c il R-r-r x 68î EPI n'eft pas douteux qu'ils ne foient tous des tuyaux. Il paroît que chaque lobe du tefticule produit un petit tronc qui accompagne la cloii'on & qui fe rend dans cette ligne blan- che & cellulaire que* nous avons indiquée : il n'eft cependant pas certain que ce tronc toit unique. La ligne blanche qui règne le long du bord externe du tefticule , a été regardée comme le conduit excrétoire du tefticule , iur-tout par Aubry & Léal , car Highmore n'en avoit pas parlé aufli affirmativement Swammerdam a entrevu la vérité : il trou- voit plulieurs cavités dans ce corps de Highmore , comme on l'a appelle en déro- geant aux droits de Riolan , ion véritable inventeur. Degraaf a plus vu encore que fon émule : il a fait defliner un nombre de vaifieaux parallèles , qui fe continuent avec les vaiffeauxefFérens des tefticules. M. de Haller a reconnu à la fin par l'in- jeélion du mercure , qu'un réfeau de vail- fèaux efl placé dans cette ligne cellulaire ; que ce font les petits vaifîeaux féminaux , fournis par les lobes des tefticules , & qui s'unilfent par des anaftomoles pour monter vers la tête de Yépididyme. Ces vaifieaux font très-délicats , mais plus gros que ne l'eftle tuyfu de Yépididyme. On les inje&e par le canal déférent , en y employant un vuide artificiel , que l'on fe procure en fer- rant le canr.l avec deux doigts approchés , dont l'un fait defeendre l'air en tenant le canal fortement ferré. Après avoir produit un vuide dans l'elpace d'un pouce . on ou- vre le doigt fupérieur , &c l'argent vif def- cend avec rapidité dans le vuide : on le ' force , en répétant cette manœuvre , de remplir Yépididyme & le réfeau du tefticule. Il faut avouer que cette manœuvre eft un peu lente & difficile ; & qu'on n'évite guè- re de rompre quelqu'un des vaifTeaux du réfeau & d'extravafer du mercure dans la cellulofité. D'autres anatomiftes fe font fer- vis de la preffion d'une colonne fort haute de mercure , & même de la prefllon de l'atmofphere , en plaçant le tefticule dans le vuide & en expofant le tuyau à l'air. Le réfeau fe termine par des cônes vaf- culeux, afTez reflèmblans à des queues de perruques d'état , qui fortent de la partie E P I fupérieure du cul de fac , compris entre le tefticule & Yépididyme y & qui montent pour compofer la tête de cet épididyme. Il y a entre trente & quarante de ces cônes : chacun eft compofé d'un feul vaifTeau plus gros que celui dont eft compofé Yépidi- dyme & replié fur' lui-même , & qui forme un cône dont la bafe eft à ce réfeau , & la pointe au commencement de Yépididyme, Il n'eft pas impofîible de remplir tous ces cônes de mercure : le plus fouvent cepen- dant on n'en remplit qu'une partie. Tous ces trente ou quarante vaifieaux fe réunifient dans la tête de Yépididyme pour n'en faire qu'un feul- Il eft aifé de dé- velopper le paquet immenfe de Yépididyme 9 & de le réduire y dans une certaine lon- gueur , à un feul tuyau très-étroit , afièz fer- me , mais replié fur lui-même une infinité de fois , par une fine cellulofité. Il fe forme par ces replis multipliés un corps un peu comprimé , dont la partie fupérieure eft la plus épaifle , qui s'amincit & s'applanit vers le milieu du tefticule , & qui eft un peu plus épais à la partie infé- rieure du tefticule. Le tuyau dont il eft com- pofé eft prefié contre le bord externe & pos- térieur du tefticule de la manière dont nous l'avons décrit en parlant de la vaginale. Ce corps c'eft Yépididyme. Le canal déférent eft une continuation de Yépididyme ; il remonte le long du tef- ticule , mais intérieurement. Ses commen- cemens font encore repliés : il fe redrefie peu-après, & n'eft plus qu'un canal cylin- drique très-épais , dont la lumière eft très- fine & la fubftance compofée d'une cellu- lofité fort épaiftë. La membrane externe en eft prefque cartilagineufe. Le canal déférent remonte jufqu'à l'an- neau du bas -ventre, le pafle toujours der- rière le péritoine , &. croife le pfbas & les vaifîeaux iliaques. Nous avons dit le refte à Yarticle CANAL DÉFÉRENT. M. Monro le fils & M. Fontana ont vé- rifié & confirmé la defeription de M. de Haller , dont je viens de donner un extrait. {H.D. G.) \ * ÉPIDOLES , ad j. pris fub. ( Mythol ) Ce terme eft fait d'êT/J <<*«/*/ p augmente : c'eft ainfi qu'on appelloit les dieux qui pré- fidoient à Pacer oifîernent des enfans. E P I EPIE, adj. ( Vénerie.) Il fe dit d'un chien qui a du poil au milieu du iront , plus grand que l'autre , &,dont les pointes le ren- contrent & viennent à l'oppofite : c'eft une marque de vigueur & de force. EPIER , f. m. ( Jurifprud. ) eft un droit domanial qui ne le levé lous ce nom que dans la feule province de Flandre. Guypers , Burgunduc , & plufieurs autres jurifcon- fultes flamands , prétendent que le mot épier qu'ils rendent en latin par le terme fpicarium y vient de fpica , épi. En effet , cette explication développe très - bien la nature de cette redevance , qui confifte prefque toujours en blé , en avoine dure & molle,, quelquefois auffi en chapons, pou- les , oies ; en œufs , beurre ou fromage. Le tout le paie aujourd'hui en argent , fui- vant les évaluations du prix actuel de ces denrées. Quant à l'origine de ce droit , elle nous paroît fe rapporter à celle- que les auteurs françois attribuent communément aux droits fèigneuriaux. Sans être parfaitemnt infrruits de la véritable, forme du gouvernement des Pays-Bas dans les temps qui ont précédé le comte Baudouin , gendre de Charles le Chauve, nous favons afîèz que ces provin- ces étoient autrefois peu habitables , par la nature du terrain marécageux , fauvage , couvert de vafîes forêts ; & de-là le nom de foreftiers.) dont plufieurs hiftoriens ont gratifié, fans preuve les premiers fouverains delà Flandre,. La face a&uelle de ces mêmes provins ces, où les terres font aujourd'hui culti- vées avec le plus grand fuccès , où les villes multipliées à l'infini , font peuplées de ci- toyens qui ne refpirent que. le travail ; ce coup-d'œil , difons-nous , ne permet pas de douter que les premiers princes qui les ont gouvernées ,. n'aient donné toute leur attention à l'agriculture. Mais pour animer & fortifier le zèle de leurs vafïàux & fujcts , il a fallu leur accorder la propriété des ter- res qu'ils défricheroient , en fè réfervant feulement une légère reconnoiflànce. pour marque de la fbuveraineté.. Des mémoires particuliers afïurent que Gharlemagne avoit chargé les terres de la Flandre de la redevance de Y épier y par un étiit, donné, en l'an 709, dont on prétend EPI *8 3 que roriginrJ fe trouve dans les archives de l'abbaye de S. Winocq à Bergues. Quoi qu'il en foit , il paroît que cette redevance ayant été impofée fur toutes les terres du pays , différens chefs de famille , curieux d'en affranchir la plus grande par- tie de leurs biens , avoient afiigné & hy- pothéqué fur la moindre portion la recon- noifîance de Y épier. Les temps ont amené fucceflïvement de nouveaux propriétaires. Ceux-ci en ont formé d'autres , & par eux-mêmes, & parles alliances. Les biens de différentes maifons fe font mêlés ; une nouvelle fucceflion les a rendus à d'autres , & les a fubdivhes. Tous ces changemens ont fer vi à confondre l'héritage du premier- mort; enforte que les receveurs de Y épier- s'étant uniquement attachés à Paffignation fpéciaîe , perdirent de vue l'hypothèque- générale.. Ces moindres parties hypothé- quées fpéciaîèment v ayant été dans la- fuite furchargées de nouvelles tailles & importions ; les propriétaires voyant que le revenu ne fufîïïoit pas pour acquitter ces charges , voulurent les abandonner , fans, faire attention qu'elles payoient un impôt aiîigné. originairement fur la totalité éclip — fee- La difficulté de trouver les terres qui: avoient fait partie de cette totalité , ainfi que les pofîèffêurs ou; détenteurs , ne caufoit pas un médiocre embarras ; elie donnoit lieu à une infinité de procès éga- lement onéreux au fouverain ôc.aux parti- culiers. < -Ce fut pour y mettre fin que les archi- ducs Albert & IfabelLe rendirent le placard du 13 juillet 1602 , par lequel ils ordon- nèrent aux receveurs de faire de nouveaux regiflres , & aux redevables de fournir le dénombrement des reconnoifTances par eux dues; leur permettant d'hypothéquer spé- cialement telles parties de terres qu'ils ju- geraient à-propos , & généralement kurs .perfonnes ou leurs autres biens. Voyefô ar- ticle 6 de ce placard. . Et par les articles $9", 60 , 61 , 62. & autres , il eft dit que les rentes de Y épier de Flandre feront payables folidairement par Yhofman , où il y a hof manie ; & où il n'y en a pas , par le chefde la communauté , ou ,par les plus grands tenanciers , fauf leur Rrr.r 2... rf«4 E P I recours contre leurs co- détenteurs. On voit par-là que l'hypothèque générale a été rétablie fur toutes les terres , fans que le ibuverain ait même voulu s'aftreindre à taire la difcuflîon de la fpéciale. Il s'eff encore allez récemment élevé des conteftations à ce fujet ; mais les particu- liers qui les ont formées ont été condamnés par différentes fèntences du bureau des finances de Lille , & entr'autres par celles des 6 août 172.2 , 12 août 1723 , 2 dé- cembre 1724. M. Meliand intendant de la province, a rendu fes ordonnances des 8 avril & 25 octobre 1726 , fur les mêmes principes ; & M. de la Grandeville fon fuc- ceiîeur les a fuivies dans une ordonnance du 3 novembre 1732 , par laquelle c« magiftrat enjoint aux hofmans de la châ- tellenie de Bergues de rapporter entre les mains du receveur de ¥ épier, les rôles des terres & des noms des tenanciers ; & aux greffiers de donner une déclaration des terres chargées de cette redevance. Voye\ HOFMAN. M. de Ghewiet auteur des inftitutions au droit belgique , imprimées à Lille en 1736 , partie II. titre ij § 3. attefte que les redevances de Y épier fe lèvent à Gand, Bruges , Ypres , Dixmule , Ruremonde , Courtray , Aloft , Harlebcck , Furnes , Bergues-Saint-NVmocq , Mont-CaiTèl , & Geertrudenbergh. Une partie de ces ren- tes a été engagée ou aliénée en vertu des édits qui ont ordonné l'aliénation des rentes albergues. KqyqRENTES ALBERGUES. Il y a des receveurs de f 'épier } dont les offices font érigés en fiefs relevans directement du ibuverain ; il y en a d'autres établis par com- miffion. Art. de M. DE LA Motte~ Con FLANS , avocat au parlement. EPIERRER , verb. aft. ( Jardinage. ) C'efl après avoir effondré un terrain , paf- fer les terres à la groffe claie pour en ôter ".s pierres , & enluite les palier au râteau fm.jK) * EPIEU , f. m. ( Chaffè. ) arme faite d'un long morceau de bois garni à l'une de fes extrémités d'un fer large & pointu : le bois s'appelloit la hampe. On s'en fervoit beaucoup dans les temps où l'on fe piquoit de faire la chaffe aux animaux les plus dan- jger-eux & les plus féroces. E P I EPIGASTRE , f. m. «T/>a qui donne , pour ainii dire , le branle à tous lesvifceres , & dont l'empire paroît s'étendre à toutes les parties du corps. Il leur communique la force fenfitive ; c'eft-à-dire la tenlion , la mobilité , l'activité , le ton qu'excitent les fenfatiens & les affections de l'ame. Mais il a une correfpondance plus parti- culière avec les membranes du cerveau ; l'auteur en allègue pour preuve différentes obfèrvations pratiques : il s'appuie fur des faits anatomiques : il cite en fa faveur une remarque de M. Petit , qui mettoit dans la région épigaftrique l'origine du nerf inter- coffal ( mém. de Vacad. des Scienc. 1727 ;) mais fans recourir à des expériences con- teftées , il auroit pu aufîi fe prévaloir de la quantité prodigieufè de nerfs qui fè diflri- buent au diaphragme , enforte qu'il com- munique par leur moyen avec tous les vif- ceres. E P ï D'ailleurs l'auteur remarque avec raifort , qu'on peut regarder cet organe comme le vrai centre du fyffême nerveux & aponé- v rôti que ; Ton tilîu , fa fituation , fa mo- bilité ? &n union avec le péricarde, fa •comrn unication fenfible avec la plèvre & le péritoine , & par le moyen de ces deux membranes qui enveloppent tous les vifce- res du tronc avec tout le genre aponjyro- ef- onev t tique ; fon adion , principalement romac & fur les inteftins , dont l'auteur croit qu'il détermine le mouvement périital- tique ; enfin l'étendue de ies productions , qu'Albinus a pourfuivies plus loin que per- fonne , & qui vont peut-être beaucoup au- delà; tout cela paroît confpirer à rendre cet organe propre à exercer une réciproca- tion avec toutes les parties , & fur-tout avec le fyfteme aponévrotique , qui enve- ioppe & pénètre toutes les parties du corps. L'auteur ajoute que cette réciprocation du diaphragme eu confidérablement exci- tée par les différentes fenfations que nous font éprouver nos befoins fuccefïifs , & par l'inquiétude avec laquelle nous cherchons à y pourvoir. Tous les Médecins favent , dit-il encore , que la plupart des malades qui meurent d'une gangrené dans quelque partie infé- rieure au diaphragme, fentent très-dif- tindement & par intervalles , comme une mafle qui monte peu à peu ; &: dès que ce poids elî parvenu à la région épigaftrique , îe malade tombe dans une fyncope qui ei\ bientôt fuivie de la mort. On peut trouver plufieurs exemples des cas approchans dans les anciens médecins. Hippocrate dit dans les prénotions de Cos y que les plaies du dia- phragme font toujours mortelles. Les épi— leptiques fentent quelquefois à l'approche de l'accès , des vapeurs qui s'élèvent peu à peu des extrémités inférieures ; & ils per- dent connoifïânce dès qu'elles font arrivées à la région du diaphragme , comme Galien l'a obfervé , de loc. affecl lib. III. Vanhelmont eft rempli d'obfervations femblables. Il rapporte dans fon traité du jiege de Vame y qu'un écolier & un cocher étoient morts lubirement d'un coup qu'ils avoient reçu vers l'orifice fupérieur de l'ef- tornac : il obferve aufîi que les goutteux fentent les approches de l'accès par une EPI fur la Région Epigajlrique. Nous voyons avec peine que l'auteur de l'article qu'on vient de lire, ait donné fa confiance à une hypothefè qui l'éloigné de toute maxime de l'évidence. Il a pré- féré par-tout à la lumière de l'anatomie des inférences éloignées , qu'il a cru pou- voir tirer de quelques obfervations clini- ques , & qui n'étant pas fujettes aux fens , peuvent être expliquées de cent manières différentes. Le refped dû au vrai nous oblige dans un ouvrage qui doit parler à la poftérité , de faire fur ces forces épigafiriques quel- ques obfervations. On parle de forces organiques ; terme obfcur , qui , réduit à être intelligible , ne peut lignifier que les caufes mouvantes du corps humain. Ce font les différentes forces contradives des mufcles ; la force avec laquelle opère Pefprir animal , & la force encore plus inconnue de l'ame. L'ame n'agit point par le moyen du diaphragme : elle a bien certainement fa réiidence dans l'encéphale , dont les com- prenions & les bleflures mènent à la fb- peur & au délire. Les maladies les plus cruelles du diaphragme n'afFecfent point l'ame & ne caufent point de délire ; & Iç 6%6 EPI ris fardonique n'efl point un fymptome de (es blefiùres. Nous n'oublierons jamais h mort d'un médecin trcs-favant & très- défmtéreffé , dont l'extrême moderne ëtoit l'unique défaut : il étoit affecté d'une pro- fonde mélancolie , fuite d'une pallion malheureufe : il fut attaqué d'une fièvre avec des étoufFemens ; il vouloit mourir ; il y réuffit en négligeant tous les fecours ; il ne perdit pas un moment fa tranquil- lité & fa liberté d'efprit : on l'ouvrit , on trouva un abcès très-confidérable au dia- phragme. Les forces contradives font de diffé- rentes efpcces ; mais les contractions len- tes du tiffu cellulaire , & les contractions vives de la fibre mufculaire , n'ont rien qui n'appartienne en propre à ces parties mêmes. Ces forces exiflent également dans les parties les plus éloignées du diaphragme , & dans les animaux qui font deflitués de ce roufcle. La force nerveufe part du cerveau & de la moelle de l'épine: le diaphragme la re- çoit & ne produit point de nerfs. Il en a befoin comme tout autre mufcle : il a (es nerfs fupérieurs & inférieurs ; mais on ne peut pas dire qu'il en ait une proportion fupérieure : l'œil & la langue en ont bien davantage. Les expériences du nerf phré- nique ( voye\cf-*devant DIAPHRAGME ,) prouvent évidemment que ce neri régit le diaphragme ; qu'il lui donne le mouve- ment, & qu'il le lui ôte quand il efl com- primé lui - même. Le diaphragme immo- bile eft livré à la mort ; l'irritation du nerf le rappelle à la vie. Mais aucune expé- rience ne donne le moindre foupçon d'une adion que le diaphragme exerceroit fur les nerfs. C'efl abufer certainement de la facilité du public , que de citer ici l'excellent homme M. Périt , le père. Cet anatomiile a cru que le nerf intercoflal naît dans la moelle de l'épine , & va fe joindre au nerf de la fixieme paire; il n'a .jamais penfé à le tirer du diaphragme , ni- de l'épigaflre. en particulier. Le diaphragme n'a aucune liaifbn avec les méninges : il ne produit pas le mouve- ment périflaltique , qui fubfiile fans lui , qu\ réfide évidemment, dans les inteilins E P I eux-mêmes , &: qui continue avec viva- cité dans les inteilins arrachés du corps de l'animal. Si le diaphragme étoit la caufe du mouvement périflaltique , ce mouve-- ment dépendront de la volonté ; mais c'efl en vain qu'un homme conflipé fait jouer fbn diaphragme ; (es infpirations les plus fortes ne produifent rien , de? que le redum n'agit pas lui-même , ou que la veffie efl. paralytique. Aucun fyflême aponévrotique ne pénè- tre toutes les parties du corps animal. L'au- teur de l'hypothefe abufe d'un terme qui ne convient point au tiffu cellulaire , auquel il l'applique. Les plaies du diaphragme ne font point- mortelles : les fartes de fanatomie font remplis d'exemples, où des inteilins & l'el-- tomac font remontés par une bleffure du diaphragme dans la cavité de la poitrine , où la plaie s'efl cicatrifée , & où long- temps après , la diiîedion a découvert cet déplacement. L'épilepfie remonte , mais elle ne fait, tomber que loriqu'elle affede la tête. L'eflomac a effectivement des nerfs très-, nombreux; il eff d'une fenfibUité exquife. On produit un fentiment très-particulier , en grattant la peau à. l'endroit qui répond, à l'eflomac ; mais cç[tc, partie efl très-dif*.. tinde du diaphragme. Nous voyons avec peine les médecins abandonner l'évidence que leur offrent les fens., pour s'égarer dans des théories , qui ne font: fondées que fur des probabilités, (H.n.G.) EPIGENEME, f. m. {Médecine.) ce terme efl tiré d'«~*>ï/i <>.'>«.' , fupen-enio , 'û fignifie un fymptome, qui, dans.une ma-- ladie avancée dans fon cours, furvient & fe joint aux fymptomes qui étoient déjà établis; c'efl la même chofe qu' e'pip h e'no-- mêne. Voye\ EPIFHENOMENE. (d) ^ EPIGEONNER , v. ad. {Maçonnerie.) c'efl employer le plâtre un peu ferré , fans le plaquer ni le jeter, mais en le levant doucement avec, là main &ç la truelle par pigeons ,- c'efl-à-dire par poignées , comme lorfqu'on fait- les tuyaux & languettes de cheminée qui font de plâtre pur. *EPIGIES, f. m. pi. (Mythol.) ou nymphes de la terre.. Il y avoit aufll les EPI nymphes uranies ou du ciel. Epîgle efl formé de « , terre. EPIGLOTTE, f. f. kTriyhorTti , en Anatomie y la couverture ou le couvercle du laryns. Voye\ LARYNX. Ce mot efl formé de l-sri ,/tfr } & yKorira, ou bien yKorja. , langue. L'epiglotte eft un cartilage mince , mo- bile , de la forme d'une feuille de lierre ou d'une petite langue , & qu'on appelle en conféquence lingula. Il fert à couvrir la fente du larynx , qu'on appelle glotte. Voye\ GLOTTE & VOIX. Galien croit que Yepiglotte efl: le princi- pal organe de la voix, & qu'elle fert à la varier , à la moduler , & à la rendre har- monieufe. Sa bafe qui efl: afTez large , efl: fituée dans la partie fupérieure du cartilage fcutiforme, & fa partie large & mince eft tournée vers le palais ; elle ne fe ferme que par la pefanteur des morceaux qu'on avale , mais ce n'efl pas fi exactement que quelque goutte de la boiflbn ne fe four- voie quelquefois , & n'entre dans la tra- chée-artere. Voy. TRACHÉE , LARYNX, Voix. (L) Ce cartilage , quoiqu'ataché au larynx , n'a rien de commun avec la voix : il n'eft prépofé qu'à la déglutition, & pour empê- cher l'entrée des alimens dans la trachée. Aufli , les oifeaux , feuls chantres de la na- ture, font-ils deftitués de cette partie, qui eft propre aux quadrupèdes à fang chaud , même à ceux de la claife cetacée. Le cartilage thyroïde , ou le bouclier , fait en-devant un angle plan , dont la par- tie fupérieure a une échancrure au milieu des deux plans quarrés du cartilage. C'eit de la face cave de cet angle , un peu au- defïbus de l'échancrure , que s'élève un li- gament robufle , qui foutient le pié carti- lagineux de Yepiglotte , étroit , applati , & filloné de trois lignes tranfverfales. Ce pié foutient lui-même un cartilage mince, fait en cuiller , qui monte perpen- diculairement derrière la luette & la lan- gue , qui efl: concave du côté de la lan- gue, & convexe contre le larynx : fa pointe cependant fe recourbe le plus fouvent en-devant : la figure en efl ovale , c'efî Yepiglotte. Elle efl toute criblée de trous : le pié EPI 6g7 même en efî percé , auffi-bien que la partie la plus voifine. Il y a même dans toute IV- piglotte des trous & des fentes pénétrantes , irrégulieres , remplies de caroncules rou- ges , qui pénètrent de la face convexe à la face concave. L'epi glotte , n'étant appuyée que fur un ligament , efl extrêmement mobile , & s'in- cline naturellement contre le larynx , quand celui-ci s'élève; c'efl par-là qu'elle fe met à même découvrir l'entrée de la trachée dans la déglutition. Elle fe redreflé d'elle-même. Quelques fibres du thyroarithénoïdiea s'élèvent jufqu'à Yepiglotte , & peuvent concourir à l'abaiflèr. Il y en a d'autres , en petit nombre , qui naifîent de la face poftérieure de l'échan- crure du cartilage thyroïde , & qui dépri- ment également Yepiglotte. D'autres beaucoup plus fenfibles dans les animaux , & à peine reconnoi fiables dans l'homme , viennent de la langue , & fe rendent au milieu du dos de Yepiglotte , & fervent à l'éloigner de l'entrée du larynx , & à ouvrir la trachée , comme dans l'ex- crétion d'un phlegme un peu volumi- neux. Un grand nombre de glandes afTez du- res , font placées fur la convexité dcYepi- glotte. Ces glandes remplirent de leurs queues les différentes fêlures de Yepiglotte , & reparoiiîènt dans la partie concave qu'elles arrofent. Elles nous paroifîênt plu- tôt un amas de glandes , qu'une glande unique. ( H. D. G. ) * EPIGONES , f. m. pi. ( Myth. ) c'efl ainfi qu'on appelle les enfans de fèpt capi- taines qui afliégerent en vain la ville de Thebes. Les épigones y dix ans après l'ex- pédition malheureufe de leurs pères , mar- chèrent contre Thebes fous la conduite d'Alcméon , vengèrent la mort de leurs parens & la honte de la première expédi- tion ; prirent Thebes ; firent un butin confidérable , & emmenèrent l'aveugle Tiréfias avec fa fille Manto , à qui ils confièrent l'adminifiration du temple de Delphes. EPlGQNIUM,{Mufiq.inftr.des anc.) Mufonius nous apprend que Pinflrument appelle epigonium avoit quarante cordes ; & d'accord avec Athénée , il en attribua 688 EPI l'invention àEpigonus d'Ambracîe, grand muficien , & qui le premier toucha des inf- trumens a cordes fans pleclrum. Lamufique a de grandes obligations a cet Epigonus ; car , au rapport d'Athénée , il imagina le premier d'unir le chant des flûtes à celui des cithares; & ôta, par ce moyen, ce qu'il y avoit de dur & d'inflexible dans le chant des cithares feules. Il inventa le genre chro- matique ; le premier il mit en vogue les inflrumens appelles- jambique , magade & fyrigmon ; enfin il fut l'auteur des chœurs. (F. D. C.) ÉPIGRAMME , f. f. {Belles-Lettres.) petit poëme ou pièce de vers courte , qui n'a qu'un objet , & qui finit par quelque penfée vive , ingénieufe , &: {aillante. D'autres définiffent Yépigramme une pen- fée intéreifante , préfentée heureufement & en peu de mots ; ce qui comprend les divers genres d'e'pigrammes , telles que les anciens les ont traitées „ & telles qu'elles ont été con- nues par les latins & par les modernes. Les e'pigrammes , dans leur origine , étoient la même choie que ce que nous ap- pelions aujourd'hui infcriptions.On les gra- voit fur les frontifpices des temples, des arcs de triomphe , fur les piédeflaux des fiâmes , les tom'eaux , & les autres monu- mens publics. Elles fe-rédùifoient- quelque- fois au monogramme :. on leur donna peu- à peu plus d'étendue ; on les tourna en vers pour les rendre plus faciles à être retenues par mémoire. Hérodote & d'autres nous en ont confervé plufieurs. On s'en fèrvit depuis à raconter briève- ment quelque fait , ou à peindre le carac- tère des perionnes ; & quoiqu'elles enflent changé d'objet , elles conferverent le même nom. Les Grecs les renfermoient ordinairement dans de s bornes afiez étroites ; car quoique l'Anthologie en renferme quelques-unes affez longues, elles ne paflént pas commu- nément fix eu au plus huit vers. Les Latins n'ont pas été li Scrupuleux à obferver ces bornes , & l^s modernes fe font donné en- core plus de licence. On peut pourtant dire en général que Ye'pisramme n'étant qu'une feule penfée , il efl difficile qu'elle commu- nique ce qu'elle a de piquant à un grand nombre de vers. E P I M. le Brun , dans la préface qu'il a rnife à la rête de fes épigrammes , définit Yépi- gramme un petit poëme fufceptible de tou- tes fortes de fujets , qui doit finir par une penfée vive , jufle , & inattendue ; ces trois qualités , félon lui , font effentielles à i'e pi- gramme y mais fur-tout la brièveté & le bon mot. Pour être courte , Yépigramme ne doit fe propofer qu'un feul objet, & le trai- ter dans les termes les plus concis ; c'étoit. le fentiment de M. Defpreaux : Z'épigramme plus libre s en fon tour plus borne , N'eft fouvent qu'un bon mot de deux- rimes orne'.. On efl: divifé fur l'étendue qu'on peut" donner X Ye'pigramme ; quelques-uns la fixent depuis deux jufqu'à vingt vers , quoique les anciens & les modernes en fourniflenr qui vont bien au delà de ce der- nier nombre ; mais on convient que les plus courtes font louvent les meilleures & les plus parfaites. Les fentimens font aufii partagés fur la penfée qui doit terminer Yé- pigramme ,* les uns veulent qu'elle ioit lail- lante , inattendue comme dans celle de- Martial , tout le refte , difent-ils , n'étant que préparatoire ; d'autres prétendent que les penfées doivent être répandues & fe foutenir dans toute Ye'pigramme , & c'eft la manière de Catulle ; d'autres enfin adoptent également ces deux genres. Si l'on confulte l'Anthologie , les épigram- mes greques ne nous offriront guère de ce qu'on appelle bons mots ; elles ont feule- ment un certain air d'ingénuité & de {im- plicite accompagné de vérité & de jufleflè, tel que feroït le difeours d'un homme de bon fens ou d'un enfant qui auroit de l'es- prit- Elles n'ont point le fel piquant de Mar- tial , mais une certaine douceur qui plait au bon goût ;ce qui n'a pas empêché qu'on ne donnât le nom iïépigramme greque à toute épigrarr.me fade ou infipide : mais nous ne fbmmes pas dans le point de vue convena- ble pour juger du véritable mérite des épi- grammes de l'Anthologie ; il faut fi peu de cFofe pour défigurer un bon mot , en con- noît-on toute la fineffe , les rapports , &c. à 200.0 ans d'intervalle ? Selon EPÎ Selon quelques modernes, c'efr le bon mot qui caradérife Yépigrammey & qui la diflingue du madrigal. Le P. Mourgues dir que c'en1 par le nombre des vers & par le bon mot , que ces deux efpeces de petits poèmes font diflingués entr'eux dans la vér- ification moderne ; que dans Yépigramme le nombre des vers ne doit être ni au deffus de huit ni au deflous defix , mais rien n'efl moins fondé que cette règle; ce qu'il ajoute efl plus vrai , que la fin àeVépigramme doit avoir quelque chofe de plus vif & de plus recherché que la penfée qui termine le ma- drigal. Voyei Madrigal. Uépigramme eïi encore regardée comme le dernier & le moins confidérable de tous les ouvrages de poéfie ; & quelqu'un qui n'y réuffiifoit apparemment pas , dit que les bonnes épigrammes font plutôt un coup de bonheur qu'un effet du génie. Le P. Bou- hours a prétendu qu'elles tiroient leur prin- cipal mérite de l'équivoque. Mais confidé- rer Yépigramme par Ces rapports , c'efl faire le procès à Ces défauts fans rendre jufhce aux beautés réelles qu'elle peut renfermer, & l'on en pourroit citer un grand nombre de ce genre tant anciennes que modernes. Selon quelques autres une des plus gran- des beautés de l'épigramme, eu de lai (Ter au lecteur quelque chofe à fuppléer ou à devi- ner , parce que rien ne plaît tant à l'efprit que de trouver dequoi s'exercer dans les chofès qu'on lui préfênte. Mais d'un autre côté on demande pour le moins avec autant de fondement , fi une épigramme peut être louche , & fi c'eft la même chofe qu'une énigme. La matière de Y épigramme eu d'une gran- de étendue ; elle exprime ce qu'il y a de plus grand & de plus noble dans tous les genres, elle s'abaiffe à ce qu'il y a de plus petit, elle loue la vertu & cenfure le vice , peint & Ironde les ridicules. Il femble pourtant qu'elle fe trouve imeux dans les genres fim- ples ou médiocres que dans le genre élevé, parce que fon caractère eu la liberté & ï'ailance. Comme Y épigramme ne roule que fur une penfée , il feroit ridicule d'y multiplier les vers ; elle doit avoir une forte d'unité comme le drame , c'eft-à-dire ne tendre qu'à une penfée principale, de même que le Tome XII. EPI 6$9 drame ne doit embraffer qu'une action. Néanmoins elle anéceflaircmentdeux par- ties ; l'une qui eu l'expolition du fujet , de la chofe qui a produ't ou occafioné la pen- fée ; & l'autre , qui efl la penfée même ou ce qu'on appelle le bon mot. L'expofition doit être fimple, aifée , claire , libre par elle-même & par la manière dont elle efl tournée. Sans parler delà malignité & de l'obfcé- nité , que la raifon feule réprouve , les dé- fauts qu'on doit éviter dans Y épigramme , font la fauffeté des peniées , les équivoques tirées de trop loin, les hyperboles, les pen- fées baffes & triviales. (G) Une des meilleures épigrammes moder- nes , efl celle de M. Piron contre L'abbé Desfontaines de notre fiecle ; puiffe-t-elle fervir de leçon à Ces femblables ! Une anec- dote très-plaifante à ce fujet , c'eft que M. Piron l'a fait écrire en fa préfence par le Zoïle même : la voici , elle eil à deux tranchans. C et écrivain fi fécond en libelles , Croit que fa plume efl la lance d'Argail; Sur le Panarffe entre les neuf Pucelles Il s' efl placé comme un épouvantail ; Que fait le bouc enji joli bercail ? xplairoit-t-il ? chercherait— il à plaire? Non, c' efl V eunuque au milieu duferrail : // n yy fait rien } & nuit à qui peut faire. * ÉPIGRAPHE, f. m.(Hift. anc.) On appelloit ainfi dans Athènes, des efpeces de commis qui tenoient les regifîres des im- pôts , ou des livres où chaque citoyen pou- voit s'inflruire de ce qu'il devoir à l'état , félon l'efrimation de Ces facultés. EPIGRAPHE, f.f. (Belles-Lettres.) c'efr. un mot , une lentence, foit en profe , foit en vers , tirée ordinairement de quelque écri- vain connu , & que les auteurs mettent au frontifpice de leurs ouvrages pour en an- noncer le but : ces épigraphes font devenues fort à la mode depuis quelques années. M. de Voltaire a mis celle-ci. à la tête de Ca Mérope , d'où il a banni la paillon de l'amour : Hoc legitey aufleri > crimen amoris abefl. Les épigraphes ne font pas toujours jufles ; , S s s s C9o EPI] & promettent quelquefois plus que l'auteur ne donne. On ne court jamais de rifque à en choifir de modeftes. (G) Epigraphe , f. f. (Ans.) nom quePon donne à toutes les infcriptions qu'on met furies bâtimens , pour en faire connoître l'ufage , ou pour marquer le temps & le nom de ceux qui les ont fait élever. Ces infcriptions fe gravent le plusfouvent en anglet , fur la pierre & fur le marbre. Les anciens fefervoient de caractères de bronze pour celles des arcs de triomphe & des tem- ples , & ils en couloient les crampons en plomb. Le mot épigraphe n'eft guère ufifé encefens ; on fe lert du mot infcription. Voye\ Inscription. On nomme encore épigraphe , toute inf- cription qu'on grave au haut ou au bas d'une eftampe pour en indiquer l'efprit & le ca- radere. L'abbé de Choify , connu par lbn ambaffade de Siam , par la vie de quelques- uns de nos rois, & par des ouvrages de piété, dédia fa traduction de l'imitation de Jefus-Chrift à madame de Maintenon , & fit graver pour épigraphe au bas de la taille-douce qui repréfente cette dame à genoux au pie du crucifix , les t il & 12. du Pf. xljv. fuivant la vulgate ,.& xlv. fé- lon l'Hébreu : audi> fi.Ha , & inclina aurem tuam, €? oblivifcert domum patris tui ; & concupifcet rex décore m cuum. On dit qu'on retrancha cette épigraphe dans la féconde édition ; mais elle exifte dans la première , & c'eft pour cette raifon qu'on la recherchoit très-curieufèment du temps de Louis XIV. Voye\ M. Dupin, bib. des aut. eccléf. du xvi j. fiecle y com. VII. & Amelot de la. Houfîàye , tome II. Ilferoità fbuhaiter , comme M. l'abbé Dubos l'a fort bien remarqué, que les Pein- tres qui ont un fi grand intérêt à nous taire connoître les perfonnages dont ils veulent fe fervir pour nous toucher, accompagnai -fent toujours leurs tableaux d'hiftoire d'une courte épigraphe. Le fens à'es peintres go- thiques, tout groffier qu'il étoit, leur a fait connoître l'utilité des épigraphes pour l'in- telligence du fujet des tableaux. Il eft vrai qu'ils ont fait un ufage auffi barbare de cette connoifîànce , que de leurs pinceaux. Ils faifoient fortir de la bouche de leurs fi- gures, par une précaution bizarre, des rou- E PI îeaux fur lefquels ils écrivoient ce qu'ils prétendoient faire dire a ces figures indolen- tes; c'étoit-là véritablement faire parler ces figures. Lçs rouleaux gothiques fe font anéantis avec le goût gothique : à la bonne heure ; mais en corrigeant la manière on peut en retenir l'idée , & dans certaines occafions on ne fauroit s'en parler; auffi les plus grands maîtres ont jugé quelquefois une épigraphe de deux ou trois mots néceflaire à l'intelli- gence du fujet de leurs ouvrages, & en con- fcquence ils n'ont pas fait fcrupule de les. écrire dans un endroit du plan de leurs ta- , bleaux où ils ne gatoient rien. Raphaël & les Carrache en ont ufé ainli ; & M. Antoine Coypel a placé de même des bouts de vers, de Virgile dans la galerie du palais royal ,. pour aider à l'intelligence de les iujets qu'il avoit tirés de l'Enéide. Enfin tous les peintres dont on grave les ouvrages ont fenti l'utilité de ces épigraphes^ & ils en metteiiTau bas des eiïampes^qui le. font d'après leurs tableaux. Cm peut donc ruivre :e même ufage pour les tableaux, mêir: ; caries trois q arts des fpectateurs,, qui font d'ailleurs très-capables de rendre julHce à l'ouvrage , ne font point aflez let- t; pir deviner le fujet d'une eftampe ni, d'un tableau : ces fujets font fouvent pour le ipeclateursune belle perfonne qui plaît, nais qui parle une langue qu'ils n'enten- dent point : on s'ennuie bientôt de la re^ garder, parce que la durée des plaifirs où. l'efprit ne prend point de part eft bien courre. DE J au court. * EPILANCE , f. f. (Fauconnerie.) ef- pece d'épilepfie à laquelle les oifeaux font, fujets. Quand ils en font attaqués , ils tom- bent fubitement du poing ou de la perche; ils reftent quelque temps comme morts ; ils ont les yeux clos , les paupières enflées , l'haleine puante, & s'efforcent d'émeutir.. Ces accès les prennent deux fois par jour : on prétend que cette maladie eft conta-- gieufe. EPILENE, chanfon des vendangeurs ,, laquelle étoit accompagnée de la flûte. Voye\ ATENÉE , liv. V. (S) ** EPILENIE , f. f. (Hifi. anc.) danf* { pantomime des Grecs, dans laquelle ils imi- [ toientee qui fepalTe dans la foule des.raiiins* E P I EPILEPSIE f. f. {Médecine) cftune efpece de maladie convulfive qui affede toutes les parties du corps, ou quelques- -unes en particulier , par accès périodiques ou irréguliers , pendant lefquels le malade éprouve la privation ou une diminution no- table de l'exercice de tous Tes fens & des mouvemens volontaires. Le mot épilepfiey êV/Aw-J,'* %*n*\tt , vient du grec ttiKAnChtàtu , qui fignifie furp rendre y à caufe que ce mal faifit tout- à-coup ceux qui y font fiijets : les Latins ont appelle cette maladie comitialis morbus y parce que les Romains rompoienr leurs af- femblées , lorfqu'il arrivoit que quelqu'un y étoit attaqué â,e'pilepjie ; ce qu'ils regar- doient comme de mauvais augure. D'au- tres l'ont nommée morbus face r y foit parce qu'ils la regardoient comme une punition du ciel , Toit parce que le fiege de la caufe paroît être dans la tête , qu'ils regardoient comme la partie facrée du corps ,facrapal- ladis arx ; foit parce que les perfonnes qui fontf urprifes par un accès iïèpilepjie le font fi fubitement , qu'elles femblent frappées de la foudre. On lui a encore donné le nom de morbus hercule us y o\\ parce qu'Hercule étoit fujet à cette maladie , ou parce qu'elle femble réfifter avec beaucoup de force à celle des remèdes , qui ne peuvent que très- difficilement en furmonter la caufe & la détruire. L'on donne auflî communément à Yépilepjie le nom de morbus caducus , mal caduc y a cadendo y & celui de haut-mal , parce que les malades ne peuvent s'empê- cheç ordinairement de tomber de leur haut, s'ils font debout; lorfque l'accès les furprend ; celui de fonticus } parce que cette maladie nuit beaucoup à j'économie animale : on trouve encore dans plufieurs auteurs cette maladie défignée fous le nom de morbus puerilis , vo^tï.uat tzcuïiw , félon Hippocrate, parce que les enfans font très-fufceptibles d'être attaqués de cette maladie. Uepilepjîe admet plulieurs différences , ou par les divers accidens qu'elle produit, ou par les différens lièges de fa caufe : celles- là confident en ce que la maladie peut être plus ou moins violente , récente ou invété- rée , &c. celles-ci font plus importantes à établir ; elles confident en ce que la mala- die peut être idiopathiquc , c'eft-à-dire que la caufe réfide dans la tête & affecte le cer- veau immédiatement ; ou fympathique , dont la caufe exifte dans toute autre par- tic que le cerveau , & ne l'affeôe que par communication , comme dans l'eftomac , la matrice , ou dans toute autre partie du corps. Les fymptomes de cette maladie font fi variés , fi extraordinaires & fi terribles , qu'on a cru anciennement ne pouvoir les attribuer qu'à des caufes furnaturelles , comme au pouvoir des dieux , des dé- mons , aux enchantemens , ou à l'influence des aftres , comme à celle de la lune , &"c. Cependant toutes ces variétés ne dépen- dent que des différens mouvemens des par- ties qui en font fulceptibles , par conféquent des mulcles : elles confident principale- ment , ces variétés , dans les différentes con- tractions mufculaires : celles-ci ne peuvent être excitées que par la différente diftribu- tion , le cours involontaire , irrégulier du fluide nerveux dans les organes du mouve- ment , pendant qu'il eft empêché de fe por- ter aux organes du fentiment ; & par ce qui peut produire ces efïèts. Les caufes en font très-nombreufes , tel- les i°. que les léfions du cerveau dans fes enveloppes , fa furface , fa fubftance , (es cavités , par commotion , contufion , blef- fure , par abcès , effufion ou épanchement de fang , de fanie , de pus , d'ichorofité , de lymphe acrimonieufe , par quelque ex- croilîance offeufe de la furface interne du crâne , par enfoncement de quelques-unes de fes parties , par quelque fragment ou quel- que efquille d'os, ou quelque corps dur étran-» ger qui blefïè les méninges ou la fubftance de ce vifcere ; par un amas de globules mer- curiels qui foient portés , par quelque voie que ce foit , dans fes vaiffeaux ou (es cavi- tés ; la corruption de la fubftance même du cerveau par les fuites d'une inflamma- tion , de l'érofion de fes membranes ; de la carie de fa boîte oflèufe. Ces différentes caufes font rendues plus adives par tout ce qui peut augmenter la quantité des humeurs qui fe portent vers le cerveau , comme la pléthore , l'exercice immodéré , la chaleur , l'excès dans l'ufage du vin , de la bonne chère , du coït , la contention de l'efprit , les profondes méditations, les grands efforts S s s s 2, s 6oi EPI Ae l'imagination , & fur-tout la crainte & ! la terreur. 2°. On doit encore placer , parmi les caufes de contrarions mufculaires ^régu- lières , tout ce qui affecte violemment le genre nerveux , comme les douleurs fortes & périodiques , la pafiion hyflérique , les irritations & les érofions cauiées dans les enfàns par l'effet des vers , par des humeurs acres ramaflees dans les boyaux , par la qua- lité acreacide du lait , & par fa coagula- tion , par le méconium , par la dentition difficile, parle levain de la petite vérole , les violentes douleurs d'eflomac , la matière . & fufceptible de guérifon , fur-tout fi la ref-. piration efl libre. Vepilepjie héréditaire , de quelque ef- pece qu'elle foit, efl prefque toujours incu- rable ; ni l'âge plus avancé , ni l'art , ne peuvent en détruire la caufe. Selon Hip- pocrate Yepilepjie qui fùrvient avant l'âge de puberté peut être guérie ; celle qui at- taque après l'âge de vingt-cinq ans ne cefîe guère , qu'avec la vie , de produire Ces effets : c'efl-là ce qui arrive ordinairement , mais non pas toujours ; car il n'efl pas fans exemple d'avoir vu des perfonnes d'un âge avancé qui ont été délivrées des accès dVpiïepJîe. « Les jeunes perfonnes atta- E P I » quées de cette maladie, en font gué- » ries par le changement d'air , de réfi- » dence & de régime , » dit encore le père de la Médecine. Les enfans qui font fujets à Yepilepjie dès leur naifîance , font plus en danger d'en périr , à proportion qu'ils font moins avan- cés en âge : ceux qui prennent de la gale à la tête en font rarement attaqués , félon la remarque de Baglivi. De quelque efpece que foit cette maladie , il eft plus ordi- naire d'en voir les hommes attaqués que les femmes , les enfans que les vieillards : lorfqu'elle fùrvient à ces derniers elle efl prefque incurable. Rien ne diipofe tant les enfans qui en font atteints à en guérir , que d'avancer en âge ; car les garçons s'en délivrent par le coït , & les filles par l'éruption des règles. On a obfervé fort juflement que fi une femme devient épileptique pendant fa grofîèfîe , elle s'en délivre par l'accouche- ment : cependant il efl très-dangereux qu'une femme grofïè ait des attaques dY- pilepjie ; il y a lieu de craindre l'avorte* ment , & des fuites encore plus fâcheufes. Ue'pilepjie idiopathique efl toujoursplus dangereufè & plus difficile à guérir que la fympathique ; & celle-ci eft cependant très-pernicieufè , lorfque le vice de la partie qui afFecle le cerveau par commu- nication efl invétéré. Si le délire & la paralyfie fuccedent à Yepilepjie , il n'y a plus de remède à ten- ter , le mal efl incurable. La mélancolie produit fouvent Yepilep- jie y comme Yepilepjie produit aufli la mé- lancolie , félon Hippocrate. L'apoplexie efl quelquefois une fuite très-funefte de celle-là : on prétend que c'efl prefque un remède aflûré qu'il furvienne une longue fièvre à Yepilepjie , & fur-tout la fièvre quarte. Il efl facile de conclure , de tout ce qui vient d'être dit de Yepilepjie, des différentes caufes qui peuvent l'établir , de celles qui en déterminent les effets, des diverfes parties du corps où peut être fixé le fiege du mal, que l'on ne peut pas propofer une méthode générale pour le traitement de cette mala- die ; il faut avoir égard à toutes les diffe- EPI rencesdu vice dominant, efficient, & de celui qui eft occafionel , pour appliquer les remèdes qui conviennent au caractère bien connu de ces différentes caufes ; on doit examiner fi elles font fufceptibles d'ê- tre détruites , ou fi elles ne le font pas: dans le premier cas on peut entreprendre la cure radicale de la maladie , & dans le fécond on ne peut s'occuper que de la cure pallia- tive. On doit aufli diftinguer dans le trai- tement le temps & l'intervalle des paroxys- mes : ainfî le médecin appelle (ce qui arrive rarement , ) pour un malade qui eft ac- tuellement dans un accès <\?epy lepjie , doit d'abord le faire placer éten \u fur le dos , la tête un peu relevée , plutôt dans un lieu bien éclairé que dans un endroir obfcur; lui faire enfuite ouvrir la bouche , & lui faire met- tre entre les machoues quelque corps qui réfifte à l'action des dents , lans rifque de les rompre , pour empêcher qu'il ne la ter- me, afin.de donner un écoulement à la fa- live & à l'écume qui fe ramaffe , de rendre lia refpiration libre en conféquence ,, & de prévenir l'effet des convulfions.par lequel il pourroit fe mordre la langue , comme il eft arrivé fouvent au point qu'il en aétéentié-- rement coupé des portions , félon l'obferva- tion de Galien & de Foreftus : il faut en même temps difpofer le malade , de manière qu'il ne puiffe pas fe blcflerparles différen- tes agitations de. fon corps. Ces préalables xemplis , quelques auteurs recommandent en général d'employer di- vers remèdes fpiritueux, volatils, dont on frotre les narines , les tempes ,.dont on verfe quelques gouttes dans la. bouche du ma- lade ; de lui faire fentir des odeurs fortes, de lui fouffler des poudres ftemutatoires dans les narines , de lui donner des Jave- mens acres , irritans^ de lui faire des fric- tions aux extrémités , & d'y appliquer de temps en temps des ligatures,. & les relâ- cher. Mais il, faut obferver que dans Y épi-, lepjie habituelle il vaut mieux laifîer le. ma-* Jade en repos , que de lui adminiftrer tous ces remèdes , qui? ne font le plus fou vent qu'augmenter la fatigue que lui caufent les convulfions ; ils ne peuvent être utiles que dans le cas où il paroîr que la circulation eft rallentie , que la chaleur naturelle eft con- fidçrablement diminuée , & qu'il y a lieu de EPI 69? craindre quelque défaillance mortelle , ou. qu'une attaque d'apoplexie ne fuccede à. celle d'épilep/ie , ou que celle-ci ne dégé- nère en paralyfie. Après que l'accès épileptique a ceffé , on doit s'appliquer à employer les moyens qui peuvent en empêcher le retour, ou au moins le rendre plus rare , en attendant que l'on puiffe parvenir a détruire entièrement la caufe efficiente du mal , fi elle en eft fuf- ceptible ; & quoiqu'elle foit de différente nature, il y a cependant des indications à: luivre ,. communes à toutes les efpeces de- cette maladie: ainfi, comme il peut y avoir des fignesde pléthore après la fin de l'accès, de quelque caufe qu'il provienne , on doit d'abord y remédier par les évacuations gé- nérales, mefurées & réglées fur les forces du malade ; c'eft-à-dire par la faignée & les. pur-gations. Si-la foiblefïè du malade paroîc être le fymptome qui exige le remède le plus preffant , on a recours aux cordiaux & à la., diere analeptique. . Dès que le malade eft en difpofition de foutenir les remèdes convenables contre le vice que l'on, eft affuré être la caufe princi- pale de Yépilepfie , on ne doit rien négliger pour le corriger ou pour empêcher (es fu- neftes effets , avant que le- mal ait jeté de .plus profondes racines : ainfi lorfque Y épi" ■ lepjie eft idiopathique , & qu'elle eft l'effet ^e quelque conformation vicieufe dans les folides du cerveau ,. ou de quelque tumeur offeufè , skirrheufe , , ou , de quelque autre caufe de cette nature ; comme on ne peut •pas favoir pofitivemenrle point ou réfide cette caufe, & quand on le pourroit con- noître , il ne ferok fouyent pas poiîible d'y atteindre pour la détruire ; on doit fe borner dans defemblables cas à prévenir ou à faire ceffer l'effet des caufes occafionelles qui pourroient augmenter- l'engorgement des vaiffeaux du cerveau dans la partie compri- mée par plénitude ou par irritation : on ob- tiendra cet effet par lés- remèdes propres contre la pléthore & l'acrimonie des hu- meurs. Si la maladie eftcaufée par la preû jfîon ou l'irritation occafionée par quelque corps étranger, foit fblide , foit liquide , on- doit tâcher d'en faire l'extraction par le trépan , ou par tout autre moyen que l'art peut fournir. Les autres maladies du crâne 96 EPI & du cerveau , qui peuvent donner lieu à Yépilepjie , doivent être traitées par les re- mèdes appropriés , fi elles font de nature à en admettre quelqu'un ; car le plus fouvent elles font incurables , lur-tout dans les adul- tes. Les caufes déterminantes des paroxyf- mes , qui font telles qu'elles peuvent fe renouveller continuellement , doivent être foigneufement recherchées , pour employer les moyens propres à empêcher qu'elles n'aient lieu , ou à les détruire. Lorfqu'elles font formées , elles font très-nombreufes , ainfi il faut avoir bien difhngué le caraâere de chacune , avant que de lui oppofer des remèdes , tant préfervatifs que curatifs. Le régime fert beaucoup en ces deux qualités ; & i'ufage réglé des fix chofes néceflaires , que l'école appelle non-naturelles } fournit aufîi des lecours efficaces pour remplir cette double indication. Pour ce qui eft des médicamens , ils doi- vent être choifis de nature à combattre le vice dominant des folides ou des fluides. Si les* premiers pèchent par trop de rigidité , de féchereffe , on doit employer les relâ- chans , les hume&ans intérieurement , ex- térieurement, tels que les tifannes appro- priées , les eaux minérales froides , Ls lave- mens , les bains tiedes. S'ils pèchent par trop de tenfion , d'érétifme , comme dans les douleurs quelconques , on doit faire ufage des anodyns , des narcotiques, des an- tifpafmodiques , & travailler enfuite à em- porter la caufe connue : fi elle dépend des acres irritans , comme des matières pour- ries, des vers dans les premières voies, ce qui a prefque toujours lieu dans les enfans épileptiques , les vomitifs , les purgatifs , les amers , les mercuriels , les antelminti- ques , font les moyens que l'on doit em- ployer pour la détruire : fi elle eft occalio- née par la dentition , les remèdes en font indiqués en fon lieu {yoye\ DENTITION ;) ainfi des autres vices qui peuvent occalio- r.cr la douleur , contre lefquels on doit ufer des moyens propofes dans les différens articles où il en eft traité. Voye\ DOU- LEUR , &c. Si les fluides pèchent par épaiffifTement ou par acrimonie , on emploie avec fuc- cès contre le vice de la première efpece , les purgatifs aloétiques , hydragogues , les E PI fondans antimoniaux , les apéritifs martiaux & mercuriels ; & contre celui de la fécon- de , les fpécifiques , qui changent la natwre des acres acides ou alkalis , en lubftances neutres qui font moins nuifibles. Vbye% Acide & Alkali. Les bouillons de pou- let, de tortue ; I'ufage du lait, la diète blanche même , produifent de bons effets dans la cure de Yépilepjie qui provient de l'acrimo- nie des humeurs. S'il y a lieu de foupçon- ner que cette caufe foit compliquée avec desobflru&ions, avec i'épaiffiffement , on peut unir utilement le laitavec les apéritifs , en le failànt prendre coupé , avec des dé- codions de plantes apéritives , avec les eaux minérales ferrugineufes. Le petit-lait rendu médicamenteux , conformément à l'indication , eft aufii très-convenable. Si le vice des fluides eft particulier, & qu'il confifte , par exemple , en ce que cer- taines évacuations naturelles ou contre na- ture , devenues habituelles , font fuppri- mées ou diminuées , on ne doit s'occuper qu'à les rétablir par les remèdes conve- nables. C'eft dans cette vue que l'on em- ploie fouvent avec fuccès contre Yépilepjie , dans ces cas , les emmenagogues , les diu- rétiques, les fudorifiques , &c. contre la fuppreffion des règles , des urines , de la tranfpiration , &c. les véficatoires , les cauftiques , les fêtons , pour faire des ul- cères artificiels qui fuppléent à d'autres , néceflaires pour donner iffue à de mau- vaifes humeurs. Les Indiens appliquent dans cette vue des cauftiques au bas des jambes. Si le vice qui produit Yépilepjie , dépend d'une tumeur, d'une cicatrice , ou de toute autre caufe qui agit en comprimant , en irritant un nerf principal dans quelque par- tie externe, on doit tacher.de le détruire par toute forte de moyens convenables à fa nature , en diminuant la fenfibilité des nerfs en général , en les fortifiant par les remè- des appropriés , par l'exercice, par le régi- me ; en appliquant des ligatures au mem- bre affèclé , pour arrêter la propagation du mal vers le cerveau , lorfque l'accès épilep- tique peut être prévenu ; & s'il réfifle , & que le fiege en fbit connu , on n'a d'autre reflburce que d'y pénétrer avec le fer ou le feu , & d'y former un ulcère dont on entretienne EPI entretienne la fuppuration , pour emporter le foyer du mal. On propofe en général bien de différens remèdes contre Yépilépfie , tels que le cin- nabre naturel , qui peut être employé avec d'autant plus de fuccès, qu'il a la propriété de difî'oudre les concrétions fanguines & lymph tiques, & de produire cet effet dans des vaiflèaux moins petits que ceux dans lefquelsagit le mercure , fans agiter autant les humeurs. Le cinnabre n'eft pas fi péné- trant , parce qu'il eft d'une moindre gra- vité fpécifique. Les praticiens font auffi grand ufage du gui de chêne , de l'ongle d'élan , qui font, particulièrement recom- mandés par Baglivi ; la pivoine mâle , la valériane fauvage , la rue , le cafloreum } le camphre, le fuccin, les vers de terre di- verfement préparés ; la poudre de guttete , qui eft un compofé de ceux-là , &c. mais il n'en eft aucun que l'on puifle regarder comme fpécifique contre toutes les diffé- rentes caufes de cette maladie. La proprié- té de ces diverfes drogues étant connue, on doit en faire l'application contre le vice dominant auquel elles font oppofées : on peut dire cependant qu'il eft peu de cas dans lefquels elles ne puiflent convenir , parce qu'elles peuvent toujours produire l'effet effentiel de régler le cours du fluide nerveux , par l'analogie qu'ont leurs parties fubtiles , intégrantes avec celles de la ma- tière qui coule dans les nerfs. V. Remèdes ANTISPASMODIQUES. On ne doit pas omettre ici de faire men- tion du kinkina , qui peut être employé avec fuccès dans toutes les efpeces d'e'pilepjîe périodique. Boerhaave , qui avoit d'abord penfé , à la fuite de quelques expériences favorables, que le fel d'étain pouvoit être un remède affuré contre cette maladie en général , s'eft convaincu par des obfervations ultérieures^ qu'il n'eft bon que contre celle qui provient de l'acidité dominante dans les premières voies. Il feroit trop long de rapporter ici tous les autres remèdes que l'on a mis en ufage contre Yépilépfie & fes différentes efpeces ; ceux dont on fait mention , font les plus ufités dans la pratique , on n'en connoît point d'affuré jufqu'à préfent : il n'y a que Tome XII. E P I 69j des charlatans qui difenten donner de tels, fans craindre la honte de manquer le fuc- cès , que l'on ne peut prefque jamais fe promettre dans le traitement de Yépilepjie des adultes, (d) Epilepsie, (Manège ,Maréchall.) mala- die non moins redoutable dans les chevaux que dans les hommes , & dont le fiege & les caufes phyfîco - méchaniques font fans doute les mêmes. Ses fy m ptomes varient. Cette agitation violente & convulfive faifit en effet certains chevaux tout-d'un-coup , ils tombent, ils friflbnnent , ils écument, & le paroxyfme eft plus ou moins long. Il en eft d'autres en qui l'accès s'annonce par des borborygmes , par un battement de flanc , par un flux involontaire d'urine, par un froid qui glace toutes leur extrémités ; à peine font-ils tombés , que leurs yeux fem- blent tourner dans les orbites; leurs mem- bres fe roidifîènt : quelquefois auffi leurs articulations font attaquées d'un trem- blement extraordinaire. J'en ai vu qui fe relevoient un inftant après leur chute , qui prenoient le fourrage qu'on leur préfentoit fur le champ , & qui mangeoient auffi avi- dement que s'ils jouifîbient d'une fanté en- tière. Un étalon atteint de ce mal , tom- boit , fans qu'aucun figne précédât l'atta- que ; il écumoit , mordoit fa langue & la déchiroit avec fes dents : au bout d'un de- mi-quart d'heure fon membre entroit en éredion , il éjaculoit une quantité confi- dérable de femence ; il fe relevoit aufli-tôc fe fecouoit , & henniffoit pour demander du fourrage. Une jument n'avoit des accès épi- leptiques que lorfqu'elle étoit trop fanglée , & feulement dès les premiers pas qu'elle faifoit fous le cavalier. Un cheval de tira- ge , après avoir cheminé trente pas étant attelé ; un cheval napolitain , eftrapafTé , & gendarmé pendant long-temps dans les piliers ; un cheval Iimoufin , naturellement timide , & qu'on effrayoit indifcrétement pour l'accoutumer auxteu ;un poulain dont une multitude de vers rougeoient les tuni- ques des inteftins , étoient affligés de cette maladie , ainfi qu'un cheval fujet à une fluxion périodique fur les yeux , & dont on le guérit. Les remèdes convenables, félonies idées que nous nous formons de Ycpilepjie } font T ttt 69S EPÏ nombreux ; mais leur multiplicité n'en ga- rantit pas le fuccès. Il paroît qu'on doit dé- buter par i'adminiffration des médicamens généraux. Les faignées à la jugulaire font propres à dégorger les fînus de la dure-me- re ; on peut en pratiquer au plat de la cuif- fe pour opérer une révulfion. On purgera plufïeurs fois , & on fera entrer Yalquila alba dans le breuvage purgatif : on aura recours aux lavemensémolliens : on mettra enfin en ufage la décoction des bois de gayac , de falTafras, de fantanx, de racine de pivoine, dent on humectera le fon que l'on donnera tous les matins à l'animal : dans la journée on mêlera dans cette même nourriture des poudres anti-épileptiques , telles que celles de vers de terre , de gui de chêne , d'ongle de cheval , decaftoreum , de femence de pi- voine , de grande valériane. On pourra & il fera bon d'employer le cinnabre ; on ten- tera des fêtons à l'encolure , ou dans d'au- tres parties du corps. J'avoue néanmoins que j'ai éprouvé , relativement à cinq ou fix chevaux que j*ai traités de cette mala- die , Pinfufhlance de tous ces médicamens; leur plus grande efficacité s'eft bornée à éloigner fimplement les accès , mais nul d'entr'eux n'en a opéré la cure radicale. Cet aveu me coûte d'autant moins , que je trouverais, Il mon amour propre pouvoir en être bleîTé , dans la lincérité de quelques médecins , dans rimpuiirar.ee des lecours qu'ils entreprennent de fournir aux hom- mes en pareil cas , de quoi me confoler de l'inutilité de mes foins & de mes efforts, (e) EPILLER,(Pofz>r <ïétain. ) EpillerYé- tain , c'eit ôter les jets des pièces avec le fer.. Quand on a jeté toute fa fonte y on met du feu au fourneau. On ne fe fert que (le charbon de bois. Le fourneau doit être de brique , d'environ huit à dix pouces de long furfix ou fept de large , ouvert parde- vant , avec une grille de fer defîbus , pour porter les fers & le charbon qu'on y met. On fe fert ordinairement de deux fers à fou- der qui font quarrés & pointus par le bout , & dont la queue entre dans un man- che,.de bois percé , qui s'ôte& fe remet cha- que fois qu'on les prend. On frotte un côté du fer fur de la poix-refine mêlée de grais égrugés enfemble. On effuie enfuite le fer Sir un torchpn mouillé qu'on nomme tor- EPI che-fer; & puis on ûte les jets des pièces r en les fondant avec le fer , & recevant l'é- tain qui en tombe dans une écuelle de bois^ Voilà ce qu'on appelle épiller. Après quoi on bouche les trous & autres fautes des pie- ces : cela s'appelle rtvercher. J^oj'.ReveR- CHER. Pendant qu'un fer fert , l'autre chauffe , & on s'en fert alternativement , & ainii de même lorfqu'on foude la poterie. Mais il faut apprêter auparavant ; après quoi on tourne les pièces qui font à tour- ner , on forge la vaiiTelle , & on achevé la poterie ou menuiferie. Voye\ Apprê- ter, Souder, Tourner , Forger , Achever. EPILOGUE , f. m. (Belles Leur.) dans l'art oratoire , conclution ou dernière par- tie d'un difeours ou d'un traité , laquelle contient ordinairement la récapitulation àes principaux points répandus 6r expofés dans le corps du difeours ou de l'ouvrage. Voye\ Péroraison. ÉPILOGUE , dans la poéfie dramatique , fignifioit chez les anciens ce qu'un des principaux acteurs adrefïbit aux fpectateurs loifque la pièce étoit finie , & qui conte- noit ordinairement quelques réflexions re- latives à cette même pièce, & au rôle qu'y avoit joué cet acteur. Parmi les modernes ce nom & ce rôle font inconnus ; mais à V épilogue des anciens ils ont fr.bfritué l'ufage des petites pièces ou comédies qu'on fait fucctder aux pièces férieufes > afin , dit - on , de calmer les parlions, & de difïiper les idées trilles que la tragédie auroitpu exciter. Il eft douteux que cette pratique foit bonne , & mérite àts éloges : un auteur ingénieux la compa- re â une gigue qu'on joueroit fur une orgue après un fermon couchant, afin de renvoyer l'auditoire dans le même état ou il étoit venu. Mais quoique Y épilogue , confidéré fous ce rapport , foit afïez incon- fequent , il eft appuyé fur la pratique des anciens y dont l'exode, c'eft-à-dire , la fin , la fortie des pièces , exordium , étoit une farce pour effuyer les larmes qu'on avoit vetfées pendant la repréfentation de la tragédie : ut quidquid lacryvarwrL ac trif- titice cepijfent.ex tragic-s affeclibus , hujus fprclaculi ri/us detergeret, dit le f:hoîiaffe- de Juvenal. Voyt ^Tragédie, Satyre. E P I^ V épilogue n'a pas même toujours été d'ufage fur le théâtre des anciens , ni à beaucoup près fi ancien que le prologue. Il eft vrai que plufieurs auteurs ont con- fondu dans le drame grec , V épilogue avec ce qu'on nommoit exode , trompés parce qu'Ariftote a défini celui-ci une partie qu'on récite lorfque le chœur a chanté pour la der- nière fois ; mais ces deux chofes étoient en effet auffi différentes que le font nos gran- des & nos petites pièces , l'exode étant une des parties de la tragédie , c'eft-à-dire , la quatrième & dernière , qui renfermoit la cataftrophe ou le dénouement de l'intri- gue , & répondoit à notre cinquième acte ; : au lieu que Y épilogue étoitunhors-d'œrrvre, ; qui n'avoit tout-au-pius que des rapports arbitraires & fort éloignés avec la tragédie. Voye\ Exode. (G) ÉPILOGUE , ( Mufique des anc. ) hui- tième & dernière partie du mode des ci- thares , fuivant la divifion de Serpandre. Pollux , Onomafi. Liv. IV , chapitre 9. Je crois que Y épilogue n'etoit qu'une ef- pece de partage qui terrninoit le mode des cithares , fans y appartenir proprement y comme Y épilogue des pièces de théâtre , & que la véritable fin du mode fe faifoit par le fphragis. FqyqSPHRAGlS. (Mufiq.des une.) (F.JD.C.) EPIMEDIUM, Lm.\Hifi.nm.bot.) genre de plante à fleur en croix ,compofée de quatre pétales faites en forme de tuyau. Il fort du calice un piftil qui devient dans la fuite un fruit ou une filique qui ne forme qu'une capfùle qui s'ouvre en deux parties , & qui renferme des femences. Tournef. Infl. rei-herb. Voye\ PLANTE. (I) - * EPIMELETTE5 , f. m. pi. {Myth. ) c'étoit ainfi qu'on appel loit ceux d'entre les miniftres du culte de Cérès , qui dans les facrrfîces qu'on faifoit à cette divinité, fer- voient particulièrement d'acolythes au roi des facrifices. * EPIMENIES, adj. pris fubft. {Myth.) c'eft ainfi qu'on appélloit dans Athènes les facrifices faits aux dieux à chaque nouvelle lune , pour le bonheur de la ville. On entendoit ailleurs par épi nie ni es , la provifion qu'on donnoit aux domefliques pour un mois. Ils parvenoient à fe faire un pécule de ce qu'ils en épargnoient. EPÏ 69a * EPIMETIIUM, (Hifi. anc.) partie de la cargaifon totale d'un vaiffeau , qu'on accordoit aux pilotes , & dont ils pouvoient difpofer à leur profit. C'étoit une forte d'in- demnité ©11 de récompenfe par laquelle on fe propofoit de les encourager à leurs de- voirs. Quand on regarde Yepimetrum com- me une indemnité, ildéfigne le déchet d'une marchandife en voyage: alors ce droit étok d'autant plus confidérable , f. m. (Mqf.) gros mar- teau court &: pefant à tête fendue en angle par les deux côtés ; ce qui forme à chaque bout deux coins ou dents affez tranchantes. , Il fert aux Paveurs , foit à débiter le pavé au fortir de la carrière , foit à le tailler pour être mis en place. Cet outil eft nécef- faire pour le pave d'échantillon. EPINE, (Botan.) petite pointe aiguë qui part du bois ou de l'écorce des arbres. Les épines font ou ligneufes commes celles àeY épine-vinette , ou corticales comme cel- les du framboifier : les premières partent du bois , & les dernières de l'écorce. Les petits poils dont plulieurs plantes font revêtues , ont dans leur forme tant d'analogie avec les épines , que dans quel- ques-unes les poils un peu roides fe chan- gent en épines comme dans la tige de la bourrache , & même dans la partie fupé- rieure de fes feuilles. Labafe de chaque épine eft compofée de petites trachées ou vaiffeaux excrétoires oblongs , rouges dans les tiges tendres , & verdâties da.--s les autres. La hampe de V épine eft un tube plein d'un liquide tranf- parent , qui fort par l'extrémité de ce tube quand on en rompt le bout. On ne manque pas de plantes garnies de piquans , & quelques-unes , comme la E P I courge y le font dans leurs tiges , leurs feuilles & leurs fleurs. Les branches de la bugrande , ou de l'ariête-bœuf, forment une paliffade de pointes aiguës , qui per- cent l'endroit où font pofées les feuilles. L'ortie piquante , nommée par cette raifon urtica aculeatay jette depuis fa tige quantité djépines molles & foibles , entre lefquelles il en pouffe d'autres plus fortes , plus gran- des, droites, horizontales, courbes, diver- fement penchées tantôt en-haut , tantôt en-bas : elles font plantées dans une bafe folide & ligneufe , s'élèvent eniuite , oc finifîent en forme de ftilet. La bardane pouffe aufîi des feuilles garnies de longues épines crochues. Je ne détaillerai point les noms des ar- buftes & des arbres armés ft épines ligneu- fes ou cortiales ; ce font des faits fi connus , que plufieurs botaniftes ont imaginé que le feul ufage des épines étoit de fervir de dé- fenfe ou d'appui aux parties qu'elles avoi- finent. Le rofier y cet arbriffeau qui donne les plus belles &: les plus odorantes fleurs du monde , eft tout hériffé ft épines dans fa tige , fes fleurs , & fes feuilles. Les piquans de V épine -vinette fortent de la tige d'une année , à l'origine de la feuille qui tombe , & fe cachent fous l'apparence de boutons feuillus ; ils font revêtus d'une écorce mol- le , formée de vaiffeaux excrétoires rouges & diaphanes : la partie ligneufe de V épine de cet arbrifîeau s'endurcit , & vient en- fuite fe terminer en pointe. A la bafe de cette épine , fous les petites feuilles de la tige , il fe forme d'ordinaire une nouvelle épine , qui reçoit un pareil accroiffement : enfin , pour abréger, toutes les efpeces de néfflier , l'aubépine , &Y épine- jaune , font fi chargées d'aiguillons épineux , tournés en difFérens fers , qu'il n'eft pas pciïible d'y porter la main fans fe piquer. M;>is quel rue fuit le nombre des plantes épineuies , & la différente pofleion de leurs épines , on remarque qu'en général tlles naiflent de la bafe des boutons , ou paroi f- fent vers les nœuds des plantes. Eft- ce que le fuc nourricier qui doit fervir à TaccroiP- fement des boutons & des rejetons , n'ayant pas acquis dans les trachées la ténuité re- quife ? & en conféquence ne pouvant être EPI reçu dans les branches fupérieures , perce nécefTairement par la bafe des boutons , s'élève enfuite en petit rejeton qui s'ame- nuife faute de nourriture , & devient fina- lement une pointe ligneufe , laquelle dif- paroît avec le temps à mefure que la plante s'élève & profpere ? c'eft le fyftême du célèbre Malpighi , qui nous paroît cepen- dant plus ingénieux que folide. Il vaut mieux avouer ici deux chofes : l'une , qu'on n'a point encore trouvé la vraie caufe de l'origine des épines : l'autre , que leur utilité nous eft également incon- nue. Souvent les épines nous offrent dans leur distribution les mêmes variétés que les fleurs & les fruits ; fouvent elles fuivent le même arrangement que les feuilles ; fou- vent aufli le contraire fe préfente : en un mot tout ce qui regarde cette matière eft un champ neuf à défricher. On a fait des recherches & des découvertes fur toutes les autres parties des plantes , le bois , l'écor- ce , la racine, les feuilles , les fleurs, les fruits & les graines : mais on n'a jette que de loin des regards fur les épines ; il femble qu'on ait craint d'en approcher. Art. de M. le Chevalier de Jau cou rt . Epine-Jaune feolimus , {Hift. nat. bot. ) genre de plante à fleur , compofée de plufieurs demi-fleurons, portés chacun fur un embryon , dont le filet s'infère dans le trou qui eft au-bas de chacun de ces de- mi-fleurons ; ils font féparés les uns des au- tres par une petite feuille , & ils font fou- tenus par un calice écailleux. Lorfque la fleur eft paffée , chaque embryon devient une femence qui tient à une petite feuille , & qui eft attachée à la couche. Tourne- fort , inft. rei lierb. Voye\ PLANTE. (7) EpiNE-VlNETTE , berberis , en latin , berberis ; en anglois , barberry or pipper- idge bush ; en allemand } berbersbeere , {Étfl. nat. bot.) genre de plante à fleur en rofe, compofée de plufieurs pétales dif- pofées en rond. Il s'élève du milieu de la fleur un piftil , qui devient dans la fuite un fruit de figure cylindrique, qui eft mou, plein de fuc , & qui renferme une ou deux femences oblongues. Tournefort inft. rei herb. ^oye\ PLANTE. (7) Uépine-vinette eft un arbriffeau épineux, qui croît naturellement en Europe dans les EPI 701 bois & dans les haies des pays plus froids que chauds , & plutôt en montagnes que dans les vallées. 11 pouffe du pié plufieurs tiges afîez droites , dont l'écorce lifTe, min- ce 9 grife en-defliis , eft d'une belle cou- leur jaune en-deffous. Ses jeunes branches font hériflées d'épines foibles , longues, & fouvent doubles ou triples. 11 fait de co- pieufes racines qui font peu profondes ,& dont l'écorce eft d'un jaune encore plus vif que celles des tiges. Sa feuille eft ova- le , finement dentelée , d'un verd tendre , & d'un goût aigrelet. Au commencement de Mai , l'arbrifïèau donne fes fleurs , qui durent pendant trois femaines : elles font jaunâtres & afîèz apparentes , mais d'une odeur forte & défagréable. Le fruit qui fuccede eft cylindrique , d'une belle cou- leur rouge , difpofé en grappe comme la grofeille fans épines , & d'un goût fort ai- gre , mais rafraichiflànt & très-fain. Il mûrit au mois de Septembre. Cet arbrifîeau s'élève jufqu'à dix pies quand on le cultive , mais le plus fouvent il n'en a que quatre ou cinq. 11 vient à toute expefition , & dans tous les terreim, cependant il fe plaît davantage dans les' terres fortes & humides. Ou peut le mul- tiplier de graine , c'eft la voie la plus longue ; de branches couchées , qui font de bonnes racines la même année ; de rejetons > que l'on trouve ordinairement au pié des vieux arbriffèaux,& c'eft le plus court moyen ; enfin par les racines même , qui reprennent & pouffent aifé- ment en les plantant de la longueur du doigt. Le meilleur fervice que l'on puiffe tirer de cet arbriffeau , c'eft d'en former des haies vives qui croiffent promptement, qui font une bonne défenfe , & qui font de longue durée. On fait quelque ufage en Bourgogne du fruit de cet arbrifTeau, qui y eft fort commun ; on en fait des confitures , qui font en réputation. L'écor- ce de ces racines a la propriété de teindre en jaune ; on s'en fert aufli pour donner du luftre aux cuirs corroyés. On connoîtflx efpeces ou variétés de cet arbriffeau. 1. \Jépine-vinette commune ; c*eft princi- palement à cette efpece qu'on doit appli- quer ce qui vient d'être dit en général. 702 ï: p i 2. *U épine-vinette fans pépin; c'eft une variété accidentelle qui fe rencontre dans quelques vieux pies de l'efpece commune, qui ont été cultivés , & qui font fur le dé- clin : encore fe trouve-t-il fouvent que tous les fruits du même arbriffeau ne font pas fans pépin. Mais cette variété n'eft pas confiante : il n'eft guère pofïïble de la per- pétuer par la tranfplantation des rejetons de l'arbrifTeau dont le fruit eft fans pépin ', parce que ces rejetons acquérant par ce dé- placement de nouvelles forces , ils font des plants vigoureux , qui perfectionnent leur fruit & produifent des femences : quoiqu'il puiffe encore arriver que ces rejetons tranf- pîantés donnent pendant un temps des fruits fans pépin , relativement au degré de cul- ture & àlaqualitéduterrein. Ceci s'accorde avec l'obfervation que l'on a faite , que c'eft fur les plus vieilles tiges de l'arbrifTeau que l'on trouve des fruits fans pépin , & que c'eft tout le contraire fur les jeunes rejetons qui font fur le môme pie. 3. Uepine-vi nette à fruit blanc y c'eft une variété qui eft fort rare , & qui ne diffère de l'efpece commune que par la couleur du fruit. 4. \J épine-vinette de Canada. Cet arbrif- feau qui fe trouve dans la plupart des pays feptentrionaux de l'Amérique, eft aufhro- bufte & s'éieve à la même hauteur que l'ef- pece commune , dont il diffère fur-tout par fa feuille qui eft plus grande > & dont l'ar- briiTeau n'eft pas fi garni. ■y. U épine-vinette de Candie. Cet arbrif- feau eft fi rare, que n'étant point encore connu en France , il faut s'en tenir à la def- cription qui en a été faite par Bellus méde- cin de Pille de Candie , & qui a été donnée par J. Bauhin." Il s'élève à fixou fept pies; •>■> il eft hériffé d'une grande quantité d'e'pi- »i nés qui ont trois pointes , comme celles » de l'efpece commune. Sa feuille eft pe- » tite , légèrement dentelée , & d'une for- }■> me approchante de celle du buis. Il don- » ne beaucoup de fleurs jaunes , reftèm- 7> blantes à celle du palivre , mais plus pe- j> tites. Le fruit qui en provient contient ?> une ou deux graines ; il eft cylindrique » comme celui de V épine-vinette commune _, » mais il ne vient point en grappe ; il » eft de couleur noire , & il rend au goût j ÊT1 »» un mélange d'acide & de douceur. L'é- » côrce du bois de cet arbriflèau loin d'é- » tre lifte , comme dans l'efpece comtira- » ne , eft raboteufe & d'une couleur gii- » sacre. Son bois eft jaune , airrfi qne fa » racine , dont on peut faire la plus belle » teinture. » 6. U épine-vinette du levant. Cet aibrif- feau qui à été découvert par Tournefort , dans fon voyage au levant, eft aufîi rare & aufîi peu connu que le précédent. Tout ce que l'on en fait , c'eft qu'il fait un plus grand arbrifïeau que ceux dont on vient de parler, & qu'il produit un fruit noir très-agreable au goût, (c) Epine-vinette, berberis , {Pharm: & Mat. med.) Il n'y a que les fruits de cet arbrïfîèau qui foient ufïtés en Pharmacie ; on en exprime le fuc , dont on fait le firop & le rob ; on nettoie les pépins , & on les fait fécher , pour s'en fervir dans différentes compositions; comme le fuc ex-» primé entre aufîi dans pîufieurs prépara- tions , on en conferVe fous l'huile. On Trou- ve chez les ConhTeurs les grains d'épine- vinette confits avec le fucre , aufli-bien que la gelée des mêmes fruits. Le fuc de berberis étoit un des menf- trues que les Chymiftes employoient pour faire ce qu'ils appelloient teinture de co- rail , de perle , &c. Simon Pauli préparoit uft fel efîentiel à? épine-vinette, qu'il appelloit tartre de ber- beris. Il prenoit deux livres de fuc de ces fruits bien dépuré ; il y ajoutait deux onces de fuc de citron ; il faifok évaporer à un petit feu , jufqu'à ce que la liqueur fût ré- duite à moitié , & il la mettoit dans un en- droit frais ; au bout de quelques jouis , il la retiroit du vafe , dont le fond fe trou- voit couvert de quantité de cryftaux ; il faifoit évaporer derechef le fuc qui lui avoit fourni ces cryftaux , & il en retiroit des nouveaux , &c. Le fuc à' épine-vinette occupe dans la claffe des corps muqueux , l'extrême marqué par l'excès d'acide , avec le citron & les gro- feilles , auxquels il peut être fubftitué , & qui font réciproquement fesfuccédanés pro- pres. Voyei Muqueux & Citron. La gelée , le rob , le firop de berberis, font des analeptiques rafraîchiffans > qui EPI ont toutes les propriétés des doux-aigrelets. Voye\ DOUX , AdPE , ClTRON , L{- MONADE. Le fuc de berberis entre dans le drop magiftral aftringent ; fes pépins dans la poudre aitringente , dans l'électuaire de pfyllium , de diaprun , la conte ai un hya- cinthe , le diafcordium , &c. (è) Epine du Dos , (Anat.) colonne ofïeu- fe, compofée de vingt-quatre pièces mo- biles appeliées vertèbres , appuyées fur l'os faerum. Le nom d'épine lui a été donné , parce qu'elle eft munie à fa partie pofté- rieure de plufteurs apophyfes pointues en forme d'épines. Elle reiTemble un peu à deux pyramides inégales , dont les bafes font communes ou jointes enfemble: cepeR- daus V épine , au lieu d'être droite , a quatre ou cinq courbures confidérables ; mais non- obftant ces courbures , il fe rencontre tou- jours que fon centre de gravité qui foutient un grand poids , tombe fur le milieu de la bafe commune. Entrons dans un plus grand détail , dont nous tirerons les con- féquences. "L'épine eft articulée avec la tète , 3c prend depuis l'apophyfe condyloïde de l'os occi- pital, jufqu'à l'extrémité du coccyx. Comme le crâne eft compofé de diffé- rentes pièces ofTeufes , qui contiennent , confervent , & défendent le cerveau , de même V épine forme un canal ofTeux , qui contient , conferve , & défend des injures extérieures* la moelle fpinale , qui eft une continuité du cerveau dans toute la longue route qu'elle parcourt. Cette colonne eft le principal appui de la tête , des bras, de la poitrine. Sa compofi- tion eft formée de plufieurs pièces ofïèufes , articulées enfemble par des cartilages & des ligamens , qui lui donnent la facilité d'obéir aux mouvemens du corps. Ces pièces oiTeu- iés ./appellent ver ce ores , du verbe latin ver- tere , qui lignifie tourner ; parce que le corps fe tourne divcrfement par leur moyen. V~r VERTE3KE. Les plus grandes & les plus mafïives de ces vertèbres conftiruent la bafe de Yépine du dos; ce qui fait qu'elle eft pîusfolidement appuyée &c mieux fcutenue. Les veitebresen montant perdent infen- fiblement quelque Ghclè de leur volume : EPI f f 7o3 de forte que Yépine confédérée dans fa tota- lité de bas en-haut, finit en manière de py- ramide. C'eft à l'égard de cette figure pyra- midale , que M. Vinilow a remarqué que toute Yépine étant vue de front & par de- vant , la largeur de ce corps n'augmente d'abord que depuis la deuxième verteL/e du cou jufqu'à la feptierne ; enfuite elle di- minue de plus en plus jufqu'à la quatrième ou cinquième vertèbre du dos ; delà elle recommence fon augmentation de fuite juf- qu'à l'os faerum : cette difpofïtion eft ordi- nairement confiante par rapport aux vifee- res du bas- ventre. Ainfi lorfqu'on regarde Yépine par fa par- tie antérieure ou poftérieure , elle paroît droite ; quand , au contraire , on la confé- déré par une de fes parties latérales, on re- connoît qu'elle fe jette tantôt en-dedans y tantôt en-dehors : mais il eft impofîible d'imiter cette ligure en montant un fque- Jette ; il la faut o^ferver dans un cadavre , après avoir emporté les parties qui empê- chent de s'en bien éclaircir. Toute CQ'ctQ fuite de pièces oneufes pofees les unes fur les autres , & qui contiennent Yépine , fe divife en vraies & en faiyfTes ver- tèbres : les vraies vertèbres font les vingt- quatre os fupérieurs de Yépine, qui forment la longue pyramide fupérieure avec fa bafe inférieure : les faufies vertèbres cornpo- fent l'os faerum , &. forment la courte pyramide inférieure avec fa bafe fupé- rieure. Les connexions de Yépine font diftinguées en communes & en propres. J'appelle con- nexions communes y celles qu'a Yépine avec les parties voilines , comme avec l'occipi- tal, les côtes, cvlesosdesiiles: les propres font celles que les différentes pièces qui les cempofent ont entr'ellcs. Ces dernières font de deux fortes : la première eft la con- nexion que l'os faerum, le coccyx , & les. vertèbres ont enfemble par leur corps , &; que l'on peut nommer fyneuro -/ 'y<:chai>- drojiale , ou iigjmenteufe mixte , pmfque les ligamens n'y ont pas moins de part que les cartilages : h feconde eft celle qu'elles ontr par leurs apophyfes obliques. Les cartilages qui unifient les vertèbres^ en recouvrant leur fur face , ont plus d'é-~ paiiTcur en-devant qu'en- arrière ,. & fon£ 704 É P L maintenus dans leur état par une efpece de mucilage onctueux. Les ligamens qui afFer- miirent ces mêmes vertèbres _, qui attachent étroitement leurs apophyfes obliques , épi— neufes & tranfverfes , font compofés de fibres élaftiques & très-fortes ; les uns de ces ligamens s'étendent extérieurement fur toute X épine ; d'autres tapifïent la furface interne du canal. Il y a encore quantité de petits ligamens , dont les uns attachent les bords de chaque vertèbre , & recouvrent leurs cartilages , d'autres font attachés à la circonférence des apophyfes , pour faciliter les mouvemens de V épine , & s'oppofer à l'écoulement de la fynovie , qui humecte continuellement ces parties. Telle eft en gros laftructure de la colonne offeufe, dont les pièces font enfi grand nombre &fîmer- veilleufement articulées enfemble , qu'on ne peut fe lafTer de l'admirer. Il réfulte de cette ftructurede Y épine plu- sieurs conlîdérations très-importantes : nous allons en expofer quelques-unes aux yeux des Phyiiciens. i°. Il paroîtde cette ftructure , que la première courbure de Y épine eft. formée par le poids de la tête , & pour la capacité de la poitrine. Comme la partie inférieure eft chargée d'un très-pefant fardeau , on ne doit point être furpris que les vertèbres des lombes s'avancent considérablement en-de- vant pour recevoir la ligne de direction de toute la maffe qu'elle fupporte , fans quoi nous ne faurions nous tenir debout. Il eft aifé de remarquer cette méchanique dans les chiens qu'on a inftruits à marcher fur deux pies ; leur épine dans cette attitude prend la courbure que nous obfervons dans celle des hommes , au lieu qu'elle eft droite lorfqu'ils marchent fur leurs quatre jambes. 2P. Il fuit de la ftructure de Yépine , que comme les jointures dont cette colonne eft compofée font en très-grand nombre , la moelle épiniere, les nerfs , & les vaifleaux fanguins , ne font pas fujets à des compref- fions & à des tiraillemens lors des mouve- mens du tronc ; & comme plufieurs vertè- bres font employées à chaque mouvement de Yépine y'û fe fait toujours alors une petite courbure à l'endroit où fe joignent deux vertèbres. EPI 3*. Que l'attitude droite eft la plus fer- me & la plus aflurce ; parce que la furface du contact des points d'appui eft plus large, & que le poids porte de/Tus plus perpendi- culairement. 4°. Que les mufcles qui meuvent Yépine ont plus de force pour amener le troncàune attitude droite , que pour fe prêter à aucune autre , car pour courber le tronc du corps en- devant , en-arriere , ou fur les côtés , il faut que les mufcles qui concourent à ces actions, s'approchent des centres du mouvement ; & par conféquent leur levier eft plus court que quand le centre du mouvement eft fur la partie des vertèbres , oppofée à celle où ces mufcles font inférés, comme il arrive quand le tronc eft droit. En effet , à mefure que Yépine s'écarte de la pofition perpendiculaire , le poids du corps l'incline bientôt du côté que nous voulons ; au lieu que quand nous nous te- nons droits , ce grand poids eft plus que contre-balancé. 59. Qu'en calculant la force qu'em- ploient les mufcles qui meuvent Y épine y il en faut diftribuer une partie pour l'action des cartilages d'entre les vertèbres , lefquels cartilages , dans tout mouvement qui s'é- carte de l'attitude droite , font tirés d'un côté , & comprimés de l'autre ; au lieu que le tronc étant dans une attitude droite , ces mêmes cartilages y concourent par leur force naturelle. 6°. Il eft aifé de déduire , de la ftructure de Yépine , laraifon du phénomène obfervé par M. Waffe , que notre taille eft alongée le matin , & diminuée le foir: cette raifon eft que les cartilages intermédiaires des vertèbres , preffés tout le jour par le poids de notre corps , font le foir plus compactes : mais après qu'ils ont été remis de cette preflion , par le repos de la nuit , ils repren- nent leur état naturel. Voy.le mot ACCROIS- SEMENT. 7°. Les différentes articulations, foit des corps , foit des procejjus obliques des vertè- bres, & le plus ou moins de force des dif- férens ligamens , montre que leur deftina- tion eft plutôt de faciliter le mouvement en-devant , que celui du mouvement en-ar- riere: ce dernier eft de difficile exécution, & même fujet dans les adultes à rompre , par EPI par un tiraillement excefïif , les vaifTeaux fanguins qui font contigus aux corps des vertèbres. C'eft un fait fi vrai que les danfeurs de corde & les voltigeurs,qui plient leur corps en tant de manières différentes , ne le font que parce qu'ils y font accoutumés , & mê- me façonnés dès la plus tendre enfance , cet âge de la vie où les apophyfes & les bords des vertèbres ne font encore que des cartilages flexibles , & où les ligamens font d'une extrêmefoupleffe. Cette flexibilité & cette fouplefîe continuent de fe maintenir par un exercice & une habitude perpétuel- lement répétée ; & c'eft peut-être par cette raifon que dans la diffe&ion des cadavres de deux danfeurs de corde , âgés d'environ vingt ans , Riolan obferva que leurs épi- phyfes n'étoient pas encore devenues apo- phyfes. 8°. Du méchanifme général de V épine on peut déduire aifément toutes les diffé- rentes courbures contre nature dont IV- pine eft capable ; car fi une ou plufieurs vertèbres font d'une épaiffeur inégale à des côtés oppofés ,il faudra queV épine penche fur le côté le plus mince , qui ne foutenant que la moindre partie du poids du corps , fera de plus en plus comprimée, & par con- féquent ne pourra pas s'étendre autant que l'autre côté , qui étant bien moins chargé , aura toute l'aifance propre à le laifTer grof- fir excefïivement. Les caufes d'où provient cette inégalité d'épaifTeur dans différens côtés des vertèbres font différentes ; car PinJgalité peut procé- der ou d'une diftenfion trop forte des vaif- feaux d'un côté , ou d'un accroiffement contre nature de l'épaiffeur de cette partie , ou , ce qui eft encore plus commun , de l'obftruction des vaiffeaux , qui empêche l'application de la fubftance alimentaire néceffaire à l'os. Cette obftruction dépend y i°. de la difpofition vicieufe des vaiffeaux ou des fluides , i° . d'une prefîion mécha- nique inégale , occaflonnée par la foibleffe paralytique des mufcles & des ligamens , 30. de l'action fpafmodique des mufcles fur un côté de M épine , 49. d'une longue continuité, ou de la reprife fréquente d'une pofture éloi- gnée de la droite. .Dans tous ces cas il arrive également que Tome XII. EPI 7oç les vertèbres s'épaifïïront du côté que les vaiffeaux font libres , & demeureront min- ces du côté où les vaiffeaux font obftrués. Toutes les fois qu'il arrive une pareille courbure contre nature , il en réfulte pres- que infailliblement une autre , mais dans une direction oppofée à la première , tant parce que les mufcles du côté convexe de Vépine étant tiraillés , tirent avec plus de force les parties auxquelles leurs extrémités font attachées , que parce que la perfonne incommodée fait fes efforts pour maintenir le centre de gravité de fon corps dans une direction perpendiculaire à fa bafe. Dès qu'on aura compris comment fe for- ment ces courbures contre nature de Vépine, il fera plus aifé de faire un prognoftic fur l'indifpofition du malade , & d'imaginer la méthode propre â y remédier: mais une in- dication générale que le chirurgien doit fui- vre, c'eft d'affoiblir la puiffance courbante, en augmentant la comprefîion fur la partie convexe de la courbure , & la diminuant fur la partie concave. Or la manière de pra- tiquer cette méthode varie fuivant la diffé < rencedescas , & demande qu'on fafTe une attention particulière aux diverfes caufes du déjettement de Vépine. V. GlBBOSlTÉ. Art de M. le Cher, de Jaucoup.t. Epine, f. f. en Anatomiefe dit de certai- nes éminences qui ont à-peu-près la figure d'une épine. L'épine occipitale , voye\ OCCIPITAL. Vépine des os des ifles , voyc\ IlÉON. Vépine nafale y voye\ MAXILLAIRE. Vépine frontale ou coronale , voye\ Co- RONALE. EPINE ,( Man. Maréch.) Faire tirer Vépine , pratique non moins digne de la fa- gacité de la plupart des maréchaux , que celle de faire nager à fec dans la circonftance d'un écart. Quelques-uns d'entr'eux s'y li- vrent encore aujourd'hui dans le cas d'une luxation arrivée dans une des extrémités de l'animal : ils mettent un entravon à l'extré- mité affe&ée, & ils le fixent au-defïbus de la partie luxée ; ils paffent enfuite une longe dans l'anneau de ce même entravon , l'y arrêtent par un bout , & attachent l'autre à un arbre quelconque: après quoi ils affom- ment le cheval à coups de fouet , & l'obli- gent de fuir en avant , de manière que l'es* V v v v 7o5 EPI trêmité malade , prife & retenue dans cette l fuite précipitée , efïuie uneextenfionqui fa- 1 vorife, feîon'eux , la rentrée de l'os^déplacé ' eft un peu moins ancien que Vépinette ; il en diffère en ce que } au lieu de faute- reau armé d'une pointe de cuir ou de plu- me , le fautereau du mani-cordion eft ar- mé à fon extrémité , i°. d'un morceau de cuivre ; 20. d'une petite pointe qui peut foulever un morceau d'étoffe , qui appuie fur la corde ; lorfque l'on baiffe la touche , le marteau de cuivre frappe la corde dans l'iniîant que l'étoffe eft fouïevée. Il eft vi- fible que le morceau d'étoffe doit arrêter la vibration , dès que la touche reprend fa fituation naturelle. Le mani-cordion a 1 quatre octaves , les cordes font de métal. [ Cet iniuument a le fon très-doux } il fçrt E PI à accompagner les petites voix. Les doigts en frappant les touches avec plus ou moins de violence , procurent leforte ou le piano : mais le mani-cordion ne doit pas être réu- ni avec d'autres inftrumens dans un con- cert ; il n'a pas afiez de force pour fe faire entendre , & il exige que l'on frappe la touche ; au lieu que dans Yépinette il fufHt de l'abaiffer. On pré fume que les Alle- mands font hs inventeurs du mani- corde. Dans la page 114 de l'ouvrage de la Harmonie univerfelle , le père Merfenne donne le plan d'un mani-corde de quatre oâaves ordinaires. Le mani-cordion a vraifemblablement donné lieu d'imaginer Yépinette à marteaux de bois dur. On place ces marteaux ou ho- rizontalement ou verticalement. Quelquefois on met entre les marteaux & la corde un petit morceau de peau de mouton , e£ qui fait rendre un fon de luth à la corde qui eft frappée ; mais lorfque l'on veut faire rendre un fon Xépinette , il faut avec le genou faire mouvoir un le- vier qui fouleve les peaux. Il eft évident que dans cette épinette à marteau on peut faire le piano & le/orte , ou for Yépinette ou fur le luth. Cette épinette à marteau rend beaucoup plus de fon que Yépinette à plume; elle a l'avantage fur cette der- nière de n'exiger prefque aucune répara- tion : il eft vrai que l'on a un peu de pei- ne à s'accoutumer à frapper la touche plus tm moins fort , & à ne donner que le degré de force que l'on fouhaite. Il y a grande apparence que Yépinette à marteau prévau- dra dans peu aux épinette s à fautereaux cm- plumés , qui exigent des réparations con- tinuelles. Le marteau a environ fix lignes de face fur trois lignes de hauteur , il eft porté par un fil de fer ; près du marteau eft une féconde branche qui porte à fa fommité un morceau d'écarlate , qui s'é- lève lorfque le marteau va frapper la cor- de ; ces deux machines font fixées à la fommité d'un petit levier du premier gen- re , en bois; il a environ un pouce dfe' hauteur ; le levier eft foulevé par l'extré- mité de la touche du clavier. Nous repréfentons ici la principale mé- chanique de cet ingénieux inftrumtnt. EP I 707 Uépinette à marteau renferme fouvent cinq oclaves : on poUrroit encore y ajou- ter des fautereaux à plumes qui rapprochés du chevalet collé fur le fommet , procu- reraient aux cordes le fon de la harpe. On préfume que les Allemands ont inventé Yépinette à marteau fur la fin du fiecle dernier. On dit qu'en 1758 , ou environ , les Anglois ont ajouté à Yépinette ordinaire fix rangs de fautereaux emplumés & un rang de fautereaux à marteaux. Les fautereaux emplumés heurtent la même corde , les uns près du chevalet , les autres plus ou moins loin ; ce qui eft caufe que la mê- me corde peut rendre fix fons d'un diffé- rent genre , c'eft-à-dire , aigus , durs , doux , mous , &c. Tel eft le méchanifme de Yépinette admirable qui fait le piano & lejorte , que le fieur Virbes , muficien de Paris , promené a&uellement dans les. provinces de la France. Les épinettes ordinaires ont fix pies de long & deux pies & demi de large ; elles font compofées de deux claviers , le fu- périeur a un fautereau fur chaque touche ; le clavier inférieur porte deux fautereaux à chaque touche : l'un fait mouvoir une corde à l'uniffon , & l'autre fait mouvoir une cotde à l'o&ave. On pourroit y ajou- ter fans beaucoup de dépenfe , un quatriè- me fautereau rapproché du chevalet ; ce fautereau procurerait à la corde le fon de la harpe. On pourroit encore fans frais y appliquer une petite règle qui glifieroit dans une coulifle; cette règle ferait armée de peau de buffle pour empêcher en partie la vibration de la corde & lui faire rendre un fon de luth. Les meilleurs fa&eurs iïépinettes ordi- naires ont été André Rukers , réfidant à Anvers , qui vivoit fur la fin du fiecle der- nier , & Jean-Denis de Paris : mais depuis la mort de Rukers on a fait quelques1 V v v v i 7o8 EPI changemens avantageux à fes épinettes. i°. L'on a donné plus d'étendue à fes cla- viers qui n'avoient que trois octaves & demie ; ils commençoient à fay octave au- deflbusde la clef defa, & finiffoientàlW, douzième au-defîus de la clef de fol,- l'on a ajouté une octave aux baffes , & une quarte aux tons fupérieurs , en confervant Je même diapazon & la même forme : on y a ajouté outre cela les machines fuffifan- tes pour imiter le luth & la harpe : quel- ques perfonnes y ont joint une petite or- gue , ce qui centuple l'agrément. La plus finguliere & la plus étonnante des découvertes que l'on ait faites dans ce fiecle , pour perfectionner les épinettes de Rukers , eft celle de M. Berger , muiîcien y réfident à Grenoble : il a inventé une mé- chanique fort fimple qui fait rendre à V épi- nette , non-feulement le jeu du luth , celui de la harpe , le piano , le forte , mais en- core le crefcendo , effet qui jufqu'alors avoit été regardé comme impoilible à trouver : Mrs. de l'Académie des Scien- ces de Paris lui ont donné des certificats avec beaucoup d'éloges dans le mois d'Août 1765. Les gazettes l'ont annoncé ; mais comme tous les connoifTeurs de Paris fe font bornés à l'admirer , M. Berger n'a point trouvé à-propos de publier la mécha- nique de cet infiniment , ainfi que celle de l'orgue qui y étoit jointe, dont les fons hauftoient & baiffoient ; elle faifoit aufîi le crefcendo que l'on regardoit également comme impoflible d'appliquer à l'orgue. Ces deux méchanifmes finguliers font ap- plicables à toute efpece $ épinette , & à tou- te efpece d'orgue , fans en altérer le tou- cher & le corps fonore. Il y a grande ap- parence que fi quelque fouverain n'acheté pas incefïàmment le fecrer de la méchani- que de M. Berger, on ne le trouvera vrai- ' femblablement jamais. M. de Laine , mai- ! tre de vielle de Paris , a tenté de procurer ' le crefcendo à fon épine ne , en faifant avan- ] cer ou reculer le fautereau : mais il arrive i fouvent que dans cette invention la plume du fautereau ne peut pas fe dégager de la corde ; au lieu que jamais on ne fent aucu- ne difficulté dans le méchanique du fieur Berger ; fon épinette n'exige point que l'on appuie plus ou moins le doigt fur la touche EPI pour faire le piano y le forte ? ou le crefcen- do; le genou ou le pie preffe un levier qui aboutit à la méchanique ; alors l'on a des fons plus ou moins forts dans Yépinette , ainfi que dans l'orgue. Voilà tout ce que l'on fait de la méchanique de ces inftrumens. Quelques perfonnes ont tenté de donner à Yépinette la commodité du tranfport , & dans cet objet ils ont divifé le clavier & le corps fonore en trois parties parallèle- ment aux cordes : par ce moyen on eft par- venu à réduire ces épinettes en parallélo- grammes rectangles , en tranfpofant une des parties : mais ces épinettes ont rarement les corps fonores proportionnels en force , & en efpece de fon ; d'ailleurs elles font fujettes à des réparations continuelles , quoi- que l'on fafiè modeler les fauteraux en étain pour les rendre plus folides. Le fieur Renaud , bourgeois de Paris , originaire d'Orléans , artifte fort ingé- nieux , a tenté de quadrupler lfe*fon de Yé- pinette f en y mettant up archet fans fin y formé d'un tiflu de crin , coufu fur une courroie. Une pétale fait mouvoir la roue fur laquelle paflè l'archet. Les touches par la prefîion du doigt , font bailler la corde fur l'archet par le moyen d'un pilote qui eft fixé à la touche. Ce pilote faifit la corde en-defïus ; il la rapproche de l'archet , qui circule horizontalement fous toutes les cor- des. Cet inftrument a deux défauts : i°* comme les cordes font en boyaux , il ne tient pas l'accord ; l'humidité & la féche- refte le font varier d'un inftant à l'autre. 20. Si l'on baiffe plufieurs touches à la fois, elles preftènt trop fortement l'archet , il refte immobile. Un commandeur de Malte fort ingénieux travaille actuellement dans Grenoble à finir une épinette à cordes de métal & à archet fans fin , c'eft-à-dire , en courroie tifTue & mobile par une pédale. Ce favant a ajouté un méchanifme pour exciter des ofcillations longitudinales dans les cordes de métal. Ce point d'attache des cordes eft au centre des leviers , dont l'ex- trémité répond par un méchanifme aux touches de Y épinette. Chaque touche de Yé-. pinetee a une ouverture & un petit point faillant , de forte que , dès que Ton veut faire rendre un fon plus ou moins fort, il fuffit de prefïèr plus ou moins l'extrémité E P I de la touche ; & fi Ton veut avoir des fons tendres , de la nature du tremblant doux de l'orgue , il faut mettre le doigt fur le bouton de la touche , & trembler plus ou moins , ce qui produit un effet des plus fin- guliers. J'obferve , en parlant , que cet in- génieux feigneur a placé des leviers à-peu- près de la même efpece fur ce luth ; & en les prefTant plus ou moins avec la paume de la main , il en tire des fons tendres & très-flatteurs. Il y a environ vingc-ans , qu'un parti- culier de Paris imagina une efpece d'épi- nette , ou plutôt un inftrument , où il a réuni deux violons , une taille & un vio- loncel ; ces quatre inftrumens ordinaires font pofés horizontalement fur une table ; ils ont des chevalets dans l'endroit où on les place ordinairement : mais ces cheva- lets ne font point bombés ; ils font très- longs , & en ligne droite , comme un bout de règle ; ils occupent Pefpace des deux SS : fur le chevalet de chaque inftrument; il y a quatorze cordes de boyaux tendues ; chaque inftrument a un grand archet , pla- cé à quelques lignes au-defîus des cordes ; une pédale fait tourner une roue , & cette roue fait mouvoir le va & vient de chaque archet. Les archets ne jouent point auprès des SS des inftrumens , ils jouent , au contraire , à cinq pouces de diftance du fillet des violons. Lorfque l'on met le doigt fur une des touches du clavier , la corde s'élève , & va s'appuyer plus ou moins fort contre l'archet , par conféquent la corde rend alors un fon. Il eft évident que les cor- des du côté du fillet doivent avoir des dou- bles cordes qui les alongent , on les monte par le moyen des chevilles ordinaires : avec cet inftrument un homme feul peut faire un concert entier ; il eft dommage que les violons ne tiennent pas beaucoup l'accord , & que toute cette méchunique coûte envi- ron quinze cents livres. Ces détails font fufhfans pour les artiftes , & pour le com- mun des lecteurs. En finiffânt l'hiftoir e des e'pi net te s y nous allons donner quelques nouvelles idées pour les perfectionner. ïp. Au lieu d'archet en tiftus flexibles , on peut employer une roue femblable à celle de la vielle-. •E P l 709 2 . On pourroit tenter d'exciter la vi- bration des cordes , par le moyen d'un tuyau rempli d'air. 30. Employer une roue hériffée de petites pointes de plumes. 40. Comme l'expérience montre que le chevalet à marteau mobile de la trompet- te marine en quadruple le fon , on pour- roit tenter de mettre un chevalet de cette efpece fous chaque corde de Yépinette ; on pourroit aufîi tenter de faire des chevalets à reiïbrrs de différens bois , qui en excitant le mouvement du corps fonore , centuplaf- fent la force , ou le nombre des ofcilla- tions de l'air qui eft renfermé dans ce corps fonore , & qui font caufées par la vibration de la corde. 50. On fait qu'un violon fans ame a un fon fourd & très- bas ; on pourroit tenter de mettre plufîeurs âmes fous les cordes de Yépinette. 6°. L'on a vu , il y a en environ dix ans , à Paris un inftrument fingulier , inventé par un Anglois. Le corps fonore étoit une enfilade de timbres de verre , femblables à ceux des pendules à carillon ; on jouoit de cet inftrument en faifant tourner l'arbre , qui contenoit tous ces timbres ; enfuite pour faire un ton , il falloir approcher d'un des timbres de verre , un doigt humi- de. Ce frottement excitoit un frémifTe- ment argentin , fonore , flûte , fufceptible du crefeendo; mais comme ces frémifTemens du verre fe communiquoient à la main & au corps de la dame qui en jouoit, elle pé- rit en peu temps. On pourroit adapter un clavier à cet inftrument, pour empê- cher l'effet nuifible à la fanté : au lieu de timbres de verre , on pourroit exciter un frémifTëment harmonique par le frottement fur la furface des timbres , des carillons , des pendules , &c. 7°. Pour compléter l'idée que nous avons donnée du claque-bois , que quel- ques auteurs nomment aufîi regale- de-bei s > patouille ou échelette , nous obfervonspré- fentement que l'on joue ordinairement du claque-bois par le moyen de deux baguet- tes , au bout defquelles on met une petite boule de bouis ou d'ivoire , 20. avec un clavier dont l'extrémité des touches fert de I marteau ; 3°. on peut enfin tenter "en 7im EPI tirer un Ton agréable , en approchant cha- que bâton d'une roue femblable à celle de la vielle : enfin l'on peut fufpendre les bâ- tons fur des corps fonores. Le plus grand bâton du claque-bois a ordinairement dix-pouces de long ; le pins petit a trois pouces & demi. Au lieu de barons ont peut employer des cylindres creux de bronze ou d'autre métal. 8V. On peut perfectionner les corps fono- res des épinettes , i°. par la qualité des bois ; X°. par leur épaiftèur ; 30. par leur con- tour ; 40. enfin par leur étendue , ùc. 9e. On doit obferver que les cordes en boyau ont un fon plus agréable & plus doux que les cordes en foie ; 2°. que les cordes en métal ont un fon plus aigu , plus clair & moins doux que les cordes tirées du règne végétal ou animal ; le fil de fer a un fon plus aigu que celui du laiton ;. le fil de cuivre rouge & ceux d'argent ont encore le fon plus doux. Le fil d'or rend en- core un fon plus doux. Les fils de cuivre filés en cuivre ont un fon très-doux & mou. £es fils de métal tordu ou croife ont un fon très- harmonieux & de longue durée , ils font excellens pour les balles. Au lieu de cordes métalliques rondes y on pourroit «tffayer à les applatir où à les rendre; trian- gulaires dans l'objet d'augmenter ou de varier la qualité des fons. ( V.A. £. ) EPINETTE ( Fête de /' ) Hifi. de Flan- dres; la plus célèbre des fêtes des Pays-Bas , dont la mémoire eft prefque effacée , quoi- que cette îètQ lût encore dans toute fafplen- deur au milieu duxve fiecle. On aune lifte des rois de cette fête pendant 200 ans , c'eft- à-dire, depuis 1283 jufqu'à. 1483. Le P. Jean Buzelin Ta donné dans la Gedlo^ Flandria. Les peuples de Flandres & des Pays-Bas ont toujours aimé les jeux & les fpectacles ; ce goût s'y conferve même encore, dans ce qu'ils appellent triomphe y dans leurs pro- cédions & dans leurs autres cérémonies pu- bliques : c1 eft une fuite de l'oiiîveté &• du manque de commerce. Dans lesxiij. & xjv. fiecîes, chaque ville de ces pays-là avoit des fêtes , des combats , àes tournois : Bruges avoit fa fête, du Fo- reftier , Valenciennes celles du prince de Pldi&ncc , Cambray celle du rot des Ri- EP I bauds , Bouchain celle du prévôt des Etonr- dis : dans beaucoup de lieux on célébroit celle de Behourt. A. ces différentes fêtes ac- couroient non- feulement les villes voifines,. mais plufieurs grands feigneurs des pays- éloignés : Lille en particulier attiroir , par la magnificence de la. fête de Yepinctre & par le*> divertiflèmer;s qui s'y donnoienc , un- concours extraordinaire de monde. La fêté de Vépinette avoit fon roi , que l'on élifoit tous les ans le jour du mardi- gras : on élifoit en même temps deux jou- teurs pour l'accompagner. Les jours précé- dens & le refte de la femaine fe pafibient en feftins & en bals. Le. dimanche des brandons , ou Ier. diman- che.de carême , le roi fe rendoit en grande pompe au lieu deftiné pour le combat ; les combattans y joûtoient à la lance : le prix du victorieux étoit un épervier d'or. Les quatre jours fui vans , le roi , avec fes deux jouteurs & le chevalier victorieux , étoient obligés de fe trouver au lieu du combat , pour rompre des lances contre tous ceux qui fe préfentoient. Jean duc de Bourgogne honora cette fête de fa préfence en 141 6 ; le duc Philippe le Bon s'y trouva avec le roi Louis XI en 1464. L'excemVe dépenfe à laquelle cette qua- lité de roi engageoit , la ruine de plufieurs familles qu'elle avoit occaiionnée , le refus que. firent quelques habitans de Lille d'ac- cepter cet honneur prétendu , & l'obliga- tion où Ja ville s'étoit trouvée de faire elle- même ces dépenfes y enfin l'indécence que quelques perfonnes trouvoientà voir toutes- ces rejoailîànces , ces divertiiTemens & ces bals,,d«jis les deux premières femaines de carême, obligèrent Charles duc- de Bour- gogne à fufpendre cette fête depuis 1470 jufqu'en 1475. Elle fe rétablit en partie , mais aux dépens des fonds publics , jufqu'en 15 16 : Charles V en interrompit l'exercice pendant prefque tout le cours defon règne, par lettres données en 1528 & en 1538. Enfin Philippe II la fupprima entièrement en 1556 : il ne s'en eft conferve pour mé- moire que le nom de Vépinette , eue Von donne à un des bas-officiers du magiftrat ou de la maifon de ville de Lille , qui repréfente en quelque façon le hérault par qui les rois dt Vépinette avoient dioit de le faire précéder. EPI Plufieiirs hiftoriens ont parlé de. cette fête , entr'autres l'auteur d'une petite his- toire de Lille, imprimée en 1730. On igno- re fon inftituteur , de même que l'origine EPI4 7ir commun & le moins précieux , c'eft peut- être celui qui demande le plus de combi- naifons ; tant il eft vrai que l'art , ainfique la nature , étale fes prodiges dans les plus de fon nom , qui vient peut-être ce ce que [ petits objets , & que l'induftrie eft atuïl J'orudonnoit au roi de Vf pi nette une petite I bornée dans fes vues qu'elle eft admirable épine pour marque de fa dignité , &c qu'il dans fes refïburces. Qui s'imagineroit qu'une alloit tous les .ans en pompe honorer la I épingle épreuve dix-huit opérations, avant fainte épine , que les Dominicains de Lille J d'entrer dans la commerce ? On commence prétendent poff-'der dans leur églife. 11 naangeoit chez ces pères avec fes chevaliers le dimanche des Rameaux , & y afîïftoit à tous les offices de la femaiiie-fàinre. Hifi. de VAcad. des Belles- Lettres. C'eil de cette .manière qu'on affocioit alors la dévotion aux fpe&acles profanes , aux feftins , aux joutes , aux tournois , aux combats particuliers. Il y avoit aufli dans les mêmes ficelés d'autres fêtes plaifantes , telle qu'étoit celle de Bourgogne , nommée lu compagnie des fous. Voy. MERE-FOLLE. Enfin on célébrait même encore de la façon la plus fcandaîeufe dans les égiifes de la fiartie feptentrionale & méridionale de 'Europe , en Flandres , en France & en Ef- pagne , la fameuse fête des fous, fi connue par fon indécence & fon extravagance. V. FÊTE DES FOUS. DE JjÎUCOURT. EPINEUX, EUSE, adj. en Anatomie , fedit de différentes parties. Ainfi on dit , les apophyfes épineufes , le trou épineux de l'os fphénoïde , voy. SPHÉ- NOÏDE. On dit , le trou épineux , ou trou borgne du coronal, voye\ CORONAL. Il y a le muicle épineux du dos , le grand épineux du dos , les épineux du cou , les intcr-epineux du cou. Voye\ VER7EBRE. Sur l'omoplate & fur la partie fupérieure de l'humérus on remarque le fus-épineux & le fous-épineux. Voye\ OMOPLATE. L'artère épineufe eft une branche de la ma pilaire interne, voye\ MAXILLAIRE. (D EPINGLE , f. f.(Art. Méchaniq.) petit inftrument de métal , & pointu par un bout, qui fert d'attache amovible au lin^e & auv étoffes , pour fixer les dirférens plis qu'on lenr donne à la toilette, à l'ouvrage & daî'.s les emballages. Quoique de tous les ouvres méchani- çues l'épingle foit le plus mince , le plus par Jaunir le fil de laiton qui vient tout noir de la forge , & qui eft en torques 0:1 paquets faits comme un collier; on tire enfuitecefil à la hobilie on le dreife , on coupe ladreftée, on empointe , on repafîè , on recoupe les tronçons , on tourne les têtes , on coupe les têtes y on amollit les têtes , on frappe les têtes, on jaunit les têtes qui ont été noir- cies au feu, on blanchit les épingles : ( quoi- que celles d'Angleterre foient très-blanches, celles de Bordeaux ont un avantage fur elles par l'éclat & la durée de la blancheur , parce qu'on y mêle du tartre dans le blanchifla- ge. ) Enfin on étame les épingles , on les feche , on les vanne , on pique les papiers & on boute les épingles , c'eft- à-dire, qu'on les place dans le papier. Les épingliers achètent le laiton en botte; ils le pailènt à la filière pour lui donner la grofîèur que doit avoir l'épingle ; ils leaV- capent y c'eû-k-âke , qu'ils lenettoient avec du tartre , le fil de laiton étant toujours fale lorfqu'on le livre aux ouvriers. On fait aufli des épingles avec du fil de fer y mais qui font ce moindre prix , & moins efti- mées que celles de fil de laiton. La filière eft une pièce de fer ou d'acier, plus longue que large , percée à jour de plufieurs trous qui vont toujours en dimi- nuant de groffeur , & par lefquels on tait pafïer le laiton pour calibrer exactement le fil , & le préparer fuivant l'épingîe qu'on veut faire ; on appelle le fil deftiné à faire le corps des épingles, fila moule , & celui qui efl deftiné à faire les têtes , fil à têtes. Le cuivre rouge n'eft pas propre à faire des épingles ; elles ne feraient pas affez du- res. Les métaux où il y a de l'alliage font toujours plus roides que les autres ; aufîi emploie-t-on avec plus de fuccés le laiton , qui eft un compofé de cuivre & de pierre caîaminaire. Les marchands de Paris tirent prefque tout le laiton de l'Allemagne ; car 7n EPI nos mines ne fournifTent pour ainfi dire rien au royaume. On préfère celui qui eft de couleur blonde , & qui n'eft point pail- letix. A l'égard du fil de fer, celui qu'en tire de la Normandie eft plus eftimé que celui de l'Allemagne. Les épingliers décrafient leur fil avant de i'employer ; pour cet effet ils féparent la botte de laiton en petits échevaux dont elle elle compofée ; ils tordent enfuite chaque échevau par le milieu; ils leur donnent la forme d'un huit de chiffre , & ils le jettent dans une chaudière de fer pleine d'eau clai- re, dans laquelle ils mettent une livre de gravelle blanche , ou cinq quarterons de gravelle rouge pour environ quatre-vingt ou quatre-vingt-dix livres de fil. Alors un ouvrier retire une pièce après l'autre , & les frappe fucceffivement fur un billot de bois. Cette opération aide à la crafïe à fe détacher plus aifément. On remet de nou- veau les pièces dans la chaudière & dans la même eau , & on la fait bouillir pen- dant environ une heure. L'ouvrier tire en- fuite les pièces de l'eau , & les bat comme la première fois fur un billot ; cette der- nière façon les rend plus brillantes & plus jaunes. Quand l'eau dans laquelle on lave le fil de laiton refte bien nette , on palTe les pièces dans un morceau de bois foutenu fur le dos de deux chaifes , pour les faire fécher au foleil , ou au feu quand le ciel eft chargé de nuages. Lorfque le fil eft décrafTé on le tire par une filière , & lorfqu'il a patte* par deux trous, on le recuit à un feu de bois , on le met enfuite tremper dans l'eau ; on le lave avec de la gravelée, & on continue à tirer le fil , fi on veut le vendre plus fin ; & au fortir de deux ou trois trous on lui rend la couleur que le feu a obfcurcie , & on le recuit. La grofîèur des pièces étant fixée on drefïe le fil , c'eft-à-dire , qu'on divife cha- que pièce en brins longs de plufieurs pies y qu'on rend le plus droits qu'il eft poffible. On fe fert pour cela d'un inftrument appel- lé engin. Un dreffeur peutdrefter dans un jour affez de fil pour cent vingt milliers d'épingles. La botte de drejfées étant faite , on la Coupe en tronçons , dont chaque brin doit EPI fournir trois , quatre ou cinq épingles , fé- lon le numéro dont on les veut ; c'eft le moule qui règle leur longueur. Ce moule eft compofé d'une planchette qui a un re- bord le long de les côtés , & près d'un de fes bouts une lame de fer verticale. Le cou- peur jette enfuite les tronçons coupés dans une jatte de bois qui eft auprès de lui. Les tronçons étant coupés , un ouvrier qu'on nomme Yempointeur leur fait une pointe a chaque bout fur une meule de fer hériffée de hachures dans toute fa circon- férence. Ces meules ont environ un pouce ou deux d'épaifïeur , & quatre de diamè- tre. Elles font montées comme celles des couteliers , & on les fait mouvoir de même par le moyen d'une grande roue de bois. L'aiflieu de la meule eft de fer & terminé par deux pivots. Dans le temps qu'un autre ouvrier tourne la manivelle de la grande, roue , l'empointeur eft aflis fur un couffin ou à terre devant la grande meule , les jambes croifées. Il y a deux jattes à fes côtés, une dans laquelle il a les tronçons à em- pointer , & l'autre où il met ceux auxquels il a fait des pointes: il prend dans la pre- mière environ autant de tronçons qu'il en faut pour égaler la longueur des deux tiers de PépaifTeur de la meule avec les tronçons couchés les uns auprès des autres , & les étalant ainfi fur la meule : pendant qu'ils la touchent le pouce de la main droite re- mue continuellement ; il va de gauche à droite , & revient de droite à gauche : Pa- drefTe confifte à rendre les pointes rondes & également longues. Cette opération fe fait en très-peu de temps. L'ouvrier les empointe ainfi des deux bouts. Un bon empointeur fait les pointes dans un jour à foixante & douze milliers d'épingles de dif- férens numéros \ fon adrefïè ne fe borne pas à faire tourner les bouts de fil de laiton dans fes doigts , il faut encore qu'il les pre- fente fur la meule de manière que leur poin- te ne foitni trop longue ni trop courte. Il y a un petit chafîis de verre au devant de l'ouverture du billot , qui eft incliné de façon qu'il retient la limaille & garantit les yeux de l'ouvrier. Un fécond empointeur prend enfuite les mêmes tronçons & les paffe comme le premier fur une meule montée de la même manière. Toute la différence E F I différence qu'il y a entre l'une & l'autre ,~ c'eft que cette dernière a les taillans plus fins , les hachures moins larges & moins profondes , & qu'elle rend conféquemment ïes pointes plus fines , plus polies & plus douces : on appelle l'ouvrier qui leur donne cette perfection le repajfeur. On s'imagine bien que les deux pointes d'un tronçon doi- vent être les pointes de deux épingles diffé- rentes ; aufîl coupe-t-on ces deux longueurs d'épingles ; c'eft un ouvrier appelé coupeur de, haufes qui eft chargé de cette opération, parce qu'une épingle à qui il manque la tête eft appelée haufe. Un coupeur de haufes peut en couper , dans un jour, environ cent quatre-vingt-dix milliers. Il s'agit enfuite de faire les têtes des épin- gles ; chaque tête eft compofée de deux tours de fil de laiton tourné en fpirale , & roulé de la même manière que les cannetilles ou bouillons qui ornent les boutons d'or & d'argent trait. On fe fert de rouets femblables à ceux que les boutonniers emploient à un pareil ufage , & ils fe nomment tours à tête. On choifit pour cela le meilleur laiton , & on recuit quelquefois le fil à tête afin qu'il foit plus flexible. Les pièces de cannetille étant difpofées, on les coupe en petites parties pour en faire des têtes ; c'eft l'ouvrage d'un ouvrier ap- pelé coupeur de têtes. Il eft aflîs de même que la plupart des autres fur le plancher , les jambes croifées ; il tient dix à douze pie- ces de cannetille dont il a bien égalifé les bouts , & tenant de grands cifeaux à fa main droite , il coupe d'un même coup toutes ces pièces? obfervant de ne détacher de chacune que deux tours de fil ; plus ou moins rendroit le morceau inutile. Ce tra- vail demande de l'adretTe & beaucoup d'exercice ; un habile coupeur peut couper dans un jour 144 milliers de têtes. On les 1 fait enfuite recuire dans une cuiller de fer, jufqu'à ce qu'elles foient rouges , dans la vue de les ramollir, afin de leur donner plus de fouplefïe , lorfqu'il fera queftion de les alTu- jettir. A mefure qu'on coupe les têtes, elles tombent dans une fébiîle de bois. Lorfque les têtes font coupées , il faut les mettre au bout des épingles , & les frapper àt façon qu'elles y foiçnt comme foudées , Tome XII. EPI 715 & qu'elles aient de la rondeur ; on fe fert pour cela d'une machine appelée Ventêtoir. L'ouvrier appelé Ventéteureil aftis vis-à-vis d'une enclume , ayant les coudes appuyés & un pie pofé fur la marche ; un billot eft pour lui une table fur laquelle font deux efpeces de boîtes de carton , l'une contient les haufes & l'autre les têtes. L'entéteur prend une haufe de la main gauche , il en poufte la pointe au hafard dans le tas des têtes , il ne manque guère d'en enfiler une. La main droite pofe aufiitot la tête dans le creux de l'enclume, & tire enfuite l'épingle à elle jufqu'à ce que la tête foit ajuftée , «Se un poinçon que le pie de l'ouvrier tenoit élevé vient frapper la tête ; il l'élevé «Se le laifTe tomber quatre ou cinq fois de fuite ; 1 il retourne l'épingle à chaque fois avec fa main droite , afin qu'elle foit frappée de differens côtés , & alors il met l'épingle en- têtée dans le carton. Un ouvrier entête communément huit à neuf milliers d'épin- gles dans un jour. On ne laifTe guère aux épingles leur cou- leur jaune , excepté celles des plus grofTes fortes ; on les blanchit prefque toutes , non feulement pour les embellir , mais encore parce que le cuivre laifTe toujours une mau- vaife odeur aux mains, & qu'il eft lujet au verd-de-gris. Pour les blanchir on commen- ce d'abord par les décrafTer : on fait bouil- lir de l'eau avec une livre de gravelle rou- ge , & on jette cette eau toute bouillante dans un baquet de bois où font les épingles. Ce baquet eft fufpendu par une chaîne à hauteur d'appui : un ouvrier l'agite pendant environ une heure ; les frottemens que les épingles y efTuient les rendent plus jaunes & plus brillantes : pour lors elles font en état d'être blanchies. On en forme une pile dans une chaudière de cuivre de figure cy- lindrique , & pour former cette pile on s'y prend de la manière fuivante. On a une croix de fer à quatre bras égaux , dont deux enfemble font moins longs que le diamètre delà chaudière; on pofe fur cette croix une plaque d'étain fin , ronde , & épaifTe d'un quart de ligne ou environ : on couvre la plaque d'un lit d'épingles épais de cinq à fix lignes , placées fans aucun ordre ; on fait une pile qui ait un peu moins de la moitié de la hauteur de la chaudière , en arran- Xxxx 7i4 E P I géant alternativement les épingles par lit , & en mettant defîus chaque pile une plaque d'étain. On porte enfuite cette pile dans la chau- dière : on forme deux autres petites piles compofées d'autant de couches d'épingles & de plaques d'étain que la première ; ce qui achevé la pile qu'on doit fuppofer dans la chaudière. On la remplit d'eau de puits bien claire, on y jette deux livres de cendre gravelée blanche , & on fait bouillir le tout fur le feu pendant environ cinq heures ; la chaudière eft foutenue fur un trépied ordi- naire & a un couvercle. A mefure que l'eau diminue , on en verfe de la nouvelle , & on obferve foigneufement de la tenir toujours pleine. Le fel de la gravelée dont l'eau eft empreinte diflbut l'étain , & l'étain difïbus s'attache au cuivre & l'étame. Il femble que cette opération ne devroit pas fuffire pour bien étamer les épingles & les couvrir fufhTarnment d'étain avec égalité ; cependant l'expérience prouve que cette manière de blanchir les épingles réunit toutes les perfections qu'on eft en droit de demander. La confommation qui fe fait de l'étain n'eft pas confidérable , les ouvriers afturent qu'en faifant bouillir les plaques pendant trois mois , une fois par femaine , elles ne diminuent que de deux livres du poids qu'elles avoient aupara- vant. Après que la chaudière a été ôtée de deilus le feu , on retire les épingles , & on les renverfe dans le même baquet où on les a lavées avant de les mettre dans la chau- dière. Le baquet eft également fufpendu , on y jette de l'eau fraîche & claire , & un ouvrier l'agite pendant environ dix minutes , afin que la gravelée qui étoit reftée entre les épingles , s'en fépare. On les fait fécher enfuite; & pour cet effet on agite dans la frottoire y qui eft une efpece de petit tonneau d'environ un pié de dia- mètre , & un peu moins long ; il a un aiftieu de bois foutenu par deux tréteaux , & on le fait tourner fur cet aiflieu par le moyen d'une manivelle. Cette frottoire a, vers le milieu de fa longueur , une efpece de porte quarrée , par où on fait mettre les épingles ; on les y verfe avec un auget, on y jette enfuite une certaine quantité de E P I fon , on ferme la petite porte ; & après avoir fait tourner \z frottoire pendant une demi-heure , l'ouvrier retire les épingles, les fait tomber dans le plat a vanner ; il les y vanne , & quand elles font bien nettes & bien blanches , il les met dans un boifTeau. II ne refte plus qu'à arranger les épingles par quarterons fur le papier ; ce papier n'eft point collé , on en perce à la fois pour un quarteron. L'outil dont on fe fert s'appelle quarteron : il eft terminé en forme de pei- gne par vingt-fîx pointes ; une ouvrière perce dans un jour aftez de papier pour placer huit douzaines de miliers d'épingles. Enfin , une féconde ouvrière , appelée bouttuje , fait entrer les épingles dans ces trous, elle en peut arranger jufqu'à trente milliers par jour ; elle en forme des paquets compofés chacun de ftx milliers , qu'on appelle des fixains : les papiers qui enve- loppent les paquets compofés de plufieurs milliers , portent en rouge la marque du maître. On fait aufTi des épingles de fer, qui,, étant blanchies comme les autres, partent pour être de laiton : mais ces fortes d'épin- gles ne font pas permifes en France à caufe de leur mauvaife qualité ; & plufieurs arrêts du parlement de Paris en défendent la fa- brique & le débit. Outre les épingles blanches dont on vient de parler , on fait des épingles noires , moyennes & fines , depuis le numéro 4 jusqu'au numéro 10 , qui fervent pour le deuil. L'on fabrique auffi quantité de groffes épingles de laiton de différentes longueurs , les unes à tête du même métal , les autres à tête d'émail : elles fervent pour faire des dentelles & des guipures fur l'oreiller. Il y a encore des épingles à deux têtes de plufieurs numéros , don* les dames , en fe coè'ffant de nuit , relèvent les boucles de leurs cheveux ; elles ont été imaginées afin que , pendant leur fommeil , elles ne puflent en être ni piquées, ni égratignées. Pour diftinguer les groffeurs des épin- gles, on les compte par numéro. Les plus petites , qui font les camions , s'appellent nfynop-. meth. pije. Rond. hifi. des poiffons de rivière . Voye{ Poisson. (/) EPINOCHE, c'eft ainfique les Epiciers appellent la fleur du meilleur cafté. EPINYCTIDE , f. f. ( Médecine. ) eV^uKT»? ; c'eft une efpece d'exanthème ou d'éruption cutanée en forme de puftule livide , de la grofleur d'une petite fève „ remplie d'une matière muqueufe , qui s'ouvre enfuite &: fe change en un petit ulcère qui caufe de grandes inquiétudes dans la nuit, par les vives douleurs qu'il occafionne : d'où lui vient , félon Celfe 3 le nom que les Grecs lui ont donné , qui fignifie dans la nuit , étant compofé de la proposition i**r* , dans , & de v»%, vwktoj , nuit.t ' Cet auteur , dans la defeription très- exacle qu'il donne de Yépinyclide , lib. Va cap. xxviij. dit qu'elle eft ordinairement; fortenflammée tout au tour, & que le fentimenr douloureux qu'elle fait naître eft beaucoup plus confidérable que la grof. feur ne femble pouvoir la caufer ; elle fournit , quand elle eft ouverte , une fanie fanguinolente.. Cette tumeur eft produite par une ma- tière bilieufe acre qui fe ramafie dans quel- que follicule de la peau , la ronge , & fe fait une iflue en l'exuîcérant : l'âcreté &c ..la fubtilité particulière de cette humeuc E P I viciée la rendent fufceptible de produire une irritation confidérable dans les nerfs voifins , & d'être aifément agitée par la EPI 7i7 * §. EPIPHANIE ; fêtes des rois Les chrétiens d'Orient nomment au JJi cette fête la théophanie ou fête des lumières. Théophanc chaleur du lit & l'augmentation qui fe fait fignifle manifejlation de Dieu , & non pas dans la tranfpiration pendant la nuit. \ fête des lumières Jean Défiions a fait un, Il efl facile de diffinguer cette tumeur \ petit livre fur le roiboit. M. Dellyons a fait incommode à caufe des mauvais effets d'Eglife , qui veut dire la fête des Rois , ou qu'elle produit dans la nuit : s'il en paroît de X apparition de Jefus-Chrifi aux Gentils , plufieurs en même temps , c'eft un indice de la qualité bilieufe & acrimonieufe , do- minante dans la malle des humeurs. Les perfonr.es qui ont des épinyclides doivent obferver un régime délayant & adouciffant : on a recours à la faignée fi elles font nombreufes ; la purgation con- vient pour détourner de !a peau l'humeur viciée & l'évacuer ; les digeitifs &: les épuîotiques- ordinaires font les topiques j dont l'ufage efl indiqué dans cette affec- tion. Vàyei Exanthème, {d) EPIODIE , ( Mufiq. des anc. ) chanfon des Grecs avant les funérailles ; on l'ap- peloit aufîi ncenia, ( F. D. C. ) EPIPEDOMETRIE , f. f. dans les Ma- thématiques , lignifie la mefure des figures qui s'appuient fur une même bafe. Ce mot n'eft plus en ufage. Harris & Chamhrs. (E EPIPHALLUS , ( Mufiq. des anc. ) car le mot grec lignifie apparition. Les chrétiens d'Orient nomment auiïï cette fête , la Théophanie , ou la manijefiadon de Dieu. C'efl une fête double de !a première claile , qui fe célèbre le 6 janvier de cha- que année. Les Grecs appeîoient Y Epiphanie , h pré- fence des dieux jur la terre , foit qu'ils fe fif- fentvoir en perfonne aux yeux des hommes, foit qu'ils manife flairent leur préfence par quelques effets extraordinaires. Cette pré- fence des dieux leur fournit l'occalion dinftituer les fêtes ou facrifices , qu'ils- nommoient épiphanies} vbrtfuint* \ en mé- moire de ces apparitions prétendues. L'on a nommé femblab'ement , parmi les chrétiens , Y Epiphanie h fête des Rois, dans la prévention généralement établie , que les mages étoient desrois. Cette fête ne fe célébroit autrefois qu'après avoir été pré- cédée d'une veille & d'un jeune très-févere; Il paroît par un p affage d'Eufîathius , très- & il paroît furprenant qu'une coutume 11 fouvent cité dans Meurfius , que ce mo étoit aufli le nom d'un air de danfe des an- ciens , & qu'on l'exécutoit fur des flûtes. Ce même pallage met encore i'hédycome &: !e pclemicou au rang des airs de danfe joués fur la flûte. Voye{ HEDYCOME & POLEMICON. ( Mufiq. des anc. )Et Athénée dit pofuivement , d'après Tryphon , que c'étaient des airs de danfe propres aux flû- tes. ( F. D. C. ) * EPIPHANES , ( Mythologie. ) fur- nom de Jupiter. Jupiter êpiphanh ou Jupi- ter qui Je maniftfle , c'efl la même chofe. Jupiter fut ainfl appelé , de ce qu'il ren- doit fouvent fa préfence fenfible par des éclairs , par le tonnerre , de ce qu'il fe plaifoit à fe mêler parmi les hommes , & fur- tout parmi les femmes , fous différen- tes formes corporelles. pieufe ait été abolie, pour y fubftituer une folemnité bien oppofée à l'abllinence 6c à la mortification. L'exemple des payens a pu fervir , félon quelques auteurs , à chafftr le jeûne, pour lui fubroger la bonne chère. La conformité qu'ont trouvé ces mêmes auteurs entre la tête du roiboit & les faturnales , leur a fiit avancer que la première étoit une imitation & une fuite de la féconde : en effet, difent- ils , la fête des faturnales commençoit en décembre , continuoit dans les premiers jours de janvier , qui efl aufli le temps de la fête des Rois. Les pères de famille en- voyoient à l'entrée des faturnales , des gâ- teaux avec des fruits à leurs amis ; l'ufage des. gâteaux fubfifte encore. Ces amis man- geoient enfemble : c'efl ce que l'on pratique , aulTi la veille & le. jour des Rois» La pre- 7i3 EPI miere cérémonie des faturnales confiftoit à élire un roi de la fête ; & Lucien fait dire plaifamment à Saturne , faifons des rois a gui nous obéijjions agréablement. L'élection d'un roi eft aufli parmi nous la première action de Y Epiphanie, avec cette différence que les Payens élifoient leur roi par le fort des dés , &: que nous l'élifonspar la rencon- tre de la fève. Le même Lucien nous ap- prend que le plaifîr confîftoit à boire , s'enivrer & crier. C'eft à peu près la même chofe parmi nous , & nous marquons notre joie non feulement par la bonne chère, EPI » brave , frifé, & gauderonné, menée du » chafteau de Louvre à la méfie en la cha- » pelle de Bourbon , étant le roy fuivi de n fes jeunes mignons , autant & plus bra- » ves que lui. »> On fait aujourd'hui que Y Epiphanie fe célèbre à la cour avec une fi grande hmplicité , qu'elle feroit peut-être tôlerie par ce févere dodeur de Sorbonne, qui regardoit toutes les réjouiffances de YEpiphanie comme des profanations oimi- nelles; je parle de M. Jean Défiions , more à Senlis au commencement de ce ftecle , âgé de 85 ans. On connoît fes deux ouvra- mais encore par nos acclamations quand lelges fur cette matière; ils font intitules, roiboit. difjours eccléfiaftijue contre le paganifme du Cependant toutes ces applications gêné- ^roiboit. de J au court. raies ne prouvent rien , & ne fe trouvent un EPIPHÉNOMENE , f. m. ( Mêd. ) ce peu juftes que par les abus que le temps a terme eft grec , compote d\V< , fuper , & amenés dans la célébrarion de la fête de moifelîe de Pons de Bretagne , royne de ?> la feve , fut par le roy défefpérément voient dans le même fens que d'épigené- me , l'vêjwtf** , pour défigner !es afïe&ions morhifiques qui furviennent dans une ma- ladie , outre les fymptomes qui lui font propres , & qui procèdent d'une caufe dif- férente de celle qui a produit ceux-ci. M. Queinay , dans fon nouveau traité des fièvres , dit avoir été obligé de fe fervir du terme d'épi phénomène , n'ayant pu trou- ver aucun nom françois affez iïgniftcatif pour exprimer diftinefement ce que les an- ciens entendoient par ce mot , & ce qu'il s'agit de déiigner par une dénomination qui marque bien feniiblement le genre d'af- fection morbifique qui vient d'être défini ; ainfi c eft en quelque forte malgré lui , ajoute-t-il , qu'il s'eft déterminé à rappeler un terme grec , qui depuis long-temps eft prefque entièrement hors d'ufage. Les arts & les feiences gagnent toujours à acquérir des termes propres , dès qu'ils peuvent fervir à éviter les circonlocutions , ou l'obfcurité dans leur langage rcfpecnf. r. Maladie, Symptôme, Accident. W , ^ EPIPHONEME , f. f. (Rhét.) moteon- iacré que nous avons emprunté des Grecs 1 l'exemple des Latins. C'eft une figure de rhétorique qui con- fifte ou dans une efpece d'exclamation à la Hn d'un récit de quelque événement, ou lans une courte réflexion fur le fujet dont onaparlé. Cette figues échappe aux efprits. EPI ▼ifs & aux efprits profonds : fon élégance part du goût, du choix, de la venté ; il faut aulîi qu'elle naiffe du fujet , & qu'elle coule de fource; alors c'eft un dernier coup de pinceau qui fait une image frapante dans l'efprit du le&c:ur , ou de l'auditeur. Ainli Virgile , après avoir dépeint tout ce que la colère fuggereàune déefTe immortelle con- tre fon héros , ne peut s'empêcher de s'é- crier , Tantce-ne animis celeftibus irœ ! & dans un autre endroit , Tantœ moiis erat romanam condere gentem ! C'eft encore une belle épiphonême, & fouvent citée, que celle de S. Paul , lorfqu'après avoir dif- couru de la reje&ion des Juifs, & de la vo- cation des Gentils , il s'écrie : O profondeur des richeffes, delafageffe, & de la connoijfance de Dieu. Cette figure n'eft déplacée dans aucun ouvrage -, mais il me femble que c'eft dans l'hifioire qu'elle produit fur-tout un effet intérelfant. Velleius Paterculus qui , in- dépendamment du ftyle , nous a montré fon talent pour l'éloquence , dans fon éloge E P I 7ip fur les yeux ; ce qui eft la même chofe que l'ophthalmie. Voye^ OPHTH ALMIE. 3°. La lignification la plus reçue du mot épiphore , eft appliquée au flux de larmes ha- bituel , caufé par un relâchement des ca- naux excrétoires des glandes , dans lefquel- les fe fait la fecrétion de cette humeur : ces canaux n'offrant pas afïez de réfiftance à l'impulfion des fluides qu'ils reçoivent dans leur cavité , il s'y fait une dérivation des parties voifines ; ils en font abreuvés en trop grande quantité , n'ayant pas la force de les retenir ; il s'en fait un écoulement proportionné , & par conféquent immodé- ré refpedivement à l'état naturel : c'eft un vrai diabète des glandes lacrymales; l'hu- meur dont elles regorgent fe répand fur la furface de l'œil, & fur le bord de la pau- pière inférieure en plus grande abondance > que les points lacrymaux n'en peuvent re- cevoir , pour la porter dans la cavité des narines : elle fe ramaffe conféquemment vers le grand angle de l'œil, & s'écoule hors de lagoutiere fur la furface extérieure de la paupière & des joues, enforte que les yeux paroiffent toujours mouillés & pleu- rans. Tant que dure ce vice , qui eft quel- quefois incurable , " ceux qui y font fujets , dit Maître- Jan, dans fon traité des maladies de V œil y par t. III , chap. iij , ont ordinaire- ment la tête grotte & large, font d'un tem- pérament phlegmatique , & travaillés fou- vent de fluxions fur les yeux. » Les collyres aflringens font les feuls topi- ques qu'il convient d'employer contre le relâchement qui caufe Vépiphore. On peut avoir recours aux veftecatoires appliqués derrière les oreilles à la nuque , pour faire diverfion à l'humeur qui engorge les glan- admirable de Cicéron , eft Thiftorien ro- main qui fe foit le plus fervi deVépipkonême; il a l'art de l'employer avec tant de grâce , que perfonne ne l'a furpaffé dans cette par- tie. Aufli faut-il convenir que cette figure mife en œuvre aufli judicieufement qu'il l'a lu faire , a des charmes pour tout le monde , parce que rien ne plaît , ne délaffe , n'at- tache , & n'inftruit davantage , que ces fortes de penfées fententieufes & philofo- phiques jointes à la fin d un récit des gran- des athons & des principaux faits, dont on vient de tracer le tableau fidèle. Article de M. le Chevalier de J AU COURT. ÉPIPHORE , f. m. (Mêd.) Épiphora eft un terme qui vient du grec izi«pôf & presbyteri mini/ierium EP 1 7i5 peregerit. il veut même qu'entre chaque or- dre on garde des interftices allez longs pour s'aflurer de la foi ôc des mœurs du fujet : ôc nous voyons que il dans les occafions extraordinaires , comme dans la promotion de S. Ambroife à Yépifcopat , on difpenfok de ces interftices , on ne difpenfoit pas pour cela de la réception des ordres , ni ' par conféquent de la prêtrife ; d'où il eft aifé .de conclure qu'on n'en exempta ni Cécilien, ni S. Athanafe, ni Agapet, ni les autres , ÔC que l'expreiTion cùm diaco- nus ejfet , epifeopus ordmatus eft , doit fe réduire à celle-ci, cùm diaconus effet, epif- eopus eleclus eft ; ce qui n'exclut point la promotion à la prêtri'e. D'ailleurs il eft difficile de concevoir comment ces ordinations n'auroiert pas été nulles ; car c'eft aux évêques à ordon- ner des prêtres, c'eft-à-dire à communi- quer à certains fidèles le pouvoir de célé- brer les faints myfteres ôc d'abfbudre les pécheurs ; pouvoir que les évêques ne peu- vent communiquer, fi eux-mêmes ne l'ont reçu : or l'ordination épifcopale feule ne confère pas ce double pouvoir , les évêques n'en pourraient donc être la fource ni le principe , s'ils n'avoient été préalablement ordonnés prêtres. Mais quoique cette der- nière opinion paroifle la mieux fondée , l'autre néanmoins ne peut être accu fée d'erreur , l'Eglife n'ayant rien décidé fur ce point. Vcye[ Evêque. (G ) EPISCOPAUX, (Hift.mod. d'Angïet.) c'eft le nom qu'on donna en Angleterre ious Jacques I, à ceux qui adhéraient aux rits de l'églife anglicane , par oppofition aux Cai- viniftes , qu'on appclla Presbytériens. Voy. Presbytériens. Dans la fuite , fous Charles I , ceux qui fuivoient le parti du roi Rirent nommés Epifcopaux rigides , ôc les parlementaires , Presbytériens rigides. Quand Charles II fut monté fur le trô- ne , les différentes branches des deux par- tis commencèrent à fe mieux diftinguer ; ôc comme ils fe rapprochèrent , ils formè- rent les deux branches de Wighs ôc de Tory s mitigés par rapport à la religion , de même que par rapport au gouvernement. Il faut fe mettre au fait du fens qu'ont eu tous ces divers mots , fuivant les temps ôc 7*6 EPI les conjonctures , pour bien entendre l'hif- toire d'une, nation libre , 8c par confcquent toujours agitée , où les deux partis qui do- minent dans l'état , échauffés par les difpu- tes , animés de plufîeurs pallions , fe distin- guent par des fobriquets , par des noms par- ticuliers plus ou moins odieux ; ces noms changent fouvent , augmentent de force ou s'adouciflènt , félon que le peuple , inquiet fur fa Situation, grofîlt l'objet de fes craintes, ou revenant des impre fiions violentes qu'on lui adonnées, appaife fes frayeurs, rentre dans le calme , tk fe fert alors dans chaque parti de termes plus modérés que ceux qu'il employoit auparavant. Article de M. le Che- valier DE JAU COURT. ^ De tous les fectaites les Epifcopaux font ceux qui font le moins éloignés de l'églife romaine , pour ce qui concerne la difci- pline ecclénaftique ; ils ont des évêques--, des prêtres , des chanoines , des cures 8c autres miniftres inférieurs , & un office qu'ils appellent liturgie. Il eft vrai que les Catho- liques ne conviennent pas que l'ordination des miniftres de cette fociété foit légitime & valide : on a agité cette queftion avec beaucoup de chaleur depuis zjans; le P. le Courayer , ci-devant chanoine régulier & bibliothécaire de fainte Geneviève , aujourd'hui réfugié en Angleterre 8c doc- teur d'Oxford , ayant écrit en faveur des Anglicans, fà difïèrtation a été réfutée parle P. Hardouin, Jéfutte, & par le P. leQuien, Jacobin réformé , fans parler de deux ou trois autres théologiens qui font encore en- trés en lice , 8c auxquels le P. le Courayer a répliqué. Voye^ Ordination. Les Epifcopaux , outre ces titres , ont re- tenu une grande partie du droit canon &des décrétâtes des papes pour la difeipline 8c la police eccléfiaftique. Leur liturgie , qu'ils nomment autrement le livre des communes prières , contient non-feulement leur office public , qui eft prefque le même que celui de l'églife latine , mais encore la manière dont ils adminiftrent les facremens. Ils ont l'office des matines qu'ils commencent par Domine labia nojlra aperies ; enfuite on chante le pfenume Venite , 8c puis les psaumes 8c les leçons de chaque jour : ils difent auffi le cantique Te Deum , & quel- ques pfeaumes de ceux que nous lifons dans E PI l'office de laudes. Ils commencent auffi leurs vêpres parles ver fets Domine labia nojlra ape- ries , 8c Deus in adjutorium , 8cc. puis ils ré- citent les peaumes propres au jour , 8c ils ont à cet effet un calendrier où fontmarquées les fériés 8c les fêtes fixes ou mobiles , ayant pour chacune des offices propres. Ils célè- brent aufTi les dimanches , 8c distinguent ceux de l'avent , d'après l'épiphanie , d'a- près lapentecôte , ceux de la feptuagéfime , fexagéfime, quinquagéfîme , trinité , &<:. ils ont pour chacun de ces jours des collec- tes ou offices du matin , pour tenir lieu de la méfie , qu'ils ont abolie , 8c dont ils ont proferit jufqu'au nom. On y récite l'épitre , l'évangile, quelques oraifons , le gloria in. excelfis , le fymbole, des préfaces propres à chaque folemnité ; mais ils ont réformé le canon de la méfie , 8c font leur office en langue vulgaire pour être entendus du peu- ple. La manière dont ils adminiftrent les fàcremens eft auffi marquée dans ce livre , 8c eft peu différente de la nôtre : le miniftre qui baptife, après avoir prononcé les pa- roles facramentelles , je te baptife au nom du père , 8cc. fait un fîgne de croix fur le front de l'enfant. L'évêque donne auffi la confir- mation en impofant les mains fur la tête des enfans , 8c récitant quelques oraifons auxquelles il ajoute fa bénédiction. Enfin on trouve dans cette liturgie la manière d'ordonner les prêtres , les diacres , &c. la forme de bénir le mariage , de donner le viatique aux malades , 8c plufîeurs autres cérémonies fort femblables à celles qu'on pratique dans l'églife romaine : par exem- ple , ils reçoivent la communion à genoux ; mais ils ont-déclaré qu'ils n'adoroient point l'Euchariftie , dans laquelle ils ne peiifent pas que Jefus-Chrift foit réellement pré- lent : fur ce point , 8c fur prefque tout ce qui concerne le dogme , ils conviennent avec les Calviniftes. Cette liturgie fut au- rorifée fous Edouard VI , la cinquième ou iixieme année de fbn règne , par un acte du Parlement , 8c confirmée de même fous Elizabeth. Les évêques , prêtres , diacres & autres miniftres epifcopaux , peuvent fe ma- rier, 8c la plupart le font. Leur églife eft dominante en Angleterre 8c en Irlande ; mais en "Ecoffe , où les Presbytériens & les Puritains font les plus forts , on les regarde E P I comme non conformiftes : ceux - ci , à leur tour, ont le même nom en Angleterre; on les y laiflè jouir des mêmes privilèges que les Anglicans , & cela fans reftricr.ion : ils ne font pas même affujettis au ferment du tcft : & lorfqu'on les met dans desemplois decon- fknee , on leur fait feulement prêter lermenc au gouvernement. Quant aux miniftres épif- copaux , ils font fujets à plufieurs loix péna- les , fur-tout s'ils refufent de prêter les fer- mens du teft & de fuprématie. Voy. Test & Suprématie. (G) EPISODE , f. m. ( Selles-Lettres. ) fe prend pour un incident, une hiftoire ou une action détachée, qu'un poète ou unhiftorien infère dans fon ouvrage & lie à fon action principale pour y jeter une plus grande di- verfîté d'événemens, quoique la rigueur on appelle épifode tous les incidens particu- liers dont cà compofée une action ou une narration. Dans la poéfîe dramatique des anciens on appcîloit épifodela. féconde partie de la tragé- die. L'abbé d'Aubignr.c& le P. leBoîfu ont traité l'un & l'autre de l'origine &. del'ufage des épifodes. La tragédie à fanaiflance n'étant qu'un chœur , on imagina depuis , pour varier ce (pectacle , de divifer les chants du chœur en plufieurs parties, & d'en occuper les intervalles par un récitatif qu'on confia d'abord à un feul acteur , enfuire à deux, cV en fin à plufieurs , &qui étant comme étran- ger ou lurajouté au chœur, en prit le nom d: 'épifode. De-là l'ancienne tragédie fe trouva com- pofée de quatre parties , (avoir le prologue, Y épifode , l'exode , de le chœur : le prologue étoit tout ce qu i précédoit l'entrée du chœur, ( royc^ Prologue :) Y 'épifode tout ce qui étoit interpofé entre les airs que le chœur chantoit : l'exode tout ce qu'on récitoit après que le chœur avoit fini de chanter pour la dernière fois ; & le chœur, tous les chants qu'exécutoit la partie des acteurs qu'on nommoit proprement le chœur. Vcy. Chœur & Exode. Ce récit des acteurs étant diftribué en différens endroits , on peut le confidérer comme un (çxûépifode compofé de plufieurs pai ries , à moins qu'on n'aime mieux don- ner à chacune de ces parties le nom d'épi- fode : en effet c'étoit quelquefois un racine EPI 7i7 fujet divifé en différens récits , & quelque- fois chaque récit contenoit fon fujet particu- lier indépendant des autres. A ne confîdérer que la première inftitution de ces pièces fur- ajoutées, il ne_ paroît nullement néceflaire qu'on y ait obfervé l'unité du fujet ; au con- traire , trois ou quatre récits d'action diffé- rentes , fans liaifon entre elles , paroiflent avoir été également propres à foulager les acteurs , à divertir le peuple , ôc conformes à la groffiéreté de Part , qui n'étant encore qu'au berceau , auroit mal foutenu la con- tinuité d'une action , pour peu qu'il eût voulu lui donner d'étendue : difficulté qui a fait tolérer jufqu'ici les épifodes dans le poè- me épique. V. Epopée. Ce qui n'avoir été qu'un ornement dans la tragédie , en étant devenu la partie prin- cipale , on regarda la totalité des épifodes comme ne devant former qu'un feul corps dont les parties fu fient dépendantes les unes desautres. Les meilleurs poètes conçu- rent leurs épifodes de la forte , &c les tirèrent d'une même action ; pratique fi générale- ment établie du temps d'Ariftote, qu'il en a fait une règle, enforte qu'on nommoit amplement tragédies, les pièces où l'unité de ces épifodes étoit obfervée , & tragédies épifodiques , celles où elle étoit négligée. L« épifodes étoient donc dans les drames des anciens , ce que nous appelions aujourd'hui actes dans une tragédie ou comédie. Voye^ Episodtque. Episode , dans le même fens , eft un in- cident , une partie de l'action principale. Toute la différence qu'Ariftote met entre Y épifode tragique Se Y épifode épique, c'eft que celui-ci eft plus fufceptible d'étendue que le premier. Voye^ Epique. Ce phiiofophe emploie le mot â'épifode en trois fens différens. Le premier eft pris du dénombrement des parties de la tragé- die , tel que nous l'avons rapporté ci-def- fùs ; d'où il s'enfuit que dans la tragédie ancienne Y épifode étoit tout ce qui ne com- pofoit ni le prologue , ni l'exode , ni le chœur; & comme ces trois dernières par- ties n'entrent point dans la tragédie m* derne , le terme â'épifode fïgnifieroit en ce fens la tragédie toute entière. De même IV- pifode épique feroit le poème tout entier , en en retranchant fa proportion & l'iavo* 7iS E P I cation; mais fi les parties & les incidens dont le poëte compote Ton ouvrage loin mal liés les uns avec les autres , le poème fera épifoâique 8c défectueux : c'eft-à-dire , pour éclaircir la penfée de l'auteur grec , que le terme épifode eft équivalent à po'ème ou à unité d'action. Mais ce n'eft pas là pro- prement le fens que les modernes lui don- nent. De plus , comme tout ce qu'on chan- toit dans la tragédie , quoique divifé en fcenes,étoit compris fous le nom général de chœur , de même chaque partie de la fable ou de l'action , chaque incident , quoiqu'il formât à part un épifode , étoit compris fous le nom général d 'épifode 3 qu'on donnoit à toute l'a&ion prife enfem- ble. Les parties du chœur étoient autant de choeurs, 8c les parties de \' épifode autant d'épifodes. En ce fens (& c'eft le fécond qu' Ariftote donne à ce terme ) chaque partie de Fac- tion exprimée dans le plan 8c dans la pre- mière constitution de la fable , étoient au- tant d'épifodes ; telles font dans l'Odyflee , l'abfence 8c les erreurs d'Ulyflè, le défor- dre qui règne dans fa mai fon , fon retour , & fa préfence qui rétabliflçnt toutes chofes. Ariftote nous donne encore une troisiè- me forte d' épifode , lorfqu'il dit que ce qui eft compris 8c exprimé dans le premier plan de la fable , eft propre , &c que les au- tres chofes font des épifodes. Par propre il entend ce qui eft abfolument néceflaire , ôc par épifode ce qui n'eft néceflaire qu'à cer- tains égards , 8c que le poëte peut ou em- ployer ou rejeter. C'eft ainfi qu'Homère après avoir drefle le premier plan de fa fable de l'Odiflee , n'a plus été maître de faire •ou de ne pas faire Ulyfle abfent d'Itha- que ; cette abfence étoit eflentielle , 8c par cette raifon Ariftote la met au rang des chofes propres à la fable : mais il ne nomme point de la forte les avantures d' Antiphate , de Circé , des Syrennes , de Scylla , de Caribde , &c. le poëte avoit la liberté d'en choifir d'autres ; ainfi elles font des épifodes distinguées de la première ac- fion , à laquelle en ce fens elles ne font point propres ni immédiatement néceflai- res. Il eft vrai qu'on peut dire qu'elles le font à quelques égards ; car l'abfence d'U- lyfle étant néceflaire , il falloit aufïl nécef- EPI fairement que n'étant pas dans fon pays il fût ailleurs. Si donc le poëte avoit la liberté de ne mettre que les avantures particuliè- res que nous venons de cirer , 8c qu'il a choiiies , il n'avoit pas la liberté générale de n'en mettre aucunes. S'il eût omis cel- les-ci , il eût été néceflàirement obligé de leur en fubftituer d'autres , ou bien il au- rait omis une partie de la matière contenue dans fon plan , 8c fon poë'me auroit été dé- fectueux. Le défaut de ces incidens n'eft donc pas d'être tels que le poëte eût pu y fans changer le fonds de l'action , leur en lubftituer d'autres ; mais de n'être pas liés entre eux de façon que le précédent amené celui qui le fuit ; car c'eft peu de lui fuccé- der , il faut encore qu'ils nahTent les uns des autres. Le troiiïeme fens du mot épifode , revient donc au fécond ; toute la différence qui s'y rencontre , c'eft que ce que nous appelions épifode dans le fécond fens , eft le fonds ou le canevas de Y épifode pris dans le troifieme fens , & que ce dernier ajoute à l'autre cer- taines circonstances vraifemblables , quoi- que non nécelfaires , des lieux , des prin- ces , 8c des peuples chez lefquels Ulyfle a été jeté par le courroux de Neptune. Il fiut encore ajouter que dans \' épifode pris en ce troisième fens , l'incident ou IV- pifode dans le premier fens fur lequel l'autre eft fondé 7 doit être étendu 8c amplifié , fans quoi une partie eflentielle de l'action 8c de la fable n'eft pas un épifode. Enfin c'eft à ce troifieme fens qu'il faut reftreindre le précepte d'Ariftote , qui pres- crit de ne faire les épifodes qu'après qu'on a choiiî les noms qu'on veut donner aux per- sonnages. Homère , par exemple , n'auroit pas pu parler de flotte 8c de navires comme il a fait dans l'Iliade , fi au lieu des noms d'Achille , d'Agamemnon , ùc. il avoit employé ceux de Capanée , d'Adrafte , &c. Voye^ Fable. Le terme d'épi fode> au Sentiment d'A- riftote , ne Signifie donc pas dans l'épopée un événement étranger ou hors d'oeuvre , mais une .partie néceflaire 8c eflentielle de l'action 8c du fujet ; elle doit être étendue 8c amplifiée avec des circonftances vrai- femblables. C'eft par cette raifon que le même auteur preferit E P t prefcrit que Y épifode ne foit point ajouté à faction & tiré d'ailleurs , mais qu'il faffe pa.ne de l'action même ^ & que ce grand maître parlant des épifodes ne s'eft jamais icrri da terme ajouter , quoique fès inter- prètes l'aient trouvé fi naturel ou fi con- forme à leurs idées , qu'ils n'ont pas man- qué de l'employer dans leurs traductions ou cl iiis leurs commentaires. Il ne dit ce- pendant pas qu'après avoir tracé fon plan & choifi les noms de Ces perfounages , le poète doive ajouter les épifodes , mais il fe îèrt d'un terme dérivé de ce mot , comme û nous difions eu françois que le poète doit épifodier fou action. Ajoutez à cela que , pour faire connoî- tre quelle doit être la véritable éteudue «furie tragédie ou de l'épopée , & pour en- seigner l'art de rendre celle-ci plus longue que l'autre , il ne dit pas qu'on ajoute peu $ épifodes à l'action tragique , mais Ample- ment que '"js épifodes de la tragédie font courts & concis, & que l'épopée eft étendue &L amplifiée par les liens. En un mot la ven- geance & la punition des médians énoncée en peu de paroles , comme on la lit dans le plan d'Ariftote , eft une action fimple, pro- pre & néceifaire au fujet } elle n'eft point un épifode , mais le fonds & le canevas d'un rpifode ; & cette même punition expliquée & étendue avec toutes les circonftances du temps , des lie ax &des perfonaes , n'eft plus une action fimple & propre , mais une action épifxliée , un véritable épifode , qui pour être plus au choix & à la liberté du poète , rien contient pas moins un fonds propre & nécelîaire. Après tout ce que nous venons de dire , il fomble qu'on pourroit définir les épifo- des , les parties nécelTaires de l'action , étendues avec des circonftances vraifembla- hles. Un épifode n'eft donc qu'une partie de l'action , & non une action toute entière } & la partie de J'a&ioai qui fert de fonds à Y épifode , ne doit pas , lorfqu'elle eft épifo- diée , demeurer dans la fimplicité , telle qu'elle eft énoncée dans le premier plan de la fable. Ariftote , après avoir rapporté les par- ties Hc l'OdyrTee confidérées dans cette pre- mière fimplicité , dit fofmellemettt qu'en " Tome XII. cet état elles font propres à ce poëme , 8c il les diftingue des épifodes. Ainfi que dans l'Œdipe de Sophocle la guérifon des Thé- bains n'eft pas un épifode , mais feulement le fonds & la matière d'un épifode , dont le poète étoit le maître de fe fervir. De même Ariftote en difant qu'Homère dans l'Iliade a pris peu de chofe pour fon fujet , mais qu'il s'eft beaucoup ièrvi de fes épifodes , nous apprend que le fujet contient en foi beaucoup ^épifodes dont le poète peut Ce lervir , c'eft-à-dire qu'il en contient le fonds ou le canevas , qu'on peut étendre &c déve- lopper comme Sophocle a fait le châtiment d'Œpide. Le fujet d'un poëme peut simplifier de deux manières j l'une , quand le poète y emploie beaucoup de lès épifodes ; l'autre , lorsqu'il donne à chacun une étendue confi- dérable. C'eft principalement par cet art, que les poètes épiques étendent beaucoup plus leurs poèmes que les dramatiques ne font les leurs. D'ailleurs il y a certaines par- ties de l'action qui ne prélentent naturelle- ment qu'un feul épifode , comme la mort d'Hector , celle de Turnus , &c. au lieu que d'autres parties de la fable , plus riches Se plus abondantes , obligent le poète à faire plufieurs épifodes fur chacune, quoique dans le premier plan elles foient énoncées d'une manière auffi fimple que les autres : telles font les combats des Troyens contre les Grecs , l'abfence d'Ulyflë , les erreurs d'E- née, &c. car l'abfence d'Ulylfe hors de fon pays & pendant plufieurs années , exige né- ceftàirement fa préfence ailleurs \ le deiTein de la fable le doit jeter en plufieurs périls & en plufieurs états \ or chaque péril Se chaque état fournit un épifode , que le poète eft maître d'employer ou de négliger. De tous ces principes il réfulte i°. que les épifodes ne font point des actions , mais des parties d'une action : 2°. qu'ils ne font point ajoutés à l'action & à la matière d» poëme , mais qu'eux-mêmes font cette ac- tion & cette matière , comme les membres font la matière du corps : 30. qu'ils "ne font point tirés d'ailleurs , mais du fonds même du fujet } qu'ils ne font pas néanmoins unis & liés néceiTairement à l'aclaon , mais qu'ils font unis Se liés les uns aux autres : 40. que toutes les parties d'une action ac Z z z z 730 EPI font pas des épifodes , mais feulement celles qui font étendues & amplifiées par les cir- conftances particulières j & qu'enfin l'union qu'ont entr'eux les épifodes eft néceffaire dans le fonds de X épifode , & vraifemblable dans les circonftances. V. Unité. (G) Episode , en Peinture , font des fcenes qu'on introduit dans un tableau , qui fem- blent étrangères au fujet principal du ta- bleau , & qui néanmoins y font néceffaire- ment liées. V. Composition. Ces fèenesou épifodes fèroient, par exem- ple , dans un morceau représentant un fà- crifice , un homme qui portant du bois pour entretenir le feu de l'autel , en lahTe tomber quelques morceaux que d'autres ramaffent j ou des femmes qui s'intéreffant à la confer- vation d'un enfant , le dérangent du paffage de la victime. Ces hommes qui ramaifent les morceaux de bois tombés , ces femmes qui dérangent l'enfant , forment des épifo- des; & cependant liés avec le fujet , ces épi- fodes jettent une variété , & même une forte d'intérêt , qui produit de grands effets , par- ticulièrement dans la repréfentation des ac- tions qui ne font pas fuffifàmment iutéref- fàntes par elles-mêmes. EPISODIQUE , ad}. {Belles-Lettres.) En Toéjie on nomme fable épifodiqut , celle qui eft chargée d'incideus fuperflus , & dont les épifodes ne font point néceffairement ni vraifemblablementliés les uns aux autres. V. Episode. Ariftote dans fà poétique établit que les tragédies dont les épifodes font ainfî comme découfus 8t indépendans entr'eux , font dé- feéhieufès , ètil les nomme drames épifodi- ques, comme s'il difoit, fuper abundantes in épifodis , furchargées d'épifodes ; & il lès con- damne parce que tous ces petits épifodes ne peuvent jamais former qu'un enfemble vi- cieux. V. Fable. Les a&ions les plus fîmples font les plus fùjettes à cette irrégularité ,. en ce qu'ayant moins d'incidens & de parties que les au- tres plus compofées, elles ont plus befoin qu'on y en ajoute d'étrangères. Un poète peu habile épuifèra quelquefois tout fon fujet dès le premier ou le fécond a£te ,. & fe trouvera par-là dans la néceflîté d'avoir recours à des aérions étrangères pour remplir les. autres ades. Ariftote , poétiq. c. jx. E P î Les premiers poètes françois font tombés dans ce défaut \ pour remplir chaque a&e , ils prenoient des actions qui appartenoient bien au même héros , mais qui n'avoient au- cune liaifon entr'elles. Si l'on infère dans un poëme un épifode dont le nom & les circonftances ne fbient pas néceffaires, & dont le fonds & le fujet ne faffent pas la partie principale , c'eft-à- dire le fujet du poëme \ cet épifode rend alors la fable épifodique. Une manière de connoître cette irrégu- larité , c'eft de voir li l'on pourroit retrait cher l'épifode , & ne rien fubftituer en fa. place , fans que le poëme en fouffrît ou qu'il devînt défectueux. L'hiftoire d'Hypiipile r dans la Théba'ïde de Stacey nous fournit un exemple de ces épifodes défectueux. Si l'on.; retranchoit toute l'hiftoire de cette nourrice- & de fon enfant piqué par un ferpent, le m* de faction principale n'en iroit que mieux 5. perfonne n'imagineroit qu'il y eût rien d'ou- blié ou qu'il manquât rien à l'action. Le* Bofîît , traité du poème épique. Dans le poëme dramatique , lorfque h.\ fable ou le morceau d'hiftoire que l'on traite fournit naturellement les incidens & les, obftacles qui. doivent contrarier avec l'ac- 'tion principale ,. le poëte eft difpenfé d'i*-- 'maginer un épifode .puifqu'il trouve dans fon • fujet même ce qu'en vain il chercheroit mieux ailleurs.. Mais lorfque le fujet n'en !fùggere point, ou que les incidens ne font; pas eiix-mêmes affez importans pour pro- duire les effets qu'on fe propofe ,, alors il eft permis d'imaginer un épifode & de le lier au fujet r en forte qu'il y devienne comme néceffaire. C'eft ainfî que M. Racine a in- féré -dans fon Andromaque l'amour d'Orefte pour Hermione ,. & que dans Iphigénie il a s imaginé l'épifode d'Eriphile. L'Andromaque & Iphigénie ne font pas des pièces épifodi- ques, dans le fens qu'Ariftote l'entend & qu'il condamne. * Depuis quelques années on a mis fur le théâtre françois quelques pièces vraiment épifodiques , compofées de fcenes détachées,, qui ont un rapport à un certain but géné- ral, & qu'on appelle autrement pièces à tiroir* Lenom de comédie ne. leur convient nullement , parce que la comédie eft une aftiou , & emporte néceffairernent dans E P I {on idée l'unité d'action \ or ces pièces à tiroir , que le défaut de génie a fi étrange- ment multipliées , ne font que des décla- mations partagées en plusieurs points contre certains ridicules. Voye\ Unité. (G) EPISSERuNE CORDE, (Corde rie & Ma- rine. ) c'eft, l'aiTerabler avec une autre , en entrelaffant leurs fils ou cordons l'un avec l'autre , ce qui fe fait par le moyen d'une broche de fer appellée cornet d'épijfe ou épif- foir. Après un combat , lorfque quelques manœuvres font coupées ou rompues , on eft obligé de les épijjer quand on n'en a pas de rechange. Pour épiffer deux cables enfembîe , il faut premièrement détordre les trois tourons , longueur d'environ deux braffes de chaque cable , puis parler chaque touron dans le cable , tant d'un bout que de l'autre , par trois fois \ les tourons étant ainfi pafTés , on décorde un cordon de chaque touron , on le coupe à l'endroit où il eft parle , & on y fait entrer les bouts de ces cordons coupés , enfuite on pafTe chaque touron des cordons reftans deux fois dans les cables , & de cha- que côté: après cela on les décorde encore, te l'on coupe un des cordons de chaque touron à l'endroit qui eft pafTé dans le ca- ble , & on l'y fait entrer \ enfin l'on parle chacun des cordons qui reftent dans les tourons du cable , une fois de l'un & de l'autre bout , & on les coupe. (Z) EPISSOIR, f. m. ( Corderie. ) infiniment de corne , de buis , ou de fer , pointu par •un bout , qui fert à défaire les nœuds tk. à détortiller les tourons d'un cordage. EPISSURE , f. f. (Corderie & Marine.) c'eft un entrelaflèment de deux bouts de cor- des que l'on fait pour les joindre enfembîe , au lieu d'y faire un nœud , afin que la corde puiflè parler 6c rouler aifëment fur la poulie. EpiJJure longue; c'eft celle qui fe fait avec des bouts de corde inégaux , qu'on affem- ble de façon qu'ils puhTent palfer fur une poulie. Epiffure courte ; c'eft celle où les deux bouts de corde qu'on veut péiflêr font égaux , c'eft-à-dire coupés de même longueur. (Z) EPISTAPHYLIN , adj. en Anatomie ; nom d'un mufcle de la luette , qu'on appelle auflï fiaphylin & aTigo*. V, L.UETTE , &c. (£) EPI 73 r ÊPISTATE , f. m. (mjî.anc. ) nom du fénateur d'Athènes qui étoit en femaine de préfider. Ce mot vient dWi , au de fus , & d'îrnw/ , je fuis ; ainfi épifiate délignç celui qui préfidoit au deffus des autres. Les dix tribus d'Athènes formées par Clifthenes , élifoient par an , chacune au fort, cinquante citoyens ou fenateurs qui en- troient en fonction pour l'année , & coin- pofoient le fén at des cinq cents. Les autres attendoient pour fuppléer , ou pour être ap- pelles à l'exercice actuel par 1 'élection de l'année fuivaute. Chaque tribu avoit tour- à-tour la* préféance , tk la cédoit fùccefîive- ment aux autres. Les cinquante fenateurs en fonction fe nommoient prytanes. Le lieu particulier' où ils s'affembloieut s'appelloit prytanée\ & le temps de leur exercice , ou de la prytanie , duroit trente-cinq ou trente-fix jours , fuivant que ce terme quadroit pour remplir le nombre des jours de l'année lunaire. Pendant les trente-cinq ou trente-fix jours de prytanie , dix des cinquante pry- tanes régnoient par femaine fous le nom de proedres ; & celui des proè'dres qui dans le cours de la femaine étoit en jour de préfi- der , s'appelloit épifiate. Des dix proè'dres de chaque femaine , il eu reftoit toujours trois que le fort n'appelloit point à la place iï épifiate , parce que la femaine n'eft que de fept jours. Celui qui une fois avoit été épifiate , ne pouvoit jamais eipérer de l'être une féconde fois dans le refte de fa vie , quand même il auroit été appelle différentes fois à être prytane. La raifbn de cette exclu fion étoit qu^il auroit pu fè laifiër tenter de fa- tisfaire fa cupidité , & s'arranger pour de- venir le maître des grands biens dont il s'é- toit vu dépofitaire. Le jour de fà fonclion il avoit les clefs du tréfor , des titres & des archives de l'état , & du fceau de la république. Les particuliers qui avoient quelque affaire à pourfùivre au tribunal des prytanes , s'a- dreflbient à un des officiers de leur tribu , pour obtenir audience pardevaut celle qui étoit en fonction. Si quelque affaire importante furvenoit , Xépifiau de jour indiquoit l'aifemblée & Z Z ZZ 2 73i EPI le motif , afin que chacun pût s'kiftruire , &: fe préparer à apporter un fuffrage rai- fonné. Après la difcuflion des fuffrages , Yépiflate drcffoit & prononçoit à haute Se diftin&e voix la loi formée fur la pluralité des fuffrages : enfuite chacun fe retiroit , & les prytanes fe rendoient au prytanée avec ceux qui avoient droit, d'y manger aux dé- pens de la république. Voyei Prytane , Prytanée , Proe- DRE-, cartons ces mots forment un en- chaînement dont la connoiffance eft nécef- faire pour entendre les auteurs qui nous parlent du gouvernement d'Athènes,. Art. de M. le Chevalier DE Jaucourt. EPISTEMON ARQUE, adj. (Hi/l.anc. fccléf. ) étoit dans l'ancienne églife greque , une perfonne chargée de veiller fur la doc- trine de l'églife , & d'avoir iuipeâion , en qualité de cenfeur , fur tout ce qui concer- noit la foi. Cette charge répondoit alTez à! Celle du maître du facré palais à Rome. Voyei Inquisition. (G) EPISTITES ou HEPHISTRITES , ( Hifl. nat. ) pierre d'un rouge fort éclatant , dans laquelle Ludovico Dolce a trouvé un grand nombre de vertus que l'on rougiroit de rapporter. Boëtius de Boot , de lapidibus Ù gemmis. EPISTOLAIRE, adj. {Belles-Leur.) terme dont on fe fert principalement en parlant du ftyle des lettres , qu'on appelle Jlyle épiflolaire. Il eit plus facile de fèntir que de définir les qualités que doit avoir le ftyle épijlo- laire'j les lettres de Cicéron fuffifènt pour en donner une jufte idée. Il y en a de pur com- pliment , de remercîment , de louange , de recommandation :, on en trouve d'en- jouées ,*dans lelquelles il badine avec beau- coup d'ai lance & de grâce } d'autres graves & lëri'îiifes , dans lefquelles il examine & traite des affaires importantes. Celles qu'il adreffe à fon frère Quintus & à Caton , font pleines de délicateffe , quoiqu'elles roulent fur"des affaires d'état & des matiè- res politiques. Celles de Pline le jeune ne réunifient pas moins d'agrément & de fb- lidité. Mais les épîtres de Seneque font trop travaillées : ce n'eft point un homme qui parle à fon ami , c'eft un rhéteur qui arrange des parafes pour jfe faire admirer j E P I l'e/prit y pétille à chaque ligne , mais le fentiment & l'effufion de cœur ne s'y trou- vent pas. Dans notre langue nous n'avons guère de lettres politiques que celles du cardinal d'Offat , qui , fous un ftyle un peu furanné , contiennent des maximes profondes & des détails intéreffans pour le commerce ordi- naire de la vie. Celles de madame de Se- vigné font généralement les plus eftimecs. Celles de Balzac , même les lettres choi- fies , font trop guindées, &. fentent trop le travail : le tour nombreux & périodique de lès phrafes , eft diamétralement oppofé à l'aifauce & à la naïveté de la converfa- tion , que le genre épiflolaire fe propofe de copier. Pour celles de Voiture , quelque in- génieufes qu'elles feient , le ton en eft trop fingulier & le ftyle trop peu exaéf. , pour que perfonne ambitionnât aujouru'hui d'écrire comme cet auteur. On pourroit encore moins propofer peur modèle certains recueils de lettres faites à tête repofée , & avec un delfein prémédité d'y mettre de l'eiprit j telles que les lettres du chevalier d'Her** , les letties à la Mar- quife , &c. Le foin qu'on a pris de les em- bellir à l'excès , eft préciiément ce qui les maïque & les défigure :, en retranchant la moitié de l'eftime qu'elles eurent autre- fois , il leur refteroit la portion qu'elles méritent. EJJai fur [étude des Belles-Letu pag. 64 & fuiv. Epiflolaire fè dit auflî quelquefois des auteurs qui ont écrit des lettres ou des épî- tres, tels que fout Cicéron, Pline le jeune ^ SenequeJ, Sidoine , Apollinaire, Pétrarque r Politien, Busbeck , Erafme , Juft-Lipiè, Muret , Milton , Petau, Launoy , Sarrau y Balzac , Voiture , & les autres que nous avons déjà nommés. Dans lepître , dit M. l'Abbé Laferre r ( Poétique élémentaire , ) la pcéfîe tour-à- tour brillante , noble , délicate , pathéti- que , change de ton félon les fujets. Veut- elle amufèr l'imagination , fon coloris eft vif, éclatant, animé } peint-elle un lèu-* timent , fon ftyle_de\ïent afieâueux ou énergique j quand elle parle— à la raifon „ elle en prend le langage. EP1STOMWM , f. m. en terme d'Hy- draulique , eft un infiniment par l'applica; E P I tion duquel l'orifice d'un vaiflèau peut être .' fermé & rouvert enfùite à volonté } tels font les piftons des ponftpes , des feringues , qui remplilfent leur cavité , & qui peuvent à volonté être tirés & repouffés. (K) EP1STROPHEUS , terme dtAnatomie . qui vient d'tTitçpiçco , converto , je tourne autour. » On donne ce nom à la féconde vertè- bre du cou , à caufe de fon apophyfè odon- ioïde. Voyei VERTEBRE & Apophyse. EPISTYLE , f. m. dans l'ancienne Archi- tecture , eft un terme dont les Grecs fe fèr- voient pour défigner ce que nous appelions aujourd'hui architrave , c'eft-à-dire un mafîif de pierre , ou une pierre de bois pofée im- médiatement fur le chapiteau d'une colonne. F. Architrave. EPISYNAPHE , f. f. eft dans la Mufique ancienne , au rapport de Bacchius , la con- jonction des trois tétracordes confécutifs , comme font les tétracordes hypaton , me fon & Jynnemenon. V. SYSTEME , TÉTRACOR- , DE. (S) EPISYNTHÉTIQUE , adj. (Médec)e{ï le nom d'une fe&e de médecins j il eft tiré d'un verbe grec qui fignifie entajfer ou af- fembler , i-Ti9VV^irtM. aîgwif , fecla fuper- compojitiva. Ceux qui formoient cette feclre , tels que Léonides & ceux de fon parti , prétendoient vrailîemblablement joindre les maximes des Méthodiques avec celles des Empyriques & des Dogmatiques , & raffembler ou con- cilier ces diverfes fec~r.es les unes avec les autres. C'eft tout ce qu'on peut dire, n'ayant pas d'autres lumières fur ce fujet : on ne fait pas même quand Léonides , qui eft le médecin' le plus connu de la fe&e épifynthetifue , a vécu , quoiqu'il foit probable que Soranus , le plus habile de tous les Méthodiques , l'a précédé de quelque temps. V. thiftoire de fa Médecine de le Clerc , dont cet article eft extrait, (d) EPITAPHE , C f. {Belles-Let.)\ririvov , infcription gravée , ou fuppofée devoir l'être, fur un tombeau , à la mémoire d'une per- fonne défunte. Ce mot eft formé du grec Wt , fur , & de àtwTv 5 fenfevelis. F, Sépulcre, Il y a*i EPI 733 un flyïe particulier pour les épitaphes , fur- tout pour celles qui font conçues en latin , qu'on nomme Jlyle lapidaire. V. STYLE LA- PIDAIRE. A Sparte on n'accordoit des épitaphes qu'à ceux qui étoient morts dans un combat , Se pour le fervice de la patrie :, ufage fondé fur le génie de cette république , ou plutôt fur la conftitution politique de fon gouverne- ment , qui n'admettoit guère que la vertu guerrière. On dit que le maufolée. du duc de Malboroug eft encore fonsépitaphe, quoique fa veuve eût promis une récompenfe de 500 liv. fterl. à celui qui en compoferoit. une digne de ce héros. Dans les épitaphes on fait quelquefois parler la perfonne morte , par «forme de proibpopée } nous en avons un bel exemple , digne du fiecle d'Augufte , dans ces deux vers , où une femme morte à la fleur de fon âge , tient ce langage à fon mari : Immatura perî ; fed tu felicior , annos ' Vive tuos , conjux optime , vive meos. ' Du même genre eft celle-ci , faite par Antipater le Theffalonicien , qu'on trouve dans l'Anthologie manufcrite de la biblio- thèque du Roi , & que M., Boiviu a traduite ainfî : « Née en Lybie , enfevelie à la fleur » de mes ans fous la pouflîere aufonienne , » je repofè près de Rome , le long de ce » rivage fablonneux. L'illuftre Pompéia , » qui m'a élevée avec une tendreffe de » mère , a pleuré ma mort , & a dépofé » mes cendres dans un tombeau qui m'é- » gale aux perfonnes libres. Les feux de » mon bûcher ont prévenu ceux de l'hymen » qu'elle me préparait avec empreffement. » Le flambeau de Pçoferpine a trompé nos » vœux. » La formuleyfo viator , qui fe rencontre dans un grand nombre & épitaphes modernes, (comme dans celle-ci : Sta , viator ; heroem cnlcas y.) fait.allufion à la coutume des an^ ciens Romains , dont les tombeaux étoient ie long des grands chemins. ^.Tombeau. (G) Uépitaphe .eft communément un trait de louange ou de morale , ou de l'une & de 1 autre. ÏSépitaphe de cet homme fi grand & fi 734 EPI ,■' fimpïe , fi vaillant & li humain , h heureux & fi fage , auquel l'antiquité pourroit tout au plus oppofer Scipion & Céfar , fi le pre- mier avoit été plus modefte , & le fécond moins ambitieux \ cette épitaphe qui ne fe trouve plus que dans les livres : Turenne a fort tombeau parmi ceux de nos Rois , &c. fait encore plus l'éloge de Louis XÏV , que celui de M. de Turenne. Celle d'Alexandre , que gâte le fécond vers , & qu'il faut réduire au premier : Sufficit huic tumulus , cui non fuffecerat orbis. eft un trait de morale plein de force & de vérité : c^eft dommage qu'Ariftote ne l'ait pas faite par anticipation , & qu'Alexandre ne l'ait pas lue. Le même contrarie eft vivement exprimé dans celle de Newton : Ifaacum Newton , Quem immortalem Tejtantur Tempus , Natura , Cœlum , Monalem hoc marmor Fatetur. Mais ce contrafte fi humiliant pour le conquérant , note rien à la gloire du philo- fophe. Qu'un être avec des refTorts fragiles , des organes foibles &. bornés , calcule les temps , mefure le Ciel , fonde la Nature j c'eft un prodige. Qu'un être haut de cinq pies , qui ne fait que de naître & qui va mourir , dépeuple la terre pour fe loger , & s'y trouve encore à l'étroit j c'eft un petit mouftre. Du relie cette idée a été cent fois em- ployée par les Poètes. V. dans les catalecles Yépitaphe de Scipion l'Africain , celle de Cicéron , celle d'Antenor. V. Ovide fur la mort de Tibule , Properce fur la mort d'A- chille , &c. Les Anglois n'ont mis fur le tombeau de Dryden que ce mot pour tout éloge , Dryden. & les Italiens fur le tombeau du Taflè , Les os du TaJTe. E P I îl n'y a guère que les hommes de génie qu'il fbït fur de louer ainfi. Parmi les épitaphes épigrammatiques , les unes ne font que naïves & plaifantes , les autres font mordantes & cruelles. Du nombre des premières eft celle-ci, qu'on ne croiroit jamais avoir été faite férieufement , & qu'on a vue cependant gravée dans une de nos églifès : Ce gît le vieux corps tout ufé Du Lieutenant civil rufé, &c. Lorlque la plaifanterie ne porte que fuf un léger ridicule , comme dans l'exemple précédent , elle n'eft qu'indécente \ on croit voir les foiîbyeurs A'Hamlet , qui jouent avec des oflemens. Mais les épitaphes infultantes & calomnieufes , telles que la rage en inf- pire trop fouvent , font de tous les genres de fatyre le plus noir & le plus lâche. II y a quelque choie de plus infâme que la calom- nie^ c'eft la calomnie contre les morts. L'ex- preflîon des anciens , troubler la cendre des morts , eft trop foible. Le fatyrique qui ou- trage un homme qui n'eft plus , refTemble à ces animaux carnaciers qui fouillent dans les tombeaux pour fe repaître de cadavres. V, Satyre. Quelquefois Yépitaphe n'eft que morale , & n'a rien de perlbnnel j telle eft celle de Jovianus Pontanus , qui n'a point été mifè fur fbn tombeau : Servire fuperbis dominis^ Ferre jugum fuperjiitionis , Quos habes caros fepelire , Condimenta vitœ funt. Uépitaphe à la gloire d'un mort , eft de toutes les louanges la plus noble & la plus pure , fur-tout lorfqu'elle n'eft que l'exprek fion naïve du caractère & des aétions d'un homme de bien. Les vertus privées ont droit à cet hommage , comme les vertus publiques } & les titres de bon parent , de bon ami , de bon citoyen , méritent bien d'être gravés fur le marbre. Qu'il me foit permis à cette occafion de placer ici , non pas comme un modèle , mais comme un foible témoignage eje ma reconnoiflance , Yépitaphe d'un citoyen dont la mémoire me fera toujours chère: EPI Non fibi , fed patrice vixit y régi que , fuifquc. Quod daret y hinc divts ; felix numerare beatos. Les gens de Lettres feroient bien à plaindre , fi dans un ouvrage public on leur envioit quelques retours fur eux-mê- mes , quelques traits relatifs à leurs fènti- roens & à leurs devoirs. Si leur plume doit leur être bonne à quelque chofe , c'eft à ne pas mourir ingrats. Mais la reconnoiilance fait en eux, parce qu'elle eft noble , ce que l'espoir des récompenfes n'eût jamais fait, parce qu'il eft bas & fervile. On a remarqué au commencement de cet article , que le tombeau du duc de Malboroug étoit encore fans épitaphe ; le prix propofé juftifi.e & rend vraifemblable la ftérilité des poètes anglois. Devant- une place aflïégée un offi- cier françois fit propofèr aux grenadiers une fomme considérable pour celui qui le premier planteroit une fafcine dans un foiTé expofé à tout le feu des ennemis. Aucun des grenadiers ne fe préfenta ; le général étonné , leur en fit des reproches : Nous nous ferions tous offerts , lui dit l'un de ces braves foldats , fi ton navoit pas mis cette action à prix d'argent. Il en eft des bons vers comme des actions courageufès. Voye{ Éloge. Quelques auteurs ont fait eux-mêmes feur épitaphe. Celle de la Fontaine,, modèle de naïveté ,, eft connue de tout le monde. Il feroit à fouhaiter que chacun fit la fienne de bonne heure 5 qu'il la fît la plus flatteufe qu'il eft poflible , & qu'il employât toute fa vie à la. mériter. Article, de. M. M.4R- montel. EPITASE, f. f. (-Belles-Lettres.)' dans Y ancienne poéfié , fignifioit la féconde partie ou divifion d'un poème dramatique ,. dans laquelle, l'action propofée dans la première partie ou protafe -, étoit nouée , conduite & pouffée par ditférens inç.idens jufqu'à fa fin ou ion dénouement, qui. formoit- la troifieme partie, appelles cataflafe.. Voye[ Tragédie, Uépitafe eommeiiçoit au fécond acte , ou au plutard avec le troifieme.- Cette divifion n'a plus lieu dans, les pièces dra- matiques modernes , quant au nom 7 parce EPI 7*1 qtron Tes divife en actes ; mais Yépitafe y fubfifte toujours , quant au fond , & c'eft ce que nous appelions nœud & intrigue, Voye{ Nœud & Intrigue. Les anciens fcholiaftes de Térence ont défini l'épitafè , incrementum proceffufque turbarum , ac totius nodus erroris ; & ÎSca- liger l'appelle pars in quâ turbœ aut exci- tantur^ut involvuntur ; ce qui revient par- faitement à ce que nous entendons par nœud ou intrigue. (G) Epitase , [Med$k*hé*u\ de tWt«ngu«$ augefco. Ce terme eft employé par Hippo- crate pour fignifier Yaccroijfement d'une maladie , 8c fur-tout des fièvres y dans leurs paroxyfmes & dans leurs exacerbations.. Voye\ Fièvre , Paroxysme, (d) EPITE , f. f. ( Art méchaniq. ) petit coin-, que l'on applique à l'extrémité d'un autre pour le groflir.. Y EPIT HALAME, f. m. (Poéfie.) poème* à l'occafion d'un mariage j chant de noces pour féliciter des époux. Le mot êpithalame vient du grec êV;ta« hâ^Liov y & ce dernier , en ajoutant , àyfxa.y lignifie chant nuptial :. ^, nous appellerons êpithalame xonx chant nup- tial qui félicite de nouveaux époux fur leur union ; qu'il foit un fimple.récit , ou qu'il, foit mêlé derécit & de chant 3 que le poète 73^ EPÏ y parle feuî , ou qu'il introduire des per- sonnages } ck quel que (bit eafm le lieu de la fcene , s'il eft permis d'uièr d'une expref- fîon fi impropre. Vépithalame eft en général une efpece de poéiie très-ancienne ; les Hébreux en connurent l'ufage dès le temps de David , du moins les critiques regardent le p^èaume xliv comme un véritable cpithalame. Ori- gene donne aufli le nom d'epuhalame au cantique des cantiques \ mais eu ce cas c'eft une forte Vépithalame d'une nature bien finguliere. Les Grecs connurent cette efpece de chant nuptial dans les temps héroïques , fi l'on s'en rapporte à Dyétis , & la céré- monie de ce chant ne fut point oubliée aux noces de Thétis , & de Pelée j mais dans fa première origine Vépithalame n'étoit qu'une îimple acclamation & hymen , o hy menée. Le motif & l'objet de cette acclamation font évidens : chanter hymen , o hymenee , c'étoit fans doute féliciter les nouveaux époux fur leur union , & fouhaiter qu'ils n'euffent qu'un même cœur & qu'un même efprit , comme ils n'alloient plus avoir qu'une même habitation. Cette acclamation palfa depuis danslV/v- thalame ; & les poètes en firent un vers intercalaire , ou une efpece de refrain ajufté à la mefure qu'ils avoient choifie ; ainfi ce qui étoit le principal devint comme l'ac- eeffoire , & l'acclamation d'hymen , ou hy- menee , amenée .par intervalles égaux , ne fèrvit plus que d'ornement à Vépithalame , ou plutôt elle fèrvit à marquer les vœux & les applaudifTemens des chœurs , lorfque ce poème eût pris une forme réglée. Stéfichore , qui floriffoit dans la xlïj olympiade , paffe communément pour l'in- venteur de Vépithalame; mais l'on fait qu'Hé- iiodc s'étoit déjà exercé fur ce même genre , & qu'il avoit compofe Vépithalame de Thé- tis & de Pelée : ouvrage que nous avons perdu , mais dont un ancien fcholiafte nous a confèrvé un fragment. Peut-être que Stéfichore perfectionna ce genre de poéfie , en y introduifànt la cithare & les chœurs. Quoi qu'il en foit , Vépithalame grec eft un véritable poème , fans cependant imi- 1 ter aucune action. Son but eft de faire cou- ' E P I noître aux nouveaux époux le bonheur de leur union par les louanges réciproques qu'on leur donne , ck par les avantages qu'on leur annonce pour l'avenir. Le poète introduit des perfonnages , qui font ou les compagnes de l'époufe , comme dans Thip- crite :, ou les amis de l'époux, comme dans Apollonius. Vépithalame latin eut à-peu-près la même origine que Vépithalame grec : comme ce- lui-ci commença par l'acclamation à'hy- menée , Vépithalame latin commença par l'acclamation de Talajjius : on en fait l'oc- cafion ck l'origine. Parmi les Sabines qu'enlevèrent les Ro- mains , il y en eut une qui fè faifoit remar- quer par fk jeuuelie ck par fà beauté } [es ravifîeurs craignant avec raifon , dans un tel détordre , qu'on ne leur arrachât un butin fi précieux , s'aviferent de crier qu'ils la conduifoient à Talaflius , jeune homme beau , bien fait , vaillant , confidéré de tout le monde , ck dont le nom feul imprima tant de refpecr. , que loin de fonger à la moindre violence , le. peuple accompagna par honneur les ravifteurs , en faifant fans celle retentir ce même nom de TalaJ/Jus. Un mariage que le hafard avoit li bien aflbrti , ne pouvoit manquer d'être heu- reux : il le fut, ck les Romains employè- rent depuis clans leur acclamation nuptiale le mot Talajjius , comme pour fouhaiter aux nouveaux époux une femblabie deftinee. A cette acclamation , qui étoit encore en ufage du temps de Pompée , & dont on voit des veftiges au fiecle même de Sido- nius , fè joignirent dans la fuite les vers fefeenniens \ vers extrêmement greffiers, ck pleins d'obfcénitcs. Les Latins n'eurent point d'autres épitha- lames avant Catulle , qui prenant Sapho pour modèle , leur montra de véritables poèmes en ce genre , ck fubftitua l'acclama- tion greque d'hymenée à l'acclamation la- tine de Talajfms. Il perfectionna ai.fîî les vers fefeenniens } mais, comme il arrive d'ordinaire , s'il les rendit plus chaftes par l'exprefîion , ils ne furent peut-être que plus obfcenes par le fens. Nous en avons des exemples dans un épi- thfJame de ce poète , ( cpithal. Jul. ) dans une petite pièce qui nous eft reftée de l'empereur 757 EPI EPI l'empereur Gallien , &dans le Canton d'Au- f & pour objet un feigneur de ce nom , n'eft fone principalement. Stace , qui a fleuri qu'une indécente & froide aliuiion aux tra- fous Domitien , ne s'eft permis dans Yépi- thalame de Viollantille & de Stella , aucune expreflion peu mefurée. Claudien n'a pas toujours été fi retenu , il s'e'chappe d'une manière inde'cente dans celui d'Honorius & de Marie. Pour Sidonius auiîi-bien que tous les modernes , dont les poéfïes font lues des honnêtes gens , comme Buchanan parmi les Ecoifois , Malherbe & quelques autres parmi nous , excepte Scarron , ils font irré- prochables à cet égard ; fi pourtant l'on excepte encore parmi les Italiens le cavalier Marini , qui mêle fans refped pour (es hé- ros , à des louanges quelquefois délicates , des traits tout-à-fait licentieux. II femble que Yépithalame admettant tou- te la liberté de la Poéfie , il ne peut être affujetti à des préceptes ; mais comment arriver à la perfedion de l'art , fans le fe- cours de l'art même ? Audi Denys d' Alicar- naffe donnant aux orateurs les règles de IV- pitkalame ; ne dit pas qu'elles foient inutiles-; il les renvoie même aux écrits de Sapho. Rien n'eff fl avantageux , en général , que d'étudier les modèles, parce qu'ils renfer- ment toujours les préceptes , & qu'ils en montrent encore la pratique. Il eft vrai qu'il n'y a point de règles par- vaux de ce dieu de la fable. Dans 1 hymé- née où il s'agit des noces de Vincent Caraf- fe, c'eft Silène qui chante tout fimplement Yépithalame du berger Aminte. Telles font ordinairement les ridions de cet auteur ; s'il en a d'une autre nature, ilîes emprunte de Claudien , de Sidonius même ; ou il les gâte par des deferiptions fi longues & fi fréquen- tes , qu'elles rebutent l'efprit , & font dif- paroître le fujet principa1. Fuye^ de cet auteur V abondance ftérile , Et ne vous charge^point d'un détail inutile ,' dit un de nos meilleurs poètes dans une oc- cafion toute femblable. Parlons à préfent des images ou des pein- tures qui conviennent à ce genre de poème. Uépitalarne étant par lui-même deftiné à exprimer la joie , à en faire éclater les tranf- poits, on fent qu'il ne doit employer que des images riantes & ne peindre que des objets agréables. Il peut reprefenter l'Hy- ménéeavecfonvoile&fonflambeau;Vénus avec les grâces , mêlant à leurs danfes ingé- nues de tendres concerts;& les amours cueil- lant des guiilandes pour les nouveaux époux. Mais ramener dans un épithalame le com- bat des géans , & la fin tragique des héroïnes fabuleufes , comme fait Sidonius , ou le repas de Thyefte , & la mort de Céfar , ticulieres preferites pour le genre, pour le comme fait le cavalier Marini , c'eft (pour nombre , ni pourladifpofitiondes verspro-Ue dire avec un ancien ) être en fureur en près à cet ouvrage ; mais comme le fujet en tout genre de poéfie eft ce qu'il y a de prin- cipal , ii femble que le poète doit chercher une fiction qui foit tout enfemble jufte , in- génieufe , propre & convenable aux per- fonr.es qui en feront l'objjt ; & c'eft en choi- fifïant les circonftances particulières , qui ne font jamais abfolument les mêmes , que Yépithalame eft fufceptible de toutes fortes de diverfités. Claudien & Buchanan , fans être en tour & -a tous égards de vrais modèles, ont rendu propres à leurs héros les épith dames qu'ik nous ont laifTes. Pour le cavalier Marini , loin qu'il foit heureux dansle choix des cir- conftances , ou dans les ridions qu'il ne doit qu'à lui-même , on n'y trouve prefque ja mais ni couvenance ni juitefte. hé'pithala- me qui a pour titre , les travaux d'Hercule , Tome XII chantant l'hyménée. Pour les images indécentes ou qui ré- voltent lamodefîie , quiconque en emploie de ce caradere ne pèche pas moins contre les règles de l'art en général , que contre fes vrais intérêts. En effet , fi un difeours n'a de véritable beauté qu'autant qu'il exprime une chofe qui fait plaifîr à voir ou à enten- dre , ou bien qu'il préfente un fens honnête, comme Théophrafte le foutient , & comme la raifon même le perfuade , que doit-on penfer de ces fortes d'images? Ei fe les per- mettre dans une matière chafie par elle- même , n'eft-ce pas en quelque manière imiter Âufone , qui pour avoir travefti en poète fans pudeur le plus fage de tous les Poètes . n'a pu trouver encore depuis tant de hecles un feul apologifte ? Bien différent de cet écrivain , Théocrite Aaaaa 7s8 EPI EPI n'offre à Tefpritque des images agréables;! convenables , ou ne pas excéder la vraf-i il ne repréfente que des objets gracieux, & avec des idées & des exp reliions enchante- refles. Tel eft fon épithalame d'Hélène , les reflexions qu'on vient de lire dans cetr chef-d'œuvre en ce genre qu'on ne fauroit trop louer. Après avoir donné des couronnes^ de ja- cinthe aux filles de Lacédémone qui chan- tent l'hy menée , il leur fait relever en ces termes le bonheur de Ménélas. "Vous êtes *> arrivé à Sparte fous des aufpices bien fa- >j vorables ; ieul entre les demi-dieux, vous r> devenezle gendre de Jupiter , vous épou *> fezHélene! Les grâces l'accompagnent, j) les amours font dans fes yeux ; elle étoit a l'ornement de Sparte , comme le cyprès "» eft l'honneur des jardins. » Puis venant à Hélène même: " Uniquement occuppées *j de vous , nous allons , difent-elles , vous » cueillir une guirlande de lotos ; nous la » fufpendrons à un plane &. en votre.hon-r 99 neur nous y répandrons des parfums. Sur n Pécorce du plane., on gravera ces mots ; ?> honore^ moi , je fuis V arbre d'Hélène , » S'adreffant enfuite aux deux époux: (t Puiffe « Vénus , ajoutent-elles vous infpirer une 9i ardeur mutuelle & durnbleîpuiflè Latone » vous accorder une heureufe poftérité , & « Jupiter vous donner des richeffesque vous » tranfmectiez à vos defcendans ! » Ce poème , au tefte , a deux parties qui font bien marquées, & qui paroiffent éflen- tieîles à tout épithalame ; l'une qui com- prend les louanges des nouveaux époux, l'autre qui renferme des vœux, pour leur profpérité. La première partie exige tout l'art du, "poète .; car il en faut infiniment pour don- ner des louanges , qui. fuient tout enfemble îngénieufes , naturelles , & convenables : & Voilà fans doute pourquoi l'on dit fi fou vent que V épithalame eft l'écueif des Poètes. Les louanges feront îngénieufes , fi elles fortent ,.poUr ainfi dire . du fond même de 1a fiction ; naturelles , fi elles nebleffentpas ta vraifemhlance' poétique ; convenables , libelles font accommodées félon les règles de cette: vraifemblance , au fexe , à la naif- fànce , à la dignité / au mérite perfonnel. . Il en eft de même , à proportion •,, des ,vœux ; ils doivent être naturels ou fe ren^ fWmer.daas la vraifemblance poétique ;.&. femblance , relative , fi je puis m'exprimera ainfi avec M. Souchai ; car j'ai tiré toutes article , d'un de fes difcours inféré dans le- recueil de l'académie des Belles Lettres tr & je ne crois pas que perfonne ait mieuxt traité cette matière. C'eft peut-être un travail en pure perte ^ que celui de notre favant ; du moins on a lieu de le penfer , quand on confidere à quel; point tout le monde eft dégoûté de ce genre- de poème , foit par la difficulté du fuccès 9 foit par l'exemple de tant de gens qui y ont échoué avec mépris , foit enfin par le peu* d'honneur qu'on gagne à courir dans cette carrière: il eft du moins certain que les épi- thalames font tombés dans un tel difcrédit , que les Hollandois qui en étoient les plus grands protecteurs, non-feulement les ontr abandonnés mais même ont pris le parti de leur fubftituer des eftampes particuliè- res, qu'ils appellent de ce nom , comme s'ils penfoient que X épithalame poétique ne. pût jamais reftiifciter. Art. de M. le Chtva- lier DJB JaucoURT.. EPITHALAME, f. f. {Gravure) Les Gra- veurs de Hollande, comme on l'a dit dans> l'article précédent , appellent épitkalames certaines eftampes faites en l'honneur de quelques nouveaux mariés, dans lefquelles on les repréfente avec des attributs allégo- riques , convenables à leur état & à leur qualité ; on y joint toujours quelques vers, à Ieurlouange. Il n'y a que les perfonnes ri- ches qui faflént cette dépenfe , & Ton ne tire- qu'un très-petit nombre de ces eftampes ,., pour les diftrihuer aux païens & aux amis des mariés. Quand ce nombre eft tiré , on dore, la planche , que l'on met enfuite en bordure ,, ce qui rend: ces fortes de pièces fort rares.. Perfonne n'a mieux réufïi dans ce genre; que Bernard Picart. Sqs épuhalames font les, morceaux les plus gracieux & les plusefti- mes de ce maître. Di3. de Peint. Cependant on a lieu de leur reprocher' d'être quelquefois fi recherchés en allégo-- ries ,. qu'ils font.inintelligib!es;mais en gé- néral les penfées en font belles & pleines de^ nobleffe ; d'ailleurs la netteté & la propreté du travail cara&érifent toujours ce célèbre; artifte. Qn ne fait plus aujourd'hui que r©**- g F ï «copier en Hollande les eiîarapes de cet ha- bile maître , avec quelques légers change- mens dans les attributs , pour fournir les épithalames de commande ; & encore la mode en eft prefque pa-flee, parce que tout ce qui eft de mode paiTe très-vîte. Article de M. le Chevalier de J AU court. EPITHEME , f. m. (Pharmac.) du grec *Lwi8têi)fu y j'applique , je mets dejfus , nom générique de tout remède defliné a être appliqué à la furface du corps, L'ufage a exclu cependant les emplâtres <& les onguens de la clafTedes épithemes vqui ne comprend que les remèdes extérieurs, appliqués fous forme liquide , fous forme feche, & fousformede bouillie. Les épithe- mes des deux premières efp.eces font beau- coup plus connus fous le nom de. fomenta- tion :voye[ FOMENTATION & ceux de la dernière , fous celui, de ca.tapla.fme, ; Vbye^ Cataplasme. Les fomentations appliquées furie cœur ou fur le foie , font fpécialement déïignées par îe mot Sépitheme qui eft prefque oublié dans cette acception même, comme l'emploi des fecours de ce genre. Voye^ Topique. Lefachet, la cucuphe , & la demi-cu- cuphe , le frontal , Pécufïbn. , &c. font des eipeces à1 épithemes fecs. Voy. ces art, ( b ) ÉPITHETE , f. f. terme de Grammaire & de Rhétorique , du grec i&bfjjtru , adjeâi- tius y accejfurius , impofititius , dont le neu- tre eft jnr/3»xmf , epithetum ; on fous-en- tend o* ou furie hennifTement de fon courfier. C'efl fur- tout lorfqu'on fait parler les autres , qu'il faut être circonfped dans l'ufage des épithetes. Il faut pefer exactement quelles idées doivent nécessairement entrer dans lapen- fée que le perfonnage veut exprimer, & ne lui rien prêter au-delà. Il faut fe fou- venir que les épithetes ne font que fubor- données au terme principal ; fi celui-ci dit tout ce qu'il y a à dire , eu égard au lieu & aux circonftances,lV/>/Mere eft de trop. On remarque , en étudiant les révolu-; tions du bon goût , que dans les temps an- ciens , comme dans les modernes , la dé- cadence du goût a toujours été annoncée parla profufion des épithetes. Dans la Grèce, chez les Romains & en France , aufli-tôt que !e beau fiecle de l'éloquence & de la poéfie a fait place â l'amour du clinquant , on a vu les épithetes fe multiplier. poète n'étant point joints à des noms propres , font pris fubftantivement, & par conféquent ne font point des épithetes. On doit ufer avec art des épithetes ou adjectifs; on ne doit jamais ajouter au fubftantif une idée aceeflbire, déplacée , vaine, qui ne dit rien de marqué. Les épithetes doivent rendre le difcours plus énergique. M. de Fénelon ne fe contente pas dédire . que Y orateur , comme le poète , doit employer des figures ,des images & des traits y il dit qu't'Z doit employer des figures On«t'i.s , des images vives , & des traits hardis , lorfque lefujet le demande. Les épiihetes qui ne fe p.éfentent pasnaturellement,& qui font tirées de loin, rendent le difeour* froid& ennuyeux. On ne doit jamais fe fer vira' épithetes parottentation ;onn'en doit faire ufage que pour appuyer les objets fur lefquels on veut arrêter l'attention. (FJ EPI Pour éviter cet excès , leur ufage doit ' être reftraint aux feuîs cas où l'idée princi- pale ne fuffit pas pour donner à la penfée une beauté fenfible , une énergie efthéti- que. Et afin de mieux déterminer ces cas , il eft bon de fe rappeler qu'il y a trois ef- peces d'énergie eftHétique ; l'une qui rem- plit l'imagination de tableaux frappans , l'autre qui préfente à l'efprit des notions grandes & lumineufes ; & la troisième qui excite le fentiment, & produit les mouve- mens de l'ame. C'eft en conféquence de l'un ou de l'autre de ces trois buts qu'il faut choifïr les épithe- tes, félon qu'on fe propofe , ou de peindre à l'imagination , ou d'éclairer le jugement , ou de toucher le cœur. Les épithetes pittorefques, prifes de cho- fes fentibles , font indifpenfabîes lorfque l'orateur ou le poète veut peindre à l'aide dudifeours. Elles fervent ou à exprimer di- verfes petites circonftances qui font partie du tableau , ou à épargner des deferip- tions prolixes , qui rendroient le difeours languifTant. S'agit-il , non de peindre , mais de donner à une penfée un tour plus fort , plus nouveau , plus concis ou plus naïf, c'eft encore à l'aide des épithetes qu'on y parviendra plus aifément. Enfin , fi l'on fe propofe de toucher le cœur , quel que foit le genre de la paflion , rien de plus efficace que des épithetes bien choifies pour exciter le fentiment. Mais autant qu'elles fervent d'afTaifonne- ment dans tous les genres de l'énergie ef- thétique pour donner plus de force à la penfée , autant font-elles infipides lorf- qu'elles n'ont pas ce but. Rien n'eft plus défagréable qu'un ftyle renpîi à' épithetes foibles , vagues ou oifeufes ; même lors- qu'elles ne font pas oifives , le ftyle ne laiffe pas d'être mauvais , fi ces épichetes expriment des idées acceffoires, qui ne font rien au but principal , & qui ne fervent qu'à étaler l'efprit du poète , & la iingularité bi- farre de fon imagination. Comme la poéhe en général parle plus aux fens que l'éloquence, le poète fait aufîi un plus fréquent ufage des épithetes que l'orateur ; mais cette considération même doit le rendre plus réfervé à ne les pas pro- diguer fans néctffité. Il ne doit pas fe per- EPI( 74r mettre de les employer à remplir le vers. La longueur des vers Alexandrins eft très- propre à l'entraîner dans cet ufage vicieux; & il ne feroit que trop aifé d'en rapporter plufîeurs exemples , leur grand nombre nous difpenfe d'en rapporter ici. ( Cet article efi tiré de la Théorie générale des Beaux- Arts , de M. SULZEK. ) * EPITHRICADIES, adj. f. prisfubft. ( Hift. anc ) fêtes inftituées en l'honneur d'Apollon. Il ne nous en eft refté que le nom. EPITHYME , ( Pharm. Botan. & Mat. méd.) Vbyei CUSCUTE. EPITIE , f. m. ( Marine. ) c'eft un petit retranchement de planches fait le long du côté du vaiftean , pour mettre les boulets. Il porte ce nom , quoiqu'on le fafte en quel- qu'autre endroit du vaifteau. ( Z ) * EPITOGE, f.f. {Htji. anc. ) efpece de manteau qui fe mettoit fur la toge. Voyez Toge. h'épitoge ne nous eft pas inconnu. C'eft: ainfi que l'on appeloit le chaperon que les préfidens à mortier & le greffier en chef du parlement portoient autrefois fur la tête dans les grandes cérémonies , & qu'ils ne portent plus que fur l'épaule. EPITOIR, f. m. inftrument de fer, pointu & quarré , qui fert à ouvrir l'extré- mité d'une cheville de bois , lorfqu'il s'agit de la renfler par un coin qu'on appelle épite* EPITOME, f. m. ( Belles-Lettres. ) abré- gé ou réduction des principales matières d'un grand ouvrage , reflerrées dans un beaucoup moindre volume. On reproche fouvent aux auteurs d'épi- tome y que leur travail occafionne la perte des originaux. Ainfi on attribue à l'épitome de Juftin , la perte de l'hiftoire univerfelle de Trogue Pompée ; & à l'abrégé de Flo- rus , celle d'une grande partie des décades de Tite-Live. Voye[ les raifons fur lefquel- les eft fondé ce reproche , au mot Abrégé. (G) EPITRE , f. f. ( Belles Lettres. ) ce mot vient du grec iwi9futt &c du verbe jcaa* , f envoie. Ce terme n'eft prefque plus en ufage que pour les lettres écrites en vers , & pour les dédicaces des livres. 942 H PI EPI Quand on parle des lettres écrites pari Boîleau n'étoit pas de cet avis ; il lui erf des auteurs modernes ou dans des langues vivantes , & fur- tout en profe , on ne fe fert point du mot épître: ainfi l'on dit , les lettres du cardinal d'Ojfàt , de Baisai , de Voiture y de madame de Sévigné , & non pas les épltrtsdu cardinal d'Oflat, de Balzac,^. Au contraire on fe fert du mot épître, en parlant des lettres écrites pardes anciens, ou dans une langue ancienne ; ainfî l'on dit les épîtres de Cicéron , de Séneque , &C II eft pourtant vrai que les modernes fe font fer- vis du terme de lettres , en parlant de celles de Cicéron & de Pline. Le mot épître parôît encore plus particu- lièrement reftraint aux écrits de ce genre , coûta de retrancher la fable de l'huître, qu'il avoir mife à la fin de fa première épître au roi , pour délaffer , difoit-il , des leSeurs quun fublime trop (éri 'eux peut enfin fatiguer. II ne fallut pas moins que le grand Condé* pour vaincre la répugnance du poète à fa- crifier ce morceau. En général , les défauts dominans des épi* très de Boileau font la fécherefle & la ftéri- lité, des pîaifanteries parafites, des idéet fuperficielles, des vues courtes , & de petits, deflèins. On lui a appliqué ce vers : Dans J on génie étroit il ejl toujours captif. en matière de religion ; ainfi Pon dit les épîtres de S. Paul , de S. Pierre , de S. Jean , & non les lettres de S. Paul , &c. ( G ) On attache aujourd'hui à Yépître l'idée de la réflexion & du travail , & on ne lui permet point les négligences de la lettre. Le ftyle de la lettre eft libre , fimple , fa jnilier. L' 'épître n'a point de ftyle déterminé; elle prend le ton de fonfujet , & s'élève ou s'abaiftë fuivantle caractère des personnes. JJépître de Boileau à Ion jardinier , exigeoit le ftyle le plus naturel ; ainfi ces vers y font déplacés , fuppofé même qu'ils neibient pas mauvais par- tout. Sans cejfe pourfuivant ces fugitives fées , On voit fous les lauriers haleter les OrpHées. Boileau avoit oublié en les compofant , qu'Antoine devoir les entendre. \J épître au roi fur le partage du Rhin , exigeoit le ftyle" le plus héroïque : ainfi l'i- mage grotefque du fleuve cffuyantfa birbe , y choque l'a décence. Virgile a dit d'un genre de poéfie encore moins noble , fylvcs Jint confule dignœ. Si dans un ouvrage adrelîé à une perfonne! jlluftre on doit annoblir les petites choies, à plus forte raifon n'y doit - on pas avilir les grandes , & c'eft ce que fait à tout moment dans les épîtres de Boîleau le mélange deCo- tinâvec Louis le Grand,du fucre & de la en- nelle avec la gloire de ce héros.Un bon mot eft placé dans une épître familière ; dans une épître férieufe & noble il eft du plus mau- vais §9ûr, Son mérite eft dans le choix heureux deg termes & des tours. Il fe piquoit fur-tout de rendre avec grâce & avec noblefle des idées communes , qui n'avoient point encore été rendues en poéfie. Une des chofes , par exemple, qui le fiattoierrt le plus, comme il l'avoue lui-même , étoit d'avoir exprima poétiquement fa perruque. Au contraire, la bafîe(re'& la bigarrure du ftyle défigurent la plupart des épîtres de Rouffeau. Autant il s'eft élevé au deffusds Boîleau , par fesodes , autant il s'eft mis au defîous de lui par fes épîtres. Dans Y épître philofophique , la partie do- minante doit être la juftefte & la profonf- deur du raifonnement. C'eft un préjugé dangereux pour les poètes & injurieux pour la poéfie , de croire qu'elle n'exige ni une vérité rigoureufe , ni une progreifion mé- thodique dans les idées. Nous ferons voir ailleurs que les écarts même de l'enthou- fiafme ne font que la marche régulière de la raifon. Voy. Ode & Enthousiasme. Il eft encore plus inconteftable que dans Yépitre philofophique on doit pouvoir pref- fer les idées fans y trouver le vuide , <âL les creufer fans- arriver au fond. Que fecoit-ce en effet qu'un ouvrage raifbnné, où l'on ne ferait qu'effleurer l'apparence fupéificielle des chofes ? un fophifme revêtu d'une ex*. preftion brillante , n'eft qu'une figure bien peinte & mal defilnJe ; prétendre que I* poéfie n'a pas befoin de l'exa&itude philo> îophique , c'eft donc vouloir que la peinture puifte fe pafter de la correction du deftehiw Or, qu'onmetteà l'épreuve de l'application I p I «fe ce principe les épîtres de Boîfeati,ceÏÏes de Rouflèau , & celles de Pope lui-même. Boileau , dans fon épure à M. Arnaud , at- tribue tous les maux de l'humanité à la honte du bien.. La mauvaife honte ou plutôt la foi- bleffe en général produit de grands maux : Tyran qui cède au Crime & détruit les vertus. Henriade. Voilà le vrai. Maïs quand on ajoute , pour le prouver , qu'Adam , par exemple, n'a été malheureux que pour n'avoir ofé foupçonner fa femme ; voilà de la déclamation. Le defïr de la louange & la crainte du blâme produifent tour à tour des hommes timides ou coura- geux dans le bien , foibles ou audacieux dans le mal ; les grands crimes & les grandes vertus émanent fouvent de la même fource : quand? & comment ? & pourquoi ? voilà ce qui feroit de la philofophie. . Dans Vépître à M. de Seignelay , la plus eftimée de celles de Boileau , pour demaf- quer la flatterie , le poète la fuppofe ftupide & grofïiere , abfurde & choquante au point de louer un général d'armée fur fa défaite , & un miniftre d'état fur fes exploits mili- taires ; eft-ee là préfenter le miroir aux flat- teurs ? Il ajoute que rien n'eft beau que le vrai; mais confondant l'homme qui fe cor- rige avec l'homme oui fe déguife , il con- clut qu'il faut fuivre fa nature. Cefi elle feule en tout qu'on admire & qu'on aime. Un efprit né chagrin , plaît par fon chagrin même. Sur ce principe vague , un homme né gref- fier plaira donc par là grofliéreté , un im- pudent par fon impudence ? &c. Qu'auroit fait un poète philofophe ? 'auroit fait par exemple , l'auteur des difcours/ùr l'égalité des conditions & fur la modération dans les defirs / Il auroit pris fe naturel inculte & brute , comme il 1 eft toujours : il l'auroit comparé à l'arbre qu'il faut tailler , émonder , diriger , cultiver , enfin , pour le rendre plus beau , plus fé- cond & plus utile. Il eût dit a l'homme: » ne veuillez jamais paroître ce que vous n> n'êtes pas , mais tâchez de devenir ce qu EPI 74* n que vous voulez paroître : quel- que foie » votre caractère , il eft voifin d'un certain n nombre de bonnes & de mauvaifes quali- tés; fi la nature a pu vous incliner aux » mauvaifes , ce qui eft du moins très-dou- » teux , ne vous découragez point , & op- »? pofez à ce penehant la contention de I'ha- » bitude. Socrate n'étoit pas né fage , & fon » naturel en fe redreffant ne se toit pas eflro* >j pié ». On n'a befoin que d'un peu de philofophier pour n'en trouver aucune dans les épîtres de Rouflèau. Dans celle à Clément Marot , ih avoit à développer & à prouver ce principe des Stoïciens , que Terreur efl la fource de tous les vices, c'eft-à-dire, quon n'eft méchant que par un intérêt mal entendu. Que fait le poète ? il établit qu' un vaurien eit toujours unfotfous le ma/que ; au lieu de citer au tri- bunal de la raifon un Ariftophane , un Cari- lina , un NarchTe qu'il auroit bien eu de la peine à faire pafler pour d'honnêtes gens , ou pour des fots ; il prend un fat , mauvais plaifant , dont l'exemple ne conclut rien T & il dit de ce fat, plus fot encore : A fa vertu je n'ai plus grande foi Qu'à fon efprit. Pourquoi cela ? Pour" quoi ? Quejl-ce qu1 efprit ? Raifon qffaifonnée > Qui dit efprit , ditfel de la raifon : De tous les deux fe forme efprit parfait y De îun fans Vautre un monjlre contrefait.- Or quel vrai bien d'un monjlre peut - itl ■naître ? Sans la raifon puis je vertu connoître ?' "Et fans le fei 'dont il faut l'apprêter , Puisse vertu faire aux autres goûter ? PafTons fur le ftyle ; quelle logique !' La raifon fans fel fait un monjlre , incapable- de tout bien : pourquoi ? parce qu'elle eft fade nourriture , quelle n'affaifonne pas la | vertu , & ne la fait pas goûter aux autres.. D'où il conclut qu'un homme qui n'a que de la raifon , & qu'il appelle un fotf ne fauroit être vertueux. Molière , le plus- philofophe de tous les poètes , a fait un honnête homme d'Orgon , quoiqu'il n'err ait fait qu'un fot ,, & n'a pas. fait un fot d& 744 EPI Tartuffe , quoiqu'il n'en ait fait qu'un mé- chant homme. Pope , dans les épîtres qui compofent fon effai fur l'homme , a lait voir combien la poéfie pouvoit s'élever fur les ailes de la philofophie. C'eft dommage que ce poète n'ait pas eu autant de méthode que de profondeur. Mais il avoit pris un fyftême, il falloit le foutenir. Ce fyftême lui offroit des difficultés épouvantables; il falloit ou les vaincre ou les éviter : le dernier parti étoit le plus sûr & le plus commode ; aufli , pour répondre aux plaintes de l'homme fur les malheurs de fon état, lui donne-t-il le plus fouvent des images pour des preuves, & des injures pour des raifons. Article de M. Marmontei. Épître DÉDICATOIRE. Il faut croire que l'efiime & l'amitié ont inventé Vépître dédicatoire, mais la baftefTe & l'intérêt en ont bien avili l'ufage : les exemples de cet indigne abus font trop honteux à la Litté- rature pour en rappeler aucun ; mais nous croyons devoir donner aux auteurs un avis qui peut leur être utile , c'eft que tous les petits détours de la flatterie font connus. Les marques de bonté qu'on fe flatte d'avoir reçues, & que le Mécène ne fe fouvient pas d'avoir données ; l'accueil favorable qu'il a fait fans s'en appercevoir ; la reconnoi (Tance dont on eft fi pénétré , & dont il devroit être furpris ; la part qu'on veut qu'il ait â un ouvrage dont la lecture l'a endormi ; fes ayeux dont on lui fait l'hiftoire fouvent chimérique ; fes belles actions & fes fubli- mes vertus qu'on paiîe fous filence pour de bonnes raifons ; fa générofité qu'on loue d'avance , &c. toutes ces formules font ufées , & l'orgueil qui eft fi peu délicat , en eft lui-même dégoûté. Monfeigneur , écrit M. de Voltaire à l'électeur Palatin , le Jîyle des dédicaces , les vertus du protecteur , & le mauvais livre du protégé , ontjouvent en- nuyé h public. Il ne refte plus qu'une façon honnête de dédier un livre : c'eft de fonder fur des faits la reconnoiifance, l'efiime, eu le refpecl qui doivent juftifier aux yeux du public i'hom- mage qu'on rend au mérite. Cet article eft de M. Marmont EL. # ÉPÎTRE , ( Hifi. ecclef. ) Ceft une des par- ties de la MelFe , & qui précède l'Evangile ; E P I ou plutôt c'eft cette partie de la Méfie chantée aujourd'hui par le fous-diacre , un peu avant l'évangile , & qui eft un texte de l'écriture fainte. Cette partie de l'écriture fainte n'eft jamais prife des quatre évangi- les, mais de quelque endroit de la bible , & fouvent des épîtres de S. Paul , ou de celles des autres apôtres, ce qui lui a faic donner le nom d'épître. Pour connoître l'origine de Vépître & l'u- fage de Péglife à cet égard , il faut remar- quer que les juifs faifoient lire dans leurs fynagogues quelques endroits de la loi Se des prophètes , particulièrement dans les jours du fabbat. Les chrétiens conferverenc parmi eux cette coutume ; ils commen- çoient la célébration de l'Éuchariftie par la Iedure des faintes écritures , félon le témoi- gnage de Tertullien dans fon Apologétique ; & comme les actes des apôtres & les épîtres de S. Paul contenoient de, grands exem- ples & des inftruclions très-utiles , on lî- foit ordinairement quelques endroits de l'un & de l'autre , mais le plus fouvent des épi-, très de S. Paul , en forte que par une efpece d'habitude , on a donné à cette lecture le titre cV épître. Quelques auteurs ont obfervé , que lorf- que l'on lit un endroit des épîtres de S. Paul , on commence par ce mot , Fratres , parce que cet apôtre appeloit ainfi ceux à qui i! écrivoit : & quand on lit quelques partages de l'ancien &: du nouveau teftament, on dit toujours in diebus illis. Cette lecture introduifit l'ordre des lec- teurs , dont la fonction a cependant cefTé depuis quelques fiecles dans Péglife catho- lique , où la lecture a été attribuée aux fous-diacres. Fleury , Hijî. eccl. Di3. de Ri- chelet & de Trév. Article de M. le chevalier DE lAUCOURT. ÊPITRITE r f. m. ( Belles-Lettres. ) eft un pié compofé de quatre fyllabes, trois longues & une brève. Voye{ PiÉ. Les grammairiens comptent quatre for- tes cVépitrites : le premier eft compofé d'un iambe & d'un fpondée: comme fulùtàntës , le fécond d'un trochée & d'un fpondée , comme concuatï\ le troifieme d'un fpondée & d'un iambe , comme commùnîcSns ; & le quatrième d'un fpondée & d'un trochée , comme î/içantarë, {G) ÊPITRITE , EPI E P L 74f ÉplTRIÎE, (Mufique.) étoît chez les cz\m àe procurât or : c'eft-à-dire, que ce 'Grecs le nom d'un rapport , appelé autr mène raifon fefqui-tierce , & qui eft celui de 3 à 4, ou de la quarte. Voy. QUARTE. C'étoit aufti le nom d'un des rhytmes de leur mufique, duquel les deux temps étoient entr'eux dans ce même rapport. Voy. Rhytme. (sy EPITROPE , f. f. figure de Rhétorique , appele'e par les Latins concejjîo , par laquelle l'orateur accorde quelque chofe qu'il pour- roit nier , afin que par cette marque d'im- partialité , il puiil'e obtenir à fon tour qu'on lui accorde ce qu il demande. Ainfi M. Defpréaux a dit de Chapelain par épier ope : Quon vante en lui la foi > (honneur , la probité ; Qu'on prifefa candeur &fa civilité : Quil foit doux , complaijant , officieux , finecre ; On le veut , fyÇoufcris , & fuis prêt de me tairz. Mais que pour un modèle on montre fes écrits , Qu il foit le mieux rente de tous les beaux ef'prits ; Comme roi des auteurs , qu'on C élevé a tem- P're ' Ma bile alors s'échauffe , &je brûle cC écrire. Sat. jx> vziz. (G) ÉpiTROPE , f. m. (Hijl. mod.) forte de ■juge , ou plutôt d'arbitre que les chrétiens •Grecs , _qui vivent fous la domination des Turcs , choififfent dans plufîeurs villes pour terminer les différends qui s'élèvent entre eux , & pour éviter de porter ces différends -devant les magiftrats Turcs. Il y a dans chaque ville divers épitropis : M.. Spon remarque dans fes voyages qu'à Athènes il y en a huit , qui font pris des différentes paroiffes & appelés vecchiardi , c'eft-à-dire, vieillards. Mais Athènes n'eft pas le feul endroit où il y ait des épitropes : il y en a dans toutes les iiles de l'Archipel. Quelques auteurs latins du cinquième fiecle appellent épitropi , ceux qu'on appe- 1oit plus anciennement villici , & qu'on a -dans la fuite appelé vidâmes. Voy. VlDAME. Dans des temps encore plus reculés , les ■Grecs empioyoicnt le terme ivn ?* dans mot fignifioit chez eux un commiffionnaire* ou intendant Voye^ Procurator. Ainfî les commifTionnaires des provifions dans les armées des Perfes font appelés épitropi par Hérodote & Xénophon : dans le nouveau Teftament , *Vc. d'u- ne étoffe dont on enlevé toutes les ordures ; & cette opération s'appelle l'épluchage. Il y a l'épluchage des laines comme celui des draps ; il fedit dans les verreries, de la terre qu'on emploie à faire les pots , & de la féparation des ordures ; ce font des femmes qu'on em- ploie à cet ouvrage , & qu'on appelle éplu- cheufes ; ce qu'elles féparent de la terre s'ap- pelle éplucha ge ; on épluche les foies de chaî- ne & de trame; on épluche les ouvrages qui en font faits , en ôtant toutes les bourres qui reftent fur l'ouvrage, aux lifieres , ùc. Les chapeliers épluchent les peaux de cafior, & l'épluchage s'appelle le jarre. Vcye^ CHA- PELIER. Eplucher , chez les Vanniers , c'eft couper tous les bouts d'ofier qui excédent l'aire d'une pièce , quand elle eft faite, &c. EPLUCHOIR, f. m. (terme de Vannier.) C'eft une lame d'acier affez forte, triangu- laire , émouffée vers la pointe , & montée à virole fur un manche de bois -, on s'en fert pour parer l'ouvrage , en coupant toutes les extrémités des ofters qui hérilfent la furface. I! y a des éoluchoirs de plufieurs grandeurs. ÉPODE.f. f. (Poéfie anc.) efpcce de poéde des Grecs & des Latins. Mais dévo- ie même fens que les Latins empîoyoient loppons l'ambiguïté du mot épode , dont Its Tvme XII. B bbbb 74* E P O diverfes fignifications ont caufe des débats entre les littérateurs. i°. On appeloit épode chez les Grecs un afTemblage de vers lyriques , ou la dernière fiance qui, dans les odes, fe chantoit immé- diatement après deux autres ftances nom- mées firophe & aniifirophe. Ces trois fortes de ftances fe répétoient ordinairement plu- fîeurs fois fuivant ce même ordre , dans le cours d'une feule ode , & le nombre de ces répétitions rempliffoit l'étendue de ce poè- me. La ftrophe & l'antiftrophe contenoient toujours autant de vers l'une que l'autre, & pouvoient par conféquent fe chanter fur le même air. IJèpcde , tantôt plus longue , tan- tôt plus courte, leur étoit rarement égale ; elle devoit donc, pour l'ordinaire, fe chan- ter fur un air différent : elle terminoit le chant de ce que les Grecs nommoientpérro- de , & de ce que nous pourrions appeler un couplet de trois ftances , ÔC elle en faifoit comme la clôture ; c'eft aufîi de cette cir- constance que lui venoit fon nom , dérivé du verbe w*9fe» , chanter par dejfus , chan- ter à la fin. Après avoir chanté le premier couplet de l'ode compofé de ces trois ftan- ces , on chantoit le fécond , puis le troifîe- me , & ainfi des autres. Prefque toutes les odes de Pindare fournirent des preuves de ce que l'on vient d'avancer. zv. On donnoit le nom & épode à un petit poème lyrique compofé de plufteurs difti- ques , dont les premiers vers étoient autant d'iambes-trimetres , ou de fix pies , & les derniers étoient plus courts , & feulement àes iambes-dimetres ou de quatre pies. De c|e genre étoient les épodes d'Archiloque , c'eft-à-dire , ces pièces dans lefqueiles ce poète fatirique déchiroit impitoyablement Lycambe , Néobulé fa fille , & plufieurs de fes parens diftingués par leur nailTance ou par leurs emplois. S'il en faut croire Victorinus le grammai- rien , c'étok proprement le petit vers qui s'appelait épode , pa-ce qu'il terminoit le fens du diflique , de même que V épode des odes en finiflbit le chant. Ce grammairien ajoute que chaque vers trimetre ne doit point fe faire entendre fans être fuivi du petit vers dimetre , qui en fait comme la côture & le complément. 3°. Le grammairien poète Terentianus E P O ' attribue le nom çY épode à un demi- vers clé- giaque , & Viâorinus lui-même va juf- qu'à prodiguer cette dénomination au petit vers odonien mis après trois vers faphiques, & de plus à un petit poème compofé de plu- fleurs vers adoniens rangés de fuite. 4y. Enfin on a étendu la lignification du mot épode , jufqu'à défigner parla tout petit vers mis à la fuite d'un ou de plufieurs grands : en ce fens le pentamètre eït le vers épode après Phexamecre qui eft le proodique. Si l'on demandait à préfent ce que ligni- fient ces mots , liber epodon , que porte le livre V , des odes d'Horace , je répondrois que ce livre a pris ce nom de l'inégalité des vers , rangés de manière que chaque grand vers eft fuivi d'un petit, qui en eft le com- plément ou la claufule. Quand donc le li- vre V , des odes d'Horace , eft intitulé liber epodon , livre des épodes , c'eft-à-dire , liber ver{uum epodon , livre de vers épodes , livra où chaque grand vers de l'ode eft fuivi d'un petit vers qui termine le fens; & cependant les huit dernières odes de ce livre ne font point du cara&ere épodique des dix pre- mières. Article de M. le Chevalier de Jaucourt. Épodes, (Mufique.) chant des anciens chœurs des Grecs , qu'ils exécutoient fans fe mouvoir , pour repréfenter l'immobilité de la terre qu'ils croyoient fixe. Voy. BALLET y Chœurs, Danse. (B) EPOINTÉ , adj... ( Manège , Maréchal- lerie.) cheval épointé. Cette épithete ala mê- me fignification que celle déhanché. Voye^ EHANCHÉ. (e) EPOINTER, V. »& (Relieur.) c'eft racler avec un couteau ordinaire les bouts des ficelles avec lefqueiles les livres font coufus, afin de pouvoir les coller & les paffer en carton. ÉPOIS , f. m. pi. (Vénerie.) cors qui font au fommetde la tête du cerf; il y ades épois de coronure, de paulmure,de tro- chure & d'enfourchure. * EPONE , f. f. (Mythol.) déefTe tuté- laire des muletiers. ÉPONGE „f. f. (fiangia) (Rijï.nat.} fubftance légère , mol!e & très-poreufe , qui s'imbibe d'une grande quantité d'eau à pro* portion de fon volume. On avoit mis IV*» ponge au rang -des zoophites j on a cru au£5 E P O eue c'étoit une plante , jufqu'à ce que M. PeyfTonel, médecin de Marfeille, ait décou- vert que Y éponge étoit formée par des infec- tes de mer , de même que beaucoup d'au- tres prétendues plantes marines. On diftin- gue plufieursefpecesd'e/w/^ej, qui différent fur-tout par la forme ; les unes lbnt plates , les autres rondes : il y en a qui reflemblent à un tuyau ou à un entonnoir : on en voit de branchues , que Ton appelle rameufes , &c. Les éponges fines différent de celles que l'on nomme giojfes éponges , en ce que leur tiffu eft plus ferré , 6c que leurs pores font plus étroits : les unes & les autres font de couleur jaunâtre ; les meilleures &c les plus fines ont une teinte de gris cendré. Voye^ (article Polypier. EPONGE , {Pharmacie. Matière médicale.) On fait en Pharmacie deux différentes pré- parations de X éponge ; Tune eft connue fous ïe nom cY éponge brûlée , & l'autre fous celui j d 'éponge préparée. Pour faire X éponge brûlée , on prend des éponges fines qu'on lave bien, & defquelles on fépare des petites pierres qui s'y trouvent ordinairement ; on fait fécher les éponges , on les met dans un pot de terre , on les cal- cine à feu ouvert pendant une heure , après quoi on les pulvérife , & on les garde dans un bocal pour s'en fervir au befoin. \J éponge connue dans l'art fous le nom $ éponge préparée^ fe prépare de la manière ( fuivante : on choifit de gros morceaux cYé- ponge fine , on en fépare exactement toutes les petites pierres ou coquilles , & on les trempe dans de la cire jaune fondue ; & fi- tôt qu'ils en font bien imbibés , on les met un à un , ou féoarés les uns des autres , dans une preffe entre deux plaques d'étain que J l'on a fait chauffer : on ferre la prelTe au point d'exprimer le plus de cire qu'il eft poftible ; par ce moyen un gros morceau à'éponge fe réduit en un très-petit volume. ( On attribuoit autrefois beaucoup de ver- tus à Y éponge brûlée: Duchêne, plus connu fous le nom de Quercetan, dit que les méde- cins de fon temps s'en fervoient avec beau- coup de fuccès pour guérir le bronch^cele ou gouêtre ; ils la faifoient prendre dans du vin blanc pendant un mois lunaire. On l'emploie encore aujourd'hui quel- quefois dans le même cas, mais apparem- E P O 74t ment fans lucces. Voye^ Charbon. \S éponge préparée avec la cire fournit un fecours commode pour empêcher la cica- trice de certaines plaies , dont on ménage l'ouverture à dedein de procurer par cette ifîue l'écoulement de certaines matières. Voye.{ Tente. On fe fert d'une éponge entière pour ap- pliquer des fomentations. Voye[ FOMEN- TATION. L'analyfe chimique de Y éponge confirme la découverte des Naturaliftes modernes qui rangent cette production marine dans la clafte des fubftances animales, (b) EPONGE de rofier fauvage , d'églantier. Vbyei Eglantier. ÉPONGE , (Manège , Maréchall. ) nom par lequel nous délignons l'extrémité de chaque blanche d'un fer de cheval. Voye^ Fer , Ferrure, Forger. EPONGE , (Manège, Maréchall.) maladie \ tumeur fituée à la tête ou à la pointe du coude , qui tire fa dénomination de la caufe même qui la produit ; nous l'appelons en effet éponge y parce qu'elle n'eft occafionnée que par le contact violent & réitéré des éponges de fer qui appuient contre cette par- tie lorfque les chevaux fe couchent en vaches , c'eft-à-dire , lorfqu'étant couchés ils plient les jambes , de manière que leurs talons répondent au coude , & foutiennent ainfi prefque tout le poids de l'avant- main de l'animal. Ce contact violent eft fuivi d'une com- prefîion qui non feulement meurtrit la peau , mais qui fait perdre aux fibres ôc aux vaifTeauxleur reffort naturel. Ce reiTort naturel perdu , ils ne peuvent plus contri- buer à la circulation qui fe fait dans cette partie: les humeurs s'y accumulent donc , principalement la lymphe , dont le mou- vement eft plus lent , & qui d'ailleurs eft renfermée dans des canaux dont le tiïfu eft infiniment plus foible que celui des vaif- feaux fanguins. Cette humeur arrêtée , & l'abord de celle qui y fur vient fans celle , tout contribuera à dilater les petits tuyaux ; la partie la plus fubtile fe diffipera , ou en s'échappant à l'obftacle pour fe foumettre aux loix de la circulation , ou en palTant & en fe faifant jour à travers les pores, tandis que la partie la plus grofïïere de cette mémo Bbbbb 2 ^4S EP O humeur fe durcira par fon féjour. De-la les progrès de la tumeur , qui fera de la na- ture de celles que nous appelions loupes : elle augmentera plus ou moins en volume & en dureté , félon !a difpofition delà lym- phe , félon le plus ou moins de force des vaiifeaax , ou enfin félon la durée ou la force du contacï ou de la compreffion ; mais la lenteur de fon accroiflement pré- fervera la partie fur laquelle elle a établi fon ftege, de la douleur, de l'infl mmation & de tous les autres accidens qui accom- pagnent en général les tumeurs dont la for- mation eft prompte Se foudaine. Quelquefois aufïï la même caufe produit des effets différons ; car au lieu de donner hieu à une tumeur en forme de loupe , elle n'occafionne qu'une caHofîté , qui n'eft autre chofe qu'un dtfféchement des vaif- feaux comprimés ; defTéchement qui n'ar- rive que conféquemment au contael: , qui affaiflant les vaiffeaux, les oblitère & ferme tout pailage aux liqueurs qui circulent. La callofité fe diftingue de la loupe , en ce que le volume n'en eft jamais aufîi con- sidérable, & en ce qu'elle«e s'étend point au-delà de l'endroit comprimé : du re(te l'une & l'autre ne préfentent rien de dan- gereux , & la callofité ne mérite même au- cune attention. Pour ce qui concerne la loupe , il fera bon de tenter de réfoudre l'humeur avant qu'elle foit entièrement concrète ; on em- ployera pour cet effet les emplâtres réfolu- tifs : celui devigo, en triplant la dofe de mercure , m'a toujours paru véritablement le plus efficace : mais fi fon impuiffance ne nous laifîe aucun efpoir de procurer, la réfo- îution , il conviendra d'extirper la tumeur : Gette opération, dont les fuites ne fauroient être fêcheufes , peut fe pratiquer de deux minières. Si la loupe eft dans le corps même du té- gument , on l'emportera avec la peau , car il feroit impofïible de l'engager : fi au con- traire elle eft ai dellous, & que le tégu- ment foit mobile & vacillant au defius , on y fera unei cfion proportionnée au volu- me de la tumeur, c'eft- à-dire que cette in- cidon fera fimpkment longitudinale ou cruciale , fe'on ce volume. On diiTéquera e.nfuite.les larnheaux des tégumens ;. après E P O quoi on foulevera là loupe avec uneerrigne,\ & on la difiéquera elle-même dans toute fa- circonférence, à l'effet de l'emporter en- tièrement : l'extirpation en étant fa, te , on » réunira les lambeaux , on les aftujettira , s'il eft nécefîàire , par 6qs points de future , &■ on panfera le te ut comme une plaie fimple. Ge procédé demande plus de pratique &.. d adrefte que le premier ; mais on a l'avan- tage, de terminer la cure beaucoup plutôt : la plaie circulaire faite conféquemment à- l'autre moyen, eft toujours avec déperdition de fubflance , & demande pour fe cicatii- fer un efpace de temps affez confidérable.. Au refte on ne doit pas oublier que la pre- mière attention dans le traitement de cette maladie , eft de garantir l'animal du con- tad qui l'a occafionné ; & pour cet effet on peut matelaffer Y éponge du fer , en y atta- chant un petit couilinetrembouré, de façon que la partie contufe porte fur ce ceuftinet lorfque l'animal fe couche. Il eft fans doute inutile de parler de IV- ponge dont fe fervent les palefreniers pour laver les crins & les extrémités de l'animal , . puifqu'elle ne diffère point des éponges com- munes. Voyt^ Panser., (e) EPONGES. ( terme de Plombier?) Ce font les deux bordures qui environnent dans fa longueur la table ou moule , fur laquelle les plombiers verfent leur plomb. Le rable qui fert à pouffer le métal fondu jufqu'au bout du moule, & à donner une- jufte épaifteur à la table de plomb , eft ap- puyé par les deux bouts fur ces éponges , où il eft comme enchâfTé par deux rainures qui- l'aflujettifTent & l'empêchent de fe détour- ner quand le plombier le poufte jufqu'au bout de la table ou moule. V. Plombier. Eponges, pi. (Véner.) c'eft ce qui forme le talon des bêtes. EPONGER , v. aét. en terme de Pain- d'épicier , c*eft pafTer une éponge imbibée d une compofition de jaunes d'œufs battus • enfcmble , pour donner de la ceuleur au- pain-d'épice. *EPONIME , f. m. ( Hift. anc ) c'é:oif le chef des Archontes. Voy. ARCHONTES.' EPONTILLER, v. a& c'eft , parmi le* Tondeurs , ôter avec des pinces la bourre- ou la paille qui fe font introduite^ dans;, le drap en l'ourdiflant. Voye^ LAINE*. ^s E F O •ÉPONTILLES , SPONTfLLES , f. m. pi ( Mar. ) ce font des étais ou pièces de Hois pofées perpendiculairement de deux en deux bancs pour fortifier les ponts & les gaiilards. Celles qui font voifines du grand & du petit cabeltan font à charnière , pour qu'on puifle les ôter quand il faut virer , mais aum-tôt après on les remet à leur pla- ce : on met une forte épontille fous le mât d'artimon , & dans tous les endroits où les ponts font charge's d'un grand poids. Voy. PL IV. de Marine , fig. I , les éponttlles ou étances des gaiilards, h*. 135, & celles d'entre deux ponts t n°. 110. (Z.) EPOPEE, f. f. ( Belles-lettres. ) c'eft imitation , en récit , d'une action intéref- fànte & mémorable. Ainfi Vépopée diffère de l'hiftoire , qui raconte fans imiter ; du poè'me dramatique, qui peint en 'action; du poëme didactique , qui eft un tifVu de préceptes ; des faites en vers , de l'apolo- gue , du poè'me paftoral, en un mot de tout ce qui manque d'unité , d'intérêt , ou de nobleffe. Nous ne. traitons point ici de l'origine & des progrès de ce genre de poéfie : la partie hiitorique en a été développée par l'auteur de la Henriade, dans un eltai qui n'eft fufceptibîe ni d'extrait , ni de criti- que. Nous ne réveillerons point la fameufe difpute fur Homère : les ouvrages que cette difpute a produits font dans les mains de tout le monde. Ceux qui admirent une érudition pédantefque , peuvent lire les préfaces & les remarques de madame Da- cier , & fon effai fur les caufes de la déca- dence du goût. Ceux qui fe laiffent per- suader par un brillant enthoufiafme & par une ingénleufe déclamation , goûteront la préface poétique de l'Homère anglois de Pope. Ceux qui veulent pefer le génie lui- même dans la balance de laphi!ofophie & de la nature , consulteront les réflexions fur la critique par la Motte , & la difTerta- tion fur l'Iliade par l'abbé TerrafTon. Pour nous, fans difputer à Homère le titre de génie par excellence , de» père de la poéfie & des dieux ; fans examiner s'il ae doit fes idées qu'à lui-même , ous'il a pu les puifer dans les poê'fes nombreux qui dont, procédé ., comme Virgile a pris de E P O 749 Pifandre & d'Apollonius l'aventure de Sinon , le fac de Troie , & les amours de Didon & d'Enée ; enfin fans nous attacher à des perfonnalités inutiles, même à l'é- gard des vivans , & à plus forte raifon à l'égard des morts , nous attribuerons , fi- l'on veut , tous les défauts d'Homère à fon fiecle , & toutes fes beautés à lui feul : mais après cette diftinction nous croyons pouvoir partir de ce principe : qu'il n'eft pas plus raifonnable de donner pour modeler en poéfie le plus ancien poëme connu, qu'il le feroit de donner pour modèle en hor- logerie la première machine à rouage & à. reffort , quelque mérite qu'on doive attri- bueraux inventeurs de l'un & de l'autre.- D'après ce principe , nous nous propofons de rechercher dans la nature même de 1 é- popée , ce que les reg^s qu'on lui a pref- crites ont d'eflentiel ou d'arbitraire. Les. unes regardent le choix du fujet , les autres la compofition. Du choix du fujet. Le P. le Boffu veut- que l^fujet du poëme épique foit une vérité; morale , préfentée fous ie voile de l'allé- gorie ; enforte qu'on n'invente la fable, qu'après avoir choifi la moralité , & qu'on, ne choififfe les perfonnages qu'après avoir inventé la fable : cette idée creufe , préfen- tée comme une règle générale , ne mérite pas même d'être combattue. L'abbé TerrafTon veut que fans avoir, égard à la moralité , on prenne pour fujet deVépopée l'exécution d'un grand deflèin , & en conféquence il condamne le fujet de l'Iliade , qu'il appelle une inaâion. Mais- la colère d'Achille ne produit-elle pas fon effet , & l'effet le plus terrible , par l'inac- tion même de ce héros ? Ce n'eft pas la première fois qu'on a confondu^ en poéfie , 1 l'action avec le mouvement. Voye^ TRA- GÉDIE. Il n'y a point de règle exclufive fur le choix du fujet. L'n voyage , une: conquête , une guerre civile , un- devoir ,, un projet, une paflion , rien de tout. cela ne fe reffemble ,. & tous ces fujets ont produit de beaux poèmes : pourquoi ?. parce qu'ils réunifient les deux grands- points qu'exige Horace ; l'importance &, l'intérêt , l'agrément &: l'utilité. L'action d'un poëme eft une , lorfque du_$ 7)0 E P O commencement à la fin , de l'entreprife à l'événement , c'eft toujours la même caufe qui tend au même effet. La colère d'Achille fatale aux Grecs , Itaque délivrée par le retour d'Ulyfte,l'établiliement des Troyens dans PAufonie , la liberté romaine défen- due par Pompée & fuccombant avec lui , toutes ces actions ont le caraétere d'unité qui convient à Yépopée ; & il les poètes l'ont altéré dans la composition , c'eft: le vice de l'art , non du fujet. Ces exemples ont fait regarder l'unité d'action comme une règle invariable ; ce- pendant on a pris quelquefois pour fujet d'un poème épique tout le cours de la vie d'un homme , comme dans PAchilléïde , l'Héracléïde , la Théféïde , &c. M. de laMotte prétend même que l'unité de perfonnage fuffit à l'épopée, par la raifon, dit-il, qu'elle fuffit à l'intérêt : mais c'eft: là ce qui refte à examiner. Voye[ INTÉRÊT. Quoi qu'il en foit , l'unité de 1 action n'en détermine ni la durée ni rétendue. Ceux qui ont voulu lui preferire un temps , n'ont pas fait attention qu'on peut franchir des années en un feul vers , & que les évé- nemens de quelques jours peuvent remplir un long poème. Quant au nombre àcs in- cidens , on peut les mti'fiplîei fans crainte ; ils formeront un tout régulier , pourvu qu'ils naiflent les uns des autres , & qu'ils s'enchainent mutuellement. Ainfi , quoi- qu'Homere, pour éviter la confjfion, n'ait pris pour fujet de l'Iliade que l'incident de la colère d'Achille , l'enlèvement d'Hélène vengé par la ruine de Troie n'en feroit pas moins une action unique , & telle que l'admet l'épopée dans fa plus grande fim- pïicité. Une action vafte a l'avantage de la fé- condité , d'où réfulte celui du choix : elle laifte à l'homme de goût & de génie la liberté de reculer dans l'enfoncement du rableau ce qui n'a rien d'intéreffant , & de préfenter fur les premiers plaas les objets capables d'émouvoir l'amè. Si Homère avoit embraffé dans l'Iliade l'enlèvement d'Hélène , vengé par îa ruine de Troie , il n'auroit eu ni le loifir ni la penfée de dé- crire des tapis , des cafques, des boucliers , &c. Achille dans la cour de Déidamie , Philoctete à Lemnos , & tant d'autres in- E P O cidens pleins de noblefle & d'intérêts , par- ties eflentielles de fon action , l'auroient fufhfamment remplie ; peut - être même n'auroit-il pas trouvé place pour fes dieux, ! & il y auroit perdu peu de chofe. Le poème épique n'eft pas borné comme la tragédie aux unités de lieu & de temps : il a fur elle le même avantage que la poé- Jie fur la peinture. La tragédie n'eft qu'un tableau ; Yépopée eft une fuite de tableaux qui peuvent fe multiplier fans fe confondre, Ariftote veutNavec raifon que la mémoire les embraffé ; ce n'eft pas mettre le génie à l'étroit que de lui permettre de s'étendre aufti loin que la mémoire. Soit que Yépopée fe renferme dans une feule action comme la tragédie , foit qu'elle embraffé une fuite d'actions comme nos romans , elle exige une conclufion qui ne lahTe rien à defirer ; mais le poète dans cette partie a deux excès à éviter ; favoir , de trop étendre , ou de ne pas afïez dévelop- per le dénouement. Voy. DÉNOUEMENT. L'action de Yépopée doit être mémorable & intéreftante , c'eft-à-dire , digne d'être préfentée aux hommes comme un objet d'admiration , de terreur , ou de pitié : ceci demande quelque détail. Un poète qui choifît pour fujet une action dont l'importance n'eft fondée que fur des opinions patticulieres à certains peuples , fe condamne par fon choix à n'intérefler que ces peuples , & à voir tomber avec leurs opinions toute la grandeur de fon fujet. Celui de PEnéïde , tel que Virgile pouvoir, le préfenter , «toit beau pour tous les hom- mes ; mais dans le point de vue fous lequel le poète l'a envilagé. Il eft bien éloigné de cette beauté univerfelle ; aufti le fujet de PQdyflee, comme l'a faili Homère (abftrac- tion faite des détails, ) eft bien fupérieure à celui de PEnéïde. Les devoirs de roi , de père & d'époux , appellent Ulyiïe à Itaque; la fuperftition feule appelle Enée en Italie. Qu'un héros échappé à la ruine de fa patrie avec un petit nombre de fes concitoyens , furmonte tous les obftacles pour cller don- ner une patrie nouvelle à fes- malheureux compagnons , rien de plus intéreffant ni de plus noble. Mais que par un caprice du deftin il lui foit ordonné d'aller s'établir dans tel coin de la terre plutôt que dans tel E P O antre; de trahir une reine qui s'eft livrée à lui , & qui l'a comblé de biens , pour aller enlever à fin jeune prince une femme qui lui eft promife ; voilà ce qui a pu intérefTer les dévots de la cour d' Augufte , & flatter un peuple enivré de fa fabuleufe origine ; mais ce qui ne peut nous paroître que ridicule ou révoltant. Pour juftifier Enée , on ne ceffe de dire qu'il étoit pieux; c'eft en quoi nous le trouvons pufillanime : la piété envers des dieux injuftes ne peut être reçue que com- me une fiction puérile , ou comme une vé- rité méprifable. Ainfi ce que l'a&ion de l'Enéide a de grand eft pris dans la nature , ce qu'elle a de petit eft pris dans le préjugé. L'adion de Yépopée doit donc avoir une grandeur &c une importance univerfelles , c'eft-à-dire , indépendantes de tout intérêt , de tout fyftême , de tout préjugé national , & fondée fur les fentimens & les lumières invariables de la nature. Quidquid délirant reges phâuntur achivi , eft une leçon inté- refTante pour tous les peuples & pour tous les rois ; c'eft l'abrégé de l'Iliade. Cette leçon à donner au monde , eft le feul objet qui ait pu fe propofer Homère ; car prétan- dre que l'Iliade foit l'éloge d'Achille , c'eft vouloir que le paradis perdu foit l'éloge de fatan. Un panégyrifte peint les hommes comme ils doivent être ; Homère les peint comme ils étoient. Achille & la plupart de fes héros ont plus de vices que de ver- tus , & IPiade eft plutôt lafatire que l'apo- logie de la Grèce. Lucain eft fur-tout recommandable par la hardiefte avec laquelle il a choiii & traité fon fujet aux yeux des Romains devenus ef- claves , & dans la cour de leur tyran : JPrtxima quid f oboles , aut quid meruere ne pot es. In regnum nafci ? Pavidè num gejfimus arma ? Teximus an jugufos ? Alieni pana timotis .In nojlrâ cervice Jedet ...... Ce génie audacieux avoit fenti qu'il étoit naturel à tous les hommes d'aimer la liber- té , de dttefter qui l'opprime , d'admirer qui la défend : il a écirt pour tous les iie- cîes ; & fans l'éloge de Néton dont il a fouillé fon poème , on le croiroit d'un ami villes ; E P O » La main du laboureur manque à vos » champs ftériîes. Defuntque manus pofeentibus anis. Ce mouvement eft plein de chaleur ; une invocation eut été froide à fa place. L'avant-fcene efl le développement de la fîtuation des perfonnages au moment où commence le poëme , & le tableau des intérêts oppofés , dont la complication va former le nœud de l'intrigue. Dans l'avant-fcene, ou le poète fuie l'ordre des événemens , & la fable fe nom- mc /impie ; ou il laifTe derrière lui une partie de l'action pour fe replier fur le paflé , & la fable fe nomme implexe : celle-ci a un grand avantage , non feulement e!Lj anime la narration , en introduifant un perfon- nage plus intéreffé & plus intéreffant que le poëte , comme.Henri IV , Ulifîe , Énée , &c. mais encore en prenant le fujet par le cen- tre, elle fait refluer fur l'avant-fcene l'inté- rêt de la fîtuation préfente des acteurs , par l'impatience où l'on eft d'apprendre ce qui les y a conduits. Toutefois de grands événemens , des tableaux variés , des fituations pathétiques, ne lai (lent pas de former le tiffu d'un beau poëme , quoique préfentés dans leur ordre naturel. Boiîeau traite de maigres hijhriensy les poètes qiiijuïvent l'ordre des temps ; mais n'en déplaife à Boi'.eau , l'exactitude ou les licences chronologiques font très-indiffé- rentes à la beauté de la poéfte ; c'eft la chaleur de fa narration , la force des pein- tures , l'intérêt de l'intrigue, le contrafte des caractères , le combat des parlions , la vérité & la nob^fTe des mœurs, qui font l'ame de Yépopée , & qui feront du morceau d'hiftoire le plus exactement fuivi , un poème épique admirable. L'intrigue a été jurqu'ici la_partie la plus négligiedu poème épique , tandis que dans la tragédie elle s'eft perfectionnée de plus en plus. On a ofé fe détacher de Sophocle & d'Euripide , mais on a craint d'abandon- ner les traces d'Homère : Virgile l'a imité , & l'on a imité Virgile. Ariftote a touché au principe 'e plus lumi- neux de Yépopée , lorfqu'il a dit eue ce poëme devoit être une tragédie en récif. Suivons ce 1 principe dans fes conféquences. Bans E P O Dans la tragédie tout concourt au nœud ou au dénouement : tout devroit donc y concourir dans \ 'épopée. Dans la tragédie , un incident naît d'un incident , une fitua- tion en produit une autre: dans le poème épique les incidens & les fituations de- vroient donc s'enchaîner de même. Dans la tragédie l'intérêt croît d'acte en acte , & le péril devient plus prellànt : le péril & l'intérêt devro^ent donc avoir les mêmes progrès dans Yépopée. Enfin le pathétique eft 1 ame de la tragédie: il devroit donc erre l'amede Y épopée, & prendre fa fource dans les divers caractères & les intérêts nppofés. Qu'on examine après cela quel eft le plan des poèmes anciens. L'I'iade a deux efpeces de nœuds : la divifion des dieux- , qui eft froide & choquante ; & celle des chefs , qui ne fait qu'une fitua- tion. La colère d'Achille prolonge ce tiiïù ■de périls & de combats qui forment l'ac- tion de Illiade; mais cette colère, toute fatale qu'elle eft , ne fe manifeste que par l'abfence d'Achille , & les paffions n'agif- fent fur nous que par leurs développe- mens. L'amour & la douleur d'Androma- que ne produifent qu'un intérêt momen- tané , prefque tout le refte du poème fe pâlie en alïauts & en batailles ; tableaux qui ne frappent guère que l'imagination , & dont l'intérêt ne va jamais jufqu'à l'ame. Le plan de l'OdyfTée & celui de l'Enéïde font plus variés ; mais comment les fitua- tions y font-elles amenées ? un coup de vent fait un épifode ; & les aventures d'Uliffe & d Enée reifemblent auiïi peu à l'intrigue d'une tragédie, que le voyage d'Anfon. S'il reftoit encore des Daciers, ils ne manqueroient pas de dire qu'on rifque tout à s'écarter de la route qu'Homère a tracée, & que Virgile a fuivie ; qu'il en eit de la poéfie comme de la Médecine, & ils nous citeroient Hippocrate pour prou- ver qu'il eft dangereux dinnover dans Yépopée. Mais pourquoi ne feroit-on pas à . .l'égard d'Homère & de Virgile , ce qu'on . a fait à l'égard de Sophocle & d'Euripide? on a diftingué leurs beautés de leurs dé- fauts ; on a pris l'art où ils l'ont lailTé ; on a eflayé de faire toujours comme ils a.voient Tome XI L E P O 7/2 fait quelquefois : & c'eft fur-tout dans la partie de l'intrigue que Corneille ÔC Racine fe font élevés au defîus d'eux. Suppofons que tout le poème de l'Enéïde fût tifîii comme le quatrième livre ; que les incidens naiffant les uns des autres, puffent produire & entretenir jufqu'à la fin cette variété de fentimens & d'images, ce mélange d'épi- que & de dramatique, cette alternative preffante d'inquiétude & de furprife , de terreur & de pitié ; l'Enéïde ne feroit-elle pas fupérieure à ce qu'elle eft? \J épopée , pour remplir l'idée d'Ariftote ... devroit donc être une tragédie compofée» d'un nombre de fcenes indéterminé , dont les intervalles feroient occupés par le poète: tel eft ce principe dans la fpéculation , c'eft au génie feul à juger s'il eft pratiquabîe. La tragédie dès fon origine a eu trois parties , la fcene , le récit & le chœur ; &; de là trois fortes de rôles , les a&eurs , les confidens & les témoins. Dans Yépopée , le premier de ces rôles eft celui des héros, le poète eft chargé des deux autres. Pleure^, dit Horace , fi vous voule^ que je pleure. Qu'un poète raconte fans s'émouvoir des chofes terribles ou touchantes , on l'écoute fans être ému , on voit qu'il récite des fa- bles ; mais qu'il tremble , qu'il gémiffe , qu'il verfe des larmes , ce n'eft plus un poète, c'eft un fpectateur attendri, donc la fituation nous pénètre. Le chœur fait partie des mœurs de la tragédie ancienne ; les réflexions & les fentimens du poète font partie des mœurs de Yépopée. Jlle bonis , faveatque , & confilietur amicis , Et regat iratos , & amet peccare timentes. Horat. Tel eft l'emploi qu'Horace attribue au chœur , & tel eft le rôle que fait Lucain dans tout le cours de fon poème. Qu'on ne dédaigne pas l'exemple de ce poète. Ceux qui n'ont lu queBoileau méprifent Lucain ; mais ceux qui lifent Lucain , font bien peu de cas du jugement que Boileau en a porté. On reproche avec raifon à Lucain d'avoic donné dans la déclamation; mais combien il eft éloquent lorfqu'il n'eft pas déclama^- teur ! combien les mouvemens qu'excite en lui- mime ce qu'il raconte , communiquent à fes récits de chaleur & de véhémence £ Cççcç nu E p ° , Céfar, après s'être er«p-r| âe Rome fans aucun oDnacle, veut piller les tréfors du temple de Saturne ., & un citoyen s'y oppofe U avarice /dit le poète , efi donc le feul fenùment qui brave le fer & la mort ? Les lux n'ont plus d'appui contre leur opprejfeur , Et le plus vil des biens , îor trouve un déftnfeur ! Les deux armées font en pre'fence , les foldats de Céfar & de Pompe'e fe recon- noiflent: ils franchifTent le fofle qui les répare ; ils fe mêlent , ils s'attendriflent , ils s'embraflent. Le poète faifit ce moment pour reprocher à ceux de Céfar leur cou- pable obéhTance : Lâches , pourquoi gémir ? pourquoi verfer ! fujét de fon poème ait intérefle vivement. des larmes ? ' U étoit Romain , il voyoit encore les traces Qui vous for' c à porter ces parricides armes? j fanglantes de la guerre civile : ce n'eft ni Vous craigne^un tyran dont vous êtes l'appui! 1 Fart ni la réflexion qui lui a fait prendre Soye[fourds aufignal qui vous rappelle à lui. ' le ton dramatique , c'eft fon ame , c'en1 la E V O Il refufa h jour au feflin de Thiefie , Et répand fur Pharfale une clané funefte. Pharjale ou les parens , ardens à s'égorger , Frères , pères , enfans , dans leur fang vont nager. C'en eft a(Tez pour indiquer le mélange de dramatique & d'épique que le poète peut employer , même dans fa narration direde ; & le moyen de rapprocher X épopée de la tragédie , dans la partie qui les dis- tingue le plus. Mais, dira- 1- on , fi le rôle du chœur rempli par le poète , étoit une beauté dans X épopée y pourquoi Lucain feroit-il le feul des poètes anciens qui s'y feroit livré? Pourquoi ? parce qu'il eft le feul que le Seul aveefes drapeaux , Ce far n'a plus qu un homme : Vous CalU[ voir tami de Pompée & de Rente. Cefar , au milieu d'une nuit orageufe , frappe à la porte d'un pêcheur. Celui-ci demande: Quel ejl ce malheureux échappé du naufrage ? Le poète ajoute : Il ejl fans crainte ; il fait qu'une cabane vile Ue peut être un appas pour la guerre civile. Céjar frappe à la portent n'en ejl point troublé. Quel rempart ou quel temple à ce bruit n'eût tremblé ? Tranquille pauvreté ! &C. Pompée offre aux dieux un facrifice ; le poète s'adrefTe à Céfar : Toi , quels dieux des forfaits , & quelles Euménides Implores- tu , Céfar, pour tant de parricides ? Sur le point de décrire la bataille de Pharfale , faifi d horreur , il s'écrie : O Rome ! ou font tes dieux ? Les fiecles enchaînés Par V aveugle hafard font fans doute entraînés. S'il ejl un Jupiter , s'il porte le tonnerre , Peui-il voir des forfaits qui vont fouiller la terre ? A foudrayer les monts fa main va s'occuper , Et laiffe à Caffius cette tête à frapper. nature elle-même ; & le feul moyen de l'imiter dans cette partie , c'eft de fe péné- trer comme lui. La feene eft la même dans la tragédie Se dans Yépopée , pour le ftyle, le dialogue & les mœurs ; ainfi pour lavoir fi la difpute d'Achille avec Agamemnon , l'entretien d'Ajax avec Idoménée, &c. font tels qu'ils doivent être dans l'Iliade , on n'a qu'à les fuppofer au théâtre. Voy. TRAGÉDIE. Cependant comme l'aétion de Xépopée eft moins ferrée & moins rapide que celle de la tragédie , la feene y peut avoir plus d'étendue & moins de chaleur. C'eft là que feroient merveilleufement placées ces belles conférences politiques dont les tra- gédies de Corneille abondent; mais dans fa tranquillité même la feene épique doit être intéreflante : rien d'oifif, rien de fu- perflu. Encore eft ce peu que chaque feene ait fon intérêt particulier , il faut qu'elle concoure à l'intérêt général de l'aûion ; que ce qui la fuit en dépende, & qu'elle dépende de ce qui la précède. A ces con- ditions on ne peut trop multiplier les mor- ceaux dramatiques dans Xépopée ; ils y répandent la chaleur & la vie. Qu'on le rappelle les adieux d'Heâor & d'Andro- maque , Priam aux pies d'Achille dans l'Iliade ; les amours de Didon , Euriale & E P O Nifus , les regrecs d'Evandre dans l'Enéide; Armide & Clorinde dans le TafTe ; le confeil infernal , Adam & Eve dans Mil- ton , &c. Qu'eft-ce qui manque à la Henriade pour être le plus beau de tous les poèmes connus ? Quelle fageffe dans la composi- tion ! quelle noblefle dans le deiïin ! quels contraires ? quel coloris ! quelle ordon- nance ! quel poëme enfin que la Henriade , file poète eût connu toutes fes forces Iorf- qu'il en a formé le plan ; s'il y eût déployé la partie dominante de fon talent & de fon génie , le pathétique de Mérope & d'AIzire , l'art de l'intrigue & des fituations ! En général , fi la plupart des poèmes manquent d'intérêt , c'eft parce qu'il y a trop de récits & trop peu de fcenes. Les poèmes où , par la difpofition de la fable , les perfonnages fe fuccedent comme les incidens , & ditparoiiïent pour ne plus revenir ; ces poèmes qu'on peut appeler épifodiques , ne font pas fufceptibles d'in- trigue : nous ne prétendons pas en con- damner l'ordonnance , nous difons feule- ment que ce ne font pas des tragédies en récit. Cette définition ne convient qu'aux poèmes dans lefquels des perfonnages per- rnanens , annoncés dans l'expofition , peu- vent occuper alternativement la fcene , & par des combats de paffion & d'intérêt , nouer &: foutenir l'aâion. Telle étoit la forme de l'Iliade & de la Pharfale , fi les poètes avoient eu l'art ou le deffin d'en profiter. L'Iliade a été plus que fuffifamment ana- ly fée par les critiques de ces derniers temps ; mais prenons la Pharfale pour exemple de la négligence du poète dans la contexture de l'intrigue. D'où vient qu'avec le plus beau fujet & le plus beau génie , Lucain n'a pas fait un beau poème? Eft ce pour avoir obfervé l'ordre des temps & l'exacti- tude des faits ? nous avons prévenu cette critique. Eft-ce pour n'avoir pas employé le merveilleux ? nous verrons dans la fuite combien l'entremife des dieux eft peu eflen- tielle à Y épopée. Eft-ce pour avoir manqué de peindre en poète , ou les perfonnages ou les tableaux que lui préfentoit fon action ? les caractères de Pompée & de Céfar , de Brutus & de Caton , de Marcie & de Cor- E P O 7j?| néîie,d'AfTranius,de Vukéïus& deScéva, font faifis & deiïinés avec une noblefle <$t une vigueur dont nous connoiffons peu d'exemples. Le deuil de Rome à l'approche de Céfar ( erravit fine voce dolor ) , les pros- criptions de Sylla , la forêt de Marfeille & le combat fur mer , l'inondation du camp de Céfar, la réunion des deux armées, le camp de Pompée , confumé par la foif, la mort de Vultéïus & des fiens , la tempête que Céfar efiuie , l'aiTaut foutenu par Scéva , le charme de la Theffalienne ; tous ces ta- bleaux , & une infinité d'autres répandus- dans ce poëme , ne font peints quelquefois qu'avec trop de force , de hardiefte & de chaleur. Les difeours répondent à la beauté des peintures; & fi dans 1 un & l'autre genre Lucain pâlie quelquefois les bornes du grand & du vrai , ce n'eft qu'après y avoir atteint ; & pour vouloir renchérir fur lui-même , le plus fouvent le dernier vers eft empoulé , & le précédent eft fublime. Qu'on retranche de la Pharfale les hiper- boles & les longueurs, défauts d'une ima- gination vive & féconde , correction qui n'exige qu'un trait de plume , il réitéra des beautés dignes des plus grands maîtres, & que l'auteur desHoraces, de Cinna, de la mort de Pompée > ne trouvoit pas au deflbus de lui. Cependant avec tant de beautés la Pharfale n'eft que l'ébauche d'un beau poëme , non-feulement par le ftyle , qui en eft inculte & raboteux , non- feule- ment par le défaut de variété dans les cou- leurs des tableaux , vice du fujet plutôt que du poète, mais fur-tout par le manque d'ordonnance & d'enfembîe dans la partie dramatique. L'entretien de Caton avec Brutus , le mariage de Caton & de Marcie, les adieux de Cornélie & de Pompée , la capitulation d'AfFranius avec Céfar , l'en- trevue de Pompée & de Cornélie après la bataille ; toutes ces fcenes , à quelques lon- gueurs près , font fi intérelîantes & fi no- bles î Pourquoi ne les avoir pas multipliées i Pourquoi Caton , cet homme divin , fi dignement annoncé au fécond livre, ne reparoît-il plus? Pourquoi ne voit-on pas Brutus en fcene avec Céfar ? Pourquoi Cor- nélie eft-elle oubliée à Lesbos ? Pourquoi Marcie ne va-t-elle pas l'y joindre , Se Caton l'y retrouver en même- temps que Ccec c * 75<* EPO Pompée ? Quelle entrevue ! quels fentimens ! quels adieux! Le beau contraire de carac- tères vertueux , fi le poète les eût rappro- chés ! Ce n'eft point à nous à tracer un tel plan , nous en Tentons les difficultés ; mais nous écrivons ici pour les hommes de génie. Des caractères . Nous ne nous étendrons point fur les caractères , dans le defTein de traiter en fon lieu cette partie du poème dramatique ( voje^TRAGÉDIE ; ) mais nous placerons ici quelques obfervations parti- culières aux perfonnages de l'épopée. Rien n'eft plus inutile , à notre avis , que le mélange des êtres furnaturels avec les hommes : tout ce que le poète peut fe pro- mettre , c'eft de faire de grands hommes de fes dieux , en les habillant de nos pièces , fuivant i'expreflion de Montagne. Et ne Vaut-il pas mieux employer les efforts de la poéfie à rapprocher les nommes des dieux, qu'à* rapprocher les dieux des hommes ? Humana ad deos tranjlulerunt , dit Cicéron en parlant des philofophes mithologues , divina mallem ad nos. Ce que j'y vois de plus certain , dit Pope , au fujet des dieux d Homère , c'ejl qu ayant a parler de la divinité fans la connoare , il en a pris une image dans l'homme : il contempla dans une onde inconftante & fangeufe Caflre qu'il y voyott réfléchi. On peut nous oppofer que l'imagination ne raifonne point ; que le merveilleux l'eni- vre ; qu'il emporte Pâme hors d'elle-même, fans lui donner le temps de fe replier fur les idées qui détrniroient l'iilufion : tout cela eft vrai , & c'eft ce qui nous empêche de bannir le merveilleux de l'épopée ; c'eft: ce qui nous a engagé à l'admettre même dans la tragédie, Poyex DÉNOUEMENT. Mais dans l'un & l'autre de ces poèmes il eft: encore moins raifonnable de l'exiger que de l'interdire. Voyei MERVEILLEUX. Cependant comment fuppléer aux per- fonnages furnaturels dans l'épopée ? Par les vertus & les parlions , non pas allégorique- ment perfonnifiées ( l'allégorie anime le phyflque & refroidit le moral, ) mais ren- dues fenftbles par leurs effets , comme elles le font dans la nature , & comme la tragé- die les préfente. L'épopée n'exige donc pour perfonnages que des nommes & les mêmes hommes que la tragédie ; avec cette diffé- E P O rence, que celle-ci demande plus d'unité dans les caractères , comme étant reiî'errée dans un moindre efpace de temps. Il n'eft point de caradere fimple. L'homme, dit Charon, eft un Jujet mtrveilleufement divers & ondoyant : cependant comme la tragédie n'eft qu'un moment de la vie d'un homme , que dans ce moment même il eft violemment agité d'un intérêt princi- pal & d'une pafîion dominante , il doit , dans ce court efpace , fuivre une même im- pulfton , & n'efïuyer que le flux & le reflux naturel à la pafîion qui le domine ; au lieu que l'adion du poème épique étant étendue à un plus long efpace de temps , la paillon a fes relâches , & l'intérêt fes diveriîons : c'eft un champ libre & vaite pour l'inconftance & l inhabilité, qui ejlU plus commun & appa- rent vice de la nature humaine. ( Charon. ) La fagofTe & la vertu feules font au defius des révolutions ; & c'eft un genre de mer- veilleux qu'il eft bon de réferver pour elles. Ainfï quoique chacun des perfonnages employées dans X épopée doive avoir un fond de caractère & d'intérêt déterminé , lesora- ges qui s'y élèvent ne laHlent pas quelque- fois d'en troubler la fur face & d'en dérober le fond. Ma:s il faut obferver aufti qu'on ne change jamais fans caufe d'inclination , de fentimentou dedeftein ; ces changemens ne s'opèrent , s'il eft permis de le dire, qu'au moyen des contre-poids : tout l'art confifre à changer à propos la balance ; & ce ^enre de micanifme exige une connoifTânce pro- fonde de la nature. Voye[ dans Britannicus , avec quel art les contre-poids font ménagés dans les fcenes deBuirhus avec Néron , de Néron avec NarciîTe ; & au contraire pre- nons le dernier livre de l'Iliade. Achille a porté la vengeance de Patrocle jufqu'â la barbarie : Priam vient fe jeter à fes pies pourluidemanderlecorpsdefonfils-Achille s'émeut , fe laiffe fléchir ; & jufque-là cette fcene eit fublime. Achille invite Priam à prendre du repos. " Fils de Jupiter ( lui » répond le divin Priam ) , ne me forcez » point à m'aftèoir , pendant que mon cher >y He&or eft étendu fur la terre fans fépui- » ture. » Quoi de plus pathétique & de moins offenfant que cette réponfe! Qui croiroit que c'eft à ces mots qu'Achille re- devient furieux ? Il s'appaiie de nouveau ; E P O il faitlaifferfurle chariot de Priamune tu- nique & deux voiles pour envelopper le corps , avant de le rendre à ce père afflige' : il le prend entre fes bras, le met fur un lit, & place ce lit fur le chariot. Alors il fe met à i eter de grands cris, & s'adrefTant à Patro- cb , "mon cher Patrocle, s'écrie-t-il , ne fois » pas irrite contre moi. » Ce retour eft en- core admirable ; mais achevons. " Mon cher » Patrocle , ne fois pas irrité contre moi, » fi on te porte jufque dans ies enfers la » nouvelle que j'ai rendu le corps d'Heâor 7i fon père ; car (on s'attend qu'il va dire , » je ri ai pu réfifier aux larmes de ce père in- » fortuné ; mais non ) car il m'a apporté » une rançon digne de moi.» Ces difpara- tes prouvent que jamais on n'a moins con- nu Phéroïfme que dans les temps appelés héroïques. Dujlyle. Nous fuppofons dans le lecteur une idée jufte des qualités du ftyle en géné- ral : il peut confulter les articles STYLE , Elégance , Précision , bc Appliquons en peu de mots au ftyle de V épopée celle de ces qualités qui lui conviennent : les premiè- res font la force, la préciiion,& l'éloquence. La force & la précilion font inféparables ; mais c'eft avec l'élégance qu'il eft difficile de les concilier. Parmi les auteurs qui en écrivant fe livrent à leur génie , ceux qui penfent le plus ne font pas ceux qui écrivent le mieux ; leurs idées , qui fe prefïent & fe foulent dans leur impétuoflté, font que leurs exprelîions fe ferrent & fe froifTent : au con- traire , ceux dont les idées moins tumul- tueufes fe fuccedent & s'arrangent à leur aife ,confervent dans leur ftyle cette liante facilité ; leur imagination donne à leur plu- me le loiftr d'être élégante. Du nombre des premiers font Sénequ£ , Tacite &: Lucam , Corneille , Pafcal & Bofluet ; du nombre des féconds, Cicéron, Tice-Live & Virgile, Racine, Mallebranche & Fléchier. Un ouvrage plus élégant & moins penfé a communément plus de fuccès qu'un ou- vrage plus penfé & moins élégant : la ledure du premier eft agréable & facile , la ledure du fécond eft utile , mais fatiguante: celui- ci eft une mine d'or; celui-là une feuille lé- gère, mais artiftement travaillée: on l'ad- mire, on en jouit; & qui va fouiller dans les mines ? Ceux même qui s'y enrichifient fe E P O 757 gardent bien de les faire connoître. Com- bien d'auteurs célèbres doivent leur fortune à d'obfcurs écrivains qu'ils n'ont jamais daigné nommer ? On a dit qu'une penfée appartenoit à celui qui la rendoit le mieux: cela refTemble au droit du plus fort. Dans le fait , il eft du moins vrai que l'homme de génie eft fou vent comme le ver à foie qui file pour l'ouvrier : Sic vos , non vobis, . . . Mais le foin qu'on prend de polir le ftyle ne peut-il pas refroidir l'imagination & ra- lentir la penfée ? Non, lorfque le poète fe hâte d'abord de répandre fes idées dans toute leur rapidité , & ne donne à la correction que les intervalles du génie. Dans ce premier jet , I'expreiîion fe fond avec la penfée , & ne faifant plus qu'un même corps avec elle , nelaifté à la réflexion que des traits à re- chercher & des contours à arrondir. Rien n'eft plus vif ni plus élégant que les feenes pafïionnées de Racine ; c'eft ainfi qu'il les a travaillées ; c'eft ainfi fans doute qu'a voit commencé celui qui eft mort à vingt-fept ans , & nous a laifle la Pharfale. L'harmonie & le coloris diftinguent fur- • tout le fty'e de Yépopée. Il y a deux fortes d'harmonie dans le ftyle , l'harmonie con- trainte , & l'harmonie libre : 1 harmonie contrainte , qui eft celle des vers , réfulte d'une divifionfimmétrique & d'une mefure régulière dans les fons. Bornons- nous au" vers héroïque, le feul qui ait rapport à ce que nous voulons prouver. On fait que l'hexamètre des anciens étoit compofé de fix mefures à quatre temps : c'eft d'après ce modèle que fuppofant lon- gues ou de deux temps toutes les fïllabes de notre langue , on en a donné douze à notre vers Alexandrin. Mais comme notre lan- gue , quoique moins daclilique que le grec & le latin, ne laifle pas d'être mêlée de longues & de brèves , &que le choix en eft arbitraire dans les vers, il arrive qu'un vers a deux , trois, quatre, & jufqu'à huit temps de plus qu'un autre vers de la même mefure en apparence. Je ne veux que la voir, foupirer & mourir. Traçât à pas tardifs un pénible Jîllion. Ainfi le mélange de fïllabes brèves & lon- gues détruit dans nos vers la régularité de la mefure; or point de vers harmonieux fans 758 E PO ce mélange ; d'où il fuit que l'harmonie & la mefure font incompatibles dans nos vers. Le choix des fons y eft arbitraire : ce n'eft donc pas encore ce choix qui rend nos vers préférables à la profe. Enfin la rime y qui peut caufer un moment le plaifir de la fur- prife , ennuie & fatigue à la longue. Qu'eft- ce donc qui peut nous attachera une forme de vers qui n'a ni ryhtme ni mefure, & dont f irréguliere fimétrie prive la penfée , le fentiment & l'expreflion des grâces nobles de la liberté ? La profe a fon harmonie , & celle - ci , que nous appelons libre , fe forme, non de tel ou de tel mélange de fons régulièrement divifés , mais d'un mélange varié de ftlla- bes faciles , pleines & fonores , tour à tour i lentes & rapides , au gré de l'oreille, & donc les fufpenfions & les repos ne lui biffent rien à fouhaiter. Là tous les nombres que Foreille s'eft choifis par orédiîe&ion, d'ac- tile , fpondée , ïambe , &c. fe fuccedent & s'allient avec une variété qui l'enchante & oe la fatigue jamais. : la mefure précipitée ou foutenue , interrompue ou remplie, fui- vant les mouvemens de î'ame , laifTeau fen- timent , d'intelligence avec Pbreille, choi- lîr & marquer les divifîons : c'eft là que le trimetre, le tétrametre, le pentamètre trou- vent naturellement leur place; car c'eft une affectation puérile que d'éviter dans la profe la mefure d'un vers harmonieux , fi ce n'eft peut-être celle du vers héroïque , dont le retour continu eft trop familier à notre | oreille , pour qu?elle ne foit pas étonnée de trouver ce vers ifolé au milieu des divifîons irrégulieres de la profe. KELOCUTION. Que l'harmonie imitative ait fait une des beautés des vers anciens , c'eft ce qui n'eft fenfible pour nous que dans un très- petit nombre d'exemples ; quelquefois elle geint le phyfique : Nec brachia longa- Margine terrarum porrexerat Amphurite. quelquefois elle peint l'idée : Magnum Jovis incrementum. Monftrum horrendum , informe , ingens y cui'lumen ademptum. Mais rien n'eft plus difficile ni plus rare que de donner à nos vers cette expreiîion har- E P O monîque; & fi notre langue en eft fufceptî- ble , ce n'eft tout au plus que dans la profe , dont la liberté laide au goût & à l'oreille du poète le choix des termes & des tours : c'eft peut-être ce qui manque à la profe nom- breufe, mais monotone, du Télémaque. Cependant, il faut céder à l'habitude où nous fommesdevoirdes poèmes en vers, Il y auroit un moyen d'en rompre la mono- tonie , & d'en rendre jufqu'à un certain point l'harmonie imitative : ce feroit d'y employer des vers de différente mefure, non pas mêlés au hafard , comme dans nos poé- nes libres, mais appliqués aux différens gen- res auxquels leur cadence eft le plus analo- gue. Par exemple , le vers de dix fillabes , comme le plus fimpîô, aux morceaux pa- thétiques ; le vers de douze aux morceaux tranquilles & majeftueux ; le vers do huit aux harangues véhémentes; les vers de fept, de fix & cinq aux peintures les plus vives &c les plus fortes. On trouve dans une épître de l'abbé d« Chaulieu au chevalier de Bouillon, un exem- ple frappant de ce mélange de différentes mefures. Tel qu'un rocher dont la tête Egalant le mont Athos , Voit àfes pies la tempête Troubler le calme des flots. La mer autour bruit & gronde ; Malgré /es émotions , Sur fon front élevé règne une paix profonde , Quêtant d'agitations > Et que les fureurs de fonde Refpeclentâ l'égal du nid des Alcyons* Mais faudroit-il éviter le retour fatigant de la rime redoublée , croifer les vers, & varier les repos avec, un art d'autant plus difficile, qu'il n'a point de règles. ^ Le coloris du ftyle eft une fuite du colo- ris de l'imagination ; & comme il en eftin- féparable , nous avons cru devoir les réunir fous un même point de vue. Le ftyle de la tragédie eft commun à toute la partie dramatique de l'épopée. Voy. Tragédie. Mais la partie épique permet, exige mê- me des peintures plus fréquentes & plus vi- ves: ou ces peintures préfentent l'objet fous fçs propres traits , & on les appelle deferip* E P O fions ; où elles le préfente revêtu de cou- leurs étrangères , & on les appelle images. Les defcriptions exigent non feulement une imagination vive , forte & étendue , pour faifir à la fois l'enfemble & les détails d'un tableau vafte , mais encore un goût dé- licat & sûr pour choifir & les tableaux , & les parties de chaque tableau qui font dignes du poème héroïque. La chaleur des deferip- tions eft la partie brillante & peut-être ini- mitable d'Homère; c'eft par- là qu'on a com- paré fon génie à fejjitu d'un char qui sembraf- fe par fa rapidité.... Ce feu , dit- on, n'a quà paroître dans les endroits où manque tout le refte , & fût-il environné d'abfurditéy on ne le verra plus. {Préj. de C Homère AngL de Pope.) Ceft par-là qu'Homère a fait tant de fanati- ques parmi les favans , & tant d'enthoufiaf- tes parmi les hommes de génie : c'eft par-là qu'on l'a regardé tantôt comme une fource , intarifiable où s'abreuvaient les Poètes , A quo ceu fonte perenni Vatum pieriis or a rigantur aquis. Ovid. tantôt comme l'avoit repréfenté le peintre Galathon , cujus vomitum alii poetee adjlantes abforbent. (Elianus , /. XIII. Mais ce n'eft point afTez de bien pein- dre , il faut bien choifir ce qu'on peint : toute peinture varie à fa beauté ; mais cha- que beauté a fa place. Tout ce qui eft bas , commun , incapable d'exciter la furprife , Fadmiration , ou la curiofîté d'un lecteur judicieux , & déplacé dans Y épopée. Il faut , dit-on , des peintures fimples & familières pour préparer l'imagination à fe prêter au merveilleux : oui fans doute ; mais le fimple & le familier ont leur intérêt & leur noblefle. Le repas d'Henri IV. chez le folitaire de Gerfai, n'eft pas moins na- turel que le repas d'Enée fur la côte d'Afri- que : cependant l'un eft intéreflant , & l'autre ne l'eft pas. Pourquoi ? Parce que l'un renferme les idées accefToires d'une vie tranquille & pure , & l'autre ne pré- fente que l'idée toute nue d'un repas de voyageurs. Les poètes doivent fuppofer tous les dé- tails qui n'ont rien d'intéreiîànt , & aux- quels la réflexion du leâeur peut fuppléer fans efforts ; ils feroient d'autant moins cxcufalles de puifer dans cei fources lléri- EPO 7J9 les , que la philofophie leur en a ouvert de très-fécondes. Pope compare Je génie d'Hômere à un afire qui attire en fon tour- billon tout ce qu'il trouve à la portée de fes mouvemens : &en effet Homère eft de tous les poètes celui qui a le pus enrichi !a poé- fie des connoiftances de fon fiecle. Mais s'ilrevenoit aujourd'hui avec ce feu divin , quelles couleurs, quelles images ne tireroit- il pas des grands erfets de la nature , fi fa- vamment développés , des grands erfets de l'induftrie humaine , que l'expérience & l'intérêt ont porté li loin depuis trois mille ans? La gravitation des corps, la végéta- tion des plantes , l'inftinct des animaux , les développemens du feu, l'action de l'air , ùc. les mécaniques, Tafironomie , la naviga- tion, &c. voilà des mines à peine ouvertes, où le génie peut s'enrichir : c'eft de-là qu'il peut tirer des peintures dignes de remplir les in- tervalles d'une action héroïque : encore doit-il être avare de l'efpace qu'elles occu- pent , &ne perdre jamais de vue un fpec- tateur impatient , qui veut être délôfle fans être refroidi , & dont la curiofité fe rebute par une longue attente , fur-tout lorfqu'il s'apperçoit qu'on le diftrait hors de propos. C'eft ce qui ne manqueroit pas d'arriver , fi, par exemple, dans l'un des intervalles de l'action on employoit mille vers à ne décrire que des jeux ( Enéide , /. V. ) Le grand art de ménager les deferiptions eft donc de les préfenter dans le cours de l'ac- tion principale , comme les palfages les plus naturels , ou comme les moyens les plus fimples. Art bien peu connu , ou bien né- gligé jufqu'à nous. Il nous refte à examiner la partie des images ; mais comme elles ne font commu- nes à tous les genres de poéfie,& que la théo- rie en exige un détail approfondi, nous croyons devoir en faire un article féparé. Voye{ Image. Nous n'avons pu donner ici que le fom- maire d'un long traité ; les exemples fur- tout , qui appuient & développent fi bien les principes , n'ont pu trouver place dans les bornes d'un article : mais en parcourant les poètes , un lecteur intelligent peut aifé- ment y fuppléer. D'ailleurs , comme nous l'avons dit dans YarticieCRITIQUE, l'auteur qui , pour cempofer un f oè'me , a befoia rt6o E P O d'une longue étude des préceptes , peut s'en ' épargner le travail. Cet article efi de M. Marmontel. M. de Suider a fait auffi des obfervations fur la nature , l'origine & le caraclcre du poëme épique. L'homme , dit-il , eft naturellement por- té à s'occuper des grandes aventures ; il s'y arrête avec plaifir , il tâche de fe repréfen- ter aufîi vivement, & avec autant de pré- cision qu'il eft pofîible , ce que ces faits ont d'intérefTanr. Si l'action a beaucoup d'éten- due , fi el'e renferme des événemens com- pliqués , nous cherchons à débrouiller ce qu'il a d'eiTentiel , à le mettre en ordre dans notre efprit, afin de pouvoir envifager Penfemble d'un coup d'ceif. Nous ne nous bornons pas au récit de 1 hiftorien , nous y ajoutons les circonftances que nous vou- drions y trouver, & notre imagination don- ne aux perfonnages & aux chofes , une fer- me & un coloris. Nous nous efforçons d'ap- procher le héros de près, pour voir leur attitude , leurs geïfes , les traits de leur vifage , entendre le ton de leur voix , & comprendre leurs difeours. S'ils fe taifent, nous voulons au moins deviner leurs pen- fées fur leur phyiionomie ; fouvent nous nous mettons à leur place, pour mieux fentir les mouvemens de leur ame, & l'impief- fion que les objets font fur eux. Ainii , à meîure que l'action avance , nous éprouvons fuccefîivement toutes les pallions , toutes les agitations qui naifïènt des divers inci- dens ; nous nous oublions en quelque façon nous-mêmes, & ne fomrnes plus occupés que de ce que nous croyons voir &: entendre. Telle eft lafituatiende tout hemmefen- fible , aufli fouvent qu'il fe rappelle un évé- nement mémorable qu'il a vu lui-même , ou qu'il a ouï raconter, fie dont il délire de renouveller encore les agréables impref- iions. De-là vient le plailir qu'il trouve à raconter aux autres ce qui l'a frappé. Son ton s'anime, fes expreilions prennent l'em- preinte du fentiment ; ce n'eft pas un {im- pie hiftorien qui rapporte tout uniment les faits ; il veut peindre les chofes telles qu'il a fouhaité de les voir , & les exprimer , comme il a defiré de les ouïr. C'eft de ce penchant naturel à raconter des événement mémorables, avec les additions, les portraits E P O & l'ordre particulier que le feu de l'imagi- nation fupp'ée , qu'il faut dériver l'origine de Vépopée. Un homme éloquent & fenhbie à un certain degré , compoferoit , fans y penfer, un roman poétique, en fe pro- pofantlïmplernent de faire un récit. Tels étoient probablement les premiers poèmes épiques des anciens Bardes. L'art n'y en- troit encore pour rien : lorfqu'enfuite la réflexion & l'art font venus au fecours de la fimple nature , la narration a pris un ton plus gracieux , une harmonie plus agréa- ble. L'enfemble a été mieux'ordonneé ; les parties ont reçu une jufte proportion en- tr'elles & avec le tout; l'ouvrage entier a eu une belle forme , & le bon goût échue par l'étude y a ajouté tout ce qui pouvoit y répandre plus d'agrément ; ainli , Vépopée , production de l'art , a fuccédé au récit na- turel , comme les édifices lomptueux aux abris que la nature ofFroit à l'homme dans les premiers âges. Au fimple nécefîàire , & à ce que le fentiment feul di&oit , s'eft joint, ce qu'une méditation réfléchie , & un goût perfectionné a pu inventer pour embellir 1 ouvrage. Ainfi, quiconque entreprendroit de donner une théorie exacte de l'art épi- que, devroit, comme dans la théorie de l'architecture, remonter d'abord jufqu'à ce qui a dû précéder tout art; rechercher ce qui n'eft que naturel & indifpenfable , & pafTer enfuite à ce que l'art a ajouté pour perfectionner les premiers effais. Mais les critiques n'ont pas fuivi cette méthode. Ariftote, l'un des plus anciens d'entr'eux, frappé de la beauté des poèmes épiques d'Homère , les établit pour modè- les , fans rechercher ce qu'il y avoit de na- turel &: d'indifpenfable, & le diftinguer du fimplement accefîb:re. Les critiques qui l'ont fuivi, ont tenu la même route : il fe font efforcés d'établir des règles pour fixer les qualités de Vépopée , jufque dans le moin- dre détail ; mais ils ont rarement remonté jufqu'au premier principe. De-là vient que cette partie de !a poétique eft , comme tant d'autres , furchargée de règles & de précep-, tes , dont un bon nombre eft , ou purement; arbitraire , ou même faux. Nous nous propofons de fuivre les traces de la nature pour découvrir ce qui conftitue PeiTentiel de Vépopée. Si nous réuiTiflons à deviner EPO deviner l'origine & le cara&ere des premiers chants épiques , de ces ébauches autofche- diafmatïques , c'eft ainfî qu'Ariftote nomme les premiers effais d'un génie fans cukure , il fera ailé d'en inférer ce que la réflexion & le goût ont contribué à rembellifTement fuc- cefTifdecesgroflieres productions. Nous avons déjà dit que le premier ger- me de V épopée fe trouve dans le penchant naturel que nous avons de raconter aux au- tres, & de nous rappeler vivement à nous- mêmes ies faits intéreflans qui nous ont frap- pés. Des hommes qui ont concouru enfem- ble à quelque expédition , ne peuvent guère fe rencontrer fans en parler : chacun raconte la partie de l'événement à laquelle il a pris la plus grande part , ou qui l'a plus touché. C'eft par le même principe de plaifir que chez les nations grofîieres on inftituoit des fêtes publiques en commémoration des évé- nemens remarquables , & fur-tout des ex- ploits auxquels elle avoit eu part. Dans ces fêtes folennelles les efprits font déjà naturellement échauffés , & fufcepti- bîes des fentimens les plus vifs. Ceux qui ont participé à l'a&ion qu'on célèbre, s'a- vancent au milieu de l'aflemblée ; & pleins du feu qui les anime encore, en font un récit circonftancié , pathétique & pittoref- que. Il eft probable , il eft même historique- ment vrai de certains peuples , que le fou- venir des grands événemens a été perpétué chez diverfes nations pendant plufieurs fîe- cles par des fêtes annuelles établies à cet effet. Lorfqu'après une ou deux générations, il ne reftoit plus de témoins vivans , c'étoit à ceux qui étoient doués d'une imagination vive > &c que le fentiment échauffent, à re- tracer à l'auditoire affemblé l'hiftoire de leurs ancêtres. Il eft très-poflible que pour avoir l'hon- neur de parler en public dans ces folenni- tés , des hommes de génie fe foient exercés à des comportions épiques, & qu'infenfible- mentla commémoration publique des an- ciens événemens foit devenue un art. Telle a propablement été la première vocation des barbes , d'où vinrent enfuite les poètes , d'exalter le fentiment ; quand on fe rappelle combien la mufique , même le fimple bruit, a d'énergie pour entretenir l'émotion du cœur , on ne doutera pas qu'on n'ait em- ployé la mufique pour accompagner & fou- tenir les récits publics. On fait d'ailleurs que la mufique fait partie des fêtes chez les peuples les plus fauvages ; ainfl il eft très- vraifemblable que c'eft ce qui a introduit le mètre dans ce narrations. Les premières épopées des Bardes étoient donc des récits pathétiques d'exploits na- tionaux , qu'ils chantoient dans les affem- blées publiques. Lefujetrouîoit fur des faits déjà connus , qu'il n'étoit pas tant queftion de rapporter hiftoriquement , que d'orner de tous les traits propres à réveiller le fenti- ment , & à enflammer les efprits d'un zèle patriotique. Il s'agiffoit moins de fuivre f crupuleufement le fil de l'hiftoire , que de choifir ce qu'elle contenoit de plus capable de toucher le cœur. Il falloit fur-tout pein- dre les principaux perfonnages , les héros dont on chantoit les prouefies , avec tant de force & de vérité , que chaque auditeur crût les voir encore au milieu de leurs exploits. Le Barde ne pouvoit prendre pour le fu- jet de fon chant que l'a&ion unique dont on célébroit la mémoire, car chaque fête n'avoit qu'un feul événement capital pour but de fon inftitution ; & les chants defti- nés a retracer cet événement ne dévoient pas être trop longs , pour ne pas laffer l'af- femblée. Voilà jufqu'où il eft permis de pouffer les conjectures fur l'origine de V épopée ; le cri- tique ne doit pas la perdre de vue , pour ne pas gêner mal à propos le poète épique par des règles arbitraires , qui ne feroient pas dé- duites de la nature primitive de ce genre de poème. On peut réduire à très-peu de préceptes ce qui lui eft effentiel. L'unité d'action , l'in- térêt & la grandeur de l'événement, la ma- nière de le rapporter , plus épique qu'hifto- rique. Des peintures faillantes des héros , &c de leurs exploits , une diclion très-pathéti- comme les rhéteurs fuccéderentaux anciens ! que, mais qui ne s'élève pas tout à fait juf- Démagogues. I qu'à l'enthoufiafme. Tout poème qui réu- Quand on réfléchit que le principal but s nira ces qualités méritera le nom à'épopée. féquent aufîi les objets qui les occupent. Si l'on retranchoit du poème ces peintures dé- taillées , on le réduiroit prefque à une (im- pie relation. Les portraits font donc une partie très-eflentielle def 'épopée ; c'eft à cela qu'on reconnoît principalement le génie du poète, & fa connoifiance du cœur humain. Mais ces portraits ne font pas de {impies de£ criptions abftraites, ce font des tableaux vi- vans, dans lefquels les perfonnages font vus par leurs actions & par leurs dsfeours. Tels font les portraits des héros d'Homère. Cha- cun a fon caraclere diftinctif , fon tour de génie particulier , qui fe déploie avec la plus grande vérité à chaque rencontre , foit en parlant , foit en agiffant.Dans tout le cours du poème, on reconnoît toujours , malgré la variété des circonstances , le même per- fonnage , parce qu'il conferve fon ton indi- Dddd 2, 7^4 E P O viduel , qui refte toujours femblable à lui feul , & que fa manière de s'exprimer ou d'agir n'appartient qu'à lui. Il n'eft pas néceffaire de faire fentir com- bien de fagacité , de connoiffance des hom- •mes, & defoupîeffede génie tout cela exige. Le poète doit connoître par expérience les divers caracleres, les différens principes qui influent fur les actions. Il doit affigner à chaque perfonnage une teinte naturelle du Jfiecle , des mœurs & du caractère national. Il doit favoir fe tranfporter dans les temps & dans les lieux de l'acîion ; & afin que cha- que caractère puifïè bien fe développer , il faut ordonner l'action de manière que cha- cun des principaux perfonnages fe trouve dans plufieurs fituations différentes , plus ou moins critiques ; tantôt occupé de fes propres affaires , tantôt de celles des autres, foit pour les favorifer,ou pour les traverfer. Ajoutons à cela que tous ces perfonnages doivent avoir une grandeur idéale un peu au deffus de la grandeur naturelle. Car pour que faction foit grande & extraordinaire , il faut que les acteurs foient diftingués du commun des hommes ; que tout en eux juf- tifie le ton élevé fur lequel le poète a débuté à leur égard. S'il ne nous montroit que des hommes ordinaires , fon ftyle emphatique paroîtroit entré , & d'ailleurs le but du poème feroit manqué ; il doit toujours être d'élever Tefprit & les fentimens du lecteur. On exige encore de Yépopêe qu'elle foit înflruûive.Comme le defTein du poète n'eft pas de nous apprendre les faits , il fe pro- pofe en nous les retraçant de nous donner d'utiles leçons , mais à fa manière , & non en moralilles ; point fur le ton d'un philo- fophe dogmatique , mais en poète : Qui quid fit pulchrum , quid turpe , quid utile , quid non "JPl'inius ac melius Chryfippo & Crantore ditit. Il inftruit par la voies des exemples; il nous montre comment des hommes d'un jugement profond , d'un efprit élevé , ?gif- fent dans les grandes occaïions. Le poète ne differts pas ; il ne fait point d'applications morales ; il ne cherche pas même à inftruire par des fentences générales q.u'il feroit dé- fi P O biter à fes héros ; il ne dit point comment" il faut penfer & agir ; il fe contente de nous faire voir des hommes qui agiffent & qui penfent. Quelques critiques ont cru que Vépopée devoit inftruire par la nature même de l'é- vénement, & par le fuccès heureux ou mal- heureux que le dénouement amené. Mais cette manière d'inftruire appartient propre- ment à Phiftoire , elle n'eft qu'accidentelle au poème épique. Le fujet entier de l'Iliade n'a rien de fort inftructif , & réduit enfim- ple récit , on n'en tireroit qu'une morale aflez froide. L'influence vraiment énergi- que de l'épopée fur les mœurs , conftfte dans les actions & la manière noble de penfer- des héros. Ceft par-là que toute la Grèce a regardé Homère comme le premier infti- tuteur des hommes. Il nous refte encore à parler du ftyle de Vépopée. Le poète plein de la grandeur du fujet qu'il chante , s'énonce d'un ton pathé- tique , foîennel , & qui tient de l'enthou- fiafme. Des termes forts & harmonieux dif- tinguentfonexpreffion del'expreffion ordi- naire. Il trouve des tours qui anoblifïent l'idée des chofes communes. Il évite les liaifons ordinaires , & les manières de par- ler trop familières. Sa conftruction n'eft pas celle du vulgaire ; & comme fon imagi- nation échauffée voit tous les objets exac- tement defîinés fous fes yeux _, il eft plus ri- che que l'hiftorien en épithetespittorefques. Son ton porte toujours l'empreinte du fen- timent préfent : doux, ou impétueux, félon la fituation actuelle de Pefprit.A menue que l'action devient plus vive , la paflion s'ani- me , & le ton s'élève : ce qui feroit de l'en- flure chez l'hiftorien , n'eft que la fimple nature chez le poète , parce que le propre des grandes partions eft de troubler la raifon, & que l'enthoufiafme rend fuperftitieux ; dans cet état, un concours fortuit des caufes paroît l'ouvrage de quelques puiftances fu- périeures; les êtres inanimés femblent avoir une intelligence & une volonté. Si un coup de foudre effraie, & fait reculer les chevaux deDiomede , le poète dans fon enthoufiaf- me voit' le père des dieux & des hommes , ciui, pour prévenir un effroyable carnage , vient interpofer fon autorité, & féparer les comba.ttans.En général le ton élevé & par E P O thétique de V épopée exige aufîi un langage extraordinaire.il femble que la profe la plus majeftueufe n'y fuffit pas. L'hexamètre des Grecs paroît de mieux y convenir. Il en eft à cet e'gard , comme à celui des ordres d'ar- chitecture. On n'eft pas aftraint à fuivre fcrupuleufement les modèles des anciens ; nais plus on en approche , plus l'architec- ture eft belle. L'hexamètre n'eft pas efïen- tiel à 1! 'épopée , mais c'eft de tous les vers celui qui y femble le plus propre. Voilà tout ce qui femble conftituer l'ef- fencedupoeme épique. Un poème qui réu- nira toutes ces conditions , quel qu'en foit d'ailleurs le fujet , la forme , l'étendue & le genre du mètre , peut prétendre à la quali- fication d'épopée. La forme en varie à l'in- fini , depuis l'Iliade d'Homère , jufqu'aux campagnes de Marlborough , chantées p3r Addifïbn. Il y a apparence que le fujet de l'épopée ne roula originairement que fur des expéditions militaires ; mais Homère montra déjà par fon Odyflee qu'on pou- voit choifir d'autres événemens. Quelques critiques font dans l'idée que la forme du poème épique a été invariablement fixée par Homère ; mais le Fingal d'Ofîian eft d'une tout autre forme, & n'en eft pas moins une épopée. N'exigeons du poète que l'ef- fentiel de le poélie épique , & laifïbns le relie à fon génie & à fon choix. Ne préten- dons pas même qu'il introduife des intelli- gences fupérieures pour mettre du merveil- leux & du furnaturel dans fon poème. La grandeur peut très-bien fe trouver dans des actions humaines, & exciter notre admira- tion. Il fuffit que le génie du poè'te foit vrai- ment grand. Ce n'eft pas ce que les divi- nités font dans l'Iliade qui en conftitue le merveilleux ; on pourroit le retrancher en- tièrement, & le poème conferveroit encore fa grandeur. Quand , au contraire , un génie médiocre s'eflorce de donner à fon poème un air de merveilleux en recourant à des êtres furnaturels , ou même à des êtres allé- goriques, bien loin d'y ajouter de la gran- deur, il le rend infailliblement froid. Ne prefcrivons donc point de règles arbitraires à cet égard, & laifïbns également au difcer- nement du poète, tout ce qui concerne le lieu , le temps & la durée de l'aclion ; qu'il fatisfaiïe aux conditions effentielles de Yépo- E P O 76*; pée , & il s'afTurera un rang parmi le petit nombre des bons épiques. Ce que nous avons dit jufqu'ici concerne proprement la grande épopée , celle qui chante une action de la première grandeur, & qui nous fait connoître des perfonnages d'un caractère fublime , & d'un courage extraordinaire. Mais on peut encore appli- quer le ton & la manière épique à des fujets d'une grandeur moyenne , ce qui produit la petite épopée qui ne laiffe pas d'être très-in- térefTante, bien qu'elle ne nous montre pas des héros du premier ordre.De cette efpece étoient dans l'antiquité le poème de Héro & de Léandre de Mufée ; le rapt d'Hélène de Coluthus , & d'autres encore : nous pou- vons citer entre les modernes le Jacob de Bodmer , comme un modèle de ce genre. Enfin il y a une troifleme efpece d'épopée , c'eft celle qui chante de petits objets avec un ton de dignité, c'eft l'épique badin , ou comique ; tel eft le Lutrin de Boileau , la Boucle de cheveux enlevée , &c. La grande épopée eft , fans contredit , la plus noble production des beaux arts. Les anciens regardoient l'Iliade & l'OdyfTée comme deux fources où le capitaine , l'hom- me d'état, le citoyen & le père de famille dévoient puifer la fcience qui leur étoit né- ceflàire ; ils trouvèrent dans ces deux poè- mes les modèles de la tragédie & de la co- médie ; ils eftimoient que l'orateur, le pein- tre, le fculpteur y pouvoient apprendre les règles les plus effentielles de leur art. Cette opinion femble outrée , mais elle ne l'eft pas. Le poète épique a réellement en fon pouvoir l'effet qu'on peut attendre de tou- tes les branches des beaux arts. L'épopée réunit tout ce que les divers genres de poé- fîe ont chacun de bon en foi. Tout ce que les arts de la parole ont d'utile & d'inftruc- tif , le poème épique peut l'avoir dans un degré fupérieur. Quel orateur a jamais fur- pafïe Homère ? Quel effet ont produit les tableaux & les peintures , dont Homera n'ait le premier donné les exemples ? N'eft- ce pas à Homère que Phidias a dû le chef- d'œuvre de fon art? Quelle notion capable d élever l'ame , de l'exciter aux derniers efforts , de réprimer en elle la pafîïon la plus violente, peut mieux s'infinuer dans i'efprit , mieux être gravée dans le cœur , rjéô E P O principe more entre les mains des Sceptiques qui fe con- tentoient de détruire fans édifier , & qui fe jetoient tête baiffée dans un doute uni- verfel , devient une fource de lumière & de vérité , lorfqu'elle eft employée par un philofophe judicieux & exempt de préju- gés. Voye{ DOUTE. Cet article eft tiré de» papiers de M, FoRMEY. Eeee«e yo E P O E P O ÉPOQUE , en AJlronomie. On appelle | donc le lieu moyen de la planète pour cet époque ou racine des moyens mouvemens j inftant, & par conféquentunefimple règle d'une planète , le Heu moyen de cette pla- nète de'terminé pour quelqu'inftant marqué, afin de pouvoir enfuite , en comptant depuis cet inftant , déterminer le moyen de la pla- nète , pour un autre inftant quelconque. Parmi les planètes nous comprenons auiîi le foleil , que les tables aftronomiques fuppofent, ou peuvent fuppofer en mou- vement , en lui attribuant le mouvement de la terre. Voye-^ Copernic. Voye^ aufïi Mouvement moyen , Lieu moyen, Temps moyen, Équation du temps. Les aftronomes font convenus de faire commencer l'année dans leurs tables à l'inftant du midi qui précède le premier )our de janvier , c'eft-à-dire , à midi le 3 1 décembre, enforte qu'à midi du premier janvier on compte déjà un jour complet ou vingt-quatre heures écoulées. Ainfi , «juand on trouve dans les tables aftrono- miques , au méridien de Paris , Y époque de la longitude moyenne du foleil en 1700$ de 9 fignes 10 degrés 7 minutes 1 j fécon- des , cela fignifie que le 3 1 décembre 1699 > à midi , à Paris , la longitude moyenne du foleil , c'eft-à-dire , fa diftance au pre- mier point à'Ariesy en n'ayant égard qu'à ion mouvement moyen , étoit de 9 fignes 1 o degrés 7 minutes 1 5 fécondes , & ainfi àcs autres. L'époque une fois bien établie , le lieu moyen pour un inftant quelconque eft aifé a fixer par une fimple régie de trois. Car on dira : comme une année ,ou 365 jours , eft au temps écoulé depuis ou avant Yépo- que-t ainfi le mouvement moyen de la planète , ou le temps périodique moyen pendant une année. ( Voye-^ PÉRIODE & Mouvement MOYEN)eft au mouvement cherché, qu'on ajoutera à lV/io^/e ou qu'on en retranchera. Toute la difficulté fe réduit de trois donnera le lieu moyen à l'inftant de V époque. Par exemple , le lieu moyen du foleil fe confond fenfiblement avec le lieu vrai , lorfque le foleil eft apogée ou périgée, parce qu'alors l'équation du centre eft nulle ; le lieu moyen de la lune fe con- fond à peu près avec le lieu vrai , lorfque la lune eft apogée ou périgée , & de plus en conjonction ou oppofition ; je dis à peu prhy parce que dans ce cas là même il y a encore quelques équations , la plupart affez petites , que les tables & la théorie donnent , & auxquelles il eft nécefiaire d'avoir égard pour déterminer le vrai mou- vement moyen , aufli, comme ces équa- tions ne font pas exactement connues , Yépoque du lieu moyen de la lune ne peut être fixée que par une efpece de tâtonne- ment & par des combinaifons répétées & délicates. Il paroît en effet que M. Halley l'avoit trop reculée d'environ une minute , & d'autres aftronomes la font de près de deux minutes plus avancée. Ce font les obfervations réitérées des lieux de la lune » comparés avec les calculs de ces mêmes lieux , qui peuvent fervir à fixer Yépoque. auffi exactement qu'il eft poflible. Poye^ LUNE , & les articles cités ci-dejfus (O) Époque , f. f. ( Hijloire. ) On appelle ainfi certains événemens remarquables dont le temps eft exactement ou à peu près connu dans la chronologie ancienne & moderne , & qui fervent comme de points fixes pour y rapporter les autres évé- mens. Ce mot vient d'un mot grec qui fignifie s'arrêter , parce que les époques dans Thiftoire font comme des lieux de repos , & pour ainfi dire , des (rations où l'on s'arrête pour eonfidérer de là plus à fon aife ce qui fuie & ce qui précède , & pour lier entr'eux les événemens. Voye[ ce que dit fur ce fujet M. BofTuet , dans for* tlonc à bien fixer Yépoque , c'eft-à-dire , le i dijcoursfur l'hijloire univerjelle. Sftai 1i*»,i «,^,,^_ .,- ..« Ijf- :_/ T „_ _.-:..„; 1,,. i „. A*. V Nfrailieu moyen pour un temps déterminé. Pour cela il faut obferver la planète le plus exactement qu'il eft poflible dans les points de fon orbite , où le lieu vrai fe confond avec le Heu moyen, c'eft-à-dire, ou les équations du moyen mouvement font nulles. (Voyei ÉQUATION.) On aura Les principales éqoques de l'Hiftoire fa~ crée , par exemple , font la création du monde , le déluge , la vocation d'Abra- ham , la fortie d'Egypte , Saiïl , ou les Juifs gouvernés par des rois , la captivité de Babylone , le retour de la captivité, la paiflance de Jeius-Chriftr Les temps de ce» E P O «îifFér entes époques font différens , feîon la chronologie que Ton jugea propos de Cui- vre. Voye{ Age , Chronologie , &c. Les principales époques de Thifroire eccléfiaftique , font Conftantin ou la paix de l'églife , la nailTance du Mahométifme, le fchifme des Grecs , les Croifades , le grand fchifme d'Occident , le Luthéra- nifme, &c Celles de l'hiftoire de France , font Clovis, Pépin, Hugues Capet, tige des EPO 771 fe former un fyftême fuivi. La manière différente de compter l'année chez les dif- férens peuples , contribue à la difficulté de bien fixer les époques. Pour réduire les années d'une époque à celle d'une autre, c'e-ft- à-dire , pour trouver quelle eft l'année de l'une qui cor- respond à une année donnée de l'autre , on a inventé une période d'années qui commence avant toutes les époques con- l nues , & qui en eft , pour ainn dire', le trois races de nos rois : & dans chacune j rendez-vous commun ; cette période eft de ces trois époques principales on peut en placer d'autres ; par exemple , depuis Hu- gues Capet , on peut placer différentes époques , à S. Louis , à Charles le Sage , à François I, à Henri IV, à Louis XIV. Il en eft de même de l'hiftoire des autres peuples. Foye[ HISTOIRE. Voye[ aufli l'ar- ticle Ere. La règle qu'on doit fe propofer pour les époques , c'eft qu'elles ne foient ni trop , ni trop peu nombreufes. On en fent aïfément la raifon. Dans le premier cas , le lecleur ou l'hiftorien s'arrêteroit inuti- JULIENNE. appelée période julienne. C'eft i cette pé- riode que l'on réduit toutes les époques, en déterminant l'année de cette période, à laquelle chaque époque commence. Ain fi , il ne refte plus qu'à ajourer l'année propofée d'une époque à l'année de la période qui correfpond au commencement de cette époque , & à retrancher de cette même an- née propofée l'année de la même période qui répond à l'autre époque ; le refte eft l'année de cette autre époque. V. Période lement à chaque pas ; dans le fécond , il s'épuiferoit de fatigues , ayant trop de ter- rain à embrafler à la fois. (O) L'époque eft donc proprement un terme ou point fixe de temps , depuis lequel on compte les années. PVyeçAN. Les nations ont différentes époques , & cela n'eft pas furprenant : car comme il n'y a point de raifons tirées de l'aftrono- mie qui rendent l'une préférable à l'autre , la fixation des époques eft purement arbi- traire. La principale époque des chrétiens eft celle de la naiftance ou incarnation de Jefus-Chrift ; celle des Mahométans eft l'hégire ; celle des Juifs , la création du monde ", celle des anciens Grecs , les Olym- piades; celle des Romains , la fondation Se Rome ; celle des anciens Perfes & Afly- riens , eft V époque ou l'ère de Nabonaflar. Voyei Incarnation, Hégire, Olym- piade , &c. La connoifTance & Pufage des époques eft d'un grand avantage dans la Chrono- logie. Voye^ Chronologie. C'eft principalement dans l'hiftoire an- cienne que les époques font néceflaires. L'incertitude de la chronologie oblige de fe fixer à quelques points principaux pour \S époque de Jefus-Chrift ' ou de notre Sei- gneur , eft V époque vulgaire de teute l'Eu- rope ; elle commence à la nativité du Sau- veur le 2j décembre , ou plutôt, félon la manière ordinaire de compter , à fa cir- concifiow le premier janvier ; mais en Angleterre, elle commence à l'incarnation ou à l'annonciation de la Vierge le 1 5 de mars , neuf mois avant la nativité. Voyeç Nativité, Circoncision, Annon- ciation, Ùc. L'année de la période julienne répon- dant à celle de la naiffance & de la cir- concifion de Jefus-Chrift , eft ordinaire- ment comptée pour la 47 13 de cette période. Ainfi la première année de notre ère répond à la 4714 année de la période julienne. Donc 1 °. fi à une année donnée de J. C. t on ajoute 47 J 3 > la fomme fera l'année de la période julienne qui répond à l'année propofée ; par exemple , fi à la préfente année 175 j on ajoute 471$ , la fomme 6468 fera l'année où nous fommes de la période julienne, x9. Au contraire , fi on ôte 471 3 d'une année donnée de la période julienne , le refte eft l'année courante de Jefus-Chrift. Par exemple , fi de l'année Eee e e 2. 77i E P O 6468 de la période julienne on ôte 475 y , le refte fera l'année courante 1755. "L'époque de la naiffance de notre fei- gneur fert non-feulement au calcul des années écoulées depuis le commencement de M époque , mais encore aux calculs de celles qui l'ont précédé. Pour trouver l'année de la période ju- lienne, répondant à une année donnée avant Jefus-Chrift , il faut fouftraire de 47 14 l'année propofée , le refte fera l'année correfpondante que l'on cherche. Ainiî on trouvera que l'année 751 avant J. C. eft l'année 3956 de la période julienne. Au contraire, fi on fouftrait de 4714 une année propofée de la période julienne de 4714, le refte eft l'année correfpondante avant J. C. L'auteur de X époque vulgaire , ou de la méthode de compter les années depuis la îiaifTance de J. C. eu Denis le Petit, abbé de Rome, Scythe de nation , qui floriftbit fous l'empire de Juftinien vers l'an J07; ce Denis en avoit eu la première idée par un moine Egyptien , nommé Panodore. Jufqu'alors les chrétiens comptoient les années , ou depuis la fondation de Rome, ou par l'ordre des empereurs & des confuls, ou fuivant les autres méthodes des peuples parmi lefquels ils vivoient. Cette diverfité occafipnna une grande difpute entre les églifes d'Orient & celles d'Occident. Denis, pour la faire ceffer , propofa le premier une nouvelle forme d'année & une nouvelle ère générale , qui furent , l'une 6k l'autre , généralement re- çues en peu d'années. Denis commença fon ère à l'incarnation, ou à la fête appelée communément annon- ciation de la Vierge. Cette méthode eft en- core en ufage dans les pays de la domina- tion de la grande Bretagne , mais elle n'eft plus en ufage que là ; dans les autres pays de l'Europe , on commence l'année au premier janvier, excepté en cour de Rome , où Vépoque de l'incarnation eft encore em- ployée dans la date des bulles. Voye^ In- carnation. Il faut ajouter que dans cette époque de Denis il y a une méprife : on croit com- munément qu'il a mis la naiffance de J. C. un an trop tard , ou que J, C. étoit né E P O l'hiver d'avant celui que Denis marque pour la conception. Mais la vérité eft que cette faute doit être imputée à Bede qui a mal entendu Denis , & dont nous fuivons l'interprétation ; c'eft ce que le P. Petau a fort bien prouvé par les lettres mêmes de Denis. Car Denis commence fon cycle à l'année 4712. de la période julienne, mais il ne commence fon époque qu'à lannée 4713 ,011 l'ère vulgaire fuppofe que J. C. a été incarné. Ainfi la première année de J. C. félon l'époque vulgaire , eft la féconde félon le calcul de Denis. Par conféquent la préfente année 1755 devroit être en rigueur 1756; quelques chronologiftes prétendent même qu'il y a erreur , non-feulement d'un an , mais de deux. C'eft à cette ère vulgaire que les Chro- nologiftes réduifent toutes les autres époques comme à un point fixe & déterminé : ce- pendant il n'y a aucune de ces époques qui ne foit le fujet de quelque difpute, tant il y a d'incertitude dans la doclrirte des temps. Nous allons rapporter les principa- les de ces époques t réduites à la période julienne. Y? époque de la création , orbis conditi , appelée aufli époque juive , eft félon le cal- cul des Juifs , l'année 9 n de la période ju- lienne , qui répond à l'année 3761 avant J. C. & commence au 7 d'odobie. Donc fi on ôte 951 ans dune année donnée de la période julienne , le refte fera l'année de Ycpoque juive qui y répond. Par exemple, la préfente année étant la 6459 de la période julienne , fe trouvera être la 5507 de Vépoque juive; ou de la création du monde. Cette époque eft encore en ufage parmi les Juifs. \J époque de la création , en ufage parmi les hiftoriens grecs , eft l'année 787 avant la période julienne , répondant à l'année 5 jco avant J. C. Ajoutant donc 787 à une année donnée de la période julienne , la fomme eft l'an- née de cette époque: par exemple, 6459 étant l'année où nous fommes de la période julienne , la préfente année de cette époque^ ou de l'âge du monde , fuivant le calcul des Grecs, fera 7146, E P O L'auteur de cette époque eft Jules Afri- cain qui Ta tirée des Hiftoriens. Mais quand on voulut s'en fervir dans l'ufage civil , il fallut y ajouter huit ans , afin que chaque année divifée par quinze pût marquer l'in- di&ion dont les empereurs d'Orient fe fer- voient pour dater leurs Chartres & leurs diplômes. L'époque de la création en ufage parmi les Grecs modernes & parmi les RufHens , eft l'année 73 s avant la période julienne, ou l'année 5509 avant J. C. commençant au premier de feptembre ; cependant les Rufîiens ont admis dans la fuite le calen- drier julien ,qui commence l'année au pre- mier de janvier. Ajoutant donc 79 j à une année donnée de la période julienne , la fomme fera l'an- née de cette époque ; ainfi l'année julienne étant aujourd'hui 6468 , la préfente année de la création , félon ce calcul , fera 7163 ; & de la préfente année 7163 , ôtantj5oo, le refte fera l'année courante 175;. . Cette ère étoit employée par les empe- reurs d'Orient dans leurs diplômes , & c'eft pour cela aufli qu'on Pappelloit l'ère civile des Grecs. Elle eft en effet la même que IV- poque de la période conftantinopolitaine ; c'eft pourquoi quelques-uns l'appellent l'é- poque de la période de Conftantinople. Voye[ Période. L' 'époque alexanirienne de la création , eft l'année 7^0 avant la période julienne, qui répond à l'année 5494 > avant J. C. & qui commence au Z9 d'août. Ajoutant donc J493 à la préfente année <îe J. C. 1755 > la fomme 72.48 donnera la préfente année de cette époque , ou les années écoulées depuis la création , en fuivant cette méthode de calculer. Cette époque fut imaginée par Panodore, moine égyptien , pour faciliter le calcul de la Pâque ; c'eft pourquoi quelques auteurs î'appellerit V époque eccléfiaflique grecque. "L'époque eufebienne de la création , eft l'année 486 de la période julienne , qui ré- pond à l'année 4228 avant J. C. & com- mence en automne. «• Otant donc 486 de la préfente année ju- lienne 6468 , ou ajoutant 4228 à la préfente année de J. C. , le nombre J983 qui en ré- E P O 173 fuite , fera la préfente année , fuivant 17- poque eufebienne. Cette époque eft celle qui eft fui vie dans la chronique d'Eufebe & dans le martyro- loge romain. L'époque des olympiades eft l'année 3938 , de la période julienne , répondant à l'année 776 avant J.C. , &à l'année 2985 de la créa- tion ; elle commence à la pleine-lune qui fuit le folftice d'été , & chaque olympiade renferme quatre ans. Cette époque eft fort célèbre dans l'hif- toire ancienne ; elle étoit en ufage princi- palement chez les Grecs , & tiroit fon ori- gine des jeux olympiques, que l'on célébroic au commencement de chaque cinquième année. Voye[ OLYMPIADE. Epoque de la fondation de Rome , ou Urbis conditœ, V. C. eft l'année 3961 delà période julienne , félon Varron ; ou l'année 3961 , félon les faftes capitolins relie répond à fan- née 753, ou 75a avant J. C. & commence au ai d'avril. Donc fi les années de cette époque font moindres que 754 , il faudra les fouftraire de 754 ou 7^3 , pour avoir les années correfpondantes avant J. C. Si elles font plus grandes que 7^4, il faudra les ajouter pour avoir l'année de la fondation de Rome , & en fouftraire 75-4 pour avoir l'année de J. C. ; ainfi , félon le calcul de Varron , la préfente année 175 5 eft la 2 5 1 8e. de la fondation de Rome. 1? époque de Nabonajfar eft l'année 3967 de la période julienne , qui répond à l'an- née 747 avant J. C. , & commence au 2.6 de février. Cette ère eft ainfi. appelée du nom de fon inftituteur NabonafTar, roideBabylone , & c'eft celle dontPtoIomées'eft fervi dans les obfervations aftronomiques , aufli bien que Cenforin & plufîeurs autres. L'époque dioclétienne , ou V époque des mar- tyrs, eft l'année 49 9 7 de lapériode julienne, répondant à l'année 193 de J. C. On l'appelle ère des martyrs , à caufe du grand nombre de chrétiens qui foufFrirent le mar- tyre fous le règne de cet empereur. Les Abyflins , qui s'en fervent encore dans toutes leurs computations , l'appellent les années de grâce : cependant leurs années ne forment pas une fuite continue depuis cette époque ; mais quand la période Dyoni* 774 E P O fïennede f34eft expirée ,iîs recommencent à compter de nouveau par i , i , &c. JJ époque de P hégire , OU époque mahométane, eft l'année 5355 de la période julienne , qui répond à l'an 622 de J. C. Elle commepce au 16 de juillet , qui eft le jour où Maho- met s'enfuit de la Meque à Médine. Cette époque eft celle dont fe fervent les Turcs & les Arabes , & en général tous les Mufulmans fe&ateurs de la loi de Maho- met. Son premier iniiituteur fut Omar , troifieme empereur des Turcs. Les aftrono- mes Alfraganus , Albategnius , Alphonfe , & Ulugh-Beigh mettent la fuite de Maho- met au 1 f de juillet ; mais tous les peuples qui font ufage de cette époque , la fixent au 16 de ce même mois. Voye^ HÉGIRE. \J époque des Séleucides , dont les Macé- doniens fe fervoient , eft l'année 4402 de la période julienne , répondant à l'année 5 1 1 avant Jefus-Chrift. Voye^ SÉLEUCIDES. L' époque perfien ne , ou yejdegerdique , eft Tannée 5345 delà période julienne, répon- dant à l'année 632 de J. C. , & commen- çant au 16 de juin. Cette époque eft fixée à la mort d'Yezde- gerde, dernier roi de Perfe , tué dans une bataille contre les Sarrafins. Epoque julienne , ou époque des années juliennes , eft l'année 4668 de la période julienne , répondant à l'année 4J avant Jefus-Chrift. Cette époque commence à l'année où Ju- les-Céfar réforma le calendrier. On ap- pelle cette année , année de confufion. Voye[ f article AN. Epoque grégorienne , voye^ GRÉGORIEN. Epoque efpagnole , eft l'année 4676 de la période julienne, répondant à l'année 38 avant J. C. Voye^ Ere. \J époque acliaque ou aâienne , eft l'année 4684 delà période julienne, répondant à l'année 30 avant J. C. & commençant au 19 d'août. Les autres mémorables époques font celles du déluge, l'an 1656 de la création ; la naiflance d'Abraham en a.079 ; l'exode des Ifraélites , ou leur fortie d'Egypte en 2544; la conftrudion du temple de Jérufalem en ico2 ; la deftrudion de ce même temple fan 50 de J. C. ; la prife de Conftantinople par les Turcs en 1453 ùc. Chambers. ( G j E P O *ÉPOTIDES , f. f. Hifi anc. ) poutres ou grofles pièces de bois qui s'avançoienc aux deux cotés de la proue , pour empêcher les coups violens des éperons : leur faillie étoit d'environ fix coudées ÉPOUSAILLES , f. f. pi. ( Jurifprud. ) Ce terme dans les coutumes flgnifie la même chofe que la bénédiction nuptiale : par exemple , la coutume de Paris , art. 9.2.0 , dit que la communauté commence au jour des époufailles & bénédi&ion nuptiale. Voy. Mariage, {a) ÉPOUSSETTE , f. f. ( Manège * Mare* chall. ) nom qui a été donné à un morceau d'une étoffe quelconque, dont fe fervent les palfreniers pour chafler & pour faire voler la poufîiere & la crafte qu'ils ont atti- rées & laifféesà la fuperficie du corps &des poils du cheval en l'étrillant. Vépouflette eft communément faite d'en- viron une aune de quelque drap de laine très-grofïier. Il en eft defrife que Ton humecte & que l'on pafle après la brofTe & le bouchon de paille , dans l'intention d'unir parfaitement le poil. Il en eft de crin , que Ton emploie au même ufage. Il en eft encore de toile , dont les palfreniers fe font un tablier en travail- lant. ( e ) ÉPOUSSETTE , ( Gravure. ) c'eft une efpece de brofTe ou gros pinceau fait de la queue du petit-gris , qui fert à nettoyer le deffus de la planche verniffée, des ordures & portions du vernis détachées dans le travail, par la pointe & les autres outils employés. EPOUSSETER un cheval, ( Manège Maréchall. ) c'eft enlever la poufîiere & la crafTe que l'étrille a détachées de la peau , & qui fe trouvent engagées entre les poils. Voyez Panser & Ëpoussette. ( e ) ÉPOUSSETOIR, f. m. ( Metteur en oeuvre. ) petit pinceau de poil fort doux , & tenu proprement dans un étui , dont les Metteurs en œuvre fe fervent pour ôter la poufîiere & le duvet qui pourraient être reftésfur le diamant , lorfqu'on l'anettsjrf avec une houpe avant que de l'arrêter dam fon œuvre. ÉPOUVANTAI!. , f. m. ( Jardinage* I E P R ce font des haillons que l'on met au bout d'une perche , pour épouvanter les oifeaux & les bêtes noires qui viennent manger les graines & les raifins. (-K) EPPINGEN, ( Géog. mod. ) ville du Pa- latinat du Rhin en Allemagne, furl'Efalts. Long. nj. 34. ht. 49. 22. EPREINTES , {Médec.) douleurs vives au rectum , à la veflie ou à la matrice, & qui font faire des efforts comme pour pouffer au dehors la caufe irritante , quelle qu'elle foit. On reftraint vulgairement le terme cYépreintes à une maladie du fondement , qui caufe de fréquentes & inutiles envies d'aller à la felle. V. Tenesme. Ladiffente- rie & les hémoi rhoïdes cau'ent des épreintes, dont la continuation produit aflez ordinai- rement le renverfement de la membrane interne du recium. Pour prévenir cet incon- vénient, & pour y remédier , il eft très-utile de fe tenir le fiége dans du lait ou dans une décocHon de plantes émolli entes, afin que la membrane qui, poufféepar les efforts répétés, forme un bourrelet à l'extérieur, foit hu- mectée, baignée & rafraîchie, & qu'elle de- vienne moins fufceptible de l'impreflion des caufes irritantes. Ce traitement local calme la tenfion inflammatoire. Mais quand les douleurs & les accidens diminuent , ri l'on continue les injections , il eft à propos de rendre la liqueur un peu réfolutive , par l'addition des fleurs de camomille , de mé- lilot , de fureau , &c aux plantes émollien- tes. On fupprime enfin celles-ci, pour ajou- ter aux fleurs fufdites celles de rofes rouges, &c. fur-tout fi le relâchement de la mem- brane a été confidérable, afin de fortifier les parties que la maladie & les remèdes relâchans , qui conviennent dans Ton com- mencement & fes progrès , ont affoiblies. Ceux qui ont la pierre dans la veffie , font fujes aux épreintes du reâum , par la com- munication qu'il y a entre ces parties , par Je moyen des nerfs & des vaiffeaux. La veflie a aufli des épreintes dans la plu- part de fes maladies, & dans celles des parties qui Pavoifinent. L'envie fréquente d'uriner, dans laquelle les malades rendent l'urine en petite quantité & avec grande douleur , a été appelée tenefme de la vejfie , & plus communément Jlrangurie. Voyez #e mot. Cette maladie peut avoir pour caufe E P R 77« occafionneîle les embarras du canal de I'u- retre. Voye^ CarnositÉ. Une veflie ra- cornie , des parois de laquelle il exude une humeur muqueufe fufceptible de devenir acre , eft fujette aux épreintes. Lorfque la capacité de la veflie eft diminuée, les en- vies d'uriner doivent être fréquentes, parce qu'une petite quantité d'urine fait une im- preffion fenfible fur les parois de cet organe. Une boiffon adouciffante , & fort abon- dante , relâche & diftend la veflie; mais il faut avoir foin que la fecrétion de l'urine , qui eft augmentée , trouve une iffue libre ; & l'ufage de la fonde placée dans la veffie , eft un moyen fans lequel les malades ne fe détermineroient pas à boire plus copieufe- ment,parce qu'ils ont la fâcheufe expérience qu'ils fouffrent d'autant plus, qu'ils urinent plus fréquemment : aufîi la plupart crai- gnent-ils de boire. Les injeclions qu'on fait dans la veflie , délaient & entraînent les matières qui y croupifToient , & concourent efficacement avec la boiffon , à mondifier la cavité de ce vifeere dans les cas fufdits t & dans celui d'ulcération. Les vaiffeaux variqueux ' l'orifice de la veflie , font fufceptibles de gonflement , de phlogofe & d'inflammation ; de là des épreintes , ou ce fentiment douloureux qui excite continuellement à faire des efforts pour uriner , la veflie même étant vuide. Quoiqu'on reçoive dans ce cas du foulage- ment de la fonde biffée dans la veflie, il n'eft pas néceffaire d'y avoir recours , l'u- fage des bougies eft fuffifant, il faut les augmenter de volume par degré ; & com- me elles ne doivent agir qu'en comprimant les vaiffeaux , elles doivent être très- adouciffantes. Le blanc de baleine , l'huile d'amandes douces, & la quantité de cire néceffaire pour donner la confiftance re- quife , font les feuls ingrédiens qui entrent danslacompofitionde ces fortes de bougies. Quand la chute de la matrice eft compli- quée d'inflammation , il furvient difficulté* & fréquence d'uriner : ce font des épreintes fymptomatiques , la réduction de la ma- trice les fait cefler. On excite des épreintes par des lavemens acres , pour procurer la fortie d'un enfant mort , ou du placenta refté dans la matrice. Cet effet des lavemens irritans montre 77$ EPK l'utilité des anodins dans les cas ou il faut relâcher & de'tendre , comme dans l'in- flammation de la matrice , de la veflle , & des parties circonvoifines. (Y) EPREINTES: c'eft ainlî qu'on nomme les fientes des loutres. * EPREUVE, ESSAI, EXPÉRIENCE, ( Gram. ) termes relatifs à la manière dont nous acque'rons la connoiflance des objets. Nous nous affurons par {'épreuve , fi la chofe a la qualité que nous lui croyons ; par Vejfai , quelles font les qualités ; par X expérience , fi elle eft. Vous appprendrez par expérience que les hommes ne vous manquent jamais dans certaines circonf- tances. Si vous faites Vejfai d'une recette fur des animaux , vous pourrez enfuite l'employer plus sûrement fur l'efpece hu- maine. Si vous voulez conferver vos amis, ne les mettez point à des épreuves trop for- tes. L'expérience eft relative à l'exiftence, Vejfai à Pufage , Y épreuve aux attributs. On dit d'un homme qu'il eft expérimenté dans un art , quand il y a long-temps qu'il le pratique ; qu'une arme a été éprouvée, lorfqu'on lui a fait fubir certaines charges de poudre p.refcrites ; qu'on a ejfayé un habit , lorfqu'on l'a mis une première fois pour juger s'il fait bien. Epreuve, f. f. {Jtbfi. moi.) manière de juger &: de décider de la vérité ou de la faufleté des açcufations en matière crimi- nelle , reçue & fort en ufage dans le neu- vième, le dixième & le onzième fiecles, qui a même fubfifté plus long- temps dans certains pays, & qui eft heureufement abolie. Ces jugemens étoient nommés jugemens de Dieu , parce que l'on étoit perfuadé que l'événement de ces épreuves, qui auroit pu en toute autre occafion être imputé au hafard , étoit dans celle-ci un jugement formel , par lequel Dieu faifoit connoître clairement la vérité en punifïànt le cou- pable. Il y avoit plufieurs efpeces d'épreuves: mais elles fe rapportoient toutes à trois principales ; favoir le ferment , le duel , & l'ordalie-, ou épreuve par les éiémens, \S épreuve par ferment , qu'on nommoit aufli purgation canonique, fe fafoit de plu- jfieurs manières ; i'aççufé qui étoit obligé EPR de le prêter , & qu'on nommoit jurator ou facramentalis , prenoit une poignée d'épis, les jetoit en l'air, en atteftant le ciel de fon innocence : quelquefois une lance à la main , il déclaroit qu'il étoit prêt à foutenir par le fer ce qu'il affirmoit par ferment j mais l'ufage le plus ordinaires, & le feul qui fubfifla le plus long-temps , étoit de jurer fur un tombeau , fur des reli- ques , fur l'autel , fur les évangiles. On voit parles loix de Childebert, par celles des Bourguignons & des Frifons, que l'accufé étoit admis à faire jurer avec lui douze témoins , qu'on appeloit conjurât ores ou compurgatores. Quelquefois , malgré le ferment de l'ac- cufé , l'accufateur perfiftoit dans fon accu- fation ; & alors celui-ci , pour preuve de la vérité , & l'accufé , pour preuve de fon innocence , ou tous deux enfemb'.e , demandoient le combat. Il falloit y être autorifé par fentence du juge , & c'eft ce qu'on appeloit épreuve par le duel. Voye% Duel, Combat, & Champion. A ce que nous en avons détaillé fous ces mots, nous ajouterons feulement ici que , quoique certaines circonftances mar- quées par les loix faites à ce fujet , & les difpenfes de condition & d'état, empê- chafïent le duel en quelques occafions , rien n'en pouvoit difpenfer, quand on étoit aceufé de trahifon : les princes du fang même étoient obligés au combat. Nous obferverons encore que Xépreuve par le duel étoit fi commune, & devint fî fort du goût de ce temps-là , qu'après avoir été employée dans les affaires criminelles , on s'en fervit indifféremment pour décider toutes fortes de queftions, foit publiques, foit particulières. S'il s'élevoit une difpute fur la propriété d'un fonds , fur l'état d'une perfonne, fur le fens d'une loi ; fi le droit n'étoit pas bien clair de part & d'autre , on prenoit des champions pour l'éclaircir. Ainfi l'empereur Othon I , vers l'an 968 , fit décider fi la repréfentation avoit lieu en ligne directe, par un duel , où le cham- pion nommé pour foutenir l'affirmative demeura vainqueur. \1 ordalie , terme faxon , ne fignifioit originairement qu'un jugement en général ; mais comme les épreuves pafioient pour les jugemens E P R ugemens par excellence, on n'appliqua j cette dénomination qu'à ces derniers , & l'ufage le détermina dans la fuite aux feules épreuves par les élémens , & à toutes celles dont ufoit le peuple. Oa en diftinguoit deux efoeces principales , Vépreuve par le feu , & Vépreuve par l'eau. La première , & celle dont fe fervoient aufîi les nobles , les prêtres , & autres per- fonnes libres qu'on difpenfoit du combat , étoit la preuve par le fer ardent. C étoit «nebjrrede fer d'environ trois livres pe- fant ; ce fer écoit béni avec plufieurs céré- monies , & gardé dans une églife qui avoit ce privilège , & à laquelle on payoit un droit pour faire Vépreuve. L'accufé , après avoir jeûné trois jours au pain & à l'eau , entendoit la mefTe ; il y communioit & faifoit , avant que de recevoir l'euchariftie , ferment de fon in- nocence ; il étoit conduit à "l'endroit de Péglife deftiné à faire Vépreuve ; on lui jetoit de l'eau bénite ; il en buvoit même ; en- fuite il prenoit le fer qu'on avoit fait rougir plus ou moins , félon les préfomptions & la gravité du crime ; ii le foulevoit deux ou trois fois , ou le portoit plus ou moins loin , félon fa fentence. Cependant les prêtres récitoient les prières qui étoient d'ufage. On lui mettoit enfuite la main dans un fac que Ion fermoit exactement , & fur lequel le juge & la partie adverfe appofoient leurs fceaux pour les lever trois, jours après ; alors s'il ne paroiffoit point de marque de brûlure , & quelque fois aufîi , fuivant la nature & à Pinfpection de la plaie , l'accufé étoit abfous ou déclaré cou- pable. La même épreuve fe faifoit encore en mettant la main dans un gantelet de fer rouge , ou en marchant nuds pies fur des barres de fer jufqu'au nombre de douze , mais ordinairement de neuf. Ces fortes d'épreuves font appelées ketelvang dans les anciennes loix de Pays-Bas , & fur-tout dans celles de Frife. On peut encore rapporter à cette efpece ^épreuve celle qui fe faifoit ou en portant du feu dans fes habits , ou en paffant au- travers d'un bûcher allumé , ou en y je- tant des livres pour juger s'ils brûloient ou non , de l'ortodoxie ou de la faulTeté Tome XI J, E P R 7?7 des chofes qu'ils contenoient. Les hi&> riens en rapportent plufieurs exemples. 1? ordalie par feau fe faifoit ou par l'eau bouillante , ou par l'eau froide ; Vépreuve par l'eau bouillante étoit accompagnée des mêmes cérémonies que celle du fer chaud , & confiftoit à plonger la main dans une cuve pour y prendre un anneau qui y étoit fufpendu plus ou moins profondément. L: 'épreuve par l'eau froide , qui étoic celle du petit peuple , fe faifoit afïez fim- plement. Après quelques oraifons pronon- cées fur le patient , on lui lioit la main droite avec le pié gauche , & la main gauche avec le pié droit , & dans cet étac on le jetoit à l'eau. S'il furnageoit , on le traitoit en criminel ; s'il enfonçoit , il étoic déclaré innocent. Sur ce pie-là il devoit fa trouver peu de coupables , parce qu'un homme en cet état ne pouvant faire aucun mouvement, & fon volume étant d'un poids fupérieur à un volume égal d'eau , il doit nécessairement enfoncer. Dans cette épreuve le miracle devoit s'opérer fur le coupable , au lieu que dans celle du feu , il devoit arriver dans la perfonne de l'in- nocent. Il eft encore parlé dans les ancien- nes loix de Vépreuve de la croix , de celle de l'euchariftie , & de celle du pain Se du fromage. Dans Vépreuve delà croixles deux parties fe tenoient devant une croix les bras éle- vés ; celle des deux qui tomboit la première de laffitude perdoit fa caufe. \J épreuve de l'euchariftie fe faifoit en recevant la com- munion , & occafionnoit bien des parjures facrileges. Dans la troifieme on donnoit à ceux qui étoient acculés de vol , un mor- ceau de pain d'orge & un morceau de fro- mage de brebis fur lefquels on avoit dit la mefTe ; 8c lorfque les aceufés ne pouvoienc avaler ce morceau , ils étoient cenfés cou- pables. M. du Cange , au mot cormed , re- marque que cette façon de parler , que ce morceau de pain me puijfe étrangler , vient de ces fortes $ épreuves par le pain. Il eft confiant , par le témoignage d'une t foule d'hiftoriens & d'autres écrivains , que toutes ces différentes fortes à' épreuves ont été en ufage dans prefque toute l'Europe , & qu'elles ont été approuvées par des pa- pes , des conciles , & ordonnées par de Fffff 778 ÊPR loix des rois & des empereurs. Mais il ne I'eft pas moins qu'elles n'ont jamais été ap- prouvées par l'Eglife. Dès le commence- ment du jx. fîecle , Agobard , archevêque de Lyon , e'crivit avec force contre la da.nnable opinion de ceux qui prétendent que Dieu fait connoître fa. volonté Ù fon jugement par les épreuves de Veau & du feu , & autres femblables. Il fe recrie vive- ment contre le nom de jugement de Dieu qu'on ofoit donner à ces épreuves ; comme fi Dieu , dit-il , les avait ordonnées , ou s' il devoit fe joumettre à nos préjugés & à nos fentimens particuliers pour nous révéler tout ce qù il nous fiait de favoir. Yves de Char- tres , dans le xj. fîecle , les a attaquées , & cite à ce fujet une lettre du pape Etienne V à Lambert, évèque de Mayence , qui eft aufïï rapportée dans le décret de Gratien. Les papes Celeftin III , Innocent III & Honorius III y réitèrent ces défenfes. Qua- tre conciles provinciaux afïemblés en 819 par Louis le Débonnaire , & le jv. concile général de Latran , les défendirent. Ce • qui prouve que l'Eglife en général , bien loin d'y reconnoître le doigt de Dieu , les a toujours regardées comme lui étant inju- ri eu fes& favorables au menfonge.De-là les théologiens les plus fages ont foutenu après Yves de Chartres & S. Thomas» qu'elles étoient condamnables parce qu'on y tentoit I Dieu toutes les fois qu'on y avoit recours , 1 parce qu'il n'y a de fa part aucun corn- { mandement qui les ordonne , parce qu'on j veut connoître par cette voie des chofes , cachées qu'il n'appartient qu'à Dieu feul ' de connoître. D'où ils concluent que c'eft 1 à jufte titre qu'elles ont été proferites par î les fouverains pontifes & par les conciles. \ Mais les défenfeurs de ces épreuves op- | poforent pour leur jufiification les mirac'es dont elles étoient fouvent accompagnées. Ce qui ne doit s'entendre que des ordalies ; ' car pour V épreuve par le ferment , le duel , j h croix y ùc elles n'av oient rien que d'hu- ; main 6c de naturel ; & delà naît une autre queflion très-importante , favoir de quel principe part le merveilleux ou le fur- naturel qu'une infinité d'auteurs contem- porains atteftent avoir accompagné o s f/?rei/ve5.Vient-il de Dieu, vient-il du démon? Les théologiens même* qui condan> eh noient les épreuves , fans contefter la viriti de ces miracles , n'ont pas balancé à en attribuer le merveilleux au démon ; ce que Dieu permettoit , difoient-ils , pour punir l'audace qu'on avoit de tenter fa toute- puifTance par ces voies fuperftitieufes ; fentiment qui peut fournir de grandes difficultés. Un auteur moderne qui a écrie fur la vérité de la religion , prétend que Dieu eft intervenu quelquefois dans ces épreuves , ou par lui - même , ou par le miniftere des bons anges, pour fufpendre l'activité des flammes & de l'eau bouil- lante en faveur des innocens , fur - tout: lorfqu'il s'agiffoit de doctrine ; mais il convient d'un autre coté que ii le merveil- leux eft arrivé dans le cas d'une aceufatiou criminelle fur la vérité ou la fauiTeté de laquelle ni la raifon ni la révélation ne donnoient aucune lumière , il eil impof- fible de décider qui de Dieu ou du démon en étoit l'auteur ; & s'il ne dit pas nette- ment que c'étoit celui-ci, il le lailïe en- trevoir. M. Duclos , de l'académie des Belles- Lettres , dans une difTertation fur ces épreuves , prétend au contraire qu'il n'y avoit point de merveilleux , mais beau- coup d'ignorance , de crédulité , & de fuperftition. Quant aux faits il les combat, foit en infirmant l'autorité des auteurs qui les ont rapportés, foit en développant l'ar- tifice de plufieurs épreuves, foit en tirant des circonftances dont elles étoient ac- compagnées des raifons de douter du fur- naturel qu'on a prétendu y trouver. Oa peut les voir dans l'écrit même d'où nous avons tiré la plus grande partie de cet ar- ticle , & auquel nous renvoyons le lecteur comme à un exemple excellent de la logi- que dont il faut faire ufage dans l'examen- d'une infinité de cas femblables. Mém. de- iacad.tcm. XV. (G) Comme toutes les épreuves dont on vienc de parler s'appeloient en Saxon ordéal , or- déal par le feu , ordéal par l'eau , &c. il eu arrivé que leur durée a été beaucoup plus, grande dans le Nord , que par-tout ail- leurs. Elles ontfubfifté en Angleterre juf- qu'au xiij fîecle. Alors elles furent aban- données par les juges , fans être encore fu: primées par a&e du parlement 3 mais E P R enfin leur ufage cefTa totalement en 1 1 j 7. 'j Emma mère d'Edouard le confeffeur, avoit elle-même fubi Yépreuve du fer chaud. La coutume qu'avoient les payfans d'Angle- terre dans Je dernier fiecle de faire les épreuves des forciers en les jetant dans l'eau froide pies & poings liés , eft vrai- fembiablement un refte de Yordéal par l'eau ; & cette pratique ne s'eft pas con- fervee moins long- temps dans nos provin- ces, où l'on y a fouvent affujetti, même par fentence de juge , ceux qu'on faifoit pafler pour forciers. Non-feulement l'Eglife toléra pendant des iiecles toutes les épreuves , mais elle en indiqua les cérémonies , donna la formule des prières , des imprécations , des exor- cifmes, & fouftrit que les prêtres y prê- taient leur miniftere ; fouvent même ils étoient acteurs , témoin Pierre Ignée. Mais pourquoi dans Yépreuve de l'eau froide, efti- moit-on coupable & non pas innocent , celui qui furnageoit ? C'eft parce que dans l'opi- nion publique , c'étoit une démonflration que l'eau ( que l'on avoit eu la précaution de bénir auparavant ) ne vonloit pas recevoir faccufé , & qu'il falloit par conféquent le regarder comme très-criminel. La loi faHque en admettant Yépreuve par Peau bouillante , permettoit du moins de racheter fa main du confentement de la partie , & même de donner un fubîîitut : c'eii ce que fit la reine Teutberge , bru de l'empereur Lothaire, petit-fils de Charle- magne , accufée d'avoir commis un incefte avec fon frère moine & fous-diacre : elle nomma un champion qui fe fournit pour elle à Yépreuve de l'eau bouillante , en préience d'une cour nombreufe ; il prit l'anneau béni fans brûler. On juge aifé- ment que dans ces fortes d'aventures , les juges fermoient les yeux fur les artifices dont on fe fervoit pour faire croire qu'on plongeoit la main dans l'eau bouillante , car il y a bien des manières de tromper. On n'oubliera jamais , en fait ^épreuve , le défi du dominicain qui s'offrit de pafler à travers un bûcher pour juftifier la fain- tcté de Savonaroîe , tandis qu'un cordelier propafa la même épreuve pour démontrer que Savonaroîe étoit un fcélérat. Le peu- ple ayide d'un tel fpe&acle en preifa l'exé- E P R 719 cctîon ; le magifcrat fut contraint d'y foufcrire ; mais les deux champions s'ai- dèrent l'un l'autre à fortir de ce mauvais pas , & ne donnèrent point l'afFreule co- médie qu'ils avoient préparée. Bien des gens admirent que les peu- ples aient pu ii long-temps fe figurer que les épreuves fuflent des moyens fins pour découvrir la vérité, tandis que tout con- couroit à démontrer leur incertitude, outre que les rufes dont on les voiloit auroient dû défabufer le monde ; mais ignore-t-on que l'empire de la fuperftition eft de tous les em- pires le plus aveugle & le plus durable? Au refte les curieux peuvent confulter Heinius , Ebeîingius, Cordemoy , du Can- ge , le P. Mabillon , le célèbre Ba^ze , & plufieurs autres favans qui ont traité fort au long des épreuves , ou pour mieux dire , des monumens les plus bizarres qu'on con- noiffe de l'erreur & de l'extravagance de l'efprit humain dans la partie du monde que nous habitons. Article de M. le Cheva- lier job Jaucourt. Epreuve des fusils de munition. Voy. Poudre a éprouver le canon. Epreuve , f. f. Voye^ Canon. Pour 1' épreuve de la poudre , voye^ POU- DRE S'ÉPROUVETTE. (Q) EPREUVE , dans l'ufage de f Imprimerie, s'entend des premières feuilles que l'on im- prime fur la forme après qu'elle a été impo- lee : la première épreuveÇe doit lire a l'Impri- merie fur la copie ; c'eft fur cette première épreuve que fe marquent les fautes que le compofîteur a faites dans l'arrangement des caractères. La féconde qu'on envoie à l'auteur ou au correcteur, devroit unique- ment fervir pour fuppîéer à ce qui a été omis à la correction delà première; mais prefque tous les auteurs ne voient les épreu- ves que pour fe corriger eux-mêmes , & font des changemens qui en occafionnent une troisième , & quelquefois même une quatrième ; ce qui pour l'ordinaire déran- ge toute l'économie d'un ouvrage , & pro- longe les opérations à l'infini. EPREUVE, dans Y Imprimerie en taille- douce , fe dit de la feuille de papier impri- mée fur une planche , dont avant on avoit rempli toutes les gravures d'encre , qui eft un n©ir à l'huile fort épais : ce noir fort au F f f f f 2 78o E PR moyen de la prefîïon de la preffe des gra- vures du creux de la planche , & s'attache à la feuille de papier qui repréfente trait pour trait , mais en fens contraire , toutes les hachures de la planche : en ce fens toutes les planches du Dictionnaire En- cyclopédique feront des épreuves des cui- vres gravés qui auront fervi à les im- primer. EPROUVETTE, fub. f. c'eft dans P Ar- tillerie , une machine propre à faire juger de la bonté de la poudre. Il y a des éprouvettes de plusieurs efpeces ; la plus ordinaire représentée Planche If. Art milit. fig. %. confifte dans une manière de batterie -Fde piftolet , avec fon chien & fon baffinct , montée fur un petit fût de bois , dont le canon G, qui eft de fer & long d'un peu plus d'un p^ uce , eft placé verti- calement pour recevoir la poudre que l'on veut éprouver. Ce canon eft couvert d'un petit couvercle de fer qui tient à une roue dentelée H , dont les crans font arrêtés par un reflbrt/qui eft au bout du fût. Quand on lâche la détente de la batterie , la pou- dre voulant fortir du canon chafïè la roue avec violence , & lui fait parcourir un certain nombre de crans , qui eft ce qui marque la bonne ou la mauvaife poudre ; ce nombre néanmoins , pour la qualité de la poudre en général , n'eft point fixé ; ainfi ce n'eft que par la comparaifon d'une poudre avec une autre que l'on peut fe rendre certain de la bonté de celle qu'on éprouve, La figure $. de la même Planche IL re- préfente une autre éprouvette qui ne diffère guère de la précédente , qu'en ce que le canon qui contient la poudre eft placé en K d'une manière différente : fa lumière eft en L ; M eft le couvercle du canon K , qui eft élevé par la poudre , & qui s'ar- rête dans la roue au moyen des crans qui y font renfermés , & qui ne fe voient point par le profil. N y eft une clé ou vis , laquelle preffant le refibrt O , le lâche & le ferre comme on veut. La fig. 4. eft aufii une éprouvette d'une autre efpece : elle eft compofée d'une pla- que de cuivre jaune A , A , fur laquelle eft çieufé le baflinet où fe met l'amorc? , & E P R qui répond à la lumière. Elle a un eancn B , où fe met la charge de la poudre. C'eft un poids mafîïf , qui s'élève plus ou moins haut fui vant la force de la poudre, & qui eft retenu par les crans de la cremailliere D. E & E font deux tenons qui s'ouvrent lorfque le poids s'élève , & qui l'empê- chent de defcendre quand il eft une ibis élevé. Toutes les différentes fortes $ éprouvettes qu'on vient de décrire , ne peuvent fcrvir qu'à faire juger de pluiàeurs efpeces de pou- dres quelle peut être la meilleure. C'eft pourquoi pour avoir quelque chofe de plus précis , le feu roi Louis XIV , par une or- donnance du 18 feptembre 16&6 , qui eft encore en ufage aujoud'hui, a ordonné que Tépreuve de la poudre fe feroit avec un petit mortier qui chafTeroit un boulet de 60 livres à la diftance au moins de jo toifes avec trois onces de poudre feulement. Si le boulet va à une plus petite diftance , la poudre n'eft pas reçue dans les ariénaux de Sa Majefté. La figure 5. de la planche IL Art milit* fait voir ce mortier , qu'on nomme auffi éprouvette à caufe de fon ufage. Voici fes dimenfions fuivant l'ordonnance de 1686. A A le diamètre à la bouche du mor- tier porte 7 pouces & trois quarts de ligne. B B longueur de l'ame , 8 pouces 10 lignes. C C diamètre de la chambre , 1 pouce 10 lignes. B D longueur ou profondeur de la cham- bre , 2 pouces 5 lignes. E lumière au ras du fond de la cham- bre. -Fdiametrepar le dehors du mortier à la volé , 8 pouces 10 lignes. G G diamètre par le dehors du mortier à l'endroit de la chambre , 4 pouces 8 lignes & demie. H diamètre de la lumière , 1 ligne & demie. A I I'épaifTeur du métal à la bande fans comprendre le cordon , 10 lignes. JCJC la longueur de la femelle de fonre du mortier eft de 16 pouces ; la largeur de ladite femelle eft de 9 pouces, & fon épaif- feur d'un pouce 6 lignes. EPR NN le diamètre du bouîet de 60 li- vres. O une anfe répréfentant deux dauphins fe tenant par la queue , la dite anfe placée fur le milieu de la volée. P Fanguette de fonte qui tient au ventre du mortier , fur lequel il repofe , & qui ré- pond au bout de la femelle étant juftement placé dans le milieu. Voyei POUDRE A CANON. ( Q ) Une Ordonnance de 1769 , en prescri- vant de nouvelles précautions pour l'é- preuve des poudres , exigea qu'elles por- taient le globe de 60 livres à 90 toifes , le mortier étant chargé des trois onces de poudre. Une Ordonnance de i77zrédui- iit cette portée à 80 toiles. On avoit obtenu des fabricans de poudre , celle de 90 ; & une loi qui la réduifoit ne parciffant utile qu'à eux , fut abrogée en 1775 , & on re- vint à l'ordonnance de 1769 , qui eft feule fuivie aujourd'hui. Eprouvette , ( Comm. ) c'eft une ef- pece de jauge dont les commis des aides fe fervent dans les vifites qu'ils font chez les Marchands de vin & Cabaretiers, pourcon- noître ce qui relie de vin dans une futaille en vuidange. Cette eprouvette eft ordinairement une petite chaînette de fer , dont un des bouts cii appefanti par un peu de plomb. On la lait entrer par le bondon de la pièce , & lorfqu'on fent le fond on la retire , le com- mis évaluant la liqueur fur la partie de la chaine qu'il en tire humectée. Diâionn. de Comm. de Trév. Ù de Chambers. EproU V ETTE; lesPotiers d^étain nomment ainfi une petite cuiller de fer , dans la quel- le ils fondent leur étain } pour en connoître la qualité avant que de le mettre en œuvre. Voye^ POTIER d'ÉTAIN. Diclionnaire du Comm. EPS , f. f. {Jurifp. ) du latin apes , dans quelques coutumes fignifie mouches- à-miel. Vovei Amiens, art. igi.~{À) ÈPTACORDE. Foje?KEPTACORDE. EPTAGONE. Voy. Heptagone. C es mots doivent être écrits par une h , parce que dans leur racine tW« , 1* porte un efprit rude : il en eft de même d'ExAGONE , &c. au lieu que dans Ennea- gone il n'y a point d'/i , parce que 1 j EPU ^Sr d'tm'* , neuf , eft marqué d'un efprit doux. (O) EPTAMERIDE. Voye{ Heptame- RIDE. EPTAPHONE , f. m. ( Acoujîique. ) nom d'un portique de la ville d'Olympia , dans lequel on avoit ménagé un écho qui répétoitla voix fept fois de fuite. Il y a gran- de apparence que l'écho fe trouva là par hafard , & qu'enfuite les Grecs , grands charlatans , en firent honneur à Part de l'ar- chitecte (S) EPUISEMENT , f. m. ( Médecine. ) î%«pv & 6^°* > gencive j fe dit de certain tubercule ou excroiffance de chair, qui fe forme fur les gencives ou fur les par- ties qui les avoifinent , principalement vers les dernières dents molaires. Vbye% EX- CROISSANCE CHARNUE. On diiiingue deux fortes Sépulides ; favoir , celles qui ne font point accompa- gnées de douleur , & celles qui en caufent beaucoup , qui ont un caractère de mali- gnité , & font fufceptibles de devenir chan- creufes : d'ailleurs de quelque efpece qu'el- les foient ,| il y en a de dures & de molles de greffes & de petites , de larges & d'é, troites par leur bafe. Elles produifent auffi- des effets difFérens ; elles gênent les mou- vemens de la mâchoire ; elles font fi dou- loureuses qu'elles occafionnent une tenlion fpafmodique dans toutes les parties qui les environnent ; elles empêchent auffi quel- quefois la maftication par leur volume , en s'interpofant dans l'efpace qui fe forme en- tre les deux mâchoires ouvertes , & en s'oppofant à ce qu'elles fe rapprochent ; elles peuvent encore , par ces deux raifons, empêcher le libre ufage de la parole. Ces fâcheux effets déterminent à en ha* 7S2 E P U ter la cure ; on- peut l'entreprendre par îe moyen des gargarifmes fortement réfolutifs & aftringens employés fréquemment : ii les épulides ne cèdent pas affez toc à ces remèdes , il faut avoir recours à la liga- ture , quand on peut y appliquer un fil noué , & les ferrer par leur bafe , dans le cas où elle peut être faifie. L'excroilTance n'ayant plus de communication avec la partie faine , de laquelle elle forme une extenfion contre nature , fe mortifie , fe détache , & la cicatrice fe fait ai- fément. Mais lorfque la partie infé- rieure de la tumeur eft d'un trop grand volume pour pouvoir être liée , on ne peut fuppléer au défaut de ce moyen que par les corrofifs d'une médiocre activité appliqués avec prudence , ou en emportant l'ex- çroiffance avec les cifeaux ou le biftouri , de manière à ne rien prendre fur les par- ties faines. On peut aufîi tenter de l'ar- racher avec les pincettes dont on fe fert pour les polypes des narines ; & fi l'on ne peut pas réufîir à détruire entièrement Ycpulide , & qu'elle renailTe , fouvent après svoir été extirpée , quelques auteurs con- feillent l'application du cautère actuel. S'il furvient une hémorrhagie après l'o- pération , de quelque manière qu'elle fe fàfïe , on peut l'arrêter en faifant laver fouvent la bouche au malade avec du vin chaud rendu aftringent avec un peu d'a- îun , jufqu'à ce que le fang ne coule plus : pn doit enfuite s'appliquer à confoîider la plaie félon les règles de l'art. Voy. les inci- tations chirurgiques d'Heifter , d'où cet article efî extrait en partie, (d) EPULON , f.m. ( Hifi. anc. ) fignifioit anciennement , chez les Romains , un minijlrt des facrifices. Comme les pontifes ne pouvoient af- filier à tous les facrifices qu'on faifoit à Rom?, tant étoit grand le nombre âzs dieux que le peuple adoroit , ils nom- moient trois miniftres , qu'on appeloit épilones , parce qu'ils é'toient chargés du foin & du gouvernement du feftin qui fe donnoît dans les jeux publics & fo- lennels. C'étoient eux qui ordonnoient & fer- voient le facré banquet , qu'on ofFroit flans ces occafions à Jupiter , frc. Ils E P U portaient une robe bordée de pourpre comme les pontifes : leur nombre fut porte dans la fuite jufqu'à fept , & Céfar les augmenta jufqu'à dix. Ils furent établis l'an de Rome 558 , fous le confulat de L. Furius Purpureo , & de M. Claudius Marcelkis. Diclionn. de Trévoux & Cham- btrs. (G) EPULUM , chez les anciens , figni- fioit un banquet , une fête préparée pour les dieux. Voy. FETE&' LeCTISTERNE. On mettoit les ftatues des dieux fur àes couffins pofés fur des lits richement décorés, & on leur fervoit un feftin com- me fi elles euffent voulu manger. Toutes les viandes qu'on leur ofFroit tournoient au profit des miniftres des facrifices , qu'on appeloit pour cette raifon épulons. Voyez Epulon. EPURE, ( Coupe des pierres. ) du mot épurer , mettre au net , eft le defîin d'une voûte tracée fur une muraille ou fur le plancher , de la grandeur dont elle doit être exécutée , pour y prendre les mefures nécefTaires. Une épure ordinaire eft l'ex- tenfion de la douille CDHG , (fig. iz. ) à l'entour de laquelle on met les panneaux de lit CGIK, DLMH, & ceux de tête ABDC ,

) EQUARRISSOIR ,f. m. ( outil a* Horlo- gerie, ) efpece de broche d'acier trempé , un peu en pointe , qui a plufieurs pans ou faces égales , & dont ils fe fervent pour croître les trous. Le nombre des pans d'un équar- riffoir n'eft pas toujours le même ; on en fait depuis quatre jufqu'à fix pans: plus ils ont de faces , plus ils rendent ronds les trous que l'on croit : mais auîli ils les croiffent fort lentement , leurs quarres ou angles de- venant alors peu aigus : moins ils en ont , plus au contraire ils les croilfent vite ; mais aufïï moins ils les rendent ronds. Les meilleurs font ordinairement à cinq pans. (T) EQUATEUR , f. m. en AJlronomie & en Géographie , eft un grand cercle de la fphere , qui eft: également éloigné des deux pôles du monde , ou dont les pôles font lés mêmes que ceux du monde. Voye^ Cercle. Tel eft le cercle repréfenté par la ligne D A (PL ajîron. fig. 52. ) Ses pôles font P & Q. On le nomme équateur , ou parce qu'il divifela fphere en deux parties égales , ou parce que quand le foleil eft dans ce cercle , il y a égalité entre les jours & les nuits : c'eft pourquoi on l'appelle aufli équi- noxialy&r quand il eft tracé fur les cartes & les plar.ifpheres , on l'appelle la ligue iquinoxialt , ou fimplement la ligno, Voy?^ Equlnoxial. E Q U 7S2 Chaque point de Y équateur eft éloigné d'uriquartde cercle des pôles du monde: d'où il fuit que Y équateur divife la fphere en deux hémifpheres , dans l'un defqueîs eft le pôle feptentrional , &dans l'autre le méridional. PoyeçHÉMlSPHERE. h'équateur coupe la zone torride par le milieu ; le foleil décrit ce grand cercle le premier jour du printemps , & le premier jour de l'automne : ainfi il y revient deux fois par an. Les peuples qui l'habitent ont pendant toute l'année les jours égaux aux nuits. Car l'horizon des peuples qui habi- tent fous Yéquateur , palfe par l'axe de la terre , & eft perpendiculaire à tous les cer- cles parallèles à Yéquateur , dont le foleil décrit ou paroît décrire un chaque jour : d'où il s'enfuit qu'une moitié de ces cercles parallèles eft au-deffus de l'horizon des ha- bitans de X équateur, & l'autre moitié au- deftbus : ainii ils ont précifément autant do jour que de nuit , fi ce n'eft que le crépuf- culedu matin & du foir peut augmenter un peu leurs jours & diminuer leurs nuits. Les longues nuits font très-néceiTàires dans ces climats , dont le foleiî ne s'éloigne jamais de plus de 23 degrés \ ; de forte que quand il eft le plus é'oigné du zenit des habitant de Yéquateur , il en eft encore plus près qu'il ne l'eft de notre zénit fe jour du fo'ftice d'été : car il eft alors éloigné de plus de t $ degrés. Or comme la longueur des jonrs& la brièveté des nuits eft une des caufcs de la chaleur , il s'enfuit que la chaleur de Yéqua- teur n'eft pas à proportion aufl grande qu'elle devroit être > eu égard à la pofitiou du foleil. Il y a même dans ces climats , des pays qui jouiiTent d'une chaleur modé-^ rée , & , pour ainfi dire , d'un printemps perpétuel : tels font certains endroits du Pérou. Le haut des montagnes y eft aufH exeelfivement froid, comme il arrive par- tout ailleurs. Le temps égal ou moyen- de Yéquateur t s'effime par les pafîages de fes arcs fur le méridien. On a fréquemment occafion der s'en fervir , pour convertir les degrés de IV- quateuren temps, ot> pour convertir les par» ties du temps en parties de Yéquateur, Pour faire ces tfonverfions , on a dreffé la table fui vante, dans laquelle font mas- 784 EQU EQU qués les arcs de Vèquateur qui paffent par le [tes, &c. du temps moyen. Voy. ÉQUATION? méridien dans les différentes heures,minu- | DU Temps. Conversion des parties de l Equateur , en temps & réciproquement Degrés [ ' Degrés Degrés de Heures. ^/inures. Heures. de Minutes. de Minutes. l'Equat. l'Equat. l'Equat. Minutes. Minutes. - Stcondet. Tierces. Minutes. Minutes. Secondes. Minutes. Secondes. Secondes Tierces. ■ I Seconde*. Tierce^ Secondes. Secondes. Tierces. . Quartes. Secondes Tierces. Tierces. Çuarres. Tierces. Tierces. Quartes. O 4 I M I O 15 2 O 8 2 30 2 O 30 3 O 11 3 45 3 O 4y 4 0 16 4 60 4 I 0 5 O 20 y 7f y I iy IO 0 40 6 90 6 I 3° Jy I 0 9 xv IÛ 1 30 3° 2 0 12 100 20 y 0 6o 4 0 *f US 30 7 30 90 6 0 18 170 40 10 0 180 12 0 21 Mf yo 12 3° 1 360 l 24 0 24 360 60 iy 0 Il eft très-aifé de conftruire cette table : grés, dans la première colonne, on trou- car Vèquateur étant fuppofé divifé en 360 ve une heure o minutes co fécondes', auprès degrés, comme il fait fa révolution en 24 de 4 degrés, on trouve 16 minutes go fe- heures & uniformément , il s'enfuit qu'il I condes ; auprès de 10 minutes, 40 fecon- fait 15 degrés par heure ; par conféquent; &c. L'opération fe réduit à multiplier par 15 le temps qu'on veut réduire en parties du cercle , ou à divifer par 15 les parties de Ve'quateur qu'il s'agit de convertir en temps. La converfion du temps en parties de Yéquaceur eft différente de la converfion en temps folaire moyen dans laquelle on pr^nd 3600 59' W pour vingt -quatre heures , ou 1 50 2/ 27" & pour chaque heure; c'eft le nombre des parties de Téquateur qui pafi'e par le méridien pendant la durée des heures folaires , marquées par une pendule du moyen mouvement; quand cette pen- dule a fini fes vingt -quatre heures , il a pafïe , non feulement ^6oà de Ve'quateur y mais encore les 59' 8" que le foleil a par- courues en fens contraire , & qui doivent paffer par le méridien pour que le foleil y arrive. (M. de Lalande.J ÉQUATION. Conjlruclion & ufage d'une machine pour trouver les racines de quelque équation que ce puijje être. (Al- gèbre. Machines.) M. Pafcal s'eft fait une réputation dans le monde pour avoir inventé fa machine arithmétique. Celle dont je vais donner la defcription n'eft pas moins in- génieufe ; & on peut l'appliquer à toutes les équations de quelque degré qu'elles foient. Avant que d'en donner la conftru&ion , il convient d'expofer en peu de mots la théorie fur laquelle elle eft fondée : elle fuppofe , dans ceux qui liront cet article , quelque connoiflance de l'Algèbre. Soit V équation à réfoudre a -\- b x -\~ cxx -\" dxx , &c. àta o. Tirez fur la ligne ZZ prife pour bafe dans la fig. 1 ou z de h pi I. d'Algèbre , des planches , fupplément , les perpendicu- laires SS & RRy éloignées l'une de l'autre cCy & parallèlement à SS y & à telle diftance qu'il vous plaira MM; par le point où Ce coupe MM 9 la ligne kb parallèle à DC ,• par le point b y où la dernière coupe RRy la ligne bB ; par le point où celle-ci coupe MM y l a paral- lèle à DC y & enfin par le point a y oh b B coupe MM y l a , 6c par le point a y où la coupe RR y la ligne a A. Suppofons main- tenant que les lignes SS , RR y Ce , re- préfentent trois règles avec des rainures telles qu'on le voit figure 3 y que vous fixerez dans leurs places refpedives SS 9 RR & Ce fur un plan ou chaffis de grandeur fuffifante. Soient i?3, Aa y d'autres règles de même forme , qui fe meuvent fur les centres B y A , &c. lefqueîs fe meuvent eux- mêmes en haut & en bas le long de la règle SS y mais de manière qu'on puiîfe placer les centres B & A l'un fur l'autre , ou fur C y fi Poccafion le requiert , & les arrêter avec des écroues ; favoir , le centre A en A y le centre B en B, &c. Soient k b (kl a y d'autres règles mobiles , comme les premières , & difpofées ie façon qu'elles fe meuvent toujours parallèlement les unes aux autres , & à la ligne De & MM , une autre règle de pareille forme. On afiem- blera les règles Kb & MM avec la règle fixe Ce au moyen d'une pointe coulante qui pafte par le point q , où leurs rainures fe coupent. On aflèmbîera de même les règles K b y Bb , la & Aa enfemble , & avec MM & RR y avec de pareilles poin- tes qui les traverfent dans les points b } r , a & s. La dernière de ces pointes doit être faite de manière à pouvoir porter un crayon. Je dis maintenant que fi l'on avance ou recule la règle MM de SSy en forte qu'elle E QU lui foit toujours paraiiele , le crayon s dé- crira la courbe qu'on demande; que les dif- tances à compter du point O où le crayon coupera la baie ZZy à droite de SSy mar- queront les racines pofitives de Xéquauon ; celles qui feront à gauche, les racines néga- tives ; & les endroits où il approchera de la bafe fans la toucher , les racines impoilibles ou imaginaires. Ces diftances doivent être prifes fur une échelle , fur laquelle la ligne D C fera prife pour l'unité. Dëmonftration. Puifque les lignes OAy AB, BCy &c. font proportionnelles aux coefficiens a9 b, c , &c. Suppofons que la première OA foit égale au premier coeffi- cient a y ou à telle de ces parties qu'on voudra , n , par exemple , feroit a- ; alors puur conferver la proportion ci-deflùs , la fuivante AB fera égale à;,5cà c~ & cD à -H , &c. Si l'on nomme O Q ou fon égale D P x , pour lors D c étant prife égale à l'unité, Pc fera égale à i — x; & comme De eft égale à ~ , on aura , à caufe des triangles femblables, D Ce & Pqc, d . d--dx cette proportion i : i — !-x: : ~ • ~~n Pqou DK : mais KB=BC-\-CD—DK> c'eft-à-dire, à "ï + vri favoir à '^ Les mêmes triangles femblables donnent Kb : qb : : KB'.qr, c'eft-à-dire, i: -, _ v . • c + dx:c + dx — cx-dxx __ Qu Kl:mùsAl = AD — DK—Kl, ou t+tJt4.rf»»_ j^es m^mes triangles donnent n encore/ tf : rû : : A l : r j, ou i : i — a:: : j .4. cx 4. (ixqra; == o , eft une racine de X équation pro- pofée &c. fort longues. Mais les règles fixes OD & Te y doivent être fi près l'une de l'autre , que leur diftance De ou O T y étant prife pour l'unité , la bafe OT qui s'étend à droite jufqu'à l'extrémité du plan , puifie contenir toutes les racines pofitives , & à gauche toutes les négatives. Il y a encore une chofe à obferver : c'eft que fi l'on a une équation comme celle-ci xxx — Sxx -\- 1200 x -\~ coco = o , dont les coefficiens S > nco & 9000 font difïerens l'un de l'autre , qu'il feroit difficile de les prendre fur la ligne OD, on peut les réduire de la manière fuivante : c'eft de mettre dans Yéquation à la place de chaque x y 10 x y 20 x y ou ico x. Je fuppofe qu'on mette 20 x ; pour lors , au lieu de xxx y on aura 8oco xxx , au lieu de S xx — ■ 2000 xx y &c. , & V équation. Ggggg 2 788 EQU fera changée en celle-ci 8000 xxx — 2000 xxx -$- 24000 x -\- 9000 = o. Divifant chaque terme par 100 , on aura cette autre 8 xxx — 2 xx 4" 24 x -|- 9 = o , dont la réduction fera plus aifée. Mais on fe fou- viendra pour lors , que faifant x 20 fois plus petit qu'il n'eft , les racines que vous trouverez feront pareillement vingt fois plus petites , & qu'il faudra par conféquent les multiplier par 20 pour qu'elles aient leur jufte valeur. Voici quelques obfervations fur l'appli- cation de ces règles , qui peuvent avoir leur utilité. i°. Les racines d'une équation peuvent être de trois fortes , pofitives , négatives & împoftibles ou imaginaires. 20. Toute équation contient autant de racines qu'elle a de degrés. 30. Les racines imaginaires font toujours au nombre de deux. Par exemple , fi une équation a une racine imaginaire comme celle-ci a=.b\/ — 1 , elle en aura une autre ; favoir , a — b y/' 1 , qui la fuit toujours. Il fuit de là que toute équation qui a des racines imaginaires , en contient 2,4, 6 , &c. : c'eft - à - dire , qu'elles font toujours en nombre pair. Toutes hs fois que la cour- be , que les règles décrivent , approche de la bafe fans la couper , c'eft une mar- que qu'il y a deux racines impoilibles ; de forte que fi elle en approche trois fois , \ équation contient fix racines imaginaires. G'eft tout ce que ces règles peuvent faire par rapport à ces fortes de racines ; elles marquent leur nombre , & non leur na- ture. J'enfeignerai plus bas le moyen de connoître celle-ci. Puis donc que les raci- nes imaginaires font toujours en nombre pair , & que leur nombre eft égal aux degrés de Y équation , il s'enfuit : 40. Que toute équation dont le nombre des degrés eft impair , doit contenir au moins une racine réelle. <°. Que toute équation dont le premier & le dernier termes après avoir été tranf- pofés , ont des fignes contraires , contient au moins une racine réelle. Lorfque cela arrive , & que le nombre de fes dimen- sions eft pair , de même que celui des ra- E QU cines impoflïbles , celui des racines réelle doit l'être pareillement. 6°. Que fi Ton divife une équation par l'inconnue , moins une de fes racines , on la réduira à une dimenfion plus bas ; comme toute équation contient autant de racines qu'elle a de degrés , il s'enfuit encore : 70. Que retranchant le nombre des ra- cines imaginaires de celui de fes racines , je veux dire, du nombre de fes dimen- fions , le reliant fera celui des racines réelles. 8®. Après avoir trouvé , par le moyen des règles , les racines réelles , faites la quantité inconnue x égale à chacune : tranf- pofez les termes d'un côté : multipliez les équations les unes par les autres , & divifez Y équation propofée par le produit qui en réfultera. Faites le quotient égal à zéro ; & vous aurez une équation qui renfermera toutes les racines impofTïbles , fans en avoir aucune de réelle. On trouvera enfuite les racines impolTibles par la méthode qu'en- feigne M. de Bougainville , dans fon traité du calcul intégral , dans les cinquième & fixieme chapitres de fon introduction. C'eft la meilleure que je connoifTe. Elle confifte à partager Y équation donnée en deux autres du même nombre de di- menfions , mais qui ne contiennent que des racines réelles que vous trouverez par le moyen des règles , ou autrement , au moyen de quoi vous aurez toutes les racines impoflibles de votre équation. Comme peu de gens connoiffent cette méthode , il convient de la donner ici. L'auteur commence par donner la dé- monstration des deux propofitions fui- vantes. Prop. z. Lorfqu'une quantité eft égale à zéro , & compofée de plufieurs termes , dont quelques-uns font réels , & les autres multipliés par }/— -1 , la fomme de tous les termes réels eft égale à zéro ; & celle de tous ceux qui font multipliés par ]/ — 1 , égale pareillement à zéro. C'eft le foixante- neuvième article de fon Intro- duction. Prop. z. Lorfqu'une équation ne contient que des racines imaginaires , on peut tou- jours fuppofer la quantité inconnue égale E QU à m Jj. n y—i , dans laquelle m&c n font des quantités réelles. G'eft le huitième article de la même introduction. Par conféquent , pour trouver les racines d'une équation telle que celle dont il s'agit, il faut mettre à la place de chaque incon- nue , x; par exemples , m-\-n y — i , & l'on aura une nouvelle équation qui con- tiendra des termes réels & les termes mul- tipliés par \/ — i , dont le premier & le dernier font égaux à zéro par la propofi- tion i. Faites-le donc , & vous aurez deux équations dont il vous fera facile de décou- vrir les deux quantités m & n y de même que celle àe x y qui par la deuxième pro- portion eft égale à m -J- n y — i. Voici un exemple qui fera comprendre ce que j'ai dit dans la première partie de cet article. Suppofez que les racines réelles , découvertes par le moyen des règles dont j'ai parlé , foient a> b-—c, &c. Faites x r=a y x=b y x ~"c y &c. Tranfpofez les termes , & vous aurez x — a=o, x — - b = of x-\-c=o t &c. multipliez ces dernières équations les unes par les autres , divifez 1! 'équation donnée par leur produit , & procédez comme j'ai dit ci-defTus. 9°. Le plus grand coefficient négatif d'une équation quelconque , confidéré comme pofitif, & augmenté de l'unité, excède toujours la plus grande racine poiitive de Y équation. Par conféquent , io°. Si en place de la quantité inconnue x de Y équation, vous mettez le coefficient , pris comme pofitif & augmenté de l'unité , moins x y toutes les racines deviendront pofitives. Dans ce cas , vous n'aurez befoin que des règles de h figure z y dont les cen- tres font à leurs extrémités , & elles vous fuffiront pour tous les cas poftibles ; car vous devez avoir obfervé que les centres de celles de la deuxième figure font autre- ment difpofés. ii°. Si après avoir rendu toutes les ra- cines de votre équation pofitive , vous voulez vous éviter la peine de transporter la règle M Mi la droite de RR ; ce qui eft fujet à quelque inconvénient , je veux dire , fi vous voulez que toutes les racines de votre équation fe trouvent entre Otk T} ou entre zéro & l'unité , au lieu de la quantité inconnue x de la dernière équa- E Q U 789 don y mettez z, multipliée par le plus grand coefficient négatif, confidéré comme pofitif & augmenté de l'unité. Par exemple , fi le plus grand coefficient négatif de Y équa- tion 3 eft — 9 , métrez 10 x à la place de chaque x , & vous aurez une nouvelle équation , dont toutes les racines fe trou- veront fur la ligne O T } fans qu'il foit befoin de la prolonger , car elles feront moindres que l'unité , je veux dire , que DC ou OT ; mais après avoir ainfi trouvé les racines , il faut les multiplier par le coefficient augmenté de l'unité , c'eft-à- dire , dans l'exemple ci-defTus , par 10, parce qu'ayant mis 10 :r pour a:, on rend chaque racine dix fois plus petite qu'elle n'étoit. Ces propofitions font reçues de tous les algébriques , & n'ont pas befoin d'être démontrées. Voici la defcription d'une machine pour régler le mouvement des règles dont j'ai parlé : elle n'eft que pour les équations du deuxième degré ; mais on peut également l'employer pour toutes les autres. AB C D y figure 4 , eft un chaffis de fer ou d'acier , compofé de quatre barres de fer afTemblées par leurs extrémités , qui forment un parallélogramme redangle de douze pouces de long fur huit de large, aux quatre coins duquel font des appuis EFy GHy iKy & LM y fur lefquels il porte. Sur le côté A y eft un coulant N , qu'on peut arrêter avec une vis dans tel endroit qu'on veut , & fur lequel la traverfe NO tourne fur fon centre. Son autre extrémité tient par le moyen d'une vis avec fon écroue à la traverfe PQ , qui eft pareillement arrêtée fur le chaffis aux endroits P & Qy mais de manière qu'on peut l'approcher ou l'éloigner à volonté de l'extrémité A. Cette traverfe eft repréfentée par la ligne R R de la première figure. Les quatre appuis EFy GHy IK, LM, portent trois traverfans ST, UX & YZy fur le premier defquels eft une boîte coulante oy ' qui fert de centre au traverfant a b. Le | fécond & le troifieme , favoir, UX&; YZr ! font pareillement garnis de deux noix cou- lantes e & j, qu'on arrête où l'on veut par j le moyen d'une vis , & auxquelles la foie 'e/eft attachée. Les trois traverfans S F, 79o E Q U UX, A, ou plutôt la ligne tracée fur celui d'en haut repréTente la ligne S S de la figure i , & la foie ef , la bafe ZZ de la même figure. g h i k eft un autre parallélogramme environ deux fois plus long que le premier, dont les côtés g k & h i coulent dans des fupports attachés par des vis au chaffis ABCD , dont trois font marqués par les lettres l, m , n , & ont des dents triangu- laires par defîbus , depuis g jufqu'à d , & depuis A jufqu'à o , lefquelïes s'engrainent avec celles des deux roues s & t de même diamètre, dont Taxe p r eft foutenu dans deux endroits , favoir, u , & un autre qu'on ne peut voir dans la figure. Ces dents fer- vent à régler le mouvement des traverfans gk & /W , lorfqu'on fait mouvoir la ma- chine ; au moyen de quoi , les barres n x & y l > Qui coulent dans deux pièces i & 2 font toujours parallèles. Elles font repré- fentées par la ligne MM de la première figure. Celle de defîbus nx eft garnie d'une pointe 3 , dont l'extrémité fupérieure paffe dans la rainure de la barre 4 , $ , & l'in- férieure parcelle de l'alidade NO. Sur la barre de defïïis y % , eft attachée une pointe perpendiculaire 6 y J , dont on peut ôter la pointe pour y mettre un crayon ; cette pointe repréfeme le point s & la première 3 , le point r de la première figure. Sur la barre 4 , 5 eft un boulon rivé 8 , qui eft placé directement au deffus de la rainure de la barre P Q , & qui repréfente te, le point a de !a première figure. Les deux traverfans 9, 10, 11, & 12, coulent dans les fupports 13, 14 , 15 & 16 , font garnis de dents triangulaires , qui engrai- nent avec celles des roues 17 & 18 , dont l'axe eft marqué par les nombres, 19 , 2c. Ces roues règlent le mouvement des barres, & font que celle qui eft marquée par les chiffres 4, 5 , fe meut toujours parallèle- ment ; elle eft repréfentée par la ligne la de la première figure. Les coulans e ,f , c , N & R , étant arrêtés avec des vis dans les endroits convenables félon les coeffi- ciens de V équation 3a\vS\ qu'on le verra dans l'article fuivant, en avançant ou reculant la barre g h , on fera mouvoir la machine , & la pointe 6 , 7 décrira une courbe qui fera le lieu de Y équation. Les endroits où E Q U- | elle pafTera fous la foie efy à compter de la ligne pon&uée , qui eft marquée fur la traverfe UX, indiquera les racines réelles ; & le nombre de fois qu'elle approchera & s'éloignera de la même foie fans palier defîbus , marquera celui des racines imagi- naires. Au defïùs des montans EF, GH> IK & LM-, font de petites pièces 21 , 22 & 23 , qui empêchent les barres qui cou- lent deftbus de fortir de leurs places. Voici maintenant la manière de rectifier la ma- chine pour une équation donnée. Arrêtez les noix e f , auxquelles la foie eft attachée à égales diftances des foutiens EF&c LM ; avancez enfuite la noix c, qui porte l'extrémité de la barre a b , de forte qu'elle foit plus éloignée du foutien EFt que l'endroit où vous avez arrêté la noix e , d'un nombre de divifions prifes fur une échelle de parties égales , égal au terme connu de l'équation, s'il eft pofitif, & plus près s'il eft négatif; & arrêtez- la dans cet endroit. Faites enfuite couler la noix N , qui porte la barre NO, l'éloignant ou l'ap- prochant du foutien EF, plus que ne l'eft la noix c , d'un nombre de divifions prifes fur la même échelle égal au coefficient de Y équation , je veux dire , celui où la quan- tité inconnue n'a qu'une dimenfion , plus loin fi le coefficient eft pofitif, & plus près s'il eft nigatif. Faites enfuite couler la noix jR, qui fixe l'autre extrémité de la barre NO , jufqu'à ce qu'elle foit plus éloi- gnée d'une ligne tirée du foutien EF au foutien LM , je veux dire , du côté D du chaffis , que la noix N , d'autant de divi- fions que le coefficient du terme de Y équa- tion , où l'inconnue à deux dimenfions l'in- dique , plus loin s'il eft pofitif, & plus prés s'il eft négatif. Pour cet effet , on doit graduer le côté A du chaffis, les barres ST9 UX, YZ, & le traverfant PQ , à com- mencer du front D. Ces gradations font marquées différemment fur la machine , mais d'une maniete moins commode. Si Ton obferve les endroirs où la pointe , où le crayon 6,7, coupe la foie ef, à com- mencer de la ligne ponduée marquée fur la traverfe UX; & qu'on les mefure fur une échelle , fur laquelle la diftance du traverfant P Q , prife depuis une ligne tirée du milieu de l'extrémité A de JS i* EQU a G H repréTente l'unité (on peut en voir îa raifon dans la démonftration ci-defîus , oj D c ou OT , figure i y qui marque la diftance de cette ligne P Q de la barre A, e.r prife pour l'unité ) , on aura les raci- nes que l'on cherche. Si l'on ôte la foie e f y & qu'on mette un Garton fur la ma- chine, fur les deux traverfans fupérieurs U X&c Y Z y apqès avoir tracé defîùs une ligne qui représente la foie ef, & mis un crayon en place de la pointe 7 ; ce der- nier décrira une courbe , qui , avec la ligne droite dont je viens de parler , conf- truira V équation donnée. Plus les coefficiens feront grands (on peut les augmenter au- tant qu'on veut fans changer les racines , en les multipliant par tel nombre qu'on voudra ) , plus les angles , que la courbe & la ligne formeront , feront grands ; ce qui eft avantageux dans la conftruction des équations. Comme il paroit par la dé- moriftration précédente , qu'en augmen- tant les barres^de cette machine , on peut l'employer généralement pour toutes les équations de quelque degré qu'elles puiflent être , on peut Pappeiler , à jufre titre , un conflrucleur univerfel d'équations. ÇVj ÉQUATIONS DÉTERMINÉES. ( Algèbre.) Je me bornerai dans cet article à expofer ce qui a été fait jufqu'ici fur la folution générale des équations, donc on n'avoit pas parlé dans ce Dictionnaire , parce que lorfque X article ÉQUATION fut imprimé , les analyftes ne s'étoient pas en- core occupés de cet objet , comme ils l'ont fait depuis. Le premier qui ait fait quelques pas dans cette recherche, eft le célèbre Tchirf- naus , géomètre Allemand , à qui l'on doit la découverte des cauîtiques. Il pro- pofa une méthode pour faire difparoitre autant de termes qu'on voudroit d'une équation propofée par le moyen d'une fubf- titution ; & il trouva que fi on vouloit la réduire à deux termes*, le premier & le dernier , & faire difparoitre les intermé- diaires , on feroit dépendre la folution de fe propofée , de celle d'une équation Y n -4- A=o , n étant le degré de la propofée , & A dépendant d'une équation du degré /z — 1 ; rc — - 2 .... 2. 1. M. Euler & M. Bezout, l'un dans le EQU 791 tome XI des mémoires de Fétersbonrg y l'autre dans les Mémoires de V Académie des Sciences , pour l'année 176$ , ont pris une aucre méthode. Ils ont fuppofé que la racine d'une équation du degré n 9 étoit n n de la forme y A -j- \/ B... le nombre des A ? B , &c. étant n — i ; & ils ont trouvé que l'on avoit A par une équation aulîi du degré n — 1 , /z — 2 , n — 3 . . . 2. 1. La folution d'une équation du Çe. degré fe trouvoit donc réduite à celle d'une équation du vingt-quatrième. Et quoique C Voyelles recherches de M. de la Grange & de M. de Wandermonde , fur cet objet) cette équation foit réduclible à une du fixieme , Yéquation du cinquième degré n'eft pas rabaiiTée par ce moyen , & celle du fixieme le feroit encore moins. Il refte donc ici deux objets à confi- dérer ; l'un , la pofTibilité de parvenir à cet abaifTement , auquel les équations femblent fe refufer ; l'autre , les moyens de rendre praticables les calculs immenfes où cette méthode générale doit nécessairement con- duire. MM. Waring & Wandermonde fe font occupés avec beaucoup de fuccès du fé- cond objet. On fait que le fécond terme d'une équation eft égal à la fomme des racines ; le troifieme à celle de leurs pro- duits deux à deux , & ainfî de fuite. On fait aufli que ces fonctions qui font con- nues , puifqn'elles font les coefficiens de la propofée , étant données , on peut en tirer la valeur d'une fonction quelconque des racines , pourvu que toutes y entrent d'une manière femblable ; mais les for- mules des coefficiens de la propofée qui expriment ces fonctions femblabîes de ra- cines , font difficiles à exprimer fous une forme générale & commode , lorfque le nombre des racines ou les expofans de ces fonctions font des quantités indéter- minées. Si les fonctions femblabîes de toutes les racines font rationnelles , tes fonc- tions des coefficiens de la propofée le font aufîî : mais fi elles font irrationnelles ; fi au lieu de fonctions femblabîes de toutes les racines , on cherche des fonctions fem- blabîes de deux , de trois racines feule- 79i EQU ment ; alors les fondions des coefficiens qui y répondent , ne font plus rationnelles , & il faut déterminer le degré des équa- tions dont elles dépendent alors , & les coefficiens rationnels de ces équations. Soit par exemple une équation : xn + axn~l -+* bxn~z + /* = o. & qu'on demande la valeur de y=:Ap + Bp~{-Cp A y B y C , étant les racines de la propo- fée , & entrant au nombre de m dans la valeur de/; i°. fi p eft entier, on verra que X équation qui doit donner y y fera d'un degré égal au nombre des combi- naifons de n y quantités prifes en nombre m; 2°. fi/» eft une fraction dont le dénominateur foit p y le degré de Yéquation rationnelle en y y fera le même nombre des combi- naifons de n y quantités prifes en nombre m y multiplié par pmy & de plus , il n'y aura dans Yéquation en y y que les termes où l'expofant de y fera un multiple de p. Si q p eft le degré de cette équation en y y on aura le coefficient de y q~l p égale à une fonction de a y b1. . . r* du degré pp 9 le coefficient de y q~ipl à une fonction de degré 2 pp ; & ajnfi de fuite, & il n'y a plus à déterminer que les coefficiens de ces fondions. Cette dernière partie eft celle pour laquelle il eft le plus difficile de trouver des exprcflions générales. Nous renvoyons pour cet objet à l'ouvrage de M. Waiïng , intitulé : Meâitadones Alge- braicx ; aux Mémoires de M. Wander- monde ; Mémoires de l'académie des fciences , volume de 1771 ; aux Mémoires de Berlin , années 1770 & 1771 , où M. de la Grange s'eft occupé auffi du même objet. Cette théorie , une fois établie en gé- néral , & réduite à des formules dont on puifTe faifir la loi , il eft clair qu'on aura immédiatement & fans calcul les coeffi- ciens de toutes les équations transformées qu'on emploie pour rabaiftèr la propofée. Refte à favoir fi ce rabaifTement eft tou- jours pofTible. M. de la Grange a prouvé qu'on ne pouvoit fuppofer en général 2 ; donc il faut que les produits de deux termes le foient. Or , cela ne peut arriver s'il n'y a pas dans ces termes une fonction fous le radical 2. Il faut enfuite qu'une fonction linéaire produife trois de ces ter- mes , de leurs cubes , du produit des carrés de chacun par les autres , foit une quantité rationnelle, les cubes ne font pas rationnels ; & pour que les autres le deviennent , il faut que chaque contienne des radicaux fous la ligne 3 , & ainfi de fuite jufqu'au dernier terme ; terme qui devient fonction linéaire des termes qui font fous la ligne n. On voit donc pourquoi il pourroit y avoir , & même il doit y avoir n — 1 radicaux fuc- cefîifs. Mais on ne voit pas pourquoi , en prenant cette forme , il y en auroit un plus grand nombre. Nous terminerons cet article par une confédération qui peut être d'une grande utilité. C'eft que mettant la propofée , fous la forme xn -\- bl xr—z -\~ ci x"-* .... -^-r", toutes les fonctions rationnelles fous le figne n , feront des fonctions de h- y c*, r" du degré n3 les fonctions fous les radicaux n & ri des fonctions du degré n ri ; & ainfi de fuite (c'eft, je crois, M. Fontaine , qui , dans fon mémoire fur les équations, a employé , le premier , cette remarque , qui peut abréger confidéra- blement les calculs ) les coefficiens de ces fonctions feront des nombres rationnels , & ceux des radicaux , des racines des équations yn ~ l = o , ym —* l = o , &c. Il ne refte donc plus- fur la réfolution générale des équations que deux difficul- tés ; i°. la longueur du calcul; 20. qu'il n'eft pas rigourëufement démontré qu'une équation déterminée d'un degré quelcon- que , ait une racine d'une forme générale & finie ; c'eft ce qui arriveroit , fi , en fuivant la marche indiquée ci - deflùs , la Tome XII. E Q U 793 folution de la propofée n étant un nombre premier, fe réduifoit à la folution d'une autre équation du degré n y qui n'auroit pas de divifeurs rationnels , ou fi n n'étoit pas premier à une équation d'un degré pour lequel X équation , qui donne les termes fous le radical n , ne fe rabaifferoit pas au defïbus du degré n — in — 3 . . . . 3 , i9ï. Ainfi, dans le cas où la racine n'auroit aucune forme finie poftible , la méthode propofée ci-deffijs conduira en- core à trouver cette impoffibilité. C'eft donc à diminuer la grande complication des calculs , & à trouver des méthodes qui les abrègent, que les analyftes doivent tendre maintenant. J'ai publié quelques recherches fur ce fujet dans le tome V des mémoires de l'académie dé Turin. (O) EQUATION aux différences fin tëf, Teylor paroît être le premier géomètre qui ait confidéré les différences finies. M. Euler a fait fur cet objet un grand nombre de belles & utiles recherches dans fes Infli- tutions de calcul différentiel ; mais il s'eiî occupé fur-tout d'appliquer aux fuites in- finies ou indéfinies , la théorie de ces dif- férences , ou réciproquement. En effet , fî on appelle X une fonction quelconque de x, & X' ce qu'elle devient en mettant pour x, x-^Ax (a eft ici le figne de la différen- tiation , comme d pour les équations ordi- naires ) ; on a également X' z=X-\-aX9 &^=X+^Ax+£7^A^ + rf^. Axl En effet , fi on cherche à avoir X en X, en ordonnant la férié par rapport à Ai, il eft aifé de voir qu'on peut prendre X pour le premier terme de cette valeur , puifqu'en faifant A x = o y X devient Xy le fécond terme multiplié par a x doit êtte égal à ce que devient j^ , en y faifant A x = Oy c'eft- à- dire , 7—, ; multiplié par deux eft égal à ^ [g , en faifant A x = o> c'eft-à-dire , qu'il eft ±±*> & ainfi de fuite. Ce théorème dont j'ai déjà fait ufage I Hhhhh le troifieme \ &c- Pour ~[-x A a: fa valeur d A — 7—^ A xz y &c, j'aurai -Y en férié de A & de fes diffé- rences. Je me propofe , dans la fuite de cet article, de traiter les équations aux. diffé- rences finies d'une manière générale & directe. On trouvera aux articles POSSI- BLES, Maximum, Linéaires, ce qui regarde leurs équations de condition , ou de maximum , & la folution des équations linéaires. J'ai montré à Y article APPROXI- MATION , vers la fin , que leur folution approchée dépendoit toujours d'équations linéaires, & je me bornerai ici à donner une théorie générale des équations aux différences finies des fonctions qui peuvent entrer dans leurs intégrales, & delà ma- nière de les trouver rigoureufement autant qu'elles font poflibles par la méthode des «oefficiens indéterminés. Soit Z y une fonction de x y y \y qu'on mette dans Z au lieu de x y x -\- a x au Iieudej,>y-t-A.yaulieudeç, l^r*l> & qu'on appelle Z' ce que devient \ ; alors on aura Z' = Z 4- A Z & A Z = Z' — Z. Si on a une fonction de xy y, \ y A xy Ayy a i y A lyy A x\ y &c. A x étant ftippofé confiant , on mettra dans cette fondion Qy î-^-ai, au lieu de x y y + ^y pour yy î+a{ pour ç, A y ■+■ A zy pour A yy a ç Jf a z% pour A ^ y Azy-\~Axy pour A zy3 A x ^-\- Al\ pour A \y & ainfi de fuite, & appellant Q' ce que devient alors Q y on aura O' = Q + ^QaQ=QX-Q. 2 Z Soit Z .= / xy on aura ,Z'c= l.x + A x jX-\- Û* & A Z = l x -+• A x — l x ; — / I "T * Soit Z = c "*, Z' = il faille prendre a A x = o ; ce qui arriveroit fi Z •=-lea*\) ou (cax) ^ ou contenoit de pareilles fonctions. Soit enfin Z = a x a x a Sx Ne Z' = eNe donc fî ga&x eft un nombre entier, la compa- raifon de ces deux équations peut faire évanouir cette tranfcendanre , de même la comparaifon de 3 , 4 , Ùc. équations bx (èmblables , feroit difparoître eaxe x 1 bx eax e , Oc Si maintenant on veut réfoudre le pro- blême drivant , trouver l'intégrale faas différences variables d'une équation aux: différences finies , on y parviendra à l'aide- des obfervations fuivantes. i°..Lapropofée eft produite par la com- paraifon des équations Z = Q , A Z = o y **Z = oy *»Z = o, 20. Il n'y a point de fondion tranfcen- dante de \ y & y dont la différence ne le foit , on n'en contienne une nouvelle. 30; x étant une variable dont la diffé- rence a x efï confiante , au lieu d'une arbitraire fans variable , on aura une fonc- tion arbitraire de eax, a étant tel que eaAxz==z i< 40. Une feule différentiation pourra, par la comparaifon entre la différentielle & l'intégrale,, faire évanouir un terme epar p étant quelconque , & la fondion arbi- traire fera le coefficient de ce terme. Deux différentielles fucceiîives, comparées avec; leur intégrale , peuvent faire évanouir uru terme ea*i4-**, a & b étant quelconjs- E Q U tjues, & de plus un terme e*'", V étant donné en a & h 9 & ainfi de fuite. La comparaifon de l'intégrale avec la diffé- ax rentielle peut faire aufTI difparoître e Ne , & la comparaifon de l'intégrale avec deux différentielles fucceffives, faire difparoître bx eaxe , & ainfi de fuite. 5°. Quoique la propofée ne contienne pas a x y cependant l'intégrale de l'ordre immédiatement inférieur peut contenir x , parce que la différentielle exacte peut con- tenir un terme confiant a = a—? dont l'intégrale eft -~. 6°. Si dans un produit indéfini F x. Fx-—*x. Fx — i&x . . . le nombre des termes étant ^-ou^-; n'étant un nombre A x A x ' entier , on fait x = x 4" a x; ce produit ne change pas de forme & eft feule- ment multiplié par Fx 4" a x y ou par Fx 4" A X. Fx 4-2 A x. . . . F X 4~ 72 A x; donc fi on l'appelle X, on aura X + A* X =.Fx-\- a x y ou Fx-\- a x , Fx-\- 2 a x .... en nombre déterminé & fini ; donc une feule différentiation peut faire difparoître un nombre déterminé de ces produits multipliés ou divifés les uns par les autres , en même temps qu'une expo- nentielle & une fonction arbitraire , & de même deux différentiations peuvent faire difparoître une fonction. 2 J Fxy Fx—Ax, Fx — zax9 &c. 7e. Si la propofée contient des radicaux dans fon intégrale immédiatement infé- rieure , en difFérentiant la propofée , on aura une équation qui aura deux intégrales-ration- nelles de l'ordre immédiatement inférieur. 8°. Le nombre des arbitraires eft égal à l'expofant de l'ordre de la propofée ; mais on ne peut pas lui fuppofer en général n intégrales algébriques de l'ordre n — i . En effet, on a d'abord le terme ea*x qu'une feule différentiation ne pourroit pas faire difparoître : ainfi îorfque l'intégrale de l'ordre n — i doit le contenir , une des intégrales de l'ordre n — i le contenant E Q U 79î auflî , fa différentielle exacte contiendra ebx. D'ailleurs ( s étant le figne de l'intégra- tion par rapport awx différences finies , & Fx défignant une fonction donnée de rr), l'intégrale de l'ordre n — i peut contenir s F x y & cette fomme peut ne pas être exprimable en termes finis , par une fonc- tion finie de x; alors fi l'intégrale de l'ordre n — ■ 2 contient z F1 x , & que F aJjpn- tienne s Fx > il paroît impoffible devoir deux intégrales de l'ordre n — i. Mais fi on peut égaler s F' x à une fonction finie de a: & Fx plus une fonction z F" x> F" ne contenant plus Fx y on aura alorg les deux intégrales ; & comme de telles fonctions peuvent entrer dans la différen- tielle exacte , fans que X foit dans la pro- pofée, on ne pourra fuppofer qu'on ait n intégrales de l'ordre n — i qui puifîènt la produire fans contenir x & eb'". ou e tes 4" x , &c. dans leurs différentielles exac- , ou même des produits indéfinis. 9". Il fuit delà qu'il faudra ou fuivre la méthode des intégrations fucceffives, ou bien , lorfqu'on aura une équation inté- grale de l'ordre n — ■ i qui contienne x ou a m e?*, ou un produit indéfini, ou eNe , fuppofer une autre intégrale du même ordre contient a: ou epx, ou la fonction indéfinie, & de plus eax* + h'x & une fonction indéfinie qui ( nc. 6 ) peut difpa- roître par deux différentiations , & ne de- vient la propofée qu'en mettant au lieu de celles de ces quantités qui reftent après avoir comparé cette nouvelle inrégrale avec fa différentielle, leurs valeurs tirées de Yéquation intégrale qu'on a trouvée d'abord , & fi la nouvelle intégrale con- Z + bx tient ea* , &c. on fuppofera qud e axx 4" b x , Ùc. entre auflï dans la troi- fieme intégrale , & ainfi de fuite , 9°. On obfervera que , ZX**Z = X AZ E A X A Z 4" A X A *Z io°. Pour intégrer la fonction en x purs , on remarquera que la différenciation n'en ayant pu faire évanouir ni radicaux , ni fondions tranfcendantes , toutes les fois Hhhhh i 796 EQU qu'elle pourra être exprimée par une fonc- tion finie , cette fonction fera une fraction rationnelle de a: & des fondions de x con- tenues dans la différentielle , & on l'aura toujours en férié infinie par la méthode dont j'ai parlé au commencement de cet article. ii°. Si une équation propofée contenoit des quantités tranfcendantes, alors il fau- droit les regarder comme fondions algé- briques de nouvelles variables & de leurs différences , en forte que les regardant fous ce point de vue, la propofée foit encore pofiible. futile que foit une équation aux diffé- rences finies , ces principes fuflir ont pour L'intégrer par la méthode des coefficiens indéterminés. Quant aux intégrales qui échappent à cette méthode, on peut dans différens cas trouver des formes de fondions qui les repréfentent ; mais cette difcufîion nous entraîneroit trop loin. Si au lieu de favoir que a x eft confiant ; on favoit qu'il eft égal à

il n'y auroit qu'à éliminer y , & on auroit x par une équation comme ci-defius, dont l'intégrale contiendroit une nouvelle variable x' ,y feroit donné par une équation femblable , & pour avoir y en x y il fau- droit éliminer, x (o) EQUATIONS aux différences finies & infiniment petites. Je donne ce nom à des équations qui contiennent outre les varia- bles y y & x leurs différences finies & infiniment petites, telles que dx y dy > éxy dy, a aj, d*yx dly... a ny , d *n~1y , &c. Aucun géomètre n'a. en- core confidéré la théorie de ces équations. Voici quelques remarques fondamentales qui pourront conduire à une méthode de les réfoudre généralement. i°. La propofée pour un ordre n de différences pourra , fi Z en eft l'inté- grale complète & finie, être mife fous la forme. aZ+bdZ + cAZ-{-edzZ-\-fd±Z -\-g^Z...-\-pdn Z...+q±»Z=0. Il fuit de cette forme femblable à celle des différences partielles ,. que la propofée n'a point pour intégrale nécefiaire une équation de l'ordre .n.-— i, dont les diffé- EQU rentielles combinées entr'elles produifent la propofée. 2°. a x étant fuppofé confiant , les quan- v tités t** p étant un nombre entier, ou p b x ea* e ? ebAx étant un nombre entier, font Tes feules qui fe trouvent également dans Zy Z-\"Z)Z~\~dZ, & par con- féquent fi dans la propofée p & q ( n°. i ) ne font pas égaux à zéro , c'eft-à-dire , fi la propofée contient à la fois des diffé- rences n" finies & infiniment petites , l'in- tégrale ne contiendra point d'autres tranf- cendantes ni d'autres arbitraires que des fondions fans variables , p pourra être égal à ÏLli*?, mais jamais plus grand , & p b * femblablement pour les fondions e * * * p ne peut être > - — -zJ — i. 3°. Si la propofée eft telle que les équa- tions An Z = o d" Z = q n'entrent pas dans fa formation , mais feulement les équations An-m Z = o dn-m' Z =^o , & des1 équations aux différences , partie finies , partie infiniment petites. Alors on pourra avoir une intégrale qui contiendra m tranfcendantes quelconques, ou un plus grand nombre de tranfcendantes en x feu- lement , & telles que l'une étant V une autre foit V-\-a Vy & ainfi de fuite, ce nombre étant toujours facile à déterminer pour chaque ordre , & m! arbitraires pa- reilles à celles des équations aux différences finies , c'eft-à-dire , qu'on aura pour in- tégrale une fondion algébrique des varia- bles & leurs différences infiniment petites , p dont les coefficiens pourront être ea* , & en général des fondions Q de x don- nées par des équations aux différences finies entre x & Q. Voyez fur ce fujet les mémoires de l'académie des fciences, année 1771. Voyez aufîî Yarticle ÉQUATIONS LI- NÉAIRES au mot Linéaires, où l'on confidere quelques autres hypothefes dV- quations- aux différences finies. ÇoJ ÉQUATIONS empiriques. On a nommé ainfi des équations trouvées indépendam- ment de toute théorie & d'après les feules obfervations d'une pjanete ; & comme elles:, E QU repréfentent avec exactitude le mouvement de cette planète pendant les révolutions obfervées , on en conclut qu'elles pourront les reprefenter indéfiniment. Ainfi les équations de mars , telles que Kepler les détermina lorfqu'il trouva moyen d'expliquer les irrégularités qu'il avoit ob- fervées dans fon cours , en fuppofant que fon orbite éroit elliptique, ces équations y dis je-, étoient empiriques. Mais lorfqu'en appliquant cette loi aux autres planètes , il prouva que leurs orbites étoient aufïï àcs ellipf^s , alors leurs équations trouvées d'après cette hypochefe furent des équa- tions données par la théorie , & non plus des équations empiriques. Ainfi une équa- tion à qui on a donné long- temps ce nom , ceiTe de i'avoir lorfqu'on trouve une théorie qui en rend raifon. M. Wargentin a trouvé des équations empiriques pour les fatellites de Jupiter ; d'après ces obfervations feules & d'après ces équations > il a dreffé des tables de ces fatellites qui repréfentent leurs mouvemens avec des erreurs qui ne vont pas au delà de quelques minutes. M. de la Grange eft le premier qui ait imaginé de réduire en méthode générale l'art de trouver ces équations empiriques. Voici une idée abrégée de cette méthode. i°. Toute expreiTion d'une quantité donnée par une équation différentielle , peut être fuppofée égale à une fuite de termes en finus & cofinus ( Voye\ les articles APPROXIMATION & ÉQUATION Séculaire). Le problème fe réduit & doit trouver cette férié par les feules ob- fervations, toutes les fois du moins que cette férié eft convergente. 2°. Dans ce cas , un certain nombre fini de terme de cette férié doit reprefenter les obfervations. Soit donc Ç) la quantité dont on cherche la valeur, (bit Z, Z' , Z" , Z'" Z'".... n des valeurs obfervées de Q répondant à n valeurs de l'angle décrit x ou du temps t y nous aurons Z (n°. i ) égal à un nombre fini de termes , fin. a' 4- b' X;om fin. a + b T & cof. a' -^ b' X, ou cof. a -\- b T, chacun de ces termes étant multiplié par un coefficient conf- tant, X & T font les valeurs de x & t y correfpondantes à Z. Soient maintenant E Q U 797 X+p, X-\~z p, X-4-3 p9 &c. les valeurs correfpondantes à Z', Z" , ZUI , &c. & prenant une feriez)" -\- Z' y -\-Z" yz -4- % m ?*>&£• (A) le terme général de cette férié fera compofé de termes cof. a -f- b' X-\-b' p m, fin. a! -\- b' X -\- b p m, m étant l'expofant du terme général; or, puif- que fin. a' -\- b' X -\- p m = (.a' + b'X+b'pm) Y-i-(a'+yX + b'pm) y7- i e * 2 y - I & que cof. a' -\- y X + bf p m = r (a'-\~bX+bpm) Y -r-( a+ b' X+b'pm) "/ e -\-t 1 il eft aifé de voir que le terme général (A) fera compofé d'un nombre 2 n de termes , dont chacun fera égal au terme correfpon- dant dans le terme précédent de la férié multipliée par ehV — iy eb'pV — ^i donc chaque terme formera une fuite géomé- trique ; donc la propofée fera égale à la fomme de 2 n de ces fuites , & le dénomi- nateur de la férié récurrente fera i — - ePby-iy j—.e-pb'Y-i, & ainfi de fuite pour chaque finus ou cofinus ; donc le dénominateur fera i -*- 2 , cof. b' p y -\-yz Xi — 2 cof. b" p y -\-yz , &c. donc la férié ÇAJ fera récurrente ; foit donc Z, Z' y Z" y Z'" y &c. les valeurs don- nées par i'obfervation , il faudra donc cher- cher la férié récurrente de cette forme , dont Z 4- Z' y -J- Z" y z + Z1" y 3, &c. font les premiers termes pour cela ; je remarque que la fomme de la férié récur- rente fera nécefîàirement A-\-By\>Cyz-\-D j3...... Pym~\ A-\-B' y + Cy^-\>D y' F' y™. donc prenant toujours Z en nombre im- pair, foit 2 /# — i le nombre , on aura par des équations linéaires les valeurs des A> B... P, .... A' B'... F, & fi ces valeurs forment une férié convergente , lorfqu'on augmente le nombre des obfervations, alors prenant le dénominateur, on cherchera à réfoudre Y équation A' -\- B' y... -\mPf ym' = o en fadeur 1—2 , cof. V p y -\-y * y> on mettra enfuite. A-\-B! y-\-Cyz A' + B' y I F y*»1 79» E Q U fous la forme d'tine fomme de fra&ions divifée par 1—2 cof. b p y -\-y % , & l'on aura par ce moyen la détermination des coefficiens des termes en finus. Au refte , fi Y équation n'eft pas fufcepti- ble de la forme ci-deffus, les racines indi- qu croient dans la forme générale cherchée des quantités efx qu'on fait pouvoir s'y trouver. S'il y a plufieurs racines réeJles égales , alors il y aura dans la valeur cher- chée des quantités proportionnelles aux puiflances de *, & ces puiflances feront d'un degré égal au nombre des racines égales diminué de l'unité. Si ces racines égales font de la forme 1— 2 cof. p b -\~y 2 , alors cela indique dans la quantité cherchée des termes de la forme x m cof. a -\- b x9 & ainfi de fuite , en forte que quelle que foit la forme cher- chée, pourvu que la quantité foit donnée pour une équation différentielle , & qu'elle puiffe être repréfentée par une certaine étendue de valeurs d'une manière appro- chée , on la trouvera d'après les obferva- tions par la méthode ci-deffus. (0) ÉQUATION SÉCULAIRE. On appelle ainfi en aftronomie une équation qui augmente continuellement avec le temps ; toute équation au rayon re&eur d'une pla- nète proportionnelle , foit au temps ou à fes puhTances , foit à l'angle du mouvement moyen & à fes puhTances, eft une équation féculaire. Il en eft de même de toute équa- tion du moyen mouvement qui feroit pro- portionnelle au carré du temps , ou à fes puiffances fupérieures : or , de toute équa- tion pour le temps proportionnelle au carré ou aux puiffances de l'angle du moyen mouvement. A Y article APPROXIMATION , nous avons montré que l'exiftence apparente de ces équations dépendoit , dans la théorie de l'égalité des racines , d'une équation ; qu'un changement permis dans toute efpece de méthode d'approximation pouvoit faire dif- paroître cette égalité ; que dans le cas où la différence des racines feroit très-petite , ce même changement pourroit en intro- duire d'égales ; qu'ainfî dans ce cas on ne peut être sur qu'il n'y ait pas adéquation féculaire , & que jamais on ne peut être certain qu'il doive y en avoir , à moins que E Q U Ton puifTe s'afTurer que la férié où la mé- thode d'approximation conduit , ne foit convergente, lorfqu'elle renferme Y équa- tion féculaire _, & divergente lorfqu'elle ne la renferme pas , ou réciproquement. Il ne nous refte donc plus ici qu'à parler de Y équation féculaire y confédérée aftrono- miquement. Quelque longue que foit une fuite d'obfervations , elle ne prouve rien pour la réalité d'une équation féculaire. En erfet , foit p le nombre des réfolutions obfervées d'un aftre , il eft clair que puifque cof. m x = 1 ; Y -— . , &c. Si on a une équation apparente propor- tionnelle au carré de l'angle parcouru , c'eft-à-dire à x * , & foit P x x , cette équation au bout de p révolution elle fera P p * n 2 , n étant la circonférence du cercle , elle fera par conféquent 1 Mn4 z. 3. 4. or, cette férié eft toujours plus petite que P m1 n 4 p 4 , cof. m p n; donc , pourvu que l'on prenne m tel que la quantité P mx n 4 p 4 , cof. m p n , foit infenfible aux obfervations ; on peut fuppofer au lieu de I, , . _ , , . j 1 P 1- col. mac l équation P x , une équation de ^ > fans qu'il y ait d'erreur fenfible : or, quel I que foit p y on peut toujours prendre m j afïèz grand pour cela ; donc on peut re- préfenter aufîi-bien les obfervations fans ; le fecours d'une équation féculaire. J Quelle que foit une équation féculaire ; donnée par les obfervations , on parvien- dra donc à la repréfenter aufïi-bien par une ou plufieurs équations proportionnelles à des finus. Ainfi , lorfqu'on cherche à comparer la théorie avec les obfervations , ce n'eft pas à chercher rigoureufement fi la théorie donne Y équation féculaire obfervée , mais fi elle donne on une telle équation , ou une de celles qui la peuvent repréfenter, ou réciproquement ; la théorie étant donnée , il faudra voir feulement fi les obfervations s'accordent avec Yéquation féculaire de ia théorie , foit avec les équations que (article APPROXIMATION) on peut y fubftituer. EQ U Voyez les Mémoires de V académie des Sciences, ijjz , &c\e mémoire de M. de la Grange , qui a remporté le prix de la même académie en 1774 , & où ce grand géomètre prouve qu'on peut repréfenter toutes les obfervations de la lune faites jnfqu'ici, fans fuppofer & équation féculaire à cette planète, (o) ÉQUATION, f. f. en Algèbre y fignifie une exprejjion de la même quantité pri- fentée fous deux dénominations différent* s. Voyei ÉGALITÉ. Ainfi quand on dit 2 X 3 ^ 4 + 2 ; cela veut dire qu'il y a équation entre deux fois trois & quatre plus deux. On peut définir Yéquation un rapport d'égalité entre deux quantités de diffé- rente dénomination , comme quand on dit 60 fous = 3 liv. ou 20 fous === 1 liv. ou bz=id-\-e , ou 12 = -y- , &c> Ainfi mettre des quantités en équation , c'eft repréfenter par une double expreflion des quantités réellement égales & iden- tiques. Le caractère ou le figne $ équation eft ^= ou 00 ; ce dernier eft plub fréquent dans les anciens algébriftes , & l'autre dans les modernes. Voye\ CARACTERE. La réfolution des problèmes , par le moyen de leurs équations , eft l'objet de l'Algèbre. Voyei Algèbre. Memhes dyune équation , ce font les deux quantités qui font féparées par le figne 'dss ou 00 ; & termes d'une équation, ce font les différentes quantités ou parties, dont chaque membre de Y équation eft compofé, & qui font jointes entr elles par les fignes -\- & — . Ainfi dans Y équation b-\-c^=d, b-\-c eft un membre, & d l'autre ; & b, c, d, font les termes; & Yéquation lignifie que la feule quantité d eft égale aux deux b & c prifes enfemble. V. Terme , Membre. Racine d'une équation, eft la valeur de la quantité inconnue de Yéquation. Ainfi dans X équation a- -\- bl = x-, la racine eft V ôr4- bL. Voye\ &ACÏNE. Les équations , eu égard à la puiflànce plus ou moins grande à laquelle l'inconnue y morne , fe divifent en équations fimples , carrées, cubiques, &v. E Q y 799 Equation /impie ou du premier degré, eft celle dans laquelle l'inconnue ne monte qu'à la première puiflànce ou au premier degré , comme x ;== a -j- b. Équation carrée ou du fécond degré , eft celle où la plus haute puiflànce de l'in- connue eft de deux dimenfions , comme xz t=ax -\- bz ou x- -j- b- ou x1 -\~ax ^=^ b bm Voye\ Quarré & Degré. Équation cubique ou du troifieme degré , eft celle où la plus haute puiflànce de Tin- connue eft de trois dimenfions , comme x^ r-^zai—b* ou x* -^ a x x -^ b b x =: cK Voyei Cubique. Si la quantité inconnue eft de quatre di- menfions , comme x* ^ a* — b* ou z4 -\- a xi -^- b* x = c* , Yéquation eft appellée biquadratique ou carrée carrée , ou plus communément du quatrième degré; fi l'in- connue a cinq dimenfions, Yéquation eft nommée fur - de - folide ou du cinquième degré , &C. Voye\ PUISSANCE. On peut confidérer les équations fous deux points de vue , ou comme les derniè- res conclufions auxquelles on arrive dans la folution des problêmes , ou comme les moyens par lefquels on parvient à la folu- tion finale. V. SOLUTION Ù PROBLÈME. Les équations de la première efpece ne renferment qu'une quantité inconnue mêlée avec d'autres quantités données ou connues* celles de la féconde efpece renferment dif- férentes quantités inconnues qui doivent être comparées & combinées enfemble , jufqu'à ce que l'on arrive à une nouvelle équation qui ne renferme plus qu'une in- connue mêlée avec des connues. Pour trouver la valeur de cette inconnue » on prépare & on transforme Yéquation de différentes manières, qui fervent à l'abaiflèr au moindre degré , & à la rendre la plus fimple qu'il eft pofïïble. La théorie & là pratique des équations 9 c'eft-à-dire , la folution^ des queftions par les équations, a plufieurs branches ou parties. i°. La dénomination qu'on doit donner aux différentes quantités en les exprimant par les fignes ou fymboles convenables. 20. La réduction du pro- blême en équation. 30. La réduction de Y équation même au degré le plus bas & à Sco E Q U la forme la plus finale. 4*. On y peut ajourer la folution de Y équation y ou la repréfentation de Tes racines par des nom- bres ou des lignes. Nous allons donner d'abord les règles particulières aux deux premiers articles, c eft-à-dire , en général , ia méthode de mettre en équation, une queftion propofée. Une queftion ou un problême étant propofé , on fuppofe que les chofes cher- chées ou demandées font déjà trouvées , & on les' marque ordinairement par les dernières lettres x> y, \, &c. de l'al- phabet, marquant en même temps les quantités connues par les premières lettres de l'alphabet, comme b, c, d , &c. Voye\ Quantité , Caractère , ùc Toutes les quantités qui doivent entrer dans la queftion , étant ainfi nommées , on examine fi la queftion eft fujette à reftriction , ou non , c'eft-à-dire , fi elle eft déterminée ou indéterminée. Voici les règles par lefqjelles on peut le favoir. i°. S'il y a plus de quantités inconnues qu'il n'y a adéquations données ou renfer- mées dans la queftion , le problème eft indéterminé , & peut avoir une infinité de foîutions. Quand les équations ne font pas expreftement contenues dans le pro- blême , on les trouve par le moyen des théorèmes fur l'égalité des grandeurs. Voye\ ÉGAL. 2°. Si les équations données ou renfer- mées dans le problême font précifément en même nombre que les quantités incon- nues , le problême eft déterminé , c'eft-à- dire, n'admet qu'un nombre de folutions limité. 3°. S'il y a moins d'inconnues que d'équations, le problème eft plus que déterminé , & on découvre quelquefois qu'il eft impofîible par les contradictions qui fe trouvent dans les équations. Voye\ DÉTERMINÉ. Maintenant , pour mettre une queftion en équation y c'eft-à-dire , pour la réduire en différentes équations médiates , par le moyen defquelles on puiftè parvenir à une équation finale , la principale chofe à la- quelle on doit faire attention , c'eft d'ex- primer toutes les conditions de la queftion £>ar autant à! équations. Pour y parvenir ; E Q U il faut examiner fi les propositions ou mots dans lefquels la queftion eft exprimée , peu- vent être rendus par des termes algébri- ques , comme nous rendons nos idées ordi- naires en caractères grecs, latins ou fran- çois , &e\ Si cela eft ainfi , comme il arrive généralement dans toutes les queftions que l'on fait fur les nombres ou fur les quantités abftraites, en ce cas il faut donner des noms aux quantités inconnues., autant que la queftion le demande , & traduire ainfi en langue algébrique le fens de ia queftion. Ces conditions ainfî traduites donneront autant d'équations eue le problème peut en fournir. On a déjà donné au mot Arithmétique universelle un exemple de cette tradudion d'une quef- tion en langage algébrique. Donnons encore un autre exemple. Un marchand augmente tous les ans fbn bien d'un tiers , en ôtant 100 liv. qu'il dépenfe par an dans fa famille , au bout de trois ans il trouve fon bien doublé. On de- mande combien ce marchand avoit de bien au commencement de ces trois ans. Pour réfoudre cette queftion , il faut bien prendre garde aux différentes propofitions qu'elle renferme , & qui fourniront les équations Suivantes. En lan gage or- Algébriquement. dinaire un mar- chand a un bien dont il dépenfe x la première an- née 100 liv. je— 100. Et augmente 1 fl 15 ,^„ 1 *-ioo A. x -400 le relie d un x — 100 -4- ou — . tiers. J * La féconde / -i w 4* -400 année il de-- — —- — 100 ou penfe 100 liv. 3 Et augmente le refle d'un±îlZ22 tiers. 3 La troifieme , année il de — 100 ou i^i_ -4irr# penfe 100 liv. 9 Et augmente 16 x - 3700 , 16 , le refte d'un 9 ' "~ -T 4 x - 700 4 #-700 ï6#-aSoo OU . 3700 OU '/ tiers. 64 -v - 14800 Et 2 X. E Q U Et au bout des trois ans , il eft deux fois 4*~H °a plus riche qu'il n'étoit. La queftion fe réduit donc à réfoudre , . 6\x • 14S00 , cette équation — — z=.i Xy par le 17 moyen de laquelle on trouvera la valeur de x de la manière fuivante. On multipliera Y équation par 27, & on aura 64 x — 14800 = 54a:; on ûtera de part & d'autre 54 a:, & on aura iox — 14800 = 0, ou 10 x= 14800; divifant par 10, il deviendra x = 1480. Ainli ce marchand avoit 1480 liv. de bien. Il réfulte de ce que nous venons de dire , que pour réfoudre les queftions qu'on pro- pofe fur les nombres ou fur les quantités abftraites , il ne faut prefque que les tra- duire du langage ordinaire en langage algé- brique , c'eft-à-dire , en caractères propres à exprimer nos idées fur les rapports des quantités. Il eft vrai qu'il peut arriver quelquefois que le difcours dans lequel Y équation eft propofée , ne puifîè être rendu algébriquement; mais en y faifant quel- ques petits changemens , & ayant princi- palement égard au fens , plutôt qu'aux mots , la tradu&ion deviendra aflèz facile ; la difficulté qui peut fe rencontrer dans cette traduction , vient uniquement de la différence des idiomes , comme dans les traductions ordinaires. Cependant pour faci- liter la folution de ces fortes de problê- mes , nous allons en donner un exemple ou deux. i8. Etant donné la fomme de deux nom- bres a , & la différence de leurs carrés b , trouver les nombres; fuppofons que le plus petit de ces nombres foit x y l'autre fera a — x , & les carrés feront xx y . & aa — 2 ax-\-xxy dont la différence eft a a — 2 a x y qui doit être égale à b ; donc a a~ 2 a x 5=3 b ,* donc * a — b = 2 a x & a a — b _ Suppofons, par exemple, que la fomme des nombres ou la quantité a foit == 8 , & que la différence des carrés foit 16 , , aa — b a b ~ aIors __ ou - — -- fera 4 — 1 t= 3 & on aura a — ~x*= $ ; donc E Q U 801 les nombres cherchés font 3 & 5. ffqycz DlOPHANTE. 2°. Trouver trois quantités x, y y \> dont on connoiffe la fomme, étant prife deux à deux. Suppofons que la fomme de a: & de y foit a , que celle de x & de \ foit b y & que celle de y & de \ foit c , on aura les trois équations x-^-y = a y * -jr l = b y y -\-i=c; pour chercher maintenant deux des trois quantités x y y9 l y par exemple , \ & y y on aura par la première & par la féconde équation y ==: a — x : & ç =: b — x; on fubftituera dans la troisième équation ces valeurs au lieu de y & de \y & l'on aura a — x -\~b — xz=zc y & x = — ** — ; x étant trouvée , on aura y & 1 par le moyen des équations y=a — x & i = b-*-x. Par exemple , fi la fomme de a* & dey eft 9 , celle de x & de ç, 10 , & celle dey & de i\ ? 13 ; dans les valeurs de x> y & ç , on écrira 9 pour a y 10 pour b y & 13 pour Cy & on aura a -J-£— . c =^6t par conféquenta: ou a + b~c —~ 1 == ^ ^ y ^ a — x = 6 & 1 ou 3 — a: = 7. 3°. Divifer une quantité donnée en un nombre quelconque de parties , telles que les différences des plus grandes fur les plus petites , foient égales à des quantités don- nées. Suppofons que a foit une quantité que l'on propofe de divifer en quatre parties, telles que la première & la plus petite foit x; que l'excès delà féconde fur la première foit b y celui de la troifieme foit c y & celui de la quatrième d y x -\- b fera la féconde partie , x -+- c la troifieme , x -\~dh qua- trième ; & la fomme $x-\-b-\-c-\-dàQ toutes ces parties fera égale à a. Retran- chant b -\- c + d de part & d'autre , oa aura 41= a — £ — c — - J & x ■ — : a-~-b — c — à x y ce on aura Tome XII. Imaginons , par exemple , qu'on pro- pofe de divifer une ligne de vingt pieds en quatre parties, de manière que l'excès de la féconde partie fur la première foit de 2 pieds , celui de la troifieme de 3 pieds , & celui de la quatrième de 7 pieds , 4 — * — c — d 10 — 1 3 — 7 Iiiii on aura x ou Soi EQU = y =r 2 , ?t +-3 = 4,^ + c=^,& # -^- d=^g. On peut Ce fervir de la même méthode pour divifer une quantité donnée en un nombre quelconque de parties avec des conditions pareilles. 4°. Une perfonne voulant diftribuer trois fous à un certain nombre de pauvres , trouve qu'il lui manque huit fous ; ainfi elle ne leur donne à chacun que deux fous , & elle a trois fous de refte. On demande combien cette perfonne avoit d'argent , & combien il y avoit de pauvres ? Soit x le nombre des pauvres ; & comme il s'en faut de huit fous qu'ils ne puiffent avoir trois fous chacun , l'argent eft donc ^ x — 8 , dont il faut ôter ix, & il doit relier 3 ; donc 3 x — 8 — 2 ar = 3 oua: = 11. 5°. Le pouvoir ou l'intenfité d'un agent étant donnés, déterminer combien il faut d'agens femblables pour produire un effet donné a dans un temps donné b. Suppo- fons que l'agent puiffe produire dans le temps d l'effet c y on dira comme le temps defl. au temps b y ainfî l'effet c que l'agent peut produire dans le temps d y eft à l'effet qu'il peut produire dans le temps b y qui fera par conféquent ^. Enfuite on dira , comme l'effet -^ eft à l'effet a y ainfî un des agens eft à tous les agens ; donc le nombre des agens fera ~. Voye^ Règle DE TROIS. Par exemple , fi un clerc ou fecretaire tranfcrit quinze feuilles en huit jours de temps , on demande combien il faudra de clercs pour tranfcrire 405 feuilles en neuf jours ? Réponfe , 24. Car fî on fubftitue 8 pour d, 1 5 pour c y 405 pour ay & 9 pour c'eft- eu S = J, ad 40? X 8 9 Xi* b t le nombre — deviendra b c â-dire , Vn2 ou 24- 6°. Les puifTances de différens agens étant données , déterminer le temps x dans lequel ils produiraient un effet donné d y étant jointes enfemble. Suppofons que les puifTances des agens Ay By Cy foient telles que dans les temps e yf9 gy ils produifent les effets ay by cy ces agens dans le temps x produiront les effets ~, y-, y 9 EQU on aura donc — ,-}-—, -L- &* — 7 7 + 7 + r Imaginons , par exemple , que trois ou- vriers nniflènt un certain ouvrage en diffé- rens temps. Par exemple , A une fois en trois femaines , B trois fois en huit femai- nes , & c cinq fois en douze femaines, on demande combien il leur faudra de temps pour finir le même ouvrage , en y travail- lant tous enfemble ; les puiffances des agens font telles que dans les temps 3 , 8 , 12 , ils produifent les effets 1 , 3 , $ , & on veut favoir en combien de temps ils produiront l'effet 1 , étant réunis. Au lieu de ay by cy dy ey fy gy on écrira 1,3,5, 1, 3, 8, 12, & il viendra x — 1 _ 3T8TH ou f de femaine , c'eft-à-dire , fix jours cinq heures & y d'heure pour le temps qu'ils mettroient à finir l'ouvrage propofé. 70. Etant données les pefanteurs fpécifï- ques de plufîeurs chofes mêlées enfemble , & la pefanteur fpécifique de leur mélange , trouver la proportion des ingrédiens dont le mélange eft compofé. Suppofons que e foit la gravité fpécifique du mélange A ~\* By a celle de Ay & b celle de B ; comme la gravité abfolue ou le poids d'un corps eft en raifon compofée de fon volume & de fa pefanteur fpécifique [yoye^ DENSITÉ) a A y fera le poids de a y & b B celui âeB y k a A -\- b B ferz = e A-\- e B ; donc a A — e A = e B — b B y ïk. a — e : e — b : : B : A. Suppofons , par exemple , que la pefan- teur fpécifique de l'or foit 19 , celle de l'argent 10 y, & celle d'une couronne com- pofée d'or & d'argent 17, on aura A:B : :e — b: a — e: : 7 — f: 2 : :20: 6 : : 10: 3 ' ce fera le rapport du volume de l'or de la couronne au volume de l'ar- gent ; & 190 : 31 : : 19 X 10: iQyX 3 : : a X e — 3 : £ X rf — e ; ce fera le rap- port du poids de l'or de la couronne au poids de l'argent; enfin, 221 : 31, comme le poids de la couronne eft au poids de l'argent. Voye\ Alliage, EQU Pour réduire en équations les problèmes géométriques , on remarquera d'abord que les queftions géométriques ou celles qui ont pour objet la quantité continue , fe mettent en équations de la même manière que les queftions arithmétiques. Ainfi la première règle que nous devons donner ici , eft de fuivre pour ces fortes de pro- blêmes les mêmes règles que pour les pro- blèmes numériques. Suppofons , par exemple , qu'on demande de couper une ligne droite A B (Planche d* Algèbre y fig. 6.) en moyenne & extrême raifon en C; c'eft-à-dire , de trouver un point C y tel B E carré de la plus grande partie foit égal au reâangle B D fait de la ligne entière & de fa plus petite partie. Suppofant A B = a, & C B = Xy on aura AC=a — xy &.xx=açara — x; équation du fécond degré, qui étant ré- folue , comme on l'enfeignera plus bas , donnera x = — \a -J- y \aa. Mais il eft rare que les problêmes géo- métriques fe réduifent fi facilement en équations; leur folution dépend prefque toujours de différentes portions & rela- tions de lignes : de forte qu'il faut fouvent un art particulier & de certaines règles pour traduire ces queftions en langage algébrique. Il eft vrai que ces règles font fort difficiles à donner ; le génie eft la meilleure & la plus sûre qu'on ait à fuivre dans ces cas-là. On peut cependant en donner quelques- unes , mais fort générales , pour aider ceux qui ne font pas verfés dans ces opérations : celles que nous allons donner font princi- palement tirées de M. Newton. Obfervons donc , i°. que les problèmes concernant les lignes qui doivent avoir un certain rapport les uns aux autres , peuvent être différemment envifagés, en fuppofant telles ou telles chofes connues & données, & telles ou telles autres inconnues; cependant quelles que foient les quantités que l'on prend pour connues & celles qu'on prend pour inconnues , les équations que l'on aura feront les mêmes quant au fond , & ne différeront entr'elles que par les noms qui ferviront à diftinguer les grandeurs connues d'avec les inconnues. Ç Q U 8oj Suppofons , par exemple , qu'on pro- pofe de comparer les côtés B C , BD, & la bafe CD Çfig. j d'Algèbre) d'un triangle ifocele inferit dans un cercle , avec le dia- merre de ce même cercle. On peut fe pro- pofer la queftion , ou en regardant le dia- mètre comme donné , avec les côtés , & cherchant enfuite la bafe , ou en cherchant le diamètre par le moyen de la baie & des côtés fuppofés donnés , ou enfin en cher- chant les côtés par le moyen de la bafe & du diamètre. Or , fous quelque forme qu'on fe propofe ce problême , les équations qui ferviront à le réfoudre auront toujours la même forme. Ainfi , fuppofons que l'on cherche le diamètre, on nommera ABxy C Dyay & B C ou B Dyb; enfuite tirant A C> on remarquera que les triangles ABC & CBE font femblables , & qu'ainfi AB : B C : : B C : BE, oux: b : : b : BE ; donc BE — tl^ CE =*_c D ou {a; & comme l'angle CE B eft un angle droit , CE1 + ££*=JBC1, c'eft-à-dire, T "^T ir* == & &' Cette équation étant ré' folue donnera le diamètre cherché x. Si c'eft la bafe qu'on demande , on fera AB==c,CD = x>&BCouBn = b; enfuite on tirera ACy & les triangles fem- blables ABC & CBE donneront A B : BC.iBC-.BE, ouc:b::b:BE. DoncBE=z" &CE = ±CDou±x, & comme l'angle C B E eft droit, on aura CE*+BEz=CBl; donc £ xx'-Jfi -^== bb. D'où l'on tirera la valeur de la bafe cherchée x. Enfin , fi les côtés B C & B D font fup- pofés inconnus, on fera AB = Cy CO=z a y & B C ou B D = xy on tirera enfuite AC ; & â caufe des triangles femblable* ABC ScCBEy on aura AB.BCit B C : BE ou c : x : : x : B E; donc BE = *-?yCE = { CD ouiay&: l'angle droit CBE donnera CE1 + BEX =at. BCX , c'eft-â-dire, \aa-\-^± = xx; équation qui étant réfolue donnera la valeuç x d'un des côtés cherchés. Iiiii i .804 E Q U On voit par-là que le calcul , pour ar- river adéquation, & V équation elle-même, font fembiabies dans tous les cas , excepté que les mêmes lignes y font désignées par des lettres différentes félon les données & les inconnues que l'on fuppofe. Il eft vrai que !a différence des données fait que la réfo'udon des équations eft différente ; mais elle ne produit point de changement dans Y équation même. Ainfï on n'eft point abfolument obligé de prendre telle ou telle quantité pour inconnues ; mais on eft le maître de choifir pour données & pour inconnues, les quantités qu'on croit les plus propres à faciliter la folution de la queftion. 2°. Un problême étant donc propofé , il faut commencer par comparer entr'elîes les quantités qu'il renferme , & fans faire aucune diftindion entre les connues & les inconnues , examiner le rapport qu'elles ont enfemble , afin de connoître quelles font celles d'entr'elles qui peuvent faire trouver plus facilement les autres. Dans cet examen il n'eft pas néceflàire de s'af- furer , par un calcul algébrique exprès , que telles ou telles quantités peuvent être déduites de telles ou telles autres ; il fuffit de remarquer en général qu'on peut les en tirer par le moyen de quelque con- nexion directe qui eft entr'elîes. Par exemple , fi on donne un cercle dont le diamètre foit A D Çfig. 8 algébr.J & dans lequel foient infcrites trois lignes AB} B Cy C D y defquelles on demande B C'y les autres étant connues , il eft évi- dent au premier coup-d'ccil que le dia- mètre AD détermine le demi-cercle , & que les lignes AB & C Dy qu'on fup- pofe infcrites dans le cercle, déterminent aufîi les points B & C y & que par con- féquent la ligne cherchée B C a une con- nexion directe avec les lignes données. Voilà de quoi il fuffit de s'affurer d'abord , fans examiner par quel calcul analytique la valeur de la ligne B C peut être réelle- ment déduite de la valeur des trois lignes données. 3°. Après avoir examiné les différentes manière* dont on peut compofer & dé- tompofer les termes de la queftion y il faut fe fer vit de quelque méthode fynthétique , E Q U en prenant pour données certaines lignes , par le moyen defquelles on puiffe arriver à la connoiffance des autres , de manière que le retour de celles-ci aux premières fait plus difficile ; car quoiqu'on puiffe fuivre dans le calcul différentes routes , cependant il faut le commencer par bien choifir fes données * & une queftion eft fouvent plus facile a réfoudre , en choi- fîfîànt àes données qui rendent les in- connues plus faciles à trouver , qu'en con- fîdérant le problême fous la forme aûuelle fous laquelle il eft propofé. Ainfi, dans l'exemple que nous venons- de donner , fi on propofé de trouver A Dy les trois autres lignes étant connues , je vois d'abord que ce problême eft difficile à ré- foudre fynthétiquement ; mais que cepen- dant s'il étoit ainfi réfolu , je pourrois fa- cilement appercevoir la connexion directe qui eft entre cette ligne & les autres. Je prends donc A D pour donnée , & je commence à faire mon calcul comme fi elle étoit en effet connue , & que quel- qu'une des autres quantités A B y B C ou C Dy fût inconnue ; combinant enfuite les quantités données avec les autres , j'au- rai toujours une équation en comparant entr'elîes deux valeurs de la même quan- tité : foit que Tune de ces valeurs foit une lettre par laquelle cette quantité aura été marquée , en commençant le calcul ; & l'autre , une exprefîion de cette quantité qu'on aura trouvée par le calcul même ; foit que les deux valeurs aient été trou- vées chacune par deux différens calculs. 4°. Ayant aînfi comparé en général les termes de la queftion entr'eux , il faut encore de l'art & de l'adreffe pour trou- ver parmi les connexions ou relations particulières des lignes , celles qui font les plus propres pour le calcul ; car il arrive fouvent que tel rapport qui paroît facile à exprimer algébriquement , quand on l'envifage au premier coup-d'œil , ne- peut être trouvé que par un long circuit; de manière qu'on eft quelquefois obligé' de recommencer une nouvelle figure , & de faire fon calcul pas à pas , comme on pourra s'en affurer en cherchant B C par le moyen de A Dy AB & CD. Car on ne peut y parvenir que par des proportions E Q U dont l'énoncé foit tel , qu'elles puiffent être rendues en langage algébrique , & dont quelques-unes peuvent fe tirer d'Eu- clide. Ax. i$ , propojit. 4 _, L. VI , Ù propqfit. qj y L. I y élément. Pour parvenir plus aifément à connoître les rapports des lignes qui entrent dans une figure , on peut employer difFérens moyens : en premier lieu , l'addition & la fouftraftion des lignes ; car par les valeurs des parties on peut trouver celles du tout , ou par la valeur du tout & par celle d'une des parties , on peut connoître la valeur de l'autre partie : en fécond lieu , par la pro- portionnalité des lignes ; car , comme nous Pavons déjà fuppofé dans quelques exem- ples ci - deiïùs , le rectangle des termes moyens d'une proportion , divifé par un des extrêmes , donne l'autre , ou ce qui eft la même chofe , fi les valeurs *des qua- tre quantités font en proportion , le pro- duit des extrêmes eft égal au produit des moyens. Voye\ PROPORTION. La meil- leure manière de trouver la proportionna- lité des lignes , eft de fe fervir des trian- gles femblables ; & comme la fimilitude des triangles fe connoît par l'égalité de leurs angles , l'analyfte doit principalement fe rendre ce point familier. Pour cela il doit pofléder les proportions Ç , 13 , iÇ , 29, 32, du premier livre d'Euclide \ les proportions 4 , 5 , 6 , 7 , 8 , du livre VI , & les 20 , 21 , 21 , 27, & 31 du livre III. On peut y ajouter la troifieme proposition du livre VI, ou les propositions 35 & 36 du livre III. Troisièmement , on fait aufîi beaucoup d'ufage de l'addition & de la fouflraction des carrés , fur-tout lorfqu'il fe trouve des triangles rectangles dans la figure. On ajoute enfemble les carrés des deux petits côtés pour avoir le carré du grand , ou du carré du plus grand côté on ôte le carré d'un des côtés, pour avoir le carré de l'autre. C'eft fur ce petit nom- bre de principes qu'eft établi tout l'art analytique , au moins pour ce qui regarde la géométrie reétiîigne , en y ajoutant feu- lement la proposition première du VI livre d'Euclide , lorfque la queftion propofée re^ garde des furfaces, & aufîi quelques propo- sitions des XI & XII livres. En effet toutes les difficultés dus problèmes de la géométrie EQU 805 rectiligne peuvent fe réduire à la feule com- position des lignes , & à la fimilitude des triangles; de forte qu'il ne fe rencontre jamais d'occafion de faire ufage d'autres théorèmes , parce que tous les autres théo- rèmes dont on pourroit fe fervir, peuvent fe réduire â ces deux-là , & que par confé- quent ces derniers peuvent leur être fubfti- tués dans quelque Solution que ce puifTe être. 50. Pour accommoder ces théorèmes à la conftrucrion des problêmes , il eft fou- vent néceflaire d'augmenter la figure , foit en prolongeant certaines lignes jufqu'à ce qu'elles en coupent d'autres , ou qu'elles de-, viennent d'une certaine longueur ; foit en tirant des parallèles ou^des perpendiculaires de quelque point remarquable ; foit en joi- gnant quelques points remarquables ; foit enfin , comme cela arrive quelquefois , en conftruifant une nouvelle figure Suivant d'autres méthodes , félon que le deman- dent les problêmes & les théorèmes dont on veut faire ufage pour la réfoudre. Par exemple , fi deux lignes qui ne fe rencontrent point l'une & l'autre , font des angles donnés avec une certaine autre ligne , on peut les prolonger jufqu'à ce qu'elles fe rencontrent ; de manière qu'on aura un triangle dont on connoîtra tous les angles , par conféquent le rapport des côtés , ou bien fi un angle eft donné , ou doit être égal à un angle quelconque , fouvent on peut compléter la figure , & en former un triangle donné d'efpece , ou femblable à quelqu'autre: ce qui fe fait , foit en prolongeant quelques-unes des lignes de la figure , foit en tirant une ligne qui fouftende un angle. Si un triangle propofé eft obliquangle , fouvent on le réfout en deux triangles rectangles, en abaifîànt une perpendiculaire d'un des angles fur le côté oppofé. Si la queftion regarde des figures de plufieurs côtés , on les réfout en trian- gles par des lignes diagonales , & ainSi des autres: mais il faut toujours avoir attention que par ces divifions la figure fe trouve partagée , ou en triangles donnés , ou ei> triangles femblables , ou en triangles rectangles. Ainfi , dans l'exemple propofé, on tirera la diagonale B p y afin que le trapèze A B C D puifiè fe réfoudre en . deux So6 E Q U triangles , l'un re&angle A B D, & l'autre obliquangle B C D (Jig. 8.) On réToudra enfuite le triangle obliquangle en deux triangles rectangles , en abaifîànt une per- pendiculaire de quelqu'un des angles B , C , D, fur le côté' oppofé; par exemple, du point B fur la ligne C D, qu'on pro- longera en E , afin que B E puiffe la ren- contrer perpendiculairement. Or, comme Jes angles B A D & B C D pris enfemble font deux droits ( par la propofit. 22 du III Eue!.) aufîi-bien que BCE & BCD, il s'enfuit que les angles BAD & BCE font égaux; par confisquent les triangles BCE & D AB font femblables. Ainfi prenant AD, A B & B C pour donne'es , & cher- chant CD, on peut faire le calcul de la manière fuivante. A D & AB donnent BD à caufe du triangle rectangle ABD. AD, AB, B D, BC,i caufè des trian- gles femblables A B D & CE B, donnent BE & CE. BD &BE donnent E D, à caufe du triangle rectangle B E D, & E D — EC donne CD. Ainfi. on aura une équation entre la valeur de la ligne CD trouvée par le calcul , & la valeur de cette même ligne exprimée par une lettre algé- brique. On peut aufli ( & fouvent il vaut mieux fuivre cette méthode , que de pouffer trop loin un feul & même calcul ) ; on peut, dis-je, commencer le calcul par dirFérens principes , ou au moins le con- tinuer par diveifes méthodes , peur arriver à une feule & même conclufion , afin de pouvoir trouver deux valeurs différem- ment exprimées de la même quantité , Jef- quelles valeurs peuvent être enfuite faites égales l'une à l'autre. Ainfi AD, A B & ÈC, donnent B D BE & CE, comme ci-devant, enfuite CD-^CE donne E D, enfin D B & E D donnent BE, à caufe du triangle rectangle BED, 6°. Ayant choifi & déterminé la méthode fuivant laquelle on doit procéder , & fait fa figure , on donne d'abord des noms aux quantités qui doivent entrer dans le calcul , c'eft-à-dire , desquelles on doit tirer la valeur des autres jufqu'à ce qu'on arrive à une équation; pour cela on aura foin de choifir celles qui renferment toutes les conditions du problême , & qui paroiffent autant qu'on peut en juger , les plus E Q U propres à rendre la conclufion fimple & facile , de manière cependant qu'elle ne foie pas plus fimple que le fujet & le defïein du calculateur ne le demandent. Ainfi iï ne faut point donner de nouveaux noms aux quantités dont on peut exprimer la valeur par celle des quantités à qui on a déjà donné des noms. Par exemple , fi une ligne donnée eft divifée en parties , ou fi on a un triangle re&angle, on doic laifièr fans nom quelqu'une des parties de> la ligne ou toute la ligne entière , ou un des côtés du triangle , parce que les valeurs de ces quantités peuvent fe déduire de la valeur des données , comme dans l'exemple déjà propofé. fi on fait AD = x & B A = a , on ne marquera BD par aucun* lettre , parce qu'elle eft le troifieme côté du triangle rectangle ABD, Se que par conféquent fa valeur eft ^xx — a a. Si on nomme enfuite B C, b , on verra que les triangles femblables DAB & B C E donnent AD :AB::BC: CE. Or de ces quatre lignes le trois premières font déjà données ; ainfi on ne donnera point de nom à la quatrième CE dont la valeur fe trou- vera être — par le moyen de la propor- tion précédente. Si donc on nomme D C 9 c, on ne donnera point de nom à DE 9 parce que Ces parties D C & CE, étant l'une c, l'autre-^-) leur fomme c-\-~- eft la valeur de D E, 70. Par les différentes opérations qu'on fait pour exprimer les lignes auxquelles on n'a point donné de noms , le problême eft déjà prefque réduit à une équation ; car après qu'on a exprimé ainfi les différentes lignes qui doivent entrer dans la folution de la queftion propofée , il ne faut plus que faire attention aux conditions du problême, pour découvrir une équation. Par exemple , dans ce problême dont nous avons déjà parlé , il ne faut que trouver , par le moyen des triangles rec-* tangles BCE & BDE , deux valeurs deBE; en effet, on aura B C1 — C Ev oubl>—aJ±ï = BEl&cBDz — DE* X X x a b c ou xx ->- aa — c c — a a b h EQU EQU S07 BE\ Egalant enfemble ces deux valeurs I gles rectangles A C F, C B F, on a B F: a A .*** », ' BC::BC:AB. Déplus, comme C i> de #£% & ôtant ^ ? on aura \equa- tion bb = xx — aa — ce jr > qui délivrée des frayions, donne x*=aa X-^bbx-^-iabc-^-cçx. 8°. A l'égard de la géométrie des lignes courbes , on a coutume de déterminer ces lignes , ou en les fuppofant décrites par le mouvement local de quelques lignes droites , ou en les repréfentant par des équations qui expriment indéfiniment le rapport de certaines lignes droites difpofées entr'elles dans un certain ordre & fuivant une certaine loi , & terminées à la courbe par une de leurs extrémités. K. COURBE & Lieu. Les anciens déterminoient les courbes, ou par le mouvement continu de quelque point , ou par les fedions des folides , mais moins commodément qu'on ne les détermine par la féconde des deux manières dont nous venons de eft donnée de pofition , A D eft donnée ; ainn on appellerai D y b ; on connok aufîî la raifon de BC à BDy qu'on fuppofera comme d à e , & on aura B D = — & AB = b — e x donc b — i£ =: qui parler. Les calculs regardent les courbes , lorfqu'on les décrit de la première manière , le font par une méthode femblable à celle que nous avons donnée jufqu'ici. Suppofons , par exemple , que AKC (fig. 9>) foit une ligne courbe décrite par le point vertical K d'un angle droit AK

& quand une quantité eft égale à zéro , il faut qu'un de fes fadeurs le foit ; ainfi la quantité ou équation propofée eft le produit de a?— a =?o par x — b & par x — Cy &c. ou de #— b = o par a:— a & par ar— > cy &c. ou de a*— c=o par x — a & par x-—by &c. Dans chacun de ces cas on ne fuppofe à la fois qu'une des équations partielles égale à zéro ; a; eft la même quantité dans chacun des cas, & elle eft différente dans les differens cas. Ainfi x x—a x-^a b=.o eft x — a = o — bx pa x — b y oui — b = o par x — a ; cette équation x x— a x-\- a b = o re- — b x préfente ces deux-ci; l'une a a— a a-\-ab — ab ( en mettant a pour x ) , & l'autre b b — a bApab (en mettant b pour x). — bb Dans l'un des cas , rr & fes puiffànces repréfentent a & fes puiffànces ; dans l'autre, x & fes puiffànces repréfentent b & fis pui^ances. Ainfi une équation d'un degré quelconque repréfente réellement autanr ^équations particulières qu'il y a d'unités dans fon degré \ équations dans chacune defquellesx a une valeur différente. Pourfui- vons & approfondiffbns cette matière, qui, je le répète , eft fort mal développée par-tour. La démonftration précédente, dira-t-on, fuppofe qu'il y a toujours une quantité a poffibie , qui fubftituee â la place de x dans une quantité algébrique , x m -|-/> xm-1 y &c. , fera évanouir tous les termes. Sans doute : mais cette fuppofition eft Kkkkk 8io EQU légitime; Tai démontré le premier , Mém. \ de l' acad.de Berlin 1746 y qu'il y avoit toujours en effet une telle quantité , laquelle ; fera ou réelle , ou égale à m -\~ n V — • * * m & n étant réelles , & m pouvant être = o. Cette proportion fondamentale de : l'Algèbre & même du calcul intégral , j (voye\ Fraction rationnelle ù In- ' TÉGRAL) n'avoit été démontrée par per- fonne avant moi : j'y renvoie le lecteur , il la trouvera encore plus développée , & mife à la portée des commençans dans le Traité du calcul intégral de M. de Bou- gainville le jeune , première partie. Voye i Imaginaire. Delà il s'enfuit qu'une équation eft le produit d'autant de quantités fimples , x—- a, x—b, x—c, &c, qu'il y a d'u- nités dans le degré de V équation; quelques- unes des quantités a> b y c> ou toutes, peuvent marquer des quantités réelles , égales ou inégales , imaginaires fimples somme n ]/ — » » ou mixtes imaginaires comme m-\*n\/ — i . . On remarquera maintenant que le pro- duit de a:— a par a:— b ne peut être égal à un autre produit x-—e par x~—f; car iî cela étoit , on auroit jE^v := UL ' \* Il faudroit donc ou que a:— a fût divifible exactement par a: — /, ainfl que a;— e par x — b9 ce qui ne fe peut, ou que a;— /& x — b eufTent un divifeur com- mun , ainfl que a: — a & x—e; ce qui ne fe peut encore. Tout cela eft évident par foi- même. Donc une quantité quelconque x x -\-p x -^- q y où x monte au fécond degré , ne peut être le produit que de deux facteurs fimples :r— a, x —3 y & il ne peut y en avoir d'autres que ces deux-là. Donc dans une équation du fécond degré x ne peut avoir que deux valeurs différentes a, b y & jamais davantage. C'eft une fuite des propofitions précédentes. De même on ne fauroit fuppofer x — a par at — b par x — - c y égal à x — c par x — /par a: — g; car on auroit x a. x e Donc les dénominateurs de ces fractions devroient avoir un divifeur commun , & par EQU conféquent aufïi leurs numérateurs x— - ay x — e y ce qui ne fe peut. Donc dans une équation du troifieme degré , & par la même raifon dans toute équation , l'in- connue ne peut avoir qu'autant de valeurs , foit réelles , foit imaginaires , qu'il y a d'unités dans le degré d'équation. Voilà en- core une propofition qu'aucun auteur n'avoit fuffifamment prouvée. On appelle racines, les différentes valeurs de l'inconnue. Voye\ Racine. Il pourroit fe préfenter aux commençans une difficulté fur la démonftration précé- dente. Soit, diront-ils, 4=4., 3=17, c = y , e = 8 , & a: = 2, on aura ( x — a) X (x — b) = — i x — 15 = -5X-^=(a:-7) X (* — 8) = (a: — c) X ( * "— e ) .» on peut donc avoir, continueront-ils, (x-~a) (x — b) = ( a:-— c ) (x e). La réponfe à cette objection eft bien fimple ; il eft vrai qu'il peut y avoir àes cas où , en donnant à x une certaine valeur , on ait ( x a ) (x b) = ( x c) (x e); mais il faudroit , pour renverfer la démonftration précédente , que quelque valeur qu'on donnât à a:, on eût toujours cette dernière équation y x marquant ici une quantité géné- rale & indéterminée: or, cela eft impofîible. En effet, fî cela étoit, fuppofons x = a9 on auroit donc , à caufe de l'égalité fup- pofée , (a a) (a b ) = (a c) ( a e) y c'eft - a - dire o = ( a — — c ) ( a e ) , ce qui ne fe peut , puifque c & e font différentes de a & de b. Delà on tire une autre démonftration de la propofition dont il s'agit, & qu'on peut appliquer aux degrés plus compofés \ par exemple , fi (x a) (x b) (x c) pouvoit être égala fx 0,(x-~zf) (x~Tg)> on auroit ( a e ) ( a — f) ( a— y— g ) =0 , ce qui ne fe peut ; & ainfi du refte. Je pafîè un grand nombre de. propofi- tions qu'on trouvera fuffifamment démon- trées par-tout , par exemple celles qui font indiquées au mot Coefficient: c'eft prin- cipalement à des chofes nouvelles , ou du moins préfentées d'une manière nouvelle & rigoureufe , que je deftine cet article. J'obferverai feulement que les propofitions connues fur les coefficiens des équations 9 fervent quelquefois à démontrer d'une E QU manière fîmple & élégante des proportions de Géométrie ; M. de l'Hôpital , dans le liv. X y de fes feclions coniques y s'en eft heureufement fervi pour démontrer certai- nes propriétés des cordes du cercle. Si une des racines de Y équation xm-\*p x m~z -\- r== o eft un nombre entier a, pofitif ou négatif, ce nombre a fera un des divifeurs du dernier terme r ; car on a am -\- p am~l -\- n a -\> r = o , donc am T P am~l "J-/IÛ = r9 donc a m-i J^. p a w-t, t # # j^. n — — ; — L. Or , le premier membre de cette équation eft un entier , puifqu'il eft compofé d'entiers ; donc - eft un entier , donc a eft un des divifeurs de r. La démonftration ordinaire de cetçe propofition me paroît fujette à difficulté ; c'eft par cette raifon que j'en ai fubftitué une autre. Si toutes les racines d'une équation font réelles , & que tous les termes de Y équation aient le fïgne -j- , toutes ces racines feront négatives ; car , puifque tous les termes ont le figne -\- , il eft évident qu'il ne peut y avoir de quantité pofitive , qui étant fubftituée à la place de x , rende Y équation égale a zéro. Dans une équation y les racines imaginai- res vont toujours deux à deux ; en forte que {\a-\-b y — i eft racine d'une équation , a b y — i en fera une autre. J'ai démon- tré le premier cette propofition dans les Mém. de Vacad, de Berlin i J^6. V. aujjî l'ouvrage de M. de Bougainville déjà cité , & l'an. Imaginaire. Donc puifque les racines imaginaires font toujours en nombre pair , il s'enfuit que dans les équations d'un degré impair il y a du moins une racine réelle ; ce qu'on peut encore démontrer en cette forte. Soit , par exemple , xi -\- p xl -\- q x -\~ r= o , en donnant à x toutes les valeurs pofitives poflibles depuis o jufqu'à l'infini , on a tou- jours un réfultat réel , & ce réfultat devient infini & pofitif quand x sp= oo , c'eft-à- dire oo 5 ; de même en donnant à x toutes les valeurs négatives pofïiblt* depuis o juf- qu'à l'infini , on aura toujours un réftltat réel , & le dernier réfultat eft infini & négatif quand x = — oo , c'eft-à-dire — E Q U 811 00 '; donc puifqu'on a une fuite de réful- tats tous réels & fans interruption , dont les deux extrêmes font de différens fignes , il s'enfuit qu'il y a un de ces refultats égal à zéro. Donc il y a une valeur réelle de x qui rend :r} -\- p xz-\-q x-\-r = o. Donc xa au moins une valeur réelle dans cette équation. Il en eft de même des autres cas. Dans une équation délivrée de fractions , & dont le premier terme n'a d'autre coef- ficient que l'unité , la racine ne fauroit être une fraction ~ , dont le dénominateur & le numérateur foient des nombres entiers & rationnels. Voilà encore une propofition bien mal prouvée dans prefque tous les au- teurs. En voici une meilleure démonftra- tion. Soit x1 -^ p x1 -\-q x -|- r=0', & fuppofons que y foit racine de Y équation y on aqra donc It+Ï + t + ^o, & ai-\-p à1 b-\-q a 3t-^-r bl=o. Donc, fuivant la théorie des équations donnée ci- defîus , le nombre enrier a doit être divi- feur du dernier terme r bl ; or, comme a & b n'ont aucun divifeur commun , car la fraction y eft fuppofée , comme de raifon , réduite à fes moindres termes ( Voye\ Diviseur, Fraction), il s'en- 1 fuit que a & b% n'ont aucun divifeur j commun: donc a doit être divifeur de r; < donc r=n a y n étant un nombre entier. ; Donc on aura a1 -\- p a1 b -\-q a bx -\» n a b1 = o ; donc a* -\- p a b -j- q b* -f- n'bi =o. Donc, par la même raifon que ci-defïus , a doit être un divifeur du der- nier terme a b1 -\-n b* , & par conféquent de q -{- b n ; donc q-\~b n = m a; donc a1 -J-/> a b-\- b1 ma = o-i donc a -^-p b -^- b% /72 = o ; donc j == — p — ml. Donc j n'étoit point une fraction , ce qui eft contre l'hypothefe. On démon- | trera de la même manière dans tous les autres cas , la propofition dont il s'agit. Donc , &c. Il eft évident , par la nature de cette démonftration , qu'elle ne s'étend qu'aux fractions rationnelles. Une équation fans fractions & fans radicaux peur en effet avoir Kkkkk 2 Si* E Q U pour racines des fradions irrationnelles ; | par exemple, a;1 — a— 1 = 0, & une infinité d'autres. Voyez au mot TRANSFORMATION, ce qui regarde la manière de transformer une équation en une autre matière qui n'a d'ail- leurs aucune difficulté , & qui eft affez bien traitée dans prefque tous les Algébriftes; par exemple , dans \y Analyse démontrée du P. Revneau, Ùc. On trouvera au mot RACINE , le fameux théorème de Defcartes fur les racines des équations , démontré par M. l'abbé de Gua dans les Mém. de l'acad. deij^i, auxquels le lecteur peut avoir recours. Nous nous bornerons ici à quelques réflexions générales fur les racines des équations. Les racines d'une équation font les diffé- rentes valeurs de l'inconnue ; il femble donc qu'un problême doive avoir autant de folu- tions qu'une équation a de racines ; & cela eft vrai en effet dans un certain fens , mais ceci a pourtant befoin d'une plus ample explication. i°. Si on propofoit de trouver un nombre ar, tel que le carré de ce nombre plus 15 fût égal à 8 fois le nombre cherché , c'eft- à-dire , tel que x x — 8 x -\- 1 5 fut == o , on trouveroitque cette équation auroit deux racines réelles & pofitives :r=^3, x= X = 3 & x = 1. La première racine x 3 , qui eft réelle & pofitive , réfout la queftion ; à l'égard de x = — 1 , elle ne réfout point la queftion propofée , elle ré- fout celle-ci : trouver un nombre , auquel ajoutant l'unité , le carré de la fomme foit égal à quatre. On voit que dans cet énoncé , ajouter fe trouve au lieu de retrancher y & Jomme au lieu de refle. En effet ( x + 1 ) l = 4 donne x = i & *=— -3 , qui font précifément les racines de V équation précé- dente prifes avec desfignes contraires. D'où l'on voit que les racines négatives fatisfont à la queftion , non telle qu'elle eft propofée , mais avec de légers changemens qui con- fident à ajouter ce qu'on devrait retrancher, ou à retrancher ce qu'on devoit ajouter. Le figne — qui précède ces racines, indique une fàufle fuppofïtion qui a été faite dans l'énoncé, $ addition au lieu de fouftraclion y &c. & ce figne — redreflè cette faufte fuppofïtion. En veut-on un exemple plus fimple? qu'on propofe de trouver un nombre x } qui étant ajouté à 20, la fomme foit égale à 10, on aura 20 -\~ x = 10 & x = — 10 ; ce qui fignifie qu'il falloit énoncer ainfi la queftion : trouver un nombre qui étant retranché de 20, le refte foit égal à 1 0, & ce nombre eft 10. 40. Si on propofoit cette queftion , trouver un nombre x y tel que, ajoutant l'unité à ce nombre , le carré du tout foit égal à ^, on aurait ( x-\- 1 )r =2 \ , x= — i; x - — -| : voilà deux racines négatives , ce qui fignifie qu'il falloit changer ainfi la quef- tion ; trouver un nombre tel , que retran- chant l'unité de ce nombre , s'il eft plus grand , ou le retranchant de l'unité , s'il eft plus périt, le carré du refte foit égal à |. C'eft précifément le cas du n°. 1 précédent, dont les racines font les mêmes que de ce cas ci , avec des fignes contraires. t)°. Tout nous prouve donc que les ra- cines négatives ne font déftinéesqu'à indi- «juet de faufïès fuppofitions faites dans l'énoncé , & que le calcul redrefle. C'eft EQU 813 pour cela que les racines négatives ont été appellées faujjes par plufieurs auteurs , & les racines pofitives , vraies , parce que les premières ne fatisfont , pour ainfi dire , qu'à un faux énoncé de la queftion. Au refte je dois encore remarquer ici que quand toutes les racines font négatives , comme dans le cas précédent , l'inconvénient eft léger ; ces racines négatives indiquent que la folution avoit un énoncé abfolument faux : redreftez l'énoncé , toutes les racines deviendront po- fitives. Mais quand elles font en partie po- fitives , & en partie négatives , l'inconvé- nient que caufe la folution algébrique eft , ce me femble , alors plus grand ; elles in- diquent que l'énoncé de la queftion eft , pour ainfi dire , en partie vrai & en partie faux ; elles mêlent, malgré nous , une quef- tion étrangère avec la queftion propofée , fans qu'il foit poflible de l'en féparer , en rectifiant même l'énoncé ; car qu'on change dans l'énoncé les mots ajoutera: fomme y en ôter & refte y la racine négative devient à la vérité pofitive ; mais la pofitive devient né- gative , & on fe trouve toujours dans le même embarras , fans pouvoir réduire la queftion à un énoncé qui ne donne que des racines réelles pofitives. Il en eft de même dans le cas du n°. 1 précédent, où, quoi- que les racines foient toutes réelles & pofi- tives , cependant elles ne réfoîvent pas toutes la queftion ; néanmoins il y a encore cette différence entre ce cas & celui du n°. 3 , que dans celui-ci , pour changer les racines négatives en pofitives , il ne faut changer qu'en partie les fignes de x -J- 1 , c'eft-à- dire, écrire x 1 ou 1 x; au lieu que dans le cas du n°. 1 , il faut changer tout à la fois les deux fignes de 1 x y & écrire x — 1 dans l'énoncé , pour employer la racine pofitive inutile à la queftion. 6°. Les racines négatives, je le répète , font un inconvénient, fur-tout lorfqu'elles font mêlées avec les pofitives ; mais il y a bien de l'apparence qu'on ne parviendra jamais à lever cet inconvénient ; peut-être pourroit-on le diminuer , fi on avoit une bonne méthode de réfoudre les équations. C'eft ce que nous tâcherons plus bas de faire fentir , ou plutôt entrevoir, en parlant àes équations du fécond degré. Mais ce qui prouve que les racines négatives ne font pas 814 EQU tout-à-fait inutiles à la folution d'un pro- blème , c'eft l'application de l'Algèbre à la Géométrie. Les ordonnées négatives d'une courbe font auffi réelles que les pofîtives , & appartiennent auffi effentiellementà la cour- be; nous l'avons prouvé au mot COURBE d'une manière auffi rigoureufe que nouvelle, en faifant voir que les ordonnées négatives deviennent pofîtives , en tranfpofant feule- ment Taxe. De même en transformant une équation algébrique , on peut rendre toutes les racines réelles pofîtives ; car foit b la plus grande des racines négatives , & foit fait x = ^ A y A étant une quantité plus grande que b ou égale à b ; alors les fac- teurs , au lieu d'être , par exemple , x a 9 x -\- b 9 feront \ A ay\ A -\- b y toutes deux pofîtives. Voye\ encore fur cet article ce que nous dirons plus bas , en parlant des équations appliquées à la Géométrie. 7°. Si on propofoit de trouver un nom- bre x y tel quel (ar-^-i)1 -x-4fût = o, on auroit x = — i -|- ]X — 4 & a: = — 1 — \/ — 4 ; valeurs imaginaires qui indiquent que l'énoncé de la queftion eft abfurde , & qu'il n'eft pas pofîible de la réfoudre. Mais , dira-t-on , pourquoi deux racines imaginaires ? Une feule fuffiroit pour avertir de I'abfurdité. Je répons que les deux imaginaires avertirent que la queftion eft abfurde non feulement dans fon énoncé , mais même dans tout autre qu'on lui fubftitueroit , c'eft - à - dire , en mettant x 1 ou 1 x à la place de x-\- 1. En effet 1 — + 4 = 0, ou x - — iz -\- 4 = o , donne x = 1 \/ — 4 & * = 1 -(- y — 4 ; racines imaginaires & de figne contraire aux précé- dentes , parce que l'énoncé de la queftion , quoique changé , demeure impoflible. 8°. Ainfi , quand une équation n'a que des racines négatives ou fauffes , cela in- dique que le problême eft impoflible dans le fens direct , mais non pas dans un autre fens ; au lieu que quand elle n'a que des racines imaginaires , cela indique que le problême eft impoflible dans quelque fens qu'on le préfente. Quand les racines font réelles & incommenfurables , cela indique EQU que le problème n'a point de folution numérique exade , mais qu'on peut trouver un nombre qui approche auffi prés qu'on voudra des conditions propofées ; donc les racines négatives , imaginaires & incom- menfurables , défignent différentes efpeces d'impoffibilité dans la folution , mais d'im- poffibilité plus ou moins entière, plus ou moins abfolue. 9°. Mais quand les racines imaginaires font mêlées avec des racines réelles, qu'eft* ce qu'indiquent alors ces racines imaginai- res ? Par exemple , ul b1 = o , a pour racine réelle u — — b y & deux autres racines imaginaires qui font celles de ïéquation u u-\-b u-\-b b=o , comme on l'a vu au mot Cas irréductible. Ces deux racines imaginaires , dira-t-on , paroiffent ici bien inutiles. Je répons que ces deux imaginaires ne font point de trop ; elles indiquent que s'il y avoit une quantité u y telle que u u -+- b u -\- b b pût être égal à zéro , le cube de cette quantité u feroit égal à b1. Voilà , ce me femble , tout ce qui regarde les ra- cines des équations fuffifamment éclairci ; paffons à d'autres obfervations. Il y a quelques remarques à faire fur la manière dont on réfout ordinairement les équations du fécond degré : foit x x p x e== q y on en conclud tout de fuite x — — \z==z-^rVp-~-\-q; mais, dira-t-on, pourquoi fait- on x — \ pofitif égal à la quantité négative — 4 ■+" S ? H e^ bien vrai que deux carrés égaux donnent des racines égales; mais ce doit être des racines de même fîgne : cela eft évident ; car de ce que 4 = 4, en conclurait -on que 2 = — 2 ? D'ailleurs , f — x eft aufli-bien que x — 7 la racine de x x — pi + j) on devroit donc avoir + x ± £ — T Vti-\*q- Je réponds, i°. que cette dernière équation donne les quatre ■p fuivantes x -— p Vp p | — x = ^p-£ 4- q : or , les deux der- EQ U nieres font évidemment les mêmes que les deux premières ; il fuffit donc de prendre le double figne dt dans un des membres , & non dans les deux à la fois. 2°. J'aime- rois mieux réToudre Ye'quation en raifon- nant de cette forte. La racine carrée de x x p x -\- T~iç efl x r •> fi x ^> "T > & r x > fi x alors on trouveroit , en fuivant le raifonnement pré- cédent, x -\~ ~ = *tf -\~ q; ce qui ne donneroit que la racine pofitive ; à l'égard de la racine négative ou faufïè , on n'en a que faire , puifqu'elle ne réfout pas le problème ; cependant on auroit cette ra- cine, fi on vouloir, en changeant l'énoncé de la queftion fuivant les règles données ci-deiTus ; ce qui donneroit x x p x=q kl OU X p Vp p i On voit donc que par cette manière que je propofe de réfoudre les équations du fécond degré , on fépareroit les racines pofitives néceffaires d'avec les inutiles , les vraies d'avec les faufles , ùc. cette mé- thode s'appliqueroit aux autres degrés , fi on avoit une règle générale pour réfoudre toute équation : mais la règle dont il s'agit eft encore à trouver. J'ai donne au mot Cas IRRÉDUCTIBLE une théorie fuffifante & neuve prefque à tous égards de la réfolution des équations du troifieme degré , j'y renvoie le ledeur. Je n'y ai fuppofé qu'une propofition , c'eft que fl le fécond terme d'une équation du E Q U 815 troifieme degré eft nul, & que les trois racines foient réelles , le troifieme terme a toujours le figne . La queftion fe réduit à prouver que fi a-\- b -y-c = o, a, b, c étant de tel figne qu'on voudra , & réelles , (voyei Coefficient), on zuraab-{~a c -\-b c négative , c'eft -à-dire , a a ■ a c c c négative , ce qui eft évident ; donc fi le troifieme terme eft pofitif, il y a deux racines imaginaires. Paiîbns au qua- trième degré. Soit x4-\-q xz -f- r x -\- s = o , une équation à réfoudre , on fuppofe qu'elle foit le produit de x x -\-y x -j- \ = o , & x x y x~\~ u === o i & on trouve , en mul- tipliant ces deux équations Vune par l'autre , & comparant le produit terme à terme avec la propofée, les équations fuivantes : 7 qy+y* — r qy ,i — iy isy OU *y qy+y* -i-r1 y6 + *qy* +qzyl — rr = o. l qy+yi — f z 1 "^ »j* L' 'équation y *, &c. =====0 , étant du fixieme degré a fix racines; & les équations x x-\- y * + ? = °> xx y x>\-u = o, en donnant chacune deux pour chaque valeur de j'y voilà donc, dira-t-on , vingt- quatre racines , quoique , fuivant la théorie con- nue , V équation a:4, &c. ne doive avoir que quatre racines poflïbles. Je vais montrer que ces vingt-quatre racines fe réduifent à quatre. i°. Dans V équation y6 , &c. ==0, où tous les termes pairs marquent , il eft I évident que chaque racine pofitive a fa pareille négative. Cela eft évident ; car faifanry y = % , V équation eft du troifieme degré. Voye\ Abaissement. Or, foient A y B 3 C, les valeurs de 1 } on aura donc yy = A; doncj = 4- V A,y= — \/ A : de même y = «g \/ B , y =z ± |/ C. Cela pofé. Soit a une des valeurs de yy a en fera une autre ; & X équation x x -j-/ x •+■ \ donnera S i<5 E QU E Q U r + TT^ — o. Inéquation x x y x + u y donnera a: x-J-d x + r -V" V — ■ r* === o. Ces deux dernières équations reviennent au même que les deux précédentes ; donc voilà déjà quatre équations réduites à deux , & vingt-quatre à douze. Je dis maintenant que xx + ax-^j-^- ^- -\- ~ , donnera les mêmes racines que x x + b x -^•q- -\- — ~t- r~hy en fuppofant -|- b y b deux autres racines de X équa- tion y b-\*z q y* , &c. = o. Car foit y y aa, y y b b, y y ce, les trois racines , on aura 2 q = a a b b c cy r=. abc; & les deux équations précédentes deviendront x x + a x ■ bx — -T— ~ ±—=o, dont les racines font aifées à trouver , & font les mêmes. On trouvera de même que x x a ti \ c c b b y ' + a —"T — — + a b =°> donne encore les mêmes racines ; donc en général les douze racines fe réduifent à quatre , & ces quatre feront a l b -C —~ r i i • - r + '-=Fr« + 1 + '-^- Car il faut remarquer que le figne de -~ répond à -\»axy & que le ligne -\* répond à — • a x ; il ne faut pas prendre *\~a a; avec -^-3 c y ni a a; avec b c. Si on fait quatre équations fimples des quatre valeurs précédentes de ï, on formera par le produit une équation du quatrième degré qui fera la même que la propofée , en mettant pour q y s, r9 leurs valeurs a-abb- 7-l 4 aa bb-aa ec-hb ce & abc. Ainfi tout s'accorde parfaitement , comme on le voir. Il y a quelques auteurs qui ont traité ce dernier article des équations du ^ quatrième degré avec aflèz de foin ; mais , ce me femble , d'une manière moins fimple que nous ne venons de faire. En réfolvant d'une certaine façon quelr ques équations du quatrième degré , on tomberoit dans un inconvénient fembla- ble à celui du cas irréductible , c'eft-à- dire , qu'on trouveroit des quantités réelles fous une forme imaginaire. Soit , par exemple, a:4 — a4=o, on a deux raci- nes réelles x = a , x = — a , & deux autres imaginaires x = y- aa V- aa; cependant fi on fuppofoit que Y équation x4 — a4 = o , fût venue de ces deux-ci x x-\-p x -\-q, x x — p x -\-q, on trouveroit 2 #— />p=o, q q == — a* : ainfi on auroit pour les deux équations y dont la multiplication produic x4 — <24 y ces deux-ci : xx±_xV-\-i.y __ a+±_\/ZIÏÏ^=o9 xxTxY — i \/-ZIa~+±_y--a+=o; équations dH on l'on ne tirera que des valeurs de x fous une forme imaginaire ; néanmoins de ces différentes valeurs une fera = a , & une autre = — a. Voye% fur cela Y art. IMAGINAIRE. Voye\ aujji les Mémoires de VAcad. de Berlin y 1 746° y & Vouvrage cité de M. de Bougainville. Il eft aifé de voir par tout ce qui a été dit , qu'il n'y a jufqu'à préfent que les équations du fécond degré dont on ait une folutien complète ; car , i°. les équations du troifieme degré tombent fouvent dans le cas irréductible ; 20. fi une équation du troifieme degré a une racine réelle & com- menfurable , cette racine commenfurable fe préfente fous une forme incommenfu- rable ; & il faut du travail pour la dégager de cette forme. V. Racine & Extrac- tion. 30. Les équations du quatrième de- gré fe réduifent , comme on vient de le voir EQU Voir au troisième , & font par confequent fujettes aux mêmes inconvéniens. Lorfqu'une équation du troifieme degré * une racine commenfurable , le plus court moyen de la déterminer eft d'efîàyer tous les divifeurs du dernier terme ; M. New- ton , dans fon arithmétique univcrfelle y a donné une méthode pour abréger confidé- rabl ment cet effai. Nous ne dirons rien de cette méthode , qui a été fuffifamment expliquée & développée par MM. Grave- fande & Clairaut , dans leurs élémens d'algèbre. Patte le quatrième degré , on n'a plus de méthode , même imparfaite & tron- quée , pour réfoudre les équations. Si la racine eft réelle , il faut efTayer les divifeurs du dernier terme ; fi elle eft incommen- furable , il faut tâcher de connoître à peu près cette racine en nombres entiers , & fe fervir enfuite de la méthode expliquée au/nor Approximation, pour approcher de plus en plus de la vraie chaleur. La dif- ficulté eft d'avoir d'abord la racine cher- chée exprimée à peu près en nombres en- tiers ou rompus ; on n'a point de méthode générale pour cela ; on n'a que des tenta- tives & des eftâis ; la méthode des cafeades , expliquée à l'article CASCADE , eft três- iimitée, & par confequent très-fàutive. Cette méthode fuppofe , i°. que la pro- pofée, ait toutes ks racines réelles; x°. que Véquationdu maximum des y ait auffi toutes fes racines réelles ; 30. que l'on puifle con- noître toutes les racines de cette dernière équation du maximum y ou du moins qu'on le puifTe connoître à peu prés ; ce qui re- vient à la même difficulté. Si on trouve deux quantités a y b y peu différentes l'une de l'autre , qui étant fùbf- tituées à la place de x dans une équation y donnent l'une un réfultat pofitif , l'autre un réfultat négatif , il s'enfuit que la valeur qui donne le réfultat = 0 , & qui eft la vraie racine de Y équation, fera entre a & b. En effet , conftruifons une courbe de genre parabolique , nous verrons clairement que fi une valeur de x donne l'ordonnée pofi- tive , & qu'une autre valeur de x donne l'ordonnée négative , la valeur de x qui donnera l'ordonnée = o , fera entre ces deux -là : mais il n'en faut pas conclure Tome XII. EQU 817 que 11 on diminue , ou qu on augmente tant foit peu cette valeur de x y qui donne le réfultat =0 , on aura deux réiultats de fïgne différent ; car il eft évident qu'une courbe parabolique peut atteindre fon axe fans le couper, mais en le touchant feu- lement ; & en général pour qu'une quan- tité parle pour le zéro , il n'eft point né- ceftàire que les deux états voifins de cette quantité , l'un avant , l'autre après l'éga- lité à zéro , foient des états oppofés. Cela eft clair par les tangentes parallèles au dia- mètre du cercle , où l'ordonnée pofitive devient zéro , & redevient enfuite pofi- tive , & par une infinité d'autres cas fem- blables. Dans les mémoires de V académie des Sciences pour Cannée ZJ47> PaS- f&S>°* trouve un favant mémoire de M. Fontaine fur la ré£o\utiot\ des équations. L'auteur an- nonce qu'il donne ce mémoire pour l'ana- lyfe en entier y telle qu'on la cherche y dit-il , Jî inutilement depuis l'origine de l'algèbre. Il fe propofe en effet de donner , dans cet ouvrage , des règles pour déterminer , dans une équation quelconque propofée , i°. la nature & le nombre des racines ; c'eft-â-dire, fi elles font réelles, égales ou inégales , toutes pofttives , toutes négati- ves , ou en partie pofitives & négatives, ou enfin imaginaires en tout ou en partie. L'auteur fuppofe , dans cet ouvrage , la vérité d'un théorème que j'ai démontré le premier , & dont il a déjà été fait mention plus haut ; favoir , que toute racine ima- ginaire d'une équation peut toujours être exprimée par a-\-b\/ — 1, a & b étanc deux quantités réelles, & qu'il y a en ce cas encore une autre racine exprimée par a— b y — r. Nous n'entrerons point ici dans le détail de la méthode donné par M. Fontaine ; elle eft fi bien expliquée dans le mémoire cité , & préfentée avec tant de précifion , que nous ne pourrions abfolu- ment que la tranferire ici ; nous y renvoyons donc le ledeur. Nous, ferons feulement les remarques fuivantes , dans lefquelles nous fuppoferons qu'il ait le mémoire fous les yeux. i°. La quantité ou fonction formée des coefficiens, m y n , p y b.c. (qui eft égale à L1I1I 8i8 EQU zéro dans certains cas, plus grande que zéro dans d'autres , & plus petite dans d'autres ) fe trouve , en faifant égales entr'elles , quel- ques quantités parmi les racines deYéquation; car il y a toujours autant de quantités a, by cy d> &c. dans les racines de Y équation y qu'il y a de coefficiens m> nyp, q, &c. on a donc autant adéquations entrer, b ,c } d , &c. & m , n , p , q , &c. qu'il y a de coef- ficiens m , n , p , q; & on ne peut arriver à une quantité ou équation finale, de la- quelle a ,b , c y d , &c. aient difparu , que dans le cas où quelques-unes des quancités a y b , c y d y &c. feront égales ; autrement , après toutes les opérations ordinaires des- tinées à faire évanouir les inconnues a y by c y dy ( voye\ ÉVANOUIR) &c. il en refteroit toujours une, puifqu'il y au- roit autant adéquations que d'inconnues. Prenons , par exemple , un des cas que M. Fontaine a propofés, x1—- 3 x-\-i=o, ou xx -—- m x -\- n ■= o ; on trouve que ( x — a ) ( x—b ) ou ( x — a+b }/—i ) ( *— d— £)/— 1 ) ou (jc— b-\~a */— 1) (x — 3— '.ay — 1) peuvent être les trois fyftêmes des fadeurs de cette formule. Or , pour que les deux premiers fyftêmes de fadeurs deviennent les mêmes , il faut que dans le premier fyftême b = a y & que dans le fécond b=o; d'où Ton tire xx -<— 2 a x-\-aa = x x — m x -|- n ; donc m = 1 a , n =. a a = ^ ; donc dans le cas de a = b yonamm — 4 /z = o. Main- tenant pour que le fécond & le troifieme fyftêmes de fadeurs deviennent le même , il faut que b = a dans les deux fyfrêmes , ainfi on aura x x — la x-\*aa-\-aa=o; donc m ■-=■ 2 a, n =. iaa = ^^-y donc 4 mm — 2» = o; ainfi mm — 40 & mm — 2 n font les deux quantités égales ,. plus grandes ou plus petites que zéro , qui doi- vent déterminer ici les racines égales, ou les racines réelles, ou les racines imagi- naires , & de plus le figne & la forme des racines. 20. On voit afîez par la nature de la méthode de M. Fontaine-, qu'un fyftême de fadeurs étant donné dins le fécond , ç>u même dans le troisième degré , on trouvera fa, nature de la formule d' équation EQU qui en réfuïte , c'eft - à - dire , le figne de chaque coefficient de cette formule ; mais on ne voit pas , ce me femble , avec la même clarté comment on déterminera la formule qui réfulte d'un fyftême de fac- teurs dans les équations plus compofées que le troifieme degré ; ni s'il fera toujours pofïîble d'affigner exadement toutes les formules qui réfultent d'un même fyftême de fadeurs, en cas que ce fyftême puifte produire plufieurs formules. î! feroit à fou? haiter que ceux qui travailleront dans la fuite d'après la méthode de M. Fontaine % s'appliquafïent à développer ce dernier objet. 3°. M. Fontaine fuppofe que la quantité qui eft = o dans h cas de la coïncidence de deux fyftêmes de fadeurs , eft néceilài- rement plus grande que zéro pour l'un de ces fyftêmes de fadeurs , & plus petke pour l'autre. Il eft vrai qu'il arrive le plus fouvent qu'une quantité , égale à zéro dans Phypothefe de deux quantités qui coïn- cident , eft pofitive & négative dans les. deux cas immédiatement voifins ; mais cela n'arrive pas toujours. Par exemple, lorfqu'une courbe de genre parabolique touche fon axe , & que par conféquent l'abfcifTe x répondante à l'ordonnée y=o, a deux racines égales , il arrive fouvenc qu'en faifant x plus grande ou plus petite qu'une de ces racines , on aj pofitive dans les deux cas. Ce n'eft pas tout. Il pour- rait arriver que dans les cas infiniment voi- fins , ou extrêmement voifins de celui qui a donné l'égalité à zéro , la quantité formée àe m y n yp y q y &c. fût plus grande que zéro pour un de ces cas , & plus petite pour l'autre ; mais eft il bien certain que dans les cas qui ne feront pas fort voifins de celui qui a donné l'égalité à zéro , il y en aura toujours un qui donnera la fondion >o, & que l'autre donnera la meml fondion; <^ o.' Une courbe qui coupe fon axe ea un point , a près de ce point en deffus & en défions des ordonnées de difFérens fignes ; mais il eft très-poffibîe que toutes les ordonnées au deffus & au dcffous ne foientpasnécefTairemônt de difFérens fignes, parce que la courbe peut encore couper fon axe ailleurs. M. Fontaine dit que s'il y a plufieurs fondions =0 , il fera toujours E QU facile de reconnoître laquelle de ces fondions eft toujours plus grande que zéro dans l'un des deux fyftêmes . & toujours moindre dans l'autre ; il fem- ble que , fuivant fon principe , dès qu'une fonction eft égale à zéro dans le cas de la coïncidence de deux fyftêmes de fac- teurs , elle eft toujours plus grande que zéro dans un de ces fyftêmes , & moindre dans l'autre. S'il y a des cas où cela puiffe n'avoir pas lieu ( comme M. Fontaine femble l'infmuer ) , pourquoi , dira-t-on, n'arriveroit - il pas quelquefois que cela n'auroit lieu dans aucun cas ? Enfin , M. Fontaine détermine par le calcul d'un feul cas numérique particulier d'un des deux fyftêmes , celui où la fonc- tion eft >o , & celui où la fbnéHon eft plus petite. Cela peut être encore fujet à difficulté ; car cela fuppofe que la formule eft toujours ^> o dans un des cas , & tou- jours ou <1 o , dans les deux cas pris enfemble ; mais qu'après avoir été plus grande que zéro dans l'un de ces cas , jufqu'à une certaine valeur des quantités a , b , c , à , &c. & plus petite dans l'autre cas , elle devînt enfuite plus petite que zéro dans *le premier cas , & plus grande dans le fécond? Nous ne prétendons point , par ces dif- ficultés , attaquer , ni encore moins ren- verfer la méthode de M. Fontaine ; elle nous paroît pleine de fagacité & de fmefiè , & digne de toute l'attention des favans ; nous la regardons comme une nouvelle preuve du génie fupérieur que l'auteur a déjà montré dans d'autres ouvrages ( poye^ Intégral & Tautochrone) ; nous dèfïrons feulement que M. Fontaine trouve ces difficultés aftèz capables d'arrêter les géomètres , pour daigner les lever entiè- rement dans un autre écrit , & mettre fa méthode à l'abri même de route chi- cane. Afin de l'y engager , voici à quoi nous réduifons la queftion. La formule eft ==0 dans le cas de l'égalité de certaines racines ; foit cette formule appellée P. Suppofons maintenant les racines inégales , en forte que 2 t foit leur différence ( c'eft- à-dire , que -fc- t doive être ajouté à l'une , E Q U %\i) & — t à l'autre) ; en ce cas la formule deviendra P 4-i? 1 4- S 1 1 + Q t\ &c. R y S > Q y défignant des quantités con- nues : or, pour que la méthode de M. Fon- taine ait Heu dans tous les cas, il faut, que R ne foit jamais ±±z o , ou du moins que fi R =0 , S le foit auffi , en un mot que t fe trouve toujours à une puif- fance impaire dans le premier des coeffi- ciens ; autrement t éczr\t fuppofé très-petit , les deux formules feroient l'une & l'autre >ou rend === o une quantité ou fonction de

telle que # : x : : x : a-\-x ; dans ce cas la racine négative devient pofitive , & la pofitive négative ; & V équa- tion eft xx— ax =aa. Si on propofe de tirer du point A une ligne A E (fig. il d'algèbre ) dans un cercle , telle que B O étant perpendicu- laire au diamètre A D , & donnée de po- fition , on ait FE=à une ligne donnée a y ©n aura en nommant B F y x y une équa- tion du quatrième degré qui n'aura ni fécond ,. ni quatrième terme ; cette équa- tion aura deux racines pofitives B Ffk Bj y telles que F E d'une part , &fe de l'au- tre , feront égales â a ; & deux autres racines égales aux deux précédentes & de lignes contraires , parce qu'en achevant le cercle , & prolongeant O B en defîbus , le problême aura deux folutions pareilles ; fi a étoit plus grand que B D y les racines feroient imaginaires. Si on nommoit A F, B O.y b , AC , r , AB y c y on auroit££ — xx-\-cc=ax ou 2 rct= x x -y- ax; la racine pofitive eft A F y & la négative^/, parce que cette racine négative , fi on la traitoit comme pofitive , donneroit a x=Bfz — B Ox=xx — b b — c c = x x -— 2 r c y & non pas ax = B Cz = B F\ Voilà un cas où deux racines de différens fignes n'indiquent pas des pofitions diamétrale- ment oppofées dans les lignes A F y Afy qui repréfentent ces racines , mais feule- ment le changement de figne du fécond terme a x dans V équation du problême. Dans ce dernier cas , c'eft-à-dire , en prenant A F pour l'inconnue , l'équation n'eft que du fécond degré , au lieu qu'en prenant B F pour inconnue , elle monte EQU au quatrième ; d'où l'on voit comment , par le bon choix des inconnues , on peut fim- plifier un problême en plufieurs occafions» Mais , dira-t-on , pourquoi le problême a - 1 - il quatre folutions dans un cas , & deux feulement dans un autre ? Je ré- ponds que dans le dernier cas il a auffi quatre folutions comme dans le premier ; ou pour parler plus exactement , que B F a quatre valeurs dans \qs deux cas ; car BF=-\- \/ AP — AB*; ce qui donne deux valeurs égales de différens fignes pour chaque valeur de A F. Voyez encore d'au- tres obfervations fur un problème de ce genre à Y article Situation. Autre queftion. On propofe d'infcrire dans un redangle donné AB D E (fig. 1 1 y alg.n.z.J un redangle abde, dont ks côtés foient également éloignés des côtés du grand , & qui foit à ce grand redangle comme m eft à n : foit A B=a} AD =byA C=x; on aura (a — 2 x) X (&— 2;r): ab : : m : n y & on trouvera par la révolution de cette équation y qu'en fuppofant m <^n y x a deux valeurs réelles & pofitives ; cependant le problème n'a évidemment qu'une folution ; mais il ren- ferme une condition que l'algèbre ne peut pas énoncer; favoir , que le -redangle a h d e foit au dedans de l'autre : fi on avoir ab : (2 x — a)(zx=b)::n: m y on trouveroit la même équatioiiy & cependant ce ne feroit plus le même problême. Le parallélogramme redangle qui fatisferoit â cette queftion , feroit alors celui qu'on voit, (fig. n yn. jjy dans lequel AC eft égal à la plus grande valeur pofitive de a;, & A C = C a ; le côté a d eft éloigné de A D comme le côté c a de A B , & ainfî du refte ; mais le redangle abc par exemple % E QU quand on dit qu'un re£tangîe eft égal au produit de fa bafe par fa hauteur , cela lignifie explicitement ; fî on a deux rec- tangles , & qu'on prenne une quantité quelconque linéaire a pour la mefure com- mune de leur bafe & de leur hauteur ; que B foit le nombre de fois ( entier ou rompu , rationnel ou irrationnel ) que la bafe de l'un contient a ; que H foit le nombre de fois que la hauteur du même contient a$ que b foit le nombre de fois que la bafe de l'autre contient a; que h foit le nombre de fois que la hauteur du même contient a y les aires de ces deux reâangles feront entr'elles comme le pro- duit des nombres , B , H , efl au produit des nombres , b , h. De même , quand on dit que la vîtefTe d'un corps qui fe meut uniformément , eft égale à J'efpace divifé par le temps , cela veut dire explicitement : fi deux corps fe meuvent uniformément, & parcourent , l'un Pefpace E pendant le temps T y l'autre l'efpace e pendant le temps t ; qu'on prenne une ligue a pour commune mefure des efpaces E y e & un temps * pour communes mefures des temps Ty ty les vîtefles feront comme le nombre ~ divifé par le nombre j , eft au nombre j divifé par le nombre y Voye^ MESURE , Vitesse k&c. (O) Équation d e l'horloge , eft la même chofe que Y équation du temps. Voyez l'article fuivant. ÉQUATION DU TEMPS, en Aflronomie, eft la différence entre le temps vrai ou ap- parent , & le temps moyen ; c'eft-à-dire la réduction du temps inégal apparent , ou du mouvement inégal , foit du foleil , foit d'une planète , à un temps ou à un mou- vement moyen , égal & uniforme. Voye^ Temps ù Mouvement. Le temps ne fe mefure que par le mou- vement ; & comme le temps en lui-même coule toujours uniformément, on fe fert pour le mefurer , d'un mouvement qu'on îuppofe égal & uniforme , ou qui conferve toujours la même vîtefîe. Le mouvement du foleil eft celui dont on fe fert communément pour cela , parce que ce mouvement eft celui qu'on ohferve E Q U 821 Te plus facilement : cependant il manque de la principale qualité néceftàire pour mefurer le temps , c'eft-à-dire, de l'uniformité. En effet , les aftronomes ont remarqué que le mouvement apparent du foleil n'eft pas toujours égal & uniforme ; mais que ce mouvement tantôt s'accélère , tantôt fe ralentit : il ne peut donc fervir à mefurer le temps , qui eft uniforme par fa nature. Voye\ Soleil. Ainfî le temps mefure par le mouvement du foleil , & qu'on appelle le temps vrai ou apparent y eft différent du tems moyen & uniforme y fuivant lequel on mefure & on calcule tous les raouvemens des corps céleftes. Voici comme on explique cette inégalité. Le jour naturel ou folaire n'eft pas propre- ment mefure par une révolution entière de l'équateur , ou par vingt-quatre heures équi- noxiales , mais par le temps qui s'écoule , tandis que le plan d'un méridien qui a paffé fous le foleil , vient à y repafîèr une féconde fois par la rotation de la terre; & ce temps eft la diftance qu'il y a entre le midi d'un jour & le midi du jour fuivant. Voye\ Jour & Méridien. Or , fi la terre n'avoit point d'autre mou- vement que celui de fa rotation autour de fon axe, tous les jours feroient exactement égaux les uns aux autres , & auroient tous pour mefure le temps de la révolution de l'équateur : mais cela n'eft pas tout à fait ainfl ; car tandis que la terre tourne autour de fon axe , elle avance en même temps dans fon orbite : de forte que quand un méridien qui a pafte fous le centre du foleil a fait une révolution entière , ce méridien ne revient pas fous le foleil précifément > comme il paroît par la figure. Soit S îe foleil (PL afi.fig. $0) & foit AB une portion de I'écliptique ; fuppofùns que la ligne MD repréfente un méridien quelconque , dont le plan prolongé parle par le centre du foleil Iorfque la terre eft en A ; imaginons enfuite que la terre avance dans fon orbite , & qu'en faifant une révo- lution autour de fon axe elle arrive en By le méridien MD fe trouvera dans une po- firion m ^/ parallèle à la première: par con- féquentle méridien , dans ce nouvel état, ne paftèra pas parle centre du foleil , . & 8i2 Ë Q U les peuples qui l'habitent n'auront point encore midi. Il faut pour cela que le mé- ridien dm faffe encore un mouvement an- gulaire, & décrive l'angle dB f, afin que fon plan puiffe paffer par le foleil. Voye\ Terre. Delà il s'enfuit que les jours folaires font plus longs que le temps d'une révolution de la terre autour de fon axe.. Cependant fi les plans de tous les méri- diens étoient perpendiculaires au plan de l'orbite terreftre , & que la terre parcourût fon orbite avec un mouvement uniforme , Pangle dB F feroit égal à l'angle BSA,& les arcs df & A B feroient femblables : par conféquent l'intervalle d'un midi à l'autre feroit toujours le même, puifque l'arc AB & l'angle dB F feroient toujours de la même quantité de degrés. Tous les jours folaires feroient donc égaux , & le temps moyen feroit le même que le temps vrai. Mais les chofes font bien autrement , car la terre n'a point un mouvement uniforme dans fon orbite ; elle décrit , lorfqu'elle eft aphélie , un plus petit arc , & lorfqu'elle eft périhélie , un plus grand arc dans le même temps. Voyt\ plus bas EQUATION DU Centre. D'ailleurs, les plans des méridiens ne font point perpendiculaires à Péclipti- que , mais à l'équateur ; & cette feule rai- fon , indépendamment de l'inégalité du mouvement de la terrre , doit rendre les jours inégaux ; car l'écliptique fait avec l'équateur un angle d'environ 23 degrés { : & lion divife l'écliptique en plusieurs petits arcs égaux qui repréfentent le chemin ( fup- pofé uniforme ) du foleil pendant chaque jour , & que parles pôles du monde & par chacun des points de divifion ou fafïe paffer des méridiens céleftes, les arcs de l'équa- teur , compris entre ces méridiens , ne fe- ront point égaux entr'eux comme les arcs de l'écliptique; par conféquent la diftance entre le moment où le foleil pafîè par un méridien , & le moment du jour fuivant où il retourne à ce même méridien , ne fera pas le même pour tous les jours. Nous fubf- tiruerons ici au mouvement réel de la terre, le mouvement aoparent du foleil , qui pro- duit le même effet , & rend la chofe un peu plus facile à entendre. E Q U Ainfi en fuppofant même que le foleil eût un mouvement uniforme dans l'éclipti- que , le temps qui coule uniformément ne pourroit être repréfenté par la diftance entre le midi d'un jour & le midi d'un autre ; les aftronomes ont donc été obligés d'in- venter , pour la commodité de leurs calculs, des jours fictifs , tous égaux entr'eux , & moyens entre le plus long & le plus court des jours inégaux. Pour déterminer ces jours , on a pris d'abord le nombre d'heures de la révolution totale du foleil dans l'écliptique , & on a divifé le temps total en autant de parties qu'il y a d'heures , dont vingt-quatre com- pofenr un jour. De plus , comme nous ne connoifïons point dans la nature des corps dont le mou- vement foit uniforme, & que cependant un tel mouvement eft la feule vraie mefure du temps , on imagine un corps fictif , par exemple , une étoile qui fe meut uniformé- ment dans l'équateur d'occident en orient, & qui , fans accélérer ni retarder jamais fon mouvement , parcourt l'équateur , précifé- ment dans le même temps que le foleil fait fa révolution dans l'écliptique : le mouve- ment de cette étoile repréfenté le temps égal ou moyen, & fon mouvement diurne dans l'équateur eft de 59' 8", c'eft-à-dire, le même que le mouvement moyen du foleil dans l'écliptique : par conféquent le jour égal & moyen fe détermine par l'arrivée de cette étoile au méridien , & il eft égal au temps que les 360 degrés de la circonférence de l'équateur mettent à faire une révolution entière , & a $9' 8" de plus. Comme cette addition de 59' 8" eft toujours la même, les jours moyens font conftamment égaux entr'eux. Puis donc que le foleil va vers l'orient inégalement, par rapport à l'équateur , il arrivera au méridien quelquefois plutôt que cet aftre imaginaire , & quelquefois plus tard : delà vient la différence qu'il y a entre le temps vrai & le temps moyen. On con- noît cette différence quand on fait le lieu de l'aftre imaginaire dans l'équateur, & le point de l'équateur oui vient au méridien avec le foleil ; car l'arc compris entr'eux étant converti en temps , fait voir la diffé- rence qu'il y a entre le temps vrai & le E Q U temps moyen : c'eft cette différence qu'on appelle équation du temps. On peut donc définir Y équation du temps, le temps qui s'écoule tandis que l'arc de l'Equateur , compris entre le point qui dé- termine Pafcenfion droite du foleil , & le lieu de l'aftre imaginaire , paflè par le mé- ridien ; ou , comme Tycho l'exp'kjue , & après lui Street , la différence emtQ h vraie longitude du foîeil & fon afcenfion droite. Trouver l'équation des jours folaiies y c'eft-à-dire, convertir le temps vrai en temps moyen , & le temps moyen en temps vrai. i°. Si Pafcenfion droite du foleil eu égale à fon mouvement moyen , le foleil imagi- naire & le vrai parleront par le méridien dans le même temps ; & par conféquent le temps vrai eft confondu avec le temps moyen. 2°. Si Pafcenfion droite eft plus grande que le mouvement moyen , il faut fouf- traire le dernier du premier ; & changeant cette différence en temps folaire , la retran- cher du temps vrai pour trouver le temps moyen , ou l'ajouter au temps moyen pour trouver le temps vrai. 3°. Enfin, fi Pafcenfion droite eft moindre que le mouvement moyen , ôtez le premier du dernier ; & changeant la différence en temps folaire , ajoutez-la au temps vrai pour trouver le temps moyen , ou ôtez - la du temps moyen pour trouver le temps vrai. Cette théorie de l'inégalité & de l'équa- tion des jours naturels eft en ufage , non feulement dans les calculs aftronomiques , mais aufli pour régler les horloges , les montres , & autres inftrumens qui mefurent le temps. Par-là nous connoifîbns pourquoi une pendule , ou autre mouvement qui mefure le temps moyen , ne s'accorde point avec le foleil qui mefure le temps vrai, mais va quelquefois avant , & quelquefois après lui : c'eft pour cela que les cadrans folaires & les horloges ne font jamais par- faitement d'accord. Voye\ HoRLOGE & Cadran. Ainfi quand on dit , par exemple , à midi du temps moyen , on parle du midi mefure fur le mouvement de l'horloge ; mouve- ment qui eft uniforme & femblable à celui de l'aftre imaginaire , que nous avons fup- pofé plus haut : & quand on dit à. midi EQU 8*| de temps vrai > il s'agit du moment où îé foleil eft arrivé au méridien du lieu ; mo- ment fouvent différent de celui où l'hor- loge marque midi. De même quand on dit, à Z heures t $ minutes après midi temps moyen y on entend à z heures 1 5 minutes marquées par ia pendule après le midi moyen : & quand on dit z heures z $ mi- nutes temps vi ai y on entend z heures î£ minutes après V inflan t du midi vrai. On a fouvent befoin en aftronomie de réduire le temps moyen en temps vrai, parce que les mouvemens des planètes font cal- culés dans les tables , par rapport au temps uniforme ou moyen , & qu'il eft enfuite néceflàire, pour fe conformer à l'ufage civil, de connoître ces mouvemens , par rapport au temps eftimé félon le mouvement du foleil : de même on a befoin de réduire le temps vrai en temps moyen , lorfqu'il s'agit de comparer aux tables aftronomiques Pob- fervarion de quelque phénomène. C'eft l'équation du temps qui a produit F 'équation de P horloge > qui n'eft autre chofe que la quantité de temps dont unependule bien réglée doit avancer ou retarder fur une bonne méridienne , cette méridienne don- nant toujours le midi vrai. On trouve dans prefque tous les almanachs aftronomiques , comme dans la connoijjance des temps dans Yétat du ciel de M. Pingre , &c. X équation de l'horloge pour chaque jour. Nous ren- voyons à ces ouvrages & à ces tables , & plus bas à Yart. ÉQUATION , Horlogerie , ceux qui auront befoin de régler leurs pen- dules fur le mouvement du foleil. Il nous fuffit d'avoir expliqué ici clairement, d'après les aftronomes modernes , en quoiconfifte principalement l'équation du temps : nous aidons principalement } car nous n'avons eu égard jufqu'ici qu'à une des caufes de l'inéga- lité des jours naturels , à celle qui vient de Pobliquicé de l'écliptique : nous n'avons toucha qu'en paffant une autre caufe de cette inégalité, celle qui vient de l'inégalité réelle du mouvement du foleil dans l'écliptique. Pour avoir exactement Yéquation du temps ou de l'horloge , il faut avoir égard à cette féconde inégalité , & il faut que la table de Yéquation de l'horloge , quand elle eft exac- te, renferme cette inégalité & la précédente. Cette table ne (àuroit être perpétuelle ,.à. 8i4 EQU caufe de la préceftion des équinoxes & du j changement: de l'apogée du foleil , qui fait que l'inégalité de Ion mouvement n'cft pas exactement la même à la hn de l'année ré- volue : mais comme le mouvement d„- pré- ceftion des équinoxes , & celui de 1 apogée du foleil font fort lents > la table de Yéqua- tion de l'horloge peut fervir iàns erreur ien- fibîe pendant plufieurs années confécutives. Il ne nous relie plus qu'à expliquer en quoi confifte la féconde inégalité du mou- vement du foleil , qu'on appelle équa- tion du centre ,• c'eft l'objet de I' * article fuivanr. ÉQUATION DU CENTRE. Pour faire entendre bien clairement ce que c'eft que cette éqjation,i\ eft nécelTaire de comparer le mouvement d'une planète dans les divers points de fon orbite , avec le mouvement d'un corps qui parcourroit la circonférence d'un cercle d'un mouvement toujours égal & uniforme. On fe relTouviendra d'abord de ces deux principes ; i". que les planètes décrivent autour du foleil des ellipfes ; 2°. que les aires décrites par les planètes font proportionnelles aux temps. V. PlANETTE Ù Kepler. Cela pofé , foit AEBF(Jig. $i, n°. z ajiron.j l'orbite d'une planète , au foyer de laquelle fe trouve le foleil en «S; foit A B\ç grand axe , O Q le petit axe , on décrira du centre «S' de l'intervalle SE ( que je fuppofe moyen proportionnel entre AK & O K y c'eft-à-dire, entre les deux demi- axes ) le cercle CE G F y dont la furface fera par conféquent égale à celle de I'ellipfe , comme cela eft démontré dans les feâions coniques. Suppofons préfente- ment qu'un corps célefte parcoure la cir- conférence CEGF d'un mouvement tou- jours égal , mais de telle forte qu'il achevé fa révolution précifément dans le temps que la planere parcourt la circonférence entière de fon ellipfe : dans cette fuppofition , lorf- que la planète fera à fon aphélie au point A y le corps célefte , que nous fuppofons emporté d'un mouvement toujours égal & uniforme , fe trouvera pour lors dans la ligne des apfides au point C7 & partant fon mouvement repréfenrera le mouvement égal , ou le moyen mouvement de la pla- nète , puifqu'il décrira autour du point S des fe&eurs de cercles proportionnels EQU aux temps, lesquels feront égaux aux aires elliptiques que la planète a dû décrire dans le même temps. Supposons préfentement que le fecteur de cercle CSM. repr éfente le mouvement moyen de ce corps, ou l'angle proportionnel au temps qu'il a dû décrire autour du pointa, on prendra fur i ellipfe l'aire ASP , égale à l'aire CSM ; & le lieu de la planere dans fon oibite fera par conféquent au point P y & l'angle MSD yqui eft la difT.'renre entre le mouvement vrai &le mouvement moyen de la planète , eft ce qu'on appelle X équation du centre ou la projinaphérefe ( voy. PROS- TH aphérèse) mais l'aire AC D P fera égale au feâeur DSM; c'eft pourquoi l'aire AC D P eft toujours proportionnelle à Yéquation du centre. Au point R, 1 équation du centre fera égale à l'aire ACEPA moins l'aire E m R , & ainfi de fuite : d'où il eft aiféde voir, i°. que Yéquation du centre eft la plus grande aux points E >F; i°. qu'elle eft nulle aux points A , B de l'aphélie ou du périhélie ; 30. que depuis A jufqu-'en B V équation du centre eft foujlractive , c'eft- à-dire , doit fe retrancher du mouvement moyen , & que depuis B jufqu'en A elle eft additive y c'eft-à-dire , doit être ajoutée à ce mouvement. Les aftronomes ont calculé des tables de Yéquation du centre , & c'eft par le moyen de ces tables qu'ils déterminent le lieu vrai du foleil & des planètes pour chaque jour : nous avons donné au mot ELLIPSE la for- mule pour Yéquation du cemre , & indiqué la manière de trouver cette formule. L'anomalie étant la diftance du lieu d'une planète à fon aphélie , il s'enfuit que fi , depuis l'aphélie jufqu'au périhélie , on re- tranche X équation du centre de l'anomalie moyenne , c'eft-à-dire , de la diftance entre le lieu moyen & l'aphélie , & fi on ajoute cette même équation à l'anomalie moyenne, depuis le périhélie jufqu'à l'aphélie, on aura l'anomalie vraie, ou égalée, c'eft-à-dire , la diftance du Heu vrai de la planète à l'aphélie. « Pendant ce xviij fiecle , lorfque le foleil eft au lbe. degré du Scorpion , ou la terre au 10e. degré du Taureau , aiors X équation de l'horloge , formée des deux inégalités ci - deflus expliquée , eft la plus grande qu'il E Q U qu'il eft poflîble , étant de 16' 11": c'eft ce qui arrive le 3 novembre ; la pendule retarde alors de cette quantité. Dès ce moment la pendule retarde de moins en moins jufqu'au 23 décembre à midi , qu'elle s'accorde très- exactement , ou â très -peu près avec le foleil. De là jufqu'au 15 avril elle avance fur le foleil ; du 15 avril jufqu'au 17 juin elle retarde , du 17 juin jufqu'au 3 1 août elle avance , & du 3 1 . août jufqu'au 23 décembre elle retarde. En effet , fuppofant le 23 décembre à midi un aftre placé dans l'écliptique qui la décrive non uniformément , mais avec l'iné- galité de mouvement que donne V équation du centre du foleil , & fuppofant en ce même inftant un aftre imaginaire qui ait la même afcenflon droite , & qui décrive uniformément l'équateur , on verra , par les méthodes indiquées ci-deffus , que jufqu'au 1 5 avril l'aftre imaginaire parlera au méridien avant le foleil , qu'enfuite il y pafTera plus tard jufqu'au 17 juin , Ùc. Équation du mouvement des Pla- nètes. 'L'équation du centre n'eft pas la feule inégalité à laquelle le mouvement des planètes foit fujet ; il eft encore d'autres inégalités qui viennent principalement de l'a&ion mutuelle que les planètes exercent les unes fur les autres , ou de celle que le foleil exerce fur les fatellites. C'eft principalement dans la lune que ces équations font fenfibles ; elles le font auffi dans Jupiter & dans Saturne ; mais la quantité n'en eft pas fi bien déterminée. Sur quoi voye^ les articles LUNE , SA- TURNE , JUPITER. Je me contenterai de faire ici les obfer varions fui vantes à l'égard de la lune. i°. Depuis la publication de mon ou- vrage , qui a pour titre , recherches fur les dijférens points importans du fyjlême du monde y Paris 2754^ j'ai trouvé moyen de fimplifier à certains égards , & de rendre encore plus exaétes à d'autres , les tables du mouvement de la lune données dans cet ouvrage. Dans les tables de correction qui fe trouvent à la page 147 de la pre- mière partie , on doit fupprimer entière- ment la I table de la page 149 : dans la XIII table , page 153 , X équation doit être 1' 21" , au lieu de 1' ; & dans la XVI Tome XII. E Q U 8M table, page 154, V équation doit être 39", au lieu de i' 39". 2°. Outre les équations du mouvement du nœud , qu'on trouve dans les tables des Inft. afironomiquesy on a encore ces deux- ci : 4' 45" multipliées parle finus du double de la diftance de l'apogée de la lune au nœud afcendant ; plus 8' 22" multipliées par le finus du double de la diftance de la lune au nœud , moins le finus du double de la diftance de la lune au foleil. Toutes les autres tables de Yéquation du nœud peuvent être fupprimées : ainfi on peut fimplifier beaucoup nos tables des pages 190 , 191 , 195 de l'ouvrage cité ; on les réduira à deux de la forme fuivante. I. Table. Diftance de l 'apogée de la lune au nœud _, ajoutez en defcendant y &c. p II. Table. Diftance de la lune au nœud, ajoutez en defcendant , &c. Diftance de la lune au foleil 9 ôtez en defcendant } &c. Dans la première de ces tables , la plus grande équation fera de 4' 45" , comme dans la féconde colonne de la page 191 de mon ouvrage : dans la féconde table , la plus grande équation fera de 8' 22" , comme dans la féconde colonne de la page 190. 30. Dans les tables pour corriger Pincli- naifon , page 102 du même ouvrage , on peut fupprimer encore la féconde table de la page 103 , & la première de la page 104. Les raifons de ces différentes correâions aux tables publiées dans mon ouvrage , feront expliquées dans la troifieme partie de ce même ouvrage , que j'efpere publier bientôt , & qui contiendra beaucoup d'au- tres remarques importantes fur les tables de la lune. Sur la conftru&ion & la force des tables d'équation des planètes , voye\ l'article Tables Astronomiques. Equation Lunaire, en chronologie, eft la même chofe que la proemptofe , ou anticipation de la nouvelle lune. Voye\ Proemptose. Equation Solaire , en chronologie y eft la même chofe que la métemptofè , ou retardement de la nouvelle lune. Voye^ Métemptose. Mmmmrn Bi6 E Q U EQUATION , Ç Horlogerie , &c J V équa- tion eft cette partie de l'horlogerie qui in- dique les variations du foleil , ou la diffé- rence de fon retour au méridien. Ayant parlé des ceux temps vrai & moyen (voye\ ci-dejjus EQUATION du temps) , & donné une idée de leurs caufes , il faut patfèr à la defcription des machines qu'on a employées pour les indiquer. Les premières horloges qui ont été faites, ont indiqué le temps moyen : la difpofition de ces machines ne pouvoit marquer les parties du temps que par des intervalles égaux. Ce ne fut que lorfqu'on eut déterminé la quantité de variation apparente du foleil par le moyen des obfervations agronomi- ques , que l'on chercha les moyens de faire fuivre aux horloges ces mêmes varia- tions du foleil ; ce qui donna lieu aux pendules à équation. Les différentes efpeces de conftru&ions que l'on a mifes en ufage pour faire mar- quer le temps vrai & moyen , peuvent fe réduire en général aux fuivantes. i°. Aux pendules à équation qui marquoient les deux temps par le moyen de deux aiguilles : telle eft celle dont parle le P. Alexandre dans fon traité des horloges ,p âge 343. Cette pièce éroit dans le cabinet de Philippe II , roi d'Efpagne ; elle fut la première pendule à équation connue. Voici ce que dit M. de Sully , règle artificielle du temps y dans fa réponfe au P. Kefra , fur les premières équations. « Il y a , dit-il , deux manières de pro- » duire à1 peu près la même chofe ( de » marquer l'équation ; ) l'une eft par une « pendule dont les vibrations font réglées » fur le temps égal ou moyen , & dont » la réduction du temps égal à l'apparent , 99 eft faire par le mouvement particulier » d'une féconde aiguille de minutes fur le » cadran ; & c'eft de cette manière qu eft >j faite la pendule du roi d'Efpagne , & » toutes les autres qu'on a faires jufqu'ici , n & que l'on appelle pendules d'équations. » La féconde manière , qui eft celle ?> que j'entends , & qui n'a pas encore » été exécutée , que je fâche , eft par une t> pendule dont les vibrations feroient ré- 9) glc'es fur le temps apparent , & qui par , E Q U » conféquent feroient inégales entr'elîes, » Cène pendule ayant fon cadran à l'or- » dinaire , fes aiguilles d'heures , de mi- » nutes , de fécondes , feroient toujours » d'accord , & montreroient uniquement v & pxécifément le temps apparent, comme » il nous eft méfuré par le foleil. » Cette dernière conftruétion d'équation appartient au P. Alexandre : c'eft la même dont je parlerai bientôt. Celles que l'on conftruifît en Angleterre, étoient aufti fur le même principe . j'ignore quelle étoit la difpofition intéiieure de ces premiers ouvrages ; mais je fuppléerai à cela en faifant la defcription de elle de M. Julien le Roi , qui eft aufti à deux aiguilles , & qui a été une des premières pendules à équation. La féconde eft celle du P. Alexandre , dont il a fait la defcriptii n c nous paroît plus co.nmode que celle de la connoif- fance des temps , par la raifon qu'on verra plus bas , & qui nous fait préférer la fe- EQU 829 conde table de la connoiffance des][temps ï la première. Dans la table que je donne ici , la pre- mière colonne indique le jour du mois , la féconde marque de combien le foleil retarde ou avance fur la pendule : par exemple , au premier janvier le foleil re- tarde de 3' 59" , c'eft-à-dire , qu'il eft midi vrai, quand la pendule marque midi 3' 5 9" ; la troifieme colonne marque la différence d'un jour à l'autre : ainfi du pre- mier au 2 janvier le foleil retarde de 29" de plus , &c. Table de la différence du temps vrai au temps moyen pour le Midi de chaque jour y au Méridien de Paris. Jours JANVIER. Différence du retour du fo- Jours FÉVRIER. Différence du retour du fo« dit leil au Méri- dien , en 24 du leil au Méri- dien, en 2.4 mois. M. 5. heures. mois. M. s. heures. I Retarde de » 3 59 Sec. 29 I Retarde de 14 5 Sec. 9 2 R. 4 28 29 2 R. 14 12 7 3 R. 4 56 28 3 R. 14 *9 7 £ 4 R. 5 23 27 4 R. J4 25 6 l 5 R. 5 50 27 5 R. 14 3o 1— > _ ** 6 R. 6 *7 27 6 R. 14 3i 543 7 R. 6 43 2f5 7 R. 14 38 S? \ 0 S 4» 8 R. 7 9 2<£ 8 R. 14 40 p- 2 s -2 « 9 R. 7 34 25 9 R. 14 42 10 R. 7 19 25 ^ 10 R. 14 43 I 11 M R. 8 23 24 Z' 11 en R. 14 44 I 12 *3 0 . en 0^ R. R. 8 9 46 9 23 £ 23 | 12 R. R. 14 *4 43 42 I r4 0 R. 9 31 22 3 14. st R. 14 40 I *5 M R. 9 53 22 g *ï pj R. 14 37 2 ^ 16 3 R. 10 H • 21 5. if> < R. H 33- 3 B. *7 0 0 R. 10 34 2° S *Z P O R. 14 29 4 o- 18 O R. 10 53 r9 g 18 O R. 14 24 4 ! J9 R. 11 12 - 8° *9 g. 19 C R. 14 19 S 1 20 R. u 3o 18 c 20 R. 14 i3 5 3 21 R. u 47 17 S 17 0 21. ►1 R. 14 6 6 :l. 22 fb R. 12 4 22 Cm R. *3 58 7 S 23 R. 12 20 *6 IL 23/ R. *3 50 8 g 24 R. 12 35 *5 24 R. 13 41 8 a 0 eu 25 R. 12 49 H 2? R. n 32 9 S- 26 R. n 2 *3 - 26 R. *3 22 c 9 ^ 27 R. *3 r5 13 27 R. *3 11 10 £.. 28 R. *3 25 11 28 R. ï3 0 Il Si: 29 R. n 37 11 29 R. n 48 II 30 R. *3 47 10 12- 3* I R. *3 S* 9 Syo E Q U E Q U Différence du |JouRS retour du fo- 1 leil au Méri- 1 du dien, en 24 heures. mois. AVRIL. CD CD rr Cu o A/. 5. R. R. R. R. R. R. R. R. R. R. R. ^ R- - R. < m 3 o n A. § A. A. A. A. A. A. A. A. A. A. A. A. A. A. A. Différence du retour du (o. leil au Méri- dien , en 24 heures. 3 48 3 3° 3 u 2 53 2 35 2 *ï 2 0 1 4? 1 26 53 37 21 9 24 39 53 6 *9 32. 44 5^ 8 J9 29 H 48 57 5 tSVc. l8 [8 hQ [9 C [8 Ou 18 3 EL [8 3 C c C/3 . O [7 CD 3 CD 17 CD • '7 S l7 [6 eu 16 16 16 [) g [5 l4 c?> L3 3 r* L3 f" O ] C 3 < tu 3 OO 1 -Z O O o> 0" 2 ►1 1— » * 2 I r* £p ►a .0 S y £• E Q U E Q U 831 Jours ■ M A I. Différence du retour du fo- Jours JUIN. Différence du retour du fo- du leil au Méri- dien, en 24 du leil au Méri- dien, en 24 mois. M. 5. heures. mois. M. 5. heures. I A. 3 13 Sec. 8 I A. 2 40 Sec. 9 . 2 A. 3 20 7 2 A. 2 31 y SX 9 S. 3 A. 3 27 7 *a 3 A. 2 21 IO o. 4 A. 3 33 6 E. 4 A. 2 11 10 3' 5 A. 3 3; 6 5» 5 A. 2 1 10 g* 6 A. 3 44 3 5 " 6 A. 1 51 3 10 « 7 A. 3 48 4 S 7 A. 1 40 3 11 !_: 8 A. 3 *ï 4 0 8 A. 1 29 II S3 9 A. 3 5* 4 8 9 A. 1 18 i. g 10 M A. 3 59 3 ô- 10 w 0 A. 1 6 3 12 0 11 0 A. 4 1 2 00 11 GO A. 0 54 12 eu 12 GO A. 4 2 0 1 §T 12 0 A. 0 42 12 C *3 2. A. 4 3 1 r* 13 A. 0 30 C/3 12 O, J4 < A. A. 4 4 4 4 1 14 i5 < M 3 O A. A. 0 18 5 12 ^ 3 0 13 16 O A. 4 3 1 16 O R. 0 8 ; J7 O A. 4 2 1 17 O C R. 0 21 13 18 B A. 4 0 2- ^ 18 R. 0 34 *3 *9 A. 3 58 EL f ? 19 y R. 0 47 T-j SX 13 c 20 A. 3 55 O 2 Cu — 4 3. 20 CU R. 1 0 13 È 21 ça A. 3 5i 21 R. 1 i3 *3 2. 22 23 A. A. 3 3 47 42 S B g- 4 S 22 23 R. R. 1 1 x6 39 n B 24 A. 3 3» 2. * ~ *4 R. 1 51 13 i 25 A. 3 3, y R. 2 5 13 1 26 A. 3 26 3 u m 26 R. 2 if 12 Q 27 A. 3. *9 O T 3 27 R. 2 29 12 CO 28 A. 3 12 7 & 28 R. 2 41 12. Q. 29 A. 3 5 7 • 29 R. 2 53 12 ^" 30 A. 2 2 57 49 8 2 3° R. 3 5 12 832 £ Q U EQU Jours JUILLET. Différence du retour du fo- «JOUR! AOUT. Différence du retour du fo- du leil au Méri- dien, en 24 ** leil au Méri- dien, en 24 mois. JK. S. heures. mois. M. S. heures. I R. 3 16 Sec. II I R. 44 Sec. 4 2 R. 3 27 II 2 R. 40 4 3 R. 3 38 II 3 R. 36 4 4 R. 3 49 II 4 R. 31 5 5 R. 4 0 II 5 R. 25 6 6 R. 4 10 IO 6 R. J9 6 7 R. 4 *9 9 7 R. 12 7 S R. 4 28 9 « 8 R. 5 7 9 R. 4 ^ 9 s. 9 R. 4 57 O iQ IO R. 4 46 9 £ 10 R. 4 48 9 S. XI ? R. 4 54 8 £ no 3 c 0 0 11 f 0 R. 4 39 9 §-• 12 2 12 c/: R. 4 29 10 5. 13 *4 C/5 R^ 2! R" 9 ir5 en 7 S S*7 = 1 14 0 R. R. 4 4 '1 IO c 11 3 *5 w R. 22 ^6 cT i5 < tu R. 3 56 12 rT 16 »> R. 28 5 S 16 3 R. 3 44 12 -t 17 8 R. 33 ) S 17 O c R. 3 32 12 g» 18 2 R. 38 > SL 18 R. 3 1? 13 g. *9 20 c R. S R. 42 46 4 4 x9 20 H ►-I R. R. 3 2 6 5* 12 CU J4 co 21 g R. 49 3 21 R. 2 38 14 S- 22 « R. 5i 2 22 R. 2 23 15 ~ 23 R. 53 2 23 R. 2 8 *5 24 R. 55 2 24 R. 1 52 16 2! R. R. 5<* 1 26 R. R. 1 1 3* *9 16 26 O J3 *7 27 R. 55 rT x fc 27 R. 1 2 J7 28 R. 54 8 1 = • 28 R. 0 45 *7 29 R. 53 Et f S 29 R. 0 28 17 3o R. 51 ^2 1 3° R. 0 IO 18 3* R. 48 1 3 3 r* 31 A. 0 8 18 SEPTEMBRE; E Q U E QU 835 Jours SEPTEMBRE. Différence du retour du fo- Jours OCTOBRE. Différence du retour du fo« du leil au Méri- dien, en 24 heures. du mois. leil au Méri- mois. M. s. Af. s. dien , en 24 heures. I A. 0 27 Sec. 19 I A. [O 31 Sec. 19 2 1 A. 0 46 *9 2 A. [0 49 18 3 A. 1 5 *9 3 A. : [i 7 18 4 A. 1 24 19 4 A. : [i 25 18 5 A. 1 43 *9 5 A. [i 43 18^ 6 A. 2 3 20 *Q 6 A. [2 0 17 s. 7 8 A. A. 2 2 2-3 43 20 5. 20 c 7 8 A. À. 11 [2 *7 33 17 S 10 3 M 2 9 A. 3 3 CK) 20 g 9 A. [2 48 ïo M A. 3 23 20 g 10 A. c3 3 x5 0 ii 0 C/3 A. 3 44 21 » 11 CD A. i ^3 18 15 S 12 O^ A. 4 5 s 21 «■* 12 o< r&* A. c3 33 15 0* *3 S! A. 4 2<5 21 ^" i3 (^ A. i [3 47 14^ *4 •< A. 4 42 21 *Q 14 < pi A. ] [4 0 13 &> M 3 A. 5 8 21 w 3 15 3 O A. i [4 J3 J 3 J3 x 16 18 O O O B 1-1 A. A. A. 5 5 6 29 49 10 21 ~. 20 §* 21 g- ' 16 *7 18 O C ►1 A. ] A. : A. i [4 [4 [4 25 3^ 47 12 a. II D- O II 3 *9 r& rr A. 6 31 21 » 19 rr W l-t A. ] [4 57 10 S* 2o 5 Ou. A. 6 52 21 îT 20 O- A. ] 7 10 en 21 n> A. 7 13 21 CD 21 A. 1 16 9 2. 9 — 22 A. 7 34 O 21 2. 22 A. 1 25 23 A. 7 54 20 f* 23 A. i 33 8 3 24 A. 8 14 20 S 20 g 24 A. ] 40 7 =» 25 A. 8 34 25 A. i 46 6 2 26 A. 8 54 20 P 26 A. ] 51 5 27 A. 9 14 20 27 A. ] 56 28 A. 9 34 20 28 A. i 6 1 29 A. 9 53 19 29 A. ] 6 5 4 30 A. 10 12 *9 30 A. i 6 7 2 3i A. i 6 9 2 3T«ik XII. Nnnni 834 EQU EQU Jours NOVEMBRE. Différence du retour du fo Jours DÉCEMBRE. Différence du retour du fo- du leil au Méri- dien, en 24 heures. du mois. leil au Méri- mois. M. S. M. 5. dien , en 24 heures. I A. 16 9 Sec. 0 I A. 10 17 Sec. 23 2 A. 16 9 2 A. 9 53 24 3 A. 16 8 0 3 A. 9 29 24 4 A. . 16 7 1 4 A. 4 2) >a 5 6 A. . A. 16 16 5 2 1 WO 2. g. 5 6 A. A. 8 39 13 26 gr 7 A. ] 58 3 Bt 7 A. 7 47 26 | 27 g 8 A. : 53 4 g. 8 A. 7 20 9 A. . 47 5 g 9 A. 6 53 27 S IO r1 0 A. ; 40 6 g 10 A. 6 25 §- 28 rT ii en A. . 33 7 ~ 11 A. 5 57 s 28; 12 0 A. : 25 7 S 12 en A. 5 29 0* 28 0 S 29 «r- -• 29 S ï 29 8- S 29 3 8 29 | i3 *4 i5 3 A. ! A. ] A. ] [4 16 6 56 8 ! 9 cr IO f» *3 14 15 0 p < A. A. A. 5 4 4 0 3i 2 16 n> A. ] [4 44 10 g- : 16 3 rv A. 3 33 i7 O c A. 3 [4 r- 12 g : •17 A. 3 4 18 A. i [4 l9 12 S" r— 1 18 c A. 2 34 * 3o e 19 A. : r4 5 *3 s ; *9 0 A. 2 4 30 2 20 A. . [3 5o J4 s: 20 ET A. 1 34 30 21 A. : [3 34 XJ § 21 eu A. 1 4 3o 22 A. : l3 w 16 ~; 22 A. 0 34 30 23 A. : A. ■ [3 [2 0 42 17 ïr 7 on 17 0 : 23 24 A. R. 0 0 4 26 30 24 30 ja *5 A. [2 23 18 g 25 R. 0 5<* 30 s. ïr1 20 o* to 30 rr 26 A. [2 4 *9 Sj 26 R. 1 26 27 A. ■ [I 44 *9 g 27 R. 1 tf 28 29 A. A. II II 23 2 2° 8 21 * 28 29 R. R. 2 2 25 54 0 •■* • 20 ^ 30 A. IO 40 4 21 22 30 31 R. R. 3 3 23 52 29 Q 29 ' De Vufage de la tahle ^équation , pour régler les ouvrages d'horlogerie. Après avoir parlé de la caufe des variations du foleil , de la conftru&ion des difïerens méchanif- mes propres à imiter ces effets , des moyens de les exécuter , & de fe fervir des tables d'équation pour tailler l'ellipfe , je dois m'arréter à Pufage que l'on fait de ces ta- bles pour régler les pendules ordinaires , ainfi que les montres , & donner, des méthodes pour en rendre l'ufage fa- cile. Les pendules & montres ne peuvent mar- quer conftamment que le temps moyen. Ces machines étant bien construites ne fau- roient divifer le temps qu'en des parties égales ; lors donc que l'on veut régler une pendule par le méridien , il faut favoir fî la quantité de temps écoulée entre le paf- fage du foleil au méridien d'un jour , efl E Q U égale à celle de fon retour au même point pour un autre jour. Les tables d'équation fervent particuliè- rement à indiquer les différences du retour du foieil : ainfi il refte à donner les moyens de s'en fervir ; avant de le faire , il eft à propos de faire connoître les deux fortes de tables à'éqiihtion que donne l'académie des fciences , Iefquelîes font jointes & font partie de la connoiffance des temps. Quoiqu'il n'y ait qu'une feule équation ou différence du temps vrai au temps moyen du foieil , cette différence peut ce- pendant être exprimée différemment , fui- vant l'époque ou point d'où Ton part : pour la former on a conftruit deux tables $ équation , comme on le peut voir dans la connoifîànce des temps. Dans la première efpece de table , qui eft celle que donne la connoiffance des temps à la fixieme colonne de la féconde page de chaque mois, pour tous les jours de l'année, la variation du foieil eft tou- jours dans le même fens ; en forte qu'une pendule réglée fur le temps moyen , mife le premier novembre ( époque que l'on a choilie pour la conftrucîion de cette table ) avec le foieil à fon pafïage au méridien , avancera en certains temps de l'année de 30' 53" fans être jamais en retard; ainfi le foieil retardera toujours fur le temps moyen. Une pendule mife fur cette table de X équation de l'horloge , ne fe trouvera jufte avec le foieil qu'une fois par an , qui eft le premier novembre , jour où elle eft fuppofée avoir été mife avec lui à fon paf- fage au méridien. La féconde table $ équation de la con- noifîànce des temps a pour titre , table du temps moyen au midi vrai pour le méridien de Paris. Dans celle-ci on a partagé la fomme de la variation du foieil : ainfi une pendule réglée fur le temps moyen ne peut avancer que de 14/ 44" , mais doit retarder de 16' 9" ; ces deux quantités forment la même variation 30' 53" de la première table. Une pendule réglée fur cette féconde ef- pece de table , fe trouvera quatre fois par an avec le foieil ; les deux temps vrai & moyen ne différeront pas l'un de l'autre le 1 5 avril , le 15 juin , le 31 août, & le 23 décembre. E Q U 83î Quoique l'une & l'autre table d'équation puiffent également fervir à régler les mon- tres & pendules , il auroit été fort mal-à- propos d'éviter au public le choix entre ces deux tables , en envifageant leur ufage fîmplement relatif aux montres & pendu- les , ou comme ne devant fervir qu'à ré- gler ces machines. Le temps moyen donné par l'une fera , il eft vrai , auffi propre à régler les pendu- les , que le temps moyen donné par l'autre ; mais ces deux temps paroîtront différer , quoiqu'étant au fond une même chofe ; car , pour en donner un exemple , une pendule qu'on aura réglée fur le moyen mouvement du foieil , & qui aura été mife fur la première efpece de table de l'équa- tion de l'horloge , au paffage du folèil pac le méridien , le premier novembre mar- quera midi jufte , dans Pinftant de ce paffage du foieil , tandis qu'une autre pen- dule , auffi réglée fur le temps moyen par la féconde table, retardera de 16' 9". Ce même jour les deux temps moyens donnés par ces deux tables , & marqués par deux pendules , différeront donc entr'eux de 16' 9" , & ainfi des autres temps de l'année. Cette féconde efpece de table , qui eft celle que j'ai donnée ci-devant d'après celle de la connoiffance des temps ; cette table , dis-je , me paroît devoir être uniquement fuivie , puifque la première n'a point d'au- tre propriété que la féconde , & que celle-ci au contraire a un avantage ; c'eft que le foieil dans le temps qu'il eït le plus éloigné de fon moyen mouvement, ne l'eft que de 16' cj' ; & l'autre au contraire ayant toute l'erreur dans le même fens , peut en différer de 30' 53". Méthode pour régler une pendule par le méridien y & lui faire juivre le temps moyen ou égal. Il faut mettre la pendule au mo- ment du pafîàge du foieil par le méridien , à la quantité de minutes & de fécondes que la table indique , ayant égard , fi le jour propofé le foieil avance, de mettre en retard l'aiguille ; & au contraire s'il retarde , d'avancer l'aiguille du nombre de minutes & fécondes qui répond audit jour. On verra le lendemain fi la pendule fe trouve au paffage du foieil par le méridien. Nnnnn 2 836 E Q U à la différence que la table marque» pour ce jour ; fi elle fe rencontre , c'eft une preuve qu'elle eft réglée ; au contraire fi elle excède cette différence , foit en avance ou en retard , il faut bailler ou hauffer la lentille proportionnellement à l'erreur qu'elle aura faite , & au fens dont elle fe fera écartée de la table. On doit mettre la pendule en retard , Il la table marque que le foleil avance , par la raifon que cette pendule étant pro- pofée pour marquer le temps moyen , le foleil ne peut avancer fans que ce temps ne (bit en retard , & qu'au contraire il ne peut retarder fans que le temps moyen n'avance , puifque c'eft d'après la compa- raifon de ces deux temps que la table a été faite. Exemple. Le 18 décembre on a vu le méridien , & mis la pendule à 2 minutes 34 fécondes (nombre que la table marque à ce jour ) : oa obfervera le lendemain fi elle retarde de la quantité que la table donne pour le iq , qui eft 2 minutes 4 fécondes ; fi elle fe rencontre a cette quantité, c'eft une preuve qu'elle eft ré- glée. Si elle a avancé fur ce nombre , baiffez la lentille ; au contraire fi elle a retardé , faites-la monter par l'écrou en raifon de l'erreur qu'elle aura faite , & répétez la même opération jufqu'à ce qu'elle fuive la différence que la table indique. On peut fe difpenfer de voir tous les jours le méridien , & en biffer écouler plufieurs , en fe fouvenant du nombre , afin que fi la pendule diffère de la table , on touche à la lentille en raifon du nom- bre de jours écoulés , & de celui de minutes & fécondes dont elle a avancé ou retardé. On peut auffi , lorfque la pendule eft réglée , favoir l'heure du temps vrai , en voyant par la table d'équation de quelle quantité le foleil avance ou retarde fur le temps moyen au jour propofé. Méthode pour faire fuivre le temps vrai à une pendule. Pour faire fuivre ce temps à une pendule , il faut s'affujettir à conduire l'aiguille chaque jour , fuivant que le foleil varie ; car il n'y a que les pendules à équa- tion qui puiffent fuivre cette variation. Il E QU faut donc avoir foin en faifant fuivre à une- pendule ordinaire le temps vrai, d'y tou- cher de temps à autre , en conduifant l'aiguille fuivant que le foleil avance ou retarde , & faire attention fi la pendule s'éloigne chaque jour du foleil du nombre de fécondes marquées à la dernière co- lonne de chaque mois , en forte que le mouvement de la pendule fuive toujours le temps moyen : la différence dont le fo- leil varie d'un jour à l'autre eft marquée à la dernière colonne de chaque mois ; on peut fe fervir de cette variation pour régler la pendule propofée ; fi elle avance ou re- tarde d'une plus grande quantité que cette différence de 24 heures , il faut toucher à la lentille à proportion de l'erreur. Dans le cas où on ne pourroit pas voir le foleil tous les jours , la méthode dont je viens de parler pour faire fuivre le temps, vrai à l'aiguille , & régler la pendule par la troifieme colonne , ou excès de 24 heu- res, deviendroit difficile. Il faut donc , avant de faire varier l'ai- guille comme le foleil , commencer par régler la pièce fur le temps moyen ( par la première méthode ) , après quoi il eft très- facile de faire fuivre à l'aiguille le mouve- ment du foleil , comme on le verra par cet exemple , qui fuppofe la pendule ré- glée fur le temps moyen , à laquelle on veut faire fuivre les variations du foleil ou le temps vrai. Exemple pour régler la pendule fur le temps moyen y en lui faifant fuivre le temps vrai. Ayant mis le premier mars la pendule avec le foleil à fon paffage au méridien , ob- fervez le 13 du même mois le foleil, qui depuis le premier s'eft approché de trois minutes du temps moyen : voyez pour cet effet la table & équation , laquelle marque pour le premier mars , le foleil retarde de 12' 36", & le 13 de 9' 36"; donc il a avancé de 3 minutes. Si la pendule eft ré- glée fur le temps moyen , elle doit être en retard du foleil de cette quantité ; fi elle en diffère en plus ou en moins , il faut monter la lentille fi elle retarde , & la baiffer fi au contraire elle avance. Pour régler une pendule à fécondes ou d'obfervation , il eft à propos d'avoir une montre à fécondes , que l'on arrête fur E QU midi , & à l'inftant du paflàge du foleil par le méridien , on la laiiïè marcher ( les montres à fécondes ont ordinairement un petit levier qui fert pour cela ) , de forte que cette montre donne exactement l'heure du foleil ; car avec un méridien que j'ai fait , }e fuis aflliré du pafïàge du foleil par le méridien à cinq fécondes près , je puis même dire à deux fécondes ; ainfi ayant une table à? équation , on met la pendule à la quantité de minutes & fécondes qu'elle indique ; de cette façon on peut régler une pendule avec beaucoup d'exactitude. Quant aux pendules & montres ordi- naires , il n'eft pas befoin de cette grande précifion , & on ne doit pas même l'atten- dre ; de forte qu'on peut négliger quelques fécondes que l'on appercevra de variation en un jour ; & même quand il y auroit 30 fécondes pour les montres , on ne doit pas y faire attention ; le méridien peut auflï ne pas donner exactement l'inftant de midi. Cet art. eft de M. Ferdinand BerthouD) horloger. EQUERRE , f. £ (Géométr.) C'eft un infiniment fait de bois ou de métal , qui fert à tracer & mefurer des angles droits , comme L E M, Planche de Géom.fig. 42.. Elle eft compofée de deux règles ou jam- bes , qui font jointes ou attachées perpen- diculairement fur l'extrémité l'une de l'autre. Quand les deux branches font mobiles à un point , on l'appelle biveau ou faujje équerre. Voye\ BlVEAU. Pour examiner fi une e'querre eft jufte ou non , décrivez un demi-cercle AE F d'un diamètre à difcrétion ; & dans ce demi- cercle tirez de chaque extrémité du diamètre A & F des lignes droites , vers un point pris à volonté dans la circonfé- rence , comme E : appliquez Y e'querre aux côtés de l'angle A E F, de manière que fon fommet foit en E. Si Yéquerre s'ajufte exactement aux côcés de l'angle , elle eft Jufte ; autrement elle eft faufle. Harris & Chambers. On dit que deux lignes _, &c. font ê? équerre, quand elles font perpendiculaires Fune à l'autre. f ÉQUERRE, (Aftron.) conftellation mé- ridionale , introduite par M. de la Caille , & qui eft jointe avec la règle & le triangle E Q U 8?7 aufiral en forme de niveau. Voye\ Trian- ( M. de la Lande.) GLE Équerre d'Arpenteur , en terme d? Arpentage; c'eft un cercle de cuivre d'une bonne confiftance , de 4 , 5 ou 6 pouces de diamètre. PL d'Arp.jig. ij. On le divife en quatre parties égales , par deux lignes qui s'entre-coupent à angles droits au centre. Aux quatre extrémités de ces lignes & au milieu du limbe , on met quatre fortes pin- nules bien rivées dans des trous quarrés , & très-perpendiculairement fendues fur ces lignes , avec des trous au deiïbus de chaque fente , pour mieux diftinguer les objets éloignés. On évuide ce cercle , pour le rendre léger. xAu deflbus & au centre de Pinftrumenfi fe doit monter à vis une virole , qui fert à foutenir Y équerre fur fon bâton de 4 à 5 pies (fig. 18) y fuivant la hauteur de l'œil de l'obfervateur. Ce bâton eft garni d'un fer pointu par le bout qui entre en terre , & l'autre bout eft arrondi , pour que la virole y refte jufte. Toute la précifion de cet inftrument con- fifte en ce que les pinnules foient bien exac- tement fendues à angles droits ; ce que l'on connoîtra facilement en bornayantpar deux pinnules un objet éloigné , & un autre objet par les deux autres pinnulesf II faut enfuite tourner Y équerre bien jufte fur fon bâton , & regarder les mêmes objets par les pinnules oppofées : s'ils fe rencontrent bien exacte- ment dans l'alignement des fentes, c'eft une marque de la jufteffe de I'inftrurflent. Pour éviter de faufier cette équerre y il faut , i°. enfoncer en terre le bâ*ton feul , & quand il eft bien affermi , placer ladite équerre fur la virole , par le moyen de fa vis. On fait aufïï de ces fortes à'équerres où l'on met huit pinnules, de la même ma- nière que celles décrites ci-deftùs ; elles fer- vent pour avoir les angles de 45 degrés ,. ainfi qu'aux jardiniers pour aligner & planter des allées d'arbres en étoile. Voici la manière de fe fervir de cet ins- trument. Suppofons qu'on veuille lever le; plan du champ ABC DE (PL de l'Arp.. figure zq.) y on plantera des jallons ou des piquets bien à plomb â tous les angles ;. on mefurera la ligne A Cy & les. 838 E Q U perpendiculaires qui tombent des angles fur . cette ligne , & l'on écrira féparément ces mefures. Pour trouver le point F> extré- mité d'une des perpendiculaires , on plan- tera des j allons à difcrétion fur la ligne AC , & l'on mettra le pie de l'inftrument fur la même ligne , de manière qu'à travers deux alidades oppofées on puifte voir deux des jallons plantés fur cette ligne , & à tra- vers les deux autres alidades, le jallon E. Si dans cette dation le point E n'eft point vilible , on reculera ou l'on avancera l'inf- trument , jufqu'à ce que les lignes A F, E jFfafïènt un angle droit en F: par ce moyen on aura le plan du triangle A F E. On trouvera de la même manière le point H où tombe la perpendiculaire D H , dont on mefurera la longueur avec celle de HFy pour avoir le plan du trapefe E F H D. On mefurera enfuite H C y qui fait un angle droit avec HD > & on aura le plan du triangle D H C. Il ne reftera plus après cela qu'à trouver le point G, où tombe îa perpendiculaire B G. On trouvera ce point de la même manière que les autres , & on aura par ce moyen le plan de tout le champ ABC D E, dont on aura l'aire ou la furface en ajoutant enfemble les trian- gles & les trapefes. Voy. Aire , SuFvF ACE, Triangle,Trapese,&c-.V.^j/7Arpen- teur,chaîne,lever un planj&y.fej EQUERRE, (Architecl.) Y? equerre des Architectes n'a rien de particulier : c'eft une equerre commune , telle que celie^des Géo- mètres , dont on a donné la defcription au commencement de cet article. Il n'y a pref- qu'aucunartoù elle ne foit d'ufage, & nous y renverrons dans les articles fuivans. EQUERRE , en Architecture _, s'entend auiïl d'un lien de fer coudé , qu'on met aux poteaux corniers d'une encoignure de pan de bois , aux portes de menuiferie & à d'autres ouvrages. (P) EQUERRES , (Hydraul.) font des cou- des qu'on eft obligé de faire à une conduite , lorfque le deffein d'un jardin vous affujettit à des angles indifpenfables. Equerre fe dit encore de groffes plates- bandes de fer dont on garnit les angles des ré- fervoirs de plomb élevés en l'air , pour fou- tenir la pouîfée & l'écartement des côtés. (K) EQUERRE , en terme de Bijoutier, eft un E Q U inftrument formant un triangle équilaréral f dont ils fe fervent peur tracer des angles. EQUERRE dont fe fervent les Graveurs & DeJJlnateursy eft une planche de bois qui a deux arêtes , perpendiculaires lune à l'autre ; & un trou , pour pouvoir mettre le doigt & lever Yéquerre facilement , & fans toucher à l'encre dont ks arêtes peu- vent être mouillées. Equerre des Jardiniers , voye^ Equerre des Arpenteurs. Equerre des Maçons, v. Equerre des géomètres. Equerre des Charpentiers, voy, Equerre des Géomètres. Equerre a épaulement, ÇCharp.J Celle-ci ne diffère de Y equerre ordinaire B qu'en ce qu'une des branches eft triple en épaiftèur de l'autre : c'eft par cette raifon qu'elle a un épaulement de chaque côté. Cet épaulement fert à foutenir Yéquerre ferme , lorfque l'on veut tracer une ligne. Equerre du Charron,*-. Equerre des Géomètres: ils en ont de grandes & de petites. EQUERRE, outil de graveur de poinçons à lettres , eft un morceau de bois ou de cuivre plié en equerre; en forte que la ligne qui eft l'angle ou jonction des deux parties de Y equerre y foit perpendiculaire au plan ou face de la pierre à l'huile fur laquelle on la pofe. Le deftous de Yéquerre eft garni d'une femelle d'acier , qui glifîè fur la pierre à l'huile. Lorfqu'on s'en fert pour dreiîer. un poinçon par la face de la lettre , on place le poinçon dans l'angle de Yéquerre 9 où on le tient affujetti avec le pouce , pendant que les autres doigts preflènt extérieurement Yéquerre. On fait glifter le tout fur la pierre, qui ufe à la fois la femelle d'acier de Y equerre y & la face du poinçon où la lettre eft gravée, qui par ce moyen eft parfaitement dreffée. Voyt\ l'art. GRAVURE DES POINÇONS A LETTRE. Equerre des Ferblantiers, voy. Equerre des Géomètres. EquerreduMenuisier^.Equer. du géomètre & du charpentier. Equerre de l'Écrivain , voye\ Equerre du Géomètre. Equerre de l'Arquebusier, voy. Equerre du Géomètre. E Q U EQUERRE , en terme de Potier de terre, eft une plaque de fer à plufieurs pans , qui ferc de patron ou de modèle fur lequel on coupe le carreau. EQUERRE , en terme de Vitrier , eft une grande équerre d'acier percée d'efpace en eîpace , & à bifeaux en dedans : elle fert à mettre les panneaux à Yéquerre. Equerres des Clochers, ÇJurifp.) OU ESQUIERS DES CLOCHERS & DES Eglises, lignifient, félon quelques-uns, V en- droit oh. font aflis les clochers; ou, félon d'au- tres, Vefpace qui fe trouve d'un clocher à l'au- tre. Plufieurs coutumes difent que le droit de vaine-pâture pour les beftiaux d'une paroifte, s'étend jufqu'aux equerres des clochers voi- jfins , c'eft-à-dire , d'un clocher à l'autre. Voy. les coutumes de Vitry, art. z i z; Châ- lons, A£6% Chaumont,tf/r. zej,- Troyes, 1 69; Sens, / 4$; Melun, art. 30 z, & PATU- RAGE , Pâture, Vaine-pature. ÇA) EQUESTRE , adj. (Gramm.) eft un terme dont on fe fert fur-tout dans cette phrafe , flatue équeflre , qui lignifie une flatue re pré f entant une perfonne à cheval. Voye\ Statue. Ce mot eft formé du latin eques,' ^che- valier , homme de cheval ; de equus, cheval. Voye\ Chevalier. La Fortune équeflre , dans l'ancienne Rome, étoitune ftatuede cette divinité à cheval. Nous difons aulîi quelquefois une colonne équeflre. Voye\ COLONNE. Ordre équeflre, chez les Romains,fignifioit Yordre des chevaliers, ou équités. Chamb. Equestre, ÇHifl. anc) eft une épithete que les anciens donnoient aux hommes , & même aux divinités. Tite-Live & Plutarque rapportent que les Romains piqués de ce que les Etrufques refufoient de s'allier avec eux , & de leur permettre d'époufer leurs filles , étoient fur le point de leur déclarer la guerre ; mais Romulus leur perfuada de fe borner à enlever par furprife les filles de leurs voifins ; dans cet objet , il fit publier que fon peuple célébreroit un tel jour , des jeux magnifiques à l'honneur de Neptune équeflre ou confus : il invita les peuples des environs de Rome à venir jouir de ce fpec- tacle , & ce fut pour lors que les Romains enlevèrent les Sabines. On donnoit à Rome le titre d'ordre E Q U 839 équeflre, aux chevaliers Romains. On a dé- couvert une infinité d'inferiptions antiques, qui défignent l'ordre équeflre. (V. A. L.) EQUIANGLE, adj. en Géométrie, fe dit des figures dont les angles font égaux. Voye\ Angle. Un quarré eft une figure équiangle. Voy. Quarré. Un triangle équilatéral eft auftî équiangle. Voye\ EqUILATÉRAL. Quand les trois angles d'un triangle font égaux aux trois angles d'un autre triangle , on appelle ces triangles équiangles entr'eux. Voyei Triangle. CE) Le mot équiangle s'emploie plus fouvent dans ce dernier fens relatif, lorfqu'on com- pare les angles d'une figure à ceux d'une au- tre , que dans le premier fens , lorfqu'on compare entr'eux les angles d'une feule fi- gure. Cependant il eft utile de s'en fervir dans les deux acceptions , pour éviter les circonlocutions , ayant foin d'ailleurs que ce mot ne fafte point d'équivoque ; une figure équiangle tout court , eft une figure dont les angles font égaux entr'eux ; une figure équiangle à une autre ou deux figures équiangles entr'elles , font deux figures dont les angles font égaux chacun à chacun. Peut-être feroit-on encore mieux de fe fervir dans le premier cas du mot équiangulaire ( quin'eft pas même tout à fait horsd'ufage ) à l'exemple de quadrangulaire , & d'em- ployer dans le fécond cas le mot équiangle : une figure équiangulaire, deux figures équi- angles , &c. ÇO) EQUICRURAL, adj. (Géom.) Un triangle équicrural eft celui dont deux côtés font égaux , & qu'on appelle plus commu- nément un triangle ifocele. Voye\ ISOCELE & Triangle. CE) On peut appeller équicrural , un angle , une figure dont les côtés font égaux. Mais ce mot n'eft plus en ufage , parce que ceux tfifocele & $ équilatéral y fuppléent. ÇO) EQUICULUS, EQUULEUS, ou EQUUS MIN OR, ÇAflron,) eft une conftellation de l'hémifphere feptentrional , autrement nommé cheval ou petit chevah Voyez Cheval, ÇA/îron.) ÇO) EQUIDIFFÉRENT , adj. en Arithmé- tique. Si dans une fuite de trois quantités r il y a la même différence entre la première & la féconde , qu'entre la féconde &. 1* EQU troifieme , on dit alors que ces quantités , l'ont continuement équidijj'érentes; mais fi dans une fuite de quatre quantités , il y a la même différence entre la première & la féconde , qu'entre la troifieme & la qua- trième , on appelle ces quantités dilcrete- ment équidiférentes. Voye\ RAISON G Rapport. Ainfi , 3 , 6, 7 & io font difcrctement équidiffe rentes; & 3 , 6 & Q continuement équidifférentes. Harris & Chambers. Voy. Discret, Continu & Quantité. K auffi Proportion Arithmetiq. (EJ EQUIDISTANT, adj. en Géométrie , eft un terme qui exprime la relation^ de deux chofes , en tant qu'elles iont a la même ou à une égale diftance 1 une de l'autre. Voyei DISTANCE. Ainfi on peut dire que les lignes paral- lèles font équidiflantes, ou également disan- tes ; parce que ni l'une ni l'autre ne s'eloi- gne'ni ne s'approche. Voye\ PARALLELE. Harris & Chambers. CE) On peut néanmoins remarquer quil y a cette différence entre équidiflant & paral- lèle, que le dernier s'applique à une étendue continue , ou confidérée comme telle , & le premier à des parties de cette écendue ifolées & comparées; ainfi on peut dire que dans des lignes parallèles deux points quel- conques correfpondans , c'eft-à-dire , fitues dans la même perpendiculaire à ces deux lignes , font toujours équidiflans; que dans deux rangées d'arbres parallèles , chaque ar- bre eft équidiflantâe fon correfpondant dans l'autre allée. Equidiflant s emploie encore , lorfque dans une même portion d'étendue on compare des particules fituées à égales diftances les unes des autres ; ainfi dans une feule rangée d'arbres plantés à égale dif- tance l'un de l'autre , on peut dire que les arbres Çont équidiflans; zuMeu que parallèle ne s'emploie jamais qu'en comparant la po- fition de deux portions d'étendue diftin- guées. Telles font les différences^ des mots parallèle & équidiflant : la Géométrie , comme Ton voit , a fes fynonymes ainfi que la Grammaire. fOj EQUILATÉRAL,ouEQUILATERE, adj. (Géom.) fe dit de tout ce qui a les côtés égaux. Ce mot eft formé des deux mots latins #quus > égal , .& latus , côté. EQU Ainfi un triangle équilatéral eft celui dont les côtés font tous d'une égaie longueur. Dans un triangle équilatéral , tous les angles font aufti égaux. Voye\ TRIANGLE & Figure. Tous polygones réguliers & tous corps ré- guliers font équilatéraux. V. POLYGONE , RÉGULIER, Ùc. Harris & Chambers. (E) Le mot équilatéral eft plus en ufage q\î équilatere, cependant ce dernier n'eft pas encore tout à fait profcrit ; il eft même en quelques cas plus en ufage que l'autre , comme dans le cas fuivant. Hyperbole équilatere eft celle dans la- quelle les axes conjugués comme AB de font égaux. Planche de coniques, fig. no. Donc , i°. comme le paramètre d'une hy- perbole eft une troifieme proportionnelle aux axes conjugués , il leur eft égal dans l'hyperbole équilatere : 20. fi dans l'équation yz = b x 4- b xx : a qui eft l'équation gé- nérale des hyperboles , nous faifons b = a; l'équation y2- = a x -\- x x eft celle d'une hyperbole équilatere. Voye\ HYPERBOLE. Dans cette dernière équation , on prend l'origine des coordonnés au fommet de l'hy- perbole: fi on les prenoit au centre , l'équa- tion de l'hyperbole équilatere rapportée à fon premier axe feroit y y = xx — ^ , & rapportée au fécond axe, elle feroit y y = xx+a-£.(0) ÉQUILIBRE , f. m. en Méchanique , figniiie une égalité de force exacte entre deux corps qui agifTent l'un contre l'autre. Une balance eft en équilibre quand les deux i parties fe foutiennent fi exactement , que ni l'une ni l'autre ne monte ni ne defcend , mais qu'elles confervent toutes deux leur pofition parallèle à l'horizon. C'eft delà que le mot équilibre tire fon étymologie , étant compofé de cequus , égal , & libra , balance. C'eft pourquoi aufîi on fe fert fou- vent du mot balancer ou contre-balancer pour défigner Xéquilibre. Voye\ BALANCE & Levier. En général, la partie de la méchanique qu'on appelle flatique , a pour objet les loix de Xéquilibre des corps. Pour que deux corps ou deux forces fe faflent équilibre 3 il faut que ces forces foient égales , E QU égales , & qu'elles foient diredement op- pofées Tune à l'autre. Lorfque plufieurs forces ou puifTances agiffent les unes contre les autres , il faut commencer par réduire deux de ces puif- fances à une feule ; ce qui fe fera en pro- longeant leurs directions jufqu'à ce qu'elles fe rencontrent ; & cherchant enfuite par les règles de la compofition des forces la direction & la valeur de la puiflance qui réfulte de ces deux là ; on cherchera enfuite de la même manière la puiflance réful- tante de cette dernière , & d'une autre quelconque des puifïànces données , & en opérant ainfi de fuite , on réduira toutes ces puifïànces à une feule. Or , pour qu'il y ait équilibre _, il faut que cette dernière puiflance foit nulle , ou que fa diredion pafïè par quelque point fixe qui en déduife l'effet. Si quelques-unes des puifTances étoient parallèles , il faudroit fuppofer que leur point de concours fut infiniment éloigné, & on trouveroit alors facilement la valeur de la puiffance qui en réfulteroit & fa diredion. V. la méchanique de Varignon. Le principe de ^équilibre eft un des plus effentiels de la méchanique , & on y peut réduire tout ce qui concerne le mouve- ment des corps qui agiflènt les uns fur les autres d'une manière quelconque. Voye^ Dynamique. Il y a équilibre entre deux corps , lorfque leurs diredïons font exadement oppofées , & que leurs mafTes font entr'elles en raifon inverfedesvîteffes avec lefquelles ils tendent à fe mouvoir. Cette propofition eft reconnue pour vraie par tous les méchaniciens. Mais il n'eft peut-être pas auffi facile qu'ils l'ont cru , de la démontrer en toute rigueur , & d'une manière qui ne renferme aucune obfcunté. Auffi la plupart ont -ils mieux aimé la traiter & axiome que de s'appliquer à la prouver. Cependant , fi on y veut faire attention , on verra qu'il n'y a qu'un feul cas où ^équilibre fe manifefte d'une manière claire & diftinde ; c'eft celui où les deux corps ont des mafTes égales & des vîteffes de. tendance égales & en fens con- traires. Car alors il n'y a point de raifon pour que l'un jdes corps fe meuve plutôt que l'autre. Il faut donc tâcher de réduire Tome XII. E Q U 841 tous les autres cas à ce premier cas fïmpîe & évident par lui même; or, c'eft ce qui ne laifïe pas d'être difficile , principalement lorfque les mafTes font incommenfurables. Aufîi n'avons-nous prefque aucun ouvrage de méchanique , où la propofition dont il s'agit foit prouvée avec l'exadituJe qu'elle exige. La plupart fe contentent de dire que la force d'un corps eft le produit de fa mafTè par fa vhtfîe , & que quand cqs produits font égaux , il doit y avoir équir- libre , parce que les forces font égales ; ces auteurs ne prennent pas garde que le mot de force ne préfente à l'efprit aucune idée nette , & que les méchaniciens mêmes font fi peu d'accord là deftus, que plufieurs prétendent que la force eft le produit de la maffe par le carré de la vîreffe. Voye^ FORCES VIVES. Dans mon traité de dyna^- nuque , imprimé en 174.3 •> Paëe 37 & fuiv. j'ai tâché de démontrer rigcureufe- ment la propofition dont il s'agit , & j'y renvoie mes ledeurs ; j'ajouterai feulement ici les obfervations fuivantes. i°. Pour démontrer le plus rigoureufe- ment qu'il eft pofîible la propofition dont il s'agit , il faut fuppofer d'abord que les deux corps qui fe choquent foient des parallélipipedes égaux & redangles , dont les bafes foient égales , & s'appliquent diredement l'une fur fautre ; enfuite on fuppofera que la bafe demeurant la même , un des parallélipipedes s'alonge en même proportion que fa vîteffe diminue ; par ce moyen on démontrera ^équilibre dans les parallélipipedes de même bafe , en fuivant la méthode de l'endroit cité dans notre traité de dynamique. 2°. Quand un des parallélipipedes eft dou- ble de l'autre , au lieu de partager la vîteffe V du petit en deux , on peut par- tager la maffe M du grand en deux autres qui aient chacune la vîtefTe -, & dont, outre cela , la partie antérieure ait en- core la vîteffe 7> & la partie pofte- i rieure la vîteffe - en fens contraire ; car I par ce moyen les deux parties du grand I corps fe feront équilibre entr'elles , & il I ne reftera plus qu'une maffe M d'une Ooooo G 84Ï part E Q U EQU animée de la vîtefTe V y & de l'autre , très cas ; c'eft-à-dire , par exemple qu'une marte 7 ou M animée de la vi- teftè f -f- 7 = ^c'eft-à-dire, que tout fera égal de part & d'autre. On peut appli- quer le même raifonnement aux autres cas plus compofés. 30. Q.iand on aura démontré les loix de Yequilibre pour des parallélipipedes de même bafe , on les démontrera pour des parallélipipedes de bafes différentes , en employant le principe fuivant : fi deux parallélipipedes > égaux, rectangles , Ùfem- blables } font fixés aux deux extrémités d'un levier , & qu entre ces deux parallélipipedes » on en place dmx autres à égale difiance des extrémités du levier > Ù qui agijjèntenfens contraire aux deux premiers y avec la mime vitejje de tendance > il y aura équilibre ; proportion dont la vérité ne fera point conteftée , mais qu'il eft peut-être difficile de démontrer rigoureufement. Sur quoi voye^Y article LEVIER. 40. On applique enfuite cette même pro- position pour démontrer Yequilibre des corps de figure quelconque , dont les martes font en raifon inverfe de leurs vîtefiès , & qui agifTent l'un fur l'autre fuivant des lignes qui partent par leur centre de gra- vité. Par le moyen de ces différens théo- rèmes , on aura démontré rigoureufement & fans reftriâion la loi de Yequilibre dans les corps qui fe choquent directement. A l'égard de Yequilibre dans le levier , & autres machines, voye^ Levier, Poulie, For- ces MOUVANTES , ROUE , COIN , MA- CHINE Funiculaire , Vis,&<:. 50. On a demandé plufieurs fois fi les loix du choc des corps font telles qu'il ne put pas y en avoir d'autres. Nous avons démontré au mot DYNAMIQUE , que les loix du choc dépendent de celles de Yequi- libre : ainfi la queftion fe réduit à favoir fi les loix de [équilibre font telles qu'il re puifte pas y en avoir d'autres ; or , les ?o x de Yequilibre fe réduifent , comme nous avons vu dans cet article , à Yequilibre de deux corps égaux & femblables , animés en fens contraire de vîtertes de tendance égales. Tout fe réduit donc à favoir s'il peut encore y avoir équilibre dans d'au- fi deux corps égaux dont les vîtefïès con- traires font inégales , pourront fe faire abfolument équilibre y ou ce qui eft la même chofe , comme il eft aifé de le voir , fi un corps A animé d'une vîterte quel- conque a y & venant frapper un autre corps égal en repos , les deux corps relie- ront en repos après le choc. Il femble que ce dernier cas eft impoftible \ car au lieu de fuppofer le fécond corps en repos , fuppofons-le animé de la vîtefTe — a égale & en fens contraire à la vîterte a ; il eft certain d'abord que dans ce cas il y aura équilibre ,• fuppofons à préfent que dans l'mftant où il eft animé de la vîterte — a, par laquelle il fait équilibre au premier corps , il foit animé de la vîterte -f* ce dM expri- mera en même temps le poids de la par- ticule M y ou la fojjfe avec laquelle elle eft follicitée à fe mouvoir fuivant M P : donc xdM eft, dans ce cas, le produit qu'il faut mettre à la place de Nx , pour E Q U 845 cette particule ; & partant la fomme de tous les x d M qui réfultent de tous les élé- mens du corps , fera la plus petite , lorf- que le corps le trouvera en équilibre. Mais on fait que la fomme de tous les x d'.Af ex- prime le produit du poids entier du corps , par la diftance de fon centre de gravité à la même ligne horizontale N N. Si donc on fuppofe que M fuit le centre de ce corps , le produit M X G H } qui eft égal à la fomme de tous les xdM , fera un mini- mum en cas S'équilibre. D'où l'on voit que les corps pefans ne fauroient être en équi- hbie , à moins que leur centre de gravité ne foit aufïi bas qu il eft poftible. La démonftration que l'on vient de don- ner du principe de X équilibre , fuppofe que l'a&ion des forces fur les corps ne varie point , à quelque diftance qu'elles en foient. Car fi les forces ne font pas conf- iantes , il faudra fuppofer le nombre des filets variable pendant qu'ils fe contrac- tent , puifqu'on les a envifagés comme confervant toujours le même pouvoir. Voici comment il faut envifager la chofe dans le cas où fa force varie fuivant les diftances. La force repréïentée par Nxy doit étredJcompofée en fes élémens Ndx ; & comme N , qui repréfente le nombre des filets à chaque diftance Pi^eft varia- ble , qu'on fuppofe ce nombre — -P > on aura P d x pour élément de la force : donc 1 intégrale SPdx fera la jufte valeur qui doit être mife à la place de Nx, quand la force eft variable. Afin de répandre un plus grand jour fur ce fujet , il faut confidérer comment lès formules Nx , que les forces confiantes donnent , deviennent un minimum. Cela arrive, lorfque leurs différentielles Ndxy prifes enfemble , évanouiftènt : mais dans ces différentielles , il n'eft plus queftion fi la force N eft confiante ou non. Donc fi la force eft variable , & qu'elle foit ~~P, on aura Pdx , au lieu de Ndx, dont la fomme doit être égalée à zéro ; par confé- quent , la formule qui devient un minimum en cas d'équilibre, doit être compofée de celles-ci SPdx, que l'on doit tirer de. chacune des forces follicitantes ; d'où l'on- voit que dans le cas des forces confiantes,. ou de P^=c:N , on. aura les mêmes for— 84<5 E Q U mules Nx y pour rendre un minimum y que celles que l'on a trouvées ci-deffus. Tel eft donc le principe univerfel qui convient à tout état ^équilibre. En vertu de ce principe , il faut confidérer féparé- ment chaque force qui foîlicite le corps à fe mouvoir : fuppofez que ces forces foient = P QR) Ùc & que les directions fuivant lefquelles elles agitfènt fur le corps M,fig. 8 , foient A F, BG , CH; pre- nez à volonté fur ces dire&ions les points fixes F y G y H ; & nommant A F x , B Gy y CH\ , on aura pour l'état ^équi- libre SPdx + S Q dy-\-SRdi-\-,&c. qui doit être un minimum. Pour la com- modité du calcul , il convient de placer les points fixes F > G , H , dans de certains endroits plutôt qu'ailleurs : ainfi dans le cas des forces centrales que l'on exprime par de certaines fondions de la diftance à leurs centres de forces , il faut placer ces points dans les centres mêmes. Alors , P y Q y R y &c. pouvant être exprimés par ces quantités » xn , (iyn , y\n y &c. Pex- prefîion dont l'on devra faire un mini- mum 7 fera, 71+ 1 xn+i +n^yn+I + +~iln + lJtt &c- & ce^a s'obfervera dans tous les cas femblables. Comme la force P fournit dans tous les calculs une quantité pareille à celle-ci SPdx, fi on nomme effort l'intégrale de cette quan- tité réfultante de la force P , on pourra renfermer le principe général d'équilibre dans cette règle bien fimple : Lafomme de tous les efforts que des for- ces font fur un corps y doit être un minimum pour que ce corps foit en équilibre. Lorfque le corps dont on cherche l'état d'équilibre y eft flexible ou même fluide , il en faut confidérer tous les élémens fépa- rérnent , de même que les forces qui les follicitent , pour en tirer d'abord tous les efforts que chaque élément foutient.Enfuite on trouvera , par le calcul intégral , la fomme de tous ces efforts , ou l'effort total que le corps éprouve , de laquelle on fera un minimum , qui indiquera alors les condi- tions requifes pour que le corps foit en équilibre. Il faut remarquer qu'il n'eft pas nécef- EQ U faire d'introduire dans le calcul de l'équi- libre , les forces qui attachent le corps à quelque objet fixe , ou qui le tiennent arrêté. Ainh , fi on veut trouver par cette mé- thode la courbure d'une chaîne fufpendue, on ne fera pas attention à l'effort que fouf- frent les clous auxquels la chaîne eâ fufpen- due ; & lorfqu'il eft queftion de X équilibre d'un fluide renfermé dans un vaifieau , il n'eft pas néceffaire de confidérer hs forces avec lefquelles le fluide preffe le vaifleau. Il fuffira , dans l'un & l'autre cas , de confi- dérer les feules forces de la gravité , pour en déterminer l'état d'équilibre. La raifon de cette diftin&ion eft aifée à comprendre, par la manière d'envifager l'action des for- ces ; favoir , dans la cqntradion des filets. Ainfi , s'il y a des forces auxquelles le corps ne fauroit obéir , comme celles qui le tiennent à quelque objet immobile , elles n'entreront point dans le calcul , mais feulement celles qui peuvent imprimer quel- que mouvement au corps : on en prendra les efforts , comme on l'a déjà dit , & faifant des fommes un minimum y on trou- vera , par ce moyen , l'état d'équilibre du corps. ÉQUILIBRE , (Economie animale) eft un terme fort employé par Baglivi , & adopté par plufieurs phyfiologiftes , mais dans un fens qui n'eft pas exactement con- forme à celui dans lequel il eft ufiré en mé- chanique & en hydraulique. L'égalité de forces entre des corps qui agiflènt les uns fur les autres par leur gra- vité fpécifique , ou par toute autre caufe , d'où réfulte la cefîàtion de leur mouve- ment , dès l'inftant où cette égalité eft établie ( en quoi confifte le véritable équi- libre y pris à la rigueur ) , ne peut pas avoir lieu dans l'économie animale , qui exige un mouvement continuel dans tous les or- ganes néceffaires pour l'entretien de la vie , & dans tous les fluides que ces organes font deftinés à mouvoir : ainfi ce n'eft pas de la théorie de Y équilibre proprement dit , qu'on fe propofe de faire une application à la phyfique du corps humain. L'auteur cité , & ceux qui admettent avec lui le terme d'équilibre dans la théorie de la médecine , ont feulement prétendu défigner par ce terme , ou par celui d'équi- E Q U Itbration , à défaut d'un autre plus pro- pre , une égalité non abfolue , mais ref- pective , une proportion dans les forces actives & pafîives , qui peut être conçue dans toutes les parties , tant folides que fluides du corps animal , par rapport à ce que chacune de ces parties doit opérer pour la fonction à laquelle elle eft deftinée. C'eft en vertu de cette proportion de forces dans toutes les fibres qui compofent les difFérens vaifTeaux dont eft formé le corps humain , que chaque fluide eft retenu en quantité déterminée , eft réglé dans fon cours , & reçoit l'élaboration qui lui eft nécefîàire, dans les canaux qui lui font pro- pres; en forte qu'il eft confervé entr'eux une égalité d'action & de réaction alter- natives , qui ne laiffe point prédominer , d'une manière durable , les parties conte- nues fur les parties contenantes, & réci- proquement celles-ci fur celles-là, tant que l'état de fanté fubfifte. Cette difpofltion eft abfolument requife pour cet effet : c'eft de la différence habi- tuelle de cette difpofition dans les différens fujets , que dépend aulli la diverfité des tem- péramens , dont les uns font plus ou moins robuftes que les autres , félon que cette difpofition eft plus ou moins fufceptible , qu'il y foit porté atteinte par l'ufage ou par l'abus des chofes néceffaires à la vie , que l'on appelle dans les écoles les chofes non naturelles. Cette forte ^équilibre, ainfi conçue dans le corps humain , peut être confédérée de trois manières différentes , par rapport aux folides comparés entr'eux, par rapport aux folides comparés avec les fluides , & par rapport aux fluides comparés entr'eux- mêmes ; c'eft ce qu'il eft néceflàire d'ex- pliquer. Pour que Yéquilibre , tel qu'on en a donné l'idée , relativement à l'économie animale, fubfifte entre les différens orga- nes , il faut que le tifîu , le refïbrt de tous les vaifTeaux , foit proportionné à la quan- tité des liquides qu'ils doivent recevoir, au mouvement qu'ils doivent communiquer à ces ItqQi ^es , & à l'effort qu'ils doivent en éprouver: ainfi les vaifTeaux lymphatiques, par exemple . doi vent avoir autant de force d'action & de réiiftance que les vaifTeaux EQU 847 fanguins , refpectivement à la quantité, au mouvement & à l'effort du liquide que ceux-là reçoivent , contiennent & diftri- buent à des vaifTeaux fubalternes de diffé- rens ordres. Ainfi dans un corps bien conformé , & jouiflànt d'une fanté auffi parfaite qu'il eft pofhble , tous les folides , dans les vaifTeaux de toutes les efpeces , doivent avoir pro- porticnnement la même force d'action , de réfiftance & de réaction. Mais pour que cette force puiffe être exercée librement, il eft nécefîàire qu'il exifte une proportion entr'elle & la quan- tité , la confiftance des différens fluides, refpectivement aux folides qu'ils contien- nent ; d'cù s'enluit que Yéquilibre des fo- lides entr'eux fuppofe nécefîàirement celui des folides avec les fluides , & celui des fluides comparés les uns aux autres : par conféquent Yéquilibre dont il s'agit , dépend principalement de l'état des parties folides qui ont dans l'animal toute l'action , ou naturelle , c'eft-à-dire , élaftique , ou Sura- joutée , c'eft-à-dire mufculaire, tandis que les fluides n'ont que des forces paffives, telles que la pefanteur, la mobilité: celle-ci même doit prefque annuller les effets de celle-là ; de manière que la mafTe des humeurs ani- males ne doit avoir de poids que pour être fufceptible de recevoir un mouvement réglé , pour réfifter à en trop prendre , & non pour fuivre fa tendance comme corps grave. On doit fe repréfenter toutes les fibres qui entrent dans la ftructure de l'animal , comme dans un état de diftractilité con- tinuelle , plus ou moins grande , à pro- portion que les vaifTeaux qu'elles forment font plus ou moins remplis ou dilatés par les liquides contenus : elles font dans un état violent , attendu que , biffées à elles- mêmes , celles qui font dans une pofition longitudinale , tendent à fe raccourcir de plus en plus , & les vaiflèaux à s'oblitérer par la contraction des fibres circulaires , qui en eft auffi un véritable raccourciffèment. Ces effets n'ont jamais lieu dans les vaifTeaux qui contiennent quelque liquide ; ils ne peuvent jamais parvenir à l'état de contrac- tion parfaite ; ils en approchent feulement plus ou moins , à proportion qu'ils font 848 EQU plus ou moins diftendus par la quantité & l'effort des fluides qu'ils contiennent , tant que la diftribution des fluides fe fait avec égalité, c'eft-à-dire , proportionnément à ce que chaque vaifîèau doit en recevoir dans l'état naturel. Tous les foîides , dans quelque e'tat qu'on les confidere , foit defyftole , (bit de diaf- tole , forment un reffort d'une feuie pièce , dont les parties foutiennent l'effort les unes des autres , fans qu'aucune plie : mais s'il arrive , par quelque caufe que ce foit , que les fibres ou les tuniques de quelques vaiffeaux viennent à perdre de cette force ■de reflbit, celles de toutes les autres reftant la même , les fluides éprouvant moins de réfiftance à fe porter dans la partie affoi- blie , y font pouffes plus abondamment , & diminuent proportionnément leur effort vers les vaiffeaux des autres parties, dont le ref- fort n'a rien perdu de fes forces , & réfïfte toujours également & plus efficacement , attendu que ces vaiffeaux peuvent fe ref- ferrerde plus en plus, en fuivant leur dif- pofition intrinfeque , qui étoit auparavant fans effet excédant Ainlî lorfque Yéquilibre eft rompu par relâchement dans quelques unes des parties contenantes, l'effort des fluides y devenant de plus en plus fupérieur à la réfiftance des folides , ceux-ci cèdent aufîi de plus en plus , fe laiffent alonger au point que les vaiffeaux qui en font compofés , fe dilatent outre mefure , quelquefois jufqu'à fe rom- pre : les liquides contenus n'éprouvant que faiblement, ou point du tout, la réaction des vaiffeaux trop dilatés , croupiflent & dégénèrent de leurs qualités naturelles , ou ils s'épanchent de la cavité de ceux dans lefquels s'eft fait une folution de continuité , ou ils tranfudent par les pores les plus ou- verts , à caufe de l'écartement des fibres , ou ils coulent plus abondamment qu'ils ne devroient , pour le bien de l'économie animale , par l'orifice forcé des vaiffeaux , qui fe trouve plus ouvert qu'il ne doit être dans l'état naturel. De tous ces différens effets s'enfuivent des fympromes , dont la différence dépend principalement de celle du fiege & des fondions des organes qui pèchent par le Jelâchement. Si ce vice a lieu dans le ti.ffu. EQU cellulaire qui appartient aux tégumens en général , il en provient une leucojîegmatie; fi ce n'eft que dans le tiffu cellulaire des extrémités inférieures , il en réfulte feule- ment Penfiure de ces parties ; s'il s'écablit dans les vaiffeaux lymphatiques du bas- ventre , ou de la poitrine , ou de la tête , il en eft produit une hydropifîe , ou un engorgement fériëux des poumons , ou un épanchement dans la poitrine d'humeurs de même nature , ou une hydropifîe de différente efpece. Mais le mal n'eft jamais plus grand que lorfque les vaiffeaux relâchés fervent à une excrétion quelconque ; alors les liquides contenus s'écoulant fans réfiftance par les conduits qui leur font propres , font fuivis par les autres parties de la maffe des hu- meurs , qui font de confiftance à ne pas trouver plus d'obftacle à s'écouler par la même voie ; ce qui rend le flux continuel , ou prefque tel. Tous les autres vaiffeaux du corps recevant & contenant à propor- tion moins de fluides qu'il s'en porte plus dans la partie foible , ont la liberté de fe refferrer davantage : le chyle , avant de fe changer en fang , la matière même du fuc nourricier fe portent aufîi avec les parties les plus fluides de la maffe des humeurs , vers les vaiffeaux les plus libres , les moins réfiftans , c'eft-à-dire, vers ceux dont les fibres ont perdu V équilibre : d'où il réfulte que la déperdition des fluides en général , par la voie ouverte , venant à excéder la réparation , il fe fait une diminution pro- \ portionnée du volume dans toutes les par- | ties du corps , attendu qu'il dépend prin- | cipalement de la quantité des humeurs qui I tiennent les vaiffeaux dans l'état de la dila- ' tation ; cette diminution fait l'amaigriffe- ment. Le cerveau ne recevant pas une fuffi- fante quantité de fluides travaillés pour être changés en efprits animaux , il en réfulte la foibîeffe , l'abattement , l'impuiffançe au mouvement. Le fuc nourricier manquant dans les vaiffeaux auxquels il doit être dis- tribué , ils s'oblitèrent peu à peu ; d'où le marafme. La partie relâchée devenant comme un égoût , vers lequel tendent les humeurs de toutes les parties , la plupart des vaiffeaux deviennent vuides & affaifles ; 1 le corps fe deffeche , & la flexibilité nécef- faire EQU faire aux folides en général , qui ne peut être attribuée qu'à l'interpofition convena- ble des fluides , venant à manquer confé- quemment à leur déiàut , le mouvement qui ne peut avoir lieu fans cette flexibilité , ceiTe , & la mort fuit. Cette théorie convient à toutes fortes de fluxions , de dépôts , d'amas confidé- rables , & d'écoulemens d'humeurs qui proviennent de la perte de X équilibre des folides , par caufe de relâchement dans quelque partie du corps que ce foit. On peut regarder tous les effets provenans de cette caufe , comme autant de diabètes : les eaux ramaffées dans le ventre , dans la poitrine , dans la tête , dans ie tifîu cellu- laire des tégumens en général^ des pau- pières , des bourfes en particulier , ne diffé- rent aucunement des liquides qui s'évacuent dans le diabètes proprement dit , provenans du relâchement des tuyaux urinitères : les jambes des hydropiques , qui fe crèvent d'elles-mêmes , ne donnent-elles pas un écoulement de férofité qui forme comme un diabètes ? Ainfi les vaiffeaux lympha- tiques de la tête , de la poitrine , du bas- ventre , qui laifTent échapper continuelle- ment dans les hydropifies de ces parties , le liquide qu'ils tranfportent , ne forment- ils pas comme autant de fiphons qui fem- blent , par une de leurs extrémités qui eft leur principe , tremper dans îa maffe des humeurs , & par l'autre répandre ce qu'ils fucent ? Ainfi dans le relâchement des vaif- feaux fecrétoires de l'urine , il fe fait un écoulement de férofiré à laquelle fe mêlent, à proportion que le relâchement augmente, la lymphe , le chyle le plus fin , & enfuite le chyle le plus groflier , pour ainfi dire , fous forme de lait ; ce qui rend , dans le diabètes , proprement dit , les urines dou- ceâtres & blanchâtres, quand il a duré un certain temps : d'où s'enfuit la confomp- tion , comme de toute autre évacuation de cette efpece , dans quelque partie du corps que ce foit. N'a - t - on pas vu des plaies produire cet effet par d'abondantes fuppurations , & devenir comme un égout, par lequel s'écouîoit prefque toute la malle des humeurs , à caufe du relâchement qui furvenoit dans les folides de la partie , & de la moindre réfiftance qu'oifroient Tome XII. EQU 849 les vaiffeaux , toujours difpofés à s'ou- vrir? Les ventoufes ne produifent pas autre- ment la tuméfaction des parties fur les- quelles elles font appliquées , qu'en rom- pant , par la diminution de la compreflion* de l'air , Y équilibre de réfiftance dans les vaiffeaux qui fe laifTent en conféquencu engorger d'humeurs. Les animaux ne fe gonflent fous le récipient de la machine du vuide , que parce que le poids de l'air étant aufïi diminué par la fuccion , s'oppofe moins à l'effort des fluides , qui tendent à dilater les vaiffeaux de l'habitude du- corps : ceu?c-ci ne pèchent alors que par défaut d'équilibre ; d'où l'on peut inférer que la force qui le conferve dans l'écono- mie animale faine , n'eft pas feulement intrinfeque à l'égard des fibres , mais qu'elle eft aufïi extrinfeque. Il eft même , outre le poids de l'athmof- phere , une autre caufe qui y contribue , qui , quoiqu'étrangere à chaque vaiffeau en particulier , ne l'eft cependant pas à l'animal même ; c'eft la preffion récipro- que des vaiffeaux entr'eux , par laquelle ils contre-balancent , les uns par rapport aux autres , les efforts que les fluides font dans leur cavité refpective , tendans à en écarter les parois outre mefùre. On voit , par tout ce qui vient d'être expofé , les pernicieux effets que peut pro- duire dans l'économie animale le défaut d'équilibre caufé par la trop grande dimi- nution du refîbrt dans les parties folides : ce même défaut , occafîoné par la trop grande élafticité dans les fibres d'une par- tie , ou par leur rigidité , ou par la conf- triction. fpontanée ou fpafmodique des tuniques mufculaires des vaiffeaux , n'eft pas une fource moins féconde de déran- gement dans l'économie animale ; c'eft ce qui femble fuffifamment prouvé par les confédérations fuivantes. Ainfi le refferrement d'un vaiffeau con* fidérable , ou de plufieurs vaiffeaux dans une partie quelconque , ou tout autre obf- tacle formé au cours des humeurs , en quelque organe que ce foit , peuvent pro- duire la fièvre, ou dans les parties affec- tées , fi la caufe n'eft pas bien considéra- ble , ou dans tout le corps , en tant que Ppppp ■ 85o E Q U les fluides pouffes vers cette partie , ne pouvant pas y continuer leur mouvement progreflif avec liberté , font repoufTés vers leurs fources par l'a&ion même des vaif- feaux engorgés ? qui "réagiflènt avec plus de force , à proportion qu'ils font plus diftendus au delà de leur ton naturel ; ce qui dilate de proche en proche les troncs , & en force le refTort , qui , par fa réaction fur les mêmes fluides repoufTés , les ren- voie vers i'obftacle , d'où naît une efpece de pléthore particulière entre I'obftacle & les troncs des vaifTeaux embarrafTés ; ce qui établit une forte de fièvre dans la par- tie , comme on l'obferve , par exemple , dans un panaris commençant , par les for- tes pulfatio;>r- qui fe font fentir dans tout le doigt afFe&é. Si la caufe de I'obftacle eft confidérable , un plus grand nombre de vaifTeaux collatéraux participent à l'en- gorgement , & de proche en proche l'em- barras gagne , la circulation fe trouble , la pléthore devient générale , la puifîànce motrice qui tend toujours à confèrver X équilibre ou à le rétablir , augmente l'ac- tion dans tous les vaifTeaux , à proportion de la réfiftance : delà une forte d'agitation fébrile s'établit dans tout le corps , laquelle, fi la caufe eft de nature à fubfifter , donne lieu à une véritable fièvre. N'eft-ce pas à un défaut d'équilibre de cette efpece , qu'on peut attribuer la plu- part des indifpofitions que caufent les commencemens de la groflèfïè à un grand nombre de femmes ? le fang menftruel ne s'évacuant point dans cette circonftance , & formant par conféquent une pléthore particulière dans la matrice , qui augmente de plus en plus , tant que le fœtus ne peut pas encore confumer en entier ,*pour fà nourriture & lbn accroiflèment , les hu- meurs furabondantes , que la nature a deftinées à cet ufage. Les vaiffeaux utérins , diftendus outre mefure , ne cèdent cepen- dant que jufqu'à un certain point à leur dilatation ultérieure j le tiraillement de leurs tuniques forcées , qui approche du déchirement , eft un fentiment fîimulant y qui les excite à réagir extraordinairement çn y attirant des forces furajoutées , par l'influx du fluide nerveux & des contrac- tions des fibres mufculaires ; ainû ils de- E Q U viennent par-là en état de réfifter aux plus- grands efforts des humeurs , qui tendent à s'y porter plus abondamment : il fe fait d'abord une efpece adhérence dans le cours des fluides de tous les vaifTeaux utérins ; elle s'étend de proche en proche , comme par l'effet d'une digue ou éclufe ; le refTort des vaifTeaux réagiflans , étant un peu dé- gagé , force enfuite ce qui refte encore de furabondant , dans leur cavité , à refluer dans les troncs des vaifTeaux , d'où ils ont été diftribués ( ce reflux peut réellement avoir lieu quand dans le cas dont il s'agit ici , fi l'on convient qu'il fe fait dans la réfolution des inflammations produites par erreur de lieu y voye\ INFLAMMATION , Erreur de lieu ) : ce reflux , ainfi conçu , o#de l'embarras dans le cours des humeurs de la matrice , s'enfuit l'engor- gement des mamelles , parce que le fang , qui trouve de la réfiftance à aborder dans ce vifcere , fe replie par les vaifTeaux épi— gaftriques vers les mammaires , qui logent ainfi une partie des humeurs furabon- dantes. Mais la pléthore fe renouveîlant conti- nuellement , il fuccede toujours de nou- veaux fluides à placer : ils font repoufTés , & fe jettent toujours où ils trouvent moins de réfiftance ; il s'en fait d'abord une déri- vation dans tous les vaifTeaux collatéraux % qui fe trouvent difpofés à céder ; ce qui donne fouvent lieu à une plus grande fe- crétion dans les glandes & dans tous les filtres des inteftins , dont l'excrétion four- nit fouvent la matière d'un cours de ventre : ou les humeurs fe portent dans les vaifTeaux de î'eftomac , les cÙftendent , tiraillent leurs fibres mufculaires , les nerfs de ce vifcere , d'où s'enfuivent les mouvemens convulfifs , qui produifent des naufées , des efforts pour vomir , & le vomifïement même , forfqu'if y a des matières dans I'eftomac , qui pefent fur Ces parois tendues , par l'engorgement de Ces vaifTeaux qui le rend beaucoup plus fufceptible d'irritation : ou le tranfport de* humeurs fe fait vers les poumons , Iorfqu'ils font d'un tifTu à proportion moins réfiftant que les autres parties du corps ; il y occa- fione des fuffocations , des oppreflions , des crachemens de fang , &c. ou il fe faic dans les vaifTeaux des membranes du cer- %£ E Q U veau , de la fubftance , & il y caufe des douleurs , des pefanteurs de tête , unaffou- piffement extraordinaire , des vertiges, &c. Tous ces effets (uppofent X équilibre rompu entre les vaiftèaux utérins , qui réfiftent à être engorgés ultérieurement , & les vaif- feaux des autres parties , qui prêtent & fe iaiffènt engorger par les humeurs furabon- dantes , qui refluent de la matrice , ou qui , reftant dans la maffe , tendent à fe jeter fur quelque partie foible , & s'y logent en effet , en forçant fes vaifTèaux. Mais fi toutes les parties réfiftent éga- lement , le fang fuperflu reftant dans les gros vaiffeaux , fans pouvoir être diftribué, gène la circulation , caufe des défaillances , des fyncopes ; ce qui rend , dans ce cas , îa faignée fi falutaire , par la promptitude avec laquelle elle rétablit Xéquilibre y en dégorgeant les gros vaiffeaux : elle peut aum" produire de bons effets dans tous les autres engorgemens particuliers , par la même raifon ; mais ils font moins fenfi- blés : dans ce même cas encore , la nature , qui tend toujours à conferver ou à rétablir V équilibre > peut avoir une autre refiburce que la faignée ; tous les vaifTèaux étant dans un état de réfiftance , & par confé- quent de réaclion égale , peuvent quel- quefois , par leurs forces combinées , vain- cre celles des vaiffeaux utérins , & en for- cer les orifices , donner lieu à un hémor- ragie qui peut rétablir X équilibre perdu ; c'eft par cette raifon que plufieurs femmes ont des pertes pendant les premiers mois de leur groffeffe , fur-tout les femmes ro- buftes , fans aucun mauvais effet. Tout ce qui vient d'être dit , peut con- venir à bien des égards à ce qui fe paffe dans la fuppreffion des règles , & peut tenir lieu d'explication de ce que Ëoerhaave dit fimplement être un détordre dans la circulatiou , fans dire en quoi confident ce défordre , ce changement , ce mouvement renverfé dans le cours du fang , qu'il re- ronnoît , fans en indiquer la caufe , fans la faire preffentir même : il femble cepen- dant qu'on peut en rendre raifon , de la manière précédente , en fuivant la nature dans fes opérations , fans rien fuppofer. On voit , par exemple , pourquoi les femmes groffes font fujettes à de fi fré- EQU *5i 1 quenrês & de fi grandes agitations , à des fréquences dans le pouls , qui en font une fuite , fur - tout pendant le temps de la digeftion , de l'entrée du chyle dans le fang : effet que Ton peut regarde9*comme étant des efforts que la nature fait pour rétablir \ équilibre ,• efforts qui font vérita- blement fébriles , & feroient de confé- quence s'ils n'étoient pas fi irréguliers , & le plus fouvent de très-peu de durée ; parce que la caufe eft ordinairement de nature à être aifément & promptemenc détruite , ou peut fubfifter fans danger ; il n'y a pas de vice intrinfeque dans les humeurs ; elles ne pèchent que par l'excès de quantité : il n'en eft pas de même dans les fuppreflions du flux menftruel ; la caufe étant le plus fouvent difficile à vaincre , occafione des efforts conrinuels de la na- ture , pour détruire la pléthore & rétablir X équilibre ; ce qui donne fouvent lieu , dans ce cas , à des fièvres confidérabîes , & dont les fuites peuvent être fâcheufes. Ainfi , les inflammations occafionane aufîi une forte de pléthore , plus ou moins étendue , produifent la fièvre générale ou particulière : le refferrement fpafmodique des parties nerveufes dans un vifeere , dans un membre , dans un tendon , dans un tronc de nerf piqué , irrité , produit le même effet ; de même auffi les irritations qui af- fectent des membranes nerveufes , comme celles des inteftins , la plèvre , la dure-mere , l'enveloppe des mufcles , le périofte , &c. les remèdes irritans , tels , fur tout , que les purgatifs, les vomitifs , les véficatoires , les fynapifmes , les phœnigmes , &c. fem- blent n'attirer un plus grand abord d'hu- meurs dans les parties où ils agiflènt , que parce qu'ils excitent la réadion des vaif- feaux éloignés vers ceux qui font d'abord plus refferrés par l'irritation , mais qui font bientôt forcés de céder à toutes les puif- fances des fotides réunies contr'eux ; ce qui opère une dérivation d'humeurs vers la partie irritée ; dérivation qui eft , par cette raifon , le plus fouvent précédée d'une augmenta- tion de mouvement dans tous les fluides , dans la circulation entière. N'eft-ce pas ainfi que l'on peut concevoir la manière d'agir des topiques irritans , dont on fe fert po: r ; attirer la goutte dans les extrémités ? L'action Ppppp l g5* E Q U des cautères actuels , du moxa , produit aufîï à peu prés les mêmes effets : Yorgafme, dans les parties fufceptibles d'impremons volup- tueufes , fait ainfi naître une agitation gé- nérale ^en tanc que la tenfion de leurs parties nerveufes y forme des obftacles au cours ordinaire des humeurs , qui refluent dans tout le corps , y font une pléthore pafïàgere , c'eft-à-dire, proportionnée à la durée de la caufe de cztte tenfîon , & cette pléthore celle avec le fentiment qui en a été la caufe déterminante : c'eft ce qu'on éprouve dans l'acte vénérien , dans la feule érection de la verge , du clitoris , foutenue par l'imagination échauffée , dans le gonfle- ment des parties de la vulve , des mame- lons : tout ce qui tend les nerfs plus qu'à l'ordinaire , comme une épine dans un ten- don , dans des chairs bien fenfibles , comme les brûlures , ùc produit un plus grand abord de fang dans les parties affectées ; d'où s'enfuit un battement d'artères plus fort dans ces parties , ou une agitation générale , à proportion de l'intenfité de la caufe , &c. Il réfuîte de ce qui a été dit jufqu'ici fur les différentes caufes qui peuvent déranger l'équilibre de la machine dans l'économie animale , que dans le relâchement , I'élaf- ticité naturelle qui fubfifte dans les fibres , fuffit en général , pour leur donner un de- gré de force qui détermine le cours des fluides vers la partie qui a perdu de fon refîbrt ; mais le défaut a équilibre y qui eft produit par l'irritation , ne peut pas avoir lieu , fans qu'il foit ajouté généralement à tous les folides , une force qui puifTe l'em- porter fur la réfiftance de la partie où fe fait l'irritation ; en forte que dans ce cas , ils ac- quièrent plus de force d'action fur les fluides par un refièrreme nt qui dépend des nerfs , & X équilibre fe détruit tout comme fi les parties irritées péchoient par relâchement , parce que celles-ci font forcées de céder à l'action combinée de tous les vaifleaux du corps contr'elle ; étant alors inférieures en réfiftance •> elles ne tiennent pas contre l'ac- tion des fibres , en général devenues plus fortes , que dans l'état naturel , par un moyen furajouté , qui leur eft commun à toutes, vis unita fonior. Ainfi de de\}x caufes oppofées , le relâchement & le reffer- rement de* fibres ou des vai-leaux , il peut e q u également en réfulter un défaut d'équilibre dans le corps animal. Il eft naturel de conclure de tout ce qui vient d'être expofé au fujet de l'équilibre dans le corps humain , qu'il eft très-impor- tant de s'inftruire de tout ce qui fert à faire connoître les phénomènes , les loix confiantes de cette condition requife pour la vie faine , de cet agent , qui patoît jouer un fi grand rôle dans l'économie animale , qui eft un principe fécond , d'où on peut déduire une infinité de caufes , qui entre- tiennent la fanté , qui produifent les ma- ladies , félon les diverfes difpofitions des folides entr'eux , & relativement aux fluides. Les réflexions , fur ce fujet , femblent juf- tifier la théorie des anciens médecins mé- thodiques , qui vouloient faire dépendre l'exercice réglé ou vicié de toutes les fonc- tions , de ce qu'ils appelloient le jlriclum & le laxum ; ils ne fe font vraifemblable- ment écartés de la vérité à cet égard , que pour avoir voulu tout attribuer à la difpo- iirion des folides , fans reconnoître aucun vice efTentiel dans les fluides. Baglivi a trop fait dépendre l'équilibre, qu'il avoit jufte- ment entrevu dans le corps animal , du mouvement fyftaltique , qu'il attribuoit aux membranes du cerveau; mais en ramenant cette théorie aux vrais avantages que l'on peut en titer, elle peut fournir de grandes lumières dans l'étude de la nature & de {es opérations , dans l'état de la fanté & dans celui de maladie ; par exemple , à l'égard de la diftribution des différentes humeurs dans toutes les parties du corps , du mé- chanifme des fecrétions en général , de l'in- fluence du poids de l'air & de fes autres qualités , du chaud , du froid , du Cec , de l'humide, &c. fur le corps humain, fur les poumons principalement , des évacua- tions critiques &fymptomatiques , des mé- taftafes , ùc. Voy. fur ce fujet l'article MÉ- THODIQUE ; Profper Alpin , de medicina methodica y & les œuvres de Baglivi. Si l'on admet l'importance des réfulracs , qui dé- rivent des* obfervations fur Véquilibre dar s l'économie animale , tel qu'on vient de le repréfenter, on ne peut pasrefufer de con^ .venir qu'elles doivent être aufîi d'une très- grande utilité dans la pratique médicinale , pour établir les indications dans le traite* E Q U ment des maladies , & pour diriger Pad- miniftration de la plupart des remèdes , comme les évacuans , dérivatifs y révulfifsy fortifiansy reldchans. anodins y narcotiques y antifpafmodiques y & autres qui peuvent produire des effets relatifs à ceux-là. Voye\ ces mots & les articles qui ont rapport à celui qui vient d'être terminé , tel que Fibre , Fluxion , Relâchement , Spasme, &c. (d) EQUILIBRE , terme de Peinture. Omne corpus, niji extremafefe undique contineant, librenturque adcentrum, collabaïur ruatque nccefje eji : voilà un pafïàge qui me paroît définir îe terme dont il s'agit ici ; & j'ef- pere qu'une explication un peu détaillée de ce texte , & un précis de ce que Léonard de Vincy dit fur cette partie dans fon traité t de la Peinture , fuffiront pour en donner une idée claire. Pomponius Gaurie, qui a compofé en latin un traité de la Sculpture , eiî l'auteur de la définition que j'ai citée; elle fe trouve au chapitre vj y intitulé de fiatuarum ftatu y motu y & otio. Toute ef- pece de corps , dit-il , dont les extrémités ne font pas contenues de toutes parts , & balancées fur leur centre , doit néceffaire- ment tomber & fe précipiter. La chaîne qui unit les connoifîànces hu- maines , joint ici la phyfîque à la peinture ; en forte que le physicien qui examine la caufedu mouvement des corps, & le peintre qui veut en repréfenter les juftes effets, peuvent , pour quelques momens au moins , îuivre la même route , & pour ainfi dire voyager enfemble. On doit même remar- quer que ces points de réunion ^fciences, des arts , & des connoifîànces deî'efprit , fe montrent plus fréquens , lorfque ces mêmes connoiffances tendent à une plus grande perfection. Cependant on a pu obferver auffi (comme une efpece de contradiction à ce principe , ) que fouvent la théorie perfec- tionnée a plutôt fuivi que précédé les âges les plus brillans des beaux-arts, & qu'au moins elle n'a pas toujours produit les fruits qu'on fembleroic devoir en efpérer. Je ré- iervepourles/Twr/THÉoRlE&PRATlQUE quelques réflexions fur cette fingularité, Il s'agir dans cet article d'expliquer le plus précifément qu'il eft poffible ce que l'on entend par équilibre dans Part de peinture. EQU 853 Le mot équilibre s'entend principalement des figures qui par elles-mêmes ont du mou- vement ; telles que les hommes & les ani- maux. Mais on fe fert auffi de cette exprefïion pour la compofition d'un tableau; & je vais commencer par développer ce dernier fens. M. du Frefnoy , dans fon poème immortel de arte graphicâ y recommande cette partie, & voici comment il s'exprime. Se u mulùs conflabit opus , paucifque figurîs , Altéra pars tabula vacuo ne frigida campo Aut deferta fiet, dum pluribus altéra formis Fervida mole fuâfupremam exurgit adoram: Sed tibi fie pofitis rcfpondeat utraque rébus ; Ut fi aliquid furfumfe parte attollat in una , Sic aliquid parte ex alla confurgat , & ambas jEquiparet , geminas cumulande) xqualiter oras, " Soit que vous employiez beaucoup de fi- » gures , ou que vous vous réduifiez à un » petit nombre ; qu'une partie du tableau » ne paroifîe point vuide , dépeuplée , & » froide , tandis que l'autre enrichie d'une » infinité d'objets , offre un champ trop » rempli : mais faites que toute votre or- » donnance convienne tellement , que fi » quelque corps s'élève dans un endroit , » quelqu'autre le balance , en forte que >? votre compofition préfente un jufte équi- té libre dans fes différentes parties. » Cette traduction qui peut paroître moins conforme à la lettre qu'elle ne l'eft au fens , donne une idée de cet équilibre de compo- fition dont M. du Frefnoy a voulu parler ; & j'ai hafardé avec" d'aurant plus de plaifir d'expliquer fa penfée dans ce pafïàge , que la traduction qu'en donne M. de Piles pré- fente des préceptes qui , loin d'être avoués par les artiftes , font absolument contraires aux principes de l'art & aux effets de la nature. Je vais rapporter les termes dont fe fert M. de Piles. « Que l'un des cotés du tableau ne de- » meure pas vuide , pendant que l'autre » eft rempli jufqu'au haut ; mais que l'on » difpofe fi bien les chofes , que fi d'un » coté îe tableau eft rempli , l'on prenne » occafïon de remplir l'autre ; en forte qu'ils m paroifïènt en quelque façon égaux, foie 854. EQU t> qu'il y ait beaucoup de figures , ou qu'elles » y foient en petit nombre. >> On apperçoit affez dans ces mots , en quelque japon , qui ne font point dans le ; texte , que M. de Piles lui-même a fenti i qu'il falloit adoucir ce qu'il venoit d'avancer : ! mais cet adoucifTement ne fiiffit pas. Il j n'eft point du tout nécefîaire de remplir un côté du tableau , parce que l'on a rempli l'autre , ni de faire en forte qu'ils paroiffent , en quelque façon même , égaux. Les Ioix de la compofition font fondées fur celles de la nature , & la nature moins concertée ne prend point pour nous plaire les foins qu'on prefcrit ici à l'artifte. Sur quoi donc fera fondé le précepte de du Frefnoy ? que deviendra ce balancement de compofition à l'aide duquel j'ai rendu fon idée? Il naîtra naturellement d'un heureux choix des effets de la nature, qui non feulement eft permis aux peintres , mais qu'il faut même leur recommander ; il naîtra du rapprochement de certains objets que la nature ne préfente pas affez éloignés les uns des autres , pour qu'on ne foit pas autorifé à les raffembler & à les difpofer à fon avantage. En effet , il eft rare que dans un endroit enrichi , foit par les productions naturelles , foit par les beautés de l'art , foit par un con- cours d'êtres vivans, il fe trouve dans le court efpace que l'on peut choifir pour fujet d'un tableau ( qui n'eft ordinairement que celui qu'un feul regard peut embraffer , ) un côté dénué de toute efpece de richeflès ,■ tandis que l'autre en fera comblé. La nature garde plus d'uniformité dans les tableaux qu'elle compofe ; elle n'offre point brufque- ment le contraire de l'abondance & de l'ex- trême aridité. Les lieux efcarpés fe joignent imperceptiblement à ceux qui font unis; les contraires font féparés par des milieux , d'où réfulte cette harmonie générale qui plaît â nos regards: d'ailleurs, ce balancement ne confifte pas feulement dans la place , la grandeur , & le nombre des objets ; il a encore une fource plus cachée dans la dif- pofition & l'enchaînement des mafTes que forment la lumière & l'ombre. C'eft fur- tout cet ordre ingénieux , ce chemin qu'on fait faire à la lumière dans la compofition d'un tableau, qui contribuent à fon balan- cement & à fon équilibre 3 qui contentent EQU la vue , & qui font caufe que ce fens étant fatisfait , l'efprit & l'ame peuvent prendre leur part du plaifir que leur offre Pillufion de la peinture. J'infifterai d'autant plus fur ce principe d'e'qu libre de la compofition , qu'il y a un danger infini pour les artiftes dans l'affec- tation d'une difpofition d'objets trop re- cherchée , & que c'eft par cette route que fe font introduits ces faux principes de contrafte & de difpofition pyramidale. Les beautés de la nature ont" un caractère de {implicite qui s'étend fur fes tableaux les plus compofés , & qui plaît dans ceux qu'on pourroit accufer de monotonie. Plufieurs figures dans la même attitude , fur le même plan , fans contrafte , fans oppofition , bien-loin d'être monotones dans la nature , nous y préfentent des va- riétés fines, des nuances délicates , & une union d'action qui enchantent. Il faut, pour imiter ces beautés , une extrême juftefîè ; & la naïveté , je l'avoue , eft voifiae de la fécherefîe , & d'un goût pauvre qu'il faut éviter avec autant de foin que le genre outré. Mais c'en eft afîèz pour la lignifica- tion de ces mots , équilibre de compofition. Confultons Léonard de Vincy fur! ' équilibre des corps en particulier. « La pondération , dit-il chapitre cclx> » ou X équilibre des hommes , fe divife en t> deux parties : elle eft fimple , ou com- » pofée. L'équilibre fimple eft celui qui » le remarque dans un homme qui eft » debout fur fes pies fans fe mouvoir. » Dans cette pofition , fi cet homme étend » les bra# en les éloignant diverfement 7) de leur milieu , ou s'il fe baiffe en fe » tenant fur un de fes pies, le centre de » gravité tombe par une ligne perpendi- »> culaire fur le milieu du pié qui pofe. » à terre ; & s'il eft appuyé également fur » les deux pies , fon eftomac aura fon w centre de gravité fur une ligne qui tombe » fur le point milieu de l'efpace qui fe trouve » entre les àeuK pieds. » L'équilibre compofé eft celui qu'on voit » dans un homme qui foutient dans diver- » fes attitudes un poids étranger ; dans » Hercule, par exemple , étouffant An tée » qu'il fufpend en l'air , & qu'il prefïè » avec fes bras contre fon eftomac. Il faut, E Q U » dans cet exemple, que la figure d'Hercule » aie autant de fon poids au delà de la » ligne centrale de fes pies , qu'il y a du » poids d'Antée en deçà de cette même w ligne. » On voit par ces définitions de Léonard de Vincy , que Yéquibre d'une figure eft le réfuîtat des moyens qu'elle emploie pour fe foutenir , foit dans une action de mouvement , foit dans une attitude de repos. Mais comme les principes & les réflexions excellentes de cet auteur font peu liés en- femble dans fon ouvrage , je vais , en les fondant avec les miennes , leur donner , s'il fe peut , un ordre qui en rende l'intelli- gence plus facile , pour ceux même qui ne pratiquent pas l'art de la peinture. Quoique le peintre de figure ne puifTe produire qu'une repréfentation immobile de l'homme qu'il imite , l'illufion de fon art lui permet de choifir pour cette repré- fentation dans les actions les plus animées, comme dans les attitudes du plus parfait repos : il ne peut repréfenter dans les unes & dans les autres qu'un feul inftant ; mais une action , quelque vive , quelque rapide qu'elle foit, eft compofée d'une fuite infinie de momens , & chacun d'eux doit être fuppofé avoir quelque durée : ils font donc tous fufceptibles de l'imitation que le pein- tre en peut faire dans cette fucceffion de momens dont eft compofée une action. La figure doit ( par une loi que la nature impofe aux corps qui fe meuvent d'eux- mêmes) pafTer alternativement de Y équi- libre y qui confifte dans l'égalité du poids de fes parties balancées & repofées fur un centre , à la cefTation de cette égalité. Le mouvement naît de la rupture du parfait équilibre , & le repos provient du rétablif- fement de ce même équilibre. Ce mouvement fera d'autant plus fort, plus prompt & plus violent , que la figure dont le poids partagé également de chaque côté de la ligne qui la foutient , en ôtera plus d'un de ces côtés pour le rejeter de l'autre , & cela avec violence & préci- pitation. Par une fuite de ce principe , un homme ne pourra remuer ou enlever un fardeau , qu'il ne tire de foi-même un poids plus E Q U 855 qu'égal à celui qu'il veut mouvoir , & qu'il ne le porte du côté oppofé à celui où eft le fardeau qu'il veut lever. C'eft delà qu'on doit inférer -que pour parvenir à une jufte expreffion des actions , il faut que le peintre faflè en forte que fes figures démontrent dans leur attitude la quantité de poids ou de force qu'elles empruntent pour l'action qu'elles font prêtes d'exécuter. J'ai dit la quantité de force ; parce que fi la figure qui fupporte un fardeau , rejette d'un côté de la ligne qui partage le poids de fon corps, ce qu'il faut de plus de ce poids pour ba- lancer le fardeau dont elle eft chargée, la figure qui veut lancer une pierre ou un dard , emprunte la force dont elle a befoin, par une contorfion d'autant plus violente, qu'elle veut porter fon coup plus loin ; encore eft -il néceffaire,'pour porter fon coup , qu'elle fe prépare par une pofition anticipée à revenir aifément de cette con- torfion à la pofition où elle étoit avant que de fe gêner : ce qui fait qu'un homme qui tourne d'avance la pointe de fes pies vers le but où il veut frapper , & qui en- fuite recule fon corps , ou le contourne , pour acquérir la force dont il a befoin , en acquerra plus que celui qui fe poferoit différemment; parce que la pofition de fes pies facilite le retour de fon corps vers l'endroit qu'il veut frapper , & qu'il y re- , vient avec vîtefîè , enfin s'y retrouve placé commodément. Cette fucceffion d'égalité & d'inégalité de poids dans des combinaifons innombra- bles ( que notre inftinct , fans notre parti- cipation & à notre infu , fait fervir à exécuter nos volontés avec une précifion géométrique fi admirable ) fe remarque aifément dès que l'on y fait la moindre attention : cependant elle eft encore plus viable , lorfqu'on exa- mine les danfeurs & les fauteurs , dont l'art confifte à en faire un ufage plus raifonné* & plus approfondi. Les faifeurs & équilibre y & les funambules fur-tout, en offrent des démonftrations frappantes ; parce que dans les mouvemens qu'ils fe donnent fur des appuis moins folides , & fur des points de furface plus reftreints , l'effet des poids eft plus remarquable & plus fubit , fur- tout îorfqu'ils exécutentleurs exercices fans appui, & qu'ils marchent ou fautent fur la corde ■i 856 EQU fans contre poids: c'eft alors que vous voyez 1 emprunt qu'ils font à chaque inftant d'une ! partie du poids de leur corps pour foutenir j l'autre, & pour mettre alternativement leur | poids total dans un jufte balancement , ou dans une égalité qui produit leurs mou- ! vemens ou le repos de leurs attitudes : c'eft j alors qu'on voit dans la pofition de leurs bras l'origine de ces contraires de mem- bres qui nous plaifent , & qui font fondés fur la néceflité ; plus ces contraries font juftes & conformes à la pondération nécef- faire des corps , plus ils fatisfont le fpec- tJteur, fans qu'il cherche à fe rendre compte de cette fatisfa&ion qu'il relient ; plus ils s'éloignent de la néceflité , moins ils pro- duifent d'agrémens , ou môme plus ils bleflent , fans ^qu'on puhTe bien claire- ment fe rendre raifon de cette expref- fion. Ce font ces obfervations qui doivent en- gager les artiftes à imiter Léonard de Vincy, & à employer leurs momens de loifir à des réflexions approfondies ; ils fe formeront par-là des principes certains , & ces prin- cipes produiront dans leurs ouvrages ces beautés vraies & ces grâces naturelles, qu'on regarde injuftçment comme des qualités arbitraires , & pour la définition defquelles en emploie fi fou vent ce terme de je ne fais quoi: expreflion plus obfcure cent fois que ce que l'on veut définir, & trop peu phi-' lofophique pour qu'il foit permis de l'ad- mettre autrement que comme une plai- fanterie. En invitant les artiftes à s'occuper férieu- fement de X équilibre & de la pondération des corps , comme je les ai déjà exhortés à faire des études profondes de Panatomie , )q crois les rappeller à deux points fonda- mentaux de leur art. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit de Panatomie ; mais j'ofe leur avancer que la variété , les grâces , la force de Pexpreffion ont auffi leurs fources dans les loix de X équilibre & de la pon- dération ; & fans entrer dans des détails qui demanderoient un ouvrage entier, je me contenterai de mettre fur la voie ceux qui voudront réfléchir fur ce fujet. Pour commencer par la variété , quelle refTource n'a-t-elle pas dans cette néceflité de difpofi- tions différentes , relatives à X équilibre P que EQU la nature exige au moindre changement d'attitude î Le peu d'attention fur les détails de cette partie , peut iaiftèr croire à un artifte fuperficiel , qu'il n'y a qu'un certain nombre de pofitions qui foient favorables à fon talent ; dès que fbn fujet le rapprochera tant foit peu d'une de ces figures favorites , il fe fentira entraîné à s'y fixer par l'habitude ou par la pareffe; & fi l'on veutdécompofer tous fes ouvrages & les réduire à leur jufte mérite, quelques attitudes, quelques group- pes , & quelques caracleres de têtes éter- nellement répétés, offriront lefond médiocre fur lequel on portera un jugement qui lui fera peu favorable. Ce n'eft point ainfi qu'ont exercé , & qu'exercent encore cet art immenfe , les artiftes qui afpirent à une réputation folidement établie ; ils cher- chent continuellement dans la nature les effets , & dans le raifonnement les caufes & la liaifon de ces effets : ils remarquent, comme je viens de le dire , que le moin- dre changement , dans la fïtuation d'un membre , en exige dans la difpofition des autres , & que ce n'eft point au hafard que fe fait cette difpofition ; qu'elle eft déter- minée non feulement par le poids des par- ties du corps , mais par l'union qu'elles ont entr'elles par leur nature, c'eft-à-dire, par leur plus ou moins de folidité ; & c'eft alors que les lumières de Panatomie du corps doivent guider les réflexions qu'on fait fur fon équilibre. Ils fentiront que cette difpofition différente qu'exige le moindre mouvement dans les membres , eft dirigée à l'avantage de l'homme par un infrincT: fecret , c'eft-à-dire , que la nature le porte à fe difpofer toujours de la façon la plus commode & la plus favorable à fon deftein. La jufte proportion des parties & l'habitude des monveméns y concourent : delà naît dans ceux qui voient agir naturellement une figure bien conformée , l'idée de la facilité , de l'aifance ; ces idées plaifent : delà naît celle de la grâce dans les adions. Pour Pexpreffion , comme elle réfulte du mouvement que Pâme exige du corps , & que ce dernier exécute , on fent qu'elle eft ainfî fubordonnée aux principes phyfiques des mouvemens corporels , auxquels il eft obligé de fe foumettre , pour obéir à Pâme jufque dans fes volontés les plus rapi- de* E Q U des & les plus fpontanées. Cet article efi de M. Watelet. ËQUILLE , f. f. (Fontaines falante s.) Ce terme a plufieurs acceptions : il fe dit premièrement d'une efpece de croûte qui fe forme au fond des poêles par la grande ardeur du feu , & qui arrête les coulés lorf- qu'on héberge muire : fecondement , d'un outil tranchant , avec lequel un des deux ouvriers qui hébergent muire rompt la croûte qui couvre le coulé dans l'endroit que lui indique le champeur, afin d'y jeter de la chaux-vive détrempée qui arrête le coulé , lorfqu'il arrive à l'eau de fe faire iffue fous la croûte , & de s'échapper : troifiémement, delà croûte qui s'eft formée au fond des poêles après la falinaifcn ; celle- ci fe porte à la petite faline , pour y être employée avec les autres matières falées. * ÉQUILLEUR , f. m. (Fontaines falantes.) c'eft celui qui après la falinaifon , eft chargé de détacher I'équille du fond des poêles ; ce qu'il exécute avec une mafïè de fer. ÉQUIMULTIPLE , adj. en Arithméti- que & en Géométrie , fe dit des grandeurs multipliées également, c'eft-à-dire , par des quantités ou des multiplicateurs égaux. Voye\ MULTIPLTCATION. Si on prend A autant de fois que B 3 c'eft-à-dire, fî on les multiplie également, il y aura toujours le même rapport entre les grandeurs ainfî multipliées , qu'il y avoit entre les grandeurs primitives avant la mul- tiplication. Or , ces grandeurs ainfî égale- ment multipliées , font nommées équi mul- tiple s de l^urs prirWtives A & B ; c'eft pourquoi nous difons que les équimuldples font en raifon des quantités fimpîes. Voye^ Raison. En Arithmétique , on fe fert en général du terme équimuldple } pour exprimer des nombres qui contiennent également ou un égal nombre de fois leurs fous-multiples. Ainfî 12 & 6 font équimuldples de leurs E Q U 857 fous-multiples 4. & 2 ; parce que chacun d'eux contient fon fous-multiple trois fois. Voye\ Sou s -multiple & Multiple. Hams & C'aambers. (E) EQUINOCTIAL, voyei Equi- NOXIAL. ÉQUINOXE, f. m. En AJlronomie , eft le temps auquel le foleil entre dans l'équateur , & par coniéquent dans un des points équinoxiaux. Voye^ ËQUINOXIAL. Le temps où le foleil entre dans le point equinoxiaî du printemps, eft appelle par- ticulièrement Yéquinoxe du printemps y & celui auquel le foleil entre dans le point equinoxiaî d'automne , eft appelle équinoxe d'automne. Voye{ PE.INTEMPS & AU- TOMNE. Les équinoxes arrivant quand le foleil eft dans l'équateur ( voye\ EQUATEUR ) , les jours font pour lors égaux aux nuits par toute la tetre , ce qui arrive deux fois par an ; favoir , vers le 20 . jour de mars , & le 20e. defeptembre ; le premier eft Yéquinoxe du printemps , & le fécond celui d'automne. C'eft delà que vient le mot équinoxe, formé de cequus , égal , & de nox } nuit. Depuis Yéquinoxe du printemps jufqu'à celui d'au- tomne , les jours font plus grands que les nuits ; c'eft le contraire depuis Yéquinoxe d'automne jufqu'à celui du printemps (*) Comme le mouvement du foleil eft inégal, c'eft-à-dire, tantôt plus vite, tantôt plus lent ( fur quoi voyz\ plus haut C article ÉQUATION DU CENTRE ) , il arrive qu'il y a environ huit jours de plus de Yéquinoxe du printemps à Yéquinoxe d'automne , que de Yéquinoxe d'automne à Yéquinoxe du printemps ; parce que le foleil emploie plus de temps à parcourir les fignes fep- tentrionaux , qu'il n'en met à parcourir les méridionaux. Suivant les obfervations de M. Cafîini , le foleil emploie 186 jours 14. heures 53 minutes à parcourir les fignes feptentrio- naux, & 178 jours 14 heures 56 minutes * Plufieurs av.reurs ont dit qu'il y avoit eu autrefois fur la terre un éqvlnoxe perpétuel, c'eft- à-dite , que l'équateur & l'écliptique étoiem d'accord. Depuis qu'on a reconnu qu'ils fe rapprochoient infenfi- blement , on en a conclu que cet éçuinoxe perpétuel reviendroit encore. Mais la diminution actuelle de l'obliquité de l'écliptique étant caufée par les attractions de Jupiter & de Vénus fur la terre, on voit que cette diminution ne peut aller qu'à quelques degrés, & qu'il en réfultera enfuite une augmentation; ainfî il n'y a rien dans l'aftronomie , qu| indique ni pour les fiecles paffés, ni pour les fiecles à venir r un équlnoxe perpétuel. (M. de la Lande.) Tome XII, Qqqqq 858 EQ U à parcourir ies méridionaux : la différence eft de fept jours 23 heures 57 minutes. Le foleil avançant toujours dans l'éclip- tique , & gagnant un degré tous les jours , ne s'arrête point dans les 'points des équi- noxes y mais au moment qu'il y arrive il les quitte. Donc , quoiqu'on appelle jour de V équi- noxe celui où le foleil entre dans le point équinoxial , parce qu'il eft réputé égal à la nuit , cependant cela n'eft pas de la dernière pr Jcifion^ car fi le foleil en fe le- vant entre dans Yequinoxe du printemps , en fe couchant il l'aura pafte & s'en fera éloigné du côté du feptentrion d'environ 12 minutes; parconféquent ce jour-là aura un peu plus de 12 heures , & la nuit à pro- portion en aura moins. Il n'y a que les habitans de l'éqiiateur qui ont un équinoxe perpétuel ; car fous l'équateur les jours font , pendant toute l'année , égaux aux nuits , abftra&ion faite des crépufcules. Voyc\ Equateur. Le temps des équinoxe s , c'eft-à-dire , îe moment auquel le foleil entre dans l'équateur , fe peut trouver de la ma- nière fuivante , par obfervation , lorfqu'on connoît la latitude du lieu où . l'on ob- ferve. Le jour de Yequinoxe ou celui qui le précède , prenez la hauteur précife du foleil à midi ; fi elle eft égale à la hau- teur de l'équateur , ou au complément de la latitude , le foleil eft dans l'équa- teur au moment même de midi ; fi elle n'eft pas égale , la différence marque la déclinaifon du foleil. Le jour fuivant ob- iervez comme la veille la hauteur du foleil à midi , & trouvez fa déclinaifon. Si la dé- clinaifon eft de différentes dénominations , c'eft-à-dire l'une nord & l'autre fud , Yequinoxe eft arrivé dans l'intervalle des deux obfervations ; finon , ou le foleil avoit déjà pafte Yequinoxe au temps de la première obfervation , ou il n'y eft pas en- core entré. Au moyen de ces deux obfer- vations, il eft aifé de fixer le temps de Yequinoxe par un calcul allez fimple. Cette méthode eft expliquée plus au long dans les infiitutions aflwnomiques de M. le Monnier, p. ^7- & on peut, fi on veut, y avoir recours. Mais M. le Monnier la E Q U regarde comme peu propre à donner le moment de Yequinoxe , parce qu'une er- reur de 5 fécondes dans la déclinaifon , en produit une de 5 minutes dans le mo- ment de Yequinoxe. C'eft pourquoi il croit qu'on doit chercher le moment de Yequi- noxe par une autre méthode , qui conlifte à employer pour cela les afcenfions droites des étoiies , & qu'il explique page 388 de ce mîme ouvrage. On trouve , par les obfervations , que les points {tes équinoxes & tous les autres points de l'ecliptique , fe meuvent conti- nuellement d'orient en occident contre l'ordre des fignes. Ce mouvement rétro- grade des points équinoxiaux , eft appelle précejjion des équinoxes. Voye\ PrÉCES- SION , NUTATION , &c. ÉQUINOXE, (Médecine.) Les médecins, font auiîi mention des équinoxes , parmi les caufes des maladies , parce qu'ils déter- minent le commencement du printemps & de l'automne , qui font des faifons où les variétés dans la température de l'air font fi confidérables & fi fréquentes , qu'elles produifent ordinairement de gran- des altérations dans l'économie animale. Voye\ Air , Saison. ( d) ÉQUINOXIAL , fubft. m. en Afirono- mie y eft un grand cercle immobile de la fphere, fous lequel l'équateur fe meut dans fon mouvement journalier. Voye^ Sphère. U équinoxial ou la ligne équinoxiale , eft ordinairement confondue avec l'équateur , mais ce n'eft pas la même chofe ; l'équa- teur eft mobile , la ligne équinoxiale ne l'eft pas : l'équateur eft fuppofé tracé fur la furface convexe de la fphere , mais la ligne équinoxiale eft imaginée tracée fur la furface concave du grand orbe. Voye^ EQUATEUR. On conçoit la ligne équinoxiale ? en fup- pofant un rayon de la fphere prolongé par delà l'équateur , & qui , par la rotation de la fphere fur fon axe , décrit un cercle fui» la furface immobile & concave du grand orbe. Toutes les fois que le foleil , dans fon mouvement apparent , arrive à ce cercle, les jours & les nuits font égaux pour tout le globe , ce qui n'arrive dans aucun autre E Q U temps de l'année. Voye\ ÉQUATE.UR. C'eft delà que ce cercle tire fon nom. Voye\ EQUINOXE. \J êquinoxial eft donc un cercle que le foleil décrit ou paroît décrire dans le temps des équinoxes , c'eft-à-dire , quand la longueur du jour eft exactement ou fenfibîement éga'e à la longueur de la nuit , ce qui arrive deux fois par an. Êquinoxial fe prend auftî adjectivement; ainfi outre les mots ligne équinoxiale, qu'on emploie quelquefois pour défigurer Yéquino- xial , on fe fert encore des manières de parler fuivantes. Points équinoxiaux y font les deux points dans Jefquels l'équateur & l'écliptique fe coupent l'un l'autre : l'un , qui eft au pre- mier point du bélier, eft appelle Véquinoxe du printemps : l'autre , qui eft au premier point de la balance , eft appelle Véquinoxe d'automne , fur quoi voye\ PRÉCESSION & Zodiaque. Colure êquinoxial ou colure des équi- noxes y eft celui qui palîe par les points des équinoxes. Voye\ COLURE. Cadran êquinoxial y eft celui dont le plan eft parallèle à l'équateur. Voye\ Ca- dran. Orient êquinoxial y eft le point où l'ho- rizon d'un lieu eft coupé par l'équateur vers l'orient ; il en eft de même de l'occi- dent êquinoxial ,' ces points font le levant & le couchant aux équinoxes , différens du levant & du couchant d'hiver & d'été. V. Levant , Couchant, Orient, Occident , &c France équinoxiale > eft le nom que quelques auteurs ont donné aux pays qui appartiennent à la France , & qui fe trou- vent fous V êquinoxial ou fort près de ce grand cercle. L'iile de Cayenne , qui ap- partient aux François , & qui eft à 4. de- grès de l'équateur, fait la plus grande partie de la France équinoxiale. M. Barrere , mé- decin de Perpignan, & correfpondant de l'académie des feiences de Paris , a donné un ejjaifur Ukiftoire naturelle de la France équinoxiale. Le mot êquinoxial doit s'écrire ainfi , fi on le dérive d'équinoxe , & même de œquus & nox ; mais il doit s'écrire équi- noclial > fi on le dérive de cequus ? & d'un E Q U 859 des cas du mot noxy comme noclisj nocles ,* nous avons préféré la première orthogra- phe , comme plus conforme à la pronon- ciation , & du moins aufîi conforme à 1 etymologie , cependant plufieurs écrivent équinoclial. (OJ ÉQUIPAGE , f. m. ( Gramm.) il fe dit en plufieurs occafions de toutes les chofes néceftaires pour commencer , continuer , & finir avee facilité & fuccès , certaines opérations , ou agréables , ou utiles , ou périlîeufes , &c. Ainfi on dit équipage de guerre. Voyez ï article fuiv. EQUIPAGE de Chasse, Équipage depeche,6i-. ÉQUIPAGE , (Aftron.) fe dit deraflem- blage des oculaires que l'on applique à une lunette ou à un télefc'ope. L! 'équipage le plus fort eft celui qui grofîit davantage. CM. DE la Lande. J Équipage DE GUERRE, fe dit en France de différentes chofes utiles à la guer- re , c'eft-à-dire , des chevaux , des harnois , des tentes , & autres uftenfiîes que les offi- ciers , tant généraux que particuliers , font porter avec eux. L'artillerie & ce qui con- • cerne les vivres forment aufîi des parties efîèntielles des équipages de l'armée. Les équipages de l'artillerie font compofésdu canon , des mortiers , & de toutes les ef- peces d'armes & de munitions néceftaires à leur fervice. Pour les vivres , fes équipages confiftent en caiflons ou chariots couverts pour voiturer le pain des troupes , les fa- rines , £rc. Les équipages de guerre des officiers doi- vent être les moins nombreux , & les plr.s fimples qu'il eft pofîible. Nous avons fur cet fujet de très-bonnes ordonnances pour limiter & fixer le nombre des équipages 9 mais qui ne font pas toujours oofervées rigoureufement. Une trop grande quantité d'équipages eft fort incommode & embar- raflànte dans les marches ; le nombre des chevaux & mulets augmente aufîi la cen- fommation du fourrage dans les camps ; ce qui oblige le général d'envoyer promp- tement fourrager au loin , au grand pré- judice de fa cavalerie , oc ce qui l'oblige aufîi fouvent à quitter un camp avanta- geux , parce que la difette & l'éloignement des éburrages ne lui permettent plus d'y fubfifter. Qqqqq Z Stfo E Q U Les équipages de guerre fe divifent en gros & en petits. Les gros comprennent les chariots & les charrettes ; & les petits , les chevaux de bât & les mulets. Lorfque le général a deflèin de combattre , il débar- raffe Ton armée des gros équipages. On les envoie avec une efcorte fous le canon de quelque ville des environs ou de quelque porte fortifié. On s'en débarrafïè encore dans les détachemens & dans les courfes qu'on veut faire dans le pays ennemi, parce qu'ils retarderoient la marche , & qu'ils ne pourroient pas paftèr dans tous les chemins. On n'a donc dans ces fortes d'expéditions que les menus équipages , c'efî-à-dire , des mulets & âes chevaux de bât. Les gros éguipages , comme chariots & charrettes , font plus commodes que les petits pour tranfporter beaucoup de ba- gages avec moins de chevaux , mais ils ont l'inconvénient de ne pas pouvoir aller dans toutes fortes de chemins. C'eft pourquoi les Romains ne fe fervoient guère que de bêtes de charge pour porter les équipages de l'armée; encore étoient- elles en petit r.ombre , parce qu'il n'y avoit que les per- fonnes d'..»n rang diftingué qui euftènt des valets. Dans nos armées , le général peut avoir , félon l'ordonnance du 20 juillet 1741 , tel nombre de gros équipages qu'il juge à pro- pos ; un lieutenant-général ne doit avoir que trente chevaux ou mulets , y compris ceux qui font employés aux attelages de trois voitures à roues ; un maréchal de camp , vingt chevaux , y compris les atte- lages de deux voitures à roues ; & un brigadier , colonel ou meftre de camp , feize chevaux , y compris une voiture à roues feulement. Il eft défendu aux lieutenans-colonels , capitaines ,' & aux autres officiers fubal- ternes , d'avoir aucune voiture à roues , & un plus grand nombre de chevaux de monture ou de bât , que celui pour lequel ils reçoivent du fourrage. Les officiers , qui , à caufe de leurs in- firmités , ne peuvent fe tenir à cheval ou en fupporter la fatigue , obtiennent une permifîion du général pour avoir une chaife roulante. Chaque bataillon ^eut avoir un chariot ou une charrette pour un E Q U vivandier , qui campe avec le bataillon. II eh eft de même pour un régiment de cavalerie de deux ou trois efcadrons. Les régimens de cavalerie , dragons , & infanterie , peuvent aufTï avoir une char- rette pour un boulanger. Il eft défendu aux colonels d'avoir ces charrettes à la place des vivandiers & des boulangers , auxquels elles font permifes pour les befoins du ré- giment; elles doivent être attelées de quatre bons chevaux. Voye\ , fur cefujet , le code militaire de Briquet , ou l'abrégé qu'en a donné M. d'Héricourt, dans le livre intitulé élémens de Van militaire, Il eft du devoir du général de veiller à la confervation des équipages de fon armée, parce que leur enlèvement met les officiers qui les ont perdus , dans de grands em- barras , & qu'il leur ôte d'ailleurs la con- fiance qu'ils peuvent avoir au général ; attendu que cet inconvénient ne peut arriver , félon M. de Feuquiere , que par la faute du commandant , au moins les enlévemens généraux; car il en arrive tous les jours de particuliers par la faute des valets qui s'écartent de la colonne des équipages , & dont le général ne peut être refponfable. Les équipages de guerre de Charles XII , roi de Suéde , ne dévoient point être fort confidérables : « fon lit , dit M. de Folard , » qui l'avoit vu en Scanie , confiftoit en » deux bottes de paille , & une peau d'ours » par deiTus. Il couchoit tout habillé , » comme le moindre de fes foîdats. Le m comte de la Marck , ambafïadeur de » France , que ce prince eftimoit infini- » ment , lui perfuada de coucher dans un » lit pour la première fois depuis la guerre ; » mais quel étoit ce lit ! un feul matelas , » des draps , & une couverture , fans * rideaux Toute fa vaiftelle étoit de jy fer battu y jufqu'à fon gobelet. » Note fur Polybe y tome V > 484. L'ufage de la vaiiïèlle d'argent pour les généraux n'eft pas ancien dans nos armées» On prétend que le compte d'Harcourt ( Henri de Lorraine , mort le 25 juillet 1666 ), qui fcommandoit les armées du temps de Louis XIII , & dans la minorité' de Louis XIV , eft le premier qui s'en foit fervi. Suivant l'ordonnance du 8 avril 1735 1 E Q U les colonels, capitaines, officiers fubalter- nes ou volontaires, ne peuvent avoir dans leur équipage d'autre vaifTelle d'argent que des cuillers , de fourchettes & des gobelets. M. le Marquis de San da-Crux ayant prouvé dans fes lé flexions militaires y t. I _, p. qij & fuit', les inconvéniens des équipages trop nombreux , obferve que leur excès vient de la diverfité des mecs , que de cette diverfité naît l'intempérance , & que de l'intempé- rance viennent les maladies. « Les trop jy grands équipages , dit ce favant ôt » illuftre ofRcLr , font des fuites des foins » honteux qu'on fe donne pour contenter » fa bouche. Peut-on , fans indignation, >y ajoute-t-il, entendre des généraux de r> certaines nations, qui ne parlent jamais » que de faufTes & de ragoûts , & font >■> de leurs entretiens une converfation de yy cuifinier ? Combien de fois arrive-t-il >i qu'un général occupe fon imagination r> des plats qu'on doit fervir fur fa table , » quand il ne devroit penfey qu'aux devoirs 9> importansduftTvice de fon prince?» (Q) ÉQUIPAGE DE SIEGE , (Art mil.) Lorf- qu'on fe propofe de former un équipage de fiege y l'on ne fauroit apporter trop d'acli- viré & de foins pour connoître 1-a force: la fituanon de la place , & l'état de fa garnifon ; fi l'on peut y former une ou plusieurs attaques ; fi , pour fe mettre à couvert d'une armée d'obfervation , l'on fera obligé de creufer des lignes de circon- vallacion. On doit donc connoître tous les environs de la place, fur- tout les forêts & les taillis , pour en tirer des bois pro- pres aux conftruciions , aux fafcines , ga- bions , &c. Si la place qu'on fe propofe d'attaquer n'eft fufceptible que d'un front d'attaque , il faudra moins de pièces de canon & de mortiers , mais plus de munition pour chacune de ces armes ; car lorfqu'on peut attaquer une place par deux ou trois points - difFérens , l'effort des afîiégés fe trouve di- vifé , & par ce moyen le fiege n'eft pas fi long. Il faudra donc plus de pièces & de mortiers , mais moins de munitions , que lorfque la place n'eft attaquable que par un feul endroit , où l'effort des afîiégés réunis doit contribuer beaucoup à la durée du fiege. E Q U 861 Si la place eft reflèrrée , les bombes y feront un grand effet : l'on aura foin d'en avoir quantité. Je ne prétends pas au refte juftifier la barbarie qui porte un général chargé de la conduite d'un fiege, à dé- truire de fond en comble les maifons de la place : je veux dire feulement , que lorfque les ouvrages d'une place qu'on aftiege , fe trouveront fujets à être enveloppés , tels par exemple , que les ouvrages à corne , à couronnes , dont les côtés feront longs , on peut attendre tout le fuccès pofïible en y jetant des bombes. Si l'on eft près de plufieurs villes dont on eft le maître , fi l'on peut avec sûreté en tirer des approvifionnemens , & fi les chemins ne font pas expofés à devenir impraticables , par les pluies, les torrens, &c. on pourra regarder ces places comme faifant de féconds parcs , & il feroit inu- tile de former des amas prodigieux de munition , dont on fe trouveroit embar- raffé à la fin du fiege ; mais dans ce cas, il faut être bien sûr que l'armée d'obfer- vation ne pourra point couper les commu- nications & rendre inutiles les fecours que l'on peut tirer de ces places.. Si l'on eft obligé de former des lignes , il faudra fe munir de quantité d'outils à pionniers : un tiers de plus que le nombre qu'on emploie à l'ouverture de la tranchée, fera fuiïifant : dans le cas où on fera forcé de faire des lignes , il faudra beaucoup d'artillerie de campagne pour les garder. Si l'on n'ufoit pas de précaution , il pour- rait arriver que l'armée d'obfervation vînt attaquer dans le même temps que la gar- nifon feroit une fortie ; pour lors on feroit forcé de lever le fiege. Il eft vrai que fi la garnifon eft foible , l'on ne doit point craindre fes forties , parce que fes attaques n'ont de réuflite qu'autant que les afîiégés font nombreux. Si la place eft fituée fur des hauteurs , & qu'il n'y ait pas un fond affez confidé- rable de terre , il faudra beaucoup de pics à roc , peu de bêches , un approvisionne- ment confidérable pour les mineurs : on ne fauroit trop fe munir de facs à terre , & fur-tout de facs à faine. Si la place efl environnée de rocs vifs, ou fi les ouvrages font taillés dans le roc , ou enfin , fi l'on Uz EQU ne trouve pas un fond de terre afTez con- ; fidérable pour former les lignes d'appro- ches ; dans foutes ces circonstances , on doit employer les facs à laine & réferver ' les facs à terre pour la construction des ! batteries , parce que ces ouvrages qui exi- t gent de la folidité , font plus expofes à l'artillerie de la place : l'intendant doit fournir les facs à laine. Si' la place eft fumée dans de la bonne terre , il faudra fe pourvoir de quantité de bêches : fi elle eft fituée dans une terre lé- gère & fablonneufe , on aura foin d'avoir plus d'efeoupes , que de bêches , quantité de bois pour les fafeines & beaucoup de facs à terre ; car les fables ne donnent jamais une liaifon afïèz considérable pour former des batteries foîides & à l'épreuve des boulets. En fe fervant de facs remplis de terre , on peut établir une batterie qui réfiftera mieux à l'effort des boulets , que fi l'on fe fût feulement fervi des terres légères & des fafeines pour la conftruire. Si la place eft fituée dans un terrein marécageux , fujet aux inondations tant naturelles qu'artificielles ; fi les folles font remplis d'eau , il faudra fe fournir de tout ce qui eft néceffaire pour y faire des ponts , ou de bateaux , ou de chevalets , ou fur pilotis ; alors il eft efïentiel d'avoir , i°. quantités de bois pour la construction des fafeines ; 2°. des bois de charpente ; 3°. de gros madriers , parce que l'on fera obligé de former les batteries furv des di- gues , & l'on doit obferver que ces digues ne feront point d'une grande folidité, fi Ton n'a pas l'attention de recouvrir les terres tranfportées par de forts madriers: on emploiera auffi des madriers pour les petites communications; car dans un ter- rein marécageux , on eft obligé d'ouvrir un foffé pour l'écoulement des eaux , & fur ces foffés l'on ne fauroit faire trop de communications pour pouvoir fe porter avec célérité à tel ou tel point d'attaque. Si la place eft coudée ou avoifinéë d'une groffe rivière , on fe fervira des bateaux du pays pour les tranfports des munitions ; ii faudra fe fournir d'un équipage de pont proportionnel à la largeur de la rivière ; l'on en reconnoîtra le fond & le courant: ii l'eau eft dormante & qu'elle ne foit pas EQU fujette à déborder , on pourra faire pafTer fur un pont de pontons de cuivre, des pièces de 24. , chargées fur des chariots à porte-corps ; l'on aura foin de doubler les pontons. Voy. Ponts DE PONTONS. Si la rivière eft fujette à fe déborder , ou qu'elle ait un courant rapide , il ne taut point fe fervir de cette efpece de pont. On doit obferver que dans une attaque , les ponts que l'on jette fur les rivières , doivent être à demeure pour fervir de communication , & que les ponts de pontons de ébivre ne pouvent pas réfifter long-temps : dans ce cas , il fera plus prudent de conftruire des ponts faits avec des bateaux du pays, ou des pontons de bois , tels que ceux que l'on exécute à Strasbourg & à Metz. Si l'on trouve des bois près de la rivière, pour lors , avec des foins & de l'induftrie , on pourra épargner beaucoup de dépenfes au fouverain : fi l'on ne trouvoit pas des bois taillis près de la rivière , il faudroit fe pourvoir ailleurs de piquets , fafeines , brancards, gabions , blindes, chandeliers, chafîîs de mine : mais ces fortes de tranf- ports caufent toujours un embarras prodi- gieux. Le commandant de l'artillerie ignore quelquefois fur quelle ville le général a fixé fes defTeins : fouvent même la cour fe contente d'ordonner qu'on aiTemblera fur un certain point un équipage defiege y elle fixe pour l'ordinaire le nombre des pièces & des mortiers , fans autres détails ; dans ce cas , le chef de l'artillerie doit fe rappeller qu'il vaut mieux pécher par une trop grande abondance , que par défaut d'approvifionnement. Dans l'attaque d'une place , le défaut d'approvifionnement peut faire échouer l'entreprife , & occafioner la levée d'un fiege. Dans les fieges les plus considérables , on peut fe régler fur 1000 boulets par pièce; 500 bombes de 12 pouces de dia- mètre , pour chaque mortier du môme calibre ; 700 bombes de 8 pouces, & des bombes d'obus, pour chaque obufier ou mortier de ce diamètre. A l'égard du nom- bre des pièces , il eft difficile d'en fixer un état précis , parce qu'il dépend de la place afliégée & du nombre d'attaques que l'on propofe de faire. E Q U Si la défenfe eft opiniâtre & que le fîege traîne en longueur , on aura le temps de fe procurer des fecours ; mais dans tous les cas , il eft de la dernière conféquence , i°. détenir un état exaâ de tout ce qui fe confomme chaque jour ; 2°. de con- noître les provifîons du parc , fa fituation , les chemins par lefquels on fait venir les approvifionnemens , & le temps que les voitures emploient pour arriver au parc. On doit apporter la plus grande éco- nomie dans les munitions de poudre , fur- tout lorfqu'on n'eft encore qu'à la pre- mière parallèle , c'eft-à-dire , à trois ou quatre cents toifes du corps de la place. Le commandant de l'artillerie doit em- ployer les repréfentations les plus vives pour empêcher l'abus de ces cannonnades qui ne mènent à rien, puifque l'incerti- tude des coups ne permet pas de fe pro- pofer un grand effet de leurs feux. Il en eft de même des batteries : l'on doit faire attention à ce qu'on ne les multiplie pas inutilement , & faire des repréfentations à ce fujet. Il nous paroît que dans les cir- conftances où il s'agit de la diftrjbution des canons , &c. on devroit s'en rapporter à la prudence du chef de l'artillerie r offi- cier qui n'arrive jamais à ce grade que par une expérience confommée, & par des talens reconnus. Dans X article S I E G E , iious entrerons dans des détails plus cir- conftanciés. (H. D. P.) ÉQUIPAGE D'UN V AISSEAU ,(Marine.) On entend par ce mot le nombre des offi- ciers , fo'dats & matelots qui font embar- qués fur un vahTeau , pour fon fervice & fa manœuvre , pendant le cours de la campagne. Les vaiffeaux de guerre ont un équipage bien plus fort & plus nombreux que les vaiffeaux marchands : un vaifïèau de 80 pièces de canon en a davantage qu'un vaifïèau de 50. L'ordonnance de la marine, de 1689 , règle le nombre d'hommes qui compofent Y équipage d'un vaifïèau , félon fon rang. Ceux du premier rang , prearier , fécond & troifïeme ordre , ont 8co , 700 & 600 hommes $ équipage. Ceux du fécond rang y premier , fécond & troifïeme ordre, ont 500, 450 & 400 hommes. EQ U 863 Ceux du troifïeme & quatrième rangs ont 350 & 300 hommes. Aujourd'hui les équipages font plus forts que dans ces temps-là ; cependant en 1704, au combat de Malaga , le vaiffeau îè Foudroyant , de 104 canons , avoit 9^0 hommes d'équipage. Le vaifïèau du Roi , l'Efpérance , de 78 pièces de canon , armé en 1740 , avoit 660 hommes d'équipage. On comprend dans V équipage y l'état-major , les officiers-mariniers , les matelots , les foldats & les mouffes. Dans un vaifïèau où il y a 8 à 900 hommes dt équipage , Pétat-major eft à peu près de 1 5 à 20 perfonnes. Les officiers- mariniers montent au moins à 100, ca- nonniers environ $0 , matelots 450 , foldats, 250 ; mais ceci eft fufceptible de beaucoup de variétés , fuivant les circonftances & la deftinftion de l'armement. (Z) ÉQUIPAGE DE PONT , voye\ PONT. ÉQUIPAGE D'ATTELIER, (Marine.) fe dit dans le port , de toutes les machi- nes & outils qui fervent pour la conf- trudion. (Z) ÉQUIPAGE DE POMPE. (Marine.) Il fe dit de toutes les pièces & garnitures qui font nécefïaires pour la mettre en état de fervir. (Z) ÉQUIPAGE , (Hydraul) On dit V équi- page d'une pompe , ce qui renferme feule- ment les corps , les piftons , les fourches , les tringles , & les moifes qui les attachent à des chaffis qui font à coulifïes , & qui fe peuvent glifïèr dans les rainures des dormans ou bâtis de charpente fcell es dans les puits & citernes où on conftruit des pompes. (K) ÉQUIPAGE: on nomme ainfi , dansle commerce de terre y tout ce qui fert à conduire les charrettes , chariots & autres voitures par terre ; ce qui comprend les chevaux , leurs felles , traits & attelages : on le dit aufïi des chevaux, mulets & autres animaux de charge des mefïàgers & voituriers. Les chevafux & équipages des voituriers & autres' perfonnes qui veulent faire entrer ou fortir des marchandifes en fraude des droits du roi , ou celles qui font cenfées de contrebande , font fujets à confifcacion par les ordonnances du roi pour les cinq' 86*4 E Q U grofîès fermes , aides & gabelles. Diction- naire de Commerce > de Trévoux 9 Ù Chambers. EQUIPAGE , (Architecture.) fe dit dans un attelier , tant des grues , gruans , chè- vres , vindas . chariots & autres machines , que des échelles , baliveaux , dofîès , corda- ges , & tout ce qui fet.t pour la conftruclion & pour le tranfoort des matériaux. (P) ÉQUIPE , f. f. terme de Rivière ,• c'eii une fuite de bateaux attachés à la fuite les uns des autres , & allant à la voile , quand le vent eff favorable ; ou tirés par des hommes , quand le vent eft contraire. Ce terme eft fur-tout ufité fur la Loire. ÉQUIPE , ad), en Blafon : il fe dit d'un cavalier armé de toutes pièces. Il fe dit auiîi d'un vaiffeau qui a les voiles & fes cordages. La Nauve , de gueules à la nef équipée d'argent , furmontee de trois étoiles d'or. EQUIPEMENT ou ARMEMENT , f. m. ( Mar.) c'eft l'aftèmblage de tout ce qui eft néceffàire , tant pour la manœuvre du vaiffeau , que pour la fubfiftance & armement des équipages. (Z) EQUIPER UN VAISSEAU , (Mar.) c'eft l'armer , & y mettre toutes les mu- nitions , agrès & apparaux néa.flàires pour la campagne , de même que le nombre de matelots & de foldats. (L) EQUIPOLÉ, adj. terme de Blafon, qiii fe dit de neuf carrés mis en forme d'échiquier , dont cinq , favoir ceux dts quatre coins & du milieu , font d'un métal différent de celui des quatre autres. Saint Prieft en Forez , cinq points d'or équipolés à quatre d'azur. ÉQUIPOLLENŒ, f. f. adjed. terme de Logique. Lorfque deux ou plufieurs ex- preffions ou proportions lignifient une feule & même chofe , ces expreflions ou ces pro- pofitions font dites équipoHemes; & la pro- priété qu'elles ont d'exprimer la même chofe de diftete-tes façons, fe nomme équipol- lence. V. Synonyme & Equivalent. EQUIPOLLENT , adj. (Jurijp.J fe dit d une chofe qui équivaut à une autre ; ainfi l'on dit que le feigneur peut prendre un droit de mutation pour tous les contrats de vente , & autres équipollens à vente , c'eft - à - dire , pour tous les actes , qui EQU quoique non qualifiés de ventes > opèrent le même effet. Équipollent étoit aufîî un droit qui fe levoit fur les chofes mobilières du temps de Charles VI , pour les frais de la guerre ; au lieu de 12. deniers pour livre qui fe levoient ailleurs. Voye^ EQUIVALENT. Équipollent fe dit auffi quelquefois en Languedoc , pour équivalent , qui eft un fubfide qui fe paie au roi. Voye\ ci-après ÉQUIVALENT. (A) EQUIPONDERANCE , f. f. Équi- PONDÉRABLE, adj. (Phyf.) On a cru de- voir conferver ces mors déjà employés par quelques chymiftes , pour exprimer une idée que ne renferme pas allez exactement le terme d'équilibre. L'équilibre eft une égalité de forces qui agifîènt en fens con- traire. Véquipondérance eft l'égalité de pe- fanteur ou d'attraction au centre de la terre. L'équilibre dépend des rapports compofés des maffes , des vîtefies , des réfiftances , de la longueur des leviers , &c. L'équipondé' rance ne dépend que de la gravitation pro- pre des deux corps comparés. Un corps eft équipondérable à l'eau , îorfqu'il fe foutient indifféremment dans toutes les parties de ce fluide , fans éprouver aucune action qui tende à le déplacer ; c'eft-à-dire , lorfque ni ce corps , ni le fluide ne font attirés avec une force fupérieure. 11 y a plufieurs moyens chymiquesde produire ou de détruire Véqui- pondérance entre deux corps; mais tous ces moyens fe bornent à changer la gravitation propre de l'un des deux. Voye\ DISSOLU- TION, (M. de Morveau.) §. ÉQUIPPOLÉS , adj. pi. (terme de Btajon.J fe dit quand un écu eft rempli de neuf carrés en forme d'échiquier , que l'on nomme points ; ceux des quatre angles oc celui du milieu étant d'un émail & les quatre autres de différent émail : on bla- fonne les cinq premiers points, en y ajoutant le mot équippolés _, enfuite les quatre points qui reftent. De la Roche de Sainte- Hypolite, en Franche-Corftté; cinq points d' 'or équippolés à quatre d'azur. De Salornay , de Pufigny , en Bour- gogne ; cinq points d'or équippolés à quatre de gueules. ( G. D. L. T. ) * EQUIRIES, f. f. (HijLanc.) fêtes inftituées E Q U InîVifué'es par Romulus en l'honneur du dieu Mars ; on les célébroit le 27 de février dans le champ de Mars , par des courfes à cheval. ÉQUISSONNANCE , f. f. (Mufiq.) nom par lequel les anciens diflinguoient des autres confonnances celles de l'octave & de la double octave , les feules qui fafTent pa- raphonie. Comme on a anfli quelquefois befoin de la même diftinction dans la mu- fîque moderne , on peut l'employer avec d'autant moins de fcrupule , que la fer.fa- tion de l'octave fe confond très- fou vent à l'oreille avec celle de l'uniflon. (S) ÉQUITATION , f. f ( Hiji. anc. ù mod.J c'eft l'art de monter à cheval. De V ancienneté de l'équitadon.Ù de Vu- fage des chevaux dans Us armées. L'art de monter à cheval , femble être aufîi ancien que le monde. L'Auteur de la Nature , en donnant au cheval les qualités que nous lui connoifîbns , avoit trop fenfibîement mar- qué fa deftination , pour qu'elle pat être long-temps ignorée. L'homme ayant fu , par un jugement fur & prompt , difcerner dans la multitude infinie d'êtres différens qui Tenvironnoient , ceux qui étoient particu- lièrement deilinés à fon ufage , en auroit-il négligé un fi capable de lui rendre les fer- vices les plus utiles ? La même lumière qui dirigeoit {on choix lorfqu'il foumettoit à fon domaine la brebis , la chèvre , le tau- reau , Péclaira fans doute fur les avantages qu'il devoit retirer du cheval , foit pour paffer rapidement d'un lieu dans un autre , foit pour le tranfport des fardeaux , foit pour la facilité du commerce. Il y a beaucoup d'apparence que le cheval ne fervit d'abord qu'à foulager fon maître dans le cours de fes occupations paifibles. Ce feroit trop préfumer que de croire qu'il fût employé dans les premières guerres que les hommes fe firent entr'eux : au com- mencement , ceux-ci n'agirent point par principes ; ils n'eurent pour guide qu'un emportement aveugle , & ne connurent d'autres armes que les dents , les ongles , les mains , les pierres , les bâtons ( a ). E Q U 865 L'airain & le fer fervirent enfuite leur fu- reur ; mais la découverte de ces métaux ayant facilité le triomphe de l'injuitice & de la violence , les hommes , qui îormoient alors des fociétés naiflàntes , apprirent , par une funefte expérience , qu'inutilement ils compteroient fur la paix & fur le repos , tant qu'ils ne feroient point en état de re- poulTer la force par la force : il fpllutdonc réduire en art un métier deftru&eur , & inventer des moyens pour le pratiquer avec plus d'avantage. On peut compter parmi ces moyens , celui de combattre à cheval : aufîi l'hiftoire nous attelte-telle que l'homme ne tarda point à le découvrir & à le mettre en pra- tique : l'antiquité la plus recuite en offre des témoignages certains. Les inclinations guerrières de cet animal , fa vigueur , fa docilité, fon attachement, n'échappèrent point aux yeux de l'homme , & lui méritèrent l'honneur de devenir le compagnon de fes dangers & de fa gloire. Le cheval paroît né pour la guerre ; fi l'on pouvoit en douter , cette belle def- cription qu'on voit dans le livre de Job Çch. xxx jx y v. 19.) fufhroit pour le prou- ver : c'eft Dieu qui parle , & qui interroge le faint patriarche. « Eft-ce de vous , lui demande-t-il , que » le cheval tient fon courage & fon intré- » pidité ? vous doit -il fon fier henniiîe- m ment, & ce foufrle ardent qui fort de » fes narines , & qui infpire la terreur ? II » frappe du pié la terre , & la réduit en » poudre ; il s'élance avec audace , & fe » précipite au travers des hommes armés : » inacceiT.ble à la crainte, le tranchant des » épées , le fixement des flèches , le brillant » éclat des lames & des dards , rien ne » l'étonné , rien ne l'arrête. Son ardeur » s'allume aux premiers fons de la trom- » petre ; il frémit ; il écume , il ne peut » demeurer en place : d'impatience il mange j » la terre. Enrend-il fonner la charge , il J » dit , allons : il reconnoît l'approche du J m combat , il diftingue la voix des chefs j » qui encouragent leurs foldats : les cri* (4) Arma antlqua mari us , ungues , tUntefcue fuerunt , Et iapldes > & item fylvarum fragmina ratnl , &C. Lucretiiis , de rerum natura , lib. V Tome XII. Rrrrr %66 E Q U »> confus des armées prêtes à combattre, ?5 excitent en lui une fenfation qui l'anime » & qui l'intéreflè. n Equus p.aratur in diem belll > a dit le plus fage des rois. Prov. ch. xxj. L'unanimité' de fentiment qui règne à cet égard chez tous les peuples , eft une preuve qu'elle a fon fondement dans la na- ture. Les principaux traits de îa defcription précédente fe retrouvent dans l'élégante peinture que Virgile a tracée du même animal : Continua pecoris generofi pullus in arvis Altius ingreditur 3 & mollia crura reponit. Primus & ire viam, & fluvios tentare minaces Audet , & ignoto fefe committere ponti ; Nec vanos horrct Jlrepitus. . . . • . . Tum fi qua fonum procul arma dedêre , Stare loco nefcit ', micat auribus , 6» tremit artus , Çolleclumquc premens volvit fub naribus ignem. Virg. Georg. lib. III , verf. j$. Homère (II. I. XIII.) le plus célèbre de tous les poètes , & le chantre des héros, dit que les chevaux font une partie eflentielle des armées , & qu'ils contribuent extrême- ment à la victoire. Tous les auteurs anciens ©u modernes qui ont traité de la guerre , ont penfé de même ; & la vérité de ce ju- gement eft pleinement juftifiée par la pra- tique de toutes les nations. Le cheval anime en quelque forte l'homme au moment du combat ; fes mouvemens , fes agitations calment cette palpitation naturelle dont les plus braves guerriers ont de la peine à fe défendre au premier appareil d'une bataille. A la noble ardeur qui domine dans ce fuperbe animal , à fon extrême docilité pour la main qui le guide , ajoutons pour dernier trait qu'il eft le plus fidèle & le plus recon- noiffant de tous les animaux , & nous au- rons rafTèmbîé les puifTans motifs qui ont dû engager l'homme à s'en fervir pour la guerre. EQU Fidelijfimum inter omnia animalia y ho~ mini eft canis atque equus 3 dit Pline , Clip. VIII y ch. xl.J AmiJJbs Jugent dominos > ajoute-t-il plus bas ( ' ibid.ch. xlij.) lacry- mafque interdùm defiderio fundunt. Homère ( Iliade y liv. XVII y) fait pleurer la more de Patrocle par les chevaux d'Achille. Vir- gile donne le même fentiment au cheval de Pallas , fils d'Evandre : .... Pofitis infignibus JEthon h lacrymans , guttifque humectât grandïbus ors, iEneid Lib.Xl , v. 8 p. L'hiftoire (b) n'a pas dédaigné de nous apprendre que des chevaux ont défendu ou vengé leurs maîtres à coups de pies & de dents , & qu'ils leur ont quelquefois fauve la vie. Dans la bataille d'Alexandre contre Porus. ( Aul. Gell. noctium Attic. I. V> ch. ij y & Q. Curt. /. VIII) , Bucéphale couvert de blef- fures & perdant tout fon fang , ramafla néanmoins le refte de fes forces pour tirer au plus vite fon maître de la mêlée , où il couroit le plus grand danger : dès qu'il fut arrivé hors de la portée des traits . il tomba , & mourut un inftant après ; paroifTant fa- tisfait , ajoute l'hiftorien , de n'avoir plus à craindre pour Alexandre. Silius Italicus ( l. X.) & Jufte Lipfef in epiftol. ad Belgas.) nous ont confervé un exemple remarquable de l'attachement ex- traordinaire dont les chevaux font ca- pables. A la bataille de Cannes , un chevalier Romain nommé Clcelius y qui avoit été percé de plufieurs coups , fut laiffé parmi les morts fur le champ de bataille. Annibal s'y étant tranfporté le lendemain , Claelius , à qui il reftoit encore un fouffie de vie prêt à s'éteindre , voulut, au bruit qu'il enten- dit , faire un effort pour lever la tête , & parler ; mais il expira aufîi-tôt , en pouffant un profond gémifTement. A ce cri , fon cheval qui avoit été pris le jour d'aupara- vant , & que montoit un Numide de là ( b) Occlfo Sohytarum Regulo es provocatione d'rmicante, hofiem (cùm victor ad fpoîiandum venijfet) ah equa ejuf Iciibus morfuque confeclum ejfe. ..... Ibidem Phylardms refert Centaretum è Galatis in pralio , occifo Antiocho , goûta equo ejus , confeendiffe ovantem ; at illum- indignatione accenfum , demptis franis ne régi pojfct , prxcipitemi in. abmpta ijfe exanimtumqus unà, Liv. VIII , c, xiij , de Pline. E QU fuîte d'Annibal , reconnoifïànt la voix de fon maître, drefïe les oreilles, hennit de toutes fes forces , jette par terre le Numide, s'élance à travers les mourans & les morts , arrive auprès de Clslius : voyant qu'il ne fe remuoit point , plein d'inquiétude & de trifteflè , il fe courbe comme à l'ordinaire fur les genoux , & femble l'Inviter à monter. Cet excès dafFe&ion & de fidélité* fut ad- miré d'Annibal , & ce grand homme ne put s'empêcher d'être attendri à la vue d'un fpe&acle fi touchant. Il n'eft donc pas étonnant que par un jufte retour, (s'il eft permis de s'exprimer ainfi) d'illuftres guerriers , tels qu'un Alexandre & un Céfar , aient eu pour leurs chevaux un attachement fingulier. Le premier bâtit une ville en l'honneur de Bucéphale : l'autre dédia l'image du fien à Vénus. On fait combien la pic de Turenne étoit aimée du foldat françois, parce qu'elle étoit chère à ce héros (c). Le peu de lumières que nous avons fur ce qui s'eft parle dans les temps voifins du déluge , ne bous permet pas de fixer avec précifion celui où l'on commença d'em- ployer les chevaux à la guerre. L'écriture (Gen. ch. xiv.) ne dit pas qu'il y eût de la cavalerie dans la bataille des quatre rois contre cinq , ni dans la vi&oire qu'Abraham bientôt après remporta fur les premiers , qui emmenoient prifonnier Loth fon neveu. Mais quoique nous ignorions , faute de dé- tails fuffifans , Pufage que les patriarches ont pu faire du cheval , il feroit abfurde d'en conclure qu'ils eurent l'imbécillité , fuivant l'expreflion de S. Jérôme [Comment, du chap. xxxv j. ^"Ifaïe ) , de ne s'en pas fervir. Origene cependant l'a voulu croire. On ne voit nulle part, dit-il , (Homélie xviij J que les enfans d'Ifraël fe foient fervis de chevaux dans les armées. Mais comment a-t-il pu favoir qu'ils n'en avoient point? il E Q U Mj faut, pour le prouver, une évidence bien réelle & des faits conftans. La loi du Deu- téronome, (ch. xvijy v.iG.) dont s'appuie S. Jérôme, non multiplicabit fibi equos y n'exclut pas les chevaux des armées des Juifs; elle ne regarde que le vo\,Jibi y encore (d) ne lui en défend-elle que le grand nombre , non multiplicabit. C'étoit une fage prévoyan- ce de la part de Moïfe, ou parce que le peuple de Dieu devoir habiter un pays coupé , fec , aride , peu propre à nourrir beaucoup de chevaux ; ou bien , félon que l'a remarqué' M. Fleury , pour lui ôter le defir & le moyen de retourner en Egypte. C'eft appa- remment par la même raifon qu'il fut or- donné à Jofué ( 17. 6. ) de faire couper les jarrets aux chevaux des Chananéens ; ce qu'il exécuta après la défaite de Jabin roi d'Azor (vers l'an du monde 2.^59 , avant J. C. 1445.) David (IL Reg. viij. 4,) en fit autant à ceux qu'il prit fur Adarefer ; il n'en réferva que cent. Quoi qu'il en foit du fentiment d'Or/î- gene , la défenfe portée au dix-feptieme chapitre du Deutéronome , le vingtième chapitre du même livre (e), & le quinzième de l'Exode ( equum & afeenforem dejecit in mare ) , font autant de preuves certaines que du temps de Moïfe l'art de Ve'quitation & l'ufage de la cavalerie dans les armées n'étoient pas regardés comme une nou- veauté. Le premier endroit où ce légiflateur en ait parlé avec une forte de détail , elt au quatorzième chapitre de l'Exode , où il dé- crit le partage de la mer rouge par les If- raélites (an du monde 2513, avant J. C. 1491 , félon M. Boffuet. ) Pharaon qui les pourfuivoit , fut englouti par les eaux avec fes chariots de guerre , fes cavaliers , & toutes les troupes qu'il avoit pu rarTembler. Son armée , fuivant Jofeph , étoit com- pofée de 200 mille hommes de pié , fo mille cavaliers , & 600 chars (/). (<:) Chez les Scythes , Athéas leur roi panfoit lui-même fon cheval, perfuadé que c'étoit là le moyen de fe l'attacher davantage , & d'en retirer plus de fervice : il parut étonné , lorfqu'il fut , par les arabafladeurs de Philippe , que ce prince n'en ufoit pas ainfi. Vie de Philippe de Macédoine , liv. XIII, par M. Olivier. (d) Salomon avoit mille quatre cents chariots ,& douze mille cavaliers. /// des rois, ch. x, verf. i fuppofent tous à cet art une antiquité beaucoup plus grande : difons mieux , on ne découvre en nul en- droit les premières traces de fon origine. On voyoit, félon Diodore de Sicile , liv. I) gravée fur de la pierre dans le tom- beau dOlimandué, l'hiftoire de la guerre que ce roi d'Egypte avoit faite aux peuples révoltés de la Bactriane : il avoit mené contr'eux , difoit-on , quatre cents mille hommes d'infanterie , & vingt mille che- vaux (i). Entre cet Ofîmandue & Séfoftris qui vivoit long-temps avant la guerre de E Q U Troye, & avant l'expédition des Argonautes, Diodore compte vingt-cinq générations : voilà donc la cavalerie admife dans les armées, bien peu de fiecles après le dé- luge» Séfoftris , le plus grand & le plus puif- fant des rois d'Egypte , ayant formé le àeC- fein de conquérir toute la terre , aflembla, dit le même hiftorien (Diodore de Sicile , /. I y) une armée proportionnée à la gran- deur de l'entreprife qu'il méditoit : elle étoit compofée de fix cents mille hommes de pié , vingt -quatre mille chevaux , & vingt-fept mille chariots de guerre. Avec ce nombre prodigieux de troupes de terre , & une flotte de quatre cents navires, ce prince fournit les Ethiopiens , fe rendit maître de toutes les provinces maririmes , & de toutes les ifles de la mer-rouge , pé- nétra dans les Indes , où il porta fes armes plus loin que ne fit depuis Alexandre : re- venant fur fes pas , il conquit la Scythie, fubjugua tout le refte de l'Afie & la plupart des Cyclades , paiîà en Europe ; & après avoir parcouru la Thrace , où fon armée manqua de périr , il retourna au bout de neuf ans dans fes états , avec une réputation fupérieure à celle des rois fes prédécelTeurs. Ce prince avoit fait drefïèr dans les lieux qu'il avoit fournis , des colonnes avec l'inf- cription fuivante en caraderes égyptiens(£): Séfoftris } roi des roisy a conquis cette pro- vince par fes armes. Quelques-unes de ces colonnes s'étoienteonfervées jufqu'au temps d'Hérodote , & cet hiftorien ( /. II, ) ajoute qu'il y avoit encore alors fur les frontières de l'Ionie deux ftatues en pierre, de Séfoftris; l'une , fur le chemin d'Ephefe à Phoce'e j (g) Il y a apparence que du temps du patriarche Jofeph, les rois d'Egypte avoient des gardes à cheval, & que ce font eux qui courent après Benjamin, & qui l'arrêtent. H-Jloire des Juifs par Jofeph, liv. I. (A) On peut en conclure que les chars font poftérieurs à la fimple cavalerie : Job ne parle que de celle-ci, c. xxxjx, v. iS, 19 6* fuiv. Au verf. 1S, il eft dit que l'autruche fe moque du cheval & de celui qui le monte : les verfets fuivans contiennent la belle description du cheval qu'on a vue ci-devant. (i) Le fentiment de Marsham & de Nevton qui a fuivi le premier eft infourenable , fuivant M. Freret même. Ces deux Anglois font Séfoftris poftérieur à la guerre de Troye ; mais il eft évident , par tous le* anciens, que ce roi d'Egypte a vécu long-temps avant le fiege de Troye & l'expédition des Argonautes.. Mém. de lut. de î acad. dis Infcrip. tom. Vil , pag. 745. De cette expédition à la guerre de Troye , il y a au moins foixante & dix ans d'intervalle. En fuppofant Séfoftris antérieur aux Argonaures du même nombre d'années ; & en comptant trois générations par fiecle , il n'y auroit qu'un petit nombre de fiecles d'intervalle entre le déluge & Ofimandué. (k) In cippis illis pudendum rirl , apud gentes qu'idem finnuas & pugnaces, apud ignavas autem & timidas ». femina , exprejjit : ex prxcipuo hominis mimbro , animarum in Jingulis affeBionem , pofieris evidentijfimam fore raïus, Diod. Ub. 1 , ex verfioae Rhodomam. EQU fautre , fur celui de Sardis à Smyrne. Un rouleau portant une infcription, j'ai conquis cette terre avec mes épaules , peu différente de celie qu'on vient de lire , traverfoit la poitrine de ces ftatues. Ninns , roi des AfTyriens , fiVune pre- mière entrsprife conTe la Ba&riane , qui ne (ni réuflît pas. Ii réfolut quelques années après d'en tenter une féconde ; mais con- noiffant le nombre & le courage des habi- tans de ce pays , que la nature avoit d'ail- leurs rendu inaccefTible en plufieurs en- droits , il tâcha de s'en afTurer le fuccès en mettant fur pie une armée â laquelle rien ne pût réfifter : elle montoit , pourfuit Dio- dore , félon le dénombrement qu'en a fait Ctéfias dans fon hiftoire , à dix-fept cents mille hommes d'infanterie , deux cents dix mille de cavalerie , & près de dix mille fix cents chariots armés de faux. Le règne de Ninus , en fuivant la fup- putation d'Hérodote , que l'on croit la plus exacte , & qui rapproche beaucoup de nous la fondation du premier empire des AfTy- riens , doit fe rencontrer avec le gouver- nement de la prophéteiTe Débora , 514 ans avant Rome , 1267 ans avant Jefus-Chrift , c'eft à-dire , qu'il eft antérieur à la ruine de Troye , au moins de 80 (/) ans. On con- viendra aifémcnt qu'une fï grande quantité de cavalerie en fuppofe l'ufage établi chez les AfTyriens plufieurs fiecles auparavant. Tout ce qui nous refte dans les auteurs fjr Fhiftoire des difFJrens peuples d'Afie , démontre l'ancienneté de Véquication : elle étoit ( dit Hérodote , /. IV) , connue chez les Scolorhes , nation Scythe , qui comp- taient mille ans depuis leur premier roi , jufqu'au temps où Darius porta la guerre contr'eux. Par un ufage aufîi ancien que leur mo- narchie-r4e.xoi fe rendoit tous les ans dans le lieu où l'on confervoir, une charrue , un joug , une hache & un vafe , le tout d'or mafîif , & que Ton difoit être tombés du ciel ; & il fe faifoit en cet endroit de grands EQU 8<$9 facriflces. Le Scythe , à qui pour ce Jour la garde du tréfor itou confiée , ne voyoit jamais, difoic-on, la fin de l'année : en récompenfe , on affuroit à fa famille autant de terre qu'il en pouvoit parcourir dans un jour , monté" fur un cheval. Que ce fait (oit véritable ou non , il eft certain que les Scythes en général , eux qui fous de3 noms différent occupoient en Alîe & en Europe une étendue immenfe de pays , qui rirent plufieurs irruptions dans l'Afie mineure, & qui dominèrent pendant 28 ans fur toute cette féconde partie du monde , ont nourri de tout temps une prodigieufe quantité de chevaux , & qu'ils faifoient du lait de leurs jumens leur boiffon ordinaire. Il feroit donc ridicule de penfer qu'ils euf- fent ignoré l'art de monter à cheval ( m ). Cela ne fouffre aucune difficulté , quand on lit ce qu'Hérodote raconte des Amazo- nes , femmes guerrières qui defcendoient des anciens Scythes. Les Grecs ( Hérodote , ibid. ) les ayant vaincus en bataille rangée fur les bords de Thermodon , firent plufieurs prifonnieres > qu'ils mirent fur trois vaifleaux , & repri- rent le chemin de leur patrie. Quand on fut en pleine mer , nos hé- roïnes faihfTant un moment favorable , fe jetèrent fur les hommes , les défarmerent , & leur coupèrent la tête.Comme elles igno- roient l'art de la navigation , elles furent obligées de s'abandonner à la merci des vents & des vagues , qui les portèrent enfin fur un rivage des Palus Méotides , où étant défendues à terre , elles montèrent fur les premiers chevaux qu'elles purent trouver , & coururent ainfi tout le pays. Ce fait s'accorde parfaitement avec ce que l'abréviateur de Trogué Pompée ( Juftin , Iw. Il ,) rapporte de l'éducation des Ama- zones : « elles ne paffoient pas , dit-il, leur » temps dans l'oifiveté ou à filer ; elles » s'exerçoient continuellement au métier » des armes , à monter à cheval , & à- » chafier. n Strabon , /. II. d'après Métro- ( / ) M. Boffuet, qui fuit cette chronologie , place le fiege de Troye l'an 1184 avant Jefus-Chrift. (m) I! y avoit au nord- eft des Palus Méotides, des Scyrhes nommés Iyrces , qui ne vi voient que du p oduit de leur chaffe , & voici comment ils la pra iquoient. Cachés parmi les arbres qui tioient li- en grand nombre , & ayant près d'eux un chien & un petit cheva' couché fur le ventre , lis tiroient fur la bête à fon pa/Tage, & rnontoient tout de fuite à cheval pour courir à fa pourfuite avec leur chien» Hérodote , fi*. IV. S7o E Q U dore , &c. dit encore que les plus robuftes des Amazones alloient à la chafie t & fai- foient la guerre montées fur des chevaux. Le temps de leur célébrité eft antérieur à la guerre de Troye : une partie de l'Afie & de l'Europe fentit le poids de leurs armes ; elles bâtirent dans l'A fie mineure plufieurs villes ( Juftin , /. 27. ) , entr'autres Ephefe , où il y a apparence qu'elles inftituerent le culte de Diane. Théfée étoit avec Hercule , lorfque ce héros à la tête des Grecs remporta fur elles la vi&oire du Thermodon. Réfolues de tirer une vengeance éclatante de cet affront , elles fe fortifièrent de l'alliance de Sigillus , roi des Scythes , qui envoya à leur fecours une nombreufe cavalerie commandée par fon fils. Marchant tout de fuite contre les Athé- niens , qui obéiflbient à Théfée , elles leur livrèrent bataille jufque dans les murs d'Athènes , avec plus de courage que de prudence. Un différent furvenu entr'elles & les Scythes empêcha ceux-ci de com- battre : aufli furent-elles vaincues ; & cette cavalerie ne fervit qu'à favorifer leur retraite & leur retour. Les annales des autres peuples , foit d'Eu- rope , foit d'Afrique , concourent égale- ment à prouver l'ancienneté de X équitation; on la voit établie chez les Macédoniens , avant que les Héraclides euffènt conquis la Macédoine ( Hérodote , IVIII. ) Les Gau- lois , les Germains , les peuples d'Italie fai- foient ufage des chars ou de la cavalerie dans leurs premières guerres qui nous font connues ( Diodore de Sicile , liv. V. ) Les Ibériens ont de tout temps élevé d'excellens chevaux , de même que les Arabes , les Maures , & tous les peuples du Nord de l'Afrique. Les traits hiftoriques que nous venons de rapporter , nous montrent évidemment , chez les AfTyriens & les Egyptiens , les che- vaux employés de toute antiquité dans les armées , à porter des hommes & à traîner des chars. Les Egyptiens ont inondé l'Afie de leurs troupes , pénétré dans l'Europe , & fondé plufieurs colonies dans la Grèce : les Amazones & les Scythes , chez qui l'art de X équitation étoit en ufage de temps im- EQD mémorial , avoient parcouru de même une partie de l'Europe & de l'Afie , fur- tout de l'Afie mineure , & s'étoient fait voir dans la Grèce. De ces événemens , tous antérieurs à la guerre de Troye , on pourroit con- clure , fans chercher de nouvelles preuves, que dans le temps de cette expédition , l'art de monter à cheval n'étoit ignoré ni des Grecs ni des Troyens. IL L'équitation connue che\ les Grecs ayant la guerre deTroye. Cette propofition, que nous croyons vraie dans toute fon éten- due , a trouvé néanmoins deux contradic- teurs célèbres, madame Dacier & M Freret : fondés fur le prétendu filence d'Homère , & fur ce qu'il ne fait jamais combattre fes héros à cheval , mais montés fur des chars, ils ont prétendu que l'époque de X équitation dans la Grèce & dans l'Afie mineure , étoic poftérieure à la guerre de Troye, & que les Grecs , de même que les Troyens , ne favoient en ce temps - là faire ufage des chevaux que lorfqu'ils étoient attelés à des chars. Il femble qu'une opinion fi finguliere doive tomber d'elle-même , quand on ob- ferve que les Grecs exiftoient long-temps avant le pafïàge de la mer rouge , puifque Argos étoit alors à fon fixieme roi \n) , & que plus de quatre cents ans avant ce paf- fage , l'Egyptien Ourane avoit franchi le Bofphore pour donner des Ioix à ces Grecs , qui n'étoient encore que des fauvages , vi- vans comme les bêtes des herbes qu'ils broutoient. D'ailleurs plufieurs villes de la Grèce n'étoient que des colonies des Egyp- tiens ou des Phéniciens.L'Egyptien Cecrops ( environ i$ $6 ans avant J. C. ) qui vivoic dans le fiecle de Moyfe , avoit fondé les douze bourgs d'où fe forma depuis la ville d'Athènes : prefque tout ce qui concernoic la religion , les loix , les mœurs , avoit été porté d'Egypte dans la Grèce. Sur quel fondement croira-t-on que les Egyptiens qui humaniferent & policerent les Grecs leur euffent laifle ignorer l'art de l'équi- tation y qu'ils poffédoient fi bien eux- mêmes , & qu'ils n'eufient voulu feulement que leur apprendre à conduire des chars ? Comment ces Grecs , témoins des exploits («) Ce royaume d' Argos avoit été fondé par l'égyptien Danaiis, vers l'an 1476, avant Jefus-Chrift. E QU de Séfoftris , & qui avoient combattu contre les Amazones , ne virent-ils que des chars dans des armées où il y avoit indu- bitablement de la cavalerie ? Malgré la folidité de ces réflexions , il s'en cft peu fallu que le fentimenc de M. Freret & de madame Dacier , foutenu par un profond favoir , n'ait prévalu fur les plus grandes autorités : mais la déférence que Ton accorde à l'opinion de certains per- (bnnages , quand elle n'a point la vérité pour bafe , cède tôt ou tard à l'évidence. M. l'abbé Sallier (hifioire de V académie des infcriptions 6? belles-lettres y tome VII > p. 3J.J eft celui qui a coupé court au pro- grès de l'erreur : il a démontré fenfiblement que l'art de monter à cheval étoit connu des Grecs long-temps avant la guerre de Troye ; mais il ne réfout pas entièrement la queftion : il finit ainfi fon mémoire. a Le feul point fur lequel on ne trouve a pas de témoignages dans Homère , fe ré- » duit donc à dire que les Grecs dans leurs » combats , devant Troye , n'avoient point t> de foldats fervans & combattans à » cheval. » On va donc s'attacher à prouver , par Pexamen àes raifons mêmes qu'a eu M. Freret de croire le contraire , que Yéquitation étoit connue des Grecs & des Troyens avant le fiege de Troye , & que ces peuples avoient dans leurs armées de la cavalerie diftinguée des chars : nous conjecturons que ces chars ne fervoient que pour les principaux chefs , lorfqu'ils mar- choient à la tête des efcadrons. Madame Dacier , qui penfoit fur la quef- tion préfente de même que l'illuftre acadé- micien , » ne comprend pas, dit-elle, Çpréf. *> de la trad. de t Iliade >é dit. ijfyi >p.6o.) r> comment les Grecs , qui étoientfi fages, » fe font fervis fi long - temps de chars au » lieu de cavalerie , & comment ils n'ont » pas vu les inconvéniens qui en nahToient. » Sans examiner la difficulté bien plus grande de conduire un char que de manier un cheval , ni le terrein confîdérable que ces chars dévoient occuper , elle fe contente d'obferver , ajoute-t-elle , « que quoiqu'il » y eût fur chaque char deux hommes 7> des plus diftingués & des plus propres H pour le combat , il n'y eia avoit pour- E Q U 871 » tant qu'un qui combattît , l'autre n'étant » occupé qu'à conduire les chevaux : de » deux hommes en voilà donc un en pure » perte. Mais il y avoit des chars à trois » & à quatre chevaux pour le fervice d'un » feul homme : autre perte digne de con- » fidération. » Madame Dacier conclut y. malgré ces obfervations , qu'il falloit bien que l'art de monter à cheval ne fût point connu des Grecs dans le temps de la guerre de Troye. Quelle erreur de fa part ! Pour fuppofer dans ce peuple une grande ignorance , il faut ou qu'elle n'ait pas toujours bien en- tendu le texte de fon auteur , ou qu'elle n'ait pas aflez réfléchi fur les expreflions d'Homère. On doit convenir cependant qu'elle étoit fi peu fûre de fon opinion, qu'elle a dit ailleurs ( Remarques fur le X. liv. de V Iliade )\ « dans les troupes il n'y » avoit que des chars ; les cavaliers n'étoienc » en ufage que dans les jeux & dans les » tournois. » Mais qu'étoient ces jeux & ces tournois , que des exercices & des préparations pour la guerre ? Et pourroit-on penfer que les Grecs s'y fuflent diftingués dans l'art de monter des chevaux , fans profiter d'un fi grand avantage dans les combats ? M. Freret moins indéterminé (mém. de litt. de VAcad. des infcript. tome VII y p. z86Jnefe dément pas dans fon opinion. » On eft furpris , dit - il , en examinant » les ouvrages des anciens écrivains , fur- » tout ceux d'Homère , de n'y trouver a aucun exemple de Yéquitation y & d'être » obligé de conclure que l'on a long- tj temps ignoré dans la Grèce l'art de fj monter à cheval , & de tirer de cet » animal les fervices que nous en tirons rj aujourd'hui , foit pour le voyage , foit » pour la guerre. » Telle eft la proportion qui fait le fujetr de fa difïèrtation : elle eft remplie de re- cherches curieufes & favantes , mais qui , toutes prifes dans leur véritable fens peu- vent fervir à prouver le contraire de ce qu'il avance; Après avoir établi pour principe qu'Ho- mère ne parle en aucun endroit de ks poèmes , de cavaliers , ni de cavalerie ,, il prétend que ce poète , quoiqu'il écrivît 872 E Q U dans un temps où Véquitation étoit connue » s'eft néanmoins abltenu d'en parler , pour ne pas choquer fes le&eurs par un ana- chronifme contre le coftume , qui eût été remarqué de tout le monde. Cet argument négatif eft la bafe de tous fes raifonne- mens ; & M. Freret n'oublie rien pour lui donner d'ailleurs une force qu'il ne fauroit avoir de fa nature. Pour cet effet , i°. il examine & combat tous les témoignages des écrivains porté- rieurs à Homère que l'on peut lui fuppofer ; 2°. ildifcute dans quel temps ont été élevés les plus anciens monumens de la Grèce , fur Iefquels on voyoit repréfentés des ca- valiers ou des hommes à cheval , pour montrer qu'ils font tous poftérieurs à l'éta- bliflèment de la courfe des chevaux dans les jeux olympiques ; 30. il cherche à prou- ver que la fable des centaures n'avoit dans fon origine aucun rapport à Véquitation; 40. il termine fes recherches par quelques conjectures fur le temps où il croit que l'art de monter à cheval a commencé d'être connu des Grecs. Examen du texte d'Homère. Puifque Homère eft regardé , pour ainfi dire , comme le juge de la queftion , voyons d'abord fi fon filence eft réel , & fi nous ne pouvons pas t nu ver dans fes ouvrages des témoi- gnages pofitits en faveur de Véquitation. Dans le dénombrement ( ' îliad. I. II.) des Grecs qui fuivirent Agamerrnon au fiege de Troye , il eft dit de Méneflhée } le chef j des Athéniens , « qu'il n'avoit pas fon égal >j dans l'art de mettre en bataille toute forte ?> de troupes , foit de cavalerie , foit d'in- » fanrerie. » Sur quoi il eft bon d'obferver que les Athéniens habitoientunpays coupé, montueux , très-difficile , & dans lequel l'ufage des chars étoit bien peu prati- cable. On trouve , parmi les troupes Troyennes, les belliqueux efcadrons des Ciconiens ; & l'on voit dans rodyfléef/zV. IX,pag. z6zy c'dit. zjqz.) que ces Ciconiens favoient très-bien combattre à cheval , & qu'ils fe défendoient aufti à pié , quand il le falîoit. Quoi de plus clair que Poppofition de com- battre à pie & de combattre à cheval ? Ils étoient en plus grand nombre ; voilà donc beaucoup de gens de cheval. Madame EQU Dacîer le dit de même dans fa tradn&ion: elle penfoit donc autrement quand elle compofa la préface de fa traduction de- flliade. Quand Neftor confeille Ç Iliad. I. VIL) aux Grecs de retrancher leur camp: »nous » ferons , leur dit-il , un foflé large & »> profond , que les hommes & les chevaux » ne puifïènt franchir ». Que peut-on en- tendre par ces mots , fî ce n'eft des chevaux de cavaliers ? Les Grecs avoient -ils natu- rellement à craindre que des chars attelés de deux , trois ou quatre chevaux franchif- fent des foiTés ? Ulyflè & Diomede (Iliad. I X.) s'étant chargés d'aller reconnoître pendant la nuit la pofition & les deffeins des Troyens , rencontrèrent Dolon , que les Troyens en- voyoient au camp des Grecs dans le même delTein , & ils apprirent de lui que Rhéfus , arrivé nouvellement à la tête des Thraces, campoit dans un quartier féparé du refte de l'armée. Sur cet avis les deux héros coupent la tête de Dolon , preffent leur marche , & arrivent dans le camp des Thraces , qu'ils trouvèrent tous endormis , chacun d'eux ayant auprès de foi fes armes à terre & fes chevaux. Ils étoient couchés fur trois lignes ; au milieu dormoit Rhéfus leur chef, dont les chevaux étoient auffi tout près de lui , attachés à fon char. Diomede fe jette aufti - tôt fur les Thraces, en égorge plufieurs , & le roi lui - même : après quoi , pendant qu'UlyfTe va détacher les chevaux de Rhéfus , il efTaie d'en en- lever le char ; mais Minerve lui ordonne d'abandonner cette entreprife. Il obéit , rejoint UlyfTe , & montant , ainfi que lui , fur l'un des chevaux de Rhéfus , ils fortent du camp & volent vers leurs vahTeaux , poufïànt les chevaux , qu'ils fouettent avec un arc. Arrivés dans l'endroit où ils avoient lahTé le corps de Dolon , Diomede faute légèrement à terre, prend les armes de l'ef- pion Troyen , remonte promptement à cheval , & UlyfTe & lui continuent de pouffer à toute bride ces fougueux cour- fiers , qui fécondent merveilleufement leur impatience. Neftor entend le bruit , & dit : il me femble qu'un bruit fourd y comme d'une marche de chevaux > a frappé mes oreilles. Tout E Q U Tout ïe&eur non prévenu verra fans doute dans cet épifode une preuve de la con- noiffance que les Grecs , ainfi que les Thraces , avoient de Yéquitarion. Les ca- valiers Thraces , couchés fur trois rangs , ont leurs chevaux & leurs armes auprès d'eux : mais les chevaux de Rhéfus font attachés à fon char , fur lequel étoient fes armes: & c'eft-là le feul char qu'on apperçoive dans cette troupe. D'où l'on doit conclure que les chefs des efcadrons étoient feuls fur les chars. Quelle eft l'occupation d'Ulyiïè, pendant que Diomede égorge les principaux d'entre hs Thraces ? C'eft d'en retirer les corps de côté , afin que le pafTage ne fût point em- barraffé. Il l'eût été bien davantage par des chars : cependant Homère n'en dit rien. Penfe-t-on d'ailleurs qu'il eût été poiïible à ces princes Grecs , de monter , & à poil , des courfiers fougueux , de les galoper à toute bride , de defcendre & de remonter légèrement fur eux , fi les hommes & les chevaux n'avoient pas été de longue main accoutumés à cet exercice ? Trouverions- nous aujourd'hui des cavaliers plus leftes & plus adroits ? C'eft aufïi fur cela que madame Dacier fe fonde , pour croire qu'il y avoir des gens de cheval dans les tournois , pour fe fervir de fa même exprefïion. Le bruit fourd qu'entend Neftor , n'eft point un bruit qu'il entende pour la première fois ; il diftingue fort bien qu'il eft caufé par une marche de chevaux , & n'ignoroit pas que le bruit des chars étoit différent. Qu'oppofe M. Freret à un récit qui parle d'une manière fi pofitive en faveur de Yequi- tation ? « Le défaut de vraifemblance , dit- » il , de plufieurs circonftances de cet épi- y> fode , eft fauve dans le fyftéme d'Homère, ^ par la préfence & par la protection de » Minerve , qui accompagne ces deux hé- « ros , & qui fe rend vifïble , non feule- » ment pour foutenir leur courage , mais « encore pour les mettre en état d'exécuter >i des chofes qui , fans fon fecours , leur » auroient été impoffibles » : ainfi , félon lui, le parti que prennent UlyfTa & Diomede, de monter fur les chevaux de Rhéfus , pour les emmener au camp des Grecs , leur eft infpiré par Minerve: cette déeffe les accom- pagne dans leur retour , & ne les abandonne J'orne XII. E Q U 87} que Iorfqu'ils y font arrivés ; & comme c'eft-là , ajoute-t-ii , le feul exemple de Yéquuarion qui fe trouve dans les poèmes d'Homère , on n'eft point en droit d'en conclure qu'il la regardât comme un ufage déjà établi au temps de la guerre de Troye. Il eft vrai qu'Homère « regarde quel- « quefois les hommes comme des inftru- » mens dont les dieux fe fervent pour.exé- » cuter les décrets des deftinées » ; mais l'on doit convenir auffi que ce poè're , pour ne point trop s'éloigner du vraifemblable , ne les fait jamais intervenir , & prêter aux hommes l'appui de leur miniftere , que dans les actions qui paroifTènt au defTus des forces de l'humanité. Le defir de fe procurer d'excellens che- vaux & des armes couvertes d'or , fut ce qui tenta Diomede & Ulyffe , & leur inf- pira le defîèin d'entrer dans le camp des Thraces , & de pénétrer jufqu'à la tente de Rhéfus. Deux hommes , pour réufîir dans une entreprife femblable , ont certainement befoin de l'aftiftance des dieux ; UlyfTe im- plore donc celle de Pallas , & la fjpplie de diriger elle-même leurs pas jufqu'à l'endroit où éroient les chevaux , le char , & les armes de Rhéfus. La protection de la déeffe fe fait bientôt fentir : les héros Grecs arrivent dans le camp des Thraces : un filence profond y règne ; point de gardes fur les avenues ; tous les cavaliers étendus par terre près de leurs chevaux , font enfevelis dans le fommeil ; le même calme & la même fécurité font autour de la tente du chef. Alors Ulyffè ne pouvant plus méconnoître l'effet de fa prière , & enhardi par le fuccès , propofe à fon compagnon de tuer les principaux Thraces , tandis qu'il ira détacher les che- vaux de Rhéfus : voilà une conjoncture ou le fecours de la déefle devient encore très- nécefïàire ; aufîi Homère dit qu'elle donna à Diomede un accroiffement de force & de courage : douze Thraces périffent de fa main avec leur roi. Les chevaux détachés par UlyfTe , Diomede peu content de ces avantages , veut encore enlever le char de Rhéfus ; mais la déefle , juftement étonnée de cette imprudence , fe rend vifible à lui, & le preffe de retourner au plutôt , de crainte que quelque dieu ne réveille enfia Sssss 874 EQU les Troyens. Diomede reconnoifîant la voix de Pallas , monte aufft-tôc à cheval , & part fuivi d'Ulyffe. Jufque-là Homère a marqué exactement toutes les circonftances de l'en- treprife dans lefquelies la dcefTe prêta fon fecours aux héros Grecs : il confifte à les conduire sûrement à travers le camp , à favorifer le maflàcre des Thraces & l'enlè- vement des chevaux , à les obliger de partir, lorfqùe l'appât d'avoir des armes d or les retient mal-à-propos , mais nullement à ies placer fur les chevaux ; & une fois forcis du camp, elle les quitte,quoi qu'en ait dit M. Fre- rec; car dansHomere, elle n'accompagne pas leur retour, comme cet académicien l'avance gratuitement. S'ilétoit vrai cependant, qu'ils euffenc befoin d'elle la première fois pour monter à cheval , fon fecours n'eût pas été moins néceflaire à Diomede , quand il fut obligé de fauter à terre pour prendre les armes de Dolon , & de remonter tout de fuite ; & Homère n'auroit pas manqué de le faire remarquer , car il ne dévoie pas ignorer qu'on ne devient pas fi vite bon cavalier. Difons donc que c'eft uniquement parce qu'il étoit très- ordinaire dans les temps hé- roïques de monter à cheval , qu'Homère ne fait point intervenir le miniftere de Pallas dans une a£iion fi commune. Le XVe livre de l'Iliade nous offre un exemple de Ye'quitativn , dans lequel cet art eft porté à un degré de perfeâion bien fu- périeur à ce que nous oferions exiger au- jourd'hui de nos plus habiles écuyers. Le ooete aui veut dépeindre la force & l'agilité poète qui d'Ajax qui paffanc rapidement d'un vaiiieau à l'autre , les défend tous à la fois , fait la comparaifon fuivante. « Tel qu'un écuy.er habile , accoutumé » à manier plufieurs chevaux à la fois , en »■ a choifi quatre des plus vigoureux & des » plus vîtes , & en préfence de tout un » peuple qui le regarde avec admiration , » les pouffe à toute bride , par un chemin » public , jufqu'à une grande ville où Ton EQU » a limité fa coiufe : en fendant les airs , » il paffe légèrement de l'un à l'autre , & n vole avec eux. Tel Ajax , ùc » (o) M. Freret veut qu'Homère , pour orner fa narration , & la rendre plus claire , ait expliqué en cet endroit des chofes ancien- nes par des images familières à fon fiecle ; tel eft , ajoute-t-il , le but de fes comparaifons, & en particulier de celle-ci : « tout ce qu'on » en peut conclure , c'eft que l'arc ùeïéqui- » taùon étoit commun de fon temps dans » l'Ionie. Des fcholiaftes d'Homère lui font « un crime d'avoir empruncé des compa- n raifons de Xéquuation ; ils les ont regardé yy comme un anachronifme , tant ils écoient n perfuadés que cet art étoit encore nouveau» » dans la Grèce du temps d'Homère. » Mais ils ont cru , fans examen , & fans avoir éciairci la queftion. Puifque dans toute l'éco- nomie de fes poèmes , Homère eft fi exaô , fi févereobiervateur des ufages & des temps, qu'il paroît toujours tranfporté dans celui où vivoienc fes héros , & qu'on ne peut y félon les mêmes fcholiaftes , lui reprocher aucun autre anachronifme : par quelle raifon croira-t-on qu'il fefoit permis celui-ci? Dira- t-on qu'il n'avoir pas afièz de refiburce dans fon génie pour varier & ranimer fes pein- enres ? De plus , Homère n'a vécu que trois cencs ans [p ) après la guerre de Troye : un fi court intervalle eft -il fuffifant pour y placer à la fois la naiffance & ies progrès de Yéquitation > & pour la porter à un degré de perfection duquel nous iommes encore tort éloignés? Cette réflexion tire du fyftême de M. Freret une nouvelle force , en ce qu'il ne place dans l'Ionie la connoiftànce de l'art de monter à cheval, que 150 ans après la guerre de Troye. Homère a fuivi conftamment les ancien- nes traditions de la Grèce ; il dépeint tou- jours fes héros , tels qu'on croyoit qu'ils avoient été. Leurs caractères , leurs païïions, leurs jeux , tout eft conforme au fouvenir qu'on en confervoit encore de fon temps. C'eft ainfi qu'il fait dire à Hélène , « je ne^ (o) Au V liv. de l'Odyffée , v. 366 , un coup de vent ayant brifé l'efquif qui reftoit à Ulyffe après la. tempête qu'il effuya en Amant de lifte de Calypfo , il en faifit une planche fur laquelle il fauta , & s'y pofa comme un homme fe met fur un cheval de felle. M. Freret feroit fans doute à C£tte comparaifon la< même réponfe qu'à la précédente, quoique avec auflî peu de fondement. [p) Selon les marbres d'Arondel , l«ï P. Pétau place Homère deux cents ans 3près la guerre de- Troye. E Q U » vois (Iliad liv. III.) pas mes deux frères,»» Cartor fi célèbre dans les combats à cheval, Uirifoipf&> ^ & Pollux fi renomme dans les exercices du cette. Ce pafTage ne taie aucune impieffion fur M. Freret. Le nom de dom- teur de chevaux , iW%i@' , de conduc- teur, de cavalier, ou encore celui de retint* vwtGnkfHmwt , confeenfores equorum, dont fe fert , en parlant de ces mêmes Tynd ari- des , l'auteur des hymnes attribués à Homère ; tous ces noms font donnes quel- quefois à des Grecs ou à des Troyens montés fur des chars ; donc ils ne lignifient jamais autre chofe dans le langage de ce temps-là. Ce raifonnement efl-il bien jufte ? il le fe- roit davantage , fi l'on convenoit que ces mors ont quelquefois eu l'une ou l'autre li- gnification : mais en ce cas , M. Freret ne pourroit nier que le titre de conducleur , de cavalier , iyipw hum* , que Neftor (Iliad. XI ,v. 7à$) , donne au chef des Eléens , ne veuille dure ce qu'il dit effectivement. Parce que ce chef combattoit fur un char , cela n'empêche pas qu'il n'ait commandé des gens de cheval. On peut dire la même chofe d'Achille & de Patrocle , qu'Homère {Iliad. i Dénomme des cavaliers, îàrara*;xe»fa. Plufieurs autres pafTages de l'Iliade, fem- blent défigner des gens de cheval ; mais ils n'ont fans doute paru dignes d'aucune con- jfidération à M. Freret , ou bien il a craint qu'ils ne fuffent autant de preuves contre fon fentiment ( Iliad. liv. XVIII. ) On voyoit fur le bouclier d'Achille , une ville invertie par les armées de deux peuples dif- ivrens : l'un vouloit détruire les afîiégés par 1s fer & par le feu ; l'autre étoit réfolu de les recevoir à compofition. Pendant qu'ils difputoient entr'eux , ceux, de la ville éranr foi ris avec beaucoup de fecret, fe mettent en embufeade , & tondent tout-à-coup fur les troupeaux des afîiégeans : aufîi - tôt l'ai— larme fe répand dans les deux armées ; tous prennent à la hâte leurs armes & leurs che- vaux , arma & equos properè arripiunt , & l'on marche à l'ennemi. La célérité d'wn tel mouvement convient mieux à de la cavalerie qu'à des ciurs : n'eat-elle pas été bien ra- lentte par le temps qu'il auroit fallu pour préparer ces chars , & les tirer hors des deux camps ? Il eft dit dans le combat particulier de E Q U 875 Ménelas contre Paris ( Iliad liv. III), que les troupes s'afiïrent toutes par terre, chacun ayant près de foi fes m mes & fes chevaux. Doit-on entendre par ce dernier mot des chevaux attelés à des chars ? Celui qui les conduifoit , & celui qui combattoit de dûs, étoient l'un & l'autre d'un rang difringué, & n'étoient pas gens à s'aiieoir par terre , confondus avec les moindres foldats : d'ail- leurs ils euffent été mieux afïïs dans leurs chars ; c'étoit , pendant ce combat , la fi- tuation la plus avantageufe , pour mieux remarquer ce qui s'y pafïbit. Les gens de chval , au contraire , en defeendent fort fouvent pour fe déiaiTer , eux & leurs che- vaux. Dans le combat d'Ajax contre Hector ( Iliad. liv. VIL ) , on trouve encore une preuve de Yéquitation. Le héros Troyen dit à ion adveriaire : je fais manier la lance; Ù fait à pied , foie à cheval , je faispouj/èr mon ennemi. Ne femble-t-il pas dans plufieurs com- bats généraux , que l'on voie manœuvrer de véritacles troupes de cavalerie? « Chacun fe prépare au combat ( Iliad. » liv. II ou bien XII ) , & ordonne à foa »» écuyer de tenir fon char tout prêt , & » de le ranger fur le bord du fofîé : toute » l'armée fort des retranchemens en bon n ordre : l'infanterie fe met en bataille aux » premiers rangs , & elle eft foutenue par » la cavalerie qui déploie fes ailes derrière » les bataillons Les Troyens de leur »> côté étendent leurs bataillons & leurs »» efeadrons fur la colline. »> Ici le mot chacun ne doit s'appliquer qu'aux chefs : pour peu qu'on life Homère avec attention , on verra qu'il n'y avoir jamais que les principaux capitaines qui fu fient dans des chars. Le nombre de ces chars ne devoir pas être bien confidérabîe , puifqu'ils peuvent être rangés fur le bord du fofïë. Quant à l'infanterie & la cava- lerie , la difpofition en eu fimpîe , & no | pourroit pas être autrement rendue aujour- j d'hui , qu'il n'y a plus de chars dans ks ! armées. Si les Troyens n'eufîènt eu que des ! efeadrons de chars , ce n'eft pas fur une i colline qu'ils les eufiene placés; & l'on doit ! entendre par 'feadrons , ce que les Grecs Sssss 2 876 E Q U ont toujours entendu , & ce que nous com- prenons fous cette dénomination. La defcription du combat ne prouve pas moins , que l'ordre de bataille , qu'il y avoir & des chars & des cavaliers. « Hip- » polochus fe jette à bas de Ton char , & » Agamemnon , du tranchant de fon épée, » lui abat la tête , qui va roulant au milieu » de fon efcadron. » On lit dans le même endroit , que l'écuyer d'Agaftrophus tenoit fon char à la queue de fon efcadron. Neftor renverfe un Troyen de fon char , & fautant légèrement deiTus , il enfonce fes efcadrons ( Hp. XI ). Ne peut-on pas induire delà, avec raifon , que les chefs étoient fur des chars à la tête de leurs efcadrons ? Cela n'eft-il pas plus vraifem- blable que des efcadrons de chars ? » L'infanterie enfonce les bataillons j> Troyens , & la cavaierie preffè fi vive- » ment les efcadrons qui lui font oppofés , ?> qu'elle les renverfe : les deux armées « font enfevelies dans des tourbillons de «'poufTiere , qui s'élèvent de defTbus les » pieds de tant de milliers d'hommes & » de chevaux. « M. Freret , lui-même , auroit-il mieux décrit une bataille , s'il eût voulu faire entendre qu'il y avoit de la cavalerie dis- tinguée des chars , ou des chars à la tête des efcadrons de gens de cheval ? Il eft dit , dans une autre bataille , que « Neftor plaçoit à la tête fes efcadrons , » avec leurs chars & leurs chevaux » derrière eux , il rangeoit fa nombreufe » infanterie pour les foutenir. Les ordres » qu'il donnoit à fa cavalerie , étoient de » retenir leurs chevaux , & de marcher en » bon ordre , fans mêler ni confondre leurs #> rangs. ( Iliad. Uv. IV. ) » Si Homère n'eut voulu parler que de chars , auroit-il ajouté au mot efcadron > avec leurs chars Ù leurs chevaux ? Qnc peut- on entendre par mêler & con- fondre des rangs ? Pou voit-il y avoir plu- sieurs rangs de chars ? A quoi eût été bon un fécond rang ? le premier victorieux , le fécond ne pouvoit rien de plus ; le premier rang vaincu , le fécond l'étoit conféquem- ment , & fans reftburce ; car comment faire faire à des chars mis en rang , des demi- tours à droite pour la retraite ? E Q U II paroît fuffiTamment prouvé par les remarques que nous venons de faire fur quelques endroits du texte d;Homere , que l'art de monter des chevaux a été connu dans la Grèce avant le fiege de Troye , & qu'il y avoit même dans les armées des Grecs & des Troyens , des troupes de ca- valerie , proprement dite. Si ce poète n'a point décrit particulièrement de combats de cavalerie , on ne voit pas non plus qu'il foit entré dans un plus grand détail , par rapport aux combats d'infanterie. Son vé- ritable objet , en décrivant des batailles , étoit de chanter les exploits des héros & des plus illuftres guerriers des deux partis : ces héros combattoient prefque tous fur des chars , & l'on oferoit prefque afïurer qu'il n'appartenoit qu'à eux d'y combat- tre. Leur valeur & leur fermeté y paroif- feient avec d'autant plus d'éclat , que leur attention n'étoit point divifée par le foin de conduire les chevaux. Voilà pourquoi les deferiptions des combats de chars font fi fréquentes , fi longues , fi détaillées. C'étoit par ces combats que les grandes affaires s'entamoient , parce que les chefs, montés fur des chars , marchoient toujours î à la tête des troupes : Homère n'en omet I aucune circonftance , & pefe fur tous les détails , parce qu'il a fu déjà nous inté- | refier vivement au fort des guerriers qu'il fait combattre. Son grand objet fe trouvant rempli par-là , dès que les troupes fe mê- lent , & que l'affaire devient générale , il paffe rapidement fur le refre du combat ; & pour ne point fatiguer le lecteur il fe hâte de lui en apprendre l'ifïue , fans def- cendre à cet égard dans aucune particu- larité. Telle eft la méthode d'Homère , quand il décrit des combats ou des batailles. Témoignages des écrivains pofiérieurs à Homère. M. Freret qui s'étoit fait un prin- cipe confiant de foutenir que les Grecs & les Troyens au temps de la guerre de Troye ne connoifîbient que l'ufage des chars , & qu'on ne pouvoit prouver par les poèmes dTiomere que l'art de monter à cheval leur fût connu , réeufe conféquemment à fon fyftême , les témoignages de tous les écrivains pofU'rieurs à ce poète & parti- culièrement tous ceux que les auteurs La- tins fourniflent contre fon opinion» E QU « Virgile , dit-il, & les poètes latins , ' » ont été moins fcrupuleux qu'Homère , * & ils n'ont pas fait difficulté de donner « de !a cavalerie aux Grecs & aux Troyens; ?> mais ces poètes poftérieurs d'onze ou « douze fiecles aux temps héroïques , écri- n voient dans un fîecle où les mœurs des » premiers temps n'étoient pkis connues »> que des favans leur exemple , » ajoute-t-il , ne peut avoir aucune auto- » rite lorfquiis s'écartent de la conduite » d'Homère. » Si îe témoignage de Virgile , poftérieur d'onze ou douze fiecles à la ruine de Troye , ne peut avoir aucune force , pourquoi M. Freret veut-il que le fien poftérieur de trois mille ans foit préféré ? Pourquoi n'admet-il plutôt celui de Pollux auteur Grec , plus moderne que Virgile, d'environ deux cents ans ? Quant à ce qu'il dit que les mœurs des premiers temps n'étoient connues que des favans , ce reproche ne convient point à Virgile : au titre H juftement acquis de prince des poètes, il joignoit celui de /avant & d'excellent homme de lettres. De plus , fon Enéide , qu'il fut douze ans à compofer , eft entièrement faite à l'imitation d'Homère. Virgile ayant pris ce grand poète pour modèle , & pour fujet de fon poème des événemens célèbres qui touchoient , pour ainfi dire , à ceux qui font chantés dans l'Iliade , croira-t-on qu'il ait confondu les ufages & les temps , & méprifé le fuffrage des favans , au point de faire combattre fes héros à cheval , s'il n'avoir regardé comme un fait confiant que Yequitarion étoit en ufage de leur temps ? Tout ce qu'on peut préfumer , c'eft que Virgile s'eft abftenu de parler de chars aufïi fréquemment qu'Homère , pour ren- dre fes narrations plus int&effantes , & parce que les Romains n'en faifoient point ufage dans leus armées. Enfin les faits cités par les auteurs doivent pafTer pour incon eftables , quand ils font appuyés fur une tradition ancienne , publique & conf- tante : tel étoit l' ufage établi depuis un temps immémorial chez les Romains , de E Q U 877 nommer les exercices à cheval de leur jeu- ne fie , les jeux Troyens. Trojaqae niinc pueri, Trojanum dicitur agmen. (En. I. V. v. 6'oz.J Virgile n'in- vente rien en cet endroit , il fe conforme à l'hifloire de fon pays , qui rapportoit apparemment l'origine des courfes de che- vaux dans le cirque , au defTein d'imiter de femblables jeux militaires pratiqués au- trefois par les Troyens , & dont le fou- venir s'étoit confervé dans les anciennes- annales du latium. Enée faifoit exercer fes enfans à monter à cheval : Frcenatis lucent in equis. ( Id. v. S 54-) C'eft en fuivant les plus anciennes tra- ditions grecques , que Virgile ( Géogr. I. III y v. n 5. ) attribue aux Lapithes de Péléthronium l'invention de l'art de monter à cheval. Il nous apprend dans le même endroit ( Ib. v. izj-J l'origine des chars qui furent inventés par Eriéthonius , qua- trième roi d'Athènes (q) depuis Cécrops ; & ce qui fuppofe nécessairement que Ye'qui- tation étoit connue en Grèce avant Eric- thonius , c'eft que la tradition véritable ou fabuleufe de ces temps - là rapporte que ce fut pour cacher la difformité de fes jambes qui étoient tortues , que ce prince inventa les chars. Hygin qui , de même que Virgile , vi- voit fous le règne d'Augufte , a fait de Bellérophcn un cavalier ( Fable 2.7 3 ) , & dit que ce prince remporta le prix de la courfe à cheval aux jeux funèbres de Pe- lias , célébrés après le retour des Argonau- tes : mais parce qu'on ignore dans quel poète ancien Hygin a puifé ce fait , M. Fre- ret le traite impitoyablement de commen- tateur fans goût , fans critique , indigne qu'on lui ajoute foi. Il en dit autant de Pline ( lib. VII, cap. h'j.J, qui , en faifant l'énumération de ceux auxquels les Grecs attribuoient l'invention de quelque art ou de quelque coutume > ofe , d'après les Grecs , regarder Bellérophon comme l'in- venteur de V équitation y & ajouter que les centaures de ThefTalie combattirent les pre- miers à cheval. Pour réfuter ce qu'Hygin dit de Belle- (,;) Il vr,oit environ 1489 an; avant Jefus-Chrift. Il fuccéda à Àrnphiûion , & inftkua les jeux panaché* iques en l'honneur de Minerve. naïques 878 EQU E Q U rophon , M. Frerec prétend premièrement ; avoient été en ufage dès le temps de Tolym- ...~ ci d.,„!\„Uc r r.L is-T \ i\™;*,;«„ ! „;^rt A>ua^„]^ ~~„ : _>~_ * ; __ piade d'Hercule , pourquoi n'en trouve-t-on aucun exemple jufqu'à la trente- troificme olympiade de Corœbus , céléhréfe l'an 6$ ( t) avant J. C. jco ans après les jeux funèbres de Pelops , & 240 ans après le renouvellement des jeux olympiques par Iphitus ? Ce raifonnement ne prouve rien du tout : car on pourront avec autant de raifon dire à M. Freret: vous affinez qu'au temps d'Homère l'art de ï'équuation étoit porté à un tel degré de perfection , qu'un feul écuyer conduifoir à toute bride quatre chevaux à la lois , s'élançant avec adrefîè de l'un à l'autre pendant la rapidité de leurs courfes ; .& moi je dis que fî cela étoit vrai , on n'auroit pas attendu près de trois cents ans depuis Homère , pour mettre les courfes de chevaux au nombre des fpecla- cles publics. U y a quelque apparence que la nou- veauté des courfes de chars fut la eau le qu'on abandonna les autres pendant long- temps , & qu'on n'y revint qu'après plu-, fleurs fiecles : il falloir en effet bien plus' d'art & de dextérité pour conduire dans la carrière un char attelé de plufieurs che- vaux , que pour manier un feul cheval. Qu'on en juge par le difeours de Neftor àÀntiloque fon fils ( Iliad. I XXIII.} La fable & Homère après elle , ont parié du cheval d'Adralte : ce poète le nomme le divin Arion; il avoit eu pour maitte Hercule ; ce fut étant monté fur Arion ( Pauf. II. vol. p. î8i , ) que ce héros gagna des batailles , & qu'il évita la mort. Après avoir pris Augias roi d'Elis , & après la guerre de Thebes antérieure à celle de Troye, il donna ce cheval à Adrafîe. Comme on voie, dans prefque tous les auteurs qui en ont parié , ce rapide couriier toujours feul , (r) Ces jeux, dit M. Freret, font poflérieurs de quelques années à ceux de Pélias, & c'eft ce que l'on nomme V olympiade d'Hercule , qui combattit à ces jeux, & qui en régla la forme foixante ans avant la guerre de Troye. ( s ) M, Freret cite en preuve la première olympionique de Pindare , où à propos de la victoire remportée par Hiéron à la courfe des chevaux, ce poète rapporte l'hiftoire de Pelops, vainqueur à la courfe des chars. iMais du temps d'Hiéron, à celui où l'on introduisit aux jeux olympiques les courfes des chevaux , il y a cent foixante ans d'intervalle : les exemples anciens ne pouvoient donc pas manquer à Pindare , s'il avoit eu deffein d'en rapporter. (*) Ce calcul de M. Freret n'eft ni le plus exact , ni le plus fuivi. L?s plus favans chrcnologiftes rap- portent l'olympiade de Corœbus à l'an 776 avant Jefus-Chrift. L'époque de la fondation de Rome , liée avec cette olympiade, femble donner à ce dernier fentiment toute la force d'une démonstration. Il fuit delà que les courfes de chevaux furent admifes au nombre des fpectacles des jeux olympiques, cent vingt-huit ans pta:ôt que M. Freret ne l'a cru. que, félon Paufanias ( Lib. VI )> l'opinion commune étoit que Glaucus , père de Belîerophon , avoit dans les jeux funèbres de Pelops , difputé le prix à la courfe des chars : fecondement , que ces mêmes jeux étoient repréfentés fur un très-ancien coffre, dédié par les Cypfélides de Corinthe, & confervé à Olympie au temps de Paufa- nias (lib. V) , & qu'on ne yoyoit dans la repréfentation de ces jeux , ni Bellérophon , ni de courfe à cheval. On peut îacilement juger de la foîiduéde cette réfutation. Le témoignage de Paufanias favorifant ici l'opinion de M. Freret, il s'en rapporte aveuglément à lui : mais il doit recon- noître de même la vérité d'un autre pafiàge de cet auteur , capable de renverier fon fyftême. Paufanias (lib. V) afTùre que Cafius , Arcadien , & père d'Atalante , remporta le prix de la courfe à cheval , aux jeux funè- bres de Pelops à Olympie (r). Ce fait qui donneroit aux courfes à cheval prefque la même ancienneté que celle qu'on trouve dans Hygin , M. Freret foutient qu'il n'eft fondé que fur une tradition peu ancienne : Pindare , dit-il , n'en a pas fait ufage lorf- qu'il a célébré des victoires remportées dans les courfes de chevaux. « Dans ces i) occafions , ajoute-t-il , l'hiftoire ancienne » ne lui fournifTant aucun exemple de ces » courfes, il a recours aux aventures des » héros qui fe font diftingués dans les » courfes de chars (sj. » Mais qui ne voit que le poète a voulu varier fes deferiptions , en faifant de ces deux fortes de courfes un objet de comparaison , capable de jeter plus de feu , plus de brillant , plus d'énergie dans fes odes ? Si ces courfes à cheval , dit M. Freret , E Q U on en a conclu avec afîez de vraifemblance, que c'étoit un cheval de monture : mais M. Frerec lui trouve un fécond qu'on nommoit Cayros. Voilà un fait. Antima- que Ça) l'afiiire ; il faut l'en croire : mais il doit aufti fervir d'autorité' à ceux qui ne penfent pas comme M. Freret. Or , Antimaque dit pofitivement qu'Adrâfte fuit en deuil monté fur fon Arion. On a donc eu raifon de regarder Arion comme un E Q U S73 car il ne dit pas qu'ils fuiTent tons fur des chars : d'ailleurs les chefs , dans les temps héroïques, combattant pour l'ordinaire fur des chars , il fe pourroit fort bien que le fculpteur , qui ne s'attachoit qu'à faire con- noicre ces chefs & par leur portrait & par leur nom , n'ait repréfenté qu'eux , pour ne pas jeter trop de confulion dans fes bas -reliefs en y ajoutant un grand nombre de figures d'hommes à cheval. Cette raifon cheval accoutumé à être monté , fans nier ' eft d'autant plus plaufible , que dans !e toutefois qu'il n'ait pu être quelquefois ! temps où ce coffre a été fait , il y avoit , employé à conduire un char. Antimaque j de l'aveu de M. Freret, au moins 150 ans ajoute qu'Adrâfte fut le troifieme qui eut j que Xéquitation étoit connue des Grecs, l'honneur de domter Arion : c'eft qu'il j Sur le mafïif qui foutenoit la ftatue avoit appartenu d'abord à Onéus , qui le \ d'Apollon dans le temple d'Arayclé, Caftor donna à Hercule. Tout cela ne prouve-t-il | & Pollux étoient repréfentés à cheval (Pauf. /. III), de même que leurs fils Anaxias & Mnafinoiïs. Paufanias rapporte pas en faveur de Véquitation de temps an- térieurs à la guerre de Troye ? Monumens anciens. M. Freret fuit la j encore qu'on voyoit à Argos (lib. II. j même marche dans l'examen des monu- \ dans le temple des Diofcures , les ftatues mens anciens. Ceux où il n'a point vu de chevaux de monture , méritent feuls quel- que croyance , ils font autant de preuves pofitives : les autres font ou factices , ou modernes , on ne doit point y ajouter foi. ( Paufan. /. V. ) Le coffre des Cypfélides dont il a déjà été parlé , eft , félon cet de Caftor & Pollux , celles de Phœbe & Haïra leurs femmes , & celles de leurs fils Anaxias & Mnafinoiïs , & que ces ftatues étoient d'ébene , à l'exception de quelques parties des chevaux. Il y avoit à Olympie ( Paufan. /. V. ) un grouppe de deux figures repréfentant le combat d'Hercule contre une amazone à cheval ; les mêmes académicien , un monument du huitième 1 Caftor & Pollux étoient repréfentés à fiecfe avant J. C. On y voyoit repréfentés ' Athènes debout , & leurs fils à cheval. les événemcns les plus célèbres de l'hiftoire j ( Pauf. /. II. ) des temps héroïques , la célébration des jeux funèbres de Pelias , plufieurs expédi- tions militaires , des combats , & même en un endroit deux armées en préfence : dans toutes ces occafions , les principaux héros étoient montés fur des chars à deux ou à quatre chevaux , mais on n'y voyoit point de cavaliers ; doit-on conclure qu'il n'y en avoit point , de ce que Paufanias n'en parle pas ? mais fon filence ne prouve rien ici : au contraire , l'exprefîion qu'il emploie donneroit lieu de croire qu'il y en avoit. En décrivant deux armées repréfen- tées fur r? coffre , il dit que l'on y voyoit des cavaliers montés fur des chars ( Pauf. /. V.) Ce n'eft point là affirmer qu'il n'y en avoit point de montés fur des chevaux r M. Freret qui rapporte tous ces monu- mens , & quelques autres d'après Paufa- nias , étale une érudition immenfe pour montrer que les plus anciens font pofté- rieurs à rétabliftèment de la courfe des chevaux aux jeux olympiques. Quand on en conviendroit avec lui , on n en feroic pas moins autorifé à croire que la plupart de ces monumens n'ont été faits que pour en remplacer d'autres que la longueur du temps ou les fureurs de la guerre avoient détruits ; & que les fculpteurs fe font exac- tement conformés à la manière difiinâive dont les héros avoient été repréfentés dans les anciens monumens , de même qu'à ce que la tradition en rapportoit. La pratique confiante de toutes les nations & de tous (a ) Auteur d'un poëme de la Thébaïde ; il vivoit du temps de Socrate. Quintilien dit qu'en- lui donnait le fécond ran» après- Homère » Adrien le mettoit au, deffus d'Homère même» 8So E Q U les temps , donne à cette conjecture beau- coup de vraifemblançe. Quoique tous les monumens de la Grèce fe fuient accordés à repréfenter les Tynda- rides (x) à cheval ; quoiqu'un fait remar- quable , arrive pendant la troifieme guerre de Meffene (y ) , prouve manifeftement l'accord de la tradition avec les fculpteurs ; quoique cette tradition ait pénétré jufqu'en Italie , & quoiqu'Homere lui-même en ait dit , M. Freret ne peut fe réfoudre à croire que Caftor & Polîux aient jamais fu mon- ter à cheval : il veut abfolument que ces deux héros & même Bellérophon , ne fuf- fent que d'habiles pilotes , & leurs che- vaux , comme celui qui accompagnoit les ftatues de Neptune , un emblème de la navigation. M. Freret revient au récit de Paufanias fur l'Arcadien Iaflîus , vainqueur dans une courfe de chevaux , & cela à l'occafion d'un monument qui autorifoit cette tradi- tion : c'étoit ( Pauf. liv. VIII. ) une ftatue pofée fur l'une des deux colonnes qu'on voyoit dans la place publique de Tégée , vis-à-vis le temple de Vénus. Les paroles (\) du texte de Paufanias l'ont fait regarder comme une ftatue équeftre ; mais le fa- vant académicien veut qu'elles figniflent feulement que cette ftatue a un cheval auprès d'elle , & tient de la main droite une branche de palmier : d'où il conclut qu'elle ne prouve point en faveur de Ye'qui- tation y & qu'on l'érigea en l'honneur de Iafîîus , parce qu'il avoit peut-être trouvé le fecret d'élever des chevaux en Arcadie, pays froid , montagneux ; où les races des chevaux tranfportés par mer des côtes d'Afrique , avoient peine à fubfïfter. Quand une telle fuppofîtion auroit lieu , pourroit- E Q U on s'imaginer que cet Iaftîus , qui auroit tiré des chevaux d'Afrique , où Véquuation étoit connue de tout temps , eût ignoré lui-même l'art de les monter, & ne s'en fût fervi qu'à traîner des chars ? Fable des antaures. La fable des cen- taures» que les poètes & les mythologiftes ont tous représentés comme des mon lires à quatre pies , moitié hommes , moitié chevaux , avoit toujours été alléguée en preuve de l'ancienneté de Véquitation. Toutes les manières dont on raconte leur origine , malgré la variété des circonftan- ces , concouraient néanmoins à ce but. « Selon quelques-uns (Diodore , liv. IV.) , » Ixion ayant embrafTé une nuée qui avoit » la refîemblance de Junon , engendra les » centaures qui étoient de nature humaine : » mais ceux - ci s'érant mêlés avec des » cavales , ils engendrèrent les hyppocen- « taures , monftres qui tenoient en même >•> temps de la nature de l'homme & de » celle du cheval. D'autres ont dit qu'on ?> donna aux centaures le nom tfhïppo- » centaures } parce qu'ils ont été les pre- » miers qui aient fu monter à cheval ; & » que c'eft delà que provient Terreur de » ceux qui ont cru qu'ils étoient moitié m hommes , moitié chevaux. » Il eft dit ( Diodore , ib. ) dans le récit du combat qu'Hercule foutint contre eux , que la mère des dieux les avoit doués de la force & de la vîteffe des chevaux , aufîi- bien que de l'efprit & de l'expérience des hommes. Ce centaure Neffùs , qui moyen- nant un certain falaire , tranfportoit d'un côté à l'autre du fleuve Evénus ceux qui vouloient le traverfer , & qui rendit le même fervice à Déjanire, n'étoit vraifem- bîablement qu'un homme à cheval ; on (*) Les Romains repréfentotent les Tyndarides à cheval. Denys d'Halicarnaffe , liv. VI, dit que le jour de la bataille du lac Rhegille , l'an de Rome 258 & 494 avant Jefus Chrift, on avoit vu deux jeunes hommes à cheval d'une taille plus qu'humaine qui chargèrent à la tête des Romains la cavalerie Latine , Se la mirent en déroute. Le même jour ils furent vus à Rome dans la place publique , annoncèrent la nouvelle de la vic- toire , & difparurent auffi-tôt. (_y) Pendant que les Lacédémoniens célébroient la fête des diofeurcs, deux jeunes Mefleniens, revêtus de cafaques de pourpre , la tête couverte de toques femblables à celles que l'on donnoit à ces dieux, & montés fur les plus beaux chevaux qu'ils purent trouver , fe rendirent au lieu où les Lacédémoniens étoient affemblés pour le facrifice. On les prit d'abord pour les dieux mêmes dont on célébroit la fête, & l'on fe profterna devant eux : mais les deux MefTéniens profitant de l'erreur, fe jetèrent au milieu des Lacédémo* niens , & en blefferent piulîeurs à coups de lances. Cette ailion fut regardée comme un véritable facrilege , parce que les Mefféniens adoroient auffi les diofeures. Paufanias, liv. IV. ne E Q U fie fauroit le prendre pour un batelier , qu'en lui fuppofant un efquif extrêmement petit , puifqu il n'auroit pu y faire palier qu'une feule perfonne avec lui (a). Prefque tous les monumens anciens ont dépeint les centaures avec un corps humain , porté fur quatre pies de cheval. Paufanias Cl. V.) allure cependant que le centaure Chiron étoit repréfenté fur le coffre des Cypfélides , comme un homme porté fur deux pies humains , & aux reins duquel on auroit attaché la croupe , les flancs & les jambes de derrière d'un cheval. M. Freret, que cette repréfentation met à l'aife , ne manque pas de l'adopter aulîi-tôt comme la feule véritable ; & il en conclut qu'elle déligne moins un homme qui montoit des chevaux , qu'un homme qui en élevoit. Croyant par cette réponfe avoir pleinement fatisfait à la queftion , il fe jette dans un long dérail aftronomique , pour trouver entré la figure que forment dans le ciel les étoiles de la conftellation du centaure , & la figure du centaure Chiron que l'on voyoït fur le conve des Cypfélides , une relfem- blance parfaite ; & il finie cet article en di- fant que les différentes repréfentations des centaures n'avoient aucun rapport à Xéqui- tacion. Une femblable alfertion ne peut rien prouver contre l'ancienneté de l'art de mon- ter à cheval , qu'autant qu'on s'eft fait un principe de n'en pas admettre Pexiftençe avant un certain temps. M. Freret , à qui la foiblelfe de fon raifonnement ne pouvoit être inconnue , a cru lui donner plus de force en jetant des nuages fur l'ancienneté de la fiction des centaures ; il a donc pré- tendu qu'elle étoit poflérieure à Héfiode & à Homère , & qu'on n'en découvrait aucune trace dans c^s poètes. Mais il n'y aura plus ri.n qu'on ne puilîe nier ou rendre problématique , quand on détournera de leur véritable fens , les ex- prelTions les plus claires d'un auteur. Homère Clliad. 1. 1 & II.) appelle les centaures des mon/Ires couverts de poil, Qkp*s x*K*naUs ab equitatu congregando ; ce qui prouve une connoif- fance & un ufage antérieurs de la cavalerie. Cet établifTement de Lycurgue , tout fage qu'il étok , fbufTrit enfuite diverfes altéra- tions ; mais il ne fut jamais entièrement aboli. Les hommes choifis, qui, fuivant l'in- tention du législateur , avoient été deftinés pour combattre à cheval , s'en difpenferent peu à peu , & ne fe chargèrent plus que du foin de nourrir des chevaux durant la paix , qu'ils confioient pendant la guerre (h) à tout ce qu'il y avoit à Sparte d'hommes peu vigoureux & peu braves. M. Freret confond en cet endroit Tordre des temps. e q u A la bataille de Leuâres , dit-il , la cavalerie Lacédémonienne étoit encore très-mauvaifè, | félon Xénophon ; elle ne commença à de- venir bonne qu'après avoir été mêlée avec I la cavalerie étrangère ; ce qui arriva au temps I d'Agéfilaùs : ce prince étant paffé dans l'Afie ! mineure , leva parmi les Grecs Afiatiqucs \ un corps de 1500 chevaux, avec Iefquels il repafïà dans la Grèce , & qui rendit de | grands fervices aux Lacédémoniens. Agéfiîaùs avoit fait tout cela avant la ba- taille de Leucrres. La fuite des éve-nemens eft totalement intervertie dans ces réflexions de M. Freret. Il fuit de cette explication , qu'encore que les cavaliers Spartiates n'aient pas toujours combattu à cheval , il ne laif- foit pas d'y avoir toujours de la cavalerie à Sparte , mais à la vérité très-mauvaife : on le voit fur-tout dans Phiftoire des guerres kde MefTene. Paufanias , Vv. IV. II eft à propos de remarquer que Strabon , fur lequel M. Freret s'appuie en cet endroit , prouve contre lui. Lorfque cet auteur dit ( Strabon , /. X. ) que les hommes choifis , que Fon nommoit à Sparte les cavaliers 3 fervoient à pié ; il ajoute qu'ils le faifoient à la différence de ceux de l'ifîe de Crète : ces derniers combattoient donc à cheval. Or , Lycurgue avoit puifé dans l'iOe de Crète la plupart de fes loix ; parconféquent l'ufage de là cavalerie avoit précédé dans la Grèce le temps où ce Iégiflateur a vécu. S'il eft vrai qu'au commencement des guerres de MefTene les peuples du Péio- ponnefe fuiTent très-peu habiles dans l'art de monter a cheval (c) , il l'eft encore da- vantage qu'ils ne fe fervoient point de chars ; on n'en voit pas un feul dans leurs armées, quoiqu'il y eût de la cavalerie. Il eft bien fingulierque ces Grecs , qui , dans les temps héroïques n'avoient combattu que montés fur des chars , qui encore alors fe faifoient gloire de remporter dans les jeux publics le prix à Iacourfe des chars , aient cefTé néan- {b) Equos enim locupleùores alébant; cjim vtro in expeditionem eundum ejffit , veniebai is qui dejignatut trat , & equum & arma . . . qualiofumque accipiebat , atqut militabat. Equis inde milites corporibus imbecilUs , animifquc languentes imponebant. Xénoph. hift; Grecq. lib. VI. (c) L'état de foible & que la façon la plus fimple & la plus aifée de faire ufage des chevaux, celle par où l'on a dû commencer , a été de les attacher à des fardeaux , & de les leur faire tirer après eux : « par-là , dit-il , m la fougue du cheval le plus impétueux eft » arrêtée , ou du moins diminuée. ... Le » traîneau a dû être la plus ancienne de » toutes les voitures ; ce traîneau ayant été y) pofé enfuite fur des rouleaux, qui font » devenus des roues lorfqu'on les a atta- ?y chées à cette machine , s'éleva peu à peu » de terre , & a formé des chars anciens à » deux ou à quatre roues. Quelle combi- » naifon , quelle fuite d'idées il faut fup- m pofer dans les premiers hommes qui fe » font fervis du cheval ! Cet animal a donc » été très-long-temps inutile à l'homme , » s'il a fallu , avant qu'il le prît à fon fer- » vice , qu'il connût l'art de faire des liens, » de façonner le bois, d'en conftruire des EQU 883 » traîneaux. Mais pourquoi n'a- 1- il pu » mettre fur le dos du cheval les fardeaux » qu'il ne pouvoir porter lui-même ? Ne » diroit-on pas que ie cheval a la férocité » du tigre & du lion , & qu'il eft le plus » difficile des animaux , lui qu'on a vu fans » bride & fans mors obéir aveuglément à » la voix du numide ? » Mais pour com- battre un raifonnement auiïi extraordinaire que celui de M. Freret , il fuffic d'en ap- peller à l'expérience connue des îiecles paflés & à nos ufages préfens : on ne s'avife d'at- teler les chevaux à des charrues , à des char- rettes , &c. qu'après qu'ils ont été domtés , montés, & accoutumés avec l'homme ; une méthode contraire mettroiten danger la vie du conducteur & celle du cheval. Mais l'hiftoire dépofe encore ici contre cet aca- démicien : par le petit nombre de chars que l'on compte dans les dénombremens qui paroiflent les plus exa&s des armées ancien- nes , éV la grande quantité de cavalerie Çd)9 il eft aifé de juger que celle-ci a nécefTaire- ment précédé l'ufage des chars. Ce n'eft pas qu'on ne trouve fouvent les chars en nombre égal , & même fupérieur à celui des gens de cheval ; mais on a lieu de foupçonner qu'à cet égard il s'eft gliffé , de la part des copiftes , des erreurs dans les nombres. On en eft bientôt convaincu , quand on réfléchit fur l'impoiTibilité de mettre en bataille & de faire manœuvrer des vingt ou trente mille chars (e) : on obferve d'ailleurs , que bien-loin de trouver dans les temps mieux connus cette quantité extraordinaire de chars , chez les peuples mêmes qui en ont toujours fait le plus grand ufage , on en compte à peine mille dans les plus formi- dables armées qu'ils aient mis fur pied (f). Pour terminer enfin cet article , je tire de M. Freret même une preuve invincible que V equitation a dû précéder dans la Grèce j l'ufage des chars. Selon cet auteur , les chevaux croient 1 rares en ce pays : on n'y en avoit jamais vu I de fauvages , ils avoienr tous été amenés de ' dehors. Dans les anciens poètes , on voit ( genre nerveux , qui font aujourd'hui fi fréquentes. Mais pour retirer de l'exercice du che- val tous les avantages dont nous venons de faire l'énumération , on doit obferver avec exactitude les règles fuivantes. i°. On e q u doit choifir un cheval docile , bien drefTë', dont les mouvemens ne (oient pas rudes 6c fatigans , & fur lequel le cavalier foit afïis à fon aife , fans avoir les jambes ni trop tendues ni trop raccourcies dans l'étrier. 2°. On doit commencer cet exercice par de petites promenades qu'on pourra infen- fiblement prolonger chaque jour jufqu'à trois ou quatre lieues le matin , & autant fur le foir dans les maladies invétérées , opiniâtres , hypocondriaques , fcorbuti- ques , & dans les affections de la poitrine. Mais on doit fur-tout obferver la règle que je viens de prefcrire , lorfque la maladie vient d'un fang épais , & qui ne peut cir- culer qu'avec beaucoup de peine & de lenteur dans les petits vaifîèaux capillaires ; car fi on donnoit un mouvement trop violent & trop long au fang avant qu'il foit atténué , & qu'il ait acquis une flui- dité fumfante , ne pouvant faire fon che- min dans les petits vaifîèaux , il feroit obligé de s'arrêter & de rétrograder dans les gros vaifîèaux ; ce qui produiroit des douleurs dans les membres , & une lafîi- tude générale de tout le corps , & dégoû- terait le malade de cet exercice qu'il croi- rait lui être nuifible. C'eft fur - tout les hypocondriaques que cette règle regarde. 3°. On ne fauroit prefcrire au jufte le de- gré d'aâion & de fecouffe qui convient à chaque malade : cela dépend de la force , du tempérament, de l'âge du malade , de l'habitude de monter à cheval , & de mille autres circonffances fur lefquelles on ne fauroit donner des règles précifes , & c'eft fur quoi on doit confulter fon médecin , & fe confulter foi- même. En général , les courfes violentes au galop , trop continuées, font prefque toujours nuifibles , elles fati- guent la poitrine en accélérant trop la ref- piration , elles diminuent la tranfpiration infenfible ; & l'expérience nous apprend que les couriers à cheval , qui font ce métier tous les jours , meurent la plupart dans la fleur de leur âge , ou du moins ils ne parviennent pas à un âge fort avancé. 4.0. On doit prendre cet exercice deux fois le jour , le matin après le lever du foleil & avant les grandes chaleurs , & l'après midi fur les cinq à fix heures avant le coucher du foleil ; on doit , dans les maladies de E Q U poitrine , éviter foigneufement^es'expofer au ferein du foir , à la fraîcheur du matin , & à l'air humide & pluvieux. Il faut auffi éviter de monter à cheval lorfque l'eftomac eft trop chargé d'alimens , & avant que la digeftion foit à peu près faite ; le mouvement du cheval la trouble , la dérange , & fait entrer des fucs grofliers & mal préparés dans le fang , qui font la caufe d'une infinité de maladies. Cette E Q U 8S7 Comme l'exercice du cheval donne ordi- nairement beaucoup d'appétit , on peut permettre à ceux qui en font ufage , de manger un peu plus que de coutume ; mais il faut qu'ils s'abftiennent de toute nourriture groffiere , venteufe & indigefte : ils doivent aufîi obferver avec foin de ne pas trop charger leur eftomac à la fois , & de faire plutôt quatre repas par jour , fur- tout dans les climats tempérés & froids , règle fouffre cependant quelque exception , j & cette règle regarde fur-tout les jeunes car il y a des tcmpéramens , & fui -tout' les bilieux , qui ne peuvent fupporter aucun exercice violent , & fur-tout celui du cheval , lorfque leur eftomac eft entiè- rement vuide ; les perfonnes qui font dans ce cas , doivent prendre un bouillon ou quelque nourriture légère & de facile di- geftion avant que de monter à cheval. 50. Les hypocondriaques & les perfonnes qui font fujettes aux vents , feront bien de porter une ceinture qui foutienne les mufcles du bas - ventre & qui empêche que les vents ne procurent trop de dilata- tion aux inteftins , fur-tout s'ils font d'un tempérament foible & délicat. 6°. Quoi- que cet exercice foit utile & quelquefois néceffaire en tout temps , il convient gé- néralement mieux dans le printemps & dans l'automne , & on doit , autant qu'il eft pofîible , choifir un temps calme & tranquille, & exempt d'humidité, & ne point s'expofer d'abord après cet exercice à l'air froid & humide qui cauferoit une fuppreiîion fubite de la tranfpiration , qui pourroit avoir des fuites fâcheufes ; & fi le malade fe trouvoit altéré au retour de fa promenade , il doit éviter de faire ufage d'aucune efpece de boiflbn froide : elle fupprimeroit la tranfpiration & pourroit avoir des fuites fâcheufes , & même pro- curer des maladies inflammatoires de poi- trine. 70. On ne doit pas permettre à ceux qui montent à cheval de prendre leur repas d'abord après leur retour ; on doit attendre au moins une heure , afin de donner aux humeurs le temps de fe re- mettre dans le calme , & la tranquillité ordinaire ; car Sandorius a obfervé que îorfqu'on prend fon repas d'abord après l'exercice , la tranfpiration diminue confi- dérablement ; ce qui eft fort nuifible. gens , car les vieillards ont beaucoup moins befoin de nourriture que les jeunes gens qui font encore dans la vigueur de l'âge. 8°. Dans les maladies de poitrine , fur- tout dans la phthifie , & dans les obftruc- tions invécérées & opiniâtres , il ne fuffit pas fouvent de s'en tenir à de {impies promenades de cheval dont nous venons de parler , mais il faut entreprendre de longs voyages , fi on veut les déraciner entièrement ; on a beaucoup d'exemples de perfonnes qui ont été guéries des maladies les plus opiniâtres , par le moyen des voya- ges de longs cours, & fans prendre aucun remède. Q°. Le trot du cheval eft pour l'ordinaire le pas qui eft le plus falutaire pour toutes les efpeces de maladies qui demandent cet exercice ; mais on doit fe procurer un cheval dont le trot foit doux & qui ne fatigue pas trop le malade , fur- tout s'il eft d'un tempérament délicat , & qu'il foit affoibli par une longue maladie. Ce pas , par les petites fecouffes réitérées qui augmentent l'ofcillation des vaifleaux , eft beaucoup plus propre que tout autre à détruire les engorgemens des glandes , des vifeeres & des petits vaifleaux obftrués , & à rétablir le ton & le reflbrt de tous les folides. Après les règles que nous venons d'ex- pofer fur l'exercice du cheval , qui font d'une nécefïité indifpenfable pour la gué- rifon des maladies , doit-on être furpris fi on voit tous les jours beaucoup de per- fonnes qui en font ufage fans en retirer aucun effet falutaire , parce qu'elles ne veulent point fe gêner dans leur genre de vie ordinaire , ni fe mettre en peine d'ob- ferver aucune des règles que nous venons de preferire? (B) En faifant fentir ici la nécefTité de l'exer- 8S8 E Q U cice pour les hommes , nous n'avons garde de ne pas comprendre les femmes fous certe dénomination. En efFec la ftru&ure de la femme , à l'exception des différences fexuelles , eft toute femblable à celle de l'homme. Principes , économie , fondions animales , tout eft exactement conforme & commun entre ces deux êtres. Le mou- vement leur eft aufti également naturel. L'agitation inféparable de l'enfance eft fa- milière aux deux fexes. Tous deux à ce bel âge font livrés de pafïion aux mêmes exercices. Ce n'cft que la réferve de l'édu- cation des filles , qui les empêche de fuivre auffi librement le penchant que la nature leur a donné pour tous les mouvemens précipités , & fi on les y voit moins adon- nées , on n'eft pas fans s'appercevoir aifé- menr de l'état de contrainte où elles font , combien elles fouffrent impatiemment cette gêne , & combien elles envient en ce moment le fort des jeunes garçons de leur âge. Dans un âge plus avancé , ne voit -on pas même dans les condrions fupérieures , de jeunes filles &: des femmes mariées , monter volontiers â cheval , aller à la pêche , à la chaîTe , Ùc. ï Ces exercices loin de prendre fur leur tempérament , au contraire le fortifient , & rendent leur fanté plus aflurée. N'a-t-on pas vu fouvent des femmes fuivre leurs maris à la guerre , & ne reculer pour aucune des fatigues , compagnes nécelTaires de ce dangereux métier ? D'autres , dans nos campagnes , labou- rent , fouillent perpétuellement la terre , coupent les bleds , & partagent avec les hommes les plus durs travaux de l'agri- culture. D'autres , encore , plient fous le poids des fardeaux , marchent tout le jour , endurent les froids les plus rigou- reux , comme les chaleurs les plus fortes, couchent fur la dure , fans même que la groftefîe leur ferve de prétexte pour s'exempter d'un genre de vie aufîi dur & an Ai pénible. Qu'on ne nous allègue donc plus la prétendue foibklTe des femmes , & ne foyons pas afiez dupes pour compatir â la parefife de nos dames du bon ton , & de toutes nos petites maîtrefiès. Cette foiblefle E Q U dont elles prétendent fe couvrir , eft leur propre ouvrage , & le prétexte ou l'effet de leur feule molleffe. Ayons le courage d'être un inftant rigoureux à leur égard. Notre défaut de complaifance à ce point, deviendra pour elles le fervice le plus fi- gnaié que nous puillions jamais leur ren- dre. En attendant que nous puiftions leur infpirer ce defir de s'adonner chaque jour, pendant quelques heures , à un exercice Llutaire , & jufqu'à ce qu'elles puilTent prendre allez fur elles-mêmes , pour ne pas redouter de donner à peu près autant de mouvement à leurs pies , qu'elles en donnent à leur langue, voici une mécha- nique ingénieufe , qui peut avantageuse- ment fuppléer à leur nonchalanre inaction , & à la pareffe criminelle de tous les hom- mes qui fe dégradent affez , pour ne pas craindre de leur reffembler. Cette machine appellée tabouret ou fiege d'equuation, eft la plus lefte & la plus fimple qu'on ait encore imaginée , & de beaucoup fupérieure au famtux tiémoujjoir du teu aube de Saint-Pierre. Elle confifte en un fiege folidement placé au milieu d'un équipage de leviers fufpendus ait plancher d'une chambre. Cet équipage eft formé par deux perches de jeune bois de frêne , traverfées dans le milieu par un axe de rotation , qu'on attache aux poutres d'un plancher De l'extrémité de ces perches , defeendent des courroies qui fouriennent un marche- pié , fur lequel on aftujettit , pour s'y aflèoir , un tabouret , ou même un petit fauteuil , élevé convenablement , & rendu mobile fur quatre pies fixes. En tirant foi-même de delTus le fiege , tantût un , & tantôt deux cordons de foie , lefquels font jouer enfemble ou fépaiément deux petits leviers ajuftés entre les perches , on tait jouer & marcher la machine \ & aftis fort à fon aife , on fe donne tous les mouvemens que l'on peut éprouver fur un bon cheval. On peut auffi aller le pas , l'amble , le trot & le galop , félon le degré de force ou de légèreté que la perfonne qui monte la ma- chine , a la volonré d'imprimer à fes mou- vemens, & qu'elle peut accélérer ou ralentir à fon gré. Au EQU Au refte , ce fîege iïéquitarion eft tel- lement combiné dans les mouvemens , qu'il repréfente encore les fauts en avant , \qs coups de derrière , les cabrioles du cheval , les voltes & autres allures du manège , ainfi que le balancement de l'efcarpolette : en forte que l'on peut prendre , afïis commodément , tous les plaifirs du cheval, & autres mouvemens que l'on veut , & de toutes les manières dont on peut s'avifer , fans courir aucun rifque , fans crainte de chute , d'autant que les mouvemens ne fe peuvent point répéter plus fouvent , ou plus vivement qu'on ne le juge à propos, le tout fans fortir de fa chambre. D'ailleurs , cette machine , quoique très- folide , & de l'équilibre le plus parfait , offre encore la commodité de fe brifer & de fe démonter entièrement , pour pouvoir être déplacée & tranfportée par-tout où l'on peut avoir deffein de la replacer. Elle a encore l'avantage de pouvoir s'éle- ver au plancher de la chambre dans la- quelle elle eft fufpendue , & de s'y fixer de manière à ne point embarrafîer après l'exercice. Le fiege préfente en differens côtés tous les appuis néceflàires à l'ufage des femmes, des vieillards & des convaîefceas , qui ne pouvant fe procurer par eux - mêmes les fecouffes de Yéquitation , font dans le cas d'employer le fecours d'une main étran- gère. Un domeftique , en tirant les rênes ou cordons de cette machine , lui fait faire tous les mouvemens que la perfonne qui prend cette forte d'exercice juge à propos. On voit , par cette defcription , de quelle utilité & de quel avantage eft une ma- chine d'une aufii ingénieufe invention , & combien elle eft bonne à rappelîer la tranf- piration fi néceflaire aux perfonnes âgées, à certains valétudinaires , aux perfonnes attaquées de la goutte , & en général à tous ceux qui font dans le cas de mener une vie fédentaire; enfin , combien elle eft propre à diftiper les obftruâions , fources de toutes les maladies , à chafîèr les ven- tofités fi incommodes & fi nuifibles , à procurer une plus libre circulation du fang & de la lymphe , & par conféquent à Tome XII. EQU 889 ranimer la gaieté & l'appétit, & ainfi à rétablir & maintenir la famé. On peut aufïi , au lieu de tabouret , de fauteuil ou autre fiege , adapter à la place un cheval artificiel , fellé & bridé. Pour lors les mouvemens , quoiqu'effen- tiellement les mêmes qu'avec un fimple fiege , paroiftènt néanmoins plus réguliers ; ce qui forme un avantage de la plus grande confédération. En effet , au moyen d'un femblable cheval artificiel , on peut pré- parer de bonne heure les enfans aux pre- miers élémens du manège , fans leur faire courir aucuns rifques. Ainfi nous ne pou- vons qu'inviter les perfonnes aifées , & fur- tout les chefs de grande éducation , tels que les principaux àes fortes penfions , à faire l'acquifition d'une machine aufiî utile. Par fon moyen , les parens auront l'agrément de voir les enfans qu'ils leur confient , accoutumés dès leurs tendres années aux mouvemens du cheval , & familiarifés à un exercice d'un avantage & même d'une néceffité fi abfolue , qu'il devroit entrer dans toutes les éducations. M. Genneté , premier phyficien & mé- chanicien de l'empereur , eft l'inventeur de cette admirable machine. (4-) ÉQUITÉ , fubft. f. C Morale , Droit politiq.j c'eft , en général , cette vertu par laquelle nous rendons à chacun ce qui lui appartient juftement , conformément aux différentes circonftances où chaque perfonne peut être relativement à notre égard & aux loix de la fociété. On confond quelquefois Y équité avec la jufiice ; mais cette dernière paroît plutôt défignée pour récompenfer ou punir, con- formément à quelques loix ou règles éta- blies, que conformément aux circonftances variables d'une a&ion. C'eft par cette raifon que les Anglois ont une cour de chancel- lerie ou d'équité , pour tempérer la févérité de la lettre de la loi , & pour envifager l'affaire qui y eft portée , uniquement par la règle de Y équité & de la confcience. Cette cour de chancellerie eft un des beaux: érablifTemens qu'il y ait en Angleterre , & des plus dignes d'être imité par les nations ciyilifées. En effet , l'intérêt d'un fouverain & fon amour pour fes peuples , qui l'engage à Vvvvv 890 EQU prendre garde qu'il ne fe faflè rien dans lbn empire de contraire au bien commun , demande auiïi qu'il redrefle , qu'il redifïe , & qu'il corrige ce qui peut avoir été fait de te!. Aïn&Véquité, prife dans ce fens particu- lier, eft une volonté du prince, difpofée par les règles de la prudence à corriger ce qui fe trouve dans une loi de fon état, ou dans un jugement civil de la magiftrature établie par fes ordres , quand les chofes y ont été réglées autrement que la vue du bien commun ne le demanderait dans les circonstances propofées ; car il arrive fou- vent que la loi fe fervant d'expreflions générales , où la foiblefle de l'efprit humain étant telle qu'elle empêche les Iégillateurs de prévoir tous les cas poflibles , les chefs de l'état s'éloignent du but auquel ils ten- doient fincérement. L'amour du bien commun exige donc alors , que les Iégillateurs même , après avoir examiné de près les circonftances du cas préfent mieux qu'ils n'ont pu le faire en fenvifageant de loin, corrigent par une cour d'équité, à la faveur de la con- noiflance plus parfaite qu'ils ont des chofes expofées à leurs yeux , ce qu'ils avoient établi pour règle là deflus. C'eft de la loi naturelle que tire toute fon autorité un jugement favorable , où l'on prononce, non à la rigueur, mais avec un adoucilîèment équitable ; & par confé- quent cette loi naturelle eft la vraie fource de X équité y digne de toute notre attention. Voyez Loi naturelle-. Outre fon ufage très-important dans la correction des Ioix civiles , & quand il s'agit de faire de telles loix , elle eft de la dernière nécefîité dans les cas où les loix civiles fe taifent , & pour le dire en un mot , dans la pratique de tous les devoirs des hommes les uns envers les autres , dont elle eft la règle & le fondement. En effet , ce n'eft point des conventions humaines & arbitrales que dépend Y équité ; fon origine eft éternelle & inaltérable , de manière que fi nous étions libres du joug de la religion , nous ne devrions pas l'être de celui de X équité: aufli quelle joie, dit M. de Montefquieu , quel plaifir pour un hosnme , quand il s'examine , de trouver EQu qu'il a le cœur jufte ! Il voit fon être autant au deflus de ceux qui ne goûtent pas ce bonheur , qu'il fe voit au deflus des tigres & des ours. Oui , Rhédi , ajoute cet aimable & vertueux écrivain , fous le nomà'Usbek ÇLçtt. Perf. Ixxxj. ) , fi j'étois fur de fuivre inviolablement cette équité que j'ai devant les yeux , je me croirois le premier des hommes ! Voyez DROIT, JUSTICE, ÉCONOMIE POLITIQUE, BlEN, Mal, Ùc Article de M. le chevalier DE JAUCOURT. * Équité, (Mythol) divinité des Grecs & des Romains. Ils la repréfentoient tenant une épée d'une main , & une balance de l'autre. Ils la confbndoient quelquefois avec Aftrée & avec la Juftice ; quelque- fois ils l'en diftinguoient. Pindare donne trois filles à X Équité, la Paix, Eunomie , & Dicé. EQUIVALENT, adj. ( Philo f. ) fe dit de ce qui a la même valeur , la même force & les mêmes effets qu'une autre chofe Voyez Égalité. II y a plufleurs fortes $ équivalence : dans les proportions , dans les termes , & dans les chofes. Les propositions équivalentes font celles qui difent la même chofe en différens ter- mes , comme : il eft midi jufte : le foleïl pajje au méridien au deflus de Vhori\on. Les termes équivalens font ceux qui , quoique différens pour le fon , ont cepen- dant une feule & même Signification , comme temps & durée y &c. Les chofes équivalentes font ou morales , ou phyftques, ouftatiques : morales, comme quand nous difons que commander ou confeiller un meurtre , eft un crime équi- valent à celui du meurtrier : phyftques 9 comme quand on dit qu'un homme qui a la force de deux hommes , équivaut à deux : flanques y comme quand un moin- dre poids équivaut à un plus grand , en l'éloignant davantage du centre. Cham- btrs. ÉQUIVALENT , ( Jurifpr.) eft une im- pofition qui fe paie au roi dans la province de Languedoc , fur certaines marchandifes : on la nomme équivalent y parce qu'elle fut établie pour tenir lieu d'une aide que l'on payoit auparavant. Pour bien entendre E Q U ce que c'eft que cet équivalent , & à quelle occaflon il fut établi, il faut obferver que Philippe de Valois , dans le temps de fes guerres avec l'Angleterre , ayant établi une aide ou fubfide fur le pié de 6 deniers pour livre de toutes les marchandifes qui feroient vendues dans le royaume , le roi Jean , du confentement des états , porta ce droit jufqu'à 8 deniers , & Charles V , à 12 deniers , ce qui fait le vingtième ; & pour le vin vendu en détail , il en fixa le droit au huitième , & au quatrième du prix , félon les difFérens pays où s'en faifoit la vente. Charles VI , au commencement de fon règne , déchargea fes fujets de cette im- poli tion. Elle fut rétablie par Charles VII, d'abord par tout le royaume , mais il la fupprima en 1444 , pour le Languedoc feulement , au moyen d'une fomme de 80000 livres qui fut promife & payée pendant trois années. Pour former cette fomme , il permit de lever un droit d'un denier pour livre fur la chair fraîche & falée , & fur le poiflbn de mer , avec le fixieme du vin vendu en détail. Ce droit fut nommé équivalent y parce qu'en effet il équivaloit à ï'impofition de l'aide. Les trois années étant expirées , & les befoins de l'état étant toujours les mêmes , le Languedoc fut obligé de continuer le même paiement , & même de l'augmen- ter ; car fous prétexte que la fomme de 80000 livres ne fuffifoit pas pour indem- nifer le roi de ce qu'il auroit pu tirer de l'aide , la province confentit à Ï'impofition d'un nouveau droit , montant à 1 1 1776 liv. pour remplir ce qui manquoit à la valeur de X équivalent ; à condition néanmoins , que fi la recette de X équivalent montoit à plus de 80000 livres , il feroit fait di- minution d'autant fur le nouveau droit , qui fut appelle , du nom de Ï'impofition commune , aide. En 14)6" , Charles VII diminua X équiva- lent y & le réduifit à 70000 livres ; mais en même temps il augmenta l'aide jufqu'à nocoo livres. Louis XI , en 1461 , céda le droit d'équi- valent à la province , au moyen de 70000 1. de préciput ; mais il ne paroît pas que E Q U 891 ce traité ait jamais eu d'exécution , comme il réfulte de la déclaration donnée à Lyon par François I , en 1522. On voit d'ailleurs , que Louis XI par des lettres du 12 feptembre 1467, attribua la connoiftànce de X équivalent , en cas de refïbrt & de fouveraineté , à la cour des aides de Montpellier ; & cette attribution fut confirmée par plufieurs autres patentes poftérieures , entr'autres par Charles IX , le 20 juillet 1565 ; de forte que nos rois ont toujours joui de X équivalent jufqu'à l'édit de Beziers , du mois d'octobre 1632 , par lequel Louis X I 1 1 en fit la remife à la province , & de toutes autres impofitions. Les états foîliciterent néanmoins la révoca- tion de cet édit , parce qu'il donnoit d'ail- leurs atteinte à leurs privilèges ; & ils obtin- rent en effet un autre édit au mois d'cdobre 1649 , qui confirma à la province la remife entière du droit de X équivalent 9 confirmée par celui de 1649 ; au moyen de quoi ce droit eft préfentement affermé au profit de la province : le bail monte annuellement à 335000 1. de forte que la province y rrouve un avantage confidérable , attendu qu'elle ne paie au roi fur cet article que 69850 liv. l'aide étant demeurée à fon point fixe & ordinaire de 120000 liv. Voye\ Patente DE LANGUEDOC. Voyelle Jiy le du par-? lement de Touloufe y par Cayron } page zj3. (A) ÉQUIVALENT eft aufîi le nom que l'on donne en certaines provinces à uneimpofi- tion qui tient lieu de la taille , comme on voit par des lettres du 10 mai 1643 > regif- trées en la chambre des comptes , portant établiffement de ce droit au lieu de la taille dans les ifles de Marennes. (A) ÉQUIVALENT , en quelques lieux, eft ce que le pays paie au roi au lieu du droie de gabelles , & pour avoir la liberté d'acheter & vendre du fel , & être exempt des greniers & magafins à fel. Voye[ le glq/f. de M. de Lauriere , au mot équi* valent. ÇA) ÉQUIVALENT eft auflï un droit qui fe paie en quelques provinces , comme Au- vergne & autres , pour être exempt du tabellionage. Voye\ le glojf. de M. de Lauriere ibid. (A) ÉQUIVOQUE , f. f. CGramm.Jdoubk Vvvvv 2. -•' S92 EQU fens d'une phrafe , produit par fa mauvaife conftruéfion. Les équivoques font des exprefîions lou- ches, qui rendent le difcours réellement obf- cur , & embarraffent l'efpritdu lecteur pour en découvrir le véritable fens. Les langues qui demandent de la clarté , & la langue Françoife en particulier , font ennemies de ces fortes d'ambiguités de conftruclion. Il eft vrai que toute la lecture de la période en fait d'ordinaire comprendre le fens , dès que 1 on y donne un peu plus d'attention ; mais il vaudront mieux que cela n'arrivât point ; car c'eft aux paroles à faire entendre Je fens , & non pas au fens à faire entendre les paroles. Si l'on vous relit deux fois , dit M. de Vaugelas, que ce foit pour vous admirer & non pas pour chercher ce que vous avez voulu dire. Le même critique a juftement remarqué que la plupart des équi- voques fe forment dans notre langue par les pronoms relatifs , pofTèflifs , & démonf- tratifs. Exemple du pronom relatif : c'efl le fils de cette femme qui a fait tant de mal. On ne fait fi ce qui fe rapporte à fils ou à femme ; de forte que fi l'on veut qu'il fe rapporte à fils , il faut mettre lequel au lieu de qui. Exemple du pronom poffeftïf : il a toujours aimé cette perfonne au milieu de- fort adverfité. Cefon eft équivoque ; car on ne fait s'il fe rapporte à cette perfonne ou à il, qui eft celui qu'on a aimé. Il en eft de même du pronom démonftratif. Les équivoques fe font encore , quand un mot qui eft entre deux autres fe peut rap- porter à tous les deux , comme dans cette période d'un célèbre auteur : je pafferai par- dejjiis ce qui ne Jtrt de rien ; mais auffi yeux- je bien particulièrement traiter ce qui me femblera nécejfaire. Le bien fe rapporte à particulièrement , & non pas à veux- je ; c'eft pourquoi pour écrire nettement , il faîloit mettre , aujjî vejux-je traiter bien particulièrement y te non pasraujfi veux- je bien particulièrement traiter. Le équivoques fe font enfin , quand on met quelques mots entre ceux qui ont du rapport enfemble , & que néanmoins les derniers mots fe peuvent rapporter aux mots qui font entre deux ; un exemple le va faire entendre : V orateur arrive à fon but y qui eft de ptrfuader y d'une jaçon toute EQU particuhere. L'intention de celui qui s'ex- prime ainfi , eft que ces mots , d'une façon toute particulière > fe rapportent à ceux-ci , arrive à fon but j mais comme ils font pla- cés , il femble qu'ils fe rapportent à per- fuader : il fau droit donc dire , l'orateur arrive d'une façon toute particulière à fon but , qui ejl de perfuader. Quoique ce précis , tiré de M. Vaugelas , puiiiè ici fuffire , il feroit bon d'étudier toutes les obfervations de cet auteur, de même que celles de nos meilleurs criti- ques , fur les équivoques de conftruclion ; car c'eft le défaut dans lequel tombent les plus grands écrivains , parce qu'il eft très- difficile de l'éviter , fi on n'y donne une grande attention, & fi on ne relit fouvent fes ouvrages à tête repofée , mais il ne faut pas en même temps porter fes timides fcrupules jufqu'à l'excès , énerver fon ftyle , & prendre l'ombre d'une équivoque pour une équivoque réelle. Equivoque fe dit aufTi dans notre langue d'un terme à double fens , dont abufent feu- lement ceux qui cherchent à jouer fur les mots. Voye[ PoiNTE ou JEU DE MOTS. Article de M. le chev. DE J AU COURT. ÉQUIVOQUE, (Morale. ) difcours ou propofition â double fens ; l'un naturel , qui paroît être celui qu'on veut faire en- tendre , & qui eft effectivement entendu de ceux qui écoutent; l'autre détourné, qui n'eft entendu que de la petfonne qui parle , & qu'on ne foupçonne pas même pouvoir être celui qu'elle a intention de faire en- tendre. C'eft un expédient imaginé pour ne point dire la vérité & ne point mentir en même temps ; mais cet expédient n'eft réellement qu'une tromperie condamnable dans ceux qui s'en fervent , parce qu'ils manquent à la bonne foi. Il n'y a , dit très-bien un de nos auteurs modernes , que lafubtilité d'une éducation fcholaftique qui puiffe perfuader que V équivoque foit un moyen de fauver du naufrage fa fincérité ; car dans le monde ce moyen n'empêche pas de pafîer pour menteur & pour mal-honnête homme , & il donne de plus un ridicule d'efprit très-méprifable. Cependant n'eft - il jamais permis de fe fervir de termes ambigus , ou même obfcurs ? Je réponds avec Grotius & PufFen- E Q U dorf, qu'on ne doit Jamais y avoir recours , à moins que ce moyen ne (bit néceffùire , par exemple , à i'inftruction de ceux qui font confies à nos foins, ou à éluder une quellion importance ou captieufe , qu'on n'a pas droit de nous faire , ou à nous procurer quelque avantage innocent fans nuire à un tiers. Du refte , toutes les fois qu'on eft dans l'obligation de découvrir clairement fa penfée à quelqu'un , il n'y a pas moins de crime à le tromper par une équivoque que par un menfonge. Enfin , de l'aveu même des païens , c'eft un lâche artifice & une infigne fourberie . que d'avoir recours aux équivoques lorfqu'il s'agit de contrat ou de quelque affaire d'in- têrec. En un mot , les équivoques font fi blâmables en général , qu'on ne peut ap- porter trop de réferve à fpécifier les cas fort rares où elles feroient innocentes. Article de M. le cheval DE J AU COURT. EQUIVOQUE, adj. (Médecine. ) eft aufïi l'épithere que donnent les médecins aux fignes qui ne conftituent pas efîentiel- lement le caractère d'une maladie , & qui ne la diftinguent pas d'une autre. Equivo- que en ce fens eft.oppofé à univoque y qui eft l'épithete des fignes qui conviennent uniquement à une maladie , tirés des fympromes qui en font inféparables. Voye\ 5IGNE. (d) EQUULEUS y voyez EqyicuLUS. E R ERABLE , f. m. aczr > (Hifi. nat. bot.) genre de plante à fleur en rofe , compofée de plufieurs pétales difpofés en rond. Il fort du calice un piftil qui devient dans la fuite un fruit compofé de deux , & quelquefois de trois capfules , qui font ter- minées chacune par un feuillet membra- neux , & qui renferment une femence arrondie. Tournefort infl. rei herb. Voye\ Plante. (I) Erable , (Jardinage.) C'eft un arbre de différente grandeur , félon les diverfes efpeces de fon genre. Plufieurs de ces érables croiffent naturellement en Europe , quelques-uns dans le Levant , & le plus grand nombre en Amérique. Il eft peu d'arbres qui raffemblenr autant de variété , E R A 893 d'agrément & d'utilité que ceux - ci , qui croifiènt avec plus de vîteflÇ & d'uniior- mité , qui s'accommodent m^x des plus mauvaifes expofitions, & qui exigent moins de foins & de culture ; qui refirent mieu . à toutes les intempéries des faifons , & que Ton puiffe pour la plupart multiplier avec plus de facilité. Toutes les efpeces d'érables que l'on connoît , femblent faites pour la tempéra- ture de ce climat : elles y réuiTiiTent à fou- hait ; elles s'y foutiennent contre quantité d'obflacles qui arrêtent beaucoup d'autres arbres , & elles remplirent tout ce qu'on en peut attendre. Dans les terres feches & légères , dans les lieux élevés & arides , dans les terreins les plus fuperficiels , on voit les érables profiter , groffir & s'élever aufîi- bien que s'ils étoient dans les meilleures terres de vallée. Les différentes efpeces de cet arbre offrent à plufieurs égards une variété dont on peut tirer grand parti pour l'embelliffement des jardins : la verdure de leur feuillage fait autant de différentes nuances qu'il y a d'efpeces d'érables : la? forme & la largeur des feuilles varient éga- lement , elles paroiftènt de bonne heure au printemps , & ne tombent que fort tard en automne : il y a auffi quelques efpeces qui donnent des fleurs d'une affez belle apparence. On peut diftinguer les différen- tes efpeces d'érables , en grands & en petits arbres. Les grands érables forment de belles tiges bien droites ; ils ont l'écorce unie & l'a feuille fort grande : on peut les préférer à beaucoup d'autres arbres pour faire des avenues , des bofquers , & du couvert. Les petits érables ont un accroifîement plus lent , le bois plus menu , & la feuille plus petite : iis font très-propres à former des paîiifades & des haies à hauteur d'appui , à quoi ils conviennent fouvent d'autant mieux , qu'ils ont le mérite fingulier de croître à l'ombre & fous les autres arbres. Voici les différentes efpeces d'érables les plus connues jufqu'à préfent. \S érable- fycomore , grand arbre qui croît narurellement dans quelques forêts de l'Eu- rope & de l'Amérique feptentrionale , &: plus ordinairement dans les pays de monta- gnes. Sa tige eft fort droite, fon écorce e& 894 E R A unie & roufsâtre : fa feuille efl large , lifte , découpée en cinq parties principales, d'un verd-brun en deffus , & blanchâtre en def- fous: fes fleurs viennent en grappes longues & pendantes ; elles font d'une couleur herba- cée , qui n'a nulle belle apparence: la graine qui en provient eft à peu près de la forme d'un pépin d'orange ; elle eft renfermée dans une double écaille , qui eft terminée par une aile légère. Cet arbre eft très-propre à faire des allées & du couvert fur les lieux élevés & dans les plus mauvais terreins ; il s'y fou- tient contre les grandes chaleurs & les lon- gues féchereffes , même dans les provinces méridionales de ce royaume , où l'on n'a pas eu de meilleure reflburce que de re- courir au fycomore pour remplacer avec fuc- cès différentes efpeces d'autres arbres qui avoient péri fuccemVement dans une partie du cours d'Aix en Provence , foit à caufe de la grande chaleur de ce climat , foit par rapport à la mauvaife qualité du fol. Cet arbre réuflit également dans les bonnes terres de la plaine & fur les croupes des montagnes expofées au nord ; il ne redoute aucune mauvaife qualité de l'air. M. Miller affure que le fycomore foutient mieux qu'aucun autre arbre les vapeurs de la mer. Mais un autre avantage particulier à cet arbre , c'eft qu'il réfifte parfaitement à la continuité & à la violence des vents ; en forte que pour fe garantir de leur impétuofité, & défendre à cet égard les bâtimens , les plantations & tout efpace que l'on veut abriter , c'eft cet arbre que l'on doit y employer par pré- férence.Le fycomore devient en peu de temps un gros & grand arbre ; il fe garnit d'un feuillage épais , qui donne beaucoup d'om- bre & de fraîcheur : il eft fi robufte , que les hivers les plus rigoureux de ce climat ne lui portent aucun préjudice , même dans fa première jeunefle , & qu'il foutient le froid exceftif qui fe fait dans le Canada , où cet arbre eft fort commun , & où l'on en tire la fève par incifion , dont on fait de bon fucre. Le bois du fycomore eft fec , léger , fonore , brillant , & d'une qualité fort approchante de celle du bois de hêtre : il n'eft pas fujet à fe tourmenter , à fe déjeter ni à fe fendre ; on l'emploie aux petits ou- vrages des tourneurs , menuifiers , fculp- teurs , armuriers , ébéniftes & luthiers. E R A Il eft propre aux mêmes ufages que le bois du tilleul & du hêtre : c'eft le meilleur de tous les bois blancs. On peut multiplier cet arbre de graine , de branches couchées , ou par le moyen de la greffe , fur les autres érables, & même en plantant les racines qu'on auroit retranchées du tronc d'un fy- comore. Mais cet arbre a quelques petits dé- fauts ; fes feuilles font d'un verd trop brun, & elles font fujettes à être gâtées par les in- fectes. Il eft vrai que fa verdure eft fort brune , & même encore plus foncée lorfque l'arbre commence à pouffer ; ce qui étant entièrement oppofé au verd naiffant & ten- dre de prefque tous les autres arbres , c'eft un contrarie de verdure dont on pourra tirer parti. On convient auftï que les han- netons attaquent fouvent les feuilles du fycomore ; mais ils ne l'endommagent pas affez , pour que l'arbre faffe un afpecl défa- gréable. ^ \1 érable fycomore panaché: c'eft une va- riété de l'efpece précédente, dont cet arbre ne diffère que par la couleur de fes feuilles , qui font plus ou moins bigarrées de jaune & de verd , & qui font un agrément fîn- gulier. On fait que ce mélange de couleurs , qui n'eft qti'un accident occafioné par la foibleffc ou la maladie de l'arbre , ou par la mauvaife qualité du terrein , ne fe fou- tient dans la plupart des autres arbres pa- nachés , qu'en les multipliant par la greffe , ou en couchant leurs branches , & nulle- ment en femant leurs graines , attendu que les plantes qui en naiffent , rentrent dans l'état naturel. Mais il en eft autrement du fycomore panaché , dont on peut conferver la diverfité de couleur , non feulement en couchant fes branches ou en le greffant fur le fycomore ordinaire , mais encore en fe- mant fa graine , qui produit des plants dont la plupart font panachés. %J érable plane > grand arbre qui fait une belle tige très-droite , dont l'écoi ce eft liffe & blanchâtre. Sa feuille a beaucoup de ref- femblance avec celle du platane , ce qui lui a fait donner le nom & érable plane ; mais elle n'eft ni fi grande , ni fi épaiflè, ni d'un verd fi tendre que celle du platane. Ses fleurs viennent en bouquets de couleur jaune, qui ont quelque apparence ; elles com- mencent à paroître avant les feuilles , à la E R A fin d'avril. La graine qui en provient eft plate & terminée par une aile , comme celle du fycomore. Après le platane , c'eft l'un des plus beaux arbres que l'on puifTe employer pour rembeîlifTement des jardins ; il a toutes les bonnes qualités du fycomore , avec lequel il a cant d'analogie & de ref- femblance, qu'on peut faire à Y érable plane l'application de tout ce que îôn vient de dire du fycomore ; mais il n'a pas, comme celui-ci , le défaut d'avoir des feuilles d'un verd trop rembruni , ni d'être fujet aux at- taques de quelques infe&es , qui au contraire ne portent aucune atteinte aux feuilles de Yérable plane , dont la verdure tendre & agréable fe foutient avec égalité pendant toute la belle faifon , & ne patte que fort tard en automne. Son feuillage étant encore plus fourni que celui du fycomore , il fait un meilleur couvert , & de plus belles al- lées en palifTade fur tige , pour Iefquelles V érable plane eft des plus convenables; mais il faut donner à ces arbres un quart de dif- tance moins qu'aux tilleuls , parce que cette efpece $ érable prend plus de hauteur que d'extenfion. Cet arbre croît encore plus promptement que le fycomore i j'ai vu fou- vent des plants venus de femence en terrein fec , s'élever jufqu'à douze pies en trois ans. Les Anglois lui donnent le nom d'érable de Norwege , parce que vraifemblablement il leur eft venu de ce pays-là , où il eft fort commun. Mais comme la plupart des jar- diniers de Paris , & ceux des provinces à plus forte raifon , confondent cet arbre avec le fycomore y il eft à propos de rapporter ici quelques caractères apparens , qui puif- fent les faire diftinguer l'un de l'autre. V éra- ble plane a P<*corce blanchâtre fur le vieux bois, les boutons rougeâtres pendant l'hiver, la feuille plate , mince , & d'un verd ten- dre ; les fleurs jaunes , difpofées en bou- quets relevés , & la graine applatie : le fy- comore au contraire a la tige plus grofTe , la tête plus étendue , I'écorce roufsâtre , les boutons jaunes en hiver , la feuille plus 'épaifle , plus brune , & un peu repliée en deftus ; les fleurs d'un petit jaune verdâtre , bien moins apparentes , difpofées en grappes pendantes , & fa graine eft ronde. ~U érable plane } panaché : c'eft une vériété de l'efpece qui précède, & à laquelle on E R A 895 peut appliquer ce qui a été dit plus haut du fycomore panaché ; iî ce n'eft pourtant qu'il n'eft pas encore certain qu'en femant les graines de celui-ci, on doive s'attendre que les nouveaux plants conferveront la même variété. Le petit érable plane , ou Y érable à fucre ; arbre de moyenne grandeur ; qui croît na- turellement dans la Virginie , où il eft fort commun , & où on lui donne le nom d'éra- ble à fucre. Sa tige eft très-droite & fort menue , fon écorce eft cendrée ; les boutons des jeunes branches font d'une couleur très- brune pendant l'hiver : fa feuille a beaucoup de refîèmblance avec celle de Y érable plane ordinaire ; mais elle eft plus grande , plus mince , & d'un verd plus pâle , tenant du jaunâtre en deflus , mais un peu bleuâtre en defïbus. Son accroiftement eft beaucoup plus lent que celui deY érable plane dont on a parlé ; il étend bien moins fes branches , & il ne fait qu'une petite* tête: il donne de la verdure de très-bonne heure au prin- temps , & avant tous les autres érables. Cet arbre eft encore fort rare en France ; mais il y en a plufieurs plants dans les jardins de M. de Buffon à Montbard en Bourgogne , qui , quoiqu'âgés de dix ans , n'ont encore donné ni fleur ni graine. Cet arbre eft très- robufte , il foutient les grandes chaleurs aufîi-bien que les longues fécherefles ; il ré- fifte à l'effort des vents impétueux & à la rigueur des grands hivers , & il prend p'us d'accroifTement dans un terrein fec & élevé , que dans les bonnes terres de vallée. On prétend que les habitans de la Virginie font de bon fucre , & en grande quantité , avec la fève qu'ils tirent de cet arbre parincifion. \J érable blanc : arbre de moyenne gran- deur , originaire de l'Amérique feptentrio- nale , fur-tout de la Virginie , où il eft plus commun qu'ailleurs. Il fait une belle tige droite : fon écorce fur le vieux bois eft plus blanche que celle d'aucune efpece d'érable ; mais celle des jeunes rameaux eft rougeâtre , ainfi que les boutons , pendant l'hiver : fes feuilles d'un verd brillant en deflus , & ar- gentin en defîbus , font une des grandes beautés de cet arbre ; elles deviennent rou<-- geâtres avant leur chute en automne. Dès le mois de janvier , dans les hivers peu; rigoureux , il commence à donner des fleurs- $96 E R A rougeâtres qui durent plus d'un mois , & qui l'ont aflez apparentes pour faire un af- pect agréable dans une telle faifon ; les grai- nes qui fuccedent , & qui font de la même couleur , font durer le même agrément pour autant de temps : peu après , ces graines fe trouvent en maturité , à moins que les fleurs n'aient été flétries par les gelées du printemps , qui gâtent fi fouvent les graines en Bourgogne , que des arbres^de vingt ans n'en ont point encore rapporte. Cet arbre exige plus de choix fur la qualité du fol , que les aunes efpeces & érables ; il perd de fa beauté dans les terreins fecs , élevés & fuperficiels : ce n'eft pas qu'il n'y grofTiflè & qu'il n'y prenne de l'élévation autant que les autres arbres de fon genre ; mais il n'y donne que de petites feuilles qui font peu d'ombrage , & qui tombent de bonne heure , fouvent même dès le commence- ment du mois de feptembre dans les an- nées trop feches. Il faut donc zY érable blanc une bonne terre , quelque culture & de l'humidité , pour l'amener à fa perfe&ion ; du refte , il ne dégénère pas des efpeces qui précédent , pour la viteffe de l'accroiftement & les autres bonnes qualités qu'on leur a attribuées. 1J érable blanc à grandes fleurs : arbre de moyenne grandeur , que l'on nomme com- munément en Angleterre Y érable Je Charles Wager ? parce que c'eft cet amiral qui l'a fait venir d'Amérique ; mais cet arbre n'eft point encore parvenu en France. Il a beau- coup de reffemblance avec le précédent , dont il ne diffère que par une beauté qu'il a de plus. Ce font fes fleurs de couleur écarlate , qui , au rapport de M. Miller , forment de très- grandes grappes , dont les plus jeunes branches font fl bien garnies , qu'à une petite diftance l'arbre en paroît tout couvert , ce qui eft caufe que l'on ne fait plus tant de cas de l'efpece précédente , qui a moins d'agrément. C'eft tout ce qu'a dit récemment M. Miller de ce bel arbre , qui auroit bien mérité quelque détail de plus. U 'érable à feuille de frêne : grand arbre qui nous eft aufti venu de la Virginie où il croit communément , & où il devient un des plus gros arbres. Sa tige eft droite. Son écorce eft cendrée fur le vieux bois , & E R A verte fur les jeunes branches. Sa feuille eft différente de celle de toutes les autres ef- peces d'érables ; elle eft compofée de trois & le plus fouvent de cinq lobes ou petites feuilles , tenant à une même queue & irré- gulrérement échancrées ; ce qui a fait donner à cet arbre le nom & érable à feuille de frêne y quoique cette reflèmblance foit fort impar- faite. Ses fleurs , d'une couleur herbacée qui n'a nulle belle apparence , viennent en lon- gues grappes pendantes & applaties. Les graines qu'elles produifent font plates auiïi , j toujours jumel'.es , & recourbées en dedans. ! Cet arbre mérite qu'on s'attache à le mul- I tiplier ; on peup en tirer de l'agrément pat: j rapport à fon beau feuillage qui eft d'un ' verd tendre , & dont lafpecl a l'air étranger. j II réuftit dans tous les terreins ; il réfifte à l'intempérie des différentes faifons dans ce climat. Son accroifïement eft très-prompt , & fa multiplication des plus faciles. Le plus court procédé pour y parvenir , c'eft d'en faire des boutures dont le fuccès n'eft jamais équivoque , & conduit d'ordinaire à les voir s'élever jufqu'à fept pies en deux ans; même dans un terrein léger & fec , pourvu qu'on leur fafîè de l'ombre. Il feroit avantageux de multiplier cet arbre par l'utilité que l'on pourroit retirer cie fon bois , qui eft d'aufTi bonne qualité que celui des autres efpeces d'érables. L'érable à feuille ronde , ou l'opale : il croît naturellement dans les pays méridio- naux de l'Europe , fur-tout en Italie & par- ticulièrement aux environs de Rome , où il eft l'un des plus grands arbres de ce canton- là , & où on lui donne le nom d'opale. Cet arbre eft à peine connu en France : il eft même très- rare en Angleterre , quoique aflez robufte pour le plein air. Mais comme M. Miller aflure que l'on fait cas de l'opale en Italie à caufe de la beauté de fon feuil- lage , qui faifant beaucoup d'ombre engage à le planter le long des grands chemins & proche des maifons de plaifance , il faut ef- pérer que le goût qui règne pour l'agricul- ture , portera les amateurs à faire venir des graines de cet arbre pour le multiplier. L' érable commun, ou le petit éi aide : arbre très-commun en Europe, tantôt petit,tantôt élevé , félon fa pofïtion , ou fuivant la qua- lité du fol. Comme il ctoît volontiers dans les E R A les mauvais terreins , on ne le voit ordinai- rement qu'en fous-ordre & de Ja forme d'un arbrifTeau dans les haies , les buiftbns , & les places vagues ; mais s'il fe trouve en bonne terre , & qu'on lui laifTe prendre fon accroifîement parmi les autres grands arbres des forêts, il s'élève & groffitavec le temps jufqu'au point , que j'ai vu de ces érables qui avoient plus de cinquante pies de haut, & jufqu'à fept ou huit pies de pourtour. Cet arbre fait de lui-même une tige droite ; & fi on le voit fou vent tortu & rabattu , c'eft parce qu'il aura été endommagé par. le bétail , ou dégradé par d'autres atteintes. Son écorce eft brute, ridée, & fort iné- gale , même fur les jeunes branches ; bien différent en cela des autres efpeces à'érables, j qui tous ont l'écorce très-unie. Sa feuille eft petite , d'un verd pâle , & découpée en cinq parties principales. Ses fleurs, verdâtres & de peu d'apparence , viennent en bou- quet. Ses graines font jumelles, plates, aiiées, & plus petites que celles des grands érables. Cet arbre eft très-robufte; il croît promp- tement, il fe plaît dans tous les terreins , & par préférence dans ceux qui font fabîon- neux , élevés & fupernciels ; il fe multi- plie aifément, & même par la fimple voie des boutures ; il réufiit très-bien à la tranf- plantation : on peut l'employer de toute hauteur , fans qu'il faille retrancher beau- coup de branches. On en fait ufage dans les jardins , pour former des palifîades & d'autres embellifîemens de cette efpece ; mais le cas que l'on fait aujourd'hui de cet arbre , n'eft pas fondé fur les feules bonnes qualités que l'on vient de rapporter , il eft d'une refîburce infinie pour fuppléer à la charmille par-tout où elle refufe de venir , foit à caufe delà mauvaife qualité du terrein, ou par le défaut d'air fufhfant. Le petit érable a le mérite fingulier de croître avec fuccès dans les terres ufées & défeclueufes, & il réufîit également dans les endroits trop reftèrrés & à l'ombre, & fous le dégoutte- ment des autres arbres. Son bois eft blanc & veiné , affèz dur , quoique léger , & d'un grain fin & fec ; il eft bon à brûler , très- propre aux ouvrages du tour , & fort utile â d'autres petits ufages. U érable de Montpellier: petit arbre qui vient naturellement dans les provinces mé- Tome XIL E R A §97 rîdionales de ce royaume , fur-tout aux en- virons de Montpellier où il eft commun. Cet arbre peut être comparé à Y érable com- mun pour le volume ; il fait quelquefois un aftèz bel arbre. J'en ai vu qui s'étoient élevés à plus de trente pieds , & qui en avoient quatre de pourtour ; mais plus ordinaire- ment il n'a pas moitié de ce volume , fur- tout lorfqu'iî n'a pas été cultivé. Il ne croît pas fi vite ni fi droit que le petit érable. La couleur de fon écorce eft d'un brun rouf- sâtre. Sa feuille eft petite , lifte , ferme & découpée en trois parties qui font égales & fans dentelures : elle eft d'un verd brun & brillant en defîus, & d'un petit blanc bleuâtre en deftbus. Ses fleurs difpofées en bouquet , font jaunâtres & aflez apparentes. Ses graines font petites , rondes , ailées , & elles vien- nent par paires ; on pourroit faire ufage de cet arbre pour l'ornement d'un jardin , où il feroit plus propre que le petit érable à former des pahiïàdes ; fes jeunes rameaux font plus fouples que ceux de ce dernier arbre , il pouffe plus fbiblement , & fa ver- dure eft plus belle. Quoique originaire des contrées méridionales de ce royaume , il réfifte parfaitement au froid de nos provinces feptentrionales ; il garnit bien une paliftàde , fa verdure eft fiable , & fon feuillage n'eft nullement fujet à la déprédation des infec- tes ; il ne fe refufe à aucun terrein , il réufîit bien à la tranfplantation ; mais ii n'eft pas facile de le multiplier au loin , parce qu'il faut femer fes graines au moment de leur maturité ; elles ne lèvent pas dès qu'il faut du retard pour les faire arriver à leur defti- nation , à moins pourtant qu'on n'eût pris la précaution , fi utile pour la plupart des graines , qui eft de les envoyer dans de la • terre. L'érable de Candie: petit arbre originaire desifles de l'Archipel, oùil eft fort commun. C'eft le plus petit de tous les érables connus. J'en ai vu de fort âgés que l'on avoit laifte croître à leur gré dans un bon terrein , & qui n'avoient que dix-huit pies de haut & cinq pouces de diamètre. Cet arbre au pre- mier afpect a beaucoup de reflèmblance avec le précédent. Son écorce eft un peu gvife. Sa feuille , qui eft aufîi découpée en rrois parties , a quelques dentelures irréguiieres ; elle eft comme celle de l'arbre précédent , Xxxxx 898 E R A d'un verd foncé & brillant en de/Tus , & du même verd en deflbus , & la queue qui foutient cette feuille eft très-courte , au lieu que dans l'autre efpece elle eft fort longue. La fleur & la graine n'ont pas des différences bien fenfibles. Cet arbre a toutes les bonnes qualités de Yérable de Montpellier , & quel- ques avantages de plus ; tels que la facilite de pouvoir le multiplier par le fïmple moyen des boutures, & le mérite particulier de conferver fa verdure jufqu:à la fin de Tar- riere faifon. De tous ks arbres robuftes qui ne font pas toujours verds , c'eft celui dont la feuille fe foutient le plus long-temps con- tre les premières fraîcheurs de l'hiver ; en forte que le plus fouvent elles font encore bien faines au commencement du mois de novembre. Il y a encore trois ou quatre efpeces ^érables que l'on a découvertes dans le Canada ", & qui font fi rares en Europe , qu'elle ne font point encore afïèz connues pour en taire ici une defcription fatisfaifante. Tous ces difFérens érables donnent pref- qu'en même temps leurs fleurs à la fin d'avril , ou au plus tard les premiers jours du mois de mai , & leurs graines fe trouvent en maturité au commencement du mois d'octobre , à l'exception de celles de Y érable blanc , qui mûrifïènt beaucoup plutôt. Mais comme ces graines tombent bientôt après leur maturité , & qu'elles font fujettes à être difperfées par le vent à caufe de leur légè- reté , il faut avoir attention de les faire cueillir à propos , fi on veut les femer. L'au- tomne eft le temps le plus propre à cette opération ; car fi on attendoit au printemps , elles ne leveroient que l'année fuivante. Au bout de deux ans , les plants feront en état d'être tranfplantésen pépinière , où il faudra les laifTèr trois ou quatre ans ; après quoi on pourra les placer à demeure. Ces arbres réufîifTent bien à la tranfplantation , qui leur caufe peu de retard; ils foufFrent la taille en été comme en hiver, & c'eft au commence- ment du mois de juillet qu'il faut tailler les palilîàdes formées avec les érables de la petite efpece (c). Nouvel article fur VEràble , par M. le Baron de Tschoudi. $. Érable , ÇBotJ en latin , acer; en E R A Anglois , mapple - tree ,• en Allemand , ahornbaum. Car acier e générique. Les érables portent , fuivant les efpeces , des fleurs hermaphrodites feulement , ou bien des fleurs mâles & des fleurs herma- phrodites fur le même individu ; ces der- nières font compofées de cinq pétales , de cinq étamines , terminées par des fommets oblongs & d'un calice monopétale découpé en cinq parties : au deiîus de l'embryon s'élève un ftyle couronné par deux ftig- mates recourbés : l'embryon fe change en deux capfules plates , réunies par leur bafe & jointes en manière de croifîànt : ces cap- fules font pourvues d'une aile qui s'allonge à mefure qu'elles groffiiïènt: elles renfer- ment chacune une femence ovale. Efpeces. 1. Érables à feuilles à* cinq lobes , iné- galement dentelées , à fleurs en grappes. Érable blanc de montagne dit fycomore. Faux fycomore. Acer foliis quinque lobis _, incequaliter ferratis^floribus racemofis. Linn. Sp. plant* Acer montanum candi dum. C. B. P. Greater mapple falfe fycomore. N. B. On en a une variété à feuilles pa- nachées. 2. Érable à feuilles unies â cinq lobes pointus , â dents aiguës , à fleurs en grap- pes. Érable à feuilles de platane ou plane. Érable de Norwege. Acer foliis quinque lobis acuminatis, acutè dentatis , glabris yfloribus corymbofis. Linn. JFlor. Suec. Acer plantanoides. Munt. Hifi* Noiway mapple. N. B. Il y en a une variété à feuilles pa- nachées. 3. Érable à feuilles à lobes obtus & échancrés. Petit érable commun. Petit éra-, ble des bois. Acer foliis lobatis obtufis emarginatis. Linn. Sp. plant. Acer cdmpeftre & minus. C. B. P. Common or lejjer mapple. 4. Érable à trois lobes peu marqués , à* feuiHe* un peu dentelées & prefque pé- E R A rennes. Érable à feuilles de lierre. Érable d'Orient. Érable de Candie. Érable tou- jours verd. Acer foliis fubtrilobis ferrulatis. Acer creticum. Profp. Alpin. Acer Orientalis hederx folio. Cor. Inft. reiherb. Acer foliis fubtrilobis ferrulatis quafi perennenabus. Hort. Col Cretan mapple. Ç. Érable à feuilles à trois lobes, très- entières. Érable de Montpellier. Acer foliis trilobis integerrimis. Prod. Leyd. Roy. Lugd. B. Acer mfolia. C. B. P. Montpellier- mapple. 6. Érable à feuilles composes , à rieurs en grappes. Érable à feuilles de frêne. Éra- ble à fucre de Virginie. Negundo. Acer foliis compofitis ,fioribus racemqfs. Hort. Cliff. Acer maximum foliis trifidis vel quinque fidis Virginianum.VXvk. Phit. Acer Negundo. Ash leaved mapple. 7. Érable à cinq lobes , dentelés , glau- ques pardefïbus , à longs pédicules verds. Érable de Canada à fleur rouge herma- phrodite. Acer foliis quinque lobatis, dentatis, fub- tùs glaucis , pedunculis longifjimis viridi- bus.Hort. Col. Acer foliis quinque lobis fub- tùs dentatis , fubtiis glaucis , pedunculisfim- plicijfimis aggregatis. Linn. Sp. pi. Acerfio- ribus rubris , folio majori fupernè viridi fub- tîis argemeo fplendente. Chy t. flor. Virg. Scarlet flowering mapple. 8. Érable à feuilles à cinq lobes , d'un verd pâle & luifant pardeffus , glauques pardefïbus , à pédicules courts & rouges. Plane de Canada. Acer foliis quinque lobis fupernè viridi pallefcente lucidis, fubtàs glaucis, pedun- culis brevibus rubefeentibus. Hort. Col. Acer Virginianum folio majore fubtùs ar- gemeofupra viridi fplendente : mas &fcemi- na. Pluk. Phyt. Acer foliis quinque partito palmatis acuminato dentatis. Linn. Sp. pi. American fugar mapple, n°. 6, de Miller. 9. Érable à feuilles à trois lobes , poin- tues & dentelées , à fleurs en grappes. Érable à bois jafpé. Érable du jardin du roi. Érable à très-larges feuilles , n°. 7 y de Miller. Érable de Penfylvanie. Acer foliis trilobis, acuminatis, dentatis ? E R A S99 floritus racemofis. Sp. pi Linn. Acer foliis ampliffimis tricufpidatim dejînintibus > cortice jafpidem refereme. Hou. Col. American mountain mapple. 10. Érable d'Amérique à trois lobes , terminés chacun par trois pointes aiguës , à bourgeons rouges. Acer Ame ricanum foliis trilobis unoquo- que lobo tricufpidatim de/mente > gemmi* rubefeentibus. Hort. Col. Ce dernier érable ne fe trouve dans au- cun auteur. Nous avons fous les yeux toutes les et- peces de notre catalogue ; mais M. Duha- mel annonce trois efpeces nouvelles qui lui font venues de Canada, & qu'il n'a pas décrites. On trouve en Angleterre une variété appellée Charles Wager's mapple, Y érable de Charles Wager ; elle porte des corymbes de fleurs rouges plus étoffés , plus rapprochés , & par conféquent d'un plus bei effet que ceux de Y érable rouge commun , dont il tire apparemment fon origine. La forêt d'Ardenne produit une variété du petit érable commun , dont elle diffère par fes feuilles qui font plus grandes & plus pointues. Le /2". 1 qu'un arbre d eft le faux fycomore ; ce n'eft la féconde grandeur; mais j'en ai vu de prodigieux au bord d'un lac dans la SuifTe. Il commence par pouffer des branches divergentes qui fe rapprochent enfuite; il s'arrondit enfin & forme une belle touffe ; fes feuilles fe distinguent de celles du /2°. z , en ce que leurs lobes font émouflés par le haut , au lieu que dans celles du fécond , ils font terminés par des pointes aiguës : les premières font d'un verd fombre & matte en deffus , & d'un verd un peu cendré en deflbus. Les fécondes ont leur partie fupérieure d'un verd gai & luifant , & leur deffous d'un verd-jaune brillant: les unes & les autres font fort larges. L'écorce du faux fycomore eft brune , celle du n°. z eft grisâtre : la touffe du premier eft fort étendue , celle du fé- cond eft plus raffemblée : les fruits du n°. 1 font arrondis , ils forment par leur réunion un angle curviligne ; ceux du n°. z font applatis, & ils divergent fur un angle reâiligne fort ouvert. Le vrai fycomore eft une forte de figuier Xxxxx z ooo E R A qui croît en Egypte & dans la Paîeftine ; la. reffemblance des feuilles de cet arbre avec celles du n°. i a établi leur fynony- mie qui ne fert qu'à jeter de la confufion. , Le taux fycomore eft propre à figurer dans les parcs , où il réufîîra dans les plus mauvaifes terres ; on peut aulli en former des taillis qui croîtront très-vite ; le bois en eft meilleur que les autres bois blancs ; on en fait des planches d'un aflez bon ufage pour l'intérieur des maifons ; il n'eft pas mauvais pour les ouvrages du tour & pour les arquebufiers : cet arbre fe multiplie par les marcottes qui s'enracinent très-vite , & il reprend même aflèz bien de bouture ; mais pour le reproduire en abondance , il faut avoir recours à la voie du femis : dès que les graines font mûres , on les ftratirie dans du fable mêlé d'une terre un peu humide , dans une caiffe qu'on enterre con- tre un mur , ou qu'on pofe dans un cellier ; en février on les feme pêle-mêle avec le fable & la terre , dans des rigoles creufées avec l'un des angles de la houe , de la pro- fondeur d'environ un pouce & demi : il eft rare que ce femis ne réufliflè très-bien. La féconde automne on plante les petits arbres en pépinière à deux pieds les uns des autres , dans des rangées diftantes de trois pieds ; on ne doit, pas beaucoup les élaguer les premières années , fi l'on veut qu'ils prennent du corps ; au bout de cinq ou fix ans , ils forment des fujets propres à être plantés à demeure ; ils viennent paf- fablement par-tout ; mais ils préfèrent les terres humides & le bord des eaux. Le faux fycomore réufTit dans certaines parties de la Champagne, où les autres efpeces ne font que languir. On eft dans Tufage en Angleterre d'en planter le long de la mer , pour abriter des plantations plus pré- cieufes. Sa variété à feuilles panachées eft un des plus beaux arbres qu'on puiffe voir : les feuilles qui ont pris leur confiftance font d'un verd obfcur , rayé d'un blanc citrin & d'un verd clair ; mais dans les feuilles récentes , ces raies tirent fur la couleur de rofe. Rien de plus riant que la touffe de ces arbres vue en defïbus ; la lumière joue mieux à travers le tiffù tranf- parent des panaches , qu'elle ne fait dans E R A les feuilles uniformes ; ainfi on jouit de l'éclat adouci des rayons folaires , fans éprouver leur chaleur ; & puifque les mois de l'été ne procurent que peu d'arbres fleu- ris , dont on puifle orner les bofquets de cette faifon , le fycomore panaché imitant les fleurs par la couleur de fes feuilles , doit y trouver une place diftingute ; il peut s'élever de marcottes & de boutures , la graine même ne varie guère ; ce qui prouve que la couleur jaune dont il eft entiché , eft bien inhérente à fa nature ; & lorfqu'on le voit croître aufli vigoureufe- ment que le fycomore commun , on ne peut guère fe perfuader que fon enlumi- nure l'oit oc&fionée par une dépravation de la fève ; au rette , il s'écufïbnne fort bien fur l'efpece fimple : fi on fait cettQ opération à la fin de juin ou au commen- cement de juillet , les écuffons poufferont le même été d'environ un pié : que l'on attende jufqu'à la fin de juillet ou jufqu'au mois d'août, ils ne s'élanceront qu'au prin- temps fuivant ; mais alors ils formeront , d'un feul jet , une verge de cinq ou fix pies , fi le fujet fur quoi l'on a poié l'écuf- îon eft d'une grofleur paftable. Le 72°. z faifoit autrefois l'ornement des parcs & des jardins j mais comme il fe dépouille de bonne heure , & que fa feuille eft fouvent attaquée par les infectes , on fait à préfent moins de cas de ce bel arbre ; ce feroit pourtant dommage de le reléguer dans le fond des forêts, car il a le mérite de verdoyer de très-bonne heure , & de plus il fe couvre , en avril, d'une pro- digieufe quantité de grappes de fleurs d'un jaune verdâtre qui font d'un afped très- gracieux ; il fe multiplie & fe cultive comme le n°. z3 fur lequel il peut s'écuf- fonner ; toutefois la greffe y fait bourrelet; ce qui montre quelque répugnance de la part de fa fève , ou du moins fait foup- çonner qu'il eft naturellement d'une plus haute ftature que le faux fycomore. On prétend que la liqueur féveufe de cet érable évaporée , pourroit donner une forte de fucre. Quelquefois , durant les chaleurs , les feuilles de ces deux premières efpeces font couvertes d'un fuc extravafé , rafîèm- blé en petits grumeaux blancs & fucrés , qu'on appelle vulgairement manne ,- on E R A fuppofe qu'elle eft tombée du ciel fous la tbrme d'une rofée épaifïè : quoi qu'il en foit , les abeilles en font d'amples récoltes fur ces érables ; ainfi les inftitu- teurs de ces précieux infectes doivent en planter un certain nombre dans leur voi- finage. \J érable , n9. 5 , croît de lui-même dans la plus grande partie de l'Europe ; on le trouve communément dans les haies , où il eft fort touffu & de bonne défenfe ; la dent du bétail lui donne une forte de tonte qui le fait garnir finguliérement : il eft très-propre aufïi à former des paîiiTàdes de la hauteur qu'on voudra ; fes feuilles qui font petites , pendantes & joliment figurées en trois lobes , font une tapifferie agréable, lorfqu'au moyen du cifeau elles fe déve- loppent fur un plan uni vertical : les jeu- nes pouffes de cet érable font rouges , ce qui ajoute une variété gracieufe aux nuan- ces du verd naiffant. Dans les forêts dont le fonds eft favorable à cet arbre , il de- vient afTez haut. J'en ai vu un à l'Hermi- tage ( château du prince de Croi ) qui avoit deux pie's de diamètre & une hauteur proportionnée. Comme le bois de cette elpece eft très-dur , il fert aux arquebu- siers , & faos doute qu'il feroit employé avec fuccès par d'autres artifans , fî on frouvoit de ces érables d'une belle croif- fance ; il conviendroit donc d'en éle- ver dans cette vue ; jufqu'à préfent on les a tenus dans une forte d'efclavage , en arrêtant leur progrès ; ne devroit - on pas au contraire les livrer à leur naturel , & les planter en quinconces , en allées & en futaies , de préférence à bien d'autres qui ne les valent pas ? Ils ne demandent 'pas une terre grafïè ; fouvent même ils y périffent , au heu qu'ils réunifient dans des fols où- le charme , qui n'eft point délicat fur les alimens , ne fait que languir : il eft certain aufîï qu'on en compoferoit de bons taillis. Cet érable fe multiplie comme les précédens ; mais fa graine , quoiqu'on la feme en automne , ne levé que la fé- conde année ; il eft bon d'en être pré- venu. L'efpece , n°.4, eft un arbre d'une taille médiocre qui habite les ifles de l'Archipel ; fes feuilles reffemblent à celles du lierre ; E R A 901 elles ne font pas fi épaifTes que celles de V érable fuivant , avec lequel il a d'ail- leurs une grande reffemblance ; elles font d'un verd luifant , & fur les jeunes ar- bres en bonne expofition , elles fubfiftent une partie de l'hiver ; ce joli érable , qui eft afïèz dur , contribuera à la décoration des bofquets d'été & d'automne ; fes fe- mences ne lèvent quelquefois que la fé- conde année ; mais on le multiplie aifé- ment par les marcottes qu'on doit faire en juillet ou en octobre ; il reprend même de boutures , fi on y apporte les précautions requifes. Voye\ l'article Bou- TURE. ~U érable _, n°. 5 , a , comme nous venons de le dire , ks feuilles plus épahTes que celles du n°. A Les bords de leurs lobes font auffi moins entamés , l'écorce eft moins polie & moins brune , & l'arbre paroit devoir atteindre à une plus grande hauteur ; il ne fe dépouille que fort tard. Du refte il fe multiplie comme le précédent ; il eft indigène de la France méridionale , & connu fous le nom d'éra- ble de Montpellier. On feroit dos haies- charmantes de l'un & de l'autre de ces arbres ; leurs écufïbns prennent fur le fyco- more , mais la pouffe qu'ils ont produite , périt la féconde année ; du moins cela nous eft-il arrivé conftamment. Il n'eft pas douteux qu'ils peuvent fe greffer l'un fur l'autre ; mais ils prennent mal fur le petit érable commun avec lequel ils ont pour- tant beaucoup d'analogie. \J érable y n°. 6 y pafïè pour le plus grand des arbres de fon genre ; il s'élève fur un tronc fort droit à une hauteur très-con- fidérable ; fon écorce eft verte dans les jeunes branches , & grife dans les ancien- nes ; mais polie dans les unes & dans les autres : fes feuilles font ordinairement compofées de cinq follioîes oblongues , pointues & crénelées , elles fe diftinguent au premier coup d'œil de tous les autres érables j leur verd eft très-gai & tire furie jaune 5 elles fubfiftent afîez long-temps. Cet arbre doit être placé dans les bof- quets d'été ; il fe multiplie comme les n°. 1 & £ ; il ne peut fe greftèr ni fur fycomore», ni fur plaine ; i'écuflbn même ne s'y colle pas ; il porte fes ôeurs en grappes ; fai 901 E R A femenceeft plus petite que celle des autres érables de ce genre. V érable , n°. J , paroît devoir ne former qu'un arbre d'une taille moyenne ; fon beau feuillage lui afîïgne une place dans les bofquets d'été ; fes grappes de fleurs rouges lui donnent entrée dans ceux du printemps ; fon bois eft fuperbement veiné ; on en fait de très- beaux bois de fufil. Cet arbre s'écuffonne au mois d'août fur le faux fycomore , & y réuiïit très- bien. Le n°. 8 fe diftingue du précèdent par les caraderes exprimés dans fa phrafe ; il prend moins aifément par l'écuiibn fur faux fy- comore que le n°. J ; mais quoique fouvent la féconde année il périffe une partie des pouffes qui font provenues de la greffe , il en réchappe néanmoins un affez grand nom- bre pour qu'on doive ne pas négliger cette voie de multiplication ; au refte , on le reproduit fort aifément par les marcottes. V érable > n°. $ , fe diftingue de prime abord de tous les autres , moins encore par la largeur & la figure extraordinaire de {es feuilles , que par fon écorce gris blanc mar- quée de ftries verdâtres ; il femble ne devoir guère s'élever, parla raifon qu'il fleurit fort jeune , & parce qu'étant écuflbnné fur fy- comore , le fujet groflit trois fois plus que la poufTè de fécuffon : comme la couleur de fon écorce fait fa principale beauté , & Qu'elle tranche avec celle de l'écorce du fycomore ; comme aufli la difproportion entre la groffeur du fujet & celle de la greffe feroitunfort vilain effet, il convient de po fer l'écuffon à deux ou trois pouces de terre , afin de pouvoir en le tranfplantant , enterrer le nodus qui fe trouve à fon infertion. Cette attention procure un autre avantage , ç'eft qu'elle met ce bourrelet à portée de prendre des racines qui feront vivre , de fa propre fève , V érable greffé , & lui communique- ront une vigueur finguliere ; au refte , il faut s'attacher à l'obtenir franc du pié ; à quoi l'on parvient au moyen des femences qui mûriflent dans la France feptentrionals; à leur défaut , il faut avoir recours aux bou- tures , & fur-tout aux marcottes qui s'en- racinent très-facilement : on coupe à quel- ques pouces de terre un de ces érables greffés bas j & on enterre enfui te les rejets qu'il a E R A fournis. Cette efpece poufle au printemps de longs bourgeons couleur de rofe fort jolis, qui lui affignent une place dans les bofciuets deftinés à ces premiers momens de l'année renaifTante , où les plus petits effets de la végétation font précieux , parce qu'on fe plaît à les épier ; fon écorce jafpée & fes belles feuiHes lui donnent accès dans les bof- quets d'été où l'on peut l'employer en tige le long de petites allées , ou bien en forme de buiffon dans le fond des mafïifs. • *V érable _, n°. zo 9 pouffe au printemps des bourgeons écailleux d'un rouge vif mêlé de couleur de noifette qui font affez plai- fans ; fon écorce eft grife ; il croît lente- ment , & ne promet pas de devenir fort haut ; il fe multiplie avec beaucoup de peine par les marcottes , & je n'ai pu , jufqu'à préfent , réuffir à l'écuflônner fur aucune efpece à' érable. On trouve dans le traité des arbres fir arbufiesde M. Duhamel, les procédés dont fe fervent les Américains pour tirer la li- queur des érables. Cinquante pintes de cette liqueur rendent ordinairement dix livres de fucre ; le meilleur eft celui qui eft très-dur, d'une couleur rouffe , un peu tranfparent , d'une odeur fuave & fort doux fur la langue. On diftingue en Canada deux efpeces de fucre d'érable : l'un s'appelle fucre a" érable 9 & l'autre fuc de plaine. Ce font nos n°. y & 8 qui les produifent. Erable , (Mat. méd. ) On ne fait point d'ufage de \ érable parmi nous ; on regarde cependant fon fruit & fes feuilles comme de bons aftringens. L'infufîoi des feuilles dans du vin , pafîè fur-tout pour un remède contre le larmoiement involontaire, (b) ER AILLÉ , adj. fe dit , dans les Manu- factures en étoffés y lorfque la laine du filé a été enlevée de deffus la foie qui la porte > & que l'on voit cette foie à découvert. Il fe dit encore de toute léflon faite à l'ouvrage pendant ou après fa fabrique. ERAILLEMENT des Paupières , voye\ ECTROPIUM. ERAILLER , v. ad. terme d'ourdiffage; c'eft tirer une étoffe , une toile , une gaze , de façon que les fils s'entr'ouvrent , fe fé-r parent , & fe relâchent. La mouffeline , la gaze & le crêpe font fort fujets à dérailler, ERAJLLURE , f, f. terme d'oui diffage;. E R A il fe dit de Pendroit d'une étoffe , d'une toile , ou d'une gaze , dont le tifïu s'eft fe- paré dans la trame ou dans la chaîne , pour avoir été tiré* trop violemment. ERANARQUE , f. m. (Hifi. ancj c'étoit , chez les anciens Grecs , un officier public , dont la charge confîftoit â préfider & à avoir l'infpedion des aumônes & des provifions faites pour les pauvres. Uéranarque étoit proprement l'adminif- traceur ou l'intendant des pauvres. Lorlque quelqu'un étoit réduit à la pauvreté , ou1 fait prifonnier , ou qu'il avoit une fille à marier , & ne la pouvoit pourvoir faute d'argent , Yéranarque afïèmbloit les amis & les voifins de cette perfonne , & taxoit cha- cun pour contribuer félon fes moyens & fon état. D ici. de Trev.&c Chambers. (G) ERARIUM, f. m. (Hifi. anc.Jétok le tréfor de l'état fous les empereurs Romains. Le temple de Saturne à Rome , où fe gardoit ce tréfor , s'appelloit par cette raifon cerarium y du mot ces > œris _, cuivre ; parce qu'il n'y avoit pas eu d'autre monnoie à Rome que de ce métal , avant l'an 485 de fa fondation. Voyez Monnoie , ESPECE. Ce fut Augufte qui le commença , & il fut entretenu de ce que chacun y contribua volontairement ; mais ces contributions ne fuffifant pas pour les befoins de l'état , le vingtième des legs & des fuccefTions fut aftigné à ce tréfor , pourvu néanmoins que les héritiers ou les légataires ne fuflènt pas de proches parens , ou des pauvres. On tira de la cohorte prétorienne trois officiers , à qui on en confia la garde avec la cualité de prcefecli cerarii. Chambers. ÊRASTIENS , f. m. pi ( Hifi. eccléf.) feâe ou parti de religion qui s'éleva en An- gleterre durant le temps des guerres civiles, en 1647. On l'appelloit ainfî du nom de fon chef Eraftus. La doctrine de cette fefte étoit que l'églife n'avoit point d'autorité quant à la difeipline , c'eft-à-dire , n'avoit point le pouvoir légitime d'excommunier , d'exclure , d'abfoudre , de prononcer des cenfures , de faire des décrets , ùc. Cham- bers. (G) * E R A T O , (Myth. ) celle des neuf mufes qui préfîdoit aux poéfies amoureu- fes. On lui attribue l'invention de la lyre & du luth ; & on la représente couronnée de ERE 903 myrtes & de rofes , tenant une lyre d'une main & un archet de l'autre , & ayant à Ces côtés un amour debout avec fon flambeau. Il y avoit aufïï une néréide du même nom. ERDING , (Géograph.) ville d'Allema- gne , dans la Bavière inférieure , & dans la préfecture de Landshut fur la petite rivière de Sempt. C'eft le fiege d'une jurifdiûion qui s'étend fur quelques bourgs , châteaux & feigneuries qui l'environnent. Et fon ter- roir produit les plus beaux grains de la Bavière. Pendant la guerre de trente ans , elle fut faccagée par les Suédois à deux re- prifes. (D. G.) ERDOD , (Géogr.J Deux villes du royaume de Hongrie portent ce nom , & le donnent , l'une à I'illuftre famille d'Erdodi , & l'autre aux comtes de Salfy. Elles font fituées , la première , dans la haute Hongrie dans le comté de Sakmar , & la féconde dans l'Efclavonie , dans le comté de Wero- witz. (D. G.) ERE , f. f. en afironomie y eft la même chofe qu' époque 9 en afironomie. Voye\ Epoque , qui eft beaucoup plus ufité en ce fens. Le mot ère y félon quelques-uns , vient du mot Arabe arach ou erach , qui fignifie qu'on a fixé le temps. D'autres croient qu'il vient des lettres initiales de l'époque des Es- pagnols : Ab Exordio Regni îdugafii (OJ Ere, (Chronol.) terme fynonyme à celui $ époque y & qui défîgneun temps fixe d'où on part pour compter les années chez dif- férens peuples. Voye\ Epoque. Nous igno- rons l'origine du mot ère ; mais il eft con- facré aux époques particulières qui fuivent. Ajoutons feulement fur cette matière , qu'on peut confulterBaronius , Calvifius , Kepler, Marsham , Onuphrius , Pétau , Pagi , Pri- deaux , Riccioli, Salian,Scaiiger , Sigonius, | Sponde , Vofîius , UfTerius , &c. Article de M. le chevalier de Ja ucourt. Ere des Abyssins ; voye[ Ere de DlOCLÉTIEN , qui eft Vere dont les Abyf- fins fe fervent. Ere ACTIAQUE , (Chronol) époque des Egyptiens , qui a pris fon nom de la bataille d'Aâium , que l'armée d' Augufte commandée par Agrippa gagna contre Marc- Antoine , l'an 723 de la fondation de Rome , 9°4 ERE & qui entraîna l'année fuivante la conquête de toute l'Egypte. C'eft à cette conquête que Yere acliaque doit Ton origine , fuivant l'ordonnance des .Romains qui fut ponctuellement exécutée. En effet on fe fervit depuis ce moment- là de cette époque en Egypte , jufqu'à la pre- mière année du règne de Dioctétien qui tombe à l'an 284 de J. C. Alors Yere aclia- que changeant de nom , fut appellée Yere de Diock'tien, & parles chrétiens de.ee pays- là , Yere des martyrs; parce que ce fut fous le règne de cet empereur qu'arriva la dixième perfécutionde leglife, où tant de martyrs fcellerènt de leur fang la vérité de leur reli- gion. Quoique Yere acliaque tirât fa dénomi- nation de la bataille d'Actium , elle ne commença pourtant que le 29 août de l'année fuivante , & l'on fixa ce. jour-là, parce que c'étoit le premier jour du mois de Fhoth qui faifoit de temps immémorial le premier jour de l'an des Egyptiens. D'ail- leurs , les Romains trouvèrent le 29 août d'autant plus propre à régler le commen- cement de la nouvelle ère d'Egypte , qu'ils avoient réduit ce royaume fous leur joug vers la fin du mois d'août. C'eft auffi. pourquoi le fenat changea par un décret l'ancien mois de Sextilis en celui d'ylugujlus } & il ne s'en tint pas à cette feule marque ,de baiTeiîe & de fiaccerispour l'empereur. Mais fans nous y arrêter , ad- mirons le fort des chofes humaines !• Octave par la victoire d'Actium enlevé l'empire du monde à Antoine ; & ce fut la poftérité d'Antoine qui dans la fuite jouit de cet em- pire , du moins pendant quelque temps , tandis que celle d'Augufte ne parvint ja- mais à le pofféder , fie vos non vobis Voye\ M. Prideaux, qui entre dans de plus grands détails. Article de M. le Chevalier DE J AU COURT. Ere d' Alexandre , voye\ Ere Phi- lippïque. Ere d'Antioche , (Chron.) cette épo- que dont fe fervent pkmêurs -écrivains ec- cléfiafliques , commençait 49 ans avant J. C. , en la 4 année de la 182, olympiade , l'an 705 de Rome. Ce fut aufîi la première -année de la dictature de Jules Céfar , &: celle de la liberté de la ville d'Amioche. ERE Quelques auteurs fixent cette ère d'après l'autorité de Scaliger à la 48 année avant J. C. : mais on prétend qu'ils fe trompent. Voyei Pagi, dijj'ert. de periodoGraeco-Ro- mana; Pétau, de doQ. 1 emp. I. X, cap. Ixij; Riccioli, chronol. reform. I. III , cap. xyy p. 1; art. de M. le chev. de J AU court. * Ere Arménienne , qui eft encore en ufage parmi les Arméniens. Elle com- mence le 9 juillet de l'an du monde 4501 , ou après la naillance de J. C. 552. Ere des Arabes , voye\ Hégire. Ere de la Captivité ; elle commence au temps où Nahuchodonofor conduifit à Babylone Jéchonias , avec i8coo Juifs d'Elite , l'an du monde 3349. * Ere Chaldaïque ; Ptolomée en a fait mention : elle commence au z6 fep- ttmbre , de l'an du monde 3639. Ere Chrétienne. (Chronol.) Elle commence au premier jour de janvier après la naiMance de J. C. , dont perfonne ne fait 1 aujourd'hui Tannée. L'opinion commune de l'églife catholi- que Romaine la met au 25 décembre 753 de la fondation de Rome. Sur quoi il faut remarquer qu'il y a au moins huit opinions différentes touchant l'année de la nailTance de N. S. La première opinion fuppofe cette naif- fance en l'année 748 de la fondation de Rome , fous le confulat de Lcelius Balbus , oc d'Antiftius Verus : c'eft l'idée de Kepler. La féconde opinion la met en l'année 749 de Rome , fous le confulat de l'empereur Augufte avec Cornélius Syîla : le P. Pétau, jjefuite , e(t entr'autres de ce Tentiment. La troiiierne opinion eft de ceux qui croient que J. C. naquit l'an de Rome 750 , fous le confulat de Caîviflus Sabinus & de Paflienus Rufus : c'eft l'avis de Sulpice Sévère , &c. La quatrième opinion eft de ceux qui penfent que le Sauveur du monde eft né l'an 751 de Rome , fous le confulat de Cornélius Lentuîus , & de Valerius Mefïà- îir.us : le cardinal Baronius , Sponde , Sca- liger & Vofilus font du nombre de ceux qui goûtent cette idée. La cinquième opinion place la naiflànce du Meffie en l'année 752 de Rome , fous le coafulat d'Augufte avec Plantius Silvanus:. le ERE îe P. Salian , Onufrius , &c. fuivent cette conje&ure. La fixieme eft la commune qui fixe la naifTance de J. C. en Tannée 753 de la fondation de Rome , fous le confulat de Cornélius Lentulus & de Calpurnius Pifo : c'eft le fentiment de Denys le Petit , de Bede , Ùc & l'églife Romaine l'a autorifé par fon martyrologe , le bréviaire , & l'ancien calendrier. La feptieme eft de ceux qui tiennent pour l'an de Rome 754 , comme George Herwart , &c. La huitième eft de ceux qui prétendent que le Sauveur naquit l'an 756 de Rome , deux ans plus tard que l'époque commune : PauldeMiddelbourg a été de ce fentiment, qui eft univerfellement rejeté. Cette diverfité d'opinions vient des dif- ficultés qu'il y a fur l'année de la mort d'Hérode , qui vivoit encore lorfque J. C. vint au monde, in diebus Herodis } Matth. ch. n y v. zP fur îe commencement de l'empire d'Augufte , dont on croit que c'étoit la quarante-deuxième année , & de celui de Tibère la quinzième année, ann. 1 5 imperii Cœfaris _, Luc , ch. iij. fur l'année du dénombrement du peuple Romain fous Cyrenius ou Quirenius , gouverneur de Syrie , dont il eft parlé en S. Luc. ch. xj. Voye^ DÉNOMBREMENT. On trouve à tous ces égards les auteurs fort partagés : les uns mettent la mort d'Hérode l'an 754 de Rome, & les autres quelques années auparavant: les uns com- mencent le règne d'Augufte à la mort de Céfar , d'autres à fon premier confulat: les uns font commencer l'empire de Tibère après la mort d'Augufte , & les autres deux ans auparavant , parce que , difent- ils , il étoit alors collègue d'Augufte. Il y a eu plufieursdénombremensfousce prince, & on a de la peine à fixer l'année de celui dont il eft fait mention dans S. Luc. Telles font les caufes qui ont produit les différentes opinions fur le temps de la naiffance de J. C. quoique dans l'ufage on fuive Tannée de l'époque vulgaire. Remarquons d'ailleurs que les anciens Pères de l'églife n'ont pas commencé de marquer les années par la naiffmce de J. C. ils fe fervoient d'autres époques : ceux du Tome XII. • ERE 905 patriarchat d'Alexandrie prenoient la leur de Yere acliaque > ou du jour de la bataille d'A&ium : les chrétiens d'Egypte lui fubfti- tuerent Yere qu'ils appelèrent dioclétienne , autrement dite des Martyrs. Enfin , les autres chrétiens comptou-nt leurs années, ou de la fondation de Rome , ou d'après les faftes confulaires , ou félon la manière des peuples , au milieu defquds ils vi- voient. Denys, furnommé le Petit, né en Scythie, & qui demeuroit à Rome fous le titré à1 abbé , au commencement du vj fiecle , crut qu'il n'é.oit pas honorable à des chrétiens de compter leurs ann.'es du règne d'un tyran qui avoit fait périr inhumaine- ment tant de fidèles ; mais qu'il é.oit plus â propos de fixer une époque de la naiffance de celui pour lequel les chrétiens avoient fi conftamment verfé leur fang. 11 fit pour cet effet un cycle pafchaî , & en affigna le jour au 25 décembre de Tan de Rome 7<)3 , pour commencer k compter Tan premier de Yere chrétienne , au mois de janvier 754 du confulat de C. Céfar & de Paul Emile. Cette ère fut généra- lement approuvée par les chrétiens , peu d'années après qu'elle fut introduite , c'eft - à - dire , vers Tan 527 : elle n'eut pourtant fa vogue entière qu'environ cent ans après , fous Charles Martel , au com- mencement du vij fiecle que l'églife latine la fuivit , & on Tappella depuis univerfelle- ment Yere vulgaire. Il eft néanmoins vrai que cette ère com- mença trois ou quatre ans plus tard que la véritable naifTance de N. S.?& que Denys le Petit s'eft trompé environ de cet efpace de temps dans la fixation de fon époque. Sans en difeuter ici les preuves , je dirai feulement que M. Vaillant le père a fait voir en particulier , par des médailles de Quintilius Varus & d'Antipas, fils d'Hérode, que la naifTance de J. C. afîignée par l'églife au 25 de décembre, doit être placée dans la 549 année de Rome , puifque Jofeph rapporte la mort d'Hérode à la fin de mars de Tan 750 de la fondation de cetre ville. Quoi qu'il en foit de l'opinion de M. Vail- lant , fondée fur fes médailles , il ne faut pas bétonner fi tant de perfonnes éclairées ignorent les chofes les plus , cachées , Yyyyy' ûo6 ERE puifqu'ellesnefaventpasles plus communes. Les chrétiens ne parlent que de la mort de J.C. tandis qu'ils en ignorent réellement l'année , de même que celle de fa naifTance. La connoifTance qu'on pouvoit avoir de l'une & de l'autre s'eft perdue peu à peu , & Ton eft en6n venu à n'en favoir plus les dates. Article de M. k chevalier DE J AU COURT. Ere de Dioclétien , (Chronol.) Epoque qui commença la première année de l'empire de Dioclétien , c'eft-à-dire , l'an 284 après la naifTance de J. C. c'eft la même que celle qu'on appelîa Yere des Martyrs. V. ci-devant Ere ACTIAQUE. Art. de M. le chevalier de Jaucourt. * Er.e d'Edesse ; c'eft la même que Yere a" Alexandre. Ere d'Espagne. ÇChron.) Cette épo- que des Efpagnols commence 38 ans avant Yere chrétienne : elle eft d'un grand ufage dans 1 hiftoire d'Efpagne , même dans celle de la partie méridionale des Gaules , & dans une grande partie de l'Afrique. Pierre IV , roi d'Aragon , abolit cette ère dans fes états , l'an 1350 de J. C. on en ufa de même dans le royaume de Valence , en 1358, aufïi bien qu'en Caftille en 1383,: enfin , le roi Jean I l'abolit en Portugal , en 141 5. Article de M. le chevalier de J au court. * Ere Gélaléene ; c'eft Yere que les Perfans fuivent aujourd'hui : elle com- mence au 14 de mars de l'an de J. C. 1079. * Ere des Grecs , dont il eft fait mention au premier livre des Machabées : elle commence au 13 de mars de Fan du monde 3638. * Ere des Asmonéens ; elle com- mence au temps où Simon délivra entière- ment Jérufalem de là domination des Sy- riens , ou le 1,6 mai de l'an du monde 3808. * Ere de l'Hégire que fuivent les Turcs ; elle commence au temps où Mahomet fe fauva de la Mecque , ou le 16 juillet de l'an de J.C. 622. *.Ere Jezdéjerdique , en ufage parmi les Perfans ; elle commence au temps où Ofmarin , général des Sarrazins , défit & tua Jezdegerd , roi des Perfans , ou i le- 16 juin de J. 0,6*32. ' ERE * Ere ires Juifs , celle qu'ils fuivent encore aujourd'hui, commence au 3 octobre de la 189 année du monde. * Ere Julienne ; elle commence à la correction du temps ou du calendrier : ordonnée par Jules Céfar l'an du monde 3905. * Ere de Laodicée ; elle commence l'an du monde 3Q00. Ere du Monde. Voyei ce qui a été dit à Yere chrétienne. Ere des Martyrs. Voye^ Ere de Dioclétien. Ere de Nabonassar, (Chronol.) fameufe époque aftronomique dont fe font fervis Ptolomée , Cenforin , & autres au- teurs. Elle a commencé la feptieme année de la fondation de Rome , la féconde de la huitième olympiade , 747 ans avant J. C. c'eft-à-dire , avant le commencement de Yere vulgaire , & l'an 3967 de la période julienne. Ce fut alors que l'ancien empire des Afïyriens , ayant pris fin à la mort de Sar- danapale , après avoir eu la dominatioa de l'Afie pendant plus de 1300 ans , il fe forma de (es débris deux empires , l'un fondé par Arbaces , gouverneur des Medes , qui établit fon fiege à Ninive , & l'autre, par Béléfïs , gouverneur de Babylone , qui conférva pour lui cette ville, la Chaldée & l'Arabie : voilà les deux empires qui ont détruit les royaumes d'Ifrael & de Juda. Béléfïs eft le même que Nabonaflàr, du règne duquel commença l'époque dont il s'agit ici , nommée ère de Nabonajfar. Ce prince eftappellé dans l'écriture (Ifaïe /. z.) Baladan, père de ce Moradac ou Mordace Empadusy qui envoya des ambafTadeurs au roi Ezéchias pqur le féliciter fur fa conva- lefcence. Article de M. de Jaucourt. Ere des Olympiades. Voy. Olym- piades. Ere des Patriarches ou des Pè- lerinages ,\ elle commence au temps où Abraham quitta Haran , l'an du monde 2023 : on rapporte à cette époque plufieurs faits particuliers de la Bible. * ÈRE PHILIPPIQUE, (Chron.) épo- que particulière à l'Egypte. Dès que Aridée , frère bâtard d'Alexandre- le Grand , déclaré, roi , eut changé fannojrv. ERE en celui de Philippe , on appelîa ère philip- pique la fuite des années , dont celle de !a mort d'Alexandre eft la première. Cette ère ne commença pas au jour de la mort d'Alexandre , mais au jour de l'année où ce conque'rant mourut, c'eft-à-dire , à notre 12 de novembre de l'an 323 avant J. C. A Yere pkiVppique fuccéda Yere acliaque , l'an 724 de Rome ; & à cette dernière Yere de Dioctétien , l'an 284 de J. C. Pour enten- dre en gros l'hiftoire d'Egypte , il faut fe rappeller la fuccefTion des diverfes ères qui ont eu cours dans ce pays-là , & y appli- quer les faits , afin d'éviter la confuhon : le refre de cette hiftoire eft un abyme. Art. de M. le chevalier de J au court. L'ère philippique commence au 12 no- vembre , ce jour étant le premier de l'année rague Egyptienne. C'eft de cette époque que Théon , Albategnius , Ùc. fe font fer- vis. On peutobferver qu'entre les deux ères de NabonafTar & la mort d'Alexandre , il s'eft écoulé précifément 424 années Egyptiennes. * Ere de Rome ; elle commence au temps de la fondation de cette ville par RomuIus,oule 21 avril de l'année 3190 du monde. Eredes Séleucides. ÇChron.) Cette époque très-céîebre s'appelloit en Orient les années des Grecs. Voye\ ÉPOQUE. C'eft à l'entrée du fage & brave Seleu- cus dans Babylone , après la défaite de Nicanor , l'an 312 avant J. C. que com- mença Yere fameufe des Séleucides, cette ère dont tout l'Orient , païens , juifs , chré- tiens, mahométans , fe font fervis. Les juifs la nomment autrement à la vérité; ils l'appellent Yere des contrats , parce que , lorfqu'ils tombèrent fous le gouvernement des rois Syro-Macédoniens , ils furent obli- gés de l'employer dans toutes les dates des contrats & des autres pièces civiles. Cepen- dant ils s'y accoutumèrent fi bien , que plus de 1000 ans encore après J. C. ils n'avoient point encore d'antres époques: ce ne fut qu'aîors qu'ils s'aviferent de compter les années depuis la création du monde , comme ils font aujourd'hui. Tant qu'ils refterent en Orient , ils fuivirent la coutume des nations d'Orient , où l'on marquoit les années par cette ère ; mais ERE 907 quand vers l'an 1040 ils en furent chafies & obligés de fe jeter dans l'occident , & de s'établir en Efpagne , en France , en Angleterre & en Allemagne , ils apprirent d^ quelques chronologiftes chrétiens à compter depuis la création du monde. La première année de cette ère de la création , félon leur compte , tombe fur l'an 953 de la période julienne , & com- mence â l'équinoxe d'automne ; mais , fé- lon Scaliger , la véritable année de la créa- tion du monde tombe 189 ans, & félon d'autres 249 ans plutôt que les juifs ne la mettent dans leur ère : quoi qu'il en foit , cette ère des contrats n'eft pas encore tout à fait hors d'ufage parmi eux. Les Arabes la nomment tarie dilcarnain, Vere du bicornu ou de V homme à deux cor- nes. Les auteurs qui veulent que cette ère regarde Alexandre fe trompent , puifqu'elle ne commença que douze ans après la mort de ce prince, favoir, au temps du réta- bîifïement de Seleucus à Babylone; il faut donc chercher l'origine de tarie dilcarnain dans la perfonne de Seleucus , qui , effec- tivement , au rapport d'Appien , étoit fi fort ou fi adroit , qu'en prenant un tau- reau par les cornes il l'arrétoit tout court , ce qui avoit donné lieu aux fculpteurs de le repréfenter ordinairement avec deux cornes de bœuf à la tête. Les deux livres des Machabées ( I , Mach. j, 10,11) l'appellent Yere du royau- me des Grecs , & tous deux l'emploient dans leurs dates ; avec cette différence pour- tant , que le premier de ces livres la fait commencer au printemps , & l'autre à l'automne de la même année. Le calcul de ce dernier fe trouve par-là être le même que celui qu'ont fuivi les Syriens , les Arabes , les Juifs , en un mot, tous ceux qui fe fervoient autrefois de cette ère , oa qui l'emploient, encore aujourd'hui, à la réferve des feuls Chaldéens ; car ces der- niers ne regardant pas Seleucus comme bien établi à Babylone , avant le prin- temps de l'année ft ivante , ils ne fixèrent Yere des Séleucides qu'à cette époque, d'où vient que toures les années de cette?/? corn. mençoient aufli parmi eux dans la même faifon. Je ne déguiferai point qu'il y a dans la Yyyyy 2 9o8 ERE manière de compter des deus livres des Machabées quelque chofe d'affez furpre- nant, dont aucun critique , que je fâche , n'a jamais rendu raifon , ni le célèbre Uf- cher , ni le favant Prideaux lui-même. Les dates du premier livre des Machabées pré- cèdent d'un an entier celles du ftyle de Chaldée ; & celles du fécond livre des Ma- chabées ne précèdent le ftyle de Chaldée que de fîx mois. On fait bien que dans Y ère des Séleuades le ftyle de Chaldée & de Syrie différoit, en ce que le ftyle de Chaldée commençoit fix mois après celui de Syrie au printemps fuivant : mais d'où vient la différence des ftyles qui eft encre le premier & le fécond livre des Machabées , & d'où vient même que le premier livre des Machabées eft le feul qui faiTe com- mencer Y ère des Séleucides un an entier avant le ftyle des Chaldéens ? Article de M. le chevalier DE J AU COURT. * Ere de Syracuse : elle commence au temps où Timoléon rétaolit les affaires des Syracufains , ou 1 an du monde 3607. * Ere de Troye ; elle commence à la prife de cette ville , ou l'an du monde 2766. * Ere des Turcs. Voyei Ere de l'Hégire. * Ere des Tyriens ; elle commence au temps où ces peuples recouvrèrent leur liberté , ou l'an du monde 3825. * EREBE , f. m. ( Mythol ) Ce mot fignifie ténèbre. VErebe eft , félon Héfiode, fils du chaos & de la nuit , & père du jour. Les anciens ont encore donné le nom à'érebe à une partie de leurs enfers ; c'eft la demeure de ceux qui ont bien vécu. Il y avoit une expiation particulière pour les âmes détenues dans Yérebe. ERECTEURS DU CLITORIS , ou ISCHIO - CAVERNEUX , eft le nom qu'on donne en anatomie à une paire de m ifcîes qui viennent de la tubérofité de l'ifchion , & qui s'infèrent au corps fpon- gieux du clitoris , dont ils produifent l'érec- tion dans le coïr. Voye\ CLITORIS. $ ERECTEUR, ERECTION, ÇAnau Phyfiol. ) les mufcles auxquels on a donné le nom d'ère clears } ne mérirent certaine- ment pas ce nom. Ils naiffent de Pifctiion au; deftus.de la tubérofité , mais plus bas ERE que les corps caverneux du pénis, & ils montent en dedans & en devant pour s'at- tacher avec une infertion tendineule dans les corps caverneux. Ils ne peuvent donc qu'abaifter ces corps , & le pénis avec eux : & leur adion doitècre de 1 éloigner du bas- ventre , & de lui faire faire un plus grand angle avec l'os pubis ; ce qui le proportionne mieux avec la Situation piefque tranfverfale du vagin. Ils ne peuvent en aucune manière comprimer les veines du pénis. Indépendamment de cette remarque , on fent au premier coup d'ceil qu'il faut une caufe beaucoup plus générale qu'un mufcle , pour une action fi généralement néceftaire dans toutes les claiTes des animaux. Les quadrupèdes à fang froid , les oifeaux , les infectes ont un pénis fans mufcle éreâeur. On n'a d'ailleurs qu'à faire attention à la manière dont le mamelon du fein d'une femme fe redrefte. Il eft petit , replié fur lui-même & fans mufcle quelconque. Une légère friction le relevé , le redrefte, le rend cylindrique ;le fang fe répand dans fa fubf- tance , l'échauffé & le rougit. Cette action fi parallèle à celle du pénis fe pafTe fans qu'il y ait une ombre d'action mufculaire. Uérec- tion eft d'ailleurs trop durable dans certains cas , pour être l'action d'un mufcle qui fe relâcherait certainement, aucun mufcle ne pouvant foutenir une contraction conti- nuelle. Oh a vu V érection durer vingt -quatre heures de fuite , & des mois entiers , fi l'on en croit Aurélien. Sans entreprendre de découvrir le fecret de la nature , nous tâcherons d'en écarter du moins l'erreur , & d'y remettre l'hypo- thefe à fon jufteprix. U érection fefait par une extravafation du fang : les efprits étendroienc mal des facs aufti folides , que le font les corps caver- neux. Il eft facile d'imiter la nature en in- jectant les artères des parties génitales : la colle colorée entre dans les facs & les dilate : on a reconnu dans l'animal vivant , que c'eft le fang dont ils fe rempliftent dans l'action vénérienne. Ces facs font au nombre de trois ; nous n'en dirons que le plus néceftaire. Le pénis a deux corps caverneux qui naiflènt des branches montantes de Fifcbion , fe rap- prochent, font parallèles & adoflés, &.com- ERE muniquent encore enfemble & fe terminent au commencement du gland par des culs- de-fac prolongés en pointe. Le troifieme fac eft plus lâche , il naît par lui-même fous l'urètre, par une bulbe un peu mi-partie, mais qui bientôt embraf- fant l'urètre devient une enveloppe circu- laire qui pafîè înférieurement entre les deux corps caverneux du pénis jufqu'à fon ex- trémité , fe replie enfuite , s'élargit , revient contre elie-méme , & fe termine par un bourlet incomplet , qui embrafïè prefque tout le pénis , & même fes corps caverneux. Tous les trois facs font remplis d'une cel- lulofité à larges mailles , faites par des lames, & fortifiées dans le pénis par des filets ten- dineux. Les corps caverneux du pénis fe dilatent beaucoup plus fouvent que celui de l'urètre , ils forment une érection moins parfaite , telle que la produit l'abondance de l'urine. Le corps caverneux de l'urètre fe gonfle le der- nier , & ne fe gonfle même que par une irritation beaucoup plus grande ; quand il s'eft gonflé , l'éjacuiation fuit ordinairement de près. Dans les animaux quadrupèdes , il n'y a fouvenc qu'un feul corps caverneux au pénis, mais celui de l'urètre fe retrouve dans le plus grand nombre des efpeces. Dans le clitoris , partie analogue au pénis, l'urètre eft éloigné des deux corps caver- neux analogues à ceux de l'homme. La même ftruclure fe trouve dans les mâles des grands oifeaux , comme de l'autruche & du cafuel ; l'urètre ne perce pas le pénis. Nous avons examiné les différentes caufis de Y érection: l'une fe réduit à l'afrluence du fang dans l'organe génital , & l'autre à une irritation quelconque. En liant les veines du pénis , en liant le pénis tout entier , on produit une éreclion & les corps caverneux fe gonflent: il eft vrai qu'elle n'a jamais la roideur qui fuit l'irri- tation , mais il eft bien difficile aufîi de gêner entièrement par la ligature le retour du fang , parce que les veines cutanées du pénis communiquent avec les veines inter- nes , par le moyen de la veine du prépuce , & que ces mêmes veines communiquent encore avec les veines du fcrotum , qu'une ligature qui ferre la veine du pénis ne fauroit ERE 909 comprimer. Le gonflement du pénis dans les cadavres eft analogue à celui que le fang produit: l'air développé p?r les commence- mens de la pourriture , gonfle aloxsles corps caverneux. L'autre caufe eft l'irritation qui elle-même eft la fuite de piufiears ftimulus diffl'rens ; le plus naturel , c'eft lapréfence d'une abon- dance de liqueur fécondante, contenue dans les véficules féminales. Il en naît un fenti- ment particulier , quelquefois même dou- loureux , avec une puiffante difpofition à V éreclion; c'eft la voix de la nature qui de- mande (es befoins. Cette caufe feule fuffic pour produire l'éjacuiation fans aucune irritation extérieure. L'urine retenue dans la vefîie urinaire produit des érections matinales , elle? a^it même dans les enfans qui ne font que de naître , & les met dans un état dont on les auroit cru incapables. Des ulcères dans la verge , l'action des cantharides qui prive î'uretre de fa muco- fité , le fouet même & les orties , ancien remède des forcieres Romaines , le poifon de la lèpre font un effet femblable , & les cantharides pouffent la nature jufqu'à des excès funeftes. L'imagination fert de ftimulus ; elle eft très-puiflànte dans la vigueur de l'âge. La leclure , les peintures , le fouvenir des plai- fîrs , l'amour d'une belle perfonne font tout ce que pourroit faire le remède le plus actif. Les parties odorantes d'une femelle de la même efpece irritent les defirs de tous les animaux mâles , & les portent à une efpece de fureur remarquable , fur- tout dans les chevaux. Des mouvemens convuîftfs dans les nerfs,, funeftes à toute la machine , irritent puif- famment l'organe de la génération , & font quelquefois tout ce que la jouifTance pour- roit faire. Tel eft le pouvoir de l'épilepfie , celui des bleffures des nerfs , celui des poi- fons , & fur-tout de l'arfenic. Mais la nature ne conduit l'animal que par l'attrait du bonheur. La caufe la plus commune de l'érat dont nous parlons , c'eft la fenfibilité extrême des nerfs nom- breux , & prefque fans enveloppe , qui rem- pliffent la pulpe du gland. Le frottemene excite dans ces nerfs une fenfation dont la* 910 ERE vivacité efface toutes les autres fenfations de l'animal. Nous avons trouve les deux caufes de Yénclion; l'immédiate , c'eft l'affluence du fang dans les corps caverneux , pendant que fon retour dans les veines eft gêné ; & la caufe qui produit cette affluence , c'eft l'ir- ritation de nerfs de l'organe génital. Il refte à trouver le méchanifme par lequel l'irrita- tion produit l'affluence du fang. L'irritation des nerfs caufe en général une congeftion du fang dans la partie irritée ; la friclion feule de toute partie du corps humain , l'inflammation , la douleur , pro- duifent cet effet , & le frottement du ma- melon du fein lie cette congeftion à celle dont Yéreclion eft l'effet. _ Cette irritation paroît avoir deux effets fur le mouvement du fang ; elle accélère le torrent du fang artériel , qui fe porte à la partie irritée ; delà la chaleur , la rou- geur , un certain degré de tenfion , que le retardement du fang veineux feul ne pro- duiroit pas. Il eft difficile de découvrir le méchanifme de cette congeftion , mais le fait eft confiant. Le fang fe -porte avec vi- vacité dans les artères mêmes de la partie irritée ; l'exemple de l'œil rend cette aclion vifible : elle le fait extravafer dans les parties du corps , où des cellules font préparées pour le recevoir , comme dans le mamelon , le pénis , le clitoris. La même irritation des nerfs arrête le re- tour du fang veineux ; car fi ce retour n'étoit pas rendu plus difficile & plus lent , il n'y auroit aucune tumeur dans la partie irritée, il n'y auroit qu'une circulation plus rapide. On a cherché des mufcles qui irrités par l'aftion nerveufe comprimaiTènt des veines , & fiffent l'effet d'une ligature. Nous avons exclu les érecleurs. Les accélérateurs font en effet quelque chofe de femblable , leur ac- tion eft volontaire , elle eft la feule par la- quelle la volonté ait quelque pouvoir fur Yéreclion ; on peut l'augmenter par ce mufcle oui comprime en effet de groffes veines nées attendu que cette partie eft en petit de la même ftruâure que la verge. On peut encore regarder comme une forte ^érection le gonflement qui furvient aux mamelons de l'un & de l'autre fexes ; fur- tout à ceux des femmes , dans lefquels il eft plus marqué. Toutes les parties dont il vient d'être fait mention , ont cela de commun , qu'elles pafîent à cet état d'érection , enconféquence de l'imagination échauffée par la repréfen- tation idéale ou phyfique des objets pro- pres à exciter l'appétit vénérien , & fur- tout de l'attouchement fenfuel ou de toute autre impreffion extérieure , qui peuvent mettre en jeu la fenfibilité dont ces orga- nes font doués , & exciter Véréthifme des parties nerveufes dont ils font compofés , qui empêche le retour par les veines , du fang porté par les artères dans les cavités ou cellules que l'anatomie démontre dans la ftructure de tous ces différens organes. Le méchanifme de l'arrêt du fang , né- ceffaire pour établir \ érection } a été diver- fement expliqué , fur- tout à l'égard de la verge ( voye\ Verge ) ; mais les raifons que l'on en a données jufqu'à préfent , ne paroifïènt pas entièrement fatisfaifantes , parce qu'il faudroit qu'elles piaffent conve- nir à l'égard de toutes les parties fufcep- tibles d'ére'clion ; attendu qu'il y a lieu de croire que la nature n'opère pas le même effet différemment dans l'une que dans l'autre , c'eft cette caufe commune qui refte à afïigner ; on ne peut en faire la recherche que d'après l'expofition anato- mique des parties mêmes : ainfi on ne peut placer ce qui peut être dit à ce fujet, que dans les articles concernant les différens organes dont il s'agit. Voye[ les articles Érecteurs, Verge, Clitoris , Mamelon , CoïT , Génération ,, Grossesse, (d) EREMONTS , f m. pi. terme de charron» Ce font deux morceaux de bois quarrés „ 5)1 2, ERE pofés & enchâffés fur l'avant-train , & qui fortent en dehors & viennent embraflèr le timon du carroffe. ÉRESIE , f. f. erefiay (Hifl. nat. bot.) genre de plante dont le nom a été dérivé de celui de la patrie de Théophrafte dans Fiile de Lesbos. La fleur des plantes de ce genre eft monopétale , en forme de cloche ouverte & découpée. II s'élève du calice un piftil qui eft attaché comme un clou, & qui devient dans la fuite un fruit rond , membraneux , & rempli de femences qui tiennent à un placenta. Plumier , noya plant, amer. gen:r. ifoye\ Plan TE. CI) ÉRESIPELE , f. f. (Médecine.) eft le nom d'une maladie inflammatoire , qui a le plus fouvent fon fiege à la furface du corps ; elle confifte dans une tumeur afïèz étendue , fans bornes marquées , peu éle- vée au deftiis du niveau des parties voifi- nes , fans tenfion notable , accompagnée de douleur avec démangeaifon , de cha- leur acre & d'une couleur rouge tirant fur le jaune ; qui cede à la prefïion des doigts , blanchit par cet effet , & devient rougeâtre dès que la prefïion cette ; & ce qui carac- térife ultérieurement cette tumeur , c'eft qu'elle femble changer de place , à mefure qu'elle fe difîipe dans la première qu'elle occupoit ; elle s'étend de proche en proche aux parties voifmes. Le mot érejipele y ip'jxtmxxç, vient de tfulpx, ruber y & de *'*«t , propi r", pres- que rouge ; ce qui convient à la couleur de cette tumeur , qui n'eft pas d'un rouge foncé comme le phlegmon , mais plutôt de couleur de rofe ; ce qui lui a fait don- ner le nom de rofa par les Latins : Yc'refipele a aufîi é:é appeîlée par les anciens ignis face r y feu facré , à caufe de la chaleur vive que l'on refTent dans la partie qui en eft arfedée. Ue'relipele peut être de différente efpece : lorfqu'elie n'eft pas accompagnée d'autres fympomes que ceux qui ont été mention- nés dans la définition , elle eft fimpîe ; & Iorfque le milieu de la tumeur eréfipeiateufe eft occupé par un phlegmon , par un œdè- me , ou par un fqairre , elle eft compofée & prend différente dénomination en con- féquence , félon la nature de la tumeur à laquelle elle fe trouve jointe ; ainfi elle ERE eft dans ce cas-là , ére/ipele phlegmoneufe , œdemateufe ou fquirreufe : on la diftingue en effentielle , fi elle ne dépend d'aucune maladie antérieure , & en fymptomatique, fi elle eft compliquée avec une autre ma- ladie qui l'ait produite : elle eft encore diftinguée en interne ou externe , félon le différent fiege qu'elle occupe ; en bé- nigne & en maligne , félon la nature des fymptomes qu'elle produit ; en accidentelle ou habituelle , félon qu'elle attaque une feule fois , ou qu'elle revient plufieurs fois & même périodiquement tous les mois ou tous les ans , félon qu'il confie par plufieurs obfervations. Ue'réfipele externe affecte communément la peau , la membrane adipeufe , & quel- quefois , mais rarement , la membrane des mufcles. Lorfqu'elie eft interne , elle peut avoir fon fiege dans tous les vifeeres , & vrai- femblablement dans leur tiftu cellulaire fur - tout ; mais alors il eft rare qu'on la confidere autrement que comme une in- flammation en général. Le fang qui forme Véré/ipele eft moins épais , moins denfe que celui qui forme le phlegmon (ï-'oyé'çPHLEGMON) ; mais il eft d'une nature plus acte & plus fufeep- tible à s'échauffer : ces qualités du fang étant pofées , fi fon cours vient à être retardé tout-à-coup dans les extrémités artérielles , & qu'il en parle quelques glo- bules dans les vaifïèaux lymphatiques , qui naiffent des artères engorgées , l'aclion du cœur & de tout le fyftéme des vaiffeaux reftant la même , ou devenant plus forte , toutes ces conditions étant réunies , la caufe continente de Ye're'/ipele fe trouve établie avec le concours de toutes les autres cir- conftances qui conftituent l'inflammation en général. Voye\ INFLAMMATION. Les caufes éloignées de Véiéjîpele font très-nom breufes ; elle eft fouvent l'effet de différentes évacuations fupprimées , comme des menftrues , des lochies arrê- tées , d'une rétention d'urine , mais plus communément du défaut de refpiration infenfibîe , occafionée par le froid ; elle eft quelquefois produire par l'ardeur du foleil à laquelle on refte trop long-temps expofé ; par l'application de quelques topiques ERE topiques acres , de quelque emplâtre qui bouche les pores d'une partie de la peau , des répercuflîfs employés mal-à-propos : le mauvais régime , l'ufage des alimens acres , des liqueurs fortes , les mauvaifes digeftions , fur-tout celles qui fourniflènt au fang des fucs alkalins , rances , le trop grand exercice , les veilles immodérées , les peines d'efprit contribuent aufli à faire naître des tumeurs éréfipélateufes } qui peu- vent être encore des fymptomes de plaies & d'ulcères , dans les cas où il y a difpo- fition dans la mafiè des humeurs : cette dif- pofition qui confifte en ce qu'elles foient acrimonieufes , & qui dépend fouvent d'un tempérament bilieux , a aufli beau- coup de part à rendre efficaces toutes les caufes éloignées , tant internes qu'externes , qui viennent d'être mentionnées. Le caraclere de Xéréfipele eft trop bien diftingué par les fymptomes qui lui font propres , rapportés dans la définition , pour qu'on puifîè la confondre avec toute autre efpece de tumeur , s'ils font bien obfervés. Uéréjîpele n'eft pas toujours accompa- gnée de fymptomes violens , fur-tout lorf- qu'elle n'attaque pas le vifage ; cependant il s'y en joint fouvent de très-fàcheux , tels que la fièvre qui eft plus ou moins forte & plus ou moins ardente ; les infomnies , les inquiétudes : & comme elle eft dans plufieurs cas une maladie fymptomatique , dépendante d'une fièvre putride , par exem- ple , les accidens qu'elle produit varient félon les différentes circonstances. Uérefipele n'eft pas dangereufe , lorf- qu'elle eft fans fièvre-, & qu'elle n'eft ac- compagnée d'aucun fymptome de mauvais cara&ere ; & au contraire il y a plus ou moins à craindre pour les fuites de la ma- ladie , à proportion que la fièvre eft plus ou moins confidérable , & que les autres accidens font plus ou moins nombreux & violens. Uérefipele de la face eft de plus grande conféquence , tout étant égal , que celle qui affecte les autres parties du corps , à caufe de la délicateffe du tifiu de celle du vifage , dont les vaiflèaux ont moins de force pour fe débarrafler de l'engorgement inflammatoire. Cet engorgement eft ce- pendant moins difficile à détruire que dans Tome XII. ERE 915 toute autre inflammation ; parce que la matière qui le forme n'a pas beaucoup plus de rénacité que les humeurs faines qui coulent naturellement dans les vaiflèaux de la partie afFeftée : ainfi elle eft très-dif- poféeàla réfolution. Voye\ RÉSOLUTION. Mais cette manière dont fe termine ordi- nairement Xéréfipele n'eft pas toujours par- faite , l'humeur viciée peut être diflbure , fans être entièrement corrigée ; en forte qu'elle ne foit pas encore propre à couler dans les autres vahTeaux où elle eft jetée par l'action de ceux qui s'en font débar- rafles : quelquefois elle ne cède qu'à la force de ces derniers , & reprend fa confif- tance vicieùfe , lorfqu'elle eft parvenue dans des vaiflèaux voifins qui agiflènt moins ; ainfi Yérefipele change de fiege comme en rampant de proche en proche ; elle eft fou- vent rebelle dans ce cas & donne beaucoup de peine ; elle parcourt quelquefois la moi- tié de la furface du corps , fans qu'on puifle en arrêter les progrès , parce qu'alors le fang eft pour ainfi dire infeclé d'un levain éréfipélateiix > qui fournit continuellement de quoi renouveller l'humeur morbifique dans les parties afFedées ou dans les voifi- nes : mais ce changement eft bien plus fâcheux encore , lorfque le tranfport de cette humeur fe fait du dehors au dedans , & fe fixe dans quelque vifcere ; alors Xéré- fipele qui en réfulte , eft d'autant plus dan- gereufe que la fon&ion du vifcere eft plus eflèntielle : on doit aufli très-mal augurer de celle , qui fans changer de fiege , tend à la fuppuration ou à la gangrené ; car il réfulte du premier de ces deux événemens , qu'il fe fait une fonte de matières acres , rongeantes , qui forment des ulcères ma- lins , très -difficiles à guérir , & il fuit de la gangrené éréfipélateufe y qu'ayant par la nature de l'humeur qui l'a produite , beau- coup de facilité à s'étendre , elle confume & fait tomber comme en putrilage la fubf- tance des parties affe&ées , en forte qu'il eft très-difficile d'en arrêter les progrès & prefque impoflible de la guérir. Toute autre manière que la réfolution dont Xéréfipele peut fe terminer , étant fu- nefte , on doit donc diriger tout le traite- ment de cette efpece d'inflammation , à la faire réfoudre , tant par les remèdes interne? Z^zzz 914 ERE que par les topiques , d'autant plus que la matière morbifique y a plus de difpofition que dans toute autre tumeur inflamma- toire. Pour parvenir à ce but fi defirable , on doit d'abord preferire une diète févere , comme dans toutes les maladies aiguës , qui confifte à n'ufer que d'une petite quan- tité de bouillon peu nourrifTant , adou- ciffant & rafraîchifîànt , & d'une grande quantité de boiftbn qui foit feulement pro- pre à détremper & à calmer l'agitation des humeurs pour les premiers jours , & enfuite à divifer légèrement & à exciter la tranfpiration. Il faut en même temps ne pas négliger lesremedes efïèntiellement indiqués , tels que la faignée , qui doit être employée & répétée proportionné- ment à la violence de la fièvre , fi elle a lieu ; ou à celle des fymptomes , aux for- ces & au tempérament du malade , à la faifon & au climat. Il convient de donner la préférence à la faignée du pied , dans le cas où Yéréfipele affecte la tète ou le vi- fage. Il faut de plus examiner , à l'égard de toute forte Yéréfipele > fi le mal provient du vice des premières voies , & s'il n'eft pas un fymptome de fièvre putride. Si la chofe eft ainfi , d'après les fignes qui doi- vent l'indiquer , on doit fe hâter de faire ufage des purgatifs , des lavemens , & même des vomitifs répétés : ces derniers font particulièrement recommandés contre Yéréfipele de la face , qu'ils difpofent à une prompte réfolution , félon que le démontre l'expérience journalière : on calmera le foir l'agitation caufée par ces divers évacuans , en faifant prendre au malade un julep ano- din ou une émulfion. Pour ce qui eft des topiques , on ne peut pas les employer pour Yéréfipele de la face , parce que hs émolliens anodins , en relâchant le tifTu déjà très - foible de cette partie, peuvent difpofer l'inflammation à devenir gangré- neufe , & parce que les réfolutifs atténuans «émeuvent pas agir fans augmenter l'action des folides , la réaction des fluides , fans rendre la chaleur & l'acrimonie plus con- fidérable ; ce qui difpofe Yéréfipele à s'exul- cérer , & à caufer des douleurs extrêmes ; ce qui peut être aufli fuivi de la mortifi- cation; ainfi il vaut mieux n'employer au- cun remède externe dans ce cas , que d'en ERE efïàver , dont il y a lieu de craindre de fi mauvais effets. Lorfque Yéréfipele occupe toute autre partie de la furtace du corps , on peut faire ufage avec beaucoup de fuccès, des topiques émolliens réfolutifs , par le moyen defquels on parvienne à relâcher plus ou moins le tifTu de la partie affectée , à tem- pérer l'acrimonie du fang & de la lymphe , à modérer la chaleur , à calmer la douleur , & à rendre plus fluides les humeurs qui forment l'inflammation , afin d'en faciliter au plutôt la réfolution. Il faut choifir parmi ces remèdes , ceux qui font les plus propor- tionnés à la nature du mal, & mêler à propos les émolliens avec les réfolutifs , ou les employer féparém&nt , félon l'exigence des cas , fous forme de fomentations ou de cataplafmes , qui doivent être diverfement préparés , félon les différentes efpeces tféré- fipeles. On doit auiîi en commencer ou en cefîèr l'ufage plutôt ou plus tard , félon que l'exigent les indications. Voy. EMOLLIENS, RÉSOLUTIFS , ÙC. Il n'eft aucun cas où l'on puifîè appli- quer des remèdes répereuffifs fur Yéréfipele > de quelque efpece qu'elle foit , non plus que des narcotiques , des huileux. Les premiers , en reflerrant les vaiffeaux , y fixeroient la matière morbifique , & la dif- poferoient à fe durcir , ou la partie à fe gangrener , ou donneroient lieu à des mé- taftafes ftmeftes. Les féconds , en fufpen- dant l'action des vaifTeaux engorgés , ten- droient également à produire la mortifica- tion. Les troifiemes, en bouchant les pores ,. en empêchant la tranfpiration, augmente-^ roient la jjléthore de la partie affectée > l'a- crimonie des humeurs , & par conféquent rendroient plus violens les fymptomes de Yéréfipele. S'il fe forme des vefîies fur Yéré- fipele _, par la férofité acre, qui détache Pé- piderme & le fépare de la peau , ce qui arrive fouvent, il faut donner ifTue à l'hu- meur contenue, qui par fa qualité corro- five & par un plus long féjour , pourroit exulcérer la peau. On doit , pour éviter ce#r mauvais effets , ouvrir ces vefîies avec des cifeaux , en exprimer le contenu avec un linge , & y appliquer quelque lénkif, fi Férofion eft commencée par la nature du mal, ou par mauvais traitement. Lorfque ERE Ve'rcfipele fe termine par la fuppuration ou far la gangrené , il faut employer les re- mèdes convenables à ces différens ëcars. Voye\ Suppuration , Ulcère, Gan- grené. Lorfque Yëréfipelc ne provient pas d'une caufe incerne , d'un vice des humeurs , & qu'elle eft caufée par la craflfe de la peau , par l'application de quelque emplâ- tre qui a pu arrêter la tranfpiration , embar- raflèr le cours des fluides dans la partie , il faut d'abord emporter la caufe occafio- nelle , nettoyer la peau avec de l'eau ou du vin chaud , ou de l'huile d'olive , félon la nature des matières qui y font attachées : Jorfquelles font acres , irritantes , comme celles des fynapifmes , des phœnigmes , des véficatoires , on doit laver la partie avec du lait, ou y appliquer du beurre , ou l'oin- dre avec de l'huile d'œufs. Dans les cas où Yérefipele n'eft pas (impie , où elle eft phlegmoneufe , éréfipéîateufe , elle parti- cipe plus ou moins de l'une des deux tu- meurs compliquées ', on doit par confé- quent traiter celle qui eft dominante , ou qui préfente les indications les plus urgen- tes , fans avoir égard à l'autre : celle-là étant guérie , s'il refte des traces de celle-ci , on la trouvera à fon retour félon les règles de l'art. Voye\ PHLEGMON , ŒDEME. f<£) Ere si PELE , Manège > Marëchall. ) maladie cutanée. Rien ne prouve plus évi- demment l'uniformité de la marche & des opérations de la nature dans les hommes & dans les animaux , que les maladies aux- quelles les uns & les autres font fujets : les mêmes troubles , les mêmes dérangemens fuppofent néceflàirement en eux un même ordre , une même économie \ & quoique quelques-unes des parties qui en confti- tuent le corps , nous paroiftent effentie'Ie- ment diffemblables , pour peu que l'on pénètre les raifons de ces variétés , on n'en eft que plus fenfiblement convaincu que ces différentes apparences , ces voies particu- lières qu'il femble que cette mère commune s'eft tractes , ne fervent qu'à la rapprocher plus intimement des ioix générales qu'elle s'eft preferifes. Quand on confidere dans l'animal Ye'é- fipc'le par fes caufes externes & internes , & quand on en envilàge le génie , le carac- ERE 915 tere , les fuites & îe traitement , on ne fauroit fô déguifér les rapports qui lient & qui unifient la médecine & l'art vété- rinaire. Cette maladie , qui tient & parti- cipe aufli quelquefois des autres tumeurs génériques , c'eft - à - dire , du phlegmon , de l'œdème & du fquirre , peut être en effet dans le cheval eftèntielle ou fympto- matique ; elle peut être également produite conféquemment à l'acrimonie & à l'épaif- fifTement des humeurs , ou conféquemment à un air trop chaud ou trop froid ; à des alimens échaufîàns , tels que l'avoine prife ou donnée en trop grande quantité ; à des exercices outrés , à un repos immodéré , à des compreflions faites fur les parties exté- rieures , à l'irritation des fibres du tégu- ment en fuite d'une écorchure , d'une brû- lure , du long féjour de la crafîè fur la peau , &c. Les fignes en font encore les mêmes , puifqu'elle s'annonce fouvent , fur- tout lorfqu'elle occupe la tête du cheval , par la fièvre , par le dégoût , par une forte de ftupeur & d'abattement , & toujours , & en quelque lieu qu'elle ait établi fon: fi.ge , par la tenfiôn , la douleur , la grande chaleur , le gonflement & la rou- geur de la partie ; fymptome , à la vérité > qu'on apperçoit dans tous les chevaux , mais qui n'exifte pas moins , & que j'ai fort aifément diftingué dans ceux dont la robe eft claire , & dont le poil eft très- fin. Cette tumeur fixée fur les jambes de l'animal , eh gêne plus ou moins les mou- vemens , félon fon plus ou moins d'éten- due ; elle eft pareillement moins formida- ble en lui que Xé.ëfipele de la face & de la tète , que quelques maréchaux ont prife pour ce fameux mal de tête de contagion fuppofé par une foule d'aureurs anciens & modernes , & fur les caufes & la cure duquel ils ne nous ont rien préfenté d'utile & de vrai. Quoi qu'il er. foit , les indications cura- tives qui font offertes au maréchal , ne différent point de celles qui doivent guider le médecin. Les faignées plus ou moins répétées , félon le befoin , détendront les fibres cutanées , defobftrueront , v.iideront les vaifîèaux , appaiferont la fougue du fan,? , faciliteront fon cours , & préviendront les Zzzzz 1 9i6 E R F reflux qui pourroient fe faire. Ces effets feront aidés par des lavemens émolliens , par des décodions de plantes émollientes données en boifîbn , & mêlées avec l'eau blanche. Lorfque les fymptomes les plus violens fe feront évanouis par cette voie , on purgera l'animal ; & quand on préfu- mera que les filtres deftinés à donner ifîiie aux humeurs viciées , ont acquis une fou- plefle capable d'afTurer la liberté de leur fortie , on prefcrira de légers diaphoniques, tels que le gaïac & la racine des autres bois mife en poudre , donnée à la dofe d'une once dans du fon ; ou , fi Ton veut , on humectera cet aliment avec une forte dé- coction de ces mêmes bois , dans laquelle on fera infufer une once de crocus métal- lorum. Quant aux topiques & aux remèdes externes , les cataplafmes émolliens , ou les cataplafmes anodins , feront employés pour éteindre la chaleur , adoucir la cuifîbn & relâcher la peau , dont l'épiderme fe fépare quelquefois en forme de vefHe ou en forme d'écaillés farineufes ; ce qui folli- cite & précipite la chute des poils. On fe fervira enfuite de l'eau de fleur de fureau , dans laquelle on fera diiïbudre du fel de Saturne ; on l'aiguifera avec quelques gouttes d'efprit - de - vin camphré , & on en baffinera fréquemment la partie , pour réfoudre enfin l'humeur arrêtée , & pour faciliter la tranfpiration ; & par le fecours de tous ces remèdes réunis , mais admi- nistrés avec connoifîànce , l'animal parvien- dra à une guérifon entière & parfaite, (e) ÉRÉTHISME , f. m. ( Médecine. ) ifièio-fi®- , irritamentum. C'eft une forte d'affection des parties nerveufes , dans laquelle il s'excite une plus grande ten- fion ou une crifpation de leur tiflu qui fouffre quelqu'irritation , d'où s'enfuit plus de fenfibiîité. Cet état eft produit par le mouvement déréglé & trop impétueux des efprits ani- maux , qui font le principe de l'action de tous les organes du corps humain. Voye^ Irritabilité , Spasme, (d) ERFORT , (Géogr. modj ville d'Alle- magne ; elle eft capitale de la haute Hon- grie : elle eft fituée fur le Gère. Long. z8x $$i lat.$i.^ ERG * ERGANÉ , ( Myth.) furnom de Minerve : il vient de ïcyov, art; ainfl Minerve- Erga né , ou Minerve inventrice des arts y c'eft la même chofe. En effet , on attribuoit à cette divinité linvention de l'art militaire , de l'archite&ure , de l'our- difîàge de la toile , du fil , de la tapifferie , des draps , du linge , &c. des chariots , de la flûte , des trompettes , de la culture de l'olivier , &c. C'étoit à ces titres qu'elle avoit un autel dans Athènes , & c'étoit-là que facrifioient les defcendans de Phi- dias. '* ERGASTULE , f. m. ( Hifl. anc.) c'étoit un lieu fouterrein ou cachot qui ne receyoit le jour que par des foupiraux étroits , où les Romains renfermoient à leurs campagnes les efclaves condamnés pour quelques forfaits aux travaux les plus pénibles. Un ergafiuîe pouvoit contenir juf- qu'à quinze hommes : ceux qui y étoient confinés , s'appelloient ergafiules , & leur geôlier , ergafiulaire. On y précipita dans la fuite d'honnêtes gens qu'on enlevoit & qui difparoifîbient de la fociété , fans qu'on sût ce qu'ils étoient devenus. Ce défordre détermina Adrien à faire détruire ces lieux. Théodofe ordonna la même chofe par une autre considération , le défordre caufé dans la fociété par les ergafiules , lorfqu'ils étoient mis en liberté par des factieux qui brifoient leurs fers , & qui fe les afîb- cioient. * ERGATIES \ adj. pris fubftantive- ment , fêtes que les Spartiates célébroient en l'honneur d'Hercule. ERG A VIC A y (Géogr. ancienne.) ville des Celtibériens , dans l'Ëfpagne Tarrago- noife , entre des montagnes , près de la petite rivière de Gualdicla , que reçoit le Tage vers le haut de fon cours. Ptolomée en fait mention. On voit une médaille d'Augufte, avec ces mots , Mun. Ergavica.y & une autre de Tibère , avec le même mot. Une ancienne infeription dans le recueil de Gruter ,page 382. x nç-S > porte. aufli ce nom : M. Cal p. M. F. Lu po Fl a m. p. h. c. EX CO N V E N. Cjesar, E rcav ic. ERG C'eft-à-dire, Marco Calpurnio Marci filio y Lupo fiamini provinciœ Hifpaniœ citerions y ex conventu. C oefarauguftano y Ercai'icenjî. Pline a rangé dans l'aiïèmblée de Sara- gofTe Ç in Ccefaraugitflano conventu. J un peuple qu'il nomme Ergavicenfes. Il n'y a pas de doute qu'au XLC. livre de Tite- Live, ch. 50, il ne faille lire Ergavica au lieu de Ergavia qui y eft qualifiée noble & puijjante cité. Les Efpagnols tiennent que c'eft préfente- ment Alcanni\a y à fept lieues de Tortofe. Moralez croit que c'eft le lieu nommé Penna-Efcrita ou Santaver. Dicl. Géogr. la Martiniere , édition il 68. (C) ERGOT, f. m. ( Hift. nat.J C'eft ainfi que l'on appelle une forte de corne molle qui fe trouve derrière le boulet du cheval , qui eft recouverte par le poil du fanon. On a auffi donné le même nom aux châtaignes eu lichenes du même animal , qui font de petites tumeurs fans poil , de la grof- feur d'une châtaigne , & de la confiftance d'une corne molle : il y en a une dans chacune des quatre jambes , placée , dans celle de devant, en dedans du bras , un peu au deflus & à côté du genou ; & dans les jambes de derrière , un peu au deflus & à côté du jarret. Mais les ergots propre- ment dits , font derrière les boulets du cheval & des animaux à pié fourchu : ceux-ci en ont deux à chaque pié; ils font compofés chacun d'une corne de même nature que celle des fabots de cha- que doigt. On nomme en terme de chajje y les ergots du fanglier, du cerf, du che- vreuil , &c. les gardes. On a auffi donné le nom d: 'ergot aux éperons du coq. Voye\ Coq. (I) ERGOT , (Agriculufy Econom. domefl.) maladie finguliere dont le feigle eft atta- qué. Quelques-uns donnent ce nom au grain même qui eft attaqué de la maladie , & qu'on appelle auffi bled-cornu ; & ces noms viennent en général de ce que le grain de feigle malade a quelque reiîèm- hlance avec la figure d'un ergot de coq. Langius , médecin , & favant naturalifte , eft un des auteurs qui ent le mieux décrit cette maladie du feigle, & fes effets funeftes. Voye\ AcL Lipf. 1718 , pag. 30g. Les ERG 917 grains attaqués font plus gros que les au- tres , d'une couleur noire ; ont un goût acre ; font fendus en plufieurs endroits T fuivant leur longueur , bc. Le feigle ergoté y mêlé dans le pain , produit des erîets fu- neftes : c'eft fur-tout en 1709 qu'on la obfervé. Les feigles de la Sologne conte- noient près d'un quart de bled-cornu > que les pauvres gens négligeoient de féparer du bon grain , à caufe de l'extrême difette qui fuivit le grand hiver : le pain infecté de ce bled , donna à plufieurs une gan- grené arFreufe , qui leur fit tomber fuc- ceffivement & par parties tous les mem- bres. Voyei mém. académie des fciences 1709 y pag. 63. La plupart des auteurs qui ont parlé de cette maladie , l'attribuent aux brouillards qui gâtent les épis. M. Tillet , directeur de la monnoie de Troies , combat cette expli- cation , dans une excellente diflèrtation fur la caufe qui corrompt les grains de bled dans les épis ; difTertation couronnée avec juftice par l'académie de Bordeaux en 1754, & imprimée dans la même ville en 175$. Comment, dit - il , les brouil- lards qui produifent Y ergot dans le feigle , ne produifent-ils jamais cette maladie dans l'orge , dans l'avoine , ni même dans une quantité prodigieufe d'épis de froment fans barbe , & où l'on ne voit prefque jamais cY ergot ? D'ailleurs , les brouillards cou- vrant ordinairement une certaine partie de terrein , devroient produire un effet aflez général ; or , fouvent un épi tft ergoté r fans que fon voifin le foit ; un arpent eft ergoté y fans que l'arpent voifin ait foufFert : un épi même n'eft jamais entièrement ergoté. Enfin , le feigle qui eft au haut des pièces enfemencées , eft attaqué de Y 'ergot 9 comme celui qui eft au bas , & qui ferri- bleroit devoir plus foufrrir de l'humidité & du brouillard ; & le feigle eft ergoté dans les années feches , comme dans les pluvieufes. A ces preuves on peut ajouter les fufvantes. U ergot n'eft pas une maladie particulière au feigle, il attaque la plante appellée grame r* loliaceum y le gramen micofuros de la plus petite efpece , & l'ivraie. Ces trois plantes font ergotées dans des lieux & des temps fecs , comme dans des lieux & des temps humides. Souvent ces plantes ne foufErent 9iS ERG peint de Yergot dans des lieux inondés , où le feigle & le froment font noyés fans ref- fource. Vergoc ne vient donc point de l'humidité. • M. Tillet croit devoir plutôt l'attribuer a la piquure de quelque infecte ; en exami- nant plufieurs grains de feigle ergotes > il y a apperçu un petit ver à peine fenfïble aux yeux : ce ver renfermé dans un gobelet de cryftal avec le grain ergoté > fe nourrit de ce grain , & le confomme. En ce cas , Yergot feroit femblable à plufieurs maladies qu'on obferve dans d'autres plantes; & qui font caufées de même par des piquures d'infeaes. Voye\ Gale , &c. Langius croit qu'il y a de Yergot nuifible à ceux qui en mangent , & de Yergot qui ne l'eft pas. M. Tillet croit que Yergot eft toujours nuifîble, mais qu'il doit être pour cela en certaine quantité. Le froment, félon les obfervations de M. Tillet , eft aufTi fujet à Yergot; mais le cas eft rare : la pouflîere des grains ergotes ne paroît pas contagieufe comme la pouf- fîere des grains de froment cariés. Voye\ V article GRAINS , où nous donnerons un extrait plus étendu de l'excellent ouvrage de M. Tillet ; ouvrage également recom- mandable par l'importance de l'objet qu'il fe propofe, & par l'intelligence avec laquelle il l'a rempli. L'auteur, depuis la publication de fa diflertation imprimée à Bordeaux en 1755 , dédiée & préfentée au roi au mois de mai de la même année , a ajouté à cette diflertation de nouvelles réflexions , fruit de fes nouvelles expériences , & imprimées à Paris dans le cours du même mois de mai. Voici en peu de mots un précis de ce qu'on lit fur Yergot dans ces nouvelles recherches. M. Tillet a trouvé quelques épis ergotes y tant dans les endroits où il avoit femé le feigle pur , que dans ceux où il avoit été fali avec la pouffiere de quelques ergots broyés y preuve que cette pouflieren'a rien de contagieux pour le grain. Il a confervé , malgré le grand froid , plufieurs des infe&es ou petites chenilles qu'il avoit trouvées dans les grains ergotes. Quelques-unes fe changèrent en aflèz jolis papillons d'une très-petite efpecejfèrablables ERG à d'autres que M. Tillet avoit vus fur la furface de l'eau d'un cuvier expolé au foleil , & qu'il ne fe rappelle point d'avoir vus en pleine campagne. Ces papil- lons avoient attaché à des grains de feigle des œufs qui avoient produit les petites chenilles , auxquelles les ergots ont fervi de nourriture. Il y a apparence , fuivant les obfervations de M. Tillet , que Yergot commence à fe former par le fuintement de la liqueur contenue dans le grain altéré par l'infecte. Parmi un grand nombre d'ergots , il n'y en a qu'un très-petit nombre qui contienne des chenilles ; ia plupart dss grains , altérés Amplement par Pinfede , félon M. Tillet , ne reçoivent point d'oeufs , ou les œufs périflent. Quelquefois une che- nille confomme entièrement Yergot y & n'y laifle que l'écorce , qui fert alors comme d'enveloppe à l'infecte. S'il y a des années où Yergot eft très*- commun , & d'autres où il eft très-rare , il eft facile d'expliquer ces différences par le temps plus ou moins favorable à la pro- pagation des chenilles , les accidens qui peuvent les faire périr, Ùc. C'eft ainfi qu'il y a des années où les arbres à fruit fouf- frenr considérablement , & d'autres où ils font très - peu endommagés , félon que l'année eft plus ou moins favorable à la production des infedes qui dévorent ces fruits. (O) Aux obfervations de M. J'Alembert fur Yergot , nous allons joindre celles que M. Beguillet a cru devoir y ajouter. Uergot ou bled cornu, bled fourchu, bled hâve, eft une production monftrueufe qui fe trouve plus fouvent dans les épis de feigle , & plus rarement dans ceux d'orge & de fro- ment ; raifon pour laquelle Bauhin l'appelle fécale luxurians ( fécale luxurians alitfque or go & fecalis maver. Pin. 2.3 théatr. 43 ',4 J. Lodicere, Linrueus tte d'autres botaniftes donnent nom de clou à Yergot > clavusfûi- finis } à caufe de fa forme aflez femblable celle du clou de girofle. Au Mans où il eft fort commun , on l'appelle mane , en Bourgogne on le nomme ebrun : mais im- proprement, parce que ce mot ne convient ERG qu'au bîed charbonné ; on le nomme en Allemand ajfter-korn > mater-korn , &c. Les grains ergotes fortent confidérable- ment de leur enveloppe & s'alongent beau- coup plus dans l'épi que les autres grains , ils en fortent droits ou recoquillés en façon d'une corne noire à peu près comme Yergoc d'un coq , d'où leur vient leur dénomina- tion ôl ergot. Il y en a qui ont feize à dix- huit lignes de long fur deux à trois lignes de large ; d'autres ne font guère plus longs que le grain , ils font plus légers fpécifique- ment que les grains de froment , puifqu'ils furnagent dans l'eau ; ils varient beaucoup dans leur forme & leur longueur : il y en a qui ont quelquefois plus de deux pouces de long. M. Aymen dit en avoir un dans fon herbier de plus de vingt-fix lignes de long ; le nombre des ergots fur un même épi eft indéterminé : il eft communément depuis un jufqu'à cinq ; mais j'en ai trouvé jufqu'à neuf & dix dans le même épi. Mais on n'a jamais oui parler d'un épi totalement ergoté i les autres grains de l'épi qui portent Y ergot font bien conformés & ne fe reflèn- tent aucunement de la contagion. Les grains ergotes font noirs au dehors & formés dans fintérieur d'une fubftance farineufe aflèz blanche. Cette farine blanche ( dit M. Du- hamel ) eft recouverte d'une autre farine touffe ou brune qui, quoiqu'elle ait une cer- taine confi fiance y peut s' écrafer facilement entre les doigts; mais la corne de X ergot m'a plutôt paru une fubftance fongueule aflèz dure & comme cartilagineufe , du moins quand elle eft deflechée ; car dans les com- mencemens elle eft mollaflè & vifqueufe. Cette fubftance deflechée fe bride aifément en travers ; elle occafione , quand on la rompt, le même bruit que les raves; elle eft moins blanche & moins farineufe que celle du feigle fain; elle approche, félon Ginani,dela confiftance d'un fromage maigre defléché , qui vieillit & tend a la fermentation putride; plus cette fubftance s'éloigne du centre du grain , plus elle perd fa blancheur ; elle de- vient uoirâtre ou rougeâtre près de l'enve- loppe commune , ou plutôt à l'extérieur ; car il n'y a point d'enveloppe. La furface de ces grains eft raboteufe , & l'on y voit ordinai- rement des rainures qui fe prolongent d'un bout à l'autre ; indépendamment de ces ERG 919 rainures aflèz régulières , on y trouve fou- vent des fentes &r crevaflès qui ne me pa- roiflènt point occafionées par des infec- tes, comme on le dit communément; ce font plutôt des gerçures, produites par le deflechement trop fubit de cette excroif- fanc^. V ergot tient moins à l'exédentele de l'épi que les bons grains ; ce qu'il eft aifé de vérifier , parce que les grains d'un même épi ne fe trouvent jamais attaqués de Y ergot tous à la fois. La caufe qui rend Y ergot moins adhérent à l'épi que les bons grains , vient de ce qu'il n'a point de germe , & par confé- quent point de filamens qui l'attachent à l'axe d'où il tire fa nourriture. La partie des ergots qui fort de la balle eft arrondie ; fon extrémité eft quelquefois fendue en deux ou trois portions , fur lefquelles on apperçoit une pouftiere noirâtre : fouvent l'on n'y voit qu'une fîmple corrofion aflèz femblabîe à celle qu'occafîone la rouille de fer. La partie des ergots qui eft renfermée dans la balle eft aiguë , ces balles , quoique faines , paroiflènt plus brunes que les autres ; ce qui vient vrai- femblablement de ce qu'elles étoient adhé- rentes à Y ergot y lorfque fa fubftance étoit mollaflè & vifqueufe. Au refte , la plante ergote'e ne préfente rien d'extraordinaire ; on y remarque cependant , félon M. Read , une végétation moins vigoureufe & un deflè'chement plus prompt que dans les autres. J'ai remarqué à Y article Seigle, que cette efpece de bled vient mieux dans les pays froids & fecs , que dans les pays chauds ou dans les terres humides , fuivant le proverbe ancien ; il lui faut une terre poudreufe , parce qu'elle craint l'humidité , eft fujette à dégénérer lorfqu'elle eft femée dans des terres humides , ou lorfque le champ eft ombragé par quelques bois ou collines. On a conftamment obfervé que les terres froides & humides font les plus favorables à la gé- nération de Y ergot; j'en ai rarement trouvé dans les champs fecs & découverts & bien ex- pofés, rarement encore fur la crête des filions ; j'en ai trouvé dans des fromens le long d'une rivière , quoique cette maladie foit très-rare dans le froment ; le feigle qu'on feme en mars y eft plus généralement fujet que celui qu'on feme en automne. M. Read a toujours remarqué que rhivernache qui çio ERG à la nourriture des beftiaux , conrenoit ref- peclivement plus S ergots que le feigle femé fans mélange. M. Vetillart -, médecin du Mans, prétend , d'après une expérience fui- vie, que Yergot n'a lieu que dansles années pluvieufes, fur-tout lorfque les pluies accom- pagnent & fuivent le temps de la fîoraifon. J'en ai cependant trouvé dans les années les plusfeches , & dans des lieux fecs & arides; mais il y eft beaucoup plus rare que dans les lieux humides & couverts , & il paroît comme prouvé que les années pluvieufes le multiplient. Je dois ajouter , comme une circonftance qui m'eft particulière , que j'ai toujours trouvé beaucoup plus d'ergots dans ces petits épis de feigle qui font fous les autres , qui fieuriffent & qui mûrifïènt plus tard , parce qu'ils font ombragés par les épis plus élevés, bc. Voye[ ma D ifjertationfur l'ergot , imprimée par ordre du gouverne- ment en 1771. Lorfqu'on rendit compte de cette differtation au bureau d'agriculture du Mans , on remarqua , contre mon opi- nion , que ce font toujours les tuyaux & les épis les plus vigoureux qui preduifent le plus à' ergots. Je conviens que les plus gros épis fourniffent ordinairement un plus grand nombre tf ergots; mais mon obfervation n'en eft pas moins vraie que les talles & les petits épis tardifs y font plus fujets que les autres. L'ergot attaque aufîi , quoique plus rare- ment, les autres plantes graminées. M. Tillet a obfervé deux fois du froment ergoté dans les environs de Troies : M. Read en a trouvé cinq àfix épis auprès de Valencienne. Ginani a trouvé du froment ergoté en Italie , mêlé en affez grande quantité au bon grain : voici la defeription qu'il en donne. Componevafi di grani d'una circonferen\a per due 0 tre ed anche quattro volte maggiore del volgare frumento. Di fuori eranno bruni con certe feanalature brève , e di dentro bianchi e molto duri . . . Ji rompevano con facilita per traverfo; V interna fofian^a era fimile al vecchio magro fromaggio , e quando Ji firito layano non dayan farina volatile ma una polvere grève . . . molti feminai ma non vi potti vedere alcuno di ejji ; il che mi fece conofeere che eranno priyi delta yirtîi vegettativa. Quefti corefpondevano molto ad altri fimili grani che produce la fegala i quali ho y.eduto alcunc rade yohe ERG f ne campi vicini alla città. Je m'étonne que Ginani qui a écrit fi fort au long de toutes les maladies du grain en herbe , n'ait dit que ce peu de mots du bled ergoté, & qu'il n'en ait cherché les caufes ni les remèdes ; ce qu'il a fait avec tant de fuccès & de détails fur les autres maladies : pour revenir au fro- ment ergoté y M. Delu en a montré à M. Duhamel , j'en ai moi-même trouvé quatre ou cinq épis : Yergot du froment eft beau- coup plus gros & bien plus court que celui du feigle ; on trouve plus aifément du fro- ment ergoté dans les champs de méteil , que dans ceux enfemencés de pur froment , comme fi le voifinage du feigle pouvoic communiquer cette maladie au froment; cependant M. Tillet s'eft convaincu par l'expérience , que la poufïïere de V ergot n'efl point contagieufe comme celle cju charbon. On a aufîi trouvé de Yergot fur plufieurs efpeces de gramens , fur l'ivraie , fur l'orge f félon M. Gleditfch , mais rarement. Il ne paroît pas que les anciens aient connu Yergot, à moins qu'on ne penfe qu'ils n'aient: compris cette excroiffance fous le terme générique de luxuries vegetum, dont parlent Pline & Théophrafte: mais il eft d'autant plus probable que cette maladie leur étoit inconnue , qu'on cultivoit peu le feigle en Italie où il réufïit mal. Pline dit qu'on n'en femoit qu'au pie des Alpes , & qu'il n'étoic bon qu'à appaifer la faim des plus néceffi- teux. Aufîi Ginani ne parle du feigle ergoté que dans une note ; & quoiqu'il rapporte les mauvais effets qu'il produit en France , en SuifTe & en Allemagne , il n'en dit rien pour l'Italie. Thalius , félon M. Read dans fon excellent Traité du feigle ergoté , eft le premier qui ait décrit ces grains particuliers, & qui peut-être en ait trouvé la véritable caufe. « Il arrive fouvent ( dit Thalius) que » les grains d'un épi de feigle , lorfque les » fleurs font tombées , & qu'ils commen- » cent à prendre de l'accroiffement , con- « tradent une maladie occajionée probable- m ment par la trop grande quantité de fuc yy qui s'y porte : d'où il arrive que l'écorce » du grain encore tendre fe brife , & que » fa fubftance interne s'enfle extraerdinai- w rement ; alors on voit quelques - uns de f) ces grains fortir de leurs balles , ils noir- h ciffent ? & contiennent une farine d'une i> confiftance E R G f^ confiftance «fiez épaiffe. » Il eft furpre- riant que M. Read ni les autres phyficiens ne fe foient pas arrêtés à une explication auffi fimple qu'elle eft naturelle , & qui conduit à croire que Yergot n'eft qu'une fuite du défaut de conformation de l'ovaire , comme le charbon n'eft qu'un défaut de conformation de l'ovaire dans le froment. D'autres auteurs attribuent la génération de Yergot à Pexceffive humidité de l'air & du terrein. « Le feigîe devient ergoté , >y dit G. Bauhin , lorfque , dans le temps » de fa fleur, il furvient des pluies copieu- » Ces , fuivies d'un foleil très-chaud ; ce qui « peut attirer , dans la plante , une plus » grande quantité de fucs nourriciers qu'il n n'en faut pour fon aliment : delà , la fi rupture de l'enveloppe du grain & l'ac- t> croisement extraordinaire de fafubftance » interne. » M. Dodart remarque en effet que cette production monftrueufe eft plus ordinaire dans les années humides , & fur- tout Iorfqu'après un temps pluvieux il fur- venoit des chaleurs excefîives. M. le Mon- r.ier a fait la même obfervation.- M. de Salerne , qui a tant écrit fur les funeftes effets de Yergot > apprit des payfans de So- . logne , que le feigle ergoté venoit à la fuite des pluies trop fréquentes dans le temps de la fleur , qui fe corrompt & produit un ergot , fur - tout dans les terres naturelle- ment humides , & fi l'on a enfemencé les terres trop tard. Cette dernière circonftance eft d'autant plus remarquable , qu'en So- logne , pays qui ne porte- que du feigle , d'où vient le nom de cette contrée Seca- launia, l'on y a toujours fuivi & examiné les caufes qui engendrent Yergot , à caufe àcs funeftes effets qu'il y produit. On a fait en Allemagne les mêmes obfervations , comme on peut le voir dans les annales de Breflau pour 17 17. Langius , Moeller & Schmieder , qui ont écrit avec tant de fuccès fur Yergot y l'attribuent tous trois aux vapeurs corro- (ives des rofées qui s'élèvent du fein de la terre. Langius croit qu'un air humide , chargé de particules nitreufes, fulfureufes, & d'autres parties volatiles , s'amafle le long de l'épi , diftend & comprime la balle , • pénètre la peau qui couvre le grain , la difpofe à la putréfaction , & caufe dans Tome XIL ERG 921 le grain même une fermentation qui le force à fe gonfler. Ce ramollifTement doit , félon lui , faciliter au fuc nourricier que les racines attirent du terrein , & qui fe porte en fi grande abondance dans l'in- térieur du grain , qu'il rompt & fend la peau qui lui fert d'enveloppe : la chaleur des rayons folairesfait évaporer cette humi- dité , donne une certaine confiftance à la fubftance du grain , & occafione ces rugo- fités qu'on apperçoit à la fuperficie. Lan- gius accufe principalement la qualité cor- rofive de la rofée ; il fe fonde fur ce qu'elle eft plus fréquemment fenfible dans le temps où l'on obferve des ergots y & qu'il a re- marqué que ces grains étoient fouvent couverts d'une matière vifqueufe & douce , qualités confiftantes & effentielles de ce météore. Schmieder a fait les mêmes ob- fervations , & penfe que cette rofée , dégé- nérée en fubftance mielleufe qui s'attache aux barbes des épis , eft produite par les vapeurs acres & vifqueufes de la terre , qui , n'ayant pu être difîipées & raréfiées par une chaleur fuffifante , retombe avec les pluies fines , & s'attache aux barbes des épis , auxquelles elle refte fi adhérente , que les pluies fines ne peuvent l'en déta- cher : delà , cette fubftance s'infinue dans les balles , pénètre le grain, & y occafione une fermentation qui en fait croître la fubf- tance. M. Fagon , médecin de Louis XIV , avoit déjà donné , au rapport de Fonte- nelle dans Ykiftoire de V académie , la même explication de la génération delVrgor ^qui retenoit les mêmes qualités nuifibles que la matière mielleufe à laquelle il devoit fa naiftance. M. Tillet a remarqué que la même fubftance mielleufe attachée à un épi ! d'ivraie , y avoit engendré Yergot. M. Adan- ! fon croit que Yergot a la même caufe que j le givre ; c'eft-à-dire, qu'il rapporte toutes \ les maladies des bleds au défaut de tranfpi- ration. M. Gleditfch croit aufliquele clavus Linncei ou aff'ter - korn y appartient aux j vices dont peut être attaquée une tige de I bled qui prend fon accroiffement en plein ! air , lorfqu'elle eft dans toute fa fleur , & fur-tout quand les pluies abondantes font I mêlées à de violentes chaleurs ; l'humi- dité s'amaffe pendant l'efflorefcence dans les calices autour du petit fruit tendre,/ Aaaaaa 9n ERG caufe «ne moififrure qui dévore la pelli- cule & l'exérieur , fans compter que le iuc propre oj mielleux de la plante , & retenu par la fecrétion convenable , ne fau- roit s'en faire. Les étuis oucapfules des fe- mences venant à crever , font en partie dé- truis ; alors le grain imparfait qui'continue fon accroifll-ment , devient calleux &d'un blanc bleuâtre , tandis que la couleur ex- térieure eft noire. Le fuc vicieux , dont cette excroifiànce a été formée , paroît avoir une àcrecé fluide toute particulière , qui peut donner lieu à des maux finguliers , de l'efpece des crampes , & qui vont juf- qu'à rendre eftropié , quand il en entre beaucoup dans le pain. Enfin , M. Tillet combat avec avan- tage ces explications dans une fameufe dif- fertaLion couronnée à Bordeaux , & pré- fenrie au roi en 175$. « Comment (dit-il) les broîillards , les rofées qui produifent Yergot dans le feigle , ne produifent - ils jamais cette maladie dans l'orge , dans l'avoine, ni même dans une quantité de froment fans barbe , où l'on ne voit jamais d'rrgot? D'ailleurs , les brouillards couvrant ordinairement une certaine partie du ter- : rein , dévoient produire un effet afTèz général, & fouvent un épi eft ergoté fans [ que fon voifin le foit ; un arpent eft ergoté, j fans que l'arpent voifin ait fouffert ; un épi ! mémî n'eft jamais entièrement ergoré : on voit aufîi de Ye/got dans les années feches , j quoique moins abondamment que les plu- vieufes. Le feigîe femé dans un champ inondé y a péri , au lieu de produire de ' Y ergot , &c. » Voyei l'article ERGOT. Après avoir détruit les précédens fyftêmes fur la formation de Yergot y M. Tillet y lubftitue le fien. Je foupçonne que Yergot eft produit par la piquure d'un infefte , J qui fait des grains de feigle une efpece de . gale ou excroifiance , qui commence par le fuintement de la liqueur contenue daas ! le grain altéré par la tarière de l'infe&e. En examinant plufieurs grains de feigle ergoté , il a apperçu un petit ver à peine fenfible aux yeux , qui fe nourrit de ce grain , & le confomme. Il convient ce- pendant que parmi un très-grand nombre dergotés , il n'y en a qu1 un^petit nombre qui renferme des chenilles, &c. On peut ERG voir fon fyftéme développé dans l'excellent traité de l'ergot de M. Read , qui l'a re- vêtu de toutes les probabilités dont il étoit fufceptible , fans cependant y joindre de nouveaux faits. J'obferverai que M. Ray , hifi.pl. ij^-t , regardoit déjà , avant M. Tillet , l'excroif- fance du feigle comme l'effet de la piquure d'un infecte. M. Tiffbt , dans fon avis ait peuple y p. 614 } attribue Yergot à la même caufe. M. Gleditfch , dans fa diflertation citée fur la nielle , parle par occafion de Yergot y & croit que la piquure d'un infede en peut être caufe , auffi-bien que le défaut de fécondation. Ce fâcheux accident , dit- il , arrive aufTi lorfqu'un infecte extrême- ment petit , que Linnaeus , Anim. Suec, p. 67^ définit fcarabœus minimus ater jh' rilegus y ou quelqu'autre efpece de ver- miflèau à laquelle on ne peut pas toujours prendre garde , ronge certaines parties des fleurs , ou ne fait peut-être qu'y mordre , à caufe de leur fuc qui a la douceur du miel. II arrive en conféquence que ces parties de fleurs venant à manquer , ou étant privées des fucs qui dévoient les remplir , fe gâ- tent , & s'affaiflant fur l'ovaire qui n'eft pas encore difpofe à la fruclifi cation , le com- priment fi fort , que fa pellicule eft obligée de crever. On a vu que M. Gleditfch eft plus heureux dans l'autre explication qu'il en donne. Pour moi , malgré le refpect dont je fuis pénétré pour ces favans , j'ai peine à ad- mettre la piquure d'un iniecle comme la caufe première de tout le défordre qui arrive aux grains ergotes , en fuppofant , comme on n'en peut douter d'après M. Tillet dont on connoît l'exaclitude '& la fagacité , que l'on trouve quelquefois des chenilles dans Yergot y ou même , fi l'on veut , dans tous les grains ergotes , il refte- roit toujours lieu de douter fî c'eft la fubf- tance de Yergot ou la liqueur mielleufe qui l'entoure à fa nahTance , qui ont attiré Finfe&e , ou lî c'eft l'infecte qui a produit Yergot. Lorfque Yergot commence vers le temps de la fécondation , le grain n'eft pas encore formé : car perfonne n'ignore que le germe ne commence à croître qu'après la fleur pafTée : il eft garanti par la balle co- riacée qui festde calice à la fleur, & qui ERG ferme l'approche aux papillons ou aux in- fectes volans qui pourroient venir dépofer leurs œufs fur le germe même , comme il faudroit le fuppofer dans le fyftême de la piquure du grain. Ne pourroit-on pas ré- torquer les argumens de M. Tillet contre lui-même ? Si Yergot étoit produit par une piquure d'infecte , pourquoi trouveroit-on Yergot en fi grande quantité dans le feigle, tandis qu'on ne le trouve que très-rare- ment dans l'orge & le froment ? Cette dif- férence ne viendroit-elle pas plutôt du fuc propre du feigle, qui eft plus gluant , plus mielleux que celui de l'orge & du froment ? Les infectes qui changent un grain de fro- ment en ergot y rendent cette monftruofité auffi fréquente dans le froment que dans le feigle. Pourquoi Yergot feroit-il plus com- mun dans les terres humides que dans les lieux fecs & aérés, dans le creux des filions, que fur le dos des mêmes filions , dans les temps pluvieux & couverts , fuivis des rayons ardenslors de lafloraifon , que lorfqu'iî fait chaud & fec quand les feigles pafTent fleur , comme on l'a toujours remarqué? Pourquoi le feigle, le gramen aquaticum fluitans ,&cc. y feroient-ils plus fujets que les autres in- feâes ? Pourquoi eft-ce que j'ai trouvé beaucoup plus ày ergots dans ces petits épis de feigle qui font fous les autres, & qui viennent des talles qui fleurifTent&: mûrif- fent plus tard que les épis plus élevés dont elles font ombragées ? Pourquoi y a-t-il moins d'ergots dans les champs femés clairs , que dans ceux où les bleds font touffus & verfés ? Pourquoi y en a-t-il moins dans les champs bien labourés & bien farcies , que dans les champs où la quantité des mauvaifes herbes entretient plus d'hu- midité fur les plantes environnantes ? Pour- quoi eft-ce que ces circonftances feroient toujours invariablement les mêmes, fi des infectes en étoient la feule caufe? Enfin , & cette raifon eft péremptoire , pourquoi n'y auroit-il jamais de germe ni de pellicule de fon dans Yergot ? Eft-ce que l'infecte qui pi- que le grain , commenceroit toujours par en confommer le germe , fans jamais en Iaif- fer dans le bled ergoté ? eft-ce qu'il dévo- reroit conftamment le fon , de préférence au corps farineux ? &c. J'ofe encore «pofer à M. Tillet l'incertitude qu'il a , , . ERG.. .»M même de fa propre opinion. Voici ce qu'en dit M. Duhamel, fon co'aboratcurj \ P- 333 des cïànens , tom. I : « M. Tillet » eft très - porté à croire que Yeigot eft y> produit par la piquure d'un infecte , » qui fait des grains de feigle une efpece » de gale ; mais nous n'ofons , ni lui , ni » moi , prononcer affirmativement fur ce » point, v M. Read , qui a pleinement adopté ce fentiment, devoit y mettre du moins la même restriction , puifquïl n'y ajoutoit pas de nouvelles preuves. Il me paroît donc plus vraifemblable d'attribuer Yergot ou le clou, foit à l'imper- fection de la femence & au défaut de con- formation de quelques-uns des ovaires de la plantule féminale , comme dans le char- bon , foit au dtfaut de fécondation de quel- ques-uns des germes de l'épi , occafioné par l'humidité & les vapeurs , qui empêchent l'effet des parties fexuelîes & l'émiftion de la poufTîere fécondante. ( Voye\ ci-deftus, & ma difîlrtation latine déjà citée , ar- ticle injlorefcentia. ) Le premier cas arrive Jorfque la femence a été mal choifie , ou lorfque le feigle eft femé dans un fable brûlant , dans lequel on a mis trop de fumier , puifqu'on remarque le même ac- cident aux tiges de feigle qui viennent quelquefois d'elles-mêmes fur des couches de fumier feches ; le fécond cas , lorfque le terrein eft humide ou lorfque la faifon de la fleur eft trop pluvieufc. La plante du feigle qui fe plaît , comme on l'a vu , dans les terreins arides & dans les lieux froids & élevés , ne pafte point aifément fa fleur , lorfqu'ellè eft à l'ombre , ou expofée à des vapeurs humides. L'ovaire n'étant point fécondé par la poufîîere génitale , la fève foi - abondante Ù le fuc prop; e & mielleux de la plante viennent prendre la plaie du germe avorté, s'y amaflènt; & après avoir coulé pendant quelque temps , ils forment, en fe condenfant , ces differens corps plus ou moins alongés , connus fous le nom $ ergot. C'eft une circonftance particulière à* cette maladie , que Yergot commence toujours par le fuintement d'une liqueur mielleufe â travers les valvules de la balle qu'elle noircit ; & c'eft cette liqueur unie à la fubC- tance farineufe , qui , en fe deftechant , de- vient un ergot. Aaaaaa 2. 9*4 ERG On rend raifon , par ce moyen , pour- quoi l'extrémité" extérieure de ces grains ergotas eft conftamment plus groffe , plus renflée que celle qui tient à la paille , & pourquoi les balles de Vergot paroiffent toujours faines , quoique plus noires que les autres. On ne peut guère douter que cette liqueur mielleufe qui accompagne la formation de Vergot > ne foit le fuc propre de la plante , qui fe corrompt & fe vicie faute d'être dépuré par la circulation. Lorfque ce fuc propre eft vicié dans les vaifteaux intérieurs de la plante & de l'épi , alors il forme ce qu'on appelle la nielle : mais lorfque l'épi eft bien conformé, à l'exception de quelques ovaires feulement, ou lorfque ces ovaires fe gâtent & fe cor- rompent dans le temps de la fécondation , alors le fuc propre _, accompagné de fubf- tance farineufe , va former un dépôt en place du germe avorté. Dans ce cas , il fe change en un corps qui n'a ^oint de figure confiante & déterminée, faute de moule pour le contenir; & il s'alonge fous la forme d'un ergot droit ou recoquiîlé plus ou moins long , gros ou mince , fuivant l'abondance de la matière qui le fournit. Si Ja pouffiere de X ergot & de la nielle ne paroît pas contagieufe comme celle du charbon, c'eft qu'étant extérieure & def- féchée par l'air & les rayons du foleil , elle perd une partie de fon activité ; au lieu que celle du charbon, qui refte en- fermée fous la pellicule du grain , conferve toute fa force. L 'ergot paroît terminé par une efpece de poche ou véficule deftechée & flérrie , qui nreft vraifemblablement que le germe ou plutôt l'enveloppe qui devoit le contenir avant qu'il avortât. J'ai bien examiné à la loupe cette capfule def- féchée , qui paroît comme appofée fur l'extrémité extérieure àe Vergot ,1k qui n'y tient que légèrement ; j'ai trouvé que dans plusieurs clous elle avoit conferve ta forme du grain de feigle , telle à peu près qu'on la trouve attachée aux racines de l'enfance , lorfque la plante a épuifé toute la fubftance laiteufe de la fem«nce. J'ai conferve de ces ergots que l'on voit terminés par l'enveloppe deftechée du grain ; & cette obfervation me paroît démontrer aux plus incrédules, que Vergot n'eft formé que du fuc propre ERG de la plante, qui pouffe & chaffe au de- hors le germe avorté faute de fécondation , ou par quelqu'autre caufe extérieure. Je trouve dans les deux excellens mé- moires de M. Aymen , inférés dans les tom. III & IV des favans étrangers , de quoi me confirmer de plus en plus dans ce que j'ai dit fur les caufes de la production de Vergot. Ce fa van t exad prétend que Vergot du feigle & le charbon du froment , qui ne font que deux efpeces de maladies du même genre & produites par la même caufe , ne viennent que du défaut de fé- condation ; que la différence de ces deux maladies , dont l'une rend la femence du feigle monftrueufe , & l'autre change la fubftance intérieure du froment en une pouftiere noire , fans altérer le fon ou l'en- veloppe , dépend vraifemblablement de la diverfe nature des vahTeaux qui compofent ces femences ; que la fubftance farineufe du feigle eft très-mucilagineufe ; ce qui rend ces vaifîèaux propres à réfifter à l'ex- tenfîon que peut occafioner la fève qui y eft apportée , & que ces vaifteaux peuvent être dilatés fans être rompus ; ce qui fait que l'intérieur de Vergot eft blanc, & que la femence devient monftrueufe ; que dans le froment, au contraire, la fubftance interne du charbon n'eft noire , que parce que les vaifteaux farineux du froment étant moins mucilagineux que ceux du feigle , ils fe rompent plus facilement ; ce qui fait que l'enveloppe conferve fa forme , & que la fève extravafée fe change par l'évaporation en une pouffiere noire , Ùc Quant, à la caufe commune de Vergot & du charbon , elle ne peut être que Te défaut de fécon- dation , puifqu'il y a de bons grains fur le même épi où l'on trouve de Vergot & du charbon ; puifque l'on ne voit point de germe dans le grain charbonné, non plus que dans Vergot; puifqu'en ^examinant les épis charbonnés ou ergotes lors de la florai- fon , on trouve que les ftylesoules ftigmates font viciés , & que le charbon comme Vergot confervent les ftigmates unis à leur extré- mité fupérieure ; que fi ces vices paroiffent être différens , ce n'eft que par quelques fymptomes qui n'établiftènt pas le genre * maladie , mais feulement l 'efpece venant la même fburce ; que le manque de ERG fécondation dans ces grains fait qu'ils n'ont 1 que l'apparence d'une mole , qu'ils font une rnafïe de matière aucrementcolore'e, figurée | & renfermée fous des enveloppes de con- fiftance & de nature différentes ; en un mot , une mafïè fans embryon & par conféquent fans vie , Ùc. M. Read qui combat ce fentiment , dit qu'on ne peut comparer la deftruction totale que nous offre le charbon , avec PaccroifTement monftrueux qu'on obferve dans Yergot; & que la même caufe ne peut produire des effets fi oppofés , la diverfe nature des vaifTeaux qui compofent la fe- mence ne fuffifant point pour expliquer cette différence eflentielle , &c. Mais M. Read confond dans cette obje&ion la nielle avec le charbon. Cette dernière ma- ladie ne détruit pas les enveloppes du germe ; le grain refte entier avec les ftigmates à fa fommité ; il vient , comme V ergot , d'une furabondance de fuc , puifque le grain charbonné eft beaucoup plus gros que le grain fain dans l'origine , & que ce n'eft que par la defïication qu'il fe réduit , & qu'il diminue de groffeur. II feroit donc afièz probable que Yergot ne foit qu'une efpece de charbon , comme le penfe M. Aymen, dont les effets font différens dans le feigle , à caufe du fuc plus vifqueux de cette dernière plante ; cependant j'ai peine à l'admettre , & l'on en peut voir les raifons dans ma DijJ'ertatlon citée fur Yergot : la principale eft qu'indépendam- ment du charbon , dont la première eft contagieufe tandis que V ergot ne l'efl pas , c'eft que le froment eft auffi fujet à Yergot, quoique plus rarement que le feigle. D'ailleurs , ce ne font point feulement les ftigmates qujon trouve à la fommité de Y ergot , mais la capfule entière du grain ; au lieu que dans le charbon , la capfule ne bouge point de la balle , & conferve la forme extérieure du grain fain. D'autres a voient déjà penfé , avant M. Aymen , que le défaut de fécondation ou la conformation imparfaite des ovaires pouvoient occafioner cette forme monf- trueufe. « Rien de plus commun ( dit » M. Geoffroy , dans les mémoires de Va- » cadémie zyzz) que de voir les biens » de la terre manquer par la fuppreflion ERG 925 » des fommets & de leur pouffiere » Quand les blés font en fleur , on. crainc » la nielle : qu'arrive- t-il enfuite ? L'épi » noircit , les grains inféconds s'alongent , » & forment une corne fans germe , d'une » fubftance plutôt approchant du cham- » pignon que d'un grain de bled : le moins » qu'il puifTe arriver ,' c'eft que les cellules » foient vuides , &<;. » Cette explication paroît confirmée par une obfervation de M. Read , qui a toujours remarqué que la partie fupérieure des épis eft en général plus fournie d'ergots que l'inférieure"; ce qui donne lieu de croire que la fituation de la partie inférieure la difpofe à recevoir plus fûremént la pouiïiere des étamines de la partie fupérieure. On peut donc re- garder le défaut de fécondation comme l'une des caufes de Yergot; mais ce n'eft point la feule : ce vice peut auffi provenir , comme je l'ai dit , de l'imperfection de la femence , & d'un dérangement d'organi- fation dans la ftrudure de quelques ovaires , puifque l'on remarque plus à' ergots lorfque les femences ont été mal choifies , & ne font pas parfaitement mûres , lorfque les terres font humides , ou lorfqu'étant légères & fablonneufes , elles font trop fumées , ou lorfque n'étant pas fumées du tout , elles ne peuvent fournir un aliment fuffi- fant à la plante , ou lorfque les champs n'ont été labourés que fuperficiellement , ou lorfqu'on a femé plus tard , ou lorfque les champs ont été mal farcies , ùc. Ainfi Yergot peut être auffi attribué à des caufes antérieures à ce qui fe paffe au temps de l'efflorefcence. Toutes les plantes ont un temps fixe , une faifon déterminée pour fleurir ; ainfi toutes les caufes qui retardent la floraifon , comme les femail'es tardives, les terreins froids , humides , cruds , mal labourés , mal farcies , Ùc concourent à la production de Yergot & des autres maladies du grain en herbe , & Ton y remédie par les moyens contraires. Pour confirmer tout ce que j'ai^dit de la génération de Yergot, je rapporterai quel- ques obfervations curieufes de M. Demoz^ , | qui m'ont été gracieufement communi- quées par le bureau d'agriculture du Mans * lorfqu'on y lut ma dijfertation far les bleâi ergotù , M. Demozé , qui a fait un examen 9i(5 Ë R G fuivi de Yergot avec l'attention la plus fcru- puleufe à principio 3 eftime que cette ex- croifîànce monltrueuie provient d'un lue mielleux , ou liqueur gluante & fucrée , que la plante tire de la terre , & que les gens de la campagne appellent manne : elle fe fait jour par le moyen de l'épi , à l'en- droit du fupport des germes ou femences , & s'épanche par petites gouttes plus ou moins abondantes , de jour comme de nuit , pendant deux (ois vingt-quatre heures , & quelquefois plus ; après quoi , ces gouttes relient adhérentes à la balle , & y pren- nent une confiftance dont la progrefllon fucceflive forme V ergot plus ou moins long , & fous différentes formes , toujours noir & gluant jufqu'à ce qu'il ait atteint fon dernier degré de fécherefïe. Cette manne qui n'eft que le fuc propre de la plante , n'eft point encore mal-faifante ; puifque les enfans la recherchent & la fucent fans danger apparents : mais lorfqu'elle eft reftee adhé- rente à V ergot 9 elle acquiert par la fer- mentation une âcreté mordicante qui rend l'ufage de Yergot très-dangereux. C'eft la faveur fucrée de cette liqueur mielleufe qui y attire les mouches & les infecles , & qui eft caufe que l'on trouve quelquefois dans Yergot de petites chenilles dues à ces in- fecles. Cette liqueur qui fort de l'épi fous le fupport du grain de feigle , expulfe le germe ou plutôt Pécorce de ce grain ; & c'eft le corps étranger qu'on retrouve fou- vent dans fa forme de grain au bout de Y ergot > comme M. Liberge le fit voir à la féance du 30 juillet 177 1. Mais ce qu'il y a de plus fïngulier , c'eft que cette manne ou liqueur mielleufe qui s'échappe du moyeu de l'épi par les châtTes ou balles du grain , eft contagieufe ; & que fi elle coule fur d'autres châlTes du même épi ou fur des épis voifins ou inférieurs , elle y occafione la même maladie , & change le grain en eigot. Audi trouve-t-on fouvent de Yergot Ë R G dans les fromens - méteifs femés avec le feigle , & rarement dam les champs femés de froment pur. Quelle que foit la caufe de Yergot y H eft certain que lorfqu'il entre beaucoup de grains ergotes Jans iepain, il caufe d'étranges maladies , & produit des effets funeftes : cela n'eft pas fiarprenanl! . quand on fe rap- pelle l'acrimonie mou'icunte que Yergot mâché p:oduit fur l'organe du goût. On dit d'ailleurs que cette fubftance fermente plus aiférne-nt que la farine ; ce qui vient fans douie de ce qu'elle eft plus difpofée à la corruption (a). C'eft fur- tout en 1709 qu'on en a fait l'obfervation : les feigles de la Sologne contenoient près d'un quart de grains cornus , que les pauvres négligèrent de féparer du bon grain à caufe de l'extrême difette qui fuivit le grand hiver : le pain infeâé de la farine de ce mauvais bled , donna à plufieurs une gangrené affreufe , qui leur fit tomber les membres fucceiîive- ment par parties. On peut confulter ce qui eft dit dans les mémoires de l'académie des fciences ann. 1709 >p- 63 ; dans Langius, Acl. Lypf. ann. 2718 ; & dans un favanc mémoire de M. àc Salerne , médecin d'Or- léans, inféré dans les mémoires de Vacadém. Il y eut encore une gangrené endémique & très -redoutable , qui défola l'Orléanois & le Blaifois en 1716: elle eft décrite dans la collection académique > tom. III. part, franc, pag. £Z$. Cette terrible maladie eft endémique dans la Sologne , & dans d'autres pays 011 le payfan eft aîTez pauvre pour être réduit à cette nourriture empoifonnée , parce que dans les années de difette il fe garde bien de cribler ces grains ergorés. On a vu ( M. Duhamel cite le fait ) de ces- pauvres gens à l'hôtel - dieu d'Orléans , auxquels il ne reftoit plus que le tronc. On lit encore dans les mémoires préfente's à l'académie , qu'une demoifelle charitable (a) Langius, qui a fait plufieurs obfervations fur l'ergot , nous a appris que lorfque le grain vicié a été macéré pendant vingt-quatre heures dans l'eau chaude, il s'en fépare une matière qui s'élève à la fuperficie de l'eau , & y fait une croûte de diverses couleurs. Defcriptio morbomm ex efu davoruat Seoalls , C. V. M. Aymen, qui a répété cette observation , prétend que cela ne vient que des divers arrangemens des corps globuleux de la lève dont l'eau change la couleur ; c'eft peut-être par la même raifon que Ye-rgot rend le pain violet : quoi qu'il en foit, cette matière macérée dans l'eau, fe corrompt 5c fe putréfie irès-promptement ; ce que l'on paurroit regarder comme la caufe principale des maladies de corruption qui fuivent _l'ufage de l'ergot. ERG avoit une bonne recette contre ce mal af- freux ; qu'elle l'arrêtoit par un topique avec une eau compofée de quatre onces d'alun , trois onces de virriol romain , & trois onces de fel que l'on fait fondre dans trois pintes d'eau réduites à une : on y trempoit des linges , qu'on appliquoit fur les parties gangrenées. M. Vétillart criti- que amèrement la compofition de cette eau efcarrotique , qui eft mal indiquée dans le dictionnaire 'd'hijioire naturelle , au mot feigle : il y fait des changemens , avec des obier vations judicienfes fur la manière & le temps de l'employer. Un moyen plus certain , c'eft de pré- venir le mal même , en féparant avant tout , par le moyen du crible , ces grains ergotes qui font plus gros que les autres. Dès l'année 1676 , on propofoit à l'aca- démie des fciences , comme le feul remède à ce mal , de faire défendre aux meuniers de moudre du feigle où il y aura des grains ergotes : il eft fi aifé de le connoître , qu'il n'eft pas pofîible de s'y méprendre. Sur hs représentations de MM. de l'académie , M. de Pontchartrain en écrivit à M. l'in- tendant d'Orléans : on donna les mêmes ordres en 17 16. Nicolas Langius , fameux médecin de Bade , dont nous avons parlé plus haut , croit qu'il y a de Yergot plus nuifible à ceux qui en mangent , & de Yergot qui ne l'eft pas. M. Tillet croit que Yeigot eft toujours nuifible , mais qu'il doit être pour cela en certaine quantité. On prétend en- core que Yergot perd fa mauvaife qualité , quand on le garde un certain temps. Le mauvais feigle qui faifoit le pain violet , le fait plus blanc & moins nuifible â la fé- conde ou à la troifieme année ; mais dans les années de difette , les payfans qui n'ont point le temps de garder leurs grains , font obligés de le confommer aufïi-tôt après la moiffon ; ce qui les expofe à la fâcheufe maladie dont nous avons parlé : car on obferve que plus Yergot eft frais , plus il eft dangereux ; il y a même des années dans lefquelles on prétend qu'il eft plus malin. Corrhne on révoque aujourd'hui en «îouteles effets mal-faifansdu feigle ergoté, M. ScMegsr , célèbre médecin , a efîàyé ERG 927 depuis peu de difculper Yergot âes accu- fations graves qu'on lui a intentées ; je vais réunir le témoignage des gens les plus inftruits , à ceux dont nous avons déjà parlé plus haut. M. Lemery , dans fon diàion- naire des drogues y au mot fécale y dit que ceux qui mangent du pain fait avec du feigle ergoté , font attaqués d'une efpece de mal de S. Antoine ; que leurs membres fe corrompent dans les jointures , devien- nent livides , noirs , fe détachent , & tom- bent fans que les remèdes puiflènt en ar- rêter le cours. On lit , dans les mémoires de V académie > Savans étrangers P tome III , page %j8 y qu'après quelque ufage du pain de feigle ergoté , on commence à refïèntir une ef- pece d'engourdilTement dans les jambes : la partie fe tuméfie , fans qu'il paroiffe le moindre figne d'inflammation ni de fièvre. Le mal fait des progrès dans les mufcles & dans les parties couvertes des enve- loppes communes : il attaque enfuite la peau ; alors ou la partie fe fépare d'elle- même âes chairs faines , ou elle devient feche , racornie , noire , incorruptible, & femblable en tout aux membres d'une momie. Lorfque la maladie a fini aux jambes , elle attaque les bras , & y pro- duit les mêmes effets : le feul remède que l'on connoiflè pour ce mal eft l'amputa- tion. On a nommé cette maladie gangrené feche. L'ergot produit encore des fièvres putrides & malignes ; il tarit le lait aux femmes ; il enivre , il affaiblit les fens : enfin , quoique Lonicerus le vante comme un bon anti - hyftérique , fon ufage eft très-pernicieux , & doit être évité foigneu- fement. M. Lieutaud , dans fa matière médicale 9 ^page 6iq. y dit que le feigle ergoté eft très- ' mal-faifant , & caufe à ceux qui en man- gent durant quelque temps , une gangrené feche & horrible , qui fait que leur? mem- bres tombent d'eux-mêmes. Les auteurs du dictionnaire de famé difent la même chofe , au mot Feu S. Antoine , & indi- quent pour la cure de cette maladie les mêmes traitemens que pour la fièvre pef- tilentielîe. Sauvages appelle cette maladie Necrofis uflilaginea ou Yergot: on peut voit dans la Nofologie de cet auteur ceux qui 928 ERG en ont traité ; on peut auiîî confulter Do- dart , la Hire , & fur-tout M. de Salerne qui parle de vifu. Voyez les mémoires de V académie y tome X, & les mémoires étran- gers , ternes I Ù II , & le Met cure de France , janvier zj/j.8 , page J $• M. Tiffot, dans V Avis au peuple fur fa famé, page $iq, féconde édition , rapporte les fymptomes de la maladie qui attaque ceux qui ont mangé quelque temps du feigle ergoté : ils tombent dans une efpece d engourdiffement & de ftupidité ; le ven- tre devient gonflé & tendu ; ils maigrif- fent , font jaunes , & fi faibles qu'ils ne peuvent fe foutenir. La jambe ou le bras s'engourdifTènt , deviennent violets ; la peau eft froide , & la gangrené paroît aux doigts des pies ou des mains : fi l'on n y remédie promptement , le mal s'étend , & tue le malade en peu de temps ; fouvent les membres fe détachent à l'articulation , & tombent fans qu'il arrive d'hémorragie. Il fe levé en différens endroits de petites puftules remplies d'un pus très -clair; le pouls eft concentré , & le fang que l'on tire eft couenneux. On peut voir au même endroit le traitement indiqué par cet ha- bile médecin ; mais il preferit trop tôt l'ufage de l'eau efeanotique qui ne doit pas être employée dans la gangrené com- mençante. Au témoignage des médecins joignons celui des botaniftes. M. Adanfon , dans fes réfultats d'expériences déjà cités , dit , page q§ , que le feigle ergoté caufe des maladies aux perfonnes qui mangent du pain où il s en trouve même une petite quantité. M. Buc'hoz , dans fon diclion- naire des plantes y dit , au mot feigle , que Yergot occafione de fâcheufes maladies. M. Aymen , tiès-habiie botanifte , obferve que les palmiers font fujets , comme le feigle , à avoir des fruits ergotes ; & ce qui n'eft pas moins particulier , c'eft que ERG les ergots de ces arbres produifent des effets aum* fâcheux que ceux du feigle : on en trouveroit peut-être la raifon dans le grand rapport qu'il y a entre ces deux plantes. Les botaniftes favent tous qu'il n'y a aucun ordre naturel dans le règne végé- tal qui ait plus de rapport avec un fécond ordre , qu'en ont les palmiers avec les graminées. Voye\ Adanfon , famille des plantes , page z/f.. Je pourrois encore citer , fur les effets de Yergot , le dictionnaire d'hijhire naturelle ; mais comme ce n'eft qu'une compilation , cette autorité neferoit pas d'un grand poids. Enfin , le bureau de la fociété royale d'agriculture du Mans , publia , il y a quelques années , un avis fur l'efpece du poifon connu fous le nom de feigle ergoté y &c fur les maux qui réfultent de cette per- nicieufe nourriture : on y joignit un mé- moire fur la méthode curative qu'on doit mettre en ufage fuivant les différens temps de la maladie , par M. Vétiilard , méde- cin du Mans. M. l'intendant de Bourgo- gne , qui étend fon zèle & fa vigilance fur tout ce qui peut intéreflèr le bien des hommes , fit imprimer à Dijon , chez Frantin , l'avis du bureau , avec le mé- moire & un fupplément , pour le diftri- buer gratuitement dans la généralité. On affure dans cet avis , d'après les ex- périences les mieux conftatées & la relation des malheurs qui affligèrent il y a quelque temps la Sologne , où il périt fept à huit mille perfonnes dans un petit efpace de temps, quelVr^or eft un poifon fubtil qui , lorfqu'il eft mêlé avec le bon grain en certaine quantité , caufe aux perfonnes qui en mangent du pain , les maladies les plus cruelles , des vertiges , des fièvres mali- gnes , la gangrené , & prefque infaillible- ment la mort auffi fubite qu'elle eft dan- gereufe {b) : c'eft dans la vue de prévenir de tels maux , que M. févêque du Mans (b) On y remarque auffi que Yergot eft également nuifible aux animaux qui en mangent. Un cochoa ayant été nourri de fon de feigle ergoté , a péri au bçut de quatre mois , après avoir perdu les quatre jambes & les deux oreilles. Deux canards nourris de feigle ergoté , ont également péri après avoir perdu l'ufage des jambes. Ceci contredit les expériences faites fur différens animaux, par l'auteur d'une Jcttre inférée au journal encyclopédique; mais en fuppofant ces dernières expériences exaûes , on n'en pourroit rien conclure contre les effets de Yergot fur l'homme : on fait que l'amande amere qui ne lui fait point de mal, eft un poifon pour la volatile *, au contraire les baies du garou , qui font un purgatif dangereux & violent pour les hommes , font une fort bonne nourriture pour les oifeaux qui en tira* grès-f.-iands ; d'où l'on peut conclure, qu'on ne doit pas ufer d'un aliment dont les animaux mangent fie ERG fit publier , dans fa paroiffè d'Yvré , un avis particulier pour engager les gens de la campagne à ne porter au mouLn aucuns feigies ou méteils ergotes , fans en avoir auparavant féparé Y ergot par le crible. Suivant M. Vétillart, les effets généraux de Y ergot font de détruire le reifort des nerfs & des vaifîèaux artériels , d'épaiffir le fang qui , privé de l'action & du refîbrt des vaifteaux artériels fur lui, fe coagule fur- tout aux extrémités'de ces vaifilaux , ainfi qu'aux parties les plus éloignées du centre de la circulation , telles que les extrémités inférieures : les fupérieures s'en trouvent fucceffivement affe&ées; ces parties tom- bent en. gangrené & en fphacele. La gangrené , fuite de la nourriture du feigle ergoté , eft annoncée par un mal-aife le jour , une mélancolie poufïée jufqu'à la ftupidité , un accablement univerfel , une agitation la nuit , des peurs dans le fom- meil , des douleurs vagues dans le dos , dans les reins , des contractions fpafmodi- ques dans les mufcles des extrémités : ces mouvemens font fouvent douloureux ; une chaleur cuifante & momentanée fe faitfentir à la partie menacée , le pouls augmente un peu de vivacité , les urines font crues , le ventre eft tendu , quelquefois douloureux ; il ne fait que difficilement fes fondions. Au fécond période , les fymptomes ci- deffus augmentent d'intenfité ; les membres affedés d'abord de mouvemens convulfifs , de douleurs , deviennent pefans & engour- dis ; il fe manifefte dans quelques fujets un feu eréfipélateux , que quelques auteurs ont nommé feu de S. Antoine , qui d'un rouge très-vif devient un peu violet. Au troifieme période , la chaleur éréfi- pélateufe , vive & cuifante , fe métamor- phofe en un froid qui s'augmente à chaque moment au point de devenir glacial : le pouls fe concentre , le mouvement & le fentiment s'éteignent peu à peu dans la ERG 929 partie , l'extérieur du membre affecté perd quelquefois fa couleur naturelle fans avoir été précédé d'éréflpele ; il maigrit , fe def- feche , & devient au quatrième période un membre étranger dont on eft obligé de fe débarraflèr ; il fe détache dans quelques-uns à l'articulation par le feul effort de la na- ture , & fans qu'il furvienne d'hémorra- gie , lors même de l'amputation : cet ac- cident n'eft point à craindre , tant le fang eft coagulé. Le pouls , à ce quatrième période , fe fait à peine fentir : le mal qui pour l'ordi- naire a commencé par l'extrémité inférieure, gagne les fupérieures ; le mouvement ar- tériel eft ralenti généralement , l'abatte- ment eft extrême ; le vifage , fur -tout le nez , devient froid glacial , une fueur de même nature fe fait remarquer par tout le corps qui a perdu la force de fouffrir ; les yeux s'enfoncent dans les orbites , la voix s'éteint , un délire fourd & quelques dé- faillances font les annonces de la mort. Les fymptomes énoncés dans les quatre périodes ci-deiïiis font plus ou moins fen- fîbles , fuivant les fujets & les circonftan- ces. Quelques-uns font tout-à-coup pris des fymptomes du fécond , même du troi- fieme période , fans avoir éprouvé les pré- cédens ; ce qui vient des tempéramens plus ou moins forts , des fujets & de la quantité plus ou moins confidérable d'ergots dont ils ont fait leur nourriture : les indications à remplir font différentes , félon l'état & le période du mal , lorfqu'on eft appelle pour y remédier. Dans un fupplément qui eft à la fuite du mémoire de M. Vétillart , on obferve que tous les fymptomes de la maladie provenant du bled ergoté , & les remèdes qu'on y a appliqués jufqu'ici avec fuccès , montrent qu'elle n'eft autre chofe qu'une fièvre ma- ligne avec un point malin ou dépôt aux ex- trémités , & que ce n'eft qu'en la rangeant fans danger, parce qu'il peut devenir un poifon pour nous ; mais les expériences par lefquelles on préren- droit prouver que l'ergot n'eft point pernicieux aux animaux qui enmangert , ne font rien moins que certaines. Aufii l'avis du bureau d'agriculture du Mans ne manque- 1- il pas de recommander , par un P. S. , de brûler l'ergot qu'on a féparé par le crible ou de l'enterrer , parce qu'il y auroit du danger à le laiffer manger dans les baffes-cours par les beftiaux ou par la volatile, & qu'il n'y auroit pas moins d'imprudence à le jeter dans l'eau, où il pourroit devenir également nuifible aux poiffons. On lit dans la collection académique, que des poules, auxquelles on n'avoit donné que de l'ergot, rebutent cette nourriture &font reliées trois jours fans manger, loco citate. Tome XII. Bbbbbb 93o E R I dans la clafîè des fièvres malignes , qu'on peut !a traiter convenablement. (M. Be- guillet.) EllGOT , f m. (Manège , Maréchaller.) Nous appelions de ce nom un corps d'une confiftance plus ou moins molle , d'un vo- lume plus ou moins confidérable dans cer- tains chevaux que dans d'autres , & d'une forme vague & irréguliere , qui eft fitué fur chaque jambe derrière le boulet , & que le fanon recouvre ; communém ne il a moins de dureté que la châtaigne , & cecte efpece de corne eft dénuée toujours de poil. Je ne fais quelle eft l'intention des maréchaux , qui pratiquent fur ce corps une incifion cruciale , & qui le fendent ainfi dans le cas des enflures des jambes , des boulets , & dans celui des eaux , des mules traverfines , des grappes , &c. ; ce qu'ils appellent de'fer- goter. Je ne leur ferai néanmoins aucune queftion à cet égard , parce que je fuis rrès- perfuadé que leur réponfe ne préfenteroit rien de fatisfaifant. Ce dont je ne fuis pas moins affuré , c'eft qu'une pareille opération eft inutile , & en pure perte, (e) ERGOTE , (Vémrie.) un chien eft ergoté quand il a un ongle de furcroît au dedans & au deffus du pie. ERGUET , terme de pêche. Voye\ Fart. Co.LF.RET. ÉRIC ou HENRI , (Hijhire de Dane- marck. ) nom commun à plufieurs princes du Nord ; quelques hiftoriens de Danemarck parlent de deux Eric y l'un qui régnoit vers 846 , l'autre vers 8io, & qui tous deux s'oppoferent d'abord au progrès de l'évangile, & finirent par le protéger ; mais comme il eft douteux qu'ils aient été rois de Dane- marck, & qu'on a foupçonné qu'ils n'étoient que d.s princes tributaires de cette cou- ronne , nous regarderons comme le premier roi de ce nom celui que quelques chroni- ques fufpects ne placent que le troifieme. Eric I, roi de Danemarck. Il étoit le quatrième des fils de Suenon II. Après la mort d'Ollaus fon frère , les états le cou- ronnèrent en 1095 i il fo aux Vandales une guerre opiniâtre , inonda de fang leur ca- pitale , la livra aux flammes , ravagea leurs campagnes , & fit ouvrir le ventre & dé- chirer les entrailles des prifonniers ; tout couvert de fang dune nation belliqueule , E R 1 il n'ofa punir l'audacieux arcLevêque d« Brème , qui vouloit aftujettir tout le Dane- marck à fa junfdi&ion ; il en appella au pape , & client du faint fiege , alla hum- blement plaider fa caufe à Rome contre fon vaffal ; il obtint la canonifation de Canut I Vr alla vifiter la terre fainte , & mourut en Chypre l'an 1 105 , après avoir fait beaucoup de mal à fes voifins , & peu de bien à fes fujets. L'hiftoire le peint cependant afFable , éloquent , libéral , fur^tout envers les gens egi'.îe. Eric II, furnommé />/We lièvre & il- lujire 9 roi de Danemarck. On lui donna le premier de ces furnoms , lorfque fuyant de- vant fes ennemis , il erroit de retraites en retraites , fans fecours , fans amis ; & le fé- cond , lorfque forti de fon afyle, plus ter- rible que jamais , il écrafa fes perfécuteurs au milieu de leurs triomphes. Il étoit fils d'Eric le Bon ; mais né d'une alliance adul- tère , il perdit par fanaifïànce les droits que fes hautes qualités pouvoient lui donner fur le trône. Canut fon frère ayant été afîàfîiné par Magnus , fils du roi Nicolas , l'an 1 133 , il affembla la nation , cria vengeance , & le même cri fut répété par les Danois ; on courut aux armes , & pour venger la more d'un homme , on en égorgea des milliers. Eric fut proclamé roi par les Zélandois & les Scaniens : l'empereur Lothaire appuya cette révolution ; il efpéioit , en plaçant!; r/c fur le trône , compter un vaffal de plus parmi les têtes couronnées , & rendre le Danemarck tributaire de l'empire. Le nou- veau roi rechercha avec plus d'empreffe- ment l'alliance des Norvégiens , plus utile & moins dangereufe. Avec ces fecours % il triompha fur mer , tandis que fes troupes étoient défaites dans la Jtithie ; vainqueur & vaincu prefque dans le même temps , il alla chercher un afyle en Norvège. ïl n'y trouva qu'une prifon ; le roi le fit arrêter ; mais il fut tromper la vigilance de fes gar- des , s'échappa , rafîèmbla quelques amis , eut bientôt une armée , mit en déroute celle de Nicolas , & fut reconnu par tout le Dr- nemarck après la mort de ce prince; il gou- verna l'état avec fageffe , traita le clergé avec fermeté , le peuple avec douceur , fes officiers avec nobleffe ; mais les confeils per- fides des peftes de cour le rendirent barbare ; E R I fl fit périr les enfans de Harald fon frère , quoique leur foibîefie fût un garant de leur innocence , & qu'ils n'eufîènt point trempé dans les complots que leur père avoit tramés contre Eric. Celui - ci fut aflaffiné par un certain Plogh , miniftre de la fureur des Scaniens révoltés. Ce fut l'an 1138 que fe cemmit ce régicide. Eric III , roi de Danemarck , furnommé Vigneau > ne fuccéda à Eric II que l'an 1140. La force de fon parti abattit les con- currens à fes pies ; on le conduifît au trône plutôt qu'il n'y monta lui-même ; il s'y en- dormit dès qu'il y fut placé , fut le jouet des prélats , l'efclave de fes courtifans , & laifïà à Ces minières tout le fardeau du gou- vernement ; il ne s'occupa que du foin de fe Kourrir & de fe conferver ; il reconnut bientôt qu'il avoit manqué fa vocation , & qu'il étoit deftinl à la vie monaftique. Il defeendit donc dans un cloître l'an n 44: mais lorfqu'on lui annonça que la nation s'afTembloit pour lui nommer un fuccefïeur , il en mourut de dépit. Eric IV, roi de Danemarck, avoit vingt- cinq ans accomplis lorfqu'il fuccéda à Val- demar II , fon père , en 124 1 ; il avoit un cœur droit , un efprit cultivé , des manières affables , des mœurs fimples , un caractère doux & pacifique ; refoludene jamais faire la guerre , il le déclara hautement , & l'on entendit aufîi-tôt murmurer la noblefîè qui ne fubfiftoit alors que par les malheurs du peuple , & tant d'hommes intérefîesà étouf- fer , par le tumulte des armes , la voix im- puiflànte des loix : mais bientôt les entreprî- tes audacieufes de la ville de Lubec le for- cèrent à prendre les armes ; il les quitta , dès qu'il le put , fatisfait d'avoir humilié cette république. Mais à peine cette guerre étoit-elle terminée , que fes trois frères lui refuferent l'hommage qu'ils lui dévoient , réunirent leurs forces , & marchèrent contre lui ; cette guerre fut longue & meurtrière ; Eric fut enfin toucher le cœur de Chriftophe, & l'exemple de celui-ci entraîna bientôt les autres. La paix fut (Ignée , ChriMophe étoit déjà rentré dans fes domaines. Abel & Canut rentrèrent aufli dans leurs duchés de Sîef- j wick & de Blecking , mais à condition d'en faire hommage au roi. Cependant le perfide Abel méditoit une vengeance digne de fon ERÏ 93 r cœur ; il attire Eric dans fon palais , 6\ au milieu des carefles que fa faufie amitié lui prodiguoit , le fait enchaîner & jeter dans un bateau à la merci des flots ; il y périt j Tan 1250. Abel jouit du fruit de fon crime , 1 tint quelque temps le Danemarck dans l'il- I lufïon , & perfuada à fes crédules fujets I qu'il étoit le vengeur de fon frère lorfqu'il en étoit l'afïailin. La vérité fut reconnue ; Eric fut canonifé en 1256. ERIC V , furnommé Glipping, parce que (es paupières étoient fans cefïè en mouve- ment. Il monta l'an 1259 > \ l'âge de dix ans , fur le trône de Danemarck, à qui l'ambition du clergé avoit lait efïuyer, pen- dant le regne de Chriftophe , les fccouflès les plus violentes ; les évéques refuferent de le reconnoître : le pape Alexandre IV pré- tendit aufîi qu'il perdoit tous Ces droits à la couronne , s'il ne délivroit l'archevêque de Lunden, que Chrifrophe avoit fait mettre dans les fers. Il fembloit finguîier qu'un roi du Nord eût befoin du fuffiage d'un pontife Italien , pour obtenir celui de fes fujets y le clergé fomenta les divifions qui déchiroient l'état : Eric étoit fils de Chrif- tophe ; un autre Eric , fils d'Abel , avoit des prétentions fur le duché de Sle Vick ; les évéques & les comtes de HolOein le li- guèrent en fa faveur. On prit les armes , on en vint à une bataille ; deux généraux Danois s'enfuirent lâchement , le roi fut fait prifonnier , on lui rendit fa liberté ; il reparut dans le Danemarck ; les deux gé- néraux qui avoient donné aux foldats l'exem- ple de la fuite , Yvon & Fingh , périrent fur un échafaud. Eric , pour défendre fes états contre de nouvelles irruptions , acheta du duc de Slefwick , la vilie de Kolding , qu'il fit fortifier. Tandis qu'il veilloit ainfi à la sûreté de (es états , les évéques manœu- vroient fourdement contre lui ; chaque jour on découvroit de nouvelles confpirations ; Eric n'ofoit punir les coupables ; le pape le menaçoit de fa colère , & le roi fe vit contraint de prendre le pontife pour juge entre fes fujers & lui ; ce fut par cette dé- marche humiliante , qu'il acheta un repos qu'il confacra tout entier au bonheur de Ces fujets. Le mariage de fa fœur avec le Mar- grave de Brandebourg , la tutele des en- fans du duc Eric P des fecours accordés au Bbbbbb 2 231 E R I E R I duc Magnus , les fufFrages du peuple gagnés Ce qu'il y a de plus donnant dans cet évé- en faveur du jeune Eric à qui la couronne nement , c'eft que ce fut au pape que le fut afliirée , une alliance contra&ée avec la ; roi appella de la fentence lancée par ce pape Suéde ; tels furent les foins qui partagèrent même. Ce ne fut qu'en 1303 qu'il reçut les momens d'Eric fur le trône ; il protégea ' un pardon aufîi humiliant que le châtiment le commerce , accorda aux habitans de j même. La fituation duDanemarck n'en fut pas beaucoup plus heureufe ; le roi toujours en guerre , tantôt avec la Suéde , tantôt avec la Norvège , quelquefois avec l'am- bitieux Chriftophe fon frère, fou vent même menacé par des fcélérats qui en vouîoient à Déventer & de Harderwik une partie du territoire de Scanor , confirma les privilèges de la ville de Lubec , lui en accorda de nouveaux , lui permit de nommer un préfet à Scanor & à Falfterbo ; i! fit un code de police appelle birckeret _, châtia la révolte du j f-s jours, ne connut pendant plufieurs an- duc de SIefwick , lui donna des fers , & i nées que les chagrins qui afîiegent le trône, les brifa prefque auiîi - tôt. Il mourut l'an j Malgré toutes ces inquiétudes , fon goût 1286. On ne peut guère lui reprocher que ! pour les fêtes publiques fe réveilla. Il donna la foibledè qu'il montra dans fes démêlés j des tournois dans la Vandaîie ; la ville de avec les évêques & la cour de Rome. Il ' Roftoch fut alarmée du concours de princes fouffi.it que le pape lui écrivît du ton dont 1 que cette fête devoit attirer dans fes murs ; un fouverain écriroit à fon fujet. j elle refufa fes portes , on ouvrit la lice dans Eric VI, roi de Danemarck , fils du j les environs; mais à peintes tournois furent finis, que la ville fut afïiégée. Après une lon- gue défènfe , elle fut forcée de fe rendre ; le roi lui donna pour protecteur Henri de en bas âge , & le roi de Norvège profita j Mecklenbourg ; il conquit enfuite I'ifle de de fa ioibleiTe pour l'attaquer ; les troubles j Bourbon , accorda fa protection à la ville de prêts à éclore dans le Danemarck , redou- Stralfund, dont le margrave de Brandebourg bloient l'audace des Noiwég-ens. Pendant j prétendoit auflî être le protecteur. On fent la minorité d'Eric y les états cédèrent à j afTez que , fi cette protection n'eût pas été Valdemar , duc de Slefwick , quelques j payée fort cher par la ville , ces deux princes précédent Eric _, défigné pour fuccéder à fon père , fut reconnu par la nation aufîi- tôt qu'Eric V eut fermé les yeux ; il étoit domaines de la couronne , entr'autres , les ifles d' Alfen , d'Arroê & de Fermeren ; dès qu'Eric put régner par lui-même , il les réclama , & voila la guerre allumée. Eric débuta par une victoire navale ; mais les complots du clergé , les menaces de la cour de Rome le forcèrent bientôt à conclure une trêve avec le roi de Norvège , pour négocier avec l'églife irritée. Son mariage avec Ingeburge , fille du roi de Suéde , qui, en lui affurânr l'appui de cette couronne , ne fe feroient pas difputé avec tant de vio- lence le droit de fecourir fes habitants. Le roi l'emporta ; la protection du plus fort fut préférée par nécefïité , quoiqu'elle fût la plus dangereufe. Eric mourut l'an 13 19. C'étoit un prince généreux, équitable, & quin'abufa jamais du pouvoir fuprême. Un feul trait fiimra pour faire connoître fon caractère. Ayant découvert en 13 12 une confpiration formée contre fa perfonne , il convoqua une afïèmblée des états généraux , il y dévoila auroit effrayé toute autre puiffance, ne parut j tout le projet de cet attentat , nomma les pas inquiéter le clergé. Boniface Vili étoit ! chefs & même les complices, marqua l'heure alors fur le faint fïege : cet homme impé- J rieux s'étoit déclaré le maître & i ennemi j des rois ; fi la France ne lui eut pas o : pofé i un Philippe-le-Bel , il auroit difpofi; de toutes les couronnes de l'Europe. Ce pape condamna Eric à une amende de quarante- neuf mille marcs d'argent , pour avoir fait enfermer un archevêque. Enfin , il l'excom- munia , lança un interdit fur fon royaume , & dégagea fes fujets du ferment de fidélité. de l'exécution , répandit le jour de la vérité fur toute cette conjuration , & finit par de- mander aux états la grâce des coupables. Eric VII , fils de Chriftophe II , fut afïbcié par fon père au trône de Danemarck l'an 1322. Chriftophe , accablé d'infirmi- tés , vouloit rejeter fur ce prince le far- deau entier du gouvernement ; mais celui- ci étoit à peine en état de le partager ; c'étoit plutôt un foldat qu'un roi , il E R I étoit moins miniftre que citoyen ; il dé- fendit fon père avec beaucoup de courage contre Tes fujets révoltas ; il fut pris, porta fes fers avec une noble fierté , & fe montra plus grand dans fa prifon que fur le trône ; il combattit avec bravoure à la bataille de Lohede ; mais toute fon armée ayant été taillée en pièces , il fuivit la déroute géné- rale ; malheureufement pour fa gloire , ce fut dans fa fuice qu'il tomba de cheval : il mourut de cette chute l'an 1332.. Eric VIII de Poméranie , roi de Da- nemarck. Il fe nommoit d'abord Henri ; il étoit fils de Wraciilas VII , duc de Pomé- ranie , & de Marie de Meklenbourg ; celle- ci étoit née du mariage de Henri de Mek- lenbourg avec Ingeburge , fœur de Mar- guerite , reine de Danemarck. Cette prin- ceffe , qui avoit réuni fur fa tête les trois couronnes , de Suéde , de Danemarck & de Norwege , ayant confulté la nation Suédoife fur le choix de fon fuccefTeur , on lui laifTa la liberté de difpofer de fa cou- ronne en faveur de celui des enfans de Wratiflas qui lui paroîtroit le plus digne de la porter. Elle défigna le jeune Henri , dont le nom fut changé en celui d'Eric. Ce prince époufa , l'an 1406, Philippine, fille de Henri IV , roi d'Angleterre , & fut couronné roi de Suéde l'an 14.11. Il aimoit la guerre , & ignoroit l'art de la faire ; à peine fut-il fur le trône , qu'il prit les ar- mes contre fa bienfaidrice ; le duché de SIefwick étoit l'objet de cette querelle ; les troupes d'Eric furent battues : Ulric de Meklenbourg fut l'arbitre de ce différent ; il jugea que la ville de Flensbourg devoir refter en dépôt entre les mains de la reine , jufqu'à ce qu'on eût pefé , plus férieufe- ment , les raifons des deux partis. Cet examen devint inutile par la mort de la reine : Eric fuccéda à fes trois couronnes. Les premiers jours de fon règne promet- toient un gouvernement doux & modéré ; mais ces •j'pJiances s'évanouirent bientôt. Le roi fit aflembler les états -généraux , & déclara que les comtes de Hoïftein étoïent déchus de tous leurs droits fur le duché de SIefwick , parce qu'ils avoient porté les armes contre la reine Marguerite , & qu'ils avoient appelle l'étranger dans le Danemarck. Il les condamna à reftituer à E R I 933 I la couronne tous les frais de la guerre. : Le duc de Brunfwick étoit tuteur des com- | ces de Holftein ; il foutint avec fermeté les | intérêts de fes pupilles. Déjà l'armée Danoife j étoit dans le duché de SIefwick ; mais '■ elle ne donna pas un combac fans être : vaincue , n'invertit pas une ville , fans être ; forcée d'en lever le fiege. Contraint à .offrir la paix , Eric efiuya la honte d'un refus ; fa fureur s'affouvit fur les malheu- reux habitans de l'ifle de Femeren , qui furent maiïacrés fur les ruines de leurs vil- lages , & fur les cendres de leurs moifîbns. Eric le repentit bientôt de cette vengeance atroce ; mais ces remords impuifîàns ne réparoient point les maux que les foldats avoient commis. Un traité d'alliance qu'il conclut avec la Pologne , n'effraya point fes ennemis. Il leur livra une nouvelle ba- taille ; ce fut pour eux un nouveau triom- phe. II courut enfuite l'Allemagne , impor- tunant toutes les cours de fes plaintes ; il parut à celle de l'empereur , peurfuivit fa route jufqu'en Paleftine , & revint pour être la victime de tous les défordres que fon abfence avoit caufés. Il fallut repren- dre les armes & efluyer de nouvelles dif- graces dans le duché de SIefwick. Eric , défefpéré de ne pouvoir faire par lui-même à fes ennemis tout le mal qu'il leur pré- paroit , fouleva les habitans des villes de Vandalie contre leurs magiftrats , renou- vella fon alliance avec l'Angleterre , & tenta en vain d'engager cette puiflànce dans fa querelle. Cependant l'efprit de révolte fer- mentoit en Suéde ; on reprochoit au roi des fautes qu'il avoit commifes , on lui en cherchoit d'autres dont il étoit innocent ; la domination Danoife devenoit chaque jour plus odieufe ; les remontrances du peuple étoient fieres , les réponfes du roi étoient dures : tout fe fouleva ; Eric vou- lut parler en Suéde , il fit naufrage ; revenu en Danemarck , ce prince tenta de nou- veaux efforts pour châtier les Suédois re- belles. Les Danois commençoient aufli à fe laffer de fon joug ; il voulut déflgner pour fon fuccefTeur Bogilas fon neveu , duc de Poméranie. Ce choix irrita la na- tion ; Eric part , s'enfuit en PrufTè , veut revenir en Suéde , éprouve encore les ca- prices de la mer , eft rejeté en Dane- 934 E R I marck , fe hâte de rafTembler toutes Tes richefles , s'enfuie dans l'ifle de Gothland ; on le rapelle en Suéde , il y repaiok , & on le chafTè , les crois royaumes renoncent à l'obéifïànce qu'ils lui avoient jurée. Il eft contraint d'aller dans Pille de Gothland cacher fon défefpoir & fon infortune. Ses tréfors le confoloient de tout ; ce tut avec cette arme qu'il caufa , dans la Scanie & dans la Fionie , quelques révoltes momen- tanées ; il employa encore fes richefie-s à ar- mer des coifaires , qui allèrent ravager les côtes , écumer les mers , & porter la terreur jufqu'au centre des états fur lef- quels il avoir, régné. Ce fut dans fa retraite qu'il compofa une hifîoire chronologique des rois de Danemarck. Cependant Chriftophe de Bavière avoit réuni fur fa tête les trois couronnes , que les nations foukvées avoient arrachées au malheureux Eric. On ne le laifîà pas tran- quille dans le Gothland ; il fallut l'y atta- quer pour rendre la liberté au commerce , & détruire les pirates qu'il envoyoir fur les mers ; il fut afîiégé dans Wisby ; fon cou- rage fe ranima : il fit voir que fi la nature lui avoit refufé les talens d'un roi , elle lui avoit au moins donné la bravoure d'un foldat. La ville fut emportée d'aiTaut , il fe retira dans la citadelle , le fîege conti- nua & fut terminé par une capitulation ; forcé de fortir de Pille de Gothland , il s'embarqua fur la flotte Danoife ; on lui offrit dans le Danemarck un féjour agréa- ble , fi toutefois il en eft pour un fouve- rain détrôné ; il le rejeta , & ne voulut point être témoin de la gloire de fon en- nemi , ni demeurer parmi [es fujets qui l'avoient perfécuté. Eric retourna en Po- méranie , où il vécut dix ans encore ; il ne lui manqua plus , pour être heureux , que de perdre le fouvenir de fa grandeur paiîee. Il mourut l'an 1459 à l'âge de yj ans. Ce prince étoit plus foible que mé- chant , plus furieux qu'opiniâtre. Le re- pentir fuivoit de près les effets de fa co- lère ; brave , mais ignorant Part de con- duire une armée ; connoifïànt les intérêts des puifîànces , mais n'ayant pas étudié le j cœur humain ; fait pour régner fur un peuple tranquille , le fardeau de trois cou- ronnes étoit au defîtis de fes forces. Son E R I voyage en Paleftine fut fa plus grande faute & i'époque de tous fes malheurs. Peu s'en fallut même que le retour ne lui fût fermé pour jamais. Il étoit à Bude. Un Syrien le fie peindre, envoya fon portrait dans fa patrie , & avertit fes amis que cet homme , deguifé fous l'habit de pèlerin , étoit le plus puiflant roi du Nord. Il fut arrêté dès qu'il parut en Syrie ; on alloit le traî- ner devant le fultan. Mais il favoit que dans Porient , comme dans le nord , le plus taiouche fatellite n'eft pas infenfible à l'appât de l'or ; il racheta fa liberté par fes largefîès. (M. DE SACY. ) ERIC III , furnommé le f âge 9 ÇHifl. de Sueae. ) roi de Suéde , defeendoit d'une tamille iiluftre en Norwege. Gother , roi de cette contrée , qui afpitoit non feule- ment à s'affranchir du tribut qu'il payoit au Danemarck , mais même à s'emparer de cette couronne , l'envoya à la cour de Frothon III vers le commencement de l'ère chrétienne. Il devoit examiner les forte- refîès du royaume , parcourir les côtes , épier les lieux propres à la defeente , fé- duire les courtifans , & former un parti pour fon maître dans les palais même de fon ennemi. Eric étoit infinuant , avoit l'extérieur doux , un langage emmiellé , une figure intérefTànte ; fon air de fran- chife commençoit la perfuafion , fon élo- quence faifoic le refte. « II venoit difoit- » il , à la cour de Danemarck pour ad- » mirer le jeune roi , profiter des Iumie- » res de fes roiniftres , étudier les progrès )> des arts , & enrichir fa patrie des con- » noiffances qu'il venoit puifer parmi les » Danois. » Frothon fut bientôt pris à l'appât de fes louanges , & lui donna fa confiance. Les courtifans ne l'eurent pas plutôt vu , qu'ils l'eflimerent & jurèrent fa perte. Grépa offrit au roi de l'affafîîner J le prince rejeta cette offre avec horreur. £Wc_,ponr fe venger , aceufa ce minifrre d'un commerce criminel avec la reine. On ordon- na un duel : Eric fut vainqueur; mais fi fa vicloire étoit la feule preuve 62s défordres de la reine , cette aceufation pouvoit bien être une calomnie. D'autres guerriers pri- rent la défenfe de la reine ; Eric combattit & triompha encore. Frothon fe crut trop heureux de pofféder à fa cour un tel E RI hsmme ; il en fit f->n miniftre : Eric aima mieux régner en Danemarck fous le nom de ce jeune prince , que d'être confondu en Norvège dans la foule des courtifans. Il rétablit l'ordre dans les finances , donna aux loix une vigueur nouvelle , rendit aux armes Danoifes leur premier luftre ; Frothon paya tant de fervices en lui faifant époufer fa fœur , & le dépura vers Gother pour demander , en fon eo.ti , Àlvide , fille de ce prince. Gother conçut tout-à- coup dans (on cœur une paffion violente pour Gonnara ; c'étoit ainfi que fe nom- moit l'époufe d'Eric , qui l'avoit fuivi dans fon ambaifàde. Gother fit à ce miniftre une propofition qui peint bien les mœurs barbares de ce fiecle. « Cede-moi ta femme , » lui dit-il , & je te donnerai en échange » pour toi-même cette Alvide , que tu fi viens demander pour ton maître. » Eric promit de lui rendre fa réponfe dans peu de jours ; il profita de ce délai pour enlever Alvide , & l'amena en Danemarck. Quel- que temps après , les Huns vrnrent avec une flotte nombreufe attaquer celle des Danois ; Eric difperfa , prit ou brûla leurs vaifïeaux , & ramena prifonnier Olimar , leur amiral. Delà , il pafTà en Suéde , ap- pella le roi Alric en duel , fut blefle du premier coup , tua fon ennemi du fécond , & pour prix de cette victoire , reçut des mains de Frothon la couronne de Suéde ; il ne fut point ingrat , il fecourut ce prince contre les Norvégiens , & lui fit remporter une victoire éclatante , lui donna les confeils les plus fages , & du fein de fes états , gouverna encore ceux de fon bienfaiteur. Il avoit un frère nommé Roller. Celui-ci donnoit des efpérances arTez belles , mais inférieures à celles qu'Eric avoit déjà remplies. Frothon entreprit de le placer fur le trône de Norvège , & réuflit ; mais bientôt fes fujets fe foule- verent ; Frothon marcha à fon fecours avec une armée navale , engagea une ac- tion générale : la victoire balança long- temps ; elle penchoit vers les Norvé- giens , Iorfqu\Er/c parut avec quelques vaif- feaux , & mit les Norvégiens en fuite. Cependant Frothon mourut , & Eric n'eut pas , pour les fuccefleurs de ce prin- ce ; tout le refpeet qu'il avoit eu pour ERI 93j lui-même : fous Haral II il fit une irrup- tion dans le Danemarck , conquit ce royaume en peu de jours , & le perdit plus rapidement encore ; il reparut , tomba dans une embufcade , fut pris les armes à la main ; le vainqueur offrit de lui IaifTer la vie & de lui rendre fes états s'il vouîoit lui payer tribut , & fe reconnoître vailàl de fa couronne. Eric préféra la mort à l'ignominie , Haraîd le fit expofer dans un bois aux bêtes féroces , qui le dévorèrent. Telle fut la fin de cet homme étonnant , dont l'hiftoire eft trop reculée dans les fiecles de barbarie , pour que tant d'aven- tures fingulieres puhTent mériter une croyance aveugle. Eric IV , roi de Suéde , étoitfils d'Ag- nius ; il lui fuccéda l'an 188 de l'ère chré- tienne ; s'il eût été feul fur le trône , il pouvoit être un grand prince ; mais il fut forcé de partager le pouvoir fuprême avec fon frère Alric ; loin de s'occuper du foin du gouvernement , tous deux ne fongerent qu'à fe nuire ; après bien des tracafïèries qui aviliffoient la majefté de leur rang, ils en vin- rent aux coups, combattirent d'une manière peu héroïque , & fe tuèrent tous deux. Eric V , VI , VII & VIII , ne firent rien de mémorable. Eric IX , roi de Suéde. Après la mort de l'infortuné Suercher , afîafîiné vers l'an ii 49 , les Suédois 6V les Goths s'afîembie- rent pour élire un roi; les fuffrages furent partagés. Les Goths , à qui la mémoire du feu roi étoit chère , proclamèrent Charles fon fils ; les Suédois couronnèrent Eric y fils de Jefvard ; cette double élection alloit former deux royaumes , & féparer deux nations qui dévoient n'en faire qu'une ; les fages repréfenterent les fuites funefles de cette diviflon ; que les deux rois , nés ennemis l'un de l'autre , fe fe- roient une guerre opiniâtre ; que les deux , victimes de leurs querelles , fe détruiroient ! par leurs propres mains , au lieu de fe réu- ! nir comme ils avoient fait jufqu'âlors pour la défenfe commune. Leur fentiment fut approuvé ; mais à une décifion dangereufe on en fubftitua une plus dangereufe encore. Eric devoit régner feul fur les deux na- tions , Charles devoit lui fuccéder , & leurs defcendants dévoient occuper le trône tour- 9]6 E R I à- tour ; Eric fubjugua la Finlande , & prêcha l'évangile l'épée à la main dans fa conquête ; il crut que cette expédition fuffifoit à la gloire de les armes. Défor- mais il s'occupa du bonheur de fes états ; réunit les anciennes loix dans un feul code , connu fous le nom de *S'. Eric lag , c'eft- à-dire , loi de S. Eric. Il fonda des églifes & des monafteres ; il détruifit les brigands , éclaira les démarches des plus fortunés fcé- lérats , fut le fléau du vice & l'appui de l'innocence ; les mœurs & la juftice étoient alors fi peu refpec"tées , que ce prince équi- table fut un tyran aux yeux de la moitié de la nation. Les rebelles appelèrent Sca- teller , roi de Danemarck , & Magnus fon fils ; Eric y forcé de combattre avec peu de troupes contre les forces réunies de fes fujets & des Danois , voulut mourir en roi au champ d'honneur. Il s'avança dans la plaine d'Upfal , la bataille fe donna , Eric enveloppé par dix guerriers , fe dé- fendit en héros , & mourut percé de coups ; les vainqueurs lui tranchèrent la tête. Ce fut vers l'an 1160 que ce bon prince périt viclime de fon amour pour la juflice. ERIC X , roi de Suéde , étoit fils de Canut Erifcon. Après la mort de ce prince vers 1191 , Suercher , fils de Charles , fut élu ; Eric étoit réfolu d'attendre , d'après le traité dont nous avons parlé ci-deflus , que la mort de celui-ci lui laifsât la cou- ronne. Mais les Suédois furent plus impa- tiens que lui ; fatigués du joug de Suer- cher , ils proclamèrent Eric ; fon concur- rent pafTa en Danemarck , revint , perdit une bataille , s'enfuit , reparut encore à la tête d'une armée , fut vaincu dans le même lieu , & périt les armes à la main. Quoi- que couronné par la fortune , deux fois vainqueur & tout-puifîànt , Eric confentit à renouveller avec les enfans de fon enne- mi , le traité qui appelloit les deux familles au trône tour-à-tour. Ce prince pafTa le refie de fa vie dans un calme qui fit fon bonheur & celui de fes fujets. Il mourut vers lui. Eric XI , roi de Suéde , furnommé JLeipfe , éroit fils du précédent. Il étoit bègue & paralytique : telle eft l'origine de fon furnom. I! fut fur le trône tout ce qu'un homme fi difgracié de la nature pou- E R I voit être. Il bégayoit fes ordres , maïs il avoit l'art de les faire exécuter; incapable d'agir par lui-même , il avoit le coup ci'œil fur dans le choix dos minières qui agifToient en ion nom. La maifon de Folkunger étoit alors fi puiflànte en Suéde , qu'elle afpiroit au trône , & ne difïimuloit pas fes préten- tions ; Eric trop foible pour abattre, par un coup d'autorité , l'audace de cette fa- mille , tâcha de la gagner par les bienfaits ; il maria fes fœurs Hélène & Mirette à Ca- nut & à Nicolas de Tofta , & époufa lui- même Catherine , fille de Suenon Folkun- ger , qui , pour être reine , ne refufa point d'entrer dans le lit d'un paralytique. Le roi fe repentit bientôt d'avoir élevé cette famille ; elle fe forma un parti , fouleva la nation , & lui mit les armes à la main contre fon roi. Canut Folkunger étoit à la tête de la révolte ; il préfenta la bataille à Eric; la fortune ne fe décida point pour la bonne caufe ; Eric fut vaincu , s'enfuit en Danemarck ; & tandis que Canut fe faifoit proclamer par une multitude infen- fée , il reparut à la tête d'une armée Da- noife , gagna une bataille fur Canut , fit trancher la tête au fils de ce rebelle , força la nation à rentrer dans le devoir , & re- conquit fes états ; il fit partir aulli - tôt Birger-jerl , l'un de fes parens , à la tête d'une armée , pour foumettre les Trawaf- tiens ; c'étoientdes peuples de Finlande qui étoient encore plongés dans les ténèbres de l'idolâtrie. Mais ces guerriers étoient d'étranges convertifîeurs. Jamais Mahomet ne cimenfa d'autant de fang les fondemens de fa religion C'étoit le fer & la flamme à la main qu'on annonçoit à ces peuples innocens un Dieu mourant pour fes enne- mis. Hommes , femmes, enfans , vieillards, tout ce qui rejeta l'évangile fut impitoya- blement mafTacré. Les ruines de leurs mai- fons leur fervirent de tombeaux , & ce fut avec ces débris enfanglantés que ces monf- tres , tout dégouttans de carnage , élevè- rent des temples au Dieu de paix qu'ils venoient annoncer. Eric ne fut ni l'auteur ni le t-moin de cette barbarie; ces hor- reurs fe paiîerent loin de lui ; il mourut avant même d'en recevoir la nouvelle Tan ■' 1250, Il ne laifîa point de poftérité. Eric E R I Eric XII , roi d'une partie de la Suéde ; il étoit fils de Magnus & de la reine Blan- che : né avec des difpofitions heureufes , une ame fenfible, & des talens précoces , fon ambition excitée par les flatteries des courtifans intéreffés à troubler l'état, fit bientôt de ce prince un fils dénaturé. Il eut un parti dès qu'il en demanda un. Sa jeunefîè , fes grâces , tout attiroit les cœurs de fon côté ; Te peuple courut aux armes : le jeune Eric } fans remords, fans crainte , marcha contre fon père. Magnus chercha des amis dans le Danemarck ; c'étoit la refTource ordinaire des fouverains Suédois, lorfque leurs fujets fe fouîevoient contre eux : les rois de Danemarck fuivoient auffi cet exemple, & châtioient l'indocilité de leurs fujets en armant la Suéde contre les rebelles. On alloit en venir aux mains, lorf- qu'Eric _, duc de Mecklenbourg , & Adol- phe , comte de Holftein , offrirent leur médiation pour la paix ; elle fe fit , mais à des conditions très-dures pour Magnus. On lui laifïbit , il eft vrai , l'Uplande , la Gothie , le Wermland , la Dalécarlie , la Gothie occidentale, fille d'Oéland, & une partie de la province de Halland ; mais il fut contraint de laiffer à fon fils la Scanie , le Blecking , le refte du Halland , la Smalandie & la Finlande. Ce fut en I3H <ïue ^ut conclu ce traité, auffi dan- gereux pour la Suéde , qu'injurieux à l'au- torité paternelle. Eric jouit peu de fon ufurpation , il mourut vers l'an 1356; on ignore le genre de fa mort. PufFendorf affure , un peu légèrement , que fa mère , jaloufe de l'eftime publique que fon fils avoit fu gagner, le fit empoifonner; on ne doit point hafarder , fans preuve , des faits révoltans qui outragent la nature ; les récits des autres hiftoriens , quoiqu'oppofés entr'eux , font cependant plus probables : les uns veulent qu'Eric foit mort naturel- lement . & que les ennemis de la reine aient faifi cette occafion de la calomnier ; d'autres prétendent qu'Eric, devenu im- périeux & féroce , fut égorgé par fes fu- jets. Il eft aflèz vraifemblable qu'un prince qui haïfïoit fon père, n'aimoit pas {es peuples. Eric XIII , voye^ ci-defus Eric VIII, duc de Poméranie , roi de Danemarck , Tome XII, E R I 937 de Suéde & de Norvège , huitième roi de ce nom en Danemarck , & le treizième en Suéde. Eric XIV étoit fils de ce Guftave-Vafa , qui fut le deftructeur de l'union de Calmar , le vainqueur de Chriftiern II , & le libéra- teur de la Suéde. Il fuccéda à ce grand homme fan 1560, & refpecla peu fes der- nières volontés ; il fit infirmer par les états tous les articles du teftament qui lui pa- roifïbient trop favorables à fes frères & à fes fœurs. Il rendit les* comtés & les ba- ronnies héréditaires dans les familles ; ces titres avoient été jufqu'alors attachés à cer- taines charges. La Livonie étoit le théâtre de la guerre ; trois parties de cette pro- vince s'étoient mifes fous la protection de trois puifîànces , qui y fomentoient les divifions le plus funeftes : Eric défendit, contre la Pologne , la ville de Revel , & la nobleffe d'Efthonie ; les Suédois avoient encore préfens à leur mémoire les exem- ples cle Guftave , fon génie fembîoit les animer ; ils chafferent les Polonois , & continrent les Danois. Eric fe perfuada que ce fuccès étoit un titre pour prétendre à la main de l'augufte Elifabeth , qui gou- vernoit alors l'Angleterre ; il s'embarqua pour aller l'époufer , mais les vents le re- jetèrent fur les côtes de Suéde : iï perdit bientôt de vue ce projet formé par l'amour ou par l'ambition, & peut-être par ces deux paffions à la fois. Ce prince , auffi impru- dent que volage, voulut gêner le commerce des villes anféatiques , & les empêcher de traiter avec la Mofcovie : Frédéric , roi de Danemarck , défefpérant de récablir jamais l'union de Calmar , voulok au moins ra- vager des états qu'il ne pouvoit conquérir. II déclara la guerre au roi de Suéde ; ces deux nations ne manquoient point de pré- textes pour s'entr'égorger ; quand il n'y avoit point de différents nouveaux , on ré- veilloit les anciennes querelles. Au milieu de ces troubles défaftreux , Eric s'occupoit de projets galans , ofTroit fon cœur tour-à- tour à Marie , reine d'EcofTe , à la princeflè de Lorraine , fille de Chriftiern II , & par un penchant irréfiftible, rerournoit à la reine Elifabeth. Tandis qu'il nouoit ces in- trigues & qu'il effuyoit des refus , la Mot covie , la Pologne & le Danemarck f§ Cccccç 9)8 E R I liguoient contre lui, & fon frère Jean épou- foic une princefTe de Pologne. Eric tenta en vain de décacher le Danemarck de cette ligue ; fes ambaffadeurs furent arrêtes à Copenhague. Le roi devint furieux à cette nouvelle, & ce délire ne fut pas un trans- port momentané'. Réfolu de Sacrifier fon frère , il le fit affliger dans le château d'Aboo ; après une défenfe de trois mois , ce prince fut pris , conduit à Stockolm & condamné à perdre la tête comme rebelle ; Eric lui accorda la vie , mais il le con- damna à languir dans uneprifon perpétuelle, fit périr plus de cent de fes domefliques , condamna aux mines ou bannit pour jamais le refte de fes partifans. La vie de l'infortuné Jean n'étoit pas en fureté dans fon cachot; 'Eric croyoit àl'aftrologie judiciaire ; de mi- férables charlatans s'efforçoient de lui per- fuader que fon frère devoit un jour lui don- ner la mort, & fa crédulité penfa lui faire commettre un fratricide. Une victoire na- vale remportée fur les Suédois n'effraya point Frédéric : la guerre continua. Ericy toujours impatient de fe marier , envoya des am- bafTadeurs en même temps à la cour de HefTe & à celle de Londres ; les lettres fu- rent interceptées , & les. deux rivales con- çurent un mépris égal pour ce prince. Cependant la réputation des armes Sué- doifes commençoit à fe rétablir; l'amiral Nicolas Horn remporta de grands avanta- ges, prit, difperfa ou fit périr plusieurs ef- cadresDanoifes;tout le nord delà province de Halland fut conquis , on fe livra , fous les murs deWarberg, un combat opiniâtre , où huit mille hommes relièrent fur le champ de bataille, fans qu'aucun des deux partis put fe flatter d'être vainqueur. Cependant la pefte caufa des ravages déplorables dans l'armée Suédoife ; d'un autre côté la Aorte Danoife alla fe brifer fur les côtes de fille de Gothland , & couvrit le rivage de fes débris : Eric dans la capitale , effrayoit fes ftijets par des actes de Cévérité les p!u5 im- pofans ? il fit traîner Nils-Sture avec igno^ minie dans les carrefours de Stockolm pour n'avoir pas , difôit-i! , montré affez de courage dans un combat. Son defïèin éroit d'avilir ce feigneur , que fa naifïance , fon crédit, fesrichefies,fonambifion rendoient tfongereux. Couvert de honte & de ridicule , E R I il perdit en un jour tout Pafcendant qu'il avoit fur l'efprit du peuple. Ce coup d'erat indifpofa la nation : le penchant du roi pour des femmes nées parmi le peuple, la facilité avec laquelle il fut la dupe d'un fourbe obfcur qui venoit , difoit-il , au nom des Norwégiehs lui fou- mettre ce royaume ; la foi robufte qu'il avoit pour l'aftroiogie , quelques accès de délire qui troubloient fa raifon , la pitié qu'infpi- roit le duc Jean toujours captif, la dureté avec laquelle le roi perfécuta la famille de Nib-Sture,îa bafîeiTe qu'il montra en lui demandant pardon , la mort de ce feigneur afTaiTiné de la main du roi mime , la gran- deur d'ame avec laquelle cet infortuné retira le poignard de fa plaie , le baifa & le rendit au roi ; enfin , le précepteur 8 Eric maffacré par les ordres de ce prince pour lui avoir reproché fon crime ; tant de motifs réunis révoltèrent tous les cœurs. Eric odieux à lui-même comme à Ces fujets , déchiré de remords , s'enfuit , erra dans la campagne , & fut ramené dans fon palais par fa maîtrefïè Catherine , fille du peuple , qu'il avoit en- levée dans un marché pour la placer fur fon trône. Il crut regagner les cœurs aliénés en brifant les fers de fon frère ; il exigea de lui un ferment de ne jamais afpirer à la couronne. Le peuple parut en effet voir Eric d'un œil moins ennemi; mais le meurtre de Martin Helfmg , qu'Eric tua pour avoir . ofé lui confeiller de fe livrer moins à fon favori Joran Peerfon ; la puiffance abfolue qu'il accorda à ce nouveau parvenu , firent une nouvelle révolution dans les efprits. L'étendard de la révolte fut levé ; les chefs étoient les ducs Jean & Charles , frères du roi , Steen Ericfon & Thurebielk. Ils cou- rurent de conquêtes en conquêtes , toutes les villes leur ouvroient leurs portes , toutes les troupes â'Eric défertoient pour paffèr dans leur camp ; enfin , ce prince fut afîîége dans Stockolm ; fes défenfeurs étoient fes plus grands ennemis; ils livrèrent la capitale aux rebelles ; Eric s'enfuitdans le ohâfeau; forcé de fe rendre, il vit tous les ordres de l'état renoncer à la fidélité qu'ils lui avoient jurée , & fut reconduit prifonnier dans le château. Jean fut donc reconnu Tan 1 568 ; Eric vécut dix ans dans fa prifon ; il tenta ' plus d'une fois de. s'évader. Une nation E R I fenfibîc oublia bientôt les crimes de ce prince , & ne vit que fes malheurs ; la com- paflion fuccéda à la haine , les querelles de religion formoient des partis dans l'état : quelques efprits remuans partaient de re- placer Eric fur le trône ; Jean fon frère le fit empoifonner l'an 1 578 ; ce qu'il y a de plus étonnant , c'tft que les principatsx fé- nateurs y confentirent; fon cadavre fut ex- pofé à la vue du peuple , de peur que quel- que fourbe, profitant de quelques traits de reffemblance , ne vînt fous le nom d'Eric y ameuter le peuple. Telle fut la fin déplo- rable de ce prince qui feroit regardé comme un monftre , fi fes crimes avoient été ré- fléchis ; quand fon fang s'allumoit, il n'étoit plus le maître de fes tranfports, & pour l'honneur de l'humanité , il vaut mieux le croire fou que méchant. CM. de Sacy.) $. ERICHTON , ÇAftron.) nom que l'on donne quelquefois à la conftellation du cocher. Cet Erichcon étoit , non le fils de Dardanus , mais un roi d'Athènes qui fut déifié comme l'inventeur de plufîeurs arts utiles , & fur-tout de celui des chars : c'eft celui dont parle Virgile dans les vers fuivans : Primus Erichthonïus currus & quatuor au1, ut Jungere equos , rapidifque rôtis infiftere riHor. Ceorg. III. 113. ERICHTHONÏUS y Ç Aftron.) nom d'une conftellation aftronomique , qui eft la même que le cocher, auriga. Voye[ Co- cher. (O) ERIDAN , f^/rVo/O conftellation mé- ridionale que l'on appelle aujffi Padus y le Pôy Nilusy mehy gijon, mulda & oceanas. Phaëton fils du foleil , fi célèbre dans l'antiquité , s'appeîloit d'abord Eridan ; il donna fon nom à un grand fleuve d'Italie, où il avoitété , dit- on , noyé après fa chute ; & comme les Egyptiens rendoient au fleuve du Nil une efpece de culte , on a auiTi pré- tendu que c'éroit ce fleuve bienfaifant dont iîs avoient voulu confscrer l'image parmi les aftres , & qne les Grecs avoient tranf- porté à leur hifroire. Cette confîellation contient 56 étoiles dans le catalogue de M. de la Caille : la plus belle * ou echernar eft de première grandeur ; forr afcerffion E R I 939 droite en 17^0 , étoit de i2d 5' 44" , &: fa déclinaifon 58d 30' $0" méridionale (M. de la Lande.) ÉRIDAN , f. m. (Gtogr.) ancien nom du Pô, que Virgile appelle le roi des fleuves C Géog. liv. I y q8z ). Les «poètes l'ont rendu célèbre par la fable de la chute de Phaëton. Vqyei la peinture de Lucain dans fa Pharfale de la traduction de Brébeuf, qui eft un bon morceau dans cet endroit. Voye\ le diclionn. de Trévoux. Article de M. le chevalier de J au court. ÉRIE , C Géogr. mod. ) grand lac du Canada , d'environ 300 lieues de circuit. ^* ËRIENS, f. m. pi. (Hift. eccléf.) hérétiques ainfii nommés d'Erius l'ancien", qui vivoit fous Vaîentinien I , l'an 349 de J. C. Il prétendoit qu'il n'y avoit aucune différence entre un évêque & un ancien ; que les évcques ne pouvoient conf-'rer l'or- dre ; que la prière pour les morts étoit fuperflue ; qu'il ne falloit prefcrire aucun jeûne ; & qu'il ne falloit laifTer approcher de la fainte cène , que ceux qui avoient: abfolument renoncé au monde. ÉRIGER , v. ad. terme qui dans Varc de bâtir y fîgnifie élever; ainfion dit, ériger un mur , ériger un pan de bois , &c. ERIGNE ou AIRIGNE , f. f f. petit inftrument de chirurgie y terminé par un crochet , dont on fe fert pour élever & foutenir des parties qu'on veut difféquer , afin de les couper plus facilement. Il y a des érignes fimples qui n'ont qu'un crochet , & des double* qui en ont deux. Cet inftrument eft compofé de deux parfie%, de la tige & du manche. La tige eft une pyramide d'acier , exactement cy- lindrique , qui a environ trois pouces de long ; fon extrémité poftérieure eft une mitre qui eft ordinairement appuyée fur uii manche; du milieu de la mitre, & du côté poftérieur, qui eft plane & limé grofïiérement , il s'élève une foie quarrée , d'un pouce &z demi de haut , qui s'ajufle dans le manche , & y eft fixé avec du maftic. L'extrémité .intérieure eft une efpece d'aiguille recourbée , crochue , &' fort pointue : dans Yérigne double , c'ell une- fourché ou doublé crdcnert Cccccc 1 940 E R I Cet inftrument eft monté fur un manche d'ébene ou d'ivoire , qui peut avoir fix lignes de diamètre* dans l'endroit le plus large , & trois pouces de longueur; il eft fait à pans , pour préfenter plus de furface , & être tenu, avec plus de fermeté. Cet inftrument donne la facilité de difîe- quer , & d'emporter de petites glandes gonflées , qui ont échappé à l'extirpation d'une grofte tumeur ; il eft aufti d'ufage dans l'opération de I'anevrifme , pour fou- lever l'artère , afin d'en faire la ligature , fans y comprendre le nerf & la veine. On peut fe fervir aufîi d'une érigne d'argent , dont la pointe foit moufTe dans l'opération de la hernie , pour faire Fincifion du fac herniaire , &c. Cet inftrument fertplus en anatomie qu'en chirurgie ; il convient fur- tout pour foulever le filet nerveux dans la diftèclion de ces parties. Voye\ les fig. $ & 20 y planche XXVI (Y) ERIGONE, (Aftron.) nom que l'on donne àlaconftellationde la vierge. Voyei^ Vierge , (Aftr.) (M. de la Lande) ERINACEA. f. ZfHift. nat. bot.) genre de plantes qui différent du genifia- Jpartium , en ce qu'elles font chargées d'épines. Tournefort , infi. rei. herb. Voye\ Plante. (I) ERÏNACEUS, f. m. (Hifi. nat. bot) genre de plante qui ne diffère à\ipolyporus> que parce que la partie inférieure du chapi- teau eft découpée en petites dents longues & cylindriques , auxquelles tiennent des femences rondes ou arrondies. Nova plant, amer, gêner. &c. par M. Micheli. (I) ERISSO , ÇGéogr. mod.) ville de Ma- cédoine, dans la Turquie Européenne. ERISSON , RISSON , GRAPPIN , f. m. (Marine.) c'eft une ancre à quatre bras , dont on fe fert dans les bâtimens de bas- bord, & dans les galères. (Z) ERISTALIS, f. î.(Uifl.nat.) pierre dont parle Pline , liv. XXXVII y ch. x; il dit qu'elle eft blanche , & quand on la tourne ou incline , elle paroît prendre une nuance rougeâtre; c'étoit apparem- ment une efpece d'opale. Voye\ Opale. ERIVAN, (Géog.) autrement CHIR- VAN , grande ville d'Afîe dans la Perfe , fur la rivière de Zengui , & capitale de l'Arménie Perfienne , depuis que Cha-Sefi , E R M roi de Perfe , l'enleva aux Turcs en 163^ : eHe eft le fiege d'un patriarche Arménien. M. Chardin a mieux connu Erivan y qu'aucun de nos voyageurs , fuivanc la remarque de M. Tournefort. Sa long, eft &3 i z5i lat- 4° > *°- Elle eft bâtie fur une colline , & toute remplie de jardins & de vignes , qui produifent de très - bon vin. Le kan ou gouverneur y vient feulement quelquefois fe rafraîchir au fort des cha- leurs, dans des chambres qui font conf- truites fous le pont de Zengui : fon gou- vernement lui vaut vingt mille tomans, & paffe pour un fi beau pofte , que les habitans du pays ne connoiffent rien au defïus. C'eft fans doute par cette raifon qu'une femme $ Erivan , qui avoit obtenu une grâce du roi de Perfe, lui fouhaira mille fois, dans les bénédictions qu'elle lui donna , que le ciel le fît gouverneur à' Erivan. Article de M. le Chevalier DE J AU court. ERKELENS , ÇGéog. mod.) ville du duché de Juliers en Aiface L0112. 2.4. 8; lat. $1 , 6. ERLACH , ( Géog. mod. ) ville du can- ton de Berne , dans la Suifle. ERLANG , ( Géog. mod. ) ville du cercle de Franconie , en Allemagne ; elle appartient au marquifat de Culemback , & elle eft fituée fur la Regnitz. Long. z8 y 41; lat. 49, 38. ERMELAND, (Géog. mod.) petite contrée du Palatinat de Marienbourg , en Pologne. ERMES ou HERNES , adj. (Jurifr.) terres ermes y font des terres défertes & abandonnées fans aucune culture : ce mot paroît venir du latin eremus y qui fignifie déjen y d'où on a fait herema > dont il eft parlé dans la loi 4, au code de cenjlbus. Papon les appelle aufîi prcedia herema; & la coutume de Bourbonnois, terres hermes 9 en Part. 53/ , fuivant lequel les terres hermes & les biens vacans font au feigneur jufticier. Il y a cependant de la différence entre les terres ermes & les biens vacans : les premières font des terres en friche & déCertes , dont ort ne connoît point le der- nier poftèfîèifr ; au lieu que les biens va- cans font des biens qui ne font réclamés par perfbnn* , comme une fucceffion va- cante. (A) E R N ERMIN,f. m. (Comm.) c'eft ainfi qu'on nomme dans les échelles du Levant , & particulièrement à Smyrne , le droit de douane que l'on paie pour l'entrée & la fortie des marchandifes. Les François ont payé longtemps cinq pour cent de droit â'ermin, tandis que les Anglois n'en payoient que trois. Mais en vertu des capitulations entre la France & la Porte , renouvellées par M. de Nointel en 1673 , ce droit a Àtè réduit à trois pour cent en faveur des François , & de ceux qui vont au Levant fous la bannière de France. On paie outre cela un droit qu'on appelle le droit doré , qui va environ à un quart par cent. Diction, du Comm. & de Cliambers. ( G ) ERMINETTE, f. f. ( Menuiferie. ) efpece de hache un peu recourbée , à l'ufage des menuifiers ; ces ouvriers s'en fervent pour dégroffir leur bois. ERNAGIUM,(Géogr. anc.)?to\omêe place ce lieu parmi les villes des Salyes : l'itinéraire de Bordeaux à Jérufalem marque Vin , à compter d* Arelate, celui d'An- tonin vu , & la table Théodofienne vi milles feulement. Il eft placé entre Gianum & Arelate ; ce Gianum auquel Pline ajoute le nom de Livii, n'eft point S. Rémi en Provence , comme le dit M. d' Anville , & prefquetous les géographes; mais il étoit fur un coteau au fud , à près de demi- lieue de cette ville , où font deux beaux monumens antiques que j'ai vus avec admi- ration en .1769 , & où l'on remarque des reftes de la voie Romaine ; M. de Valois fe trompe encore plus , en plaçant Gianum à Lanfac , entre Tarafcon & Arles. Pour Emagium entre Arelate & Gianum , ce n'eft ni Orgo ni Vernegues y comme l'ont cru quelques auteurs ; ils font trop éloignés d'Arles , & ne font pas fur le chemin an- cien qui conduit de Cavaillon à Arles , en pafîànt par Gianum : c'eft plutôt Saint- Gabriel dans les environs d'Arles , du côté qui tend vers Saint-Remi: on y a trouvé une ancienne infeription rapportée par Scaliger dans fes notes fur AuÂTone , où il eft fait mention des Ernanginenfes : & focus Ar- naginenfis eft mentionné dans la vie de Saint - Céfaire d'Arles , citée par Honoré Bouche. Voyei Not. Gai. d'Anville , pag. sl$z > & le cinquante - neuvième vol. des E R O 941 mém. Acad. des Belles-Lettres 3 /dit. in- 1 z 9 z773>P*g- &3?>CC0 ERNEE , ÇGe'ogr. mod.J ville du Maine en France ; elle eft fituée fur la rivière qui porte le même nom. * EROMANTIE,f. f. (Divination.) c'étoit une des fix efpeces de divination , pratiquée chez les Perfes ; elle fe faifoit par le moyen de l'air. Voye[ Divination. EROSION, f. f. (Médecine.} C'eft une forte de folution de continuité , qui fe fait imperceptiblement , & en détail , dans les parties folides du corps humain , par une chofe acre & mordicante , appli- quée extérieurement ou intérieurement , qui eft d'une activité moyenne entre les déterfifs & les cauftiques ; c'eft-â-dire , plus pénétrante que les premiers , & moins violente que les derniers ; les poifons , les humeurs même de notre corps , qui dé- génèrent & acquièrent de femblables qua- lités , telles que la bile , l'urine , rendues acrimonieufes ; Yérojion eft la même chofe que la correjîon, que la diabrofe y huÇpôrts. V&yei Corrosion, Diabrose, &c (d) EROSION , (Chirurgie. ) maladie des dents , qui confifte dans l'inégalité de leur émail. Cette maladie eft fort différente de la carie , en ce que celle-ci eft un ulcère en l'os ( voye\ Carie), & que vércfwn n'eft formée que par des tubercules & des enfoncemens à l'émail. M. Bunon , chirurgien dentifte à Paris , & de mefdames de France , qu'une more prématurée a enlevé au public , s'étoit donné des peines & des foins incroyables pour faire des obfervations utiles fur les maladies des dents. Il avoit obfervé la naiffance & les progrès des dents , avec tout ce qui pourroit y avoir le moindre rapport , depuis le germe dans le fœtus jufqu'à l'âge le plus avancé. Un travail long foutenu par beaucoup d'ardeur & d'émulation pro- duifit plufieurs découvertes , & entr'autres celle de Yérojion. L'auteur a prouvé par beaucoup de faits , que Yérojion étoit caufée par les maladies de l'enfance , telles que la petite-vérole, la rougeole , le rachitis , &c. & que ces maladies ne faifoient imprefîion que fur les dents qui étoient alors renfer- mées dans leurs alvéoles. Ainfi , fi l'on 94i ERO etoit exa& fur le choix des nourrices, on eVi- reroic ou on éloigneroit la plupart des ma- ladies qui tourmentent fi cruellement l'en- fance , maladies d'où provient néceflàire- ment la mauvaife qualité des dents , qui prépare aux enrans un enchaînement de douleurs pour toute la fuite de leur vie. La carie eft l'effet ordinaire de Yerojion : il eft cependant reftreint à certaines cir- conltances : la qualité des dents , leur plus eu moins de folidité , les impreflions plus ou moins tortes que Yérofwn a faites , & l'ar- r.ingement des dents donnent plus ou moins lieu à la carie ; car celles qui font ferrées , mal en ordre , & difpofées de ma- nière à retenir certaines portions de limons, eu les reftes de quelques alimens acres ou acides , y font constamment les plusfujettes. Quand ces difpofitions n'ont pas lieu , fi Yerojion n'eft que Superficielle, fes impref- fions peu profondes ( fur-tout fi les dents en font exemptes , ou foiblement atteintes dans leurs parties latérales ) , elles retiennent difficilement ces particules de limon ou d'alimens qui les font carier. Si la carie vient à s'y former , elle fera bien moins de progrès , principalement fur les grofîès mo- laires & fur celles qui remplacent les mo- laires de lait , pourvu néanmoins qu'on ait eu l'attention d'empêcher la communica-. tiondes dents de lait cariées fur ces fécon- des dents. M. Bunon , à la première infpection d'une dent marquée d'erojion , difoit avec certi- tude , en fuivant les principes & le temps de la dentition , que la perfonne avoit eu une maladie à tel âge , parce que fes ob- fervations lui avoient fait connoître que Yerojion étoit toujours une affeclion du ^erme de la dent , par une maladie fur- venue dans le temps qu'elle étoit encore dans l'alvéole. Cela eft d'une grande utilité pour la pratique : aux exemples que l'au- teur en a donnés dans fes deux trairés fur les maladies des dents , j'en ajouterai un qui me regarde perfonneîlement. La carie d'une féconde petite molaire de la mâchoire fupérieure m'obligea d'avoir recours à M. Bunon : avant d'en faire l'extra&ion , il me dit que cette dent avoit fouffert de Yerojion , & que la carie avoit été un effet de l'altération de la furface émaillée de la ERO dent ; il ajouta que les dents Ce formant ordinairement par paire , il appréhendok que la pareille du côté oppofé n'en tûc pareillement altérée ; il avoit raifon , & par le moyen d'une petite fonde fi me fit fentir que malgré fa bonté apparente il y avoit un commencement de corrofion. H me conferva cette dent , en enlevant au moyen de la lime la carie qui n'étoit que fuperflcielle , & qui continuant à faire du progrès , ne fe feroit manifeftée que par des douleurs cruelles , dont l'extraction de la dent auroit été l'unique remède. Les limes qui fervent à détruire les caries fuperficieiles , font gravées , Plane. XXV* fiS- 8. (Y) * EROTIDES ou EROTIDIES , adj. pris fubft. ( Mytk.) fêtes & jeux inftitués en 1 honneur de l'amour. Les Thefpiens les célebroient tous les cinq ans , avec magni- ficence & foîemnité. EROTIQUE , chanfon , ( Poefie. ) efpece d'ode anacréontique , dont l'amour & la galanterie fourniflènt la matière. Rien n'eft plus commun dans notre langue que ces fortes de chanfons , & l'on peut afîurer que nous en avons de parfaites. Nous vou- lons que les penfées en foient fines , les fenrimens délicats , les images douces , le ftyle léger , & les vers faciles. La fubtilitel des réflexions , la profondeur des idées , & les tours trop recherchés , y font des délàuts ; l'efprit & l'art n'y doivent point paroitre , le cœur feul y doit parler. La chanfon erotique tire encore un grand agré- ment des images , & des faits mytholo- giques que l'auteur y fait répandre avec goût. C'eft même dans la délicarefîè de leurs rapports & des aîlufiorrj , que confifte prin- cipalement la finefte de fon art. Une fiction ingénieufe qui raffembleroit tout cela fous un feul point de vue , rendroit une chanfon de cette efp.ee beaucoup plus intérefTante , que celle dont les penfées détachées n'au- roient pas cette incime liaifon. Quelques- uns de nos poètes ont eu le talent de réunir toutes les grâces dont nous venons de parler , & nous ont donné des chefs- d'œuvres en ce genre. Article de M. le chevalier de Jav COURT. Erotique (Mélancolie.) Voye^Jhlt- LANCOLIE. E R O EROTIQUE, adj. (Médecine.) de tfot, amour , d'où a été formé ipoltx.&'i c'eft une épithete qui s'applique à tout ce qui a rapport à l'amour des fexes : on l'emploie particulièrement pour caractérifer le délire , qui eft caufé par le dérèglement , l'excès de Pappitit corporel à cet éjard , qui fait regarder l'objet de cette pafuon comme le fouverain bien , & fait fo.ihaiter ardem- ment de s'unir à lui ; c'eft une efpece d'affeâion mélancolique , une véritable maladie , c'eft celle que Willis appelle troio-mania > & Sennert , amor infanus. On diftingue l'amojr infenfé d'avec la fureur utérine & le fatyriafis , qui font aufti des excès de cette pafîion, en ce que ceux qui font affectés de ces derniers ont perdu toute pudeur ; au lieu que les amoureux en ont encore , fouvent même accom- pagnée d'un fentiment très - refpedueux , quelquefois déplacé. Le délire erotique a diflFérens degrés ; quelques-uns de ceux qui en font affe&és aiment paflionnément un objet , dont ils ne peuvent pas fe procurer la jouifïànce ; cependant ils confervent la raifon , 6c fen- tent parfaitement l'inutilité de leur pafîion ; ils avouent leur égarement fans pouvoir s'en corriger , parce qu'ils font portés malgré eux à s'occuper de l'objet de leurs defirs impuifîàns , par la caufe de leur mé- lancolie amoureufe Çvoye^ MÉLANCOLIE en général) : ils éprouvent toutes les fuites de cette maladie , ne penfent ni à manger ni à boire , ils refufent de fubvenir aux befoins les plus preffans , & ils périfîènt , en fe voyant périr , fans pouvoir fe défendre de l'affe&ion d'efprit qui les entraîne au tom- beau. D'autres refîentent cette pafîion d'une manière encore plus fâcheufe ; ils font agités , tourmentés jour & nuit par les inquiétudes , les chagrins , la triftefîe , les larmes , la jaloufie , la colère même , & la fureur , fenrimens auxquels ils fe livrent , en réfléchiflant fur leur malheureufe pafîion; & il arrive fouvent qu'ils perdent l'efprit & qu'ils fe donnent la mort lorfqu'ils défef- perent de pouvoir fe fatisfaire : & au con- traire lorfqu'ils s'imaginent qu'ils feront heureux , & que leurs defirs feront rem- plis , ils fe laifTent aller à des fentimens de contentement , de joie immodérée ac- E R O 943 compagnée de grands éclats de rire , lors- qu'ils font feuls ; & quand ils fe trouvent avec d'autres, ils tiennent à ce fujet ces propos extravagans : ils s'expofent fouvent à des dangers , dans Pefpérance de mettre ie comble à leur bonheur. On trouve une très - belle defcription des effets de l'amour exceffif dans Plaute , in Cifiel. acl, ij y fcen. z ,• divers auteurs en ont anfti donné de très-exades, tels que Paul Eginete , lib. III y de re medicâ y c. xvij ; Gaîien , lib. de prcecogn. ad pqfih. cap. vj ; Valere- Maxime , Amatus Lufitanus , \ ?- leriola , Sennert , Qc. On trouve dans Tulpius un exemple d'érotomanie, qui avoit jeté le malade dans la catalepfie : Manget fait mention d'un amoureux phrénétîque avec fièvre violente. L'amour démefuré ne s'annonce cepen- dant pas toujours par des fignes évidens , il fe tient quelquefois caché dans le cœur ; le feu dont il le brûle , dévore la fubftance de celui qui eft affeclé de cette pafîion , & le fait tomber dans une vraie confomp- tion : il c$ difficile de connoître la caufe de tous les mauvais effets qu'elle produit en fîlence. Tout le monde fait comment Erafiftrate connut l'amour d'Antiochus pour Stratonice fa belle-mere ; en touchant le pouls à l'amant en préfence de l'objet de fa pafîion , l'émotion trahit fon fecret : on peut de même découvrir la véritable caufe d'une maladie produite par l'amour , lorfqu'on foupçonne cette pafîion , en par- lant au malade de tout ce qui peut y avoir rapport , & de la perfonne que l'on peut croire y avoir donné lieu. Le changement fubit du pouls , l'inégalité, l'altération des pulfations de l'atrerequi fe font fentir alors , décèlent infailliblement le fecret de l'ame , fur-tout lorfque le pouls devient tranquille après qu'on a changé de converfation. On voit , par tout ce qui vient d'être rapporté , tous les défordres que produit dans l'économie animale la folie de l'amour ; elle conftitue par conféquent une forte de maladie très - dangereufe , fur - tout Iorf- qu'elle eft portée à un certain degré d'excès , où les remèdes moraux , c'eft - à - dire , la raifon , les réflexions , la philofophie , la religion , ne font d'aucun fecours , tous autres remèdes étant employés pjefqu'à. 944 E R R pure perte dans cette affection. On peut cependant tenter l'effet de ceux que la pharmacie peut fournir de plus convenables à rendre le calme à l'efprit , en appaifant l'agitation des humeurs ; tels font les ra- fraichiilàns , les adouciffans , comme le lait , les emulfions des femences froides , les ti fanes appropriées , les bains , les anodins : les préparations de plomb mifes en ufage avec prudence, peuvent auiïi produire de bons effets , comme étant propres à engour- dir l'appétit vénérien : on doit accompagner ces remèdes d'une diète très-févere : les fâignées & les purgatifs peuvent auffi trou- ver place dans ce traitement , félon les différentes indications qui fe préfentent , tirées de l'âge , du tempérament , de la force du malade. Voye\ AMOUR , PAS- SION , MÉLANCOLIE, (à) EROTYLOS , f. m. ÇHift. nat.) pierre fabuleufe dont Démocrite , & Pline d'a- près lui , vantent l'ufage dans la divina- tion. Voye\ Divination. ERPACH, (Géogr. mod.) château du cercle de Franconie , en Allemagne. Long. ERPSE , f. f. Voyei y ci-devant y ErÉ- SIPELE. ERRATA y f. m. terme de Littérature & ft Imprimerie y qui fignifie une lifte qu'on trouve au commencement ou à la fin d'un livre , & qui contient les fautes échappées dans l'impreffion , & quelquefois dans la composition d'un ouvrage. Voye\ Imprimerie. Ce mot eft purement Latin , & fignifie les fautes y les méprifes ; mais on l'a fran- che , & du pluriel latin on en a fait en notre langue un finguîier : on dit un errata bien fait. Lindemberg a fait une differtation par- ticulière fur les erreurs typographiques ou fautes d'impreflion , de erroribus typogra- phie! s Il en recherche les caufes , & pro- pofe les moyens de prévenir ces défauts ; mais il ne dit rien fur cette matière , qui ne foit ou commun ou impraticable. Les auteurs , les compofiteurs , & les correc- teurs d'imprimerie , dit - il , doivent faire jeur devoir : qui en doute ? Chaque auteur , çontinue-t-il , doit avoir fon imprimerie phez lui : cela eft - il poffible ? & le E R R foufftiroit - on dans aucun gouverne- menc Quelqu'un a appelle l'ouvrage du P. Haidouin fur les médailles , Yerrata de tous les antiquaires ; mais il eft trop plein de chofes fingulieres , hafardées , & quel- quefois faufTes , pour n'avoir pas befoin lui-même d'un bon errata. Les critiques fur l'hifioire par Perizonius , peuvent être à plus jufte titre appellées Yerrata des an- ciens hiftoriens. Le dictionnaire de Bayle a été regardé comme Yerrata de celui de Moreri , cependant on y a découvert bien des fautes ; elles font comme inféparables des ouvrages fort étendus. Dicl. de Tré- voux & Ckambers. (G) ERRE , f. f. en terme de Marine , figni- fie Yallure ou la façon dont le vaiflèau marche. (Z) Erres du Cerf , (Vén.) font fes naces ou voies. ERREMENS, f. m. plur. ( Jurifprud.) les derniers erremens font les dernières procédures qui ont été faites de part ou d'autre dans une affaire. Ce terme paroît venir du Latin arrhœ y d'où l'on a fait en François aires ou erres y airemens ou erre- mens y les procédures & productions étant confidérées comme des efpeces d'arrhes ou gages que les parties fe donnent mutuel- lement pour la décifion du procès. Les erre" mens du plaids étoient cependant oppofés aux gages de batailles ; les premiers n'a- voient lieu que dans les affaires civiles , les autres dans les affaires criminelles qui fe décidoient par la voie du duel : cette différence eft établie par' Beaumanoir , chap. vij y pag. 49 y Ug. 7 & 8; ch. ly p, ZJZyÙ Ch. IXJ y p. 3l8. On donne encore copie des derniers erremens y c'eft - à - dire , des dernières procédures , & on procède fuivant les derniers erremens , lorfque l'on reprend une conteftation dans le même état & dans les mêmes qualités dans lefquelles on procédoit ci-devant ; mais il faut pour cela que l'inftance ne foit pas périe. Voye^ V ancien ftyle du parlement, chap. j & xjv; Joan. Galli, queft. î6y ù zoo : Boutillier, en fa fomme rurale ; la pratique de Ma- fuer , & le gbfj. de M. de Lauriere au moc Erremens, (A) ERREUR, E R R ERREUR , f. £ (P/ulofJ égarement de l'efpric qui lui taie porter un faux ju- gement. Voyt\ JUGÈMTENT. irlufîeurs phifotbpfaes ont de'cai'lé les erreurs des fers , de l'imagination & des paiTions : mais leur Weorie , trop impar- faite , efl peu propre à éclairer dans la pratique. L'imagination & les pafiions fe replient de tant de manières , & dépen- dent fi fort des cempe'ramens , des temps , & des circonftances , cuil eft impofiible de dévoiler tous les reiïorts qu'elles font agir. Semblable à un homme d'un tempéra- ment ioible qui ne relevé d'une maladie que pour retomber dans une autre ; fei- prit , au lieu de quitter fes erreurs , ne fait fouvent qu'en changer. Pour délivrer de toutes fes maladies un homme d'une foible conftitution , il faudroit lui faire un tempérament tout nouveau : pour corriger notre efprit de toutes fes foi- blefTes , il faudroi" lui donner de nouvelles vues , & fans s'arrêter au détail de fes maladies , remonter à leur fource même & la tarir. Nous trouverons cette fource dans l'ha- bitude où nous fommes de raifon ner fur des chofes dont nous n'avons point d'i- dées , ou dont nous n'avons que des idées mal déterminées. Ce qui doit être attribué au temps de notre enfance , pen- dant lequel nos organes fe développant lentement , notre raifon vient avec encore plus de lenteur , & nous nous remplirons d'idées & de maximes , telles que le ha- fard & une mauvaife éducation les pré- fentent. Quand nous commençons à ré- fléchir, nous ne voyons pas comment les idées & les maximes que nous trouvons en nous , auraient pu s'y introduite ; nous ne nous rappelions pas d'en avoir été pri- vés : nous en jouiffons donc avec fécurité", quelque défèceueufes qu'elles foient : nous nous en rapportons d'autant plus volon- tiers à ces idées , que nous croyons fou- vent que fi elles nous trompoient , Dieu feroit la caufe de notre erreur; parce que nous les regardons , fans raifon , comme l'unique moyen que Dieu nous ait donné pour arriver à la vérité. Ce qui accoutume notre efprit à cette Tome XII. E R R 945 inexactitude , c'eft la manière dont nous apprenons à parler. Nous n'atteignons l'âge de raifon , que long - temps après avoir contracté l'ufage de la parole. Si l'on excepte les mots deftinés à faire connoitre nos befoins, c'eft ordinairement le hafard qui nous a donné occafion d'entendre certains fons plutôt que d'autres, & qui a décidé des idées que nous leur avons at- tachées. En rappellant nos erreurs à l'origine que je viens d'indiquer , on les renferme dans une çaufe unique. Si nos paffions occafionent des erreurs 3 c'eft qu'elle.* abufent d'un principe vague , d'une expref- fion métaphorique , & d'un terme équi- voque , pour en faire des applications d'où nous puifTions déduire les opinions qui nous flattent. Donc , fi nous nous trompons , les principes vagues , les mé- taphores , & les équivoques, font des caufes antérieures à nos pafiions ; il fuf- Êra par conféquent de renoncer à ce vain langage , pour difîiper tout l'artifice de Y erreur. Si l'origine de Veneur eft dans le dé- faut d'idées , ou dans des idées mal dé- terminées , celle de la vérité doit être dans des idées bien déterminées. Les mathématiques en font la preuve. Sur quelque fujet que nous ayions des idées exactes , elles feront toujours fuffifantes pour nous faire difeerner la vérité : fi au contraire nous n'en avons pas , nous aurons beau prendre toutes les précautions imagi- nables , nous confondrons toujours touç. Sans des idées bien déterminées , on s'éga- reroit même en arithmétique. Mais comment les arithméticiens ont-ils des idées fi exactes ? C'eft que connoifTanc de quelle manière elles s'engendrent , ils font toujours en état de les compofer , ou de les décompofer , pour les comparer félon tous leurs rapports. Les idées complexes font l'ouvrage de l'efprit ; fi elles font défectueufes , c'eft parce que nous les avons mal faites. Le feul moyen pour les corriger , c'eft de les refaire. Il faut donc reprendre les maté- riaux de nos connoiftances , & les mettre en œuvre , comme s'ils n'avoient pas été employés. Dddddd 946 ERR Les Cartéfiens n'ont connu ni l'origine ni la génération de nos connoiffances. Le principe des idées innées d'où ils font partis , les éloignoit de cette découverte. Locke a mieux réufli , parce qu'il a commencé aux fens. Le chancelier Bacon s'eft aufîî apperçu que les idées qui font l'ouvrage de l'efprit , avoient été mal faites , & que par confé- quent pour avancer dans la recherche de la vérité, il falloit les refaire : nemo , dit-il, adhuc tantâ mentis confiantiâ & rigore in- ventas efi, ut decrevcrit & Jibi impofuerit theorias & notiones communes penitùs abo- ie re , & intelle clum abrafum Ù cequum ad particularia de integro applicare. Itaque Ma ratio humana quam habemus, ex multafide, £? multo etiam cafu, necnon ex puerilibus , quos primo haujimus, notionibus , farrago quceaam efl Ù congeries. Quodfi quis œtate maturây & fenfibus integris , Ù mente repur- gatâ }fe ad experientiam Ù ad particularia de integro applicet, de eo meliiis fperandum efi.... Non eflfprs nijî in regeneratione fcien- tiarum ; ut ea fcilicet ab experientiâ certo : ordine excitentur Ùrursus condantur: quod adhuc faclum ejje aut cogitatum , nemo , ut ; arbitramur, ajfirmaverit. Prévenu comme on l'étoit pour le jargon de l'école & pour les idées innées , on traita de chimérique le projet de renouveller l'entendement hu- main. Bacon propofoit une méthode trop parfaite , pour être l'auteur d'une révolution ; celle de Defcartes devoit réufïir ; elle laiflbit fubfifter une partie des erreurs. Une féconde caufe de nos erreurs , font ! certaines liaifons d'idées incompatibles qui fe forment en nous par des impreflions étrangères , & qui font fi fortement jointes enfemble dans notre efprit , qu'elles y de- meurent unies. Que l'éducation nous accou- tume à lier l'idée de honte ou d'infamie à celle de furvivre à un affront , l'idée de grandeur dame ou de courage à celle d'ex- pofer fa vie en cherchant à en priver celui de qui on a éré ofïènfé^, on aura deux pré- jugés ; l'un qui a été le point d'honneur des Romains ; l'autre qui eft celui d'une partie de l'Europe. Ces liaifons s'entretiennent & fe fomentent plus ou moins avec l'âge. La ' force que le tempérament acquiert , les paf- fions auxquelles on devient fujet , & l'état ERR qu'on embrafTe , en refTerrent ou en coupent les nœuds. Une troifieme caufe de nos erreurs, mais qui eft bien volontaire , c'eft que nous pre- nons plaifir à nous défigurer nous-mêmes, en effaçant les traits-de la nature & en obf- curcifîant la lumière qu'elle avoit mife en nous;'& cela par le- mauvais ufage de la liberté qu'elle nous a donnée. C'eft ce qui peut arriver de diverfes ma- nières : tantôt par une curiofité outrée , qui nous portant à connoître les chofes au delà des bornes de notre efprit & de l'étendue de nos lumières , fait que nous ne rencon- trons plus que ténèbres : tantôt par une ri- dicule vanité qui nous infpire de nous dif- tinguer des autres hommes , en penfant autrement qu'eux , dans les chofes où ils font naturellement capables de penfer aufïi- bien que nous : tantôt par la prévention d'un parti ou d'une fede , qui fait illufion en certain temps & en certain pays : tantôt par la fuite impofante d'un grand nombre de vérités de conféquence , qui en éblouif- fant nos yeux , font difparoître la faufteté de leur principe : tantôt enfin par un intérêt fecret qu'on trouve à obfcurcir & à mécon- noître les fentimens de la nature , afin de fe délivrer des vérités incommodes. Voyc{ Uefiaifur V origine des connoijjances humai- nes , par M. l'abbé de Condillac. Article tire des papiers de M. Forme y. Voye\ encore, fur les erreur s de l'efprit, X article Evidence, $. z8> 38. Erreur, (Jurifpr.) c'eft lorfque Ton a dit ou fait une chofe , croyant en dire ou faire une autre. Uerreur procède du fait ou du droit. L 'erreur ou ignorance de fait, confifte à ne pas favoir une chofe , qui eft , par exemple , fi un héritier inftitué ignore îë teftament qui le nomme héritier, ou fi fa- chant le teftament , il ignore la mort de celui à qui il fuccede. On appelle aufïi erreur défait , Iorfqu'un fait eft avancé pour un autre , & que cela eft fait par ignorance ; en ce cas, c'eft une erreur ou un faux énoncé : fi le fait faux étoit avancé fciemment, il y auroit de la. mauvaife foi. L'erreur ou ignorance de droit, confifte s ERR. à ne pas favoir ce qu'une loi ou coutume ordonne. On peut être dans Veneur par rapport au droit pofitif; mais peribnne n'eft pré- fumé ignorer le droit naturel ; les gens mêmes les plus (impies & les plus grofliers ne font pas excufés à cet égard : nec in eâ re rufiicitati venia prœbeatur. Lib. Il jcod. de in jus voc. L'ignorance où quelqu'un eft de fes droits, peut venir d'une erreur de fait , ou d'une erreur de droit. Par exemple , s'il ignore qu'il fait parent , c'eft une ignorance de fait ; s'il croit qu'un plus proche que lui l'exclut , ne fâchant qu'il concourt avec lui par le moyen de la repréfentation , c'eft une ignorance de droit. \1 erreur de fait ou de droit ne nuit jamais au mineur. A l'égard des majeurs, Yerreur de fait ne leur préjudicie pas ; parce que celui qui fait ainfi quelque chofe par erreur n'eft pas cenfé confentir , puifqu'il ne le fait pas en con- noiftànce de caufe : mais il faut pour cela que Yerreur de fait foit telle qu'il paroifle évidemment qu'elle a été le feul fondement du confentement qui a été donné ; encore l'aéte n'eft-il pas nul de plein droit, mais il faut prendre la voie des lettres de refci- fîon. Si le confentement peut avoir été déter- miné par plufieurs caufes , Yerreur qui fe trouve par rapport à quelques-unes de ces caufes , ne détruit pas l'acte , dès qu'il y a encore quelqu'autre caufe qui peut le faire fùbfifter. L'ignorance des faits qui a induit en er- reur eft toujours préfumée , lorfqu'il n'y a pas de preuve contraire , excepté dans les chofes qui font perfonnelles à celui qui al- lègue Yerreur , parce que chacun eft préfumé favoir ce qui eft de fon fait. Lorfqu'un des contradans a été induit en e-reur par le dol de l'autre , ce dol forme un double moyen de reftitution. L'erreur de droit n'eft point excufée à l'égard des majeurs , car chacun eft pré- fumé favoir les loix , & fur - tout le droit naturel. Néanmoins s'il s'agit d'une loi de droit pofitif, & qu'il foit évident que l'on n'a traité qu'à caufe de l'ignorance de ce droit, ERR 947 il peut f avoir lieu à la reftitution : mais fi Y2.de peut avoir eu quelqu'autre caufe , fi l'on peut préfumer que celui qui n'a pas fait valoir fon droit y a renoncé volontairement, en ce cas Yerreur de droit ne forme pas un moyen de reftitution. Voye\ au digefte le titre de juris & façti ignorantiâ. ÇA) ERREUR , en Agronomie , c'eft la dif- férence entre le calcul & l'obfervation ; ainfi Yerreur des tables de la lune eft la quantité dont les tables donnent la longi- tude calculée , différente de la longitude obfervée : on marque ordinairement du figne •+- , Yerreur qu'il faut ajouter aux tables pour les accorder avec l'obfervation. M. Halley avoit calculé les erreurs de fes tables pendant dix-huit ans , pour fervir â prédire les lieux de la lune dans les ufages de la navigation. M. le Monnier a donné les erreurs de Ces tables des Inflitutions agronomiques pour l'année 1771 , dans fon Afironomie nautique lunaire. On appelle Y erreur $\m quart de cercle , la quantité qu'il faut ajouter aux hauteurs qu'il indique ; erreur d'une lunette méri- dienne , la quantité dont elle s'éloigne en difFérens points du véritable méridien. M. Cotes , célèbre géomètre d'Angleterre , a donné en 1722 , à la fuite de fon ou- vrage intitulé , Harmonia menfurarum y un mémoire intéreffant fur les rapports que les erreurs ont les unes avec les autres , & fur la manière de les calculer par les règles du calcul différentiel. J'ai traité cette matière encore plus au long dans le XXI II livre de mon Afironomie. Ç,M. de la Lande.) Erreur de Calcul, eft la méprife qui fe fait en comptant & marquant un nombre pour un autre. Cette erreur ne fe couvre point , /. unie, cod.de err. cale. Voy. V ordonnance de 1 66 '7 y titre xxix* art. z 1 . Erreur commune, eft celle où font tombés la plupart de ceux qui avoient in- térêt de favoir un fait qu'ils ont cependant ignoré. C'eft une maxime en droit que error communisfacitjus , c'eft-à-dire qu'elle ex- eufe celui qui y eft torn^é , comme ies autres. 11 y a dans les livres de Juftinien deux exem- ples remarquables de l'effet que produit Yerreur commune. L'un eft en \zfomeuYe\o\barbarius Phi- Dddddd 2. 948 E R R lippus y au ff de officio prœtorum ; c'eft l'efpece d'un efcîave qui avoit fait l'office de préteur : la loi décide que tout ce qu'il a fait eft valable. L'autre eft \a\o\fi quis , au fT! defenatufc. maeed. qui décide que fi un homme a traité avec un fils de famille , qui pafîbit publi- quement pour être père de famille ; ce fils de famille ne pourra pas exciper contre lui du bénéfice du macédonien , quia publicè... jic agebat } fie contrahebat. (A) Erreur de Compte, voye\ ci-devant Erreur de Calcul. Erreur de Droit; voye\ ce quia été dit ci-devant au premier article fur le mot Erreur. ( Jurifp.) E R R Erreur de Fait , voye\Ihidem. Erreur, de Nom, eft lorfque dans un a&e on nomme une perfonne pour une au- tre , ou une chofe pour une autre. Une telle erreur vicie le legs , à moins que la volonté du teftateur ne foit d'ailleurs confiante. Voy. la loi <) yft.de hcered. infiit. 0 leg. 4 y ff de légat i s primo injlu. de légat. §. a.9. ÇA) Erreur de Personne , c'eft-à-dire lorfque l'on croit traiter avec une perfonne , & que l'on traite avec une autre , le contrat eft nul. V. ce qui a été dit ci -devant au mot Empêchement de Mariage. (A) Erreur , ÇPropofuion d\) Voye\ au, mot Proposition. Erreur de Lieu , (*) ÇMéd.) error ( * ) On a adopté dans cet article l'hypothefe de Boerhaave , auteur des vaiffeaux du rang inférieur , c'eft ainfi qu'il appelloit des vaiffeaux continus aux vaiffeaux rouges, artériels eux-mêmes & coniques, & dé- croiffans comme eux, mais qui n'en reçoivent qu'une humeur plus fine que le fang; l'erreur de lieuch.cz ce grand homme eft le paffage vicieux des globules rouges dans cette claffe de vaifleaux qui n'eft faite que pour des humeurs plus fines. Nous employons le terme de vicieux , parce que dans l'ordre de la nature même il fe fait de ces erreurs. Le fang qui fumte à travers les pores de la membrane pituitaire , & celui qui fous le nom de règles s'extravafe dans la cavité de l'utérus , ne fe ramaffe en gouttes vifibles qu'après s'être ouvert l'accès, depuis les artères rouges dans des vaiffeaux deftinés par la nature à charrier une liqueur tranfpa- rente Se vifqueufe. Il n'y a aucun doute que Y erreur de lieu ne doive être admife dans les nombreux exemples d'hommes plé- thoriques , qui par quelque léger excès rendent du fang par les urines. On a vu des fueurs de fang , & des diarrhées fanglantes fans aucune ruprure de vaifleaux. Dans tous ces exemples , le fang a pane des artères aux canaux fecrétoires. L'injedion imite aifément cette erreur , l'eau, le mercure, l'air partent avec facilité des artères des reins dans les uretères. Une autre erreur de Heu très- commune , c'eft celle par laquelle le fang paffe dans les petites cellules du tiffu qui remplit tous les intervalles des parties folides du corps humain. C'eft à cette erreur qu'on peut rapporter le redreffement du mamelon du fein des femmes, la rougeur des parties enflammées, les noirceurs fubites qui furviennent à des efforts, & dans lefquelles le fang a paffé dans les cellules placées fous la peau ; enfin les taches des fièvres malignes. Nous n'avons pas encore parlé des véritables erreurs de lieu , ni du fang qui a paffé des vaiffeaux rouges dans ^es artères lymphatiques. Ces artères n'ont pas été adoptées univerfellement : des perfonnes de beaucoup de ^énie ont remarqué que les maladies ne prouvoient pas ce que Boerhaave vouloit qu'elles prouvaffent. Il eft vrai que dans l'œil enflammé il paroît fur la felérotique un beaucoup plus grand nombre de vaiffeaux rouges , & que tous ces vaiffeaux font artériels , qu'ils donnent des branches , & que leur calibre diminue à snefure qu'ils s'éloignent des vaiffeaux rouges. Mais ces nouvelles artères ne font pas des artères lymphati- ques devenues rouges par une erreur de Heu , ce ne font que les artères rouges extrêmement fines , invifibles avant l'inflammation , & que le fang a rendues vifibles en s'y portant avec plus de force , & dont les globu es *'y l'ont multipliés. Dans le méfentere des quadrupèdes à fang froid, on ne découvre point de vaiffeaux-, n as quand on expofe ces membranes au microfeope, on voit une infinité de vaiffeaux dans les intervalles , où il n'en paroiffoic point. Ce font des veines généralement du calibre d'un feul globule, & ce globule n'a pas la couleur affez forte pour fe rendre fenfible ; il ne devient vifïble que par la forte clarté qui eft l'effe: de la: lentille de verre. Le vitré des poiffons paroit tranfparent •, mais une forte loupe , aidée d'un foleil bien vif * y découvre des réfeaux & des anneaux d'artères rouges de la plus grande beauté. Il en eft de même des artères du cryuallin , i'injedtion les rend fenfibles. Si cetre preuve de l'erreur de lieu n'eft pas convaincante, elle ne doit pas faire rejeter la chofe même. Il y a dans l'iris un exemple de vaiffeaux naturellement remplis d'une liqueur grife qui fortent du cercle de l'uvée, & qui paroiilent ê:re des exemples affurés d'un rang de petites artères, dont la liqueur eft plus fine que le fang. Il n'en eft pas de même des ordres fucceffifs de ces vaiffeaux : il n'eft pas probable qu'il puiffe y avoir des: vaiffeaux qui ne nailiént de l'artère rouge , que par l'entremife d'un grand nombre de vaiffeaux de diftérens ordres. Ces petits vaiffeaux étant éloignés de îa fource du mouvement, déjà ralenti dans les dernières artères rouges , il n'en refteroit prefque plus aux liqueurs fines , après une longue fuite de vaiffeaux décroiffans. Eî cependant ces* liqueurs fines fe meuvent. avec rapidité : nous avons vu la tranfpiration, rendue vilible dans E R R îocl ; c'ell une expreflîon employée en mé- decine pour défîgner le changement qui fe faic dans le corps humain , lorfqu'un fluide d'une nature déterminée & qui doit être contenu dans des vaiflèaux qui lui font pro- pres , fort de ces vaiflèaux & fe porte dans d'autres voifins qui ne font pas naturelle- ment deflinésàlerecevoir.Commece chan- gement n'ell bien fenfîble que par rapport au fang qui pafle de ces vaiflèaux dans les lymphatiques ou autres , c'ell 3à propre- ment ce que les médecins appellent erreur de lieu. Les globules rouges font la partie la plus grofliere que l'on obferve dans le fang ; cette partie ne peut être naturellement contenue & mife en mouvement que dans les vaif- lèaux du corps qui ont le plus de capacité. La partie de ce fluide qui approche le plus du globule rouge par rapport à fon volume , peut pénétrer dans des vaiflèaux dont la capacité approche le plus des vaiflèaux fanguins , mais qui donne l'exclufion aux globules rouges , parce qu'ils font trop grof- fiers pour y pénétrer, & peut admettre toutes les autres parties des fluides plus fubtiîs. La même choie a lieu vraifemblablement par rapport aux difFérens ordres de vaiflèaux qui diminuent de capacité les uns refpecti- vement aux autres , jufqu'aux vaiflèaux les plus Amples du corps humain , & la fanté femble confifter principalement en ce que les difFérens fluides relient chacun dans les vaiflèaux qui lui font proportionnés. C'ell dans les parties les plus groffieres de chaque fluide , que réfide la qualité propre qui ca racle rife. Lorfqu'il arrive que la trop grande quai tiré de fang , ou la raréfaction excefiîve de ce fluide , ou fon mouvement trop im- pétueux , dilate ^s propres vaiflèaux , & conféquemment les. orifices des vaiflèaux d'un genre différent , qui en naiflènt immé- diatement au point de permettre le paflàge des parties les plus groffieres du fang , qui dévoient naturellement relier dans les vaif- E R R 949 féaux fanguins ; ces parties pénètrent dans les vaiflèaux continus où elies font étran- gères : elles occupent un lieu , où elles ne font admifes que par un effet contre nature. Ce même effet peut auffi être produit fans aucun changement dans les parties foîides contenantes , fî la confillance des fluides contenus , ou le volume â&s parties qui le compofent , font tellement diminués qu'ils puiflènt pénétrer dans des conduits ou ils n'auroient pas pu être admis avec leur con- fillance naturelle Le premier cas fe préfente fouvent dans les inflammations confidéra- bles ; & le fécond , dans les diflblutions chaudes de la marte des humeurs , par l'effet de quelque exercice violent , de quelque caufe phyfique ou de tout autre de cette nature. L'ophthalmie fournit un exemple bien marqué du paflàge du fang dans des vaif- feaux de différent genre, par l'effet de l'in- flammation : toute la conjonctive ou albu- ginée , qui étoit avant l'ophthalmie d'une blancheur éclatante , devient quelquefois dans cette maladie d'un rouge très- foncé ; ce qui ne peut pas fe faire fans que les vaif- feaux lymphatiques foient eux-mêmes en- gorgés de la partie rouge du fang , y ayant ii peu de vaiflèaux fanguins diflribués dans le tiffu de cette membrane de l'œil , dans l'état naturel. Cette forte d'erreur de lieu dans les in- flammations efl d'ailleurs démontrée par l'infpeclion anatomique , félon l'expérience du célèbre Vieuflèns , rapportée dans fon ouvrage intitulé novum fyfiema vaforum ; car l'obfervation fréquente des cas dans les- quels on a vu des femmes , qui dans la fup- preflion des règles par la voie naturelle , éprouvoient un fupplément à cette évacua- tion par les orifices des vaiflèaux galaclophe- res , qui font autour des mamellons ; en forte qu'il fe faifoit fans aucune folution de conti- nuité dans les vaiflèaux fanguins , une vérita- ble tranfmiflion des globules rouges , par les conduits dellinés à ne porter ordinairement l'air épais des mines, monter avec rapidité comme un nuage qui fortiroit de chaque doigt : le poids même que le corps perd en peu de temps par une forte tranCpiration, confirme que la liqueur qu'exhalent les der- niers vaiffeaux de la peau, n'eft rien moins que lente dans fes mouvemens. Il n'y auroit donc d'autres erreurs de lieu , que celles qui fe font de l'artère rouge dans l'artère tranfparente ,. dans le canal excrétoire, & dans le tifîu cellulaire. (//. Z>. G.) 95© ERR que la lymphe , & à féparer de la maflè des humeurs la matière du lait à l'occafion de la groffeffe. Les crachats , dans la périp- neumonie , ne font fouvent aufîi teints de fang , que parce qu'il a été pouffe quelques globules rouges dans les vaifïèaux fecrétoires & excrétoires de l'humeur bronchique. Il ne manque pas aufîi d'eiemples du paffage du fang dans des vaifïèaux étran- gers , par l'effet de la difîblution des hu- meurs ; on le voit arriver dans les petites véroles qui font accompagnées d'une û grandefonte d'humeurs, qu'ayantperdu leur confiftance naturelle , les plus groffieres deviennent fufceptibles de pénétrer dans les vaiffeaux les plus déliés ; ainfi les globules rouges paffent par les couloirs des urines , & conflituent le pifîèment de fang ; ils font poufîes dans les vaifïèaux cutanés , ils y fourniffent matière à des fueurs fanglantes ; ils y font des taches de couleur d'écarlate, ou pourprées , &c. Voy. Sang , INFLAM- MATION , Petite Vérole , Sueur , Pourpre , ùc. On trouve même , dans l'économie ani- male faine , des preuves du paffage du fang dans des vaifïèaux de différens genres , que l'on ne doit cependant pas appeîler erreur de lieu y puifqu'il fe fait naturellement ; mais qui fert à établir la poffibilité de celui qui eft contre nature , & qui fe fait véritable- ment par erreur de lieu ; elles font tirées de ce qui fe pafTe dans l'écoulement du flux menMruel ; il eft certain que le fang , après s'être ramaffé dans les vaifïèaux utérins qui lui font propres , dilate l'orifice des autres vaiffeaux de la matrice , qui ne fervant , hors du temps menftruel , qu'à porter une lymphe féreufe , pénètre dans ces vaiffeaux & dans leur finus , & parvient à l'embou- chure de ces mêmes conduits , qui aboutif- fent à la furface interne de la matrice , où il fe répand d'abord en petite quantité , mêlé avec la férofité fous forme de fanie , & enfuite de fang en maffe , jufqu'à ce que ces vaiffeaux, dans iefquel» il eft étranger, foient défempîis , & puifîènt fe refîèrrer au point de ne plus permettre aux globules rouges de pénétrer dans leur cavité. Voye[ Menstrues, (d) \ ERREUR 9 (Comm.) défaut de calcul , omiiîion de partie , article mal porté fur ERR un livre , dans un compte , ou dans une fa&ure. Dans le commerce , on dit en ce divers fens : il y a erreur dans cette addition ; vous vous êtes trompé dans la facture que vous m'avez envoyée un tel jour ; vous tirez en ligne 1677 ^v- IO ^ au lieu de i6^j\. 10 f. pour 130 aunes de drap à ri 1. 15 f. c'efî une erreur de 20 livres qui doit tour- ner à mon profit ; j'ai trouvé plufieurs erreurs dans votre compte ; l'article porté en crédit le 1 juillet pour 1540 livres ne doit être que de 153© liv. vous me débitez le 20 août de 400 liv. pour ma traite du 3 dudit à Lambert , je n'en ai point de connoiffànce. Dans l'arrêté des comptes que les mar- chands & négocians foldent enfemble , ils ne doivent pas omettre la claufe , fauf erreur de calcul y ou omijfion de parties. On dit en proverbe qu'erreur nefi pas compte y pour faire entendre que quoiqu'un compte foit foldé , fi l'on y trouve quelque défaut de calcul ou omifïion de parties , on doit réciproquement s'en faire raifon. Dictionnaire de Commerce de Trévoux (j de Chambers. (G) ERRHINS , adj. pi. (Pharmacie.) Ce mot vient du grec b, in, dans, & plv, nafus y nez. C'efr ainfi qu'on appelle tous les remè- des qui font défîmes à être introduits dans le nez. Ces remèdes fe préparent fous différentes formes ; tantôt ils font liquides , tantôt ^j^des , tantôt c'eft une poudre , quel- ■fcfois c'eft un liniment , une pommade , un onguent. Ceux qui font fous forme liquide , ou bien en poudre , fe reniflent. Ceux qui font folides fe forment en petits bâtons pyramidaux , qu'on introduit dans les narines , & qu'on y laifle autant de temps qu'il eft néceffaire. Les linimens , les pommades , les on- guens fe portent dans le nez avec le bout du doigt. Les remèdes errhins font quelquefois deftinés à provoquer l'éternument , & alors on les nomme fiernutatoires. V. STERNU- TATOIRES. La véritable figniflcation du mot errhin eft celle que nous venons de ERR lui donner avec les auteurs les plus exacts ; mais ce n'eft pas dans ce fens générique que la plupart l'ont pris : quelques - uns ont reftreint le nom à'errhin aux remèdes qui excitoient doucement l'excrétion des narines, & ils ne les diftinguoient des fternutatoires que par le degré d'aclivité ; quelques autres déiiniffent Yerrhin par la forme liquide ; d'autres prétendent au con- traire que la conflftance pulvérulente , molle , liquide ou folide lui eft indiffé- rente, &c. La lignification du mot errhin étant bornée , félon fon acception la plus ordi- naire , à défigner les remèdes qui évacuent la membrane pituitaire , nous obferverons que les errhins les plus doux peuvent de- venir fternutatoires , fur certains fujets , & que les fternutatoires , au contraire , peuvent n'être que des évacuans doux pour d'autres fujets. La manière d'agir de ces remèdes eft donc la même ; ils opèrent une irritation fur la membrane pituitaire , & ils déterminent une évacuation par fes couloirs , en excitant avec plus ou moins d'énergie l'excrétion de l'humeur qu'elle fépare. V. EXCRÉTION Ù IRRITATION. Cette irritation portée à un certain point , détermine cette fecoufle violente & con- vulflve de plufieurs organes, qui eft connue fous le nom 8 éternument ; fecoufle inutile à l'évacuation des narines , mais que l'on cherche à exciter dans certain cas , pour une autre vue. Voye\ EternUMENT Ù Sternutatoire. Les errhins, confédérés comme évacuans, s'emploient le plus fouvent contre les in- commodités connues dans le langage ordi- naire fous le nom de fluxions, & fur-tout de celles qui attaquent les yeux & les oreil- les , principalement lorfqu'elles font abfo- lument féieufes. Voye\ Fluxion. Les affections véritablement inflammatoires des yeux & des paupières font plutôt augmen- tées que diminuées par Fufage des errhins, quoiqu'à vrai dire , ils deviennent bientôt fi indifferens par une courte habitude , que Je médecin ne peut guère compter fur ces fecours. L'ufage prefque général du tabac , qui eft un errhin ( que la plupart des preneurs de tabac s'appliquent continuellement fans ERU 951 le favoir, comme M. Jourdain faifoit de la profe ) , & même le feul que nous em- ployions aujourd'hui , a rendu ce fecours encore plus inutile , ou du moins plus ra- rement applicable ; comme l'habitude de boire du vin a privé la plupart des hommes d'une grande refïburce^contre plufteurs maux, (b) ERS , f. m. ÇHift. nat. Bot.) Eri'um, genre de plante à fleurs papilionacées. Le piftil fort du calice , & devient dans la fuite une filique dont les deux faces font rele- vées en ondes ou en nœuds ; elle renferme des femences arrondies : ajoutez aux carac- tères de ce genre , que les feuilles font rangées par paires fur une côte. Tourne- fort, infiitut, rei herb. Voyei PLANTE. Ers ou OROBE. (Pharmacie & matière médicale. J jLa femence , ou plutôt la farine de Vers, eft la feule partie de cette plante qui foit d'ufage en médecine : les anciens médecins la réduifoient en poudre , & la donnoient incorporée avec le miel dans l'afthme humide , pour faciliter Pexpe&o- ration. Galien , dans fon premier livre des facultés des alimens, dit que quoiqu'on ne mange point la femence d'ers, à caufe de fon mauvais goût & de fon mauvais fuc , cependant dans des difettes on a quelquefois été obligé d'y recourir. La farine d'ers eft une des quatre fari- nes réfolutives , & elle n'a d'autre ufags magiftral , que d'être un des ingrédiens des cataplafmes qu'on prépare avec ces farines. Voye\ Farine RÉSOLUTIVE. La farine d'ers entre dans les trochifques fcilli- tiques. ERSE, f. f. (Marine.) c'eft une corde qui entoure le moufle de la poulie, & qui fert à l'amarrer. Voye\ Etro*PE. (Z) ERTZEBURGE, (Géographie mol) nom d'un des cercles de l'éle&orat de j Saxe. ERUCAGO , f f. (Hifl. nat. Bot.) genre i de plantes à fleurs en croix. Il fort du ca- ! lice un piftil qui devient dans la fuite un : fruit qui reflèmble à une petite marîue à j quatre faces , dont les arêtes font relevées en forme de crêtes. Ce fruit eft partagé en trois loges , & renferme des femences qyi font arrondies , pour l'ordinaire , & 9p ERU qui ont un petit bec. Tournefort , infl. rei heib. Voye\ PLANTE. (I) ErUCAGO, (Matière médic.) Lémery dit que Yérucagojegetumyfinapi echinatum, J. B. eft incifive , atténuante , propre pour raréfier la pituite du cerveau, & pour faire écernuer. On 1«# attribue une qualité anti- fcorbutique , comme à la vraie roquette , dont elle a les principes. Chambers. ERUCÏR , (Vénerie.) Il fe dit d'un cerf, quand il prend une branche dans fa gueule , & la Cucq pour en tirer le lue. ERUDIT, adj. m. ( Littérature. J On appelle de la forte celui qui a de l'érudition (voyez Érudition ) ; ainfi on peut dire que Saumaife éteit un homme érudit. Eru- dit fe prend aufîi fubftantivement ; on dit par eîlipfe , un érudit, pour un homme érudit : l'ellipfe a toujours lieu dans les adjectif pris fubftantivement. V. ELLIPSE, Adjectif, Substantif, Oc. Les mots érudu &c docte font bornés à déiîgner les hommes profonds dans l'éru- dition ; /avant s'applique également aux hommes verfés dans les matières d'érudi- tion &: dans les feiences de raifonnement. Voyei Sctence , Docte, Oc (O) ÉRUDITION, f. ï. (Philofopiùe O Littérature.) Ce mot , qui vient du latin erudire , enfeigner P figniêe proprement & à la lettre , [avoir } connoiflànce ; mais on l'a plus particulièrement appliqué au genre de favoir qui confifte dans la connoiffance des faits , & qui eft le fruit d'une grande lecture. On a ré!ervé le nom de [cience pour les connoifiances qui ont plus immé- diatement befoin du raifonnement & de la réflexion , telles que la phyfîque , les mathématiques, Octk celui de belles-lettres pour les productions agréables de lefprit, dans lefquelîes l'imagination a plus de part , telles que l'Eloquence , la PoJfie , Oc. 'L'érudition y confédérée par rapport à l'é?at préfent des lettres , renferme trois branches principales , la connoiffance de l'hiftoire , celle des langues , & celle des livres. La connoiffance de l'hiftoire fe fubdi- vife en p!ufieurr> branches ; hifîoire ancienne & moderne ; hiftoire facrée , profane , ec- cléfiaftique ; hiftoire de notre pays & des pays étrangers; hiffoire des feiences & des ERU arts ; chronologie ; géographie ; antiquités & médailles , Oc. La connoiflànce des langues renferme les langues favantes , les langues moder- nes , les langues orientales , mortes ou vivantes. La connoiffance des livres fuppofe , du moins jufqu'à un certain point , celle des matières qu'ils traitent , & des auteurs ; mais elle confifte principalement dans la connoiflànce du jugement que les fa vans ont porté de ces ouvrages , de 1,'efpece d'utiiité qu'on peut tirer de leur ledure , des anecdotes qui concernent les auteurs & les livres , des différentes éditions & du choix que l'on doit faire entr'elles. Celui qui pofféderoit parfaitement cha- cune de ces trois branches , feroit un éru- dit véritable & dans routes les formes : mais l'objet eft trop vafte , pour qu'un feul homme puiflè l'embraffer. Il fuffit donc , pour être aujourd'hui profende- menr érudit , ou du moins pour être cenfé tel , de pofft'der feulement à un certain point de perfection chacune de ces par- ties : peu de favans ont même été dans ce cas , & on paffe pour érudit à bien meil- leur marché. Cependant , fi l'on eft obligé de reftreindre la lignification du mot érlt- du, & d'en étendre l'application, il paroît du moins jufte de ne l'appliquer qu'à ceux qui embraffent , dans un certain degré d'écendue , la première branche de \ éru- dition , la connoiffance des faits hifioriques, fur-tout des faits hifioriques anciens , & de l'hiftoire de plufieurs peuples ; car un homme de lettres qui fe feroit borné, par exemple , à l'hiftoire de France , ou même à l'hiftoire Romaine , ne mériteroit pas proprement le nom d'érudit ; on peurroit dire feulement de lui qu'il auroit beau- coup d'érudition dans l'hiftoire de France , dans l'hiftoire Romaine , Oc en qualifiant le genre auquel il fe feroit appliqué. De i même on ne dira point d'un homme verfé j dans la connoiffance feule des langues & ! des livres , qu'il eft érudit , à moins qu'à ces deux qualités il ne joigne une connoif- fance affez étendue de l'hiftoire. De la connoiflànce de l'hiftoire , des langues & des livres , naît cette partie im- portante de Y érudition y qu'on appelle cri- tique ? E R U tique y & qui confifte ou à démêler le fens d'un auteur ancien , ou à reftituer fon texte , ou enfin ( ce qui eft la partie principale ) à déterminer le degré d'auto- rité qu'on peut lui accorder par rapport aux faits qu'il raconte. Voye\ CRITIQUE. On parvient aux deux premiers objets par une étude affidue & méditée de l'auteur t par celle de l'hiftoire de fon temps & de fa perfonne , par le parallèle raifonné des differens manufcrits qui nous en reftent. A l'égard de la critique , confédérée par rapport à la croyance des faits hiftoriques , en voici les règles principales. 10. On ne doit compter pour preuves que les témoignages des auteurs originaux , c'eft- à-dire , de ceux qui ont écrit dans le temps même , ou à peu près ; car la mé- moire des faits s'altère aifément , fi on eft quelque temps fans les écrire : quand ils parlent fimptement de bouche en bouche , chacun y ajoute du fien , prefque fans le vouloir. « Ainfi , dit M. Fleury , premier » difcours fur Itiijl. ecclef. , les traditions » vagues des faits très-anciens , qui n'ont » jamais été écrits , ou fort tard , ne méri- » tent aucune créance , principalement » quand elles répugnent aux faits prouvés : » & qu'on ne dife pas que les hiftoires n peuvent avoir été perdues ; car , comme » on le dit fans preuve , on peut répondre t9 auili qu'il n'y en a jamais eu ». 2°. Quand un auteur grave & véridique d'ailleurs , cite des écrits anciens que nous n'avons plus , on doit , ou on peut au moins l'en croire : mais fi ces auteurs anciens exiftent , il faut les comparer avec celui qui les cite , fur-tout quand ce dernier eft moderne ; il faut de plus examiner ces au- teurs anciens eux - mêmes , & voir quel degré de créance on leur doit. « Ainfi , dit » encore M. Fleury , on doit confulter les » fources citées par Baronius , parce que » fouvent il a donné pour authentiques des » pièces fauffes ou fufpectes , & qu'il a » fuivi des traductions peu fidèles des » auteurs grecs ». 3°. Les auteurs , même contemporains , ne doivent pas être fuivis fans examen : il faut favoir d'abord fi les écrits font véri- tablement d'eux ; car on n'ignore pas qu'il y en a eu beaucoup de fuppofés. Voyez Tome XII. E R U 95} DÉCRÉTAIES , &c. Quand Fauteur eft certain , il faut encore examiner s'il eft digne de foi , s'il eft judicieux, impartial , exempt de crédulité & de fuperlhion , aflèz éclairé pour avoir fu démeLr !e vrai , & aflèz fincere pour n'avoir p s été tenté quelquefois de fubftituer au vrai , fes con- jectures , & des foupçons dont la fineffe pouvoit le feduire. Ceiui qui a vu eir plus croyable que celui qui a feulement oui- dire , l'écrivain du pays plus que l'écrivain étranger , & celui qui parle des aftaires de fa doctrine , de fa iecle , plus que les per- fonnes indifférentes , à moins que l'auteur n'ait un intérêt vifible de rapporter les chofes autrement qu'elles ne foi. t. Les enne- mis d'une fecie , d'un pays , doivent fur- tout être fufpe&s ; mais on prend droit fur ce qu'ils difent de favorable au parti contraire. Ce qui eft contenu dans les lettres du temps & les aâes originaux , doit être préféré au récit des hiftoriens : s'il y a entre les écrivains de la diverfité, il faut les concilier ; s'il y a de la contra- diction , il faut choifir. Il eft vrai qu'il feroit bien plus commode pour l'écrivain de fe borner à rapporter les différentes opinions , & de laiffer le jugement au lec- teur : mais il eft plus agréable pour celui-ci , qui aime mieux favoir que douter , d'être décidé par le critique. Il y a dans la critique deux excès à fuir également , trop d'indulgence , & trop de févérité. On peut être très bon c'. rénen , fans ajouter foi â une grande qu nti é de faux actes des martyrs , de raufies vie-, des faints, d'évangiles & d'epî très apociiryph.es, â la légende dorée de Jacques de Vora- gine , à la fable de la donation de Conf- tantin , à celle de la papefie Jeanne , à plufieurs mêmes des miracles rapportés par Grégoire de Tours , & par d'autres écri- vains crédules , &c. mais on ne pouiroit être chrétien en rejetan: les prodiges , les révélations & les autres faits extraordinaires que rapportent S. Irenée , S. Cyp'-ien 9 S. Auguftin , Ùc. auteurs refpe&ank-s , qu'il n'eft pas permis de regarder comme des vifionnaires. Un autre excès de critique eft de donner trop aux conjectures : Erafme , par exem- ple, a rejeté témérairement, félon M. Fleury, Eeeeee 954 E R U quelques écrits de faint Auguftin , dont le . (tyle lui a paru différer de celui des autres ouvrages de ce père '•, d'autres ont corrigé' à?s mots qu'ils n'entendoient pas , ou nié des faits , parce qu'ils ne pouvoient pas les accorder avec d'autres d'une égale ou d'une moindre autorité , ou parce qu'ils ne pouvoient les concilier avec la chrono- logie dans laquelle ils fe trompoient. On a voulu tout favoir & tout deviner ; chacun a rafiné fur les critiques précédens , pour ôter quelque fait aux hifloires reçues , & quelque ouvrage aux auteurs connus : cri- tique dangereufe & dédaigneufe , qui éloigne la vérité en paroifTant la chercher. Voye\ Fleury , premier difcours fur Vkift. eccl. , ch. iij Ù v. Nous en avons extrait ces règles de critique , qui y font très-bien développées , & auxquelles nous renvoyons le leéteur. \] érudition eft un genre de connoifïànce où les modernes fe font diftingués par deux raifons: plus le monde vieillit, plus la ma- tière de X érudition, augmente , & plus par conséquent il doit y avoir d'érudits ; comme il doit y avoir plus de fortunes lorfqu'il y a plus d'argent. D'ailleurs , l'an- cienne Grèce ne faifoit cas que de fon hiftoire & de fa langue, & les Romains n'étoient qu'orateurs & politiques : ainfi Y érudition , proprement dite , n'étoit pas extrêmement cultivée par les anciens. Il fe trouva néanmoins à Rome , fur la fin de la république , & enfuite du temps des empereurs , un petit nombre d'érudits, tels qu'un Varron , un Pline le naturalise , & quelques autres. La tranllation de l'empire à Conftanti- nople , & enfuite la deftruclion de l'em- pire d'Occident anéantirent bientôt toute cfpece de connoifTànces dans cette partie du monde : elle fut barbare jufqu'à la fin du xv fiecle ; l'Orient fe foutint un peu plus long-temps ; la Grèce eut des hommes favans dans la connoifîance des livres & dans l'hifroire. A la vérité ces hommes favans ne lifoient & ne connoif- foient que les ouvrages grecs , ils avoient hérité du mépris de leurs ancêtres pour tout ce qui n étoit pas écrit en leur lan- gue : mais comme fous les empereurs Ro- mains ,* & même long-temps auparavant , E R U plwfieurs auteurs Grecs , tels que Poîybe, Dion , Diodore de Sicile , Denys d'Hali- carnaffe , ùc. avoient écrit l'hiftoire Ro- maine & celle des autres peuples , l'éru- dition hiftorique & la connoifîance des livres, même purement grecs , étoient dès- lors un objet confidérable d'étude pour les gens de lettres de l'Orient. Conftanti- nople & Alexandrie avoient deux biblio- thèques confidérables ; la première fut dé- truite par ordre d'un empereur infenfé , Léon i'Kaurien : les favans qui préfidoient à cette bibliothèque s'étoient déclarés con- tre le fanatifme avec lequel l'empereur per- fécutoit le culte des images ; ce prince , imbécille & furieux , fît entourer de faf- cines la bibliothèque , & la fit brûler avec les favans qui y étoient renfermés. A l'égard de la biblioiheque d'Alexan- drie , tout le monde fait la manière dont elle fut brûlée par les Sarrafins en 640 , le beau raifonnement fur lequel le caiife Omar s'appuya pour cette expédition , & l'ufage qu'on fit des livres de cette bi- bliothèque pour chauffer , pendant fix mois , quatre mille bains publics. Voye\ Bibliothèque. Photius , qui vivoit fur la fin du IX fiecle , lorfque l'Occident étoit plongé dans l'ignorance & dans la barbarie la plus profonde , nous a laide , dans fa fameufe bibliothèque , un monument immortel de fa vafte érudition : on voit , par le grand nombre d'ouvrages dont il juge , dont il rapporte des fragmens , & dont une grande partie eft aujourd'hui perdue , que la barbarie de Léon & celle d'Omar n'a- voient pas encore tout détruit en Grèce : ces ouvrages font au nombre d'environ 180. Quoique les favans , qui fuivirent Pho- tius , n'aient pas eu autant ^érudition que lui , cependant long-temps après Photius, & même jufqu'à la prife de Conftan- tinople par les Turcs , en 1453 , la Grèce eut toujours quelques hommes ins- truits & verfés ( du moins pour leur temps ) dans l'hiftoire & dans les lettres , Pfellus , Suidas , Euftathe commentateur d'Homère , Tzetzes , BefTarion , Genna- dius , &c. On croit communément que la def- E R U trucVion de l'empire d'Orient fut la caufe du renouvellement des lettres en Europe ; ! que les favans de la Grèce , chaiTés de Conftantinople par les Turcs , & appelles par les Médicis en Italie , rapportèrent la j lumière en Occident : cela eft vrai jufqu'à un certain point ; mais l'arrivée des favans de la Grèce avoit été précédée de l'inven- ; tion de l'imprimerie » faite quelques années i auparavant , àes ouvrages du Dante , de ; Pétrarque & de Boçace , qui avoienc ra- | mené en Italie l'aurore du bon goût ; j enfin , d'un petit nombre de favans qui j avoient commencé à débrouiller & même à cultiver avec fuccès la littérature la- tine , tels que le Pogge , Laurent Valla , Phileîphe & quelques autres. Les Grecs de Conftantinople ne furent vraiment utiles aux gens de lettres d'Occident , que pour la connoifTance de la langue grecque qu'ils leur apprirent à étudier : ils for- mèrent des élevés , qui , bientôt , éga- lèrent ou furpaflerent leurs maîtres. Ainfi , ce fut par l'étude des langues grecque & latine que Y érudition renaquit : l'étude approfondie de ces langues & des auteurs qui les avoient parlées , prépara infenfi- blement les efprits au goût de la faine lit- térature ; on s'apperçut que les Démof- thene & les Cïcéron , les Homère & les Virgile , les Thucydide & les Tacite avoient fuivi les mêmes principes dans l'art d'écrire , & on en conclut que ces principes étoient les fondemens de l'art. Cependant , par les raifons que nous avons expofées dans le difeours préliminaire de cet ouvrage , les vrais principes du goût ne furent bien connus & bien développés que lorfqu'on commença à les appliquer aux langues vivantes. Mais le premier avantage que produifit lécude des langues fut la critique, dont nous avons déjà parlé plus haut : on purgea les anciens textes des fautes que l'ignorance ou l'inattention des copiftes y avoient in- troduites ; on y reftitua ce que l'injure des temps avoit défiguré ; on expliqua par de favans commentaires les endroits obfcurs ; on fe forma des règles pour diftinguer les écrits vrais d'avec les écrits fuppofés , règles fondées fur la connoifTance de l'hiftoire, de ja Chronologie , du ftyîe des auteurs , du E R U 955 goût & du caractère des différensfiecles. Ces règles furent principalement utiles, lorfque nos favans , après avoir comme épuifé la lit- térature latine & grecque, fe tournèrent vers ces temps barbares & ténébreux qu'on ap- pelle le moyen âge. On fait combien notre nation s'eft diftinguée dans ce genre d'étude ; les noms des Pithou , des Sainte Marthe , des Ducange , des Valois , des Mabillon , Ùc. fe font immortalifés par elle. Grâces aux travaux de ces favans hommes, l'antiquité & les temps poftérieurs font non feulement défrichés , mais prefque entière- ment connus , ou du moins aufli connus qu'il eft pofTible , d'après les monumens qui nous relient. Le goût des ouvrages de bel efprit & l'étude des feiences exactes a fuccédé parmi nous au goût de nos pères pour les matières à? érudition. Ceux de nos contemporains qui cultivent encore ce der- nier genre d'étude , fe plaignent de la pré- férence exclufive & injurieufe que nous donnons à d'autres objets ; voye\ Vhifioire de Facad. des Belles-Lettres , tome XVI. Leurs plaintes font raifonnables & dignes d'être appuyées ; mais quelques-unes des raifons qu'ils apportent de cette préférence ne paroifTent pas aufîi inconteftabies. La culture des lettres , difent-ils , veut être pré- parée par les études ordinaires des collèges ; préliminaire que l'étude des mathématiques & de la phyfique ne demande pas. Cela eft vrai ; mais le nombre de jeunes gens qui fortent tous les ans des écoles publiques , étant très - confîdérable , pourroit fournir chaque année à X érudition des colonies & des recrues très- fuffifan tes , fi d'autres rai- fons , bonnes ou mauvaifes , ne tournoient les efprits d'un autre côté. Les mathéma- tiques , ajoure-t-on , font compefées de par- ties diftinguées les unes des autres, & dont on peut cultiver chacune féparément; an !i«_u que toutes les branches de X érudition tien- nent entr'elles & demandent â être embraf- fées à la fois. Il eft aifé de répondre, i°. qu'il y a dans les mathématiques un grand nombre de parties qui fuppofent la connoif- fance des autres ; qu'un aftronome , par exemple , s'il veut embrafTèr dans toute fon étendue & dans toute fa perfection la feience dont il s'occupe , doit être très-verfé dans la géométrie élémentaire & fublime , Eeeeec i 95* ERU dans l'analyfe la plus profonde , dans la mechanique ordinaire & tranfcendante , dans l'optique & dans toutes fes branches , ! dans les parties de la phyfique & des arts qui ont rapport à la conftruction des inf- Crâniens ; 2°. que fi V érudition a quelques parties dépendantes les unes des autres , elle en a aufli qui ne fe fuppofent point réci- proquement ; qu'un grand géographe peut être étranger dans la connoiftànce des anti- quités & des médailles ; qu'un célèbre an- tiquaire peut ignorer toute lhiftoire mo- derne ; que réciproquement un lavant dans l'hiftoire moderne peut n'avoir qu'une con- noiftànce très-générale & très-légère de l'hif- toire ancienne , & ainfï du refte. Enfin , dit- on, les mathématiques offrent plus d'efpé- rances & de fecours pour la fortune que Y érudition : cela peut être vrai des mathé- matiques pratiques & faciles à apprendre , connue le génie , l'architecture civile & mi- litaire , l'artillerie : Ùc. mais les mathéma- tiques tranfeendantes & la phyfique , n'of- frent pas les mêmes refîburces , elles font â peu près à cet égard dans le cas de \ 'éru- dition ; ce n'eft donc pas par ce motif qu'elles font maintenant plus cultivées. II me fembîe qu'il y a d'autres raifons plus réelles de la préférence qu'on donne aujour- d'hui à l'élude des feiences , & aux matières de bel efprit. i°. Les objets ordinaires de Yérudition font comme épuifés par le grand nombre de gens de lettres , qui fe font ap- pliqués à ce genre , il n'y refte plus qu'à glaner ; & l'objet des découvertes qui font encore à faire , étant d'ordinaire peu im- portant , eft peu propre à piquer la curiofité. Les découvertes dans les mathématiques & dans la phyfique , demandent fans doute plus d'exercice de la partie de l'efprit, mais l'objet en eft plus aterayant , le champ plus vafte ; & d'ailleurs , elles flattent davantage Famour-propre par leur difficulté même. A l'égard des ouvrages de bel efptiti, il eft fans doute très-difficile i & plus difficile peut- être qu'en aucun autre genre , d'y produire des chofes nouvelles ; mais la vanité fe fait aifémenr illufion fur ce point ; elle ne voit que le plaifir de traiter desfujets plus agréa- bles , & d'être applaudie par un plus grand nombre de juges. Ainfi les feiences exactes & les belles-lettres , font aujourd'hui pré- E R U férées à Yéru dition 3 par la même raifon qui au renouvellement des feiences leur a fait préférer celle-ci , un champ moins frayé & moins battu , & plus d'occafions de dire des chofes nouvelles , ou de pafler pour en dite ; car i ambition de faire des décou- vertes en un genre , eft , pour ainfi dire , en raifon compofée de la facilité des dé- couvertes conhdérées en eiLs-mêmes , & du nombre d'occafions qui fe préfentent de les fane , ou de paroître les avoir faites. 2°. Les ouvrages de bel efprit n'exigent prefqu'aucune lecture ; du génie & quel- ques grands modèles fuffifent : l'étude des mathématiques & de la phyfique ne de- mande non plus que la lecture réfléchie de quelques ouvrages ; quatre ou cinq livres d un afîèz petit volume , bien médités, peu- vent rendre un mathématicien très-profond dans l'analyfe & la géométrie fublime ; il en eft de même à proportion des autres parties de ces fciences.LV>W/fto/z demande bien plus de livres ; il eft vrai qu'un homme de lettres qui , pour devenir érudit y fe bor-*. neroit à lire les livres originaux, abrégeroit beaucoup fes lectures , mais il lui en refte- roit encore un afîez grand nombre à faire ; d'ailleurs , il auroit beaucoup à méditer , pour tirer par lui-même , de la lecture des originaux , les connoifîances détaillées que les modernes en ont tirées peu à peu , en s'aidant des travaux les uns des autres , & qu'ils ont développés dans leurs ouvrages. Un érudit qui fe formeroit par la lecture des feuls originaux , feroit dans le cas d'un géomètre qui voudroit fuppléer à toute lecture par la feule méditation ; il le pourroit abfolument avec un talent fupérieur , mais il iroit moins vite , & avec beaucoup plus de peine. Telles font les raifons principales qui ont fait tomber parmi nous Y érudition;, mais fi elles peuvent fervir à expliquer cette chute , elles ne fervent pas à la juftifier. Aucun genre de connoiftànce n'eft me- prifable ; l'utilité des découvertes , en ma- tière à' érudition , n'eft peut-être pas auffi frappante , fur - tout aujourd'hui , que le peut être celle des découvertes dans les feien- ces exactes ; mais ce n'eft pas l'utilité feule , c'eft la curiofité fatisfaite , & le degré de difficulté vaincue , qui font le mérite des E R U découvertes : combien de découvertes , en matière de fc'.ence , n'ont que ce mérite ? combien peu même en ont un autre? L'efpece de fagacité que demandent cer- taines branches de V érudition , par exemple la critiqua , n'eft guère moindre que celle qui eft néceffaire à l'étude des Sciences , peut-être mime y faut- il quelquefois plus de finjiTe ; l'art & Pufage des probabilités & djs conjectures, fuppofent en général un efprit plus fouple & plus délié , que celui qui ne fe rend qu'à la lumière des démonf- trations. D'ailleurs , quand on fuppoferoit ( ce q.ui n'eft pas ) qu'il n'y a plus abfolument de progrès à faire dans l'étude des langues favantes cultivées par nos ancêtres , le Latin, le Grec , & même l'Hébreu ; combien ne refte t-il pas encore à défricher dans l'étude de plufieurs langues orientales , dont la connoiffance approfondie procureroit à no- tre littérature les plus gra ids avantages? On fait avec quel fuccès les Arabes ont cultivé les fciences ; combien l'aftronomie , la médecine , la chirurgie , l'arithmétique & l'algèbre leur font redevables ; combien ils ont eu d'hiftoriens , de poètes , enfin d'écrivains en tout genre. La bibliothèque du roi eft pleine de manufcrits Arabes , dont la traduction nous vaudroit une in- finité de connoiflances curieufes. Il en eft de même de la langue Chinoife. Quelle vafte matière de découvertes pour nos littérateurs ? On dira peut-être que l'étude feule de ces langues demande un favant tout entier , & qu'après avoir pafTé bien des années à les apprendre , il ne reftera plus affez de temps pour tirer de la lec- ture àes auteurs les avantages qu'on s'en promet. Il eft vrai que dans l'état préfent de notre littérature , le peu de fecours que l'on a pour l'étude des langues orientales , doit rendre cette étude beaucoup plas longue , & que les premiers favans qui s'y appliqueront , y confumeront peut-être toute leur vie ; mais leur travail fera utile à leurs fuccefïèurs ; les dictionnaires , les grammaires , les traductions fe multiplie- ront & fe perfectionneront peu à peu , & la facilité de s'inftruire dans ces langues augmentera avec le temps. Nos premiers favans ont paffé prefque toute leur vie à E R U 957 l'étude du Grec ; c'eft aujourd'hui une affaire de quelques années. Voilà donc une branche d'érudition _, toute neuve , trop négligée jufqu'à nous , & bien digne d'exer- cer nos favans. Combien n'y a-t-il pas en- core à découvrir dans des branches plus cultivées que celle-là? Qu'on interroge ceux qui ont le plus approfondi la géogra- phie ancienne & moderne , on apprendra d'eux , avec étonnement , combien ils trou- vent dans les originaux de choies qu'on n'y a point vues , ou qu'on n'en a point tirées , & combien d'erreurs à rectifier dans leurs prédéceflèurs. Celui qui défriche le premier une matière avec fuccès , eft fuivi d'une infinité d'auteurs , qui ne font que le copier dans fes fautes mêmes, qui n'ajou- tent abfolument rien à fon travail ; & on eft furpris , après avoir parcouru un grand nombre d'ouvrages fur le même objet, de voir que les premiers pas y font à peine* encore faits , lorfque la multitude le croit épuifé. Ce que nous difons ici de la géogra- phie , d'après le témoignage des hommes les plus verfés dans cette fcience , pourroit fe dire par les mêmes raifons , d'un grand nombre d'autres matières. Il s'en faut donc beaucoup que X érudition foit un terrein où nous n'ayions plus de moifïbn à faire. Enfin les fecours que nous avons aujour- d'hui pour Yérudition , la facilitent telle- ment , que notre pareffe ferok inexcufable , fi nous n'en profitions pas. Cicéron a eu , ce me femble , grand tort de dire que pour réufîîr dans les ma- thématiques , il fuffit de s'y appliquer ; c'eft apparemment par ce principe qu'il a traité ailleurs Archimede de petit homme, homuntio : cet orateur parloit alors en homme très - peu verfé dans ces fciences. Peut-être à la rigueur , avec le travail feul r pourroit -on parvenir à entendre tout ce que les géomètres ont trouvé ; je doute même fi toutes fortes de perfonnes en feroient capables , la plupart des ouvrages de mathématiques étant afîcz mal faits , & peu à la portée du grand nombre des efprits , au niveau defquels on auroit pu cependant les rabaifter {voye\ Elémens ù Logique) ; mais pour être inventeur dans ces fciences , pour ajourer aux découvertes des Defcartes & des Newton , il faut un* 9Î8 ERU degré de génie & de taLns auquel bien peu i de gens peuvent atteindre. Au concraire , il n'y a point d'homme qui , avec des yeux , de la patience , & de la mémoire , ne puifïè devenir très-érudit à force de ledure. j Mais cette raifon doit - elle taire méprifer Yérudition ? nullement. C'eft une railbn de plus pour engager à l'acquérir. Enfin , on auroit tort d'objeder que Yérudition rend l'efprit froid , pefant , in- fenfible aux grâces de l'imagination. Ve'ra- dition prend le caradere des efprits qui la cultivent ; elle eft hérifTée dans ceux-ci , agréable dans ceux-là , brute & fans ordre dans les uns , pleine de vues , de goût , de fmefTe , & de fagacité dans les autres : Yérudition , ainfî que la géométrie , laifle l'efprit dans l'état où elle le trouve ; ou pour parler plus exactement , elle ne fait d'effet fenfible en mal , que fur des efprits que la nature y avoit déjà préparés ; ceux que Yérudition appefantit , auroient été pefans avec l'ignorance même ; ainfl la pet te , à cet égard , n'eft jamais grande ; on y gagne un favant , fans y perdre un écrivain agréable. Balzac appelloit l'érudition le bagage de l'antiquité; j'aimerois mieux l'appeller le bagage de l'efprit, dans le même fens que le chancelier Bacon appelle les richeflfes le bagage de la vertu : en effet , Yérudition eft à l'efprit , ce que le bagage eft aux armées ; il eft utile dans une armée bien commandée , & nuit aux opérations des généraux médiocres. On vante beaucoup , en faveur des fciences exades , l'efprit philofophique qu'elles ont certainement contribué à ré- pandre parmi nous ; mais croit-on que cet efprit philofophique ne trouve pas de fré- quentes occafions de s'exercer dans les matières ^érudition ? Combien n'en faut-il pas dans la critique , pour démêler le vrai d'avec le faux ? Combien Phiftoire ne fournit -elle pas de monumens de la four- berie , de l'imbécillité , de l'erreur , & de l'extravagance des hommes , & des philo- fophes même ? matière de réflexions aufti immenfe qu'agréable pour un homme qui fait penfer. Les fciences exades , dira- t-on , ont , à cet égard , beaucoup d'avan- tage ; l'efprit philofophique , que leur &ude nourrit , ne trouve dans cette étude E R U aucun contre-poids ; l'étude de Phiftoire , au contraire , en a un pour des efprits d'une trempe commune : un érudit , avide de faits , qui font les feules connoiflànces qu'il recnerche & dont il fafte cas , eft en danger de s'accoutumer à trop d'indul- gence fur cet article ; tout livre qui con- tient des faits , ou qui prétend en contenir , eft digne d'attention pour lui ; plus ce livre eft ancien , plus il eft porté à lui ac- corder de créance ; il ne fait pas réflexion que l'incertitude des hiftoires modernes , dont nous fbmmes à portée de vérifier les faits , doit nous rendre très - circonfpeds dans le de^ j de confiance que nous don- nons aux hiitoires anciennes ; un poète n'eft pour lui qu'un hiitorien qui dépofe des ufages de fon temps ; il ne cherche dans Homère , comme ieu M. l'abbé de Lon- guerue , que la géographie & les mœurs antiques ; le grand peintre & le grand homme lui échappent. Mais en premier lieu , il s'enfuivroit tout au plus de cette objedion , que Yérudition y pour être vrai- ment eftimable, a befoin d'être éclairée par l'efprit philofophique , & nullement qu'on doit la méprifer en elle - même. En fécond lieu , ne fait-on pas aufti quelque reproche à l'étude des fciences exades , celui d'éteindre ou d'affoiblir l'imagination , de lui donner de la fécherefTe , de rendre infenfible aux charmes des belles-lettres & des arts , d'accoutumer à une certaine rai- deur d'efprit qui exige des démonftrations , quand les probabilités fuffifent , & qui cherche à tranfporter la méthode géomé- trique à des matières auxquelles ellefe refufe? Voye\ DEGRÉ. Si ce reproche ne tombe pas fur un certain nombre de géomètres , qui ont fu joindre aux connoiflances pro- fondes les agrémens de l'efprit , ne s'a- drefte - 1 - il pas au plus grand nombre des autres ? & n'eft - il pas fondé , du moins à quelques égards? Convenons donc que de ce côté tout eft à peu près égal entre les lciences & Yérudition } pour les inconr véniens & les avantages. On fe plaint que la multiplication des journaux & des didionnaires de toute ef- pece , a porté parmi nous le coup mortel â Yérudition y & éteindra peu à peu le goût de l'étu4p J nous croyons avoir fuffifam- E R U ment répondu à ce reproche dans le âifcours préliminaire y pag. xxxiv > dans YaveràJJe- /72f/jfdutroifieme volume, & à la fin au mot Dictionnaire, à l'an. Dictionnai- res des Sciences & des Arts. Les par- tifans de 1: 'érudition prétendent qu'il en fera de nous comme de nos pères , à qui les abré- gés y les analyses y les recueils de fentences , faits par des moines & dès clercs dans les fiecles barbares , firent perdre infenfible- menr, l'amour des lettres , la connoiflânce des originaux , & jufqu'aux originaux mê- mes. Nous fommes dans un cas bien diffé- rent ; l'imprimerie nous met à couvert du danger de perdre aucun livre vraiment utile: plût à Dieu qu'elle n'eut pas l'inconvénient de trop multiplier les mauvais ouvrages ! Dans les fiecles d'ignorance , les livres étoient fi" difficiles à fe procurer , qu'on étoit trop heureux d'en avoir des abrégés & des extraits : on étoit favant à ce titre ; aujourd'hui on ne le feroit plus. Il eft vrai, grâces aux traductions qui ont été faites en notre langue d'un très- grand nombre d'auteurs , & en général , grâces au grand nombre d'ouvrages publiés en François fur toute forte de matières ; il eft vrai , dis -je , qu'une perfonne unique- ment bornée à la connoifTance de la langue Françoife , pourroit devenir très-favante par la lecture de ces feuls ouvrages. Mais outre que tout n'eft pas traduit , la lecture des traductions , même en fait ^érudition pure & (impie ( car il n'eft pas ici queftion des lectures de goût) , ne fupplée jamais parfaitement à celle des originaux dans leur propre langue. Mille exemples nous con- vainquent tous les jours de l'infidélité des tradudeurs ordinaires , & de l'inadver- tance des traducteurs les plus exacts. Enfin , car ce n'eft pas un avantage à paflèr fous filence , l'étude des fciences doit tirer beaucoup de lumières de la lecture des ancien^. On peut fans doute favoir l'hiftoire des penfées des hommes fans penfer foi-même ; mais un philofophe peut lire avec beaucoup d'utilité le détail des opinions de fes femblables ; il y trouvera fouvent des germes d'idées précieufes a développer , des conjeétures à vérifier , des faits âéclaircir, des hypothefès à confirmer. U n'y a prefque dans notre phyfique moderne E R U 959 aucuns principes généraux , dont l'énoncé ou du moins le fond ne fe trouve chez les anciens ; on n'en fera pas furpris , fi on confidere qu'en cette matière les hypothefès les plus vraifembîables fe préfentent aftez naturellement à l'efprit , que les combinai- fons d'idées générales doivent être bientôt épuifées , & par une efpece de révolution forcée , être fucceflïvement remplacées les unes par les autres, Voyei Eclectique. C'eft peut-être par cette raifon , pour le dire en paflant , que la philofophie moderne s'eft rapprochée fur pîufieurs points de ce qu'on a penfé dans le premier âge de la philofophie , parce qu'il femble que la pre- mière imprefïion de la nature eft de nous donner des idées juftes , que l'on aban- donne bientôt par incertitude ou par amour de la nouveauté , & auxquelles enfin on eft forcé de revenir. Mais en recommandant aux philofophes mêmes la lecture de leurs prédécefleurs , ne cherchons point , comme l'ont fait quelques favans , à déprimer les modernes fous ce faux prétexte , que la philofophie moderne n'a rien découvert de plus que l'ancienne. Qu'importe à la gloire de Newton , qu'Em- pedocle ait eu quelques idées vagues & in- formes du fyftême de la gravitation , quand ces idées ont été dénuées des preuves nécefiaires pour les appuyer ? Qu'importe à l'honneur de Copernic , que quelques anciens philofophes aient cru le mouvement de la terre , fi les preuves qu'ils en don- noient n'ont pas été fuffifantes pour empê- cher le plus grand nombre de croire le mouvement du foleil ? Tout l'avantage à cet égard , quoiqu'on en dife , eft du côté des modernes , non parce qu'ité font fupé- rieurs en lumières à leurs prédécefleurs , mais parce qu'ils (ont venus depuis. La plupart des opinions des anciens fur le fyf- tême du monde > & fur prefque tous les objets de la phyfique , font fi vagues & fî mal prouvées , qu'on n'en peut tirer aucune lumière réelle. On n'y trouve point ces détails précis , exacts & profonds , qui font la pierre de touche de la vérité d'un fyftême , & que quelques auteurs affectent d'en ap- pellet Y appareil, mais qu'on en doit regarder comme le corps & la fubftance , & qui ert font par conféquènt la difficulté & le mérite.. 96o E R U En vain un favant illuftre , en revendiquant nos hyporhefes & nos opinions à l'ancienne philofophie, a cru la venger d'un mépris injufîe , que les vrais favans & les bons efprics n'ont jamais eu pour elle; fa difièr- tation fur ce fujet ( imprimée dans le tome XVIII , des mém. de l'acad. des belles-lettres , page sj , ) ne fait, ce me fetnble , ni beaucoup de tort aux modernes, ni beaucoup d'honneur aux anciens; mais feulement beaucoup à Y érudition & aux lu- mières de fon auteur. Avouons donc d'un côté , en faveur de Y érudition , que la le&ure des anciens peut fournir aux modernes des germes de dé- couvertes ; de l'autre , en faveur des favans modernes, que ceux-ci ont poufTé beau- coup plus loin que les anciens les preuves & les conféquences des opinions heureufes , que les anciens s'étoient , pour ainfi dire , contentés de hafarder. Un favant de nos jours , connu par de médiocres traductions & de favans com- mentaires , ne faifoit aucun cas des philo- fophes , & fur-tout de ceux qui s'adonnent à la phyfique expérimentale. Il les appelle des curieux fainéans> des manœuvres qui ofent ufurper le titre de /âges. Ce reproche eft bien fingulier de la part d'un auteur , dont le principal mérite confiftoit à avoir la tête remplie de partages grecs & latins , & qui peut-être mériroit une partie du repro- che fait à la foule des commentateurs , par un auteur célèbre dans un ouvrage où il les fait parler ainfi : Le goût n'efi rien; nous avons l'habitude De rédiger au long de point en point Ce qu'on penfa ; mais nous ne penfons point. Volt. Temple du goût. Que doit- on conclure de ces réflexions ? Ne méprifons ni aucune efpece de favoir utile , ni aucune efpece d'hommes ; croyons que les connoiflànces de tout genre fe tien- nent & s'éclairent réciproquement ; que les hommes de tous les fïecles font à peu près fembiables , & qu'avec les mêmes données , ils produiroient les mêmes chofes : en quel- que genre que ce foit , s'il y a du mérite à faire les premiers efforts , il y a aufli de E R U l'avantage à les faire , parce que la glace une fois rompue, on n'a plus qu'à fe laifler aller au courant, on parcourt un vafte efpace fans rencontrer prefqu'aucun obfta- cle ; mais cet obftacle une fois rencontré, la difficulté d'aller au delà en eft plus grande pour ceux qui viennent après. (O) , ERUPTION, f. f. (Médecine.) Ce terme eft ordinairement employé dans le même fens qu exanthème > pour fignifier la fortie de la matière morbifique fur la fur- face de la peau dans les afFeétions cutanées, qui forme des taches ou de petites tumeurs, comme dans la fièvre pourprée , dans la petite vérole. L'adion qui produit l'apparition des taches rouges dans la première de ces maladies , & celle des boutons dans la féconde , eft ce qu'on appelle éruption. V. EXANTHEME , & toutes les maladies exanthémateufes, comme la petite vérole , la rougeole , la gale , Ùc. Eruption fe prend encore dans un autre fens , mais plus rarement : lorfqu'il fe fait une excrétion abondante & fubite de fang, de pus , par l'ouverture d'un vaiflèau , d'un abcès, on lui donne le nom ^éruption, (d) * ERYCINE, f. f. ouadj. ( Mythol. ) furnom de Vénus. Il lui venoit du mont Erixen Sicile , où Enée lui éleva un temple lorfqu'il aborda dans l'ifle ; la piété des Egeftans l'avoit enrichi de vafes , de fioles , & d'encenfoirs précieux. Dédale y avoit confacré une vache d'or d'un travail exquis. Il y avoit beaucoup d'autres ouvra- ges de fa main. Voye[ dans Elien toutes les merveilles qu'il raconte de ce temple. Vénus Erycine avoit aufli dans Rome un temple qui fut dédié par Fabius Maximus , lan 571. L. Portius en dédia un autre hors de la porte Colline , l'an 571. Voye\ T. Liv. de Mr. le Clerc. * ERYMANTHE, f. m. (Géographie ancienne & Mythologie.) montagne de l'Arcadie, le firjour de ce terrible fanglier qui ravageoit toutes ces contrées, qu Hercule prit tout vivant , & qu'il conduisit chez Eurifthée. Ce fur un de fes douze travaux. * ERYNNIES , f. f. plur. (MythJ.) c'eft ainfi que les Grecs appe! oient les furies. Elles avoient un temple dans Athènes. Ce temple des furies étoit voifin de l'Ar opage. Voyez Furies. *ERYNNIS, E R Y * ERYNNIS , f. ou adj. (Mythol) Cérès Erynnis ou Cérès furieufe , tut àinfi appellée par les Arcadiens , parce que ce fut dans une caverne de l'Arcadie qu'elle fe retira & que Pan la découvrit , lorfque l'injure que Neptune lui fit , tandis qu'elle parcouroit le monde pour retrouver Pro- ferpine fa fille , lui eut aliéné fefprit. Cérès, féduite par Neptune , alla fe laver dans un fleuve , & fe réfugia dans le fond d'un antre de la Sicile. Cependant la pefte & la ftérilité ravageoient la terre : les dieux , inquiets du fort des hommes , cherchèrent Cérès ; mais ils ne l'auroient point trouvée, fï Pan ne l'eût apperçue en gardant fes troupesux. Il en avertit Jupiter qui lui envoya les Parques qui la décerminerent à venir au fecours des hommes. Il n'eft pas difficile d'appercevoir à travers les circonf- tances de cette fable , des veftiges d'allé- gorie , ni d'expliquer comment le voile de l'allégorie enveloppe à la longue les faits hiftoriques : la tradition en fe corrompant commence cet ouvrage , & la poéfie l'achevé. . * ERYTRES , adj. pris fubft. ( Mythol) Hercule futfurnommé Ery dires y d'un tem- ple qu'il avoit à Erythrée en Ionie. La ftatue humaine d'Hercule étoit placée fur une efpece de radeau ,& reiïembîoit à des ftatues Egyptiennes artiftement travaillées. Le radeau s'arrête au promontoire de Junon, à moitié chemin d'Erythrée à Chio : les habitans de ces lieux emploient pour l'ame- ner à bord tous les moyens que la marine & la dévotion leur fuggerent ; mais c'eft inutilement : un aveugle d'Erythrée , qui fe mêloit de pêche avant que de faire le métier de devin , annonce à fes concitoyens que le feul moyen de mouvoir le radeau , c'eft de le tirer avec une corde filée des cheveux des femmes Erythréennes ; les femmes d'Erythrée aiment mieux conferver leur chevelure que d'avoir un dieu de plus , & Hercule reftoit en mer , lorfque des Thraciennes nées libres , mais efclaves dans Erythrée , plus pieufes que les Erythréennes, facrifierent la leur , & mettent les Ery- thréens en pofTeflion du dieu. On récom- penfa le zèle de ces Thraciennes , en leur accordant le privilège exclufif d'entrer dans le temple d'Hercule. Paufanias dit qu'on Tome XII. E R Z 961 montroit encore de fon temps la corde de cheveux. Quant au pêcheur aveugle , il recouvra la vue pour le refte de fes jours. Voyei Miracle. * ERYTHRÉE ou ERYTRÉENNE , adj. (Mythol) La fybille Erythrée eft la première des quatre d'Elien , & la cin- quième des dix de Varron. On dit qu'elle prédit aux Grecs qui partoient pour l'expé- dition de Troye , qu'ils prendroient cette ville , & qu'Homère feroit de leurs exploits la matière d'un ouvrage plein de fables. * ERYTHREUS, ou LE ROUGE , f. m. C Mythol) C'eft un des chevaux du foleil. ERYTHROIDE. Voy. Elythrotde; ERZEROM, (Géogr.)v\\\e aftez grande de la Turquie Afiatique , fituée fur l'Eu- phrate , & bâtie dans une plaine au pie d'une chaîne de montagnes , ce qui y rend les hivers également longs & rudes. Elle eft à cinq journées de la mer r.oire , & à dix de la frontière de Perfe. On la regarde comme le paflàge & le repofoir de toutes les marchandifes dts Indes par la Turquie. M. de Tournefort en parle fort au long dans (es voyages , & ce qu'il en dit mérite d'être lu. Long. 6,34, z£; lat. 39 3 5C > 3$ , fuivant le P. de Btze. Article de M. le chevalier de Jaucourt. È S ES , prépofition qui n'eft aujourd'hui en ufage que dans quelques phrafcs confa- crées , comme maitres-ès-arts. Elle vient, félon quelques-uns , du Grec h ou « tous les peuples qui dévoient naître après n eux , cette importante leçon , qu'il vaut » beaucoup mieux être plus fort en cava- » lerie que fon ennemi, même avec infanterie a moindre de moitié,que d'avoir même nom- t> bre que lui de cavaliers & de fantaflins. » La réputation dont jouit Polybe depuis près de vingt fiecles , d'être l'écrivain le plus confommé dans toutes les parties de la guerre , femble mettre fon opinion hors de doute ; il n'a d'ailleurs écrit que ce qui s'eft paiTé pour ainfi dire fous fes yeux , & il a pour garans de fon précepte tous les faits dont fon hiftoire eft remplie , les vic- toires d'Annibal auili-bien que fa défaite à Zama ; & l'on peut regarder la féconde guerre punique , comme la véritable épo- que de l'établifTement de la cavalerie dans les armées ; avant ce temps les Grecs & les Romains en avoient très-peu , parce qu'ils ESC 963 en ignoroient Pufage , & que d'ailleurs les Grecs n'eurent long-temps à combattre que les uns contre les autres , & dans des pays frériles où la cavalerie n'auroit pu trouver à fubfifter , & qui étoient coupés de mon- tagnes impraticables pour elle. La fameufe retraite des dix mille n'eit pas un exemple qui prouve que les Grecs fulTent fe pafTer de cavalerie ; il n'y a qu'à les écouter, pour s'afîurer qu'ils étoient au contraire très-con- vaincus qu'elle leur auroit été d'un grand fecours : « hs Grecs , dit Xénophon en parlant de cette retraite dont il fut un des principaux chefs , » s'affligeoient beaucoup n quand ils confidéroient que faute de ca- » valerie la retraite leur devenoit impofîible >y au cas qu'ils fuiTent battus , & que vain- » queurs ils ne pouvoient ni pourfuivre les n ennemis , ni profiter de la victoire ; au » lieu que Ti/rapherne , & les autres géné- » raux qu'ils avoient à combattre, mettoient t) facilement leurs troupes en fureté toutes » les fois qu'ils étoient repoufTés. » Ce paf- fage prouve bien que fî les Grecs n'eurent pas de cavalerie dans les temps de la guerre des Perfes , c'eft qu'ils n'avoient pas les moyens d'en avoir. Les uns étoient pauvres, & regardoient la pauvreté comme une loi de l'état , parce qu'elle étoit un rempart contre la mollefîè & contre tous les vices qu'introduit l'opulence , aufîi dangereufe dans les petits états qu'elle eft nécefîàire dans les grands. Les autres plus riches furent obligés de tourner leurs principales vues du côté de la mer , & l'entretien de leur flotte abforboit les fonds militaires , qui auroienC pu fervir à fe procurer de la cavalerie. Les Grecs une fois enrichis des dépouilles de la Perfe , crurent ne devoir faire un meil- leur ufage des tréfors de leurs ennemis , qu'en augmentant leurs armées de cavalerie. Ils en avoient à la bataille de Leudres , & celle des Thébains contribua beaucoup à la victoire. On leur compte aufll cinq mille chevaux fur cinquante mille hommes à la bataille de Mantinée , & ce fut à ù cava- lerie qu'Epaminondas dut en grande partie la victoire. C'eft à fa fage prévoyance que les Thébains durent chez eux cet utile éta- bliffement , qui doîr être regardé comme l'époque du rôle le plis brillant qu'ils aieac joué fur la terre. Ce général , le plus grand Ffffffi 964 ESC homme peut-être que la Grèce ait produit , entendoit trop bien l'art de la guerre pour en négliger une partie auiïi efîentielle. Dés ce moment les Grecs ne le tiennent plus fur la défenfive ; on les voit porter la guerre jufqu'aux extrêmicés de l'Orient : de'fèin que jamais Alexandre n'eût fans doute ofé concevoir , fi fon armée n'avoit été com- pofée que d'infanterie. On fait que les Thef- Taliens ayant imploré le fecours de Philippe contre leurs tyrans , il les défit , & qu'il s'attacha par-ià ce peuple dont la cavalerie éroit alors la meilleure du monde ; ce fut elle qui, jointe à la phalange macédonienne , fit remporter tant de vidoires à Philippe & â fon fils : c'eft cette cavalerie que Tite- Live appelle Alexandrifortitudo. Quant aux Romains , il eft encore vrai que dans leur premier temps ils n'eurent que très-peu de cavalerie. L'hiftoire nous apprend que Ro- mulus n'avoit dans les armées les plus fio- rifîantes de fon règne , que mille chevaux fur quarante - fix mille hommes de pies : ce qu'on en peut conclure , c'eft que Ro- mulus n'étoit pas fort riche ; la dépenfe qu'il eût été obligé de faire pour s'en procurer davantage & pour l'entretenir , auroit de beaucoup excédé fes forces , dans un temps fur-tout où il avoit tant d'autres établiffe- mens à faire : d'ailleurs les environs de Rome , le feul pays qu'il pofîedoit & ceux d'Italie en général , étoient peu propres pour la guerre : enfin les premières guerres des Romains furent contre leurs voifins , qui comme eux n'étoient pas en état de s'en fournir , & dans ce cas , les chofes étoient égales de part & d'autre. Les conquêtes & les alliances que firent par la fuite les Ro- mains , leur donnèrent les moyens d'aug- menter leur cavalerie ; celle que les peuples, devenus fujets ou alliés de Rome , entre- tenoient pour elle à leurs dépens , étoic en ce genre la principale force des armées Ro- maines; mais cette cavalerie étoit mal armée. Les Romains ignorèrent long-temps l'art de s'en fervir avec avantage ; & c'eft cette inexpérience qu'on peut regarder comme le principe de tous les malheurs qu'ils effuye- rent dans les deux premières guerres puni- ques : dans la première , Regulus eft en- tièrement défait par la cavalerie Carthagi- noife ; & dans la féconde, comme on l'a ESC déjà dit , Annibal bat les Romains dans toutes les occafions. La cavalerie faifoit au moins le cinquième de fes troupes ; aufti Fabius n'eft pas plutôt à la tête des armées Romaines, qu'il prend le fage parti d'éviter le combat; &que pour n'avoir rien à fouf- fi ir ce la cavalerie Carthaginoife, il eft obligé de ne plus conduire fes légions que fur le pié des montagnes. Les Carthaginois firent enfin fentir aux Romains l'obligation d'être forts en cava- lerie , ils le leur apprirent à leurs dépens , & les Romains ne commencèrent à ref- pirer que lorfque des corps entiers de ca- valerie Numide eurent paiTé de leur côté : ces défertions qui afFoibliiToient d'autant l'ennemi , leur procurèrent infenfiblement la fupériorité fur les Carthaginois. Annibal j obligé d'abandonner l'Italie pour aller au • fecours de Carthage , n'avoit plus cette formidable cavalerie avec laquelle il avoit remporté tant de victoires : à fon arrivée en Afrique , il fut joint par deux mille chevaux ; mais un pareil renfort ne fégaloit pas à beaucoup près à Scipion , dont la cavalerie s'éroit augmentée par des recrues faites dans l'Efpagne nouvellement conqui- fe , & par la jonction de Mafiniftà roi des Numides , qui avoit appris des Grecs à bien armer fa cavalerie , & à la bien faire fervir : ce fut cette fupériorité qui , au rapport de tous les hiftoriens , décida de la bataille de Zama. « La cavalerie , dit » M. de Montefquieu ( caufe de la gran- it deur & de la décadence des Romains J y » gagna la bataille & finit la "guerre. » Les Romains triomphèrent en Afrique par les mêmes armes qui tant de fois les avoient vaincus en Italie. Les Parthes firent encore fentir aux Ro- mains avec quel avantage on combat un ennemi inférieur en cavalerie. " La force » des armées Romaines , dit Fauteur ci- » deftiis cité , confiftoit dans l'infanterie « la plus ferme , la plus forte & la mieux » difciplinée du monde ; les Parthes n'a- » voient pas d'infanterie , mais une cava- « lerie admirable ; ils combattoient de » loin & hors la portée des armes Romai- « nés , ils afliégeoient une armée plui'ôt » qu'ils ne la combattoient ; inutilement » pourfuivis , parce que chez eux fuir ESC y, c'était combattre : ainfi ce qu'aucune >? nation n'avoit pas encore fait ( d'éviter » le joug ) , celle des Parthes le fit, non h comme invincible, mais comme inac- f> cefïible. » On peut dire plus , les Parthes firent trembler les Romains ; & c'eft fans doute le péril où cette puiflànte rivale mit plus d'une fois leur empire en Orient , qui les força d'augmenter confidérablement la cavalerie dans leurs armées. Cette augmen- tation kur devenôit d'autant plus nécef- faire , que leurs frontières s'étant fort étendues , ils n'auroient pu , fans des trou- pes nombreufes en ce genre , arrêter les încurfions des barbares: d'ailleurs , le relâ- chement de la difeipline militaire leur fit infenfiblement perdre l'habitude de fortifier leurs camps , & dès-lors leurs armées au- roient couru de grands rifques , fans une cavalerie capable de réfifter à celle de leurs ennemis ; enfin , l'on peut dire que prefque toutes les difgraces effuyées , ainfi que la plupart des avantages remportés par les Romains , ont été l'effet , les unes de leur infériorité, les autres de leur fupériorité en cavalerie. Si l'on veut lire avec attention les com- mentaires de Céfar, on y verra que ce grand homme qui dut fes principaux fuc- cès à Ton inimitable célérité, fe fervoit fi utilement de fa cavalerie , qu'on peut en quelque forte regarder fes écrits comme la meilleure école que nous ayions en ce genre. Quand il feroit vrai que les anciens fe fufîènt paffés de cavalerie , il n'en réful- teroit pas qu'on dût aujourd'hui n'en point faire ufage : autant vaudroit - il prétendre qu'on fît la guerre fans canon , ces deux proportions feroient d'une nature toute fembîable ; ce font des fyftêmes qu'on ne pourra faire approuver que Iorfque toutes les nations guerrières feront convenues en- tr'elles d'abolir en meme temps l'ufage de la cavalerie & du canon. Pour ne parler que de nos temps & de nos plus grands généraux ( fes Turenne & les Condé ) , on fait que M. de Turenne dut la plupart de Ces fuccès , pour ne pas dire tous , à la cavalerie : ce général , fans doute comparable aux plus grands perfon- nages de l'antiquité , avoit pour maxime ESC 96$ de travailler V ennemi par détail y maxime qu'il n'auroit pu pratiquer s'il n'eût eu beaucoup de cavalerie ; aufïï fes armées furent - elles compofées prefque toujours d'un plus grand nombre de gens de che- val , que de gens de pie. La célèbre bataille de Rocroi nous ap- prend le cas que faifoit le grand Condé de la cavalerie , & combien il favoit la faire fervir avec avantage. Cette viâcire fixe l'époque la plus flonfîànte de la nation Françoife ; c'eft elle qui commence le règne de Louis le Grand. Dans cette fameufe journée , les manœu- vres de cavalerie furent exécutées avec au- tant d'ordre , de précifion & de conduite , qu'elles pourroient l'être dans un camp de difeipiine par des évolutions concertées ; jamais l'antiquité dans une affaire générale n'offrit des traits de prudence & de valeur tels que ceux qui ont fignalé cette vidoire ; elle raflèmble dans fes circonftances tous les événemens finguliers qui diffinguent les autres batailles , & qui caradérifent les propriétés de la cavalerie. « Jamais bataille, » dit M. de Voltaire , n'avoit été pour la » France ni plus glorieufe , ni plus impor- » tante ; elle en fut redevable à la conduite y> pleine d'intelligence du duc d'Anguien, » qui la gagna par lui-même , & par l'effet » d'un coup-d'œil qui découvrit à la fois y> le danger & la refiburce ; ce fut lui qui » à la tête de la cavalerie attaqua par trois » différentes fois , & qui rompit enfin cette m infanterie Efpagnoîe jufque - là invinci- » bîe ; par lui le refpect qu'on avoit pour » elle fut anéanti , & les armes Françoifes » dont pîufieurs époques étoient fatales à y> leur réputation , commencèrent d ecre » refpeétées ; la cavalerie acquit fur- tout » en cette journée la gloire d'être la meil- » leure de l'Europe. » II n'eft point étonnant que les plus grands hommes aient penCé d'une manière uni- fprme fur la neceffité de la cavalerie ; il ne faut que fuivre pié à pié les opérations de la guerre pour' fe convaincre de l'im- portance dont il eft , qu'une armée foit pourvue d'une bonne & nombreufe cava- lerie. A examiner le début de deux armées, on verra que la plus forte en cavalerie doit 966 ESC nécefîaîrement impofer la loi à îa plus foï- ble , foit en s'emparant des pofiês les plus avantageux pour camper , foit en forçant l'autre par des combats continuels à quitter fon pays , ou celui dont elle auroit pu fe rendre maîtreiïe. Alexandre dans fon pafTàge du Grâhi- que , & Annibal dans Ion début en Italie par le combat du Tefïin , nous fournifTènt * deux exemples , qui donnent à cette pro- portion la force de l'évidence. Or , deux victoires dont tout l'honneur appartient à la cavalerie , & l'influence qu'ellesont eu l'une & l'autre fur les évé- nemens qui les ont fuivis , prouvent com- bien ce fecours eft effentitl aux premières opérations d'une campagne. Si l'on en veut des traits plus modernes & analogues à no- tre manière de faire la guerre , la dernière nous en offre dans prefque chacun de nos fuccès , ainfi que dans les circonftances malheureufes. Dans les détails de la guerre , il y a quantité de manœuvres , toutes fort efTen- tiel'es , qui feroient impraticables à une armée deftituée de cavalerie ; s'il s'agit de couvrir un deflein , de mafquer un corps de troupes , un pofte , c'eft la cavalerie qui le fait. M. de Turenne fit lever le fiege de Cazal en 164O , en raflemblant toute la cavalerie fur un même front ; les enne- mis trompés par cette difpofition , perdi- rent courage , prirent la fuite : jamais vicloire ne fut plus complète pour les François , dit l'auteur de l'hiftoire du vicomte. A la journée de Fleurus , M. le maré- chal de Luxembourg fit faire à fa cavalerie un mouvement à peu près femblable , fur lequel M. de Valdec prit le change; ce qui lui fit perdre la bataille (1690). C'eft , dit M. de Feuquieres , une des plus belles actions de M. de Luxembourg. La fupériorité de la cavalerie donne la facilité de faire de nombreux détachemens , dont les uns s'emparent des défilés, des bois , des ponts , des débouchés , des gués ; tandis que d'autres , par de faufiès mar- ches , donnent du foupçon à l'ennemi, & l'afFoibliflent en l'obligeant à faire di- verfion. Une armée qui fe met en campagne eft ESC nri corps compofé d'infanterie , de cava- lerie , d'artillerie & de bagage ; ce corps n'eft parfait qu'autant qu'il ne lui manque aucun de (gs membres ; en retrancher un , c'eft l'affaiblir , parce que c'eft dans l'union de tous que réfide toute la force , & que c'eft cette union qui refpe&ivement fait la fureté & le foutien de chaque membre. Dans la comparaifon que fait Iphicrate d'une armée avec le corps humain , ce général Athénien , dit que la cavalerie lui tient lieu de pié , & l'infanterie légère de main ; que le corps de bataille forme là poitrine , & que le général en doit être regardé comme la tête. Mais fans s'arrêter à des comparaifons , il fufht d'examiner comment on difpofe la cavalerie lotfqu'on veut faire agir , pour fentir l'étroite obli- gation d'en être pourvu. C'eft elle dont on forme la tête , la queue , les flancs ; elle protège , pour ainfi dire , toutes les autres parties , qui fans elle courroient rif- que à chaque pas d'être arrêtées , coupées, & même enveloppées ; s'il eft queftion de marcher , c'eft la cavalerie qui afTure la tranquillité des marches , c'eft à elle qu'on confie la fureté des camps , laquelle dépend de fes gardes avancées ; plus elle fera nom- breufe , & plus fes gardes feront multi- pliées : delà les patrouilles pour le bon ordre & contre les furprifesen feront plus fréquentes , & les communications mieux gardées ; les camps qui en deviendront plus grands , en feront plus commodes pour les nécefîités de la vie ; ils pourront con- tenir des eaux , des vivres , du bois & du fourrage , qu'on ne fera pas obligé de faire venir à grands frais avec beaucoup de peine & bien des rifques. On peut confiderer que de deux ar- mées , celle qui fera fupérieure en cavalerie fera l'ofFenfive , elle agira toujours fuivant l'opportunité des temps & des lieux , elle aura toujours cette ardeur dont on eft animé quand on attaque ; l'autre obligée de fe tenir fur la défenfive , fera toujours contrainte par la néceflicé des circonftan- ces , qu'une grofîè cavalerie fera naître à fon défavantage à chaque moment ; le foldat fera toujours furpris , découragé 9 il n'aura fièrement pas la même confiance que l'attaquant. Lorfqu'une armée fera ESC pourvue d'une nombreufe cavalerie , les détachemens fe feront avec plus de Faci- lité ; tous les jours forciront de nouveaux partis , qui fans cefîl1 obfédant l'ennemi , le gêneront dans toutes fes opérations , le harcèleront dans fes marches, lui enlé/e- ront fes détachemens , fes gardes , & par- viendront enfin à le détruire par les dé- tails ; ce qu'on ne pourra jamais efpéter d'une armée foible en cavalerie , quelque forte qu'elle foit d'ailleurs : au contraire , réduite à fe tenir enfermée dans un camp d'où elle n'ofe fortir , elle ignore tous les projets de l'ennemi, elle ne fauroit jouir de l'abondance que procurent les convois fréqu ns , on les lui enlevé tous ; ou s'il en échappe quelques-uns ; ils n'abordent ■qu'avec des peines infinies. C'eft la cava- lerie qui produit l'abondance dans un camp ; fans elle point de fureté pour les convois : il faut qu'à la longue une armée manque de tout ; vivres , fourra- ges , recrues , tréfors , artillerie , rien ne peut arriver , fi la cavalerie n'en aflure le tranfport. Les efcortes du général & de Ces Iieure- nans font aufli de (on refîbrt , & c'eft elle feule qui doit être chargée de cette partie du fervice. La guerre fe fait à l'œil. Un général qui veut reconnokre le pays & juger par lui-même de la pofltion d.s en- nemis , rifqueroit trop de fe faire efcorter par de l'infanterie ; outre qu'il nepourror: aller ni bkn loin ni bien vite , il fe mectroit dans le danger de fe faire couper & enle- ver , avant d'avoir apperçu les troupes de cavalerie ennemies chargées de ce te opé- ration» Le feul parti qu'ait à prenire un général , s'il manque de cavalerie , c'eft de ne pas pafïèr les gardes ordinaires : or que peut- on attendre de celui qui ne pou- vant connoître par lui-même la difpofition de l'ennemi , ne fauroit en juger que par le rapport des efpions ? & le moyen que fes opérations puiflènt être bien dirigé- s, fi faute de cavalerie il ne peut ni prendre langue , ni envoyer à la découverte , ni reconnoître les lieux? La vîtefTe , comme Je remarque Mon- Éecuculli , eft bonne pour le fecret , parce qu'elle ne donne pas le temps de divulguer Us deflèins y c'eit par -là qu'on faifit les ESC 967 momens , & c'eft cette qualité qui diftin- gue particulièrement la cavalerie ; prompte à fe porter par-tout où fon fecours eft né- celîàire , on l'a vu fouvent rétablir par fa célérité des affaires que le moindre retar- dement auroit pu rendre défefpérées. La vivacité la met dans le cas de profiter des moindres défordres ; & fi elle n'a pas tou- jours l'avantage de vaincre, elle a en fe retirant celui de n'être jamais ro-alement vaincue. La victoire , lorfqu'elle eft l'ou- vrage de la cavalerie, eft toujours com- plète; celle que remporte l'infanterie feule ne l'eft jamais. La guerre eft pleine de ces occasions , dans lefquelles on ne fauroit fans rifque accepter le combat. Il en eft d'autres , au contraire , où l'on doit y forcer , & c'eft par la cavalerie qu'on eft le maître du choix. Une armée ne peut fe paffèr de vivres , d'hôpitaux , d'artillerie . d'équipages ', îl faut du fourrage pour les chevaux deftinés à ces difFéiens ufages , il en faut pour ceux des officiers-généraux & particuliers; & s'il n'y a point de cavalerie qui foit char- gée du foin d'y pourvoir, l'infanterie ne pourra feule aller un peu loin faire ces fourrages ; elle n'ira pas interrompre ceux de l'ennemi , lui enlever Ces fourrageurs ; la chaîne qu'elle formeroit ne feroit i\\. aftez étendue pour embraftèr un terrein fuffifant, ni affez épairT) pour . foutenir rimpétuofité du choc de la cavalerie en- nemie. Pour peu que l'on confidere la variété des opérations d'une armée , & l'étendue de fes befoins , on ne peut dire que l'in- fanterie foit feule en état d'y fufïire. Dans la guerre de plaine & dans toutes les occasions , par exemple , qui exigent un peu de célérité , & qui font afîurément très fréquentes , peut - on s'emp "cher de convenir qu'elle ne foit d'une grande ni- cerTué ? Eft- il queftion de traverfer une rivière à la nage ou à gié? c'eft la cavalerie qui facili e le paftàge en rompan la rapidité de 1 eau par la force des efcadwns, ou parce ; que chaque cavalier peut porter en croupe j un fan^ftïn. Si l'on veut prére;uerun grand ! fron. . fi l on veut déborder l'ennemi , l'en- velopper , c'eft parle moyen de la,cavalerife 9*8. ESC qu'on le fait , c'eft en détachant Couvent des troupes de cavalerie qu'on maintient le bon ordre fi néceftaire à une armée ; elles empêchent les déïerteurs , les maraudeurs de fortir du camp ; ce font elles qui veil- lent à ce qu'il n'y entre point d'efpions ou autres gens aufiï dangereux , & qui procurent aux payfans la fureté chez eux , & la liberté d'apporter des vivres au camp. Si l'on excepte les fieges qui font des opérations auxquelles on ne peut procéder que lentement , & pour ainfi dire pie* à pié , on ne trouvera peut-être point d'au- tres occafions à la guerre qui ne demandent de la diligence , & conféquemment pour laquelle les fervices de la cavalerie ne foienc très - avantageux : & d'ailleurs perfonne n'ignore que dans les fieges , la cavalerie n'ait un fervice qui lui foit uniquement afïèclé ; on l'a vu au dernier fïege de Berg-op-zoom faire fes fondions , & par- tager même celles de l'infanterie. Ce n'eft pas le feul exemple qui prouve qu'elle eft capable de fervir utilement en mettant pie à terre. Le premier fervice de la cavalerie dans les lièges , & le plus important , eft celui de l'inveftiflement de la ville qu'on veut aiïiéger avant que. l'ennemi ait pu y faire entrer du fecours ; veut-on , au contraire, fecourir une ville menacée d'un fiege , ou même qui eft aftiégée ; c'eft au moyen de la cavalerie. Le grand Condé nous en fournit un exemple dans le fervice qu'elle lui a rendu en pareille occaficn ; il s'agiflbit de faire entrer du fecours dans Cambrai que M. de Turenne tenoit afliégé , le temps . preftbit : le prince de Condé rafîèmble à ! la hâte dix-huit efcadrons 9 fe met à leur tête , force les gardes , fe fait jour jufqu'à la contrefcarpe , il oblige M. de Turenne de lever le fiege. Ce fut un feul détache- ! ment de cent chevaux qui en quelque j forte a donné lieu au dernier fiege de ! Berg-op-zoom, fiege à jamais glorieux pour i 1er armes du roi , & pour le général qui I y a commandé ; car il eft à préfumer que j le fiege eût été différé , ou que peut-être I on ne l'eût pas entrepris, fi les grandes gardes de cavalerie qu'avoient en avant les ennemis , eulTent tenu afîèz de temps pour ' ESC leur donner celui d'envoyer leur cavalerie ; & enfuite le refte de leur aemée qui étoit de l'aune côté, s'érabiir entre la ville & notre camp : mais ces gardes firent peu de réfiftance ; une partie fut enlevée t & le refte prit la fuite. La cavalerie n'eft pas moins néceffaire . pour la détente d'une place , fi des afîiégés en manquoient , ils ne pourroient faire de forties , ou leur infanterie courroit rifque en forrant de fe faire couper par la cavalerie des ennemis. Un état dépourvu de cavalerie , pourroit peut-être garder pour un temps fes places avec fa feule infanterie ; mais combien en ce cas ne lui en faudroit-il pas? & que lui ferviroient fes places fi l'ennemi , au moyen de fa cavalerie , pénétroit jufque dans le cœur du royaume ? La levée & l'entretien d'un corps de cavalerie entraînent deladépenfe; mais les contrioutions qu'elle impofe au loin , les vivres , les fourrages qu'elle en tire , la fureté des convois qu'elle procure , & tant d'autres fervices qu'elle feule eft en état de rendre , ne dédommagent-ils pas bien avan- tageusement de la dépenfe qu'elle occa- fione ? D'ailleurs la cavalerie étant d'une utilité plus générale pour les opérations de la guerre , on ne fauroit dire qu'elle foit plus à charge à l'état que l'infanterie , puifque la levée d'un efcadron n'eft pas d'une dépenfe plus grande que celle d'un bataillon , & que l'entretien de celui-ci eft bien plus considérable. Enfin , fi l'on s'en rapporte aux plus grands capitaines , on fera forcé de con- venir que l'avantage fera toujours le plus grand pour celui des deux ennemis qui fera fuperieur en cavalerie Cyrus , Alexandre , Annibal , Scipion , jouiftent depuis plus de vingt fiecles d'une réputation qu'ils doivent au fuccès que leur a procuré leur cavalerie. Cyrus & Annibal avoient une cavalerie très - nombreufe ; Alexandre eft celui des Grecs qui , à pro- portion de fes forces , en a eu le plus ; & l'on ne voit pas que les Grecs fous ce prince, non plus que les Perfes & les Carthaginois du temps de Cyrus, aient été fur leur déclin \ il fembleroit , au contraire , que la vie de ces grands homraes pourroit être regardée ESC regardée comme l'époque la plus floriflante de leur nation. Si les Romains , après avoir été vaincus par la cavalerie des Carthaginois , triom- phent enfin d'eux , c'eft que ceux-ci furent abandonnes de leur cavalerie , que leur enleva Scipion par fes alliances & Tes con- quêtes ; & cette guerre qui avoit commencé par être honteufe au peuple Romain , finit par l'époque la plus floriflànte pour lui. Les fuffrages des auteurs modernes , qui ont le mieux écrit de l'art militaire , fe réunifient avec l'autorité des plus grands capitaines & des meilleurs écrivains de l'antiquité. Il fembloit au brave la Noue , que fur quatre mille lances il fuffifoit de 2500 hommes d'infanterie. » Perfonne ne con- » tredira , ajoute cet auteur , qu'il ne faille » toujours entretenir bon nombre de gen- » darmerie ; mais d'inlanterie aucuns efti- » ment qu'on s'en peut pafler en temps » de paix. » Mais on doit confidérer que la Noue écrivoit dans un temps ( 1587 ) où l'infanterie étoit comptée pour peu de chofe ; parce que les principales actions de guerre confiftoient moins alors à prendre des places , qu'en des affaires de plaine campagne , où l'infanterie ne tenoit pas contre la cavalerie. Sa réflexion ne peut manquer de tomber fur la nécefîité qu'il y a d'exercer pendant la paix la cavalerie , qui ne peut être bonne à la guerre fi elle eft nouvellement levée. Un auteur fort eftimé , & en même temps grand officier (M. le maréchal de Puyfegur), qui connoifîbit fans doute en quoi confifte la force des armées , dont il avoit rempli les premiers emplois pendant cinquante-fix ans , propofe dans fes projets de guerre plus de moitié de cavalerie fur une fois autant d'infanterie. Santa-Cruz veut qu'une armée foit tou- jours compofée d'une forte cavalerie ; il foutient même qu'elle doit être une fois plus nombreufe que l'infanterie , fuivant les circonftances : par exemple , fl les enne- mis la craignent davantage , ou fi votre nation eft plus propre à agir à cheval qu'à pié ; la nature du pays où l'on fait la guerre eft une diftinôion qu'il a oublié de faire. «Un pays plain , dit M. de Turenne, jy eft très - favorable à la cavalerie : il lui Tome XII. ESC 969 t> IaifTe route la liberté néceflaire â fon fer- » vice , & lui donne beaucoup d'avantage » fur l'infanterie. « Ce grand général , dont les maximes font des loix , avoit toujours 9 comme on l'a déjà dit , dans fes aimées au moins autant de cavalerie que d infanrerie , & on 1 a vu quelquefois avec un plus grand nombre de cavalerie. Enfin , Montécuculli , le Vegece de nos jours , eftime que la cavalerie pefanre doit au moins faire la moitié de l'infanterie , & la légère , le quart au plus de la pefante : les fentimens de ces grands généraux de nations différentes , ceux des anciens & des plus grands capitaines , la raifon & l'expé- rience , les opérations les plus importantes de la guerre , & tous les befoins d'une armée, font autant de témoignages de la néceflité de la cavalerie. C'eft fans doute à caufe de l'importance des fervices de la cavalerie en campagne , que de tout temps on a jugé que dans les occafîons où il fe trouve mélange des deux corps , l'officier de cavalerie commanderoit le tout , parce que les opérations de la cavalerie exigent une expérience particu- lière que ne peut avoir l'officier d'infan- terie ; & l'on peut dire que fi celle - ci attend la mort avec fermeté , l'autre y vole avec intrépidité. On a prouvé de tout temps que des cavaliers épars n'auroient aucune folidité ; c'eft ce qui a obligé d'en joindre plufieurs enfemble , & c'eft cette union , comme on l'a déjà dit , qu'on nomme efcadron. Bien des peuples formoient leurs efcadrons en triangle , en coin , en carré de toutes efpeces : le lofange étoit. l'ordonnance la plus généralement reçue , mais l'expérience a fait fentir qu'elle feroit vicieufe , & a fait prendre à toutes les nations la forme des efcadrons carrés. Les Turcs feuls fe fervent encore du lofange & du coin ; ils penfent, comme les anciens , que cette forme eft la plus propre pour mettre la cavalerie en bataille fur toutes fortes de terreins , & la faire fervir avantageufement aux diffé- rentes opérations de la guerre , d'autant plus facilement , qu'il y a un officier à chacun de fes angles : d'ailleurs comme cet efcadron fe préfente en pointe , ils croient qu'il lui eft aifé de percer par un moindre Ggiïggg oyo £ S C Intervalle ; que n'occupant pas un grand ^ efpace, il a plus de vivacité dans fes mou- vemens , & qu'enfin il n'eft pas fujet , lors- qu'il veut faire des conversons , à tracer de grands circuits, comme V efcadron carré , qui eft contraint dans ce cas de parcourir une grande portion de cercle. Mais fi les efcadrons en lofange ont effectivement ces avantages , ils ont aufli les défauts de ne préfenter qu'un très-petit nombre de com- battans ; les parties intérieures en font inutiles , & la gauche n'en peut combattre avec avantage. Cet efcadron , pris par un autre , formé fur un carré long qui fe recourbe de droite & de gauche , eft im- manquablement enveloppé fans avoir la liberté de fe défendre ; & lorfqu'il eft une fois rompu , il ne lui eft plus pofïible de fe reformer : ainfi il ne peut tout au plus être bon que pour une petite troupe fer- vant de garde , & plutôt faite pour avertir & fe retirer que pour combattre. Voici en deux mots quelles étoient les différentes manières de former ces efcadrons en triangle. Les ThefïàHens , chez qui l'art de com- battre à cheval étoit connu bien avant la guerre de Troye , furent les premiers qui donnèrent à leurs efcadrons la forme d'un lofange : on fait que parmi les Grecs cette cavalerie Theffalienne étoit en fort grande réputation ; ce fut Iléon le Theffa- Uen qui le premier établit cet ordre , & dont il porte le nomù'ilé. Voye\ la tactique d'EUen. Celui qui commandoit V efcadron ou lofange , s'appeloit iiarque ; il tenoit la pointe de la tête ; ceux qui fermoient les droites & les gauches du rang du milieu étoient les gardes-flancs 3 & celui de la queue fe nommoit le ferre-file. Il y avoit quatre manières de former 1' 'efec.dron en lofange ; la première avec dés files & des rangs , la féconde fans, rangs & fans files , la troifieme avec des files , mais fans rangs , & la quatrième avec des rangs & point de files. Les Macédoniens , les Scythes & les Thraccs trouvèrent les efcadrons en lofange fcrop pefans ; ils en retranchèrent la queue , & formèrent , moyennant cette réforme , içe qu'ils appelleront le coin. On allure que ESC Philippe fut l'auteur de cette ordonnance : quoi qu'il en foit , il ne parok pas que ce fût là l'ordre qu'obferverent le plus commu- nément les Macédoniens , puifque Polybe Cl- VI y ch. xi j ,J nous apprend que leur cavalerie fe rangeoit pour l'ordinaire fur huit de hauteur ; c'eft, dit-il , la meilleure méthode. Tacite nous apprend que les Germains formoient aufli en coin les diffé- rens corps de leur armée. Les Siciliens & la plupart des peuples de la Grèce formèrent de leur cavalerie des efcadrons carrés y ils leur fembloient plus faciles à former , & devoir marcher plus unis & plus ferrés : d'ailleurs dans cet ordre , le front fe trouve compofé d'offi- ciers & de ce qu'il y a de meilleurs cava- liers , & le choc fe faifant tout enfemble , a plus de force & d'impétuofité* Le lofange ou le coin , au contraire , ne préfente qu'un feul combattant , lequel étant hors de combat caufe infailliblement la perte de Y efcadron. Les Perfes fe fervirent aufîi des formes carrées pour former leurs efcadrons ; & comme ils avoient une nombreufe cavalerie, ils donnèrent à ces efcadrons beaucoup de profondeur : les files étoient de douze , quelquefois de feize cavaliers , ce qui ren- doit leurs efcadrons fi pefans , qu'ils furent prefque toujours battus , malgré la fupé- riorité du nombre. Les Romains formèrent leurs efcadrons ou leurs turmes fur une autre efpece de carré , les carrés longs ; ils leur donnoient un front & une épaiffeur beaucoup moins. grands que les Grecs en général n'avoient fait : c'étoit l'ufàge reçu parmi les Romains pour la difpofition de leurs efcadrons ; mais ils n'y étoient pas tellement afîùjettis, que fuivant les circonftances ils ne changeaient cet ordre. A la bataille de Pharfale nous voyons que Pompée , de beaucoup fupé- rieur en cavalerie , joignit enfemble quatre, turmes , & forma fes efcadrons de quinze cavaliers de front fur huit de hauteur ; ce qui obligea Céfar , qui n'avoit que trente- trois turmes , chacune de trente hommes , de les ranger fur dix de front & trois de hauteur , fuivant l'ufage ordinaire. L'ufagede ne faire combattre la cavalerie - que fur un feul rang, a duré long -Xejmjpst, ESC en Europe dans les premiers temps de notre monarchie ; Tefpece de cavalerie , les armes offenfives & défenfives exigeoient cet or- dre : il a duré jufqu'au milieu du règne de Henri II , qui , voyant les files de gen- darmerie aifément renverfl'es par les efca- drons de lances & par ceux de reiftres que l'empereur Charles V avoit créés , donna à notre cavalerie la forme carrée , mais avec une exceflive profondeur. Cet ufage , bien que fujet à mille inconvéniens , a fub- fifté en Europe depuis Henri II, jufqu'à Henri IV , fous lequel les efcadrons de dix rangs qu'ils avoient auparavant furent ré- duits à huit , puis à fix rangs. Alors les compagnies formoient autant Se/cadrons ; elles étoient de quatre cents maîtres , & les capitaines qui vouloient combattre à la tète de leur compagnie , ne vouloient pas par- tager le commandement en la partageant : mais ces compagnies ayant depuis été mifes à deux cents hommes , les efcadrons eurent moins de front & moins de profondeur ; ils étoient encore trop lourds , & ne furent réduits à la proportion la plus conve- nable , que lorfqu'on les enrégimenta fous Louis XIII , en 1635. On les difpofafous trois ou quatre rangs de quarante ou de cinquante maîtres chacun ; c'eft-là l'ordre que notre cavalerie obferve encore aujour- d'hui , & c'eft en effet celui que l'expé- rience a prouvé être le meilleur. Les officiers les plus expérimentés eftiment que Vefcadron de cavalerie fur trois rangs , à quarante-huit maîtres chacun , eft préfé- rable à tout autre , étant le plus jufte dans fes proportions ; celui de cent vingt, à quarante maîtres par rangs , peut être bon quand les compagnies font foibles , parce qu'il comporte huit divifions égales : l'autre peut être divifé en feize. Quelques perfonnes cependant fe font élevées contre la méthode de former nos efcadrons fur trois rangs , & ont foutenu qu'il feroit plus avantageux de leur en donner un quatrième : quoique leur fyftême puiffe être appuyé de l'autorité des Guftave & des Turenne , qui donnoient à leurs efca- drons quatre , quelquefois même jufqu'à cinq rangs de profondeur , il faut croire que fi l'ufage de faire combittre les efcadrons fur trois rangs n'étoit pas effectivement le ESC 97 1 meilleur , l'Europe entière ne l'auroit pas adopté , ou ne l'eût pas au moins toujours confervé depuis. D'autres au contraire trouvent encore trop de profondeur aux efcadrons difpofés fur trois rangs , & prétendent que l'ordre des efcadrons en brtaiile fur deux rangs eft j le plus avantageux à la cavalerie. Ceux qrrt j font prévenus de ce fentiment le foutien- nent , parce que l'ancienne cavalerie & la gendarmerie , qui ont fait fi long-temps la principale force des armées de France , al- loient à l'ennemi lur un feul rang. Mais que conclure de là ? Dans ces temps reculés m aucun peuple ne fbrmoit fa cavalerie en ef- cadrons , les ennemis n'avoient alors à cet égard aucun avantage fur nous ; d'ailleurs cette cavalerie étoit compofée de l'élite de la nobleiTe Françoife , hommes & chevaux: étoient couverts d'une armure qui les ren- doit prefque invulnérables , & qui auroit donné une excefïive pefanteur à des efca- drons ainfi compofés : leur arme offenfive étoit la lance , qui ne permettoit pas noir plus qu'ils combattirent en efcadrons. N'au- reit-ce pas été perdre fans néceflité d'ex- cellens champions , que de doubler de pareils rangs? D'ailleurs on fait que cette cavalerie fut toujours battue lorfqu'elle eut affaire contre une autre difpofée fur plufieurs rangs de hauteur. La maifon du roi combat fur trois rangs: comparable fans doute à tous égards à cette ancienne cavalerie , elle lui eft de beaucoup fupérieure pour la difcipline ; & s'il y avoic un avantage réel de combattre fur deux rangs , il eft aifé de penfer que cet ufage eût été établi dans ce corps, à qui une longue expérience a appris à toujours vaincre , &: dont deux rangs paroiffent fuffire pour cela. Le premier des trois rangs dans les efca- drons des gardes-du-corps, eft compofé en- tièrement d'officiers ; & quand il ne s'en trouve pas fuffifamment pour le compléter, on y admet les gardes qu'on nomme Cara- biniers. Si l'on veut comparer notre cavalerie avec la maifon du roi , on fe croira forcé de lui donner plutôt fix rangs que trois : ce font bien les mêmes armes, mais ce ne font pas les mêmes hommes ni les mêmes chevaux ; la néceflité oblige pendant la guerre d'ajoutée Gggggg 2- 97 1 ESC aux bons cavaliers des cavaliers médiocres , & même de iinuvais , c'eft-à-dire de jeunes gens ou de jeunes chevaux non exercés , dont il n'en1 pas poflïole de tirer un grand fervice. SM eft un moyen de reme'dier à ces défauts , ce né peut être qu'en donnant à cette cavalerie la meilleure forme dont elle eft fufceprible ; elle doit être folide , mais en même temps facile â mouvoir; & pour cela il faut que la hauteur de Yefcadron foit proportionnée à fa longueur , de manière qu'il n'occupe ni trop ni trop peu de terrein. La difpolinonde Yefcadron fur trois rangs , eft fans contredit la plus propre à réunir ces avantages: on efpere le démontrer , eo fup- pofanr toujours que les efjadrons doivent erre de cent vingt à cent quarante-quatre hommes ; car s'ils étoient de cent & au deffous de ce nombre , il feroit nécefïàire de ne leur donner que deux rangs. Le terrein qui dans un champ de bataille contient la cavalerie en efcadrons difpo'és fur trois rangs, eft déjà d'une étendue très- confiderable. Si on ne donnoit plus que deux rangs à ces efcadrons , on feroit obligé de prolonger la ligne d'un tiers ; cela eft évi- dent. Qui ne voit d'un premier coup d'œil combien une pareille difpofltion entraîne de difficultés ; car enfin quand il feroit poiîible de trouver pour toutes les occafions des plai- nes aftez vaftes pour former fur deux rangs deux lignes de cinquante efcadrons chacune ( nombre aujourd'hui le plus ordinaire dans les armées ) , que d'inconvéniens ne réfulte- t-il pas de la trop grande étendue d'un champ de bataille, où le général ne pouvant juger de tout par lui-même , ne fauroit donner des ordres à propos (a) ? Les fecours arri- vent trop tard , les momens font précieux à la guerre; & d'ailleurs , quelle apparence que des ailes, compofées Ôl efcadrons formés fur deux rangs , puhTent tenir contre le choc d'autres efcadrons plus forts d'un rang ? Ce font les ailes qui , comme on fait , décident prefque toujours du fort des batailles ; dénuée de leur fecours , l'infanterie eft bientôt prife tout à la fois en flanc & en queue par la ca- valerie ennemie, & de front par l'infanterie ; ESC on ne fauroit donc trop rapprocher des yeux du général la cavalerie ; & la meilleure ma- nière de le faire , eft d'en former les efca- drons fur trois rangs ; le pofte qu'elle occupe n'en eft déjà que trop éloigné : d'ailleurs fes combats font vifs , de peu de durée , & prefque toujours décififs. Le général feul par fa prélence eft en état de parer à mille accidens que toute la prudence humaine n'auroit pu prévoir. La trop grande étendue d'un efcadron rend fa marche flottante & inégale ; ics mou- vement font moins légers & plus difficiles ; il eit fort à craindre qu'il ne s'ouvre ou qu'il ne crtve par quelque endroit ; alors un tel efcadron eft vaincu avant que d'avoir combattu. Sa véritable force coniïfte à être également ferré de toutes parts , mais fans gène ; l'union en doit être parfaite : car , comme le remarque Monrécuculli , « tout » l'avantage à la guerre confifte à former » un corps folide , fi ferme & fi impéné- » trable , qu'en quelque endroit qu'il foit w ou qu'il aille , il y arrête l'ennemi comme » un baftion mobile , & fe défende par lui- » même. » Les mouvemens de Y efcadron fur deux rangs ne peuvent être que fort lents & fort difficiles à exécuter ; il ne faut pour l'arrêter, ou au moins pour retarder confidérabîement fa marche , qu'un fofle , un ravin , une haie , une hauteur ou un ruifteau , qui fe rencontrent fur fa route ,* plus l'efpace de terrein qu'il doit parcourir fera étendu , & plus il y a lieu de préfumer qu'il trouvera de ces obftacles à vaincre ; obftacles bien moins à craindre pour Yefcadron fur trois rangs , qui peut plus aifément les éviter ou les vaincre par le peu d'étendue de fon front» DansYefcadron fur trois rangs , le premier de ces rangs eft compofé de l'élite de toute la troupe ; ce ne font que des officiers , des brigadiers , des carabiniers , ou au moins les anciens cavaliers , dont les exercices , la valeur & l'expérience font garants de leur conduite ; elle fert d'exemple , & pique d'émulation les deux rangs qui fuivent. Dans Yefcadron ordonné fur deux rangs , ils font l'un & l'autre d'un tiers plus nombreux 'r (a) Melius eft poft aciem pluta ftrvare prafidia , quùm latius militent ffargere. Veget, lib. III, cap. xxvj. ESC & il eft impoffible que le premier rang de celui-ci foit auffi-bien compofé que le pre- mier rang de Yefcadron fur trois ; on fera forcé d'y admettre des hommes de recrues qui n'auront point été exercés , des chevaux neufs , ou des chevaux rétifs , qui n'étant point faits au bruit de la guerre , rompront infailliblement Yefcadron. Les officiers d'ail- leurs dans un efcadron fur deux rangs feroient trop éloignés les uns des autres ; & ce feroit perdre un des avantages les plus confidéra- bles des efcadrons François fur ceux de leurs ennemis , dont le nombre des officiers eft moins grand , mais qui , placés fur un front plus étroit & plus convenable, deviendroient â proportion plus forts que le nôtre , dif- perfés fur un front trop étendu. Si le premier rang de Yefcadron qui n'en a que deux , eft une fois entamé , peut-on préfumer que le fécond , compofé de ce qu'il y a de moindre en hommes & en chevaux , puiflè oppofer une grande réfiftance ? Il n'en eft pas ainfi de Yefcadron fur trois rangs , les vuides du premier font remplis par les ca- valiers du fécond , & ce qui manque à celui- ci , fe prend dans le troifieme rang. On peut encore fe procurer d'autres grands avantages d'un troifieme rang , en ne le fai- fant pas participer au choc, & le faifantrefter un peu derrière les deux premiers ; il fert en ce cas à fixer un point de ralliement; & ce dernier objet mérite une grande confidéra- tion , puifqu'un efcadron , comme l'on fait , lorfqu'il eft une fois rompu , ne fe rallie qu'avec beaucoup de peine. Ce troiileme rang peut encore dans le même cas fe rompre à droite & à gauche , par le centre , & fe porter fur les flancs & les derrières de Yefcadron ennemi , ou s'oppofer à de pa- reilles petites troupes qu'il détacheroit pour la même opération. Les feuls avantages que préfente Yefca- dron fur deux rangs , c'eft que plus de gens y combattent à la fois , & qu'il peut efpérer de déborder celui de l'ennemi par la plus grande étendue de fon front , fans craindre d'être débordé lui-même ; mais ces avan- tages , à les examiner de près , ne font point fi réels qu'ils paroifïènt ; car enfin on veut qu'il embrafTe , & que même il déborde le front de Yefcadron qui lui eft oppofe : mais que deviendra fon centre attaqué par un ESC 97j ennemi , dont Yefcadron plus léger dirigeant toute fon action dans cette partie , l'aura infailliblement ouvert , avant qu'il ait eu le temps de courber fes flancs? que lui fer- vira-t-il alors d'avoir débordé l'ennemi , & que deviendront fes ailes débordantes après la déroute de leur centre ? Ces prétendus avantages ne féduifent jamais que les gens accoutumés à juger des chofes fur les appa- rences & dans le cabinet ; pour les gens du métier que l'habitude continuelle des exer- cices rend feuls juges compétens de ceue matière , ils ne s'y bifferont point furpren- dre ; ils penfent tous que de toutes les formes à donner à un efcadron de^avalerie , celle des trois rangs à quarante-huit cavaliers eft fans contredit la meilleure. On ne doit ce- pendant pas pour cela négliger d'exercer les efcadrons de cavalerie fur deux rangs ; car comme dans cet ordre ils font plus difficiles à manier , cette méthode rendra plus aifée les évolutions de Yefcadron fur trois rangs. L'intention du Roi, expliquée par l'inftruc- tion du 14 mai 1754, eft que toute la ca- valerie foit exercée , tantôt fur deux rangs , tantôt fur trois , & qu'elle fâche combattre de ces deux manières. Tout ce qui vient d'être dit , touchant l'obligation de former les efcadrons fur trois rangs , ne doit cependant s'entendre que de ceux qui auront un front affez étendu , c'eft- à-dire de quarante ou de quarante - huit maîtres \ car pour ceux qui ne pourroient avoir que trente-deux cavaliers de front , il faut , pour qu'ils aient une jufte proportion , qu'ils foient fur deux rangs de quarante- huit chacun. Aujourd'hui, fuivant l'inftruction du 14. mai 1754, les efcadrons de cavalerie fe for- ment fur deux ou trois rangs , à proportion de la force des compagnies , & comme l'ordonne celui qui commande. Us font cha- cun de quatre compagnies : la première, d'un régiment compofé de douze compagnies faifant trois efcadrons, forme la droite du premier efcadron ; la féconde , la droite du fécond ; & la troifieme , celle du troifieme ; la quatrième , prend la gauche du premier efcadron y la cinquième , celle du fécond r & la fîxieme , celle du troifieme : la fep- tieme fe met à la gauche de la première compagnie au premier efcadron. 3- la huitième 974 ESC à la gauche de la deuxième au fécond ef- cadron , & la neuvième à la gauche de la troifieme , au troifieme efcadron ; la dixième fe place entre la feptieme & la quatrième ; la onzième entre la huitième & la cinquième , enfin la douzième entre la neuvième & la fixieme. i 3 « 5 ii 8 2 6 12 9 3 4 10 7 i Quand le régiment eft plus fort ou plus foible , on fuit Te même ordre , en plaçant alternativement les compagnies fuivantleur ancienneté (£) dans chaque efcadron. Le commandant de chaque efcadron fe tient feul en avant du premier rang vis-à-vis le centre , entre la troifieme & la quatrième compagnie de X efcadron; en fuivant l'ordre ci-defîîis, le commandant du premier ef- cadron eft en avant de l'intervalle entre la feptieme & la dixième compagnie du régi- ment , & ainfi dans les autres. ES C Les majors & aides-majors n'ont point de place fixe ; ils fe divifent & fe tiennent à portée des commandans , pour recevoir leurs ordres. Les capitaines & lieutenans font dans le premier rang : favoir , les deux capitaines des compagnies de la droite , à la droire de leur compagnie , & les deux de la gauche, à la gauche ; les deux lieutenans des compagnies de la droite , à la gauche de leur compagnie , & ceux de la gauche , à la droite ; les uns & les autres font couverts fur la droite , de deux brigadiers , & fur la gauche , de deux carabiniers ; ceux-ci devant fermer les gau- ches des premiers rangs de chaque com- pagnie. Les maréchaux des logis fe tiennent en ferre -file derrière le centre du dernier rang. Les deux étendards fe placent au premier rang à la cinquième file , lorfque X efcadron. eft lur trois rangs ; mais s'il eft fur deux , on le met à la feptieme. Les quatre trompettes font fur un rang à la droite de X efcadron , & les timbales der- rière les trompettes du premier efcadron. {b) Le régiment du colonel général a depuis la paix douze compagnies ; celui de royal des carabiniers en a quarante , & chacun des autres en a huit. Ce nombre augmente à la guerre. 4 io 7 i a j j c f e h h j j c e h h j j d bhh j j d f b h h oooooooooooooooooooooooolooooooooo ooo//// oooooooooooo oooooooooooo oooooooooooo ooooooooo ooojoo oooooooooo s s oo oooooo oo o © ooo oo oooo ooo m OOOOOOOOO OOOjOOOOOOOOOOOO g g I, 4, 7^ io, rangs des compagnies du premier efcadron d'un régiment qui en a trois. a, commandant. bb, capitaines de la droite. n, capitaines de la gauche. dd, lieutenans de la droite. et, lieutenans de la gauche. ff, eprnettes avec les étendard». fffg , maréchaux des logis. hhhhhhhhi brigadiers. jjjiijjj» carabiniers. Il II, trompettes. m, timbaliers. ooooo, cavaliers. ESC A l'égard des efcadrons de dragons , •ufîards , & des autres troupes légères , ur manière de combattre étant différente S celle de la cavalerie , chacun de leur ang formant autant de troupes détachées , pour entretenir le combat , & pouvoir attaquer de toutes parts , il feroit fort bon qu'ils fufïènt plutôt fur quatre rangs que fur trois. Il faut de plus que ces rangs foient éga- lement mêlés d'anciens & de nouveaux , contre ce qui fe pratique dans la cavalerie , dont le premier rang eft toujours compofé des meilleurs & plus anciens cavaliers. Auteurs qui ont écrit , particulièrement fur la cavalerie. Georges Bafia > le gouvernement de la cavalerie légère. A Rouen, 1616, in-folio. Jean-Jacques de lValhau\en y art mili- taire à cheval. Zuphen , 1620, in-folio. Hermanus Hugo , de militiâ equeflri antiquâ & nova. Antuerpiœ , 1 630. Lecocque- Madeleine , fervice de la cava- lerie. Paris , in-zz. 1720. De Langais _, devoir des officiers de ca- valerie. Paris, in-iz. 1725. Cet article efi de M. D'AUTHVILLE , commandant de bataillon } qui fe propofe de faire imprimer inceftamment des mémoires qui auront pour titre , effaifur la cavalerie. Voye\ ÉQUITATION. § Escadron , ( An militaire. Tactique des Grecs.) Les anciens auteurs militaires bous difent tous qu'on ordonnoit autrefois les troupes de cavalerie fous les différentes formes d'un carré parfait , d'un carré long , d'une lofange ou d'un coin ; mais il n'en eft aucun qui nous ait donné une idée bien claire de toutes ces difpofitions ; & nous croyons devoir joindre des figures & un fupplément à cet article. Les ThefTaliens , nation qui fut toujours très - puifïànte en cavalerie , avoient accoutumé de ranger leurs efcadrons en lofange : ils font même les premiers qui fe foient fervis de cette ordonnance. Jafon à qui quelques-uns en ont attribué l'invention , l'introduifitdans leur cavalerie , & la regardoit comme la feule qu'on pût employer en toute forte de conjonctures. En effet , une troupe ainfi ES C 97$ difpofée pouvant faire tête dé tous cotés avec un égal avantage , ne fauroit être prife en flanc , ni par derrière: les meilleurs cavaliers & les mieux montés garnirent toutes les faces de la lofange , & les officiers en occupent les angles. L'ilarque ou com- mandant , eft à la pointe de l'angle de la. tète : les angles de la droite & de la gau- che font fermés par deux officiers nommés gardes-flancs y & celui de la queue par le ferre-file , voye\ fig. 8 } planches de V Art militaire. Tactique des Grecs y dans le Supplément des planches. Les Scythes & les Thracesfaifoient leurs efcadrons en forme de coin ; & la même méthode étoit pratiquée par les Macédo- niens : ils l'avoient apprife de leur roi Philippe , qui paiTe pour en être l'inventeur. Ce prince croyoit cette difpofîtion fupé- rieure à l'ordonnance carrée , en ce que tous les officiers font également diftribués autour de la troupe. D'ailleurs , comme la tête de cette troupe fe termiae en une pointe très - aiguë , il lui eft aifé de fe porter légèrement par - tout où il eft né- ceftàire , & d'enfiler diredement le moin- dre intervalle. J'ajouterai qu'elle exécute les mouvemens de converfion & de ré- verfion , avec bien plus de vivacité & de promptitude que les efcadrons carrés , dont le front très-étendu eft obligé d'embrafîêr un terrein plus confidérable en traçant fa portion de circonférence ( fig. 10 ). Les Perfes au contraire , les Siciliens & la plu- part des peuples de la Grèce ont fait ufage de l'ordonnance carrée : ils préten- daient qu'étant plus facile à former , & plus commode pour faire marcher les ca- valiers enfemble & les contenir en ordre , on ne devoir pas balancer à lui donner la préférence , à l'excluflon des précédentes ; ce qui fait qu'elle fe forme aifément , c'eft que les cavaliers y font difpofés par rangs & par files : elle a de plus fur les au- tres l'avantage que tous les chefs de file y combattent à la tête , & tombent en même temps fur l'ennemi. Parmi les différentes troupes carrées , les Grecs eftimoient davantage celles dont la longueur eft double de la profondeur ; qui ont par exemple huit ou dix chevaux de front,. fur quatre ou cinq de hauteur», 97<* ESC Cette difpofition les rend exactement car- rées , parce que la longueur d'un cheval de la tête à la queue étant double de fon épaiflèur , on ne peut avoir les proportions qu'exige cette figure qu'en mettant une fois moins de chevaux dans les files que dans les rangs. Quelques perfonnes pré- tendent qu'un cheval eft piefque trois fois plus long qu'il n'eft large à l'endroit des épaules ; & félon eux , la longueur d'une troupe qu'on veut rendre carrée , doit être triple de fa profondeur , de forte que fi l'on place neuf cavaliers de front , il fuf- fit d'en mettre trois en file. (Jig. 1 1). La cavalerie , de même que les armés à la légère , fe poftoit dans les batailles , paflbit où l'on jugeoit qu'elle pouvoit être employée avec avantage. On la mettoit en avant , & fur les ailes de la phalange ou même en dernière ligne , après le corps des armés à la légère. Chaque efcadron étoit ordonné en îo- fange ( Voyei LOSANGE ) , & compofé de 64 cavaliers. Il y en avoit quinze au pre- mier rang , treize au fécond , onze au troi- fîeme ; en diminuant ainfi jufqu'à l'unité. Le porte-enfeigne fe plaçoit dans le fécond rang , à la gauche du chef de ce rang. Cfig-J50 Soixante-quatre efcadrons formés de la même manière , compofoient tout le corps de la cavalerie , qui étoit de quatre mille quatre-vingt-feize cavaliers. Deux efcadrons faifoient une épilarchie , troupe de 128 cavaliers. Deux épilarchies , une tarentinarchie , qui en contenait 2^6. Deux tarentinarchies , une hipporchie de 512. Deux hipporchies , une éphipporchie de 1024. Deux hipporchies , une telos de 2048. Deux telos , une épitagme , ou le corps entier de la cavalerie , compofé de 4096 cavaliers. Les Grecs avoient aufli des efcadrons carrés , mais qui n'étoient tels que par le terrein qu'ils occupoient , & nullement par le nombre de cavaliers qui les compo- foient. Ce nombre n'étoit point déterminé ; le général l'augmentoit ou le diminuoit félon fes deflêins & fes vues particulières, ESC ! La feule règle à laquelle on s'attachoit f | étoit de donner à ïefcadron une longueur qui fût double de fa hauteur. Les Perfes , les Siciliens , & la plupart des peuples de la Grèce , ne penfoient pas qu'aucune autre ordonnance pût balancer I les avantages de celle-ci , foit par la facilité , de la former , foit par rapport au fervice j qu'ils en attendoient en toute occafion ; aufli la préféreront- ils conftamment à toutes les autres. La troupe d'infanterie qu'on lui oppo- foit , empruntoit de la cavalerie même , la meilleure manière de lui réflfter avec fuccès. Elle formoit un coin. ÇVJ ESCADROïsNER , v. n. c'eft dans Y art militaire faire les différentes évolu- tions qui appartiennent à la cavalerie. Voy. ÉVOLUTIONS. CQJ ESC AETES , f. m ( Jurif prudence.) font des héritages & des rentes non nobles , qui proviennent de la fuccefîion des prédécef- feurs de ceux auxquels ils appartiennent. Voye\ Ly ancien fiyle de la coutume de Nor- mandie y tit. des fuccejjions _, page 301 9 édit. de lAAz. (A) ESCALADE, f. f. c'eft dans Y art mili- taire l'attaque d'un lieu ou d'un ouvrage par furprife , en franchiffant les murs ou les remparts avec des échelles. La méthode de s'emparer des villes par Yefcalade étoit bien plus commune avant l'invention de la poudre qu'aujourd'hui : aufli les anciens , pour s'en garantir , pre- noient-ils les plus grandes précautions. Ils ne terrafïbient point leurs murailles , & ils les élevoient beaucoup , en forte que non feulement il étoit befoin d'échelles pour monter defTus , mais encore pour en des- cendre dans la ville. Les tours , dont la muraille étoit flanquée , étoient encore plus élevées que la muraille , & l'efpece de petit chemin qu'il y avoit du côté intérieur de cette muraille , & fur lequel étoient placés les foldats qui défendoient la ville , étoit coupé vis-à-vis de ces tours , en forte que l'ennemi , pour être parvenu au haut de la muraille , n'étoit , pour ainfi dire , encore maître de rien. Cependant , malgré ces difficultés , les efcalades s'entre- prenoient fouvent. II y a apparence que la longueur du temps qu'il falloit employer pour ESC pour faire brèche au mur de la ville , fai- foit prendre ce parti , & que le canon pouvant faire une ouverture au mur afTez promptement , on a infenfiblement , pour ainfrdire , perdu l'ufage de s'emparer des villes par Vefcalade. Il fe peut bien aufîi que la difpofition de nos fortifications modernes y ait con- tribué : les anciens n'ayant point de dehors , on pouvoit s'approcher tout d'un coup du bord de leur fofîe , defcendre dedans , & appliquer des échelles le long, du mur. Nos dehors ne permettent pas un^fi facile accès au corps de la place : cependant Iorfque le fofîe eft fec , comme il faut communé- ment qu'il le foit dans les efcalades y il ne feroit pas impofîible , fi la place n'avoit pour tout dehors que des demi-lunes & Ton chemin couvert , de parvenir à Vefca- lader> fur-tout fi la garnifon en étoit foible ; car ces fortes d'entreprifes ne peuvent guère réufîir contre une garnifon nombreufe , en état de bien garnir fes poires & de les bien défendre : mais quand on fuppoferoit trop de difficultés pour y réufîir dans nos villes fortifiées à la moderne, il fe trouve fou- vent dans les pays où l'on fait la guerre , des villes qui ne font entourées que de murailles terrafïees , & devant lefquelles il n'y a qu'un fimple foffé. Contre ces fortes de villes Vefcalade pourroit s'employer & réufîir heureufement , comme elle a réufïi à Prague au mois de décembre 1741. Pour bien réufîir dans Vefcalade d'une ville , il faut d'abord une connoifîance parfaite de la place & de fes fortifications , afin de fe déterminer fur le coté le plus facile à efcalader & le plus négligé par l'ennemi. Il faut avoir provifion d'un grand nom- bre d'échelles , afin de pouvoir faire mon- ter un plus grand nombre de gens en même temps ; être muni de pétards , pour s'en fervir pour rompre les portes & donner entrée aux troupes commandées pour foutenir l'entreprife. Pour trouver moins d'obftacîe de la part de l'ennemi , il faut le furprendre : un ennemi qui feroit fur fes gardes à cet .égard, feroit bien plus difficile à être forcé, Tome XII. ESC 977 parce qu'il eft aifé de fe défendre contre Vefcalade lorfqu'on eft prévenu. Mais dans le trouble que caufe d'abord fon exécution inattendue , l'ennemi ne penfe pas à tout , ou du moins il ne peut parer à tout. On l'attaque de tous côtés afin qu'il partage fes forces : il ne lui eft pas facile de démêler , parmi les attaques , quelles font les faufTes & quelles font les véritables ; il eft donc obligé de foutenir également tous fes poftes, & pendant qu'il eft occupé d'un côté , on entre dans la place par un autre. Il eft donc efTentiel de cacher à l'ennemi le defTein de l'entreprife que l'on médite contre lui: pour cela il faut qu'il ne foit pas inftruit de la conftrudion des échelles nécefïàires en pareil cas ; & s'il ne s'ea trouve pas un nombre fuffifant dans les magafins , il faut en faire conftruire fecré- tement. On peut faire des échelles qui fe démon- tent, c'eft à-dire, compofées de plufieurf parties ; elles fe tranfportenî beaucoup plus facilement : on s'en fervit de cette efpece pour Vefcalade de Genève en i6o2~ Lorfque tout eft préparé pour l'entre- prife , & qu'il ne s'agit plus que d'aller l'exécuter , on prend la quantité de monde dont on juge avoir befoin , tant en infan- terie qu'en cavalerie. La cavalerie peut fervir à charger l'ennemi affemblé dans les différentes places de la ville , lorfqu'on lui en a donné l'entrée , à le difîiper promp- tement , & à favorifer la retraite , fi l'on eft dans l'obligation de fe retirer , & s'il y a des plaines à pafTer dans la retraite. On mené aufîi des ferruriers & des charpentiers avec foi , pour s'en fervir fuivant le befoin & l'occafion. On dirige la marche de manière qu'on arrive devant la. ville une ou deuK heures avant le jour , & l'on ne néglige aucune, attention pour que l'ennemi n'en puifîè être informé de perfonne. S'il fe rencontre quelqu'un en chemin , il faut l'arrêter , & arriver devant la place avec Je plus grand filence. Comme on doit être informé des chemins que l'on a à tenir , des défilés qu'y faut pafïer , on eft en état de juger du temps que pourra durer la marche : il eft impor<- t#nt d'en faire le calcul exact ; car il pour- Hhhhhii 978 ESC roit arriver que l'année étant trop long- temps en marche , arriveroit trop tard de- vant la place pour commencer l'attaque avant le jour ; auquel cas, à moins d'une grande fupériorité , il faudroit prendre le parti de s'en retourner. Il arrive quelque- fois , fuivant la fituation des lieux , qu'on fait arriver les troupes devant la place par difFérens chemins ; en ce cas , la marche eft moins longue & moins embarraffante : mais les officiers qui conduifent chaque corps , ne doivent , pour aucune circons- tance particulière , retarder leur marche , afin d'arriver devant la place à l'heure qui leur aura été indiquée , & que les diffé- rentes attaques commencent toutes en même temps, ou aux heures dont on fera convenu ; car il eft quelquefois à propos , fur-tout lorfque la ville eft fort grande , de ESC d'une bien plus prompte expédition ; & les autres y defeendent par les degrés ou efcaliers que l'on pratique ordinairement aux arrondiffemens de la contrefearpe & à fes angles rentraos. Dès que l'on eft defeendu dans le fofTé , on applique avec la plus grande diligence les échelles contre le rempart ou fon revê- tement , & on fe hâte de monter promp- tement fur le rempart , fans confufion & fans trop charger les échelles : lorfqu'il y a un corps de ioo ou 150 hommes de montés, on fait venir les ferruriers & les charpen- tiers pour rompre la porte la plus prochaine. A mefure que les troupes montent fur le rempart , on les range en bataille ; & fi l'en- nemi fe préfente , on le charge vigoureu- fement la baypnnette au bout du fuiil , fans tirer , pour ne point donner une trop forte les commencer fucceflivement. La première ' alarme aux corps-de-gardes voifms : quand attaque attire d'abord toute l'attention de on eft en aff.z grand nombre fur le re.m- l'ennemi , qiii s'y porce promptement ; la ! part , & que 1 on a fait ouvrir une porte féconde l'oblige de partager fon attention ; ! pour faire entrer dans la ville les troupes & lorfque les premières attaques, oui or- j du dehors , on s'étend tout le long du dinairement font fauftes , ont attiré la plus | rempart pour s'en rendre folidement le grande partie de la garnifon , on commence maître , & enfuite on fe joint avec le corps la véritable , dans laquelle on doit trouver \ qui eft entré par la porte , pour charger l'en- moins de réfïftance. nemi dans tous les lieux de la ville où il On voiture les échelles fur des chariots ; peut fe retirer. Si lorfqu'il n'y a encore devant la place ; ces chariots font précédés 1 qu'un petit nombre d'hommes de montés de la plus grande partie des troupes deftinées à cette expédition , lefquclles font auffi précédées de quelques compagnies de gre- nadiers qui font leur avant-garde. Etant arrivé auprès de la ville on s'y met en bataille , toujours dans un grand filence ; on diftribue les échelles aux premiers foîdats qui doivent commencer Vefcaîade , & qui doivent être les plus braves & les plus vigou- reux de la troupe. On partage les troupes de l'attaque en plufieurs petits corps , comme de 100 ! fiper. fur le rempart , l'ennemi venoit pour les charger , ils fe défendroient du mieux qu'ils pourroient contre lui , en fe faifant un rempart des différentes chofes qu'on peut trouver fur le rempart , comme des branches des arbres qui font communément defius ; & s'en faifant une efpece de retranchement , derrière lequel on fe tient jufqu'à ce qu'il foit monté fur le rempart un nombre d'hommes fuffifant pour charger l'ennemi & le dif- ou 120 hommes commandés par leurs officiers, & l'on s'avance auprès de la place. S'il y a un chemin couvert , on fe fert des Serruriers pour en faire Jauter les barrières avec le moins de bruit qu'il foit poffible. Les troupes, après y être entrées , cherchent â defeendre dans le fofïe ; les foldats qui ont des échelles s'en fervent , fuppofé qu'il foit profond & revêtu , & qu'on ne puifîè pas le gliflèr le long de fon talus- , ce qui eft Si l'ennemi eft exact à faire fes rondes , qu'il s'apperçoive que les troupes font dans le fofïe , & prêtes à monter , qu'il fafîe tirer les fentinelles pour donner l'alarme à la ville , on ne laifïèra pas de monter promp- tement. Comme il faut toujours quelque efpace de temps pour qu'il vienne du fe- cours , on peut en profiter pour monter fur le rempart , en aftèz grand nombre pour s'y foutenir contre les troupes de garde , ESC qui font les premières qui peuvent fe pré- senter fur le rempart pour en défendre accès. S'il y a un château ou une citadelle dans la ville , qui loit , comme il eii d'ufage , partie dans la ville & partie dans la cam- pagne, il faudra y donner Vefcalade en même temps qu'à la ville , afin que l'ennemi n'y trouve point de retraite , & que prefTé de tous côtés , il foit dans la nc'cefhté de fe rendre. Le temps le plus favorable pour furpren- dre les villes dont le foffé eft plein d'eau , efî l'hiver pendant une forte gelée : on peut franchir aifément le foffé en pafTant fur la glace , & monter fur le rempart , le pié des échelles étant pofé fur la glace du foffé. Un gouverneur attentif a foin, dans les gelées , de faire rompre tous les jours la glace de les foffés : mais il peut s'en trouver qui négligent cette attention ; & d'ailleurs ceux qui font chargés de 1 exécu- tion peuvent la faire avec tant de négli- gence , qu'il foit encore pofîible de fe fervir delà glace pour planter les échelles au pié du rempart, & pour franchir le foffé. C'eft à ceux qui fe chargent de ces fortes d'en- treprifes , de bien faire obfeiver la con- duite du gouverneur & celle de ceux qu'il charge de l'exécution de fes ordres , pour voir la manière dont ils les exécutent , & pour prendre leur parti en conféquence. Elémens de la guerre des Juges, II vol. A l'égard des précautions à prendre con- tre les efcalades, elles confident à avoir con- tinuellement aufTi de petits partis dans les environs de la place, pour être par eux inftruit des démarches de l'ennemi , & faire des rondes continuelles pendant la nuit , pour que perfonne n'entre dans le foffé de la place , fans qu'on en foit in- formé. On peut aufli pratiquer une cuvette dans le foffe , planter des paliffades à quel- que diftance du mur , pour empêcher l'en- nemi d'y appliquer fes échelles , garnir les flancs des bâfrions de pièces de canon chargées à cartouche avec des balles d'un quarteron , ou de la ferraille , pour tirer fur ceux qui voudroient efealader la place vis-à-vis les courtines ; mettre dans les corps-de-gardes à portée du rempart , des hallebardes, des faux emmanchées de revers, ESC 979 & foutes, autres fortes d'armes propres à donner fur l'ennemi lorfqu'il paroît au haut de l'échelle , & à le pouf Ht dans le (ofle ; garnir le rempart d'une grande quantité de poutres cylindriques , pour les faire rouler fur les échelles , & fur ceux qui font defîiis : & fi la garnifon ne fe trouve l pas en aflèz grand nombre pour pouvoir occuper tout le rempart , on doit attacher fur la partie fupérieure du parapet des che- vaux de frife , ou autre chofe qui puifîè empêcher l'ennemi de pafîèr pardtfibs pour fauter fur le rempart. Le rempart doit aufli être garni de bombes & de gre- nades toutes chargées , pour faire rouler dans le foffé fur l'ennemi. On doit aufli avoir des artifices préparés pour jeter fuc lui, comme fafeines goudronnées , barils foudroyans , pots à feu , &c. & jeter aufli dans le foffé une grande quantité de balles à feu pour l'éclairer , & que )e canon de la place puifTe faire un grand effet fur les troupes qui font dedans. On peut encore garnir aufli le fofîe de chaufîès-trapes , de petits fofTés couverts de claies & de terre , pour que l'ennemi ne s'en apperçoive point , & qu'il tombe dedans : il peut y avoir au milieu de ces petits fofTés une palifTade , ou plutôt quelques longues pointes de fer difpofées de manière à enferrer ceux qui y tomberont , &c. (Q) Escalade des Titans , grande & belle machine du prologue de Nais , dont on trouvera la figure & la defeription dans un des volumes des planches gravées. ÇBJ * ESCALE , f. f C Commerce. J On nomme ainfi , fur les cotes d'Afrique , ce qu'on appelle une échelle dans le Levant , c'eft-à-dire un lieu de commerce où les marchands nègres viennent apporter leurs marchandifes aux Européens : on le dit aufïi des endroits où les Européens vont faire la traite avec eux. Au Sénégal , il y a quantité de ces efcales le long de la grande rivière & de la rivière du Morphil , les unes à trente lieues , les autres jufqu'à cent lieues & davantage de l'habitation des François. On nomme aufïi efcales fur l'Océan les ports où abordent les navires pendant leurs voyages , foit pour rafaîchifîèment & autres chofes nécefîàires , foit pour y décharger Hhhhhh 2. ç8o ESC partie de leur fret , ou pour recevoir des raarchandîfes dans leur bord. Les efcales en France pour Terre-Neuve font Oleron , Brouage & la Rochelle , c'eff- à-dire , celles où les navires fe four- nirent ordinairement de fel , & fouvent de bifcuit , pour leur pêche. Faire efcaler , c'eft entrer dans un port pour s'y rafraîchir, ou y prendre ou! décharger des marchandiles en paffant. | Dictionnaire de Commerce de Trévoux & i de Chambers. (G) * ESCALETTE ou ECHELETTE, C £ ! C Manufacture en foie. ) C'eft un paralle'li- pipede de bois bien e'quarri , où l'on a pra- tiqué cinquante coches , & chaque coche ; capable de renfermer huit cordes de femple; i il eft de la largeur jufle de la feuille du | defîin , qui contient cinquante dixaines i pour les métiers ordinaires de quatre cents ! cordes. Vefcalette fert pour la lecture du , defïîn. i ESCALETTE , ÇRubanier.) efpece de | peigne de bois , fervant à mettre les foies en largeur fur les enfubles lors du ployage. | On arrange les foies dans fa denture , lorf- ! qu'elles font prêtes à être ployées fur l'en- I lubie : Vefcalette , garnie de fes dents de fil- de- fer , a deux petits montans à cha- que bout , terminés en tenons pour entrer dans les moratifes du deffus ; les trous du deffus reçoivent les petites chevillettes , qui tiennent ces deux pièces unies enfemble. Voici l'ufage de Vefcalette; on met une plus grande ou plus petite quantité des fils de la chaîne ( ordinairement c'eft une por- tée , quand on a un encroix par portée ) dans chacune de fes dents , fuivant la lar- geur que l'on veut donner au ployage ; enfuite le ployeur faifant agir le bâton à tourner de la main droite ( voye\ Bâton A TOURNER), il conduit de la gauche Vefcalette , ce qui fert à arranger les foies de la chaîne uniment & également fur I'enfuble , qui doit les porter jufqu'à la fin de l'ouvrage ; il conduit , dis-je , Vef- calette , mais doucement , en tournant de temps en temps Vefcalette devers lui , pour que les foies s'enroulent en plus petite , enfuite en plus grande largeur ; ce qui s'exécute , afin que ces mêmes foies ne fe trouvent point amoncelées toutes en un ESC tas, &a fu jettes par -là à ébouler: ce qu mettroit une confufion très - nuifible fur I'enfuble ; confufion qu'il faut toujours éviter dans ce métier , d'ailleurs afîetf confus. ESCALIER, DEGRÉ, MONTÉE, fynonymes : ces trois mots défignent la même chofe , c'eft - à - dire , cette partie d'une maifon qui fert par plufieurs mar- ches à monter aux divers étages d'un bâtiment , & à en defcendre. Mais efcalier eft aujourd'hui devenu le feul terme d'u- fage. Degré 'ne fe dit plus que par les bour- geois , & montée par le petit peuple. Degré s'employoit dans le dernier fiecle, pour figni- fier chaque marche d'un efcalier y & le mot de marche étoit uniquement confacré pour les autels. Nous aurions peut-être bien fait de conferver ces termes diftincHfs , qui contribuent toujours à enrichir une langue. Article de M. le chevalier de J au- COURT. Escalier, du latin fcaloe , montées; c'eft , dans un bâtiment , une pièce dans laquelle font pratiquées des degrés ou mar- ches , pour monter & defcendre aux difFé- rens étages élevés les uns au deffus des autres. Ces degrés fe font dé marbre , de pierre , de bois , félon l'importance de l'édifice , & le foutiennent en l'air par différentes efpeces de voûtes , dont la pouffée eft retenue parles murs qui forment la cage de V efcalier. Il fe fait de plufieurs fortes cVefcaliers ;, favoir , à trois rampes , comme celui des Tuileries confirait en pierre ( voye\ celui du plan , faifant partie de la diftributibn d'un palais, dans le s planches d' Architeâ.) 'y à deux rampes , comme celui de Saint- Cloud , de marbre ; à une feule rampe , tels que font la plupart de ceux de nos hôtels à Paris , & que l'on appelle , félon la diverfité de leur figure & de leur conf- truclion , efcaliers triangulaires, cintrés , à jour, fphériquesy fufperidus, d vis faint- Gille, en arc de cloître, &c. La fituation des efcaliers, leur grandeur, leur forme , la manière de les éclairer , leut décoration , & leur conftru&ion , font au- tant de confédérations importantes à obfer- ver pour parvenir à les rendre commodes ,, folides & agréables.. ESC De leur iïtuation. Anciennement on pîaçoit j les efcaliers hors œuvre du bâtiment ; en- j fuite on les a placés dans 1 intérieur & au milieu de l'édiiice , tel qu'on le voit encore j aujourd'hui au palais du Luxembourg ; à j préfent on les place à côté du veftibule , I ainfi qu'on le remarque au château des \ tuileries, ayant reconnu que les efcaliers $2.- j ces dans le milieu du bâtiment mafquoienr. ! l'enfilade de la cour avec celle des jardins. Flufieurs architectes regardent comme ar- j bitraire de placer les efcaliers à la droite ou f à la g;;uche du veftibule ; cependant il faut convenir que la première Situation eft plus convenable , parce qu'il femble que nos befoins nous portent plus volontiers à cher- cher à droite ce qui nous eft propre: néan- moins il y a des circonftances où l'on peut s'écarter de cette règle , lorfque par rapport à l'exporition & à la diverlité des afpects d'un bâtiment, il paroît néceftàire de placer à droite les appartenons de fociété pour jouir d'un point de vue , qui très-fouvent dans une maifon de plaifance ne fe ren- contre que de ce côzé ; autrement on ne peut trop infifter , foit préjugé , foit habi- tude , fur la nécefïité de placer les efcaliers comme nous le recommandons , & de les fîtuer de manière qu'ils s'annoncent dès l'entrée du veftibule. Voye\ VESTIBULE. De la grandeur des efcaliers. La gran- deur des efcaliers en général dépend de l'étendue du bâtiment , & du diamètre des pièces. Rien n'eft plus contraire à la convenance , que de pratiquer un efcalier principal trop petit pour monter à des appar- temens fpacieux , ou d'en ériger un trop grand dans une maifon particulière. Par la grandeur d'un efcalier y on doit entendre l'efpace qu'occupe fa cage , la longueur de fes marches , & le vuide que l'on obferve entre fes murs d'échiffre ; car il eft bon de favoir que dans tous les genres & efcaliers deftinés à l'ufage des maîtres , la hauteur des marches , leur giron , & celle des appuis des baluftrades, des rampes , doivent par-tout être les mêmes. On entend encore par la grandeur d'un efcalier _, non feule- ment la furface qu'il occupe , mais aufîi fon élévation qui n'eft jamais moins que de deux étages , & fou vent beaucoup plus , ce qu'il faut éviter néanmoins; il eft mieux ' ESC 981 de pratiquer un efcalier particulier pour monter aux étages fupérieurs , aux comUesy aux terrafîès , &c. à moins qu'il ne s'agifte d'une maifon économique , ou à loyer. De la différente forme des efcaliers. La forme des efcaliers eft aufti diverfe que celle des batimens. Les anciens les faifoient pref- que tous circulaires ; enfuite on les a faits quadrangulaircs ; aujourd'hui on les faic indistinctement de formes variées , félon que la diftribution des appartemens , l'iné- galité du terrein ou la fujétion des iftues femblent l'exiger : il eft cependant certain que dans les batimens de quelque impor- tance , les formes régulières doivent avoir la préférence , ces efcaliers étant du nom- bre de ces chofes où la (implicite des formes doit prévaloir fur le génie & l'invention ; confédération pour laquelle , fans avoir égard aux exemples de nos modernes à ce fujet , on ne peut trop recommander de retenue & de vraifemblance dans la forme & la difpofîtion d'un efcalier; & fi quel- quefois on fe trouve contraint de faire les côtés oppofés des murs de cage difîembla- bles , il faut que cette licence annonce visi- blement une nécefîité indifpenfable d'avoir voulu concilier enfemble la diftribution des appartemens , la décoration des façades , & en particulier la fymmétrie de cette forte de pièces. De la manière la plu s convenable dy éclairer les efcaliers. Quoiqu'il femble qu'on fafïe ufage des efcaliers , autant denuit que de jour , il n'en eft pas moins vrai qu'on doive être attentif à répandre une lumière égale' fur la furface de leur rampe & de leurs paliers ; ce qui n'arrive pas lorfqu'on les éclaire feulement fur l'une dé leur face , parce que les rampes qui font oppofées à la lumière , font prefque toujours obfcures: défaut que l'on remarque dans le plus grand nombre de ceux* de nos hôtels- à Paris. Pour éviter cet inconvénient , ne conviendroit- il pas de les éclairer en lanterne ? alors la lumière plongeroit fur chaque rampe , ce qui rendroit leur ufage plus facile , prin-- cipalement , comme nous l'avons déjà remarqué , lorfque les marches , \es paliers' & les rampes fe terminent au premier étage. On a vu pendant long - temps le fuccès de cette lumière pratiquée- ainfi. ai 982 ESC X efcalier des ambafTadeurs à Verfailles , qui ! a été démoli ; & cet exemple devroit fer- vir d'autorité pour tous ceux qui deman- dent quelque confidération : d'ailleurs, il eft poffible de mafquer les lanternes que nous propofons par la hauteur des baluftra- des extérieures , lorfqu'on ne voudroit pas rendre leur élévation apparente dans les dehors. De la décoration des efcaliers. La con- venance ici , comme par-tout ailleurs , doit préfider dans la décoration d'un efcalier , relativement à la matière dont il eft conf- truit ; on doit ufer de retenue pour la mul- tiplicité ces membres d'architecture , & la prodiga'ité des ornemens ; en général la (implicite doit être de leur refîbrt ; la douceur des rampes , la longueur des mar- ches , la grandeur de leur cage , le rapport de leur dimenfîon , la fymmétrie , & l'ap- pareil de la conftruétion femblent devoir faire tous les frais de leur décoration , afin qu'il fe rencontre une progrefîion fenfible de richefles entre la magnificence de ces genres de pièces & celle des appartenons , qui chacune féparément doit être décorée félon fon ufage & Ta deftination. Les efca- liers des bâtimens de Paris qui paroifTent décorés le plus convenablement , font ceux des hôtels de Touloufe , d'Auvergne , de Tiers : ceux des hôtels de Soubife , de Luynes , de Tunis , &c. qu'on s'eft apperçu après coup être trop fimples , & où l'on a , par un excès oppofé , répandu trop de richeflè , montrent afTez qu'il ne s'agit pas d'avoir pour objet d'imaginer un beau ta- bleau. La vraifemblance doit avoir le pas fur tout ce que le génie le plus fertile peut produire d'élégant ; confidération pour laquelle il eft eiïentiel que l'archi- tecte préfide à tout ce qui fe fait dans un bâtiment , en fuppofant qu'il ait acquis une connoifTance de tous les arts relatifs à l'art de bâtir. Plus il eft néceflàire d'admettre de la magnificence dans un efcalier , plus il eft eftèntiel d'éviter que les paliers du premier étage mettent à couvert la première rampe du raiz-de - chauffée. Rien n'eft mieux , en mettant le pié fur la première marche , que de découvrir la partie fupérieure de la cagç. & toute la lanterne qui doit l'éclairer ; ESC mais en fuppofant qu'on ne fafîe pas ufage de ces lanternes , au moins faut - il éviter les fujecs coloriés dans le plafond , ou les calottes qui les. terminent. Cet ouvrage de peinture tranche trop fur le revêtiffement des murs de cage , qui ordinairement font tenus de pierre , de plâtre , ou de ftuc , ainfi qu'on le remarque à Y efcalier de la bibliothèque du roi , & dans plufieurs de nos maifons royales. La fculpture y paroît plus convenable , ou au défaut de celle-ci on doit y peindre des grifailles qui expri- ment les arcs doubleaux , les nervures , & les compartimens qu'on auroit mis en œuvre , fi cette partie fupérieure avoit été voûtée. Et fi enfin un fujet colorié peut entrer pour quelque chofe dans la décora- tion d'un efcalier y ce ne doit être qu'en fuppofant que les revêtiffèmens feront de marbre de couleurs variées , tel qu'étoit celui des ambaffàdeurs à Verfailles , un des beaux ouvrages qui aient été faits dans ce genre. De la conflruciion des efcaliers. La conË tru&ion eft la partie la plus eftèntielle d'un efcalier: elle confifte dans l'art du trait ; & la beauté de l'appareil ne fuffifant pas pour donner aux voûtes une forme trop élégante, la magie de l'art doit êtremefurée à l'ufage des pièces 011 on le met en œuvre. I! faut que ceux qui les fréquentent trouvent une forte de fureté à les monter & â les defcendre , fans pour cela qu'on foit dif. penfé de donner de la grâce aux courbes qui en compofent les voûtes. De toutes les pièces d'un appartement , celle dont il. eft queftion exige le plus la réunion de la théorie avec la pratique , afin de joindre une folidité réelle & apparente à tout ce qui peut contribuer à rendre fon ordonnance agréable. Ici l'art & le métier doivent être un ; l'appareilleur , l'architecle , le décora- teur doivent fe montrer par-tout : en un mot rien de fi fatisfaifant qu'un bel efcalier dans un édifice d'importance ; rien qui montre tant Pinfuffifance d'un architecte , lorfque quelques-unes des parties que nous recommandons ici manquent eftentielle- ment dans leur fituation , leur forme , leur décoration & leur conftruétion. R gle la plus convenable pour çonflater ta hauteur & le giron des marches. Le pas ordi- ESC naire d'une perfonne qui marche de niveau eft communément de deux pies ; d'où il paroîc que la longueur du pas horizontal eft double de celui fait perpendiculairement : or , pour la joindre enfemble , il faut que chaque hauteur de marche prife avec Ton giron compofe un pas ordinaire qui égale h longueur de deux pies ; pour cet effet , fi on ne donne qu'un pouce de hauteur à une marche , il faut lui en donner vingt- deux de largeur; il la marche a deux pouces de haut, qui valent autant que quatre pouces de large , elle ne doit avoir que vingt pouces de giron ; fî elle a trois pouces de hauteur , la largeur doit être de dix-huit ; ainn de fuite. Cette proportion eft confirmée par l'expérience , quoiqu'elle ne foit pas toujours obfervée dans la plupart de nos efcaliers ; mais du moins faut-il éviter l'inégalité des girons dans les rampes comprifes dans une même cage , de même que les refTauts dans les appuis ou baluftrades, & ne jamais donner plus de fix pouces à la hauteur des marches. V. Mur d'Echiffre,Giron,Marche. On peut aufîi renvoyer les amateurs de la pièce du bâtiment dont on vient de par- ler , au célèbre Palladio , un de ces hommes rares qui par leur génie & leurs talens tra- vaillèrent dans le xvj fiecle avec le Trifïin , Scammozzi, Bramante,Vignole, & quelques autres , à taire revivre les anciennes beautés de l'architecture , & à rétablir les règles du bon goût fi long-temps écliplées par la barbarie. Paliadio eft le premier qui ait décrit les chofes les plus curieufes que nous ayions fur les ouvertures , la fituation , la gran- deur , les formes , & la conftruction des efcaliers, & il y a joint des deffins à ces def- criptions; ils font à la fuite du premier livre de fon ouvrage d'architecture , qui parut à Rome en 1570, in-folio. (P) ESCALIER , (Antiquit.Jles efcaliers que l'on a découverts dans les magnifiques mai- fons de la ville d'Herculane , n'ont qu'une feule rampe droite & fort étroite ; quelques- uns font en marbre. Prefque tous les temples des anciens Grecs ou Romains avoient des perrons extérieurs qui en vironnoient l'édifice lorfqu'il y avoit un përiftiîe : mais ils em- pîoyoient un fimple perron pour commu- niquer au* portiques fous lefquels on tenoit les aiTemblées pabliques. Les efcaliers àes ESC 983 anciens étoient formés par la réunion des pierres de 12, 15 , 20 pies de long. Dans l'amphithéâtre d'Arles en France , on trouve trois efcaliers taillés dans une feule pierre. Quelques mauvais architectes tentent d'in- troduire en France l'ufage de tailler trois marches dans la même pierre. Pline , liv. XIV, rapport* que de fon temps on voyoit dans le temple de Diane à Ephefe , un efcalier qui étoit fait d'un cep de vigne que l'on avoit apporté de la Calabre. Dans Rome on trouve un efcalier à vis dans les colonnes trajanes & antonines , qui font des tours rondes de brique , revêtues de plaques de marbre. Dans la même ville il y a un efcalier dans les colonnes torfes de bronze, qui forment le baldaquin de S.Pierre. On pratique ordinairement des efcaliers dans les flatues coloffales. A Conftantinople fc en Egypte , on place des efcaliers extérieurs en fpirale faillante autour des minarets ; on lie les pierres avec du plâtre mêlé de chaux. La crainte de l'humidité & de la pluie a engagé les chartreux de Lyon à faire autour de leur dôme un efcalier extérieur en petites barres de fer. Les anciens n'employoient point le fer dans les bâti mens , parce qu'en fe rouillant il fait éclater les pierres : ils pré- féroient l'ufage du cuivre. ( V. A. L. ) ESCALIER , (Hydr.) On pratique dans la conftruclion des cafeades des efcaliers de pierre , dont la plupart font en fer à cheval , avec un baflin qui en occupe le milieu ; quel- quefois ces efcaliers font de gazon. Voye\ Escalier de Gazon. (K) Escalier de Gazon , ( Jard. J Rien n'eft fi commode dans les jardins en terrafîe , que de fréquens efcaliers. On préfère au- jourd'hui aux efcaliers de pierre ceux de gazon , qui cependant ne conviennent que dans des talus ou glacis , dans des bofquets, dans des vertugadins & amphithéâtres de gazon. Autant qu'il eft nécefTaire de laiftèr une petite pente fur les girons des marches de pierre , pour faire écouler l'eau qui pour- riroit les joints de recouvrement , autant il la faut conferver pour le maintien du gazon, en tenant les girons des marches de gazon très-droits. Ces efcaliers doivent être doux & peu riombreux en marches de fuite , fans y 984 ESC trouver des paliers ou repos. Il les faut tondre au cifeau tous les mois , les battre après la pluie ou l'arrofement : ce qui entretiendra long-temps leur beauté. (K) Escalier , (Charp.) Il y a âesefcaliers de différentes fortes. On appelle efcalier à noyau recreufé y ou colet rampant 3 celui qui laiffe un jour au milieu de deux limons ; efcalier à un noyau , celui qui eft comme une vis , & ne laiffe aucun jour au milieu ; efcalier à deux noyaux, celui qui a un limon entre les deux noyaux , mais fans aucun jour ; efcalier à quatre noyaux , celui qui laiflè un jour carré au milieu. ESCALIN, f.m. (Comm.) petite mon- noie de cours dans la Flandre Autrichienne , évaluée à environ 12 fous de notre argent. ESCAMOTES , f. f. (Comm.) toiles de coton qui fe tirent du Levant par la voie de Smyrne. Elles fe fabriquent à Menemen ; elles portent 30 pies de Smyrne , évalués a dix cannes de Marfeille. ESCAMOTER , v. ad. en terme de brodeur au métier > c'eft faire difparokre les bouts d'or ou de foie , &c. en les tirant de deffus l'ouvrage en defîbus. On fe fertpour cela d'une aiguille dans laquelle le fil eft entré deux fois , & tbrme un anneau dans lequel fe prend le bo'ut , & fe paffe deffous Ja pièce. ESCANDILLONAGE , f. m. (Jurifp.) eft un droit dû à quelques feigneurs féodaux pour la vifite ., examen & étalonnage des poids & mefures. Ce terme vient du mot échantillon y qui étoit quelquefois ufité en cette matière pour étalon : Y échantillon étoit la règle des autres poids & mefures ; d'échan- tillon on a fait efchanteler } ou efchantiller. La charte* des libertés du Mont - Royal de Tan 1287, porte : ùfi dicatur menfurafalfa, vel ulna , ad menfuras vel ulnas efchantil- landas vocentur duo vel très burgenfes me- itores de villa y & illi cujus eft menfura vel ulna .& in prœfentia eorum efchantilletur y Ù videatur utrum fit falfa vel non. Le terme ftéchantiller eft encore ufïté à Lyon pour les poids , & fîgnifie confronter un poids avec le poids original. Le règle- ment du 28 feptemhre 1689 , ordonne que le fermier du droit de marque fur l'or & fur l'argent fera tenu de fe fervir dans l'argue 4e Lyon de poids éçhantillés fur la matrjçe ESC du poids de marc étant au greffe de la monnoie de Lyon ; il eft vifible que de ce mot échantiller on a fait efchantillonage > pour fignifier l'action d'efchantiller & le droit qui fe perçoit pour cette opération , & que dans la fuite on a prononcé & écrie efcandillonage pour efchantillonage. Voye\ S. Julien dans fon hifl. de Chdlons3p. 394; la coutume de Lodunois , tit. de moyenne juftice ; art. z ,• Begat , fur la coût, de Bour- gogne y art. 2 8j ; Boizard , en fon traité des monnoies. Voye\auffi ÉCHANTILLON, Etalon , Mesures , Poids. (A) ESCAPADE, f.f.fyV/a/z^J C'eft ainfi que l'on a nommé autrefois & que l'on nomme encore aujourd'hui l'action licen- cieufe , fougueufe & déréglée d'un cheval , qui fe révolte & qui refufe d'obéir & de fe foumettre. Voye\ FANTAISIE. Ce) ESCAPE , terme d'architeâure, Voye^ Congé. ESCARBALLE , (Comm.) c'eft ainfi qu'on appelle les dents d'éléphans du poids de vingt livres & au deffous. ESCARBITE , f. f. (Marine.) c'eft un morceau de bois creufé d'environ huit pouces de long , fur quatre de large , dans lequel on met de l'étoupe mouillée , pour tremper les ferremens dont fe fervent les calfats quand ils travaillent. (Q) ESC ARBOT , f. m. (Hift. nat. Infeclol) fcarabœus } Jhrcorarius , pilularius , feu cantharus , infeâe du genre des fearabées ; il a le corps large , épais , de couleur noire, luifante , & mêlée d'une teinte de bleu. Il porte deux antennes dont l'extrémité eft divifée en plufteurs filets ; Ces pattes font dentelées. On le trouve dans le fumier & dans l'ordure la plus puante ; c'eft pourquoi on lui a donné le nom de ftercorarius ; & parce qu'il en fait des pelotes avec fes pattes , on l'a appelle pilularius. On le nomme auftï par la même raifon fouille-merde. Voye\ Scarabée, Insecte. Nous ajouterons ici un extrait des favantes obfervationsquePieriusValerianarecueillies au fujet du fearabée , dans le vol, in-folio de fes Hiéroglyphes. Cet auteur dit qu'Apion , furnommé Cimbalum mundi , avoit fait un gros livre pour juftifier les Egyptiens fes compatriotes , fur ce qu'ils adoroient Yef- carbot comme vraie image de la divinité. ESC ia. Les Egyptiens difoient que Vefcarbot reprefente le monde , parce qu'il roule fes excréïnens , il les arrondit en globe , il y dépofe (es petit* , firc. 2°. Ii eit l'emblème de -la génération , parce qu'il enterre les I boules dans lefquelles il a inféré fes œufs ; j elles reftent fous terre vingt -huit jours, pendant lefquels la lune parcourt les douze ; lignes du zodiaque : le vingt-neuvième jour j le père des cfcarbots déterre la pilule , va laver & nettoyer fes petits , enfuite il les porte fur fon dos , Ùc. Tous ces détails font les fymboles de l'origine & de la naiiïànce du roi de la terre , je veux dire , de l'homme. 3°. Le fcarabée chez les Egyptiens étoit fembléme du fils unique , parce qu'ils croyoient que chaque efcarbot étoit mâle & femelle. 4.0. Il étoit l'emblème de la divinité qui a pris un corps humain. Pierius rap- porte à ce fujet une idée de S. Auguftin , qui s'accordoit aflez avec les hiéroglyphes des Egyptiens. Ce favant , dans fes Solilo- ques y dit: bonus Me fcarabxus meus non eâ tamîim de caufâ quodunigenitus y quod ipfe- met fui auâor mortalium fpeciem induerit, fed quod in hacfxce noflrafefe polutaperitfè ex hac ipfa nafci homo poluerit. Le prophète David difoit : ego fum permis fcarabxus _, non homo. f°. \J efcarbot étoit l'emblème du père , parce que les Egyptiens croyoient que tous ces infe&es étoient mâles. 6°. Il n'eft pas étonnant que les Egyptiens , qui vou- îoicnt défigner la valeur , le courage, l'âge viril & la force de l'homme , peignifTent un efcaibot y pour rappeller perpétuellement à leurs foîdats l'idée des vertus guerrières : ils forçoient tous les militaires â porter un an- neau , fur lequel on gravoit un efcarbot y c'eft-à-dire , un animal perpétuellement cui- rafle , qui travaille & qui fait fa rende pen- dant la nuit. Les Romains firent aufïi graver des ejcarbotsfm les enfeignesque porcoient certaines légions. 70. Ces infedes étoient aufli regardés comme l'image du foleil , fur- tout l'efpece que l'on appelloit x luron, parce qu'elle a trente pattes , & la tête reflemble à celle du chat : cette efpece eft fort vigou- reufe & fort active, fur-tout pendant h nuit. 8°. L'efpece des fearabées que nous appelions cerfs-volans y étoit chez les Egyp- tiens l'emblème de la lune , parce qu'elle porte deux cornes qui refiemblent au croif- Tome XII. ESC 985 fant de la lune. Pline dit que les plongeurs gravoient fur leurs amulettes la figure de cette efpece de fcarabée , pour fe preferver de la crampe. Q8. Vefcarbot nommé mono- ceros y c'eft-à-dire , qui n'a qu'une corne f étoit l'emblème de Mercure. Pierius Va- lerian ajoute dans cet article , qu'autrefois dans la Capadoce, pour faire périr les che- nilles , les hannetons & les cantharides, qui dévoroient les moiflbns , los habitans enga- geoient les femmes qui étoient dans leurs jours critiques, à vaguer dans les champs les pies nuds , les cheveux épars , fans ceinture , en courant du côté de l'occident^ répétant à haute voix un vers grec , dont le fens eft, fuye\ y cantharides, un loup fau- page pous pourfuit. 10*. Les Egyptiens, pour déligner un homme mort de la fièvre , repré- fentoient un fcarabée qui avoit les yeux tranfpercés par une aiguille. 1 1°. Enfin , les Egyptiens qui vouloient dépeindre un homme amolli par la volupté, le défignoienc par un fcarabée environné de rofes ; ils croyoient que l'odeur des rofes énervoit , endormoit & faifoit mourir le fcarabée. Dans l'ouvrage in-folio qui a pour titre , Amphitheatrum fapientix joco ferix Dor- napi 9 Hanopix 1619 , on trouve deux élo-. ges de X efcarbot; le premier eft fait par Gafpar Dornavius ; le deuxième eft compofé par Ulyfle Aldrovandus. Ces auteurs obfer-r vent , i°. que mal à-propos on méprife le fouille-merde : 2°. que les fages alchymiftes les imitent & tâchent de tirer de l'or , la pa- nacée & mille excellens remèdes des excré- mens: 30. que les fages agricu'teurs ont ap- pris du fcarabée à chercher les richefles , le principe de la vie , le ciment , le fel am-r moniac , & l'aliment de leur feu , dans le fumier : 40. que les gourmands qui font des rôties des entrailles de la bécafTe, n'ont point droit de blâmer Vefcarbot; 50. que les fages doivent toujours coafidérer cet infecte comme un modèle de tempérance , d'inno- cence , de prudence , de fagefte , d'activité, de continence & d'équité ; en un mot , ils ne doivent point être étonnés de ce que Vefcarbot étoit fous la tutele & fous la pro- tection de Jupiter Catebate ou leppufeur. V écriture nomme les hérétiques fcarabxus damans de ligno. Nous nous fommes beaucoup étendus fur Iiiiii 986 ESC cette matière , pour donner une idée des fondemens finguliers de la philofophie mo- rale des anciens. Il nous refèe à ajouter que les infeâologiftes adoptent le fyftéme de M. Linné au fujet des fcarabées. Us font un ordre particulier des infe&es qui ont un fourreau qui couvre leurs ailes , & qui ont la mâchoire tranfverfale. Dans le premier rang , ils mettent le cerf-volant , le rhino- céros , le hanneton , le fcarabée verd de rofes , le fouille-merde , le kakerlaque , &c. Dans la féconde clatte , ils renferment les in- feâes nommés dermejies ou les dijjequeurs: dans la troifieme claiTe , les caflides ou tor- tues : dans la quatrième , les coccinelles : dans la cinquième , les chryfomelles : dans la lixieme , les curculis , c'eft-à-dire , les chareneons : dans la feptieme , les cerambix, c'eft à-dire,les capricornes: dansla huitième, les leptures : dans la neuvième , les carabes: dans la dixième , les mordeles ou fcarabées fauteurs : dans l'onzième , les cincideles : dans la douzième , les bupreftes : dans la treizième, les dytifques: dans la quatorzième, les élaters ou reflbrs : dans la quinzième , les cantharides : dans la feizieme , les méloes : dans la dix-feptieme , les neltidales : dans la dix -huitième , les perce -oreilles : dans la dix-neuvieme , les couftilles : dans la vingtième , les blattes : dans la vingt & unième , les grillons. ( V. A. L.J EscARBOT , (Mat.méd. ^Pharmacie.) Vefcarbot _, en latin fcarabaus y eft plus connu chez les apothicaires fous le nom de fcarabée , que fous celui tfefcarbot. Voye\ Scarabée. *Escarbot , Ç Myth.) cet infe&e fut adoré des Egyptiens. Porphyre dit dans Eufebe , qu'ils font tous mâles. Uefcarbot eft dans la table ifiaque , & dans une infi- nité d'autres anciens monumens égyptiens. Les Bafilidiens ne l'avoient pas oublié dans leurs pierres magiques. V. Basilidiens. ESCARBOUCLE, f. m. ( ' Hifl. nat. Litholog.) carbunculus > anthrax, pierre précieufe à laquelle les anciens ont donné ces noms , parce qu'elle reflembloit à un charbon ardent lorfqu'on l'expofoit au foleil. Dans ce fens, toutes les pierres tranfparentes de couleur rouge , fur-tout le grenat , font des efcarboucles. Ons'eft imaginé que le vrai tfcarbouck des anciens brilloit même dans ESC les ténèbres autant qu'un charbon ardent ; & comme on n'a point vu de pierre qui eût cette merveilleufe propriété , on a cru que Vefcarboucle des anciens étoit perdu ; car on ne peut pas dire que les pierres qui reftent lumineufes pendant quelque temps dans les lieux les plus obfcurs , y brillent comme des charbons ardens. Il y a tout lieu de croire que Vefcarboucle des anciens n'étoit qu'un pierre tranfparente , de couleur rouge comme le grenat , qui réfifte plus qu'un autre à lacîion du feu ; c'eft encore un caractère que Théophrafte attribue à Vefcarboucle: (I) ESCARE,f. f. (Chirurg.J en grec \ eft une efpece de combat fans ordre ou de rencontre, qui fe fait en préfence des deux armées , entre de petits corps de troupes qui fe détachent exprès du corps , & qui engagent un combat général & ré- gulier. Ce mot femble être formé du mot françois efcarmouche , qui a la même lignification , & que Nicod dérive du grec x*?f*ri> qui fignifie en même temps combat £>' réjouif- fance. Ménage le fait venir de l'allemand fchirmen ou fckermen7k défendre: Ducange dit qu'il vient âefcarmuccia , petite action, defcara & muccia, qui fignifie un corps de troupes en embufcade ; parce que la plupart des efcarmouches fe font par des troupes en embufcade. Chambers, Trev.&Dic7. étymol. Les efcarmouches s'engagent quelquefois malgré le général ; fouvent aufîi elles lui font utiles pour amufer l'ennemi , & lui cacher quelques difpofitions particulières de l'armée. " Une maxime générale pour les » efcarmouches , dit M. le marquis de Feu- » quieres, c'eft de les faire engager par peu » de troupes , & de les foutenir avec beau- » coup , étant d'une grande conféquence « de ne point accoutumer l'ennemi à ra- » mener impunément ceux par qui on a fait » commencer Y efcarmouche , qu'il faut tou- E S C 987 » jours faire foutenir par un corps plus Cf»n- n fidérable que celui de l'ennemi. » C'eft le terrein qui décide de la nature des troupes que l'on fait efcarmoucher : ainfi fi le terrein eft ouvert & libre , on fe fert de cavalerie ; d'infanterie , s'il eft fourré ; & s'il eft de l'une & l'autre efpeces, on y emploie de la cavalerie & de l'infanterie. On eft fouvent obligé dans les retraites d' efcarmoucher pour arrêter la marche de l'ennemi , & s'oppofer aux différens corps de troupes légères qui veulent harceler l'armée qui fe retire. Voye^ dans les études militaires de M. Bottée , p. 438 y la manière & efcarmoucher , & les différens mouvemens auxquels on doit exer» cer le foldat pour lui faire exécuter facile- ment l'ordre qu'il doit obferver en efcar- mouchant. (Q) ESCAROTIQUE , f. m. ( Chimrg. ) tout médicament qui appliqué extérieure- ment fur les chairs , y produit des croûtes ou des efcares , en brûlant , en rongeant, ou en confumant ces chairs. Un efcarotique s'appelle autrement caujhque ou cautère. V. ces deux mots. Article de M. le Cheva- lier de Jaucourt. ESCARPE , f. f. c'eft dans la Fortifi- cation le côté du revêtement du rempart , qui fait face à la campagne. Voye^ REVÊ- TEMENT. Uefcarpe commence au cordon , & elle fe termine au fond du foiTé. La ligne qui termine le fofTé du côté de la campagne, fe nomme contrefcarpe y parce qu'elle eft oppofée à Yefcarpe. V. CONTRESCARPE. CQJ ESCARPIN, f. m. ÇCordonn.) la plus légère des chaufïures d'hommes ; c'eft un foulier à fi-nple femelle. Voye\ SOULIER. ESCARPOLETTE , f. f. ( Gymn. ) exercice de campagne qui confifte à s'aflèoir & à fe balancer fur une planchette , attachée par fes extrémités à deux cordes quife ten- dent à deux arbres éloignés d'une diftance convenable , & qui la tiennent fufpendue en l'air à la hauteur qu'on fouhaite. Une ou deux perfonnes entretiennent la planchette en volée , en poufTant les cordes , lorfque la planchette eft defcendue â fon point le plus bas , du côté où elle va remonter. ESCARTABLE , adj. (Fauconnerie.) fe dit des oifeaux fojets à s'écarter, tels que font les plus vêtus &1js plus coutumiers de Iiiiii 2 9*8 ESC monter en eftbr , quand le chaud les prefie. ESCART-DOUCE , f. £ (Corn.) coton qui vient d'Amérique par la voie de Mar- feille. ESCARTS ou ESCAS , f. m. (Jarifpr.) eft un droit dû au feigneur dans quelques coutumes fur tous les biens-meubles & ca- teux qui viennent & échéent , foit par do- nation , fuccellion , ou autrement , d'un bourgeois ou bourgeoife , en la main d'une perfonne foraine , c'eft-à-dire qui n'efr pas bourgeois ou bourgeoife du lieu. Ce droit eft au Aï dû par la femme ou fille bourgeoife qui fe marie à un forain. Ce droit parok être un reftedelafervitudeperfonnelle où étoient autrefois tous les fujets de ces feigneurs , & fïnguliérement du droit que ces feigneurs avoient de fuccéder à leurs fujets main- mortables qui ne furent affranchis qu'à de certaines conditions , telles que ce droit ftefcarts ou efcas dans les coutumes de la ville & échevinage de Douai , ch. xv. Ce droit eft de 10 liv. pour ioo liv. Il eft auftî parlé* de ce droit d'efcas & des meubles ef- cajjables , c'eft-à- dire , fujets à ce droit dans la coutume locale de Seclin & de la Baflee fous /Lille , où ce droit eft du dixième , & a lieu fur les meubles cateux & héritages réputés pour meubles. Voye\ le glojjaire de M. de Lauriere , au mot Efcarts. (A) Esc ARTS , f. mJ^Com.) c'eft ainfî qu'on appelle certains cuirs qui viennent d'Alexan- drie : on donne le même nom en Barbarie a la plus mauvaife forte de ceux que les Francs négocient avec les Maures. Les bons s'appellent forouoc. ESCAS ,(Jurifprud.) eft la même chofe qu' efcarts. Voy. ci- devant Es C A RTS. (A) ESCASS ABLE , (Jurifprud.) meubles efcajjables, c'eft-à-dire , fujets au droit d'ef- carts ou efcas. V.ci-depant Escarts. (A) ESCAVESSADE, f. f. (Manège.) ex- preflionquifignifie proprement unelecouftè des longes d'un cavefto.n quelconque qu'un cavalier tient dans fes mains lorsqu'il eft à cheval , & par le moyen defquelles il prétend relever l'animal , le placer , le retenir , ùc. ou une fecoufle de la longe feuie placée à l'anneau du milieu de ce même caveftbn , & donnée par exemple , par le piqueur ou le palefrenier à pié , dans le temps qu'un cheval trottant à la longe fur les cercles , ESC hâte trop fon aétlon & veut paflèr â celle du galop. Voye\ Longe. U efcavejjade eft un châtiment , puifqu'il en réfulte un coup plus ou moins fort du caveftbn fur le nez du cheval. Nous avons banni cet appareil d'inftru- mens plus ou moins cruels , ces caveflbns de chaînes , ces caveftbns retors , ces fe- quettes , d'une , de deux , ou de trois pièces, & nous ne faifons ufage dans de certains cas que du fîmple caveftbn brifé , lequel eft compofé de trois pièces unies & de fer , repliées de manière qu'afttmblées par char- nières , elles embraflent précifément le nez de Panimal. Ces trois pièces font fixées fur cette partie par le moyen de deux montans de cuir auxquels elles font fufpendues , par une fougorge , un frontail , & un petit bouc de cuir , qui avec elles achèvent de former poftérieurement la muferolle. De chacune de ces pièces , part un anneau de fer ; j'ai déjà parlé de l'utilité de celui du milieu : à l'égard àes deux autres , ou de chacun de ceux qui font dans les côtés , on y pafte des rênes , lorfqu'on ne veut pas confier la bouche de fon cheval au palefrenier que l'on charge de le promener , ou deux longes de cordes tenues par deux hommes difterens pour fe rendre maîtres de l'animal , fars s'expofer à lui ofFenfer les barres ; & fou vent encore on a la précaution de garnir ce ca- veftbn , & de le rembourrer dans la crainte de faire une impreflion trop vive , & de blefter ou d'entamer la partie fur laquelle il repofe. Le cavefîbn dont nous nous fervons pour arrêter & pour maintenir un cheval dans les piliers , eft très-fort , & uniquement fait avec du cuir. Quelques-uns l'appellent ca- vejjine. Il eft pareillement compofé d'un deftiis de têre , d'une fougorge , dr un fron- tail , de deux montans & d'une muferolle , aux deux côtés de laquelle font fermement arrêtés deux anneaux de fer deftinés à re- cevoir les longes qui s'y bouclent , par celle de leurs extrémités qui fe trouve garnie d'un cuir , tandis que l'autre eft engagée dans le trou pratiqué dans les piliers. Voye^ Piliers. Tous les écuyers étrangers vantent una*- nimement les eftèts admirables du cavef- fon ; félon eux , il n'eft que ce moyen de ESC retenir , de relever , d'alléger , d'aflbuph'r le cheval , d'affurer fa tête & de le drefler en un mot , parfaitement & à toutes fortes d'airs fans offenfer fa bouche ; en confé- quence , ils ne ceffent de nous reprocher l'ebftination avec laquelle ils croient que nous affectons de ne p3s vouloir les imiter en ce point. Nous n'avons d'autre reponfe à leur faire , fi ce n'eft que , fi par le fecours de la bride feule nous parvenons à conduire l'animal à un degré de perfection qui ne le cède point à celui où ils le mètrent eux- mêmes , notre méthode doit inconteftable- ment obtenir la préférence. Ainfi il feroit fuperflu de nous perdre les uns & les autres dans de vains raifonnemens ; & une quef- tion que l'on peut décider par les faits ceflè bientôt d'en être une. Je fais qu'on pourroit nous oppofer ttau- torité du fameux duc de Newkaftle ; mais quelque refpectable qu'elle foit , elle ne fauroit l'emporter fur l'évidence d'une preuve aufli convaincante ; d'ailleurs , il n'eft pas douteux qu'il eft très-difficile que des mains habituées dans des manèges à n'agir qu'avec une force confidérable , & à opérer fur des chevaux de manière à les précipiter dans une contrainte , telle que celle dont les eftampes qui ornent l'ouvrage de cet auteur célèbre nous préfentent une image fidelle , puifïènt revenir à ce fenti- ment fin , fubtil & délicat , qui diftinguera toujours le véritable homme de cheval de cette multitude innombrable de prétendus praticiens qui n'en ont que la forme & l'apparence (e) ESCAUT , (Géogr. moderne. J rivière des Pays-bas. Elle prend fa»fource à Beau- revoir , village du Vermandois , paffe dans la Flandre : elle fe divife en deux branches , dont 1 une va dans le voifinage de Berg-op- zoom , & fe nomme YEfcaut oriental y & l'autre à Flefïingue , & fe nomme YEfcaut occidental ; ces deux branches fe jettent dans la mer d'Allemagne. ESCUARS , CMarine.J Voy. Echars. ESCHE -iTEUR , f. m. (HiJL moderne.) ito\t autrefois en Angleterre le nom d'un officier qui avoit foin des efchéats ou efeas an roi dans une certaine étendue de pays , fc d'en certifier l'échiquier ou la chancel- lerie. Voye\ ESCAS^ ESC 989 Il étoit nommé par le lord tréforier ; cette charge ne duroit qu'une année ; & perfonne ne pouvoit la pofleder plus d'une fois en trois ans. Mais comme elle dépen- doit principalement de la cour des forêts , elle n'exifte plus aujourd'hui. On trouve dans la collection de Rymer plufieurs actes d'Henri VIII & d'Elifabeth, qui commencent par ces mots : Rex efcae- torifuo in comitatu Wigormœ ; Regina ef- caetorifuo , &c. Chambers. (G) ESCHILLON , f. m. (Manne.) eft un terme dont fe fervent les matelots de la mer méditerranée , qui fignifie une nuée noire y dont fort une longue queue qui eft une forte de météore que les matelots crai- gnent autant que la plus forte .tempête : cette queue va toujours en diminuant ; & s'alongeant dans la mer , elle en tire l'eau comme une pompe ; en forte que l'on voit cette eau qui bouillonne tout autour , tant l'attraction paroît violente. La fuperftition de ceux qui craignent cette nuée , fait qu'ils piquent dans le mât un couteau à manche noir , perfuadés qu'en faifant cela ils dé- tourneront l'orage. Voyez PucHOT. (Z) ESCHILSTUNA , (Géographie.) ville de Suéde , dans la Sudermanie & dans- la préfecture de Nykioping , au bord du. lac de Hielmar , qui commence delà à fe jeter vers le Maler. Son nom lui vient d'Efchil , faint homme , qui , l'an 1082 ,. paflà d'Angleterre en Sudermanie , pour y porter la lumière de l'évangile , & qui réuflïflànt avec éclat dans cette entreprife , devint le premier évêque de la contrée. Dans le fîecle pafïe , cette ville fut réunie avec celle de Karl-Guftavsftadt , qui en eft tout proche , & qui après cette con- jonction occupe avec elle la quarante & unième place à la diète dans l'ordre des. villes. ( I). G.) m * ESCHINADES , ou ECHINADES,, f. f. pi. ^Mythologie.) Cinq naïades Etolien- nes fù^F un facrifice de dix taureaux , auqudMlîes invitèrent tous les dieux cham- pêtres^ excepté Achéloiïs. Ce fleuve cour- roucé gonfle fes eaux , & entraîne dans la mer , & les nymphes , & le lieu de leur facrifice. Neptune touché de leur fort les métamorphofa en iiles , & ce font elles 990 ESC qu'on connoît aujourd'hui fous le nom de Curfolaires. ESCHRAKITES , ou ERASKITES , f. m. ( Hiftoire moderne. ) fe&e dephilofo- phes mahométans , qui adhèrent à la doc- trine & aux opinions de Platon. Ce mot eft dérivé de l'Arabe fchraka , qui lignifie briller y éclairer comme le fo- leil , de forte que efchrakite femble figni- fier illuminé. Les efchrakites ou platoniciens maho- métans font confifter le bonheur fuprême & le fouverain bien dans la contemplation de la majefté divine , & méprifent l'idée grofïiere & matérielle que l'alcoran donne du paradis. Voye^ MaHOMÉTISME. Ils évitent avec beaucoup de foin toute forte de vices , confervent autant qu'ils le peuvent légalité & la tranquillité d'ame , aiment la mufique , & s'amufent à com- poser de petits poèmes ou chants fpirituels. Les fchéics ou prêtres , & les principaux prédicateurs dt.s mofquées impériales , font efchrakites. Diâionnaire de Trévoux & Chambers. ÇQ) ESCHWEGfi, (GéogrJ ville d'Alle- magne , dans îe c ircle du haut Rhin , & dans la Hefie inférieure fur la rivière de la Wtria. C'eft une des plus anciennes de l'Empire , &: Turc des premières qu'aient tenue en fief les ducs de Biabant , faits landgraves de Hefte fous l'empereur Adol- phe, vers la fin du XIII. fiecle. Elle appar- tient , avec le bailliage , qui eft de fon refïbrt , à la branche apanagée de HeiTe- Rheinfels- Wanfried ; & elle renferme entr'autres un château & deux églifes de paroifiès. Le pont de pierre qu'elle a fur la Werra , eft un des endroits de pafTage les plus fréquentés entre la HefTe , la Thu- ringe , & les pays de Brunfwick. CD. G.) ESCLAMÈ , (Manège. ) terme qui n'eft pas moins inufité que le mot eflrac. L'un & l'autre étoient fynonymes. V'oye^ Etroit. ESCLAIRE. Ç Fauconnerie. yf^Çt ainfi qu'on appelle un oifeau dont le Çtfps eft d'une belle longueur , & qui n'éW point épaulé. On dit que les efclaires font plus beaux voleurs que les gouîîans , ou ceux qui font courts & bas aflis. ESCLAVAGE, f. m. ( Droit naturel, ESC Religion > Morale. ) Vefclavage eft 1 eta- bliflement d'un droit fondé fur la force , lequel droit rend un homme tellement propre à un autre homme , qu'il eft le maître abfolu de fa vie , de les biens , & de fi liberté. Cette de'finition convient prefeue éga- lement à Yefclavage^c'ivil , & à Yefclapage politique : pour en crayonner l'origine , la nature & le fondement , j'emprunterai bien des chofes de l'auteur de l'efprit des loix , fans ra'arrêter à louer la folidité de fes principes , parce que je ne peux rien ajouter à fa gloire. Tous les hommes naiftent libres ; dans le commencement ils n'avoient qu'un nom , qu'une condition ; du temps de Saturne & de Rhée , il n'y avoit ni maîtres ni efclaves, dit Plutarque : la nature les avoit faits tous égaux ; mais on ne conferva pas long-temps cette égalité naturelle : on s'en écarta peu à peu , la fervitude s'introduifit par degrés, &: vraifemblablement elle a d'abord été fondée fur des conventions libres , quoique la nécefTité en ait été la fource & l'origine. Lorfque par une fuite néceflaire de la multiplication du genre humain on eue commencé par fe laflèr de la fimplicité des premiers fiecles , on chercha de nouveaux moyens d'augmenter les aifances de la vie, & d'acquérir des biens fuperflus ; il y a beaucoup d'apparence que les gens riches engagèrent les pauvres à Travailler pour eux , moyennant un certain falaire. Cette reftource ayant paru très -commode aux uns & aux autres , plufieurs fe réfolurent à aflurer leur état , & à entrer pour tou- jours fur le ruême pié dans la famille de quelqu'un , à condition qu'il leur fourni- roit la nourriture & toutes les autres chofes néceiiàires à la vie ; ainfi la fervitude a d'abord été formée par un libre confente- ment , & par un contrat de faire afin que l'on nous donne : do utfacias. Cette fociété étoit conditionnelle , ou feulement pour certaines chofes , félon les loix de chaque pays , & les conventions des intéreffés ; en un mot , de tels efclaves n'étoient pro- prement que des ferviteurs ou des mer- cenaires , aflez femblables à nos domef- tiques. Mais on n'en demeura pas là t on trouva ES C tant davantage à faire faire par autrui ce que l'on auroit été obligé de faire foi- méme , qu'à mefure qu'on voulut s'agran- dir les armes à la main , on établit la cou- tume d'accorder aux prifonniers de guerre , la vie & la liberté corporelle , à condition qu'ils ferviroient toujours en qualité d'ef- claves , ceux entre les mains defquels ils étoient tombés. Comme on confervoit quelque refte de refîèntiment d'ennemi contre les malheu- reux que l'on réduifoit en esclavage par le droit des armes , on les traitoit ordinaire- ment avec beaucoup de rigueur ; la cruauté parut exculable envers des gens de la part de qui on avoit couru rifque d'éprouver le même fort ; de forte qu'on s'imagina pou- voir impunément tuer de tels efclaves, par un mouvement de colère , ou pout la moin- dre faute. Cette licence ayant été une fois autorifée, on l'étendit , fous un prétexte encore moins plaufible , à ceux qui étoient nés de tels efclaves , & même à ceux que l'on achetoit ou que l'on acquéroit de quelque autre manière que ce fût. Ainfi la fervitude vint à fe naturalifer , pour ainfi dire , par le fort de la guerre : ceux que la fortune favo- rifa , & qu'elle laifla dans l'état où la nature les avoit créés , furent appelles libres ; ceux au contraire que la foiblefîè & l'infortune afTujettirent aux vainqueurs, furent nommés efclaves; & les philofophes, juges du mérite des actions des hommes, regardèrent eux- mêmes comme une charité , la conduite de ce vainqueur, qui de fon vaincu en faifoitufon efclave , au lieu de lui arracher la vie." La loi du pL', fort , le droit de la guerre injurieux à la nature , l'ambition , la foif des conquêtes, l'amour de la domination & de la mollefle introduifirent Vefclavage y qui , à la honte de l'humanité , a été reçu par prefque tous les peuples du monde. En effet , nous ne faurions jeter les yeux fur l'hiftoire facrée , fans y découvrir les hor- reurs de la fervitude : l'hiftoire profane , celle des Grecs , des Romains , & de tous les autres peuples qui parlent pour les mieux policés , font autant de monumens de cette ancienne injuftice excercée avec plus ou moins de violence fur toute la face de la ESC 991 terre , fuivant les temps , les lieux & les nations. Il y a deux fortes d'efclavages ou de fer- vitudes , la réelle & la perlbnnelle : la fer- vitude réelle eft celle qui attache Pefclave aux fonds de la terre ; la fervitude perfon- nelle regarde le miniftere de la maifon , & fe rapporte plus à la perfonne du maître. L'abus extrême de Vefclavage eft lorfqu'il fe trouve en même temps perfonnel & réel. Telle étoit chez les Juifs la fervitude des étrangers ; ils exerçoient à leur égard les traitemens les plus rudes : en vain Moïfe leur crioit , « vous n'aurez point fur vos » efclaves d'empire rigoureux ; vous ne les t> opprimerez.point. s? Il ne put jamais venir à bout , par fes exhortations , d'adoucir la dureté de fa nation féroce : il tâcha donc par fes loix d'y porter quelque remède. Il commença par fixer un terme à Vefcla- vage y & par ordonner qu'il ne dureroit tout au plus que jufqu'à l'année du jubilé pour les étrangers , & par rapport aux Hébreux pendant l'efpace de fix ans. Lévit y ch. xxv y f. 39. Une des principales raifons de fon inftî- tution du fabbat , fut de procurer du relâche aux ferviteurs & aux efclaves. Exode y ch. xx Ù xxiij ; Deute'ronome y ch. xvj. Il établit encore que perfonne ne pour- roit vendre fa liberté , à moins qu'il ne fût réduit à n'avdir plus absolument de quoi vivre. Il preferivit que quand les efclaves fe racheteroient , on leur tiendroit compte de leur fervice , de la manière que les revenus déjà tirés d'une terre vendue en- troient en compenfation dans le prix du rachat , lorfque l'ancien propriétaire la re- couvroit. Deute'ronome y ch. xv ; levitiq. ch. xxv. Si un maître avoit crevé un œil ou caffé une dent à fon efclave ( & à plus forte raifon fans doute s'il lui avoit fait un mal plus confidérable ) , l'efclave devoit avoir fa liberté , en dédommagement de cette perte. Une autre loi de ce légiflateur porte que fi un maître frappe fon efclave , & que l'efclave meure fous le bâton , le maître doit être puni comme coupable d'homicide : il eft vrai que la loi ajoute que fi l'efclave 99* ESC vit un jour ou deux , le maître eft exempt de la peine. La raifon de cecce loi étoit peut- être que quand l'efciave nemouioitpas fur le champ , on préfumoit que le maître n'a voit pas eu deflèin de le tuer ; & pour lors on le croyoit allez puni d'avoir perdu ce que l'efciave lui avoit coûté , ou le fervice qu'il en auroit tiré : c'elt du moins ce que donnent à. entendre les paroles qui fuivent le texte , car cet efclave eft fon argent. Quoi qu'il en foit , c*étoît un peuple bien étrange , fuivant la remarque de M. de Montefquieu , qu'un peuple où il falloit que la loi civile fe relâchât de la loi naturelle. Ce n'eft pas ainfi que S. Paul penfoit fur cette matière , quand prêchant la lumière de l'évangile , il donna ce précepte de la nature & de la religion , qui devroit être profondément gravé dans le cœur de tous les hommes : maîtres ( épître aux Co- \o(T. jv , i , ) rende\ à vos enclaves ce que le droit & V équité demandent de vous y fâchant que vous ave\ un maître dans le ciel y c'eft-à-dire , un maître qui n'a aucun égard à cette diftindion de conditions, forgée par l'orgueil & l'injuftice. Les Lacédémoniens furent les premiers de la Grèce qui introduifîrent l'ufage des efclaves , ou qui commencèrent à réduire en fervitude les Grecs qu'ils avoient faits prifonniers de guerre : ils allèrent enoxe plus loin ( & j'ai grand regret de ne pou- voir tirer le rideau fur cette partie de leur hiftoire ) , ils traitèrent les Ilotes avec la dermere barbarie Ces peuples , habitans du territoire de Sparte , ayant été vaincus dans leur révolte par les Spartiates , furent condamnés à un efclavage perpétuel , avec la défenfe aux maîrres de les affranchir ni de les vendre hors du pays : ainfi les Ilotes fe virent fournis à tous les travaux hors de la maifon , & à toutes fortes d'infultes dans la maifpn ; l'excès de leur malheur alloit au point qu'ils nétoient pas feulement efclaves d'un citoyen , mais encore du public. Plufieurs peuples n'ont qu'un efcla- vage réej , parce que leurs femmes & leurs entans font les travaux domeftiques : dau*- Jres ont un efclavage perfonnel , parce que h luxe demande le fervice des efclaves dans h maifon ; mais ici on joignojt dans les ESC mêmes perfonnes X efclavage réel & V efcla- vage perfonnel. il n'en étoit pas de même chez les autres peuples de la Grèce ; l 'efclavage y étoit extrêmement adouci , & même les efclaves trop rudement traités par leurs maîtres pouvoient demander d'être vendus à un autre. C'eft ce que nous apprend Plutar- que, de fuperjlitione y p. 66 } t. Inédit, de WecheL Les Athéniens en particulier , au rapport de Xénophon , en agifîoient avec leurs efclaves avec beaucoup de douceur : ils punifïbient févérement , quelquefois même * de mort, celui qui avoit battu l'efciave d'un autre. La loi d'Athènes , avec raifon , ne vouloit pas ajouter la perte de la fureté à celle de la liberté ; auffi ne voit-on point que les efclaves aient troublé cette répu- blique , comme ils ébranlèrent Lacédé- mone. Il eft aifé de comprendre que l'huma- nité exercée envers les efclaves peut feule prévenir , dans un gouvernement modéré , les dangers que l'on pourroit craindre de leur trop grand nombre. Les hommes s'ac- coutument à la fervitude , pourvu que leur maître ne foit pas plus dur que la fervi- tude : rien n'eft plus propre à confirmer cette vérité , que l'état des efclaves chez les Romains dans les beaux jours de la république ; & la confédération de cet état mérite d'attacher nos regards pendant quelques momens. Les premiers Romains traitoient leurs efclaves avec plus de bonté que l'a ja- mais fait aucun autre peuple : les maîtres les regardoient comme leurs compa- gnons ; ils vivoient, travaiHdieftt & man- geoient avec eux. Le plus grand châtiment qu'ils infligeoient à un efclave qui avoic commis quelque faute , étoit de lui atta- cher une fourche fur le dos ou fur la poitrine , de lui étendre les bras aux deux bouts de la fourche , & de le promener ainfi dans les places publiques ; c'étoit une peine ignominieufe , & rien de plus : les mœurs fuffîfoient pour maintenir la fidélité des efclaves. Bienrloin d'empêcher par des Ioix for> cées la multiplication de ces organes vi- vans & animés de l'économique , ils la favorifoient ESC favorîfoîent au contraire de tout leur pou- voir , & les afTocioient par une efpece de mariage , contuberniis. De cette manière ils remplifïbient leurs maifons de domef- tiques de l'un & de l'autre fexe , & peu- pioient Tétât d'un peuple innombrable ; les enfans des efclaves qui faifoient à Ja longue la richefîe d'un maître , naifïbient en confiance autour de lui ; il étoit feul chargé de leur entretien & de hfur éduca- tion. Les pères , libres de ce fardeau , fuivoient le penchant de la nature , & multiplioient fans crainte une nombreufe famille ; ils voyoient , fans jaloufie , une heureufe fociété , dont ils fe regardoient comme membres ; ils fentoient que leur ame pouvoit s'élever comme celle de leur maître, & ne fentoient point la différence qu'il y avoit de la condition d'efclave à celle d'un homme libre : fouvent même des maîtres généreux faifoient apprendre à ceux de leurs efclaves qui montroient des talens , les exercices , la mufique & les lettres grecques ; Térence & Phèdre font d'affez bons exemples de ce genre d'édu- cation. La république fe fervoitavec un avantage infini de ce peuple d'efclaves , ou plutôt de fujets : chacun d'eux avoit fon pécule, c'eft-à-dire , fon petit tréfor , fa petite bourfe , qu'il pofTédoit aux conditions que fon maître lui impofoit. Avec ce pécule il travailloit du côté où le portoit fon génie ; celui-ci faifoit la banque , celui-là fe don- noit au commerce de la mer ; l'un ven- doit des marchandifes en détail , l'autre s'appliquoit à quelque art méchanique , afîèrmoit ou faifoit valoir des terres : mais il n'y en avoit aucun qui ne s'attachât à faire profiter ce pécule , qui lui procuroit en même temps l'aifance dans la fervitude préfente , & l'efpérance d'une liberté fu- ture. Tous ces moyens répandoient l'abon- dance , animoient les arts & l'induftrie. Ces efclaves , une fois enrichis , fe fai- foient affranchir & devenoient citoyens; la république fe réparoit fans cefTe , & rece- voit .dans fon fein de nouvelles familles à mefure que les anciennes fe détruifoient. Tels furent les beaux jours de Yefclavage , tant que les Romains conferverent leurs mœurs & leur probité. Tome XII. ESC 993 Mais lorfqu'ils fe furent agrandis parleurs conquêtes & par leurs rapines , que leurs efclaves ne furent plus les compagnons de leurs travaux , & qu'ils les employèrent à devenir les inftrumens de leur luxe & de leur orgueil , la condition des efclaves changea totalement ie face : on vint à les regarder comme la partie la plus vile de la nation , & en conféquence on ne fie aucun fcrupule de les traiter inhumaine- ment. Par la raifon qu'il n'y avoit plus de mœurs , on recourut aux loix ; il en fallut même des terribles pour établir la sûreté de ces maîtres cruels , qui vivoient au mi- lieu de leurs efclaves comme au milieu de leurs ennemis. On fit fous Augufte , c'eft-à-dire , au commencement de la tyrannie, le fénatus- confulte Syllanien , & plufieurs autres loix qui ordonnèrent que lorfqu'un maître fe- roit tué , tous les efclaves qui étoient fous le même toit , ou dans un lieu aiTez près de la maifon pour qu'on pût entendre la voix d'un homme , feroient condamnes à la mort : ceux qui dans ce cas réfugioienc un efclave pour le fauver , étoient punis comme meurtriers. Celui-là même à qui fon maître auroit ordonné de le tuer, & qui lui auroit obéi , auroit été coupable : celui qui ne l'auroit point empêché de fe tuer lui-même auroit été puni. Si un maî- tre avoit été tué dans un voyage , on faifoit mourir ceux qui étoient reftés avec lui & ceux qui s'étoient enfuis . ajoutons que ce maître*, pendant fa vie , pouvoit tuer im- punément fes efclaves & les mettre à la torture. Il eft vrai que dans la fuite il y eut des empereurs qui diminuèrent cette au- torité : Claude ordonna que les efclaves qui , étant malades , auroient été aban- donnés par leurs maîtres , feroient libres s'ils revenoient en fanté. Cette loi afîùroit leur liberté dans un cas rare ; il auroit encore fallu aiîurer leur vie , comme le dit très-bien M. de Montefquieu. De plus , toutes ces loix cruelles , dont nous venons de parler , avoient même lieu contre les efclaves dont l'innocence étoit prouvée ; elles n'étoient pas dépendan- tes du gouvernement civil, elles dépendoient d'un vice du gouvernement civil; elles ne dérivoient point de l'e'quité des loix KNrkkkk 994 ESC civiles , puifqu'elles étoient contraires au principe des loix civiles : elles croient pro- prement fonde'es fur le principe de la guerre , à cela près que c'étoit dans le fein de l'état qu'étoient les ennemis. Le iénaais- confulte Sylianien dérivoit , dira-t on , du droit des gens, qui veut qu'une fociété, même j imparfaite, fe conferve : mais un législateur éclairé prévient l'affreux malheur de de- venir un légillateur terrible. Enfin , la barbarie fur les efclaves fut pouffée fi loin , qu'elle produifit la guerre civile que Florus compare aux guerres puniques , & qui , par fa violence , ébranla l'empire Romain jufques dans fes fondemens. J'aime à fonger qu'il eft encore fur la terre d'heureux climats , dont les habitans font doux , tendres & compatiiïàns : tels font les Indiens de la prefqu'ille , en deçà du Gange ; ils traitent leurs efclaves comme ils fe traitent eux-mêmes; ils ont foin de leurs enfans ; ils les marient , & leur accordent aifément la liberté. En général , les efclaves des peuples fimples, laborieux, & chez qui règne la candeur des mœurs , font plus heureux que par-tout ailleurs; ils ne fou firent que Yefclavage réel , moins dur pour eux , & plus utile pour leurs maî- tres : tels étoient les efclaves des anciens Germains. Ces peuples , dit Tacite , ne les tiennent pas comme nous dans leurs maifons pour les y faire travailler chacun à une certaine tâche , au contraire ils alignent à chaque efclave fon manoir particulier , dans lequel il vit en peré" de famille ; toute la fervitude que le maître lui impofe , c'eft de l'obliger à payer une redevance en grains , en bétail , en peaux , ou en étoffes : de cette manière , ajoute l'hiftorien , vous ne pourriez diftinguer le maître d'avec l'efclave par les délices de la vie. Quand ils eurent conquis les Gaules , fous le nom de Francs y ils envoyèrent leurs efclaves cultiver les terres qui leur échurent par le fort : on les appelloit gens de poe\e, en latin gentes potejiatis, attachés à la glèbe , addiâi glebœ ; & c'eft de ces ferfs que la France fut depuis peuplée. Leur multiplication fit prefque autant de villa- ges des fermes qu'ils cultivoient , & ces terres retinrent le nom de villa » que les ESC Romains leur avoient donné; d'où font venus les noms de villages & de vdlains , en latin villa & villani y pour dire des gens de la^ campagne & d'une bajje extrac- tion; ainil l'on vit en France deux efpeces d'efciaves , ceux des Francs & ceux des Gaulois , & tous alloient à la guerre > quoi qu'en ait pu dire M. de Boulain- viiliers. Ces efclaves appartenoient à leurs pa- trons , dont ils écoient réputés hommes de corps y comme on parloit alors : ils devin- rent , avec le temps , fujets à de rudes cor- vées , & tellement attachés à la terre de leurs maîtres , qu'ils fembloient en faire partie ; en forte qu'ils ne pouvoient s'éta- blir ailleurs , ni même fe marier dans la terre d'un autre feigneur fans payer ce qu'on appelloit le droit de fors-mariage ou de mémariage ; & même les enfans qui provenoient de l'union de deux efclaves qui appartenoient à différens maîtres , fe partageoient , ou bien l'un des patrons, pour éviter ce partage , donnoit un autre efclave en échange. Un gouvernement militaire , où l'auto- rité fe trouvoit partagée entre plulleurs feigneurs , devoir dégénérer en tyrannie ; c'eft auffi ce qui ne manqua pas d'arri- ver : les patrons eccléfiaftiques & laïques abuferent par-tout de leur pouvoir fur leurs efclaves ; ils les accablèrent de tant de tra- vaux , de redevances , de corvées , & de tant d'autres mauvais trairemens , que les malheureux ferfs , ne pouvant plus fup- porter la dureté du joug , firent , en 1 108 , cette fameufe révolte décrite par les hifto- riens , & qui aboutit finalement à procurer leur affranchiflèrnent ; car. nos rois avoient jufqu'aîors tâché , fans aucun fuccès , d'a- doucir , par leurs ordonnances , l'état de Y efc lavage. Cependant le chriftianifme commençant à s'accréditer, l'on embrafïa des fentimens. plus humains ; d'ailleurs , nos fonverains , déterminés à abaifièr les feigneurs & à tirer le bas peuple du joug de leur puifïànce , prirent le parti d'affranchir les efclaves. Louis le Gros montra le premier l'exemple ; & en afïranchifTant les ferfs en 113$ , ilréuP- fit en partie à reprendre fur fes vafTaux l'au- torité dont ils s'écoient emparés: Louis.YjJI. ESC ESC 99 fignala le ccmmen cément de Ton règne ' n'être point afTiijetti à lautorité légiflativé par un fembliible affranchifièmcnt en 12^.^; de qui que ce foit, mais de fuivre feule- enfin , Louis X die Hucin > donna for ce ment les loix de la nature: la liberté dans fujet un édit qui nous parott digne d être la jocieté eft d'être fournis à un pouvoir ici rapporté. " Louis , par la grâce de ; iégiilatif établi par le confencement de la de France & de Navarre : | communauté, & non pas d'être fujet à la rapporte n Dieu , roi » à nos amés & féaux comme ieion n le droit de nature chacun doit naître ?> franc .... nous , confidérant que no^re n royaume eft dit & nommé le royaume n des Francs > & voulant que la chofe en n vérité foit accordante au nom .... par >y délibération de notre grand confeil, n avons ordonné & ordonnons que géné- t> ralement par tout notre royaume n franchife foit donnée à bonnes & va!a- » blés conditions.... & pour ce que tous les n feigneurs qui ont hommes de corps pren- » nent exemple à nous de ramener à fran- » chife , &c. Donné à Paris le tiers juillet , » l'an de grâce 13 15 ». Ce ne fut toutefois que vers le XV fiecle que Yefclavcge fut aboli dans la plus grande partie de l'Europe : cependant il n'en fub- fifte encore que trop de reftes en Pologne, en Hongrie , en Bohême , & dans plusieurs endroits de la baffe Allemagne ; voye\ les ouvrages de MM. Thomafîus & Hertins : il y en a même quelques étincelles dans nos coutumes , voye\ Coquille. Quoi qu'il en foit , prefque dans l'efpace du fiecle qui fui vit l'abolition de Yefclavage en Europe , les puifïances chrétiennes ayant fait des conquêtes dans ces pays où elles ont cru qu'il leur étoit avantageux d'avoir des efcJaves , ont permis d'en acheter & d'en vendre, & ont oublié les principes de la rature & du chriftianifme , qui rendent tous les hommes égaux. Après avoir parcouru Phiftoire de V es- clavage , depuis fon origine jufqu'à nos jours , nous allons prouver qu'il blefïè la liberté de l'homme ; qu'il eft contraire au droit naturel & civil ; qu'il choque les formes des meilleurs gouvernemens , & qu'enfin il eft inutile par lui-même. La liberté de l'homme eft un principe qui a été reçu Ion g- temps avant la naiffànce de J. C. par toutes les nations qui ont fait profefTion de générofîté. La liberté natu- relle de l'homme , c'eft de ne connoître au- cun pouvoir fouverain fur la terre , & de fantaifîe, à la voloméinconftante, incertaine & arbitraire d'un feu! homme en particulier. Cette liberté , par laquelle l'on n'eft point afîujetti à un pouvoir abfo!u, eft unie fi étroitement avec la confervation de l'hom- me , qu'elle n'en peut être féparée que par ce qui détruit en même temps fa confer- vation & fa vie. Quiconque tâche donc d'ufurper un pouvoir abfolu fur quel- qu'un , fe met par-là en état de guerre avec lui , de forte que celui-ci ne peut regarder le procédé de l'autre ,que comme un attentat manifefte contre fa vie. Ea effet , du moment qu'un homme veut me foumettre maigre moi à fon empire , j'ai lieu de préfumer que fî je tombe entre fes mains, il me traitera félon fon caprice „ & ne fera pas fcrupule de me tuer , quand la fantaifie lui en prendra. La liberté eft , pour ainfï dire , le rempart de ma confer- vation , & le fondement de toutes les au- tres chofes qui m'appartiennent. Ainfi , celui qui , dans l'état de la nature, veut me rendre efclave, m'autorife aie repouf- fer par toutes fortes de voies , pour met- tre ma perfonne & mes biens en fureté. Tous les hommes ayant naturellement une égale liberté , on ne peut les dépouiller de cette liberté , fans qu'ils y aient donné lieu par quelques actions criminelles. Cer- tainement , fi un homme , dans l'état de nature , a mérité la mort de quelqu'un qu'il a ofîènfé, & qui eft devenu en ce cas maître de fa vie, celui-ci peut, lorf- qu'il a le coupable entre fes mains , trai- ter avec lui , & l'employer à fon fervice , en cela il ne lui fait aucun tort ; car au fond , quand le criminel trouve que fon efclavage eft plus pefant & plus fâcheux que n'eft la perte de fon exiftence , il eft en fa difpofirion de s'attirer la mort qu'if defire , en réfifîant & défobéiffant à fon maître. Ce qui fait que la mort d'un criminel , dans la fociéeé civile , eft une choCi licite , c'eft que la loi qui le punit , a été faite en Kkkkkk 2 99$ ESC fa faveur. Un meurtrier , par exemple , a joui de la loi qui le condamne ; elle lui a confervé la vie à tous les inftans ; il ne peut donc pas réclamer contre cette loi. Il n'en feroit pas de même de la loi de Xefclavage ; la loi qui établiroit Xefclavage feroit dans tous les cas contre l'efclave, fans jamais être pour lui ; ce qui eft con- traire au principe fondamental de toutes les fociétés. Le droit de propriété fur les hommes ou fur les chofes , font deux droits bien difFérens. Quoique tout feigneur dife de celui qui eft fournis à fa domination , cette perfonne lu eft à moi ,• la propriété qu'il a fur un tel homme n'eft point la même que celle qu'il peut s'attribuer , lorfqu'il dit , cette ckofe-là eft à moi. La propriété d'une enofe emporte un plein droit de s'en fervir , de la confumer, & de la détruire , foit qu'on y trouve fon profit , oj par pur caprice ; en forte que de quelque manière qu'on en difpofe , on ne lui fait aucun tort : mais la même expreflion appliquée à une perfonne, lignifie feulement que le feigneur a droit , exclu- sivement à tout autre , de la gouverner & de lui preferire des loix , tandis qu'en même temps il eft fournis lui - même à plufîeurs obligations par rapport à cette même perfonne , & que d'ailleurs fon pouvoir fur elle eft très-limité. Quelques grandes injures qu'on ait reçues d'un homme , l'humanité ne permet pas , lorfqu'on s'eft une fois réconcilié avec lui , de le réduire à une condition où il ne refte aucune trace de l'égalité naturelle de tous les hommes ; & par conféquent de le traiter comme une bête , dont on eft le maître de difpofer à fa fantaifîe. Les peuples qui ont traité les efclaves comme un bien dont ils pouvoient difpofer à leur gré , n'ont été que des barbares. Non feulement on ne peut avoir de droit de propriété proprement dit fur les per- fonnes ; mais de plus , il répugne à laraifon , qu'un homme qui n'a point de pouvoir fur fa vie , puifte donner à un autre , ni de fon propre confentement , ni par aucune con- vention , le droit qu'il n'a pas lui-même. Il n'eft donc pas vrai qu'un homme libre puiflè fe vendre. La vente fuppofe un prix ; ESC l'efclave fe vendant , tous fes biens entrent dans la propriété du maître. Ainfi le maître ne donneroit rien , & l'efclave ne recevroit rien. Il auroit un pécule, dira-t-on, mais le pécule eft accefloire à la perfonne. La liberté de chaque citoyen eft une partie de la liberté publique : cette qualité, dans l'état populaire , eft même une partie de la fou- . veraineté. Si la liberté a un prix pour celui qui l'acheté , elle eft fans prix pour celui qui la vend. La loi civile , qui a permis aux hommes le partage des biens, n'a pu mettre au nombre j des biens une partie des hommes qui doi- vent faire ce partage. La loi civile quireftitue : fur les contrats qui contiennent quelque lé- fîon,ne peut s'empêcher de reftituer contre un accord , qui contient la léfion la plus énorme de toutes. Xefclavage n'eft donc pas moins oppolé au droit civil , qu'au droit naturel. Quelle loi civile pourroit empêcher un efclave de fe fauver de la fervkude , lui qui n'eft point dans la fociété , & que par conféquent aucune loi civile ne concerne ? Il ne peut être retenu que par une loi de : famille , par la loi du maître , c'eft-à-dire , i par la loi du plus fort. Si Xefclavage choque le droit naturel & le droit civil , il blefTe aufli les meilleures formes de gouvernement : il eft contraire au gouvernement monarchique , où il eft fouverainement important de ne point abattre & de ne point avilir la nature hu- maine. Dans la démocratie , où tout le monde eft égal , & dans l'ariftocratie , où les loix doivent faire leurs efforts pour que tout le monde foit aufîi égal que la nature du gouvernement peut le permettre , des efclaves font contre l'efprit de la conftitu- tion ; ils ne ferviroient qu'à donner aux citoyens une puifTance & un luxe qu'ils ne doivent point avoir. Déplus , dans tout gouvernement &dans tout pays , quelque pénibles que foient les travaux que la fociété y exige , on peut tout faire avec des hommes libres , en les en- courageant par des récompenfes & des pri- vilèges , en proportionnant les travaux à leurs forces , ou en y fuppléant par des ma- chines que l'art invente & applique fuivant les lieux & le befoin. Voye\ en les preuves dans M. de Montefquieu. ESC Enfin nous pouvons ajouter encore avec cet illuftre auteur , que Xefclavage n'eft utile ni au maître , ni à l'efclave : à l'efclave , parce qu'il ne peut rien faire par vertu ; au maître , parce qu'il contracte avec fes ef- claves toutes fortes de vices &de mauvaifes habitudes , contraires aux loix de la fociété; qu'il s'accoutume infenfiblement â manquer à toutes les vertus morales ; qu'il devient fier , prompt , colère , dur , voluptueux , barbare. Ainfi tout concourt à biffer à l'homme la dignité qui lui eft naturelle. Tout nous crie qu'on ne peut lui ôter cette dignité naturelle , qui eft la liberté : la règle du jufte n'eft pas fondée fur la puiflànce , mais fur ce qui eft conforme à la nature ; Xef- clavage n'eft pas feulement un état humiliant pour celui qui le fubit , mais pour l'huma- nité même qui eft dégradée. Les principes qu'on vient de pofer étant invincibles , il ne fera pas difficile de dé- montrer que Xefclavage ne peut jamais être coloré par aucun motif raifonnable , ni par le droit de la guerre , comme le penfoient les jurifconfultes Romains ; ni par le droit d'acquifition , ni par celui de la naiftànce , comme quelques modernes ont voulu nous le perfuader ; en un mot , rien au monde ne peut rendre Xefclavage légitime. Le droit de la guerre , a-t-on dit dans les fiecles paftes,autorife celui delJ 'efclavage, il a voulu que les prifonniers fuftent efcla- ves , pour qu'on ne les tuât pas ; mais au- jourd'hui on eft défabufé de cette bonté , qui confiftoit à faire de fon vaincu fon ef- clave , plutôt que de le mafïàcrer. Oo a compris que cette prétendue charité n'eft que celle d'un brigand , qui fe glorifie d'avoir donné la vie à ceux qu'il n'a pas tués. Il n'y a plus dans le monde que les Tartares qui partent au fil de l'épée leurs prifonniers de guerre , & qui croient leur faire une grâce , lorfqu'ils les vendent ou les diftribuent à leurs foldats : chez tous les autres peuples , qui n'ont pas dépouillé tout fentiment généreux , il n'eft permis de tuer à la guerre , que dans le cas de né- cefîité ; mais dès qu'un homme en a fait un autre prifonnier , on ne peut pas dire qu'il ait été dans la néceîïité de le tuer , puifqu'il ne l'a pas tué. Tout le droit que E S G 997 la guerre peut donner fur les captifs , eft de s'aflurer tellement de leurs perfonnes , qu'ils foient hors d'état de nuire. L'acquifition des efclaves , par le moyen de l'argent , peut encore moins établir le droit d' 'efclavage y parce que l'argent ou tout ce qu'il repréfente , ne peut donner le droit de dépouiller quelqu'un de fa liberté. D'ailleurs, le trafic des efclaves, pour en tirer un vil gain comme des bêtes brutes , ré- pugne à notre religion : elle eft venue pour effacer toutes les traces de la tyrannie. * Vefclavage n'eft certainement pas mieux fondé fur la naiftance ; ce prérendu droit tombe avec les deux autres; car fi un homme n'a pu être acheté , ni fe vendre , encore moins a-t-il pu vendre fon enfant qui n'étoit pas né. Si un prifonnier de guerre n'a pu être réduit en fervitude , encore moins fes enfans. En vain objecteroit-on que fi les enfans font conçus & mis au monde par une mère efclave , le maître ne leur fait aucun tort de fe les approprier , & de les réduire à la même condition ; parce que la mère n'ayant rien en propre , fes enfans ne peuvent être nourris que des biens du maître, qui leur fournit les alimens & les aunes choies nécefïàires à la vie , avant qu'ils foient en état de le fervir : ce ne font là que des idées frivoles. S'il eft abfurde qu'un homme ait fur un autre homme un droit de propriété , à plus forte raifon ne peut- il l'avoir fur fes enfans. De plus , la nature qui a donné du lait aux mères , a pourvu fuffifamment à leur nour- riture , & le refte de leur enfance eft fi près de lage où eft en eux la plus grande capa- cité de fe rendre utiles , qu'on ne pourroit pas dire que celui qui les nourriroit , pour être leur maître , donnât rien ; s'il a fourni quelque chofe pour l'entretien de l'enfant , l'objet eft fi modique , que tout homme quelque médiocres que foient les facultés de fon ame & de fon corps , peut dans un petit nombre d'années gagner de quoi acquitter cette dette. Si Xefclavage étoit fondé fur la nourriture , il faudroit le réduire aux per- fonnes incapables de gagner leur vie ; mais on ne veut pas de ces efdaves-Jà. Il ne fauroit y avoir de juftice dans la convention expreftè ou tacite , par laquelle la mère efclave afTujettiroit les enfans qu'elle 998 ESC mettroit au monde à la même condition dans laquelle elle eft tombée , parce qu'elle ne peut ftipuler pour fes enfans. On a dit , pour colorer ce prétexte de Vefclavage des enfans , qu'ils ne feroient point au monde , fi le maître avoit voulu ufer du droit que lui donne la guerre , de faire mourir leur mère ; mais on a fuppofé ce qui eft faux , que tous ceux qui font pris dans une guerre ( fût-elle la plus jufte du monde ) , fur- tout les femmes dont il s'agit, puiifent être légitimement tués. Efprit des loix , lit'. XV. C'étoit une prétention orgueilleufe que celle des anciens Grecs , qui s'imaginoient que les barbares étant efclaves par nature, (c'eft ainfi qu'ils parloient ) , & les Grecs libres , il étoit jufte que les premiers obéif- fent aux derniers. Sur ce pié-là , il feroit facile de traiter de barbares tous les peuples, dont les mœurs & les coutumes (eroient différentes des nôtres , & ( fans autre pré- texte ) de les attaquer pour les mettre fous nos loix. II n'y a que les préjugés de l'or- gueil & de l'ignorance qui faffent renoncer à l'humanité. C'eft donc aller directement contre le droit des gens & contre la nature , que de croire que la religion chrétienne donne à ceux qui la profeflent , un droit de réduire en fervitude ceux qui ne la profeflent pas , pour travailler plus aifément à fa propaga- tion. Ce fut pourtant cette manière de penfer qui encouragea les deftructeurs de l'Amé- rique dans leurs crimes ; & ce n'eft pas la feule fois que l'on fe foit fervi de la religion contre fes propres maximes , qui nous ap- prennent que la qualité de prochain s'étend fur tout l'univers. Enfin , c'eft fe jouer des mots , ou plutôt fe moquer , que d'écrire , comme a fait un de nos auteurs modernes , qu'il y a de la pétitefle d'efprit à imaginer que ce foit dé- grader l'humanité que d'avoir des efclaves , parce que la liberté dont chaque Européen croit jouir , n'eft autre chofe que le pouvoir de rompre fa chaîne , pour fe donner un nouveau maître ; comme fi la chaîne d'un Européen étoit la même que celle d'un ef- clave de nos colonies : on voit bien que cet auteur n'a jamais été mis en efclavage. Cependant n'y-at-il point de cas ni de ESC lieux où Vefclavage dérive de !a nature des chofes ? Je réponds , i°. à cette queftion qu'il n'y en a point ; je réponds enfùite , avec M. de Montcfquieu , que s'il y a des pays où Vefclavage paroiflè fondé fur une raifon naturelle , ce font ceux où la chaleur énerve le corps , & affaiblit fi fort le cou- rage , que les hommes ne font portés à un devoir pénible que par la crainte du châti- ment ; dans ces pays-là , le maître étant aufli lâche à l'égard de fon prince , que fon efclave l'eft à fon égard , Vefclavage civil y eft encore accompagné de Vefclavage poli- tique. Dans les gouvernemens arbitraires , on a une grande facilité à fe vendre , parce que Vefclavage politique y anéantit en quelque façon la liberté civile. A Achim , dit Dam- piere , tout le monde cherche à fe vendre : quelques-uns des principaux fei^neurs n'ont pas moins de mille efclaves , qui font des principaux marchands , qui ont aufîi beau- coup d'efclaves fous eux , & ceux-ci beau- coup d'autres ; on en hérite , & on les fait trafiquer. Là , les hommes libres , tropfoi- bles contre le gouvernement , cherchent à devenir les efclaves de ceux qui tyrannifent le gouvernement. Remarquez que dans les états defpotiques, où l'on eft déjà fous Vefclavage politique 3 1' ef- clavage civil eft plus tolérable qu'ailleurs : chacun eft aflèz content d'y avoir fa fub- fiftance & la vie : ainfi la condition de 1 ef- clave n'y eft guère plus à charge que la condition de fujet : ce font deux conditions qui fe touchent ; mais quoique dans ces pays- là Vefclavage foit pour ainfi dire , fondé fur une raifon naturelle , il n'en eft pas moins vrai que Vefclavage eft contre la nature. Dans tous les états mahométans , la fer- vitude eft récompenfée par la pareflè dont on fait jouir les efclaves qui fervent à la volupté. C'eft cette parefle qui rend les fer- rails d'Orient des lieux de délices pour ceux même contre qui ils font faits. Des gens qui ne craignent que le travail , peuvent trouver leur bonheur dans ces lieux tran- quilles ; mais on voit que par-là on choque même le but de l'établiflement de Vefcla- vage. Ces dernières réflexions font de VEf- prit des loix» ESC Concluons que l'efclavage fondé* par la force , par la violence , & dans certains climats par excès de la fervitude , ne peut fè perpétuer dans l'univers que par les mêmes moyens. Article de M. le chevalier DE Jav court. ESCLAV AGE , (Comm. ) On appelle ainfi en Angleterre un droit que l'on tait payer aux François , pour avoir permiflîon d'en- lever certaines fortes de marchandises , dont la vente appartient par privilège à quelques compagnies on fociétés de marchands An- glois. Diclionn. de commerce & de Cham- bers.(G) ESCLAVAGE, (Metteur.en-ceuvre.) eft un demi - cercle^ de pierreries qui couvre la gorge , & fe ■rejoint par chacune de les ex- trémités au collier , à peu près au defïbus des deux oreilles. L'efclavage eft tantôt fîm- ple , tantôt double ; ce qui fait qu'on dit rang d'efclavage. ESCLAVE , (Jurifpr.) eft celui qui eft privé de la liberté , & qui eft fous la puif- fance d'un maître. Suivant le droit naturel , tous les hommes naiffent libres ; l'état de fervitude perfon- nelle eft une invention du droit des gens. Voye\ Esclave. Quelques-uns prétendent que les Lacé- démoniens furent les premiers qui firent des efclaves ; d'autres attribuent cela aux AfTyriens , lefquels en effet furent les pre- miers qui firent la guerre , d'où eft venue la fervitude; car les premiers efclaves furent les prifonniers pris en guerre. Les vainqueurs ayant le droit de les tuer , préférèrent de leur conferver la vie , d'où on les appella fervi quafi fervati ; ce qui devint en ufage chez tous les peuples qui avoient quelques fentime^s d'humanité ; c'eft pourquoi les loix difent que la fervitude a été introduite pour le bien public. Les Egyptiens , les Grecs avoient des ef- claves; il y en avoit aufîîchez les Romains, ils inventèrent même plufieurs façons nou- velles d'en acquérir , & firent beaucoup de loix pour régler leur état. Ceux que les Romains avoient pris en guerre, étoient appelles mancipiaquafi manu capta; on faifoit cependant une différence de ceux , qui , après avoir mis bas les ar- mes. > fe rendoient au peuple Romain ; on ESC 999 ne les mettoit point dans Pefcîavage , ils étoient maintenus dans tous leurs privilè- ges , & demeuroient libres ; on les faifoit feulement parler fous !e joug pour marquer qu'ils étoient fournis à la puifîànce Ro- maine : on les appdloit deditii, quiafe dede- rant; au lieu que ceux qui étoient pris les armes à la main ou dans quelque fiege , de- venoient vraiment efclaves. Les Romains en achetoient aufli du butin fait fur les ennemis , & de la partréfervée pour le public , ou de ceux qui les avoient pris en guerre , ou des marchands qui en faifoienc trafic , & les vendoient dans les marchés. Il y avoit auffi des hommes libres qui fe vendoient eux-mêmes. Les mineursétoient reftitués contre ces ventes , les majeurs ne l'étoient pas. Cette fervitude volontaire fut introduite par un décret du fénat du temps de l'empereur Claude , & abrogée par Léon le Sage par fa novelle 44. Les enfans nés d'une femme efclave étoient aufti efclaves par la naiffance , fui- vant la maxime du droit Romain , partus fequitur ventrem. Enfin , la peine de ceux qui s'étoient rendus indignes de la liberté , étoit de tomber dans l'efclavage ; ce qui arrivoit à tous ceux qui avoient commis quelque aâion déshonorante & odieufe , tels que ceux qui s'étoient fouftraits au dénombre- ment , ceux qui avoient déferté en temps de guerre , les affranchis qui étoient ingrats envers leur patron. Lorfqu'un criminel étoit condamné, à quelque peine capitale , la peine étoit fouvent commuée en celle de l'efclavage. Les femmes libres qui étoient devenues amoureufes d'un efclave y partici- poient aufîi à fa condition ; mais Juftinien abolit cette peine. Quoique les e/c^^fufTenttousde même condition , on les diftinguoit cependant par difFérens titres , félon l'emploi qu'ils avoient chez leur maître. AmCi fervi aâores étoient les intendans & économes des familles. Ad manum , celui qui étoit propre à tout & employé à toutes fortes d'ufages. Ad limina euflos > celui qui gardoît l'entrée de la maifon. Voye\ ci - après Atrienfis* - iooo ESC Admijfwnales y ceux qui introduifoient chez les princes. Adfcriptii ou glebas adfcripti , ceux qui étaient attachés à la culture d'une certaine terre , tellement qu'ils ne pouvoient être vendus qu'avec cette terre. Ad vejlem > celui qui avoit foin des habits de la garde-robe. A manu ou amanuenfis > le fecretaire. Anale cics y ceux qui avoient foin de ra- maffer ce qui étoit tombé d'un feftin , & de balayer la falle où l'on mangeoit. Aiue-ambulones y ceux qui conduifoient leurs maîtres pour leur faire faire place. Aquarii , les porteurs d'eau. Arcarii , ceux qui gardoient la caiffe des marchands & banquiers. # Atrienfis y celui qui gardoit \y atrium de la maifon où l'on voyoit les images de cire des ancêtres d'une famille & les meubles ; on donnoit aufli ce nom au concierge ou garde-meubles. Aucupes y ceux qui chafïbient aux oi- feaux. Balneatores y les baigneurs. Voyez Unc- tores. Calatores , ceux qui convoquoient les affemblées du peuple par curies & par cen- turies , ou les autres affemblées des prêtres & des pontifes. Calculatores , calculateurs qui fervoient pour compter de petites pierres au lieu de jetons. Capfarii y ceux qui gardoient dans les bains les habits de ceux qui fe baignoient. On donnoit aufli ce nom à ceux qui fui- voient les enfans de qualité allant aux lieux des exercices , & qui portoient leurs livres ; à ceux qui tenoient la caiffe des marchands & banquiers ; enfin à ceux qui faifoient des caifTes & des coffres à mettre de l'argent. Voyez Arcarii. Cellarius y celui qui avoit foin du cellier & de la dépenfe. Cubicularius y celui qui étoit à la cham- bre du prince , un valet-de-chambre. Curfores y couriers , ceux qui portoient des nouvelles. Difpenfator y celui qui faifoit la dépenfe • d'une famille , qui achetoit & payoit tout. j EmiJJarii > maquignons de maîtreflès & ESC de chevaux , ou émiffaires qui cherchoienC à découvrir quelque fait caché. Ab ephemeride , celui qui avoit foin de confulter le calendrier Romain , & d'aver- tir fon maître du jour des calendes , des nones , & des ides. Ab epiflolis y celui qui écrivoit fous fon maître les lettres qu'il lui di&oit , & fervoic de fecretaire. Foi nacator y qui allumoit le fourneau des bains. Janitores y portiers qui gardoient la porte pour l'ouvrir & la fermer. Leclicarii y ceux qui portoient la litière de leur maître , & ceux qui faifoient des litières. ^ Licetarii y ceux qui avoient foin des falles deftinées à manger en été. Librarii y qui tranfcrivoient les livres en notes abrégées. Medici y ceux qui favoient & pratiquoient la médecine. Minijiri ad ea quœ funt quietis y ceux ! qui faifoient faire filence. Voyez Silen- tiarii. Molitores , ceux qui battoient le bled pour en tirer la farine avant l'ufage des moulins. Negociatores y ceux qui rrafiquoient & négocioient. Nomenclatures ou nomenculatores 9 ceux qui accompagnoient leurs maîtres & leur difoient les noms de ceux qui paffoient. Nutritii y ceux qui avoient foin de nour- rir & élever les enfans. Obfonatores } ceux qui alloient à la pro- vifion , qui achetaient des vivres. Ofliarii y les portiers. Voyez Janitores* Pajîores y bergers. A pedibus y valet-de-pié. Peniculi y qui avoient foin de nettoyer la table avec une éponge. Piftores y ceux qui faifoient le pain. Pocillatores ou ad Jcyathos y les échan- fons , ceux qui verfoient à boire. Pœnœ y c'était un criminel qui étoit con- damné aux mines. Pollinclor y celui qui avoit foin de laver, d'oindre & d'ajufter les corps des dé- funts. Prœguftator y qui faifoit l'efîài du vin en fervant fon maître. Procurator, E SC Procurator y qui a voit le foin des affaires de fon maître. Saccularii, ceux qui enlevoient d'un fac l'argent par des tours d'adteflè. Saltuarii y gardes bois. Salutigeri , ceux qui alloient fouhaiter le bon jour de la part de leurs maîtres. ^ Scoparii , les balayeurs , ceux qui avoient foin de nettoyer les latrines & les bafîins des chaifes perce'es. Adjcyathos. Voyez Pocllhtores. Silentiariiy ceux qui faifoient faire filence parmi les autres efclaves. Struclores y qui fervoient & rangeoient les plats fur table. VenatoreS) qui chafloiènt pour le maître. Ad vefiem ou à vefie , valets de garde- robe. Veflipici y ceux qui gardoient les habits , valets de garde-robe. Villicus y qui avoit foin du bien de cam- pagne. Viviaarii , qui avoient foin des vergers & boulingrins. Vocatovesy qui alloient convier à manger, les femoneurs. \J accotes y ceux qui oignoient avec des huiles de fenteur les corps de ceux qui s'étoient baignes. Les efclaves n'e'toient point mis au rang des perfonnes , on ne les regardoit que comme des biens. Ils ne participoient point aux droits de la fociété ; tout ce qu'ils ac- quéroient tournoit au profit de leur maître ; ils pouvoient faire fa condition meilleure , mais non pas l'engager à fon détriment : ils ne pouvoient contracter mariage ni au- cune autre obligation civile ; mais quand ils promettaient quelque chofe , ils étoient obligés naturellement ; ils étoient aufTi obligés par leurs délits , ils ne pouvoient faire aucune difpofition à caufe de mort , ni être inititués héritiers , ni être témoins dans aucun acte , ils ne pouvoient aceufer leur maître ni l'actionner en jufîice. Par l'ancieH droit Romain , les maîtres avoient droit arbitraire de vie & mort fur leurs efclaves y la plupart des autres na- tions n'en ufoient pas ainfi ; cette févérité fut adoucie par les ioix des empereurs , & Adrien décerna la peine de mort contre ceux qui tueroienc leurs efclaves fans raifon ; ' Tome XII. ESC iooi & même lorfque le maître ufoit trop cruel- lement du droit de correction qu il avoit fur fon efclave y on l'obîigeoit de le vendre. Le commerce âes efclaves & de leurs enfans fut toujours permis à Rome ; ceux qui vendoient un efclave étoient obligés de le garantir & d'expofer fes défauts cor- porels aufTi-bien que ceux de fon carac- tère : il fut même ordonné par les édiles , que quand on meneroit un efclave au marché pour le vendre , on lui attacherai t un écri- teau fur lequel toutes fes bonnes & mau- vaifes qualités étoient marquées ; à l'égard de ceux qui venoient des pays étrangers , comme on ne les connoifïbit pas affez pour les garantir , on les expofoit pies & mains liés dans le marché ; ce qui annonçoit que le maître ne fe rendoit point garant de leurs bonnes ou mauvaifes qualités. L'affranchifTement ou manumimon étoit ordinairement la récorr.penfe des efclaves dont les maîtres étoient les plus iatif- faits. Il fe faifoit de trois manières : favoir , manumijfio per viadiclam y lorfque le maître préfentoit fon efclave au magistrat ; depuis Conftantin ces fortes d'arrranchiifemens fe rirent dans les églifes : ou bien manumijfîo per epifiolam & inter amicos y lorfque le maî- tre l'arrranchiflbit dans un repas qu'il donnoit à fes amis ; enfin manumijjio per teftumen- mm y celle qui étoit faite par tefiament : l'effet de tous ces différens affranchiffemens étoit de donner à X efclave la liberté. La loi fujia caninia avoit reftreint le nombre d' 'efclaves qu'on pouvoit affranchir par tefiament , & vouloit qu'ils fuiïenc défignés par leur nom propre , m is cette loi fut abrogée par Juftinicn en faveur de la liberté. L'efclavage n'ayant point été aboli par la loi de l'évangile , la coutume d'avoir des efclaves a duré encore long- temps depuis !e chriftiamfme , tant chez les Romains que chez plufieurs autres nations ; il y a encore des pays où les efclaves font communs , comme en Pologne , où les payfans font naturellement efclaves des gentilshommes. En France , il y avoit auili autrefois des efclaves de même que chez les Romains ; ce qui vint de ce que les Francs Iaifïèrent vivre les Gaulois & les Romains fuivant leurs loix & leurs coutumes. Linii 1002 ESC Childebert ordonna en 154 , que l'on ne pafTât point en débauches les nuits des vigiles de pâque , noè'l , & autres fêtes , à peine contre les contrevenans de condicion fervile de cent coups de verge. Outre les véritables efclaves, il y avoit en France beaucoup de ferfs , qui tenoient un état mitoyen entre,, la fervitude Romaine & la liberté. Louis -le -Gros affranchit tous ceux qui étoient dans les terres de fon domaine , & il obligea peu à peu les fei- gneurs de faire la même choie dans leurs terres. S. Louis & fes fucceffeurs abolirent aufli autant qu'ils purent toutes les fervi- tudes perfonnelles. Il y a pourtant encore des ferfs de main- morte dans quelques cou- tumes , qui font en quelque forte efclaves. Voye\ Serfs. Il y avoit même encore quelques efclaves en France dans le xiij fîecle ; en effet , Philippe-le-Bel , en 1296, donna à Charles de France fon frère , comte de Valois , un juif de Pontoife , & il paya 300 livres à Pierre de Chambly pour un juif qu'il avoit acheté de lui. Mais préfentement en France toutes per- fonnes font libres , & fi-tôt qu'un efclave y entre , en fe faifant baptifer il acquiert fa liberté ; ce qui n'eft établi par aucune loi , mais par un long ufage qui a acquis j force de loi. Il ne refte plus à! efclaves proprement | dits dans les pays de la domination de I France , que dans les illes Françoifes de i l'Amérique : l'édit du mois de mars 1685 , i appelle communément le code noir y con- tient plufieurs réglemens par rapport aux ; nègres que l'on tient efclaves dans ces j ifles. Cet édit ordonne que tous les efclaves qui feront dans les ifles Françoifes feront baptifés , inftruits dans la religion catho- lique , apoflolique & Romaine : il eft enjoint aux maîtres qui achèteront des nègres nouvellement arrivés , d'en avertir dans huitaine les gouverneurs & intendans des ifles , qui donneront les ordres pour les faire inftruire & baptifer dans le temps convenable. Les maîtres ne doivent point permettre ni fouffrir que les efclaves faflènt aucun ESC exercice public ni aflèmblée , pour aucune autre religion. On ne doit prépofer à la direction des nègres que des commandeurs faifant pro- fefllon de la religion catholique , à peine de confiscation des nègres contre les maîtres qui les auroient prépofés, & de punition arbitraire contre les commandeurs qui au- roient accepté cette charge. Il eft défendu aux reîigionnaires d'ap- porter aucun trouble à leurs efclaves fans l'exercice de la religion catholique, à peine de punition exemplaire. II eft pareillement défendu de faire tra^- vailler les efclaves les dimanches & fêtes , depuis l'heure de minuit jufquau minuit fuivant , foit à la culture de la terre , à la manufacture des fucres , ou autres ouvrages , à peine d'amende & de punition arbitraire contre les maîtres , & de confifcation tant des fucres que des efclaves qui feront fur- pris dans le travail. On ne doit pas non plus tenir ces jours- là le marché des nègres , fur pareilles peines, & d'amende arbitraire contre les mar- chands. Les hommes libres qui ont un ou plu- fleurs enfans de leur concubinage avec leurs efclaves , & les maîtres qui l'ont fouffert , font condamnés chacun à une amende de icoo livres de fucre ; & fi c'eft le maître de V efclave > il eft en outre privé de V efclave & des enfans ; elle & eux font confifqués au profit de l'hôpital , fans pouvoir jamais être affranchis. Ces peines n'ont cependant point lieu lorfque le maître n'étant point marie à une autre , époufe en face d'églife fon efclave 3 laquelle eft affranchie par ce moyen & les enfans rendus libres & légi- times. Toutes les formalités prefcrites par les ordonnances font néceffaires pour le mariage des efclaves y excepté le confentement des pères & mères de V efclave ; celui du maicre fuffit. Les curés ne doivent point marier des efclaves fans qu'on îeur.faiTe apparoir de ce confentement. Il eft aiifn* défendu aux maîtres d'ufer d'aucune contrainte fur leurs efclaves pour les marier contre leur gré. Les enfans qui naiftènt d'un mariage entre efclaves font aufli efclaves , & appar- ESC tiennent aux maîtres des femmes efdaves , & non à ceux de leur mari , fi le mari & la femme ont des maîtres difFérens. Lorfqu'un efdave époufe une femme libre , les enfans tant mâles que femelles fuivent la condition de leur mère , & font libres comme eile , nonobftant la fervitude de leur père ; & fi le père eft libre & la mère efclave } les enfans font pareillement efdaves. Les maîtres doivent faire inhumer dans les cimetières deftinés'à cet effet les efdaves baptifés. Ceux qui décèdent fans avoir reçu le baptême , font inhumés dans quelque champ voifin du lieu où ils font décédés. Les efdaves ne peuvent porter aucunes armes orFenfives , ni de gros bâtons , à peine du fouet & de confifcation des armes au profit de celui qui les en trou- vera faifis ; à l'exception de ceux qui font envoyés à la chafTe par leurs maîtres , & qui font porteurs de leur billet ou marque connue. Il eft défendu aux efdaves de difFérens maîtres de s'attrouper , foit le jour ou la nuit , fous prétexte de noces ou autrement , foit chez un de leurs maîtres ou ailleurs , encore moins dans les grands chemins ou lieux écartés, à peine de punition corpo- relle , qui ne peut être moindre que du fouet , & de la fleur de lis ; & en cas de fréquentes récidives & autres circonf- tances aggravantes , ils peuvent être punis de mort. Les maîtres convaincus d'avoir permis ou toléré telles affemblées , compofées d'autres efdaves que de ceux qui leur ap- partiennent , font condamnés en leur pro- pre & privé nom à réparer tout le dom- mage qui aura été fait à leurs voifins â l'occafion de ces affemblées , en dix écus d'amende pour la première fois, & au double en cas de récidive. Il eft défendu aux efdaves de vendre des cannes de fucre pour quelque caufe ou occafion que ce foit , même avec la per- mifîion de leur maître , à peine du fouet contre \ efdave y de dix livres contre le maître qui l'aura permis, & pareille amende contre l'acheteur. Ils ne peuvent aufïi expofer en vente au marché , ni porter dans tes maifons ESC 1003 pour vendre , aucunes denrées , fruits , légumes , bois , herbes , beftiaux de leurs manufactures , fans permifîîon exprefle de leurs maîtres , par un billet ou par des mar- ques connues , à peine de revendication des chofes ainfi vendues fans reftitution du prix par le maître , & de fix livres d'amende à fon profit contre l'acheteur. Il doit y avoir dans chaque marché deux perfonnes prépofées pour tenir la main à cette difpofition. Les maîtres font tenus de fournir chaque femaine à leurs efdaves y âgés de dix ans & au deffus , pour leur nourriture , deux pots & demi , mefure de pays , de farine de Magnoc , ou trois cafïàves pefant deux livres & demie chacun au moins , ou cho- fes équivalentes , avec deux livres de bœuf falé , ou trois livres de poifTon , au autres chofes à proportion ; & aux enfans depuis qu'ils font fevrés jufquà l'âge de dix ans , on doit fournir la moitié des mêmes vivres. Il eft défendu aux maîtres de donner aux efdaves de l'eau-de-vie de canne guil- dent , pour tenir lieu de ces vivres , ni de fe décharger de la nourriture de leurs efda- ves y en leur permettant de travailler certain jour de la femaine pour leur compte par- ticulier. Chaque efdave doit avoir par an deux habits de toile , ou quatre aunes de toile au gré du maître. Les efdaves qui ne font point nourris f vêtus & entretenus par leur maître , félon le règlement , peuvent en donner avis au procureur du roi , & mettre leurs mémoires entre fes mains , fur lefquels & même d'office les maîtres peuvent être pourfuivis à fa requête & fans frais. La même chofe doit être obfervée pour les crieries & trai- temens inhumains des efdaves. Ceux qui deviennent infirmes par vieiï- leffe , maladie , ou autrement , foit que la maladie foit incurable ou non , doivent être nourris & entretenus par leur maître ; & en cas qu'il les eût abandonnés , les efdaves font adjugés à l'hôpital , auquel les maîtres font condamnés de payer fix fous par jour pour chaque efdave pour fa nour- riture & entretien. Les efdaves ne peuvent rien avoir qui ne foit à leur maître; & tout ce qui leur vient L11I11 2 ioo4 ESC par industrie ou par la libéralité d'autres perfonnes ou autrement , eft acquis en pleine propriété à leur maître , fans que les enfans des efclaves , leurs père & mère , leurs parens , & tous autres libres ou efclaves , puifl'ent rien prétendre par fuccefîion , difpofition entre- vifs , ou à caufe de mort ; lefquelies difpofitions font nulles , enfem- ble toutes promettes & obligations qu'ils auroient faites, comme étant faites par gens incapables de difpofer & de contracter de leur chef. Les maîtres font néanmoins tenus de ce que les efclaves ont fait par leur ordre , & de ce qu'ils ont géré & négocié dans la boutique , & pour le commerce auquel le maître les a prépofés ; mais le maître ii'eft tenu que jufqu'à concurrence de ce qui a tourné à fon profit. Le pécule que le maître a permis à fon efclave, en eft tenu après que le maître en a déduit par préfé- rence ce qui peut lui en être dû , à moins que le pécule ne confiftât en tout ou par- tie en marchandifes , dont les efclaves au- roient permijjon de faire trafic à part : le maître y vi^Tidroit par contribution avec les autres créanciers. On ne peut pourvoir un efclave d'aucun ofïtce ni commifîïon ayant quelque fonc- tion publique , ni les conftituer à gens pour autres que leur maître : ils ne peu- vent être arbitres ; & fi on les entend comme témoins , leur dépofition ne fert que de mémoire , fans qu'on en puifTe tirer aucune préfomption , ni conjecture , ni adminicule de preuve : ils ne peuvent efter en jugement en matière civile , foit en demandant ou défendant , ni être partie civile en matière criminelle. ' On peut les pourfuivre criminellement fans qu'il foit befoin de rendre le maître partie , finon en cas de complicité. \J efclave qui frappe fon maître , ou la femme de fon maître , fa maîtrefïè , ou leurs- enfans, avec efFafion de fang , ou au vifage , eft puni de mort. Les autres excès commis fur des perfonnes libres , les vols , font aufïi punis févérement , même de mort s'il y échet. En cas de vol ou autre dommage caufé Î>ar X efclave > outre la peine corporelle qu'il ubit , le maître doit en fon nom réparer ESC le dommage , (î mieux il n'aime aban- donner Vejclave ; ce qu'il doit opter dans trois jours. Un efclave qui a été en fuite pendant un mois , à compter du jour que fon maître fa dénoncé en juftice , a les oreilles cou- pées & eft marqué dune fleur de lis fur l'épaule ; la féconde fois il eft marqué de même , & on lui coupe le jarret ; la troi- sième fois il eft puni de mort. Les affranchis qui donnent retraite aux efclaves fugitifs , font condamnés par corps envers leur maître en l'amende de 300 liv. de fucre pour chaque jour de rétention. 1! efclave que l'on punit de mort fur la dénonciation de fon maître , non complice du crime , eft eftimé avant l'exécution par deux perfonnes nommées par le juge , & le prix de Peftimation eft payé au maître ; à l'effet de quoi il eft impofé par l'inten- dant fur chaque tête de nègre payant droit. Il eft permis aux maîtres , lorfque leurs efclaves l'ont mérité , de les faire enchaîner, de les faire battre de verges ou de cordes ; mais ils ne peuvent leur donner la torture , ni leur faire aucune mutilation de mem- bre , à peine de confifcation des efclaves. Si un maître ou un commandeur tue un efclave à lui fournis , il doit être pourfuivi criminellement ; mais s'il y a lieu de l'ab- foudre , il n'eft pas befoin pour cela de lettres de grâce. Les efclaves font meubles , & comme tels entrent en communauté ; ils n'ont point de fuite par hypothèque , fe parta- gent également entre les héritiers , fans préciput ni droit d'ainefte ; ils ne font point fujets au douaire coutumier, ni aux retraits féodal & lignager , aux droits feigneu- riaux , aux formalités des décrets , ni au retranchement des quatre quints : on peut cependant les ftipuler propres à foi , & aux fiens de fon côté & ligne. Dans la faifîe des efclaves , on fuit les mêmes règles que pour les autres faifies mobilières ; il faut feulement obferver que l'on ne peut faifir & vendre le mari & la femme , & leurs enfans impubères , s'ils- font tous fous la puifïance du même maître. On doit obferver la même chofe dans les ventes volontaires. Les efclaves âgés de 14 ans & au defTus ESC jufqu'à 6a, travaillant a&uelîementdans les fucreries , indigoteries & habitations , ne peuvent être faifis pour dettes , flnon pour ce qui fera dû fur le prix de leur achat , ou que la fucrerie , indigoterie , ou habitation , foit faille réellement , les ef- claves de cette qualité étant compris dans la faifîe réelle. Les enfans nés des enclaves depuis le bail judiciaire , n'appartiennent point au fermier , mais à la partie faifîe , & font ajoutés à la faifîe réelle. On ne diftingue point dans l'ordre le prix des efclaves de celui du fonds; mais les droits feigneuriaux ne font payés qu'à proportion du fonds. Les lignagers & feigneurs féodaux ne peuvent retirer les fonds décrétés , fans retirer les efclaves vendus avec le fonds. Les gardiens nobles & bourgeois , ufu- fruitiers, amodiateurs & autres, jouifîànt àes fonds auxquels font attachés des efcla- ves qui travaillent , doivent gouverner ces efclaves comme bons pères de famille , fans qu'ils foient tenus , après leur adminiftra- tion , de rendre le prix de ceux qui font décédés ou diminués par maladie , vieil- lefTè , ou autrement , fans leur faute. Ils ne peuvent aufîi leur retenir comme fruits les enfans nés des efclaves durant leur ad- miniftration , lefquels doivent être rendus au propriétaire. L'édit de 1685 permettoit aux maîtres âgés de 20 ans , d'affranchir leurs efclaves par acle entre- vifs , ou à caufe de mort , fans être obligés d'en rendre raifon , & fans avis de parens. Mais la déclaration du 15 décembre 1723 défend aux mineurs , quoi- qu'émancipés , de difpofer des nègres qui fervent à exploiter leurs habitations , juf- qu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 25 ans accomplis , fans néanmoins que les nègres ceflènt d'être réputés meubles par rapport à tous au.res effets. Les enfans ^efclaves qui font nommés légataires univerfels par leur maître , ou nonmés exécuteurs de fon teftament , ou tuteurs de fes enfans , font réputés affran- chis. Ceux qiti font affranchis font réputés régnicoles , fans qu'ils aient befoin de lettres de naturalisé. Les affranchis font obligés de porter un ESC 1005 , refped fingulier à leurs anciens maîtres , à I leurs veuves & à leurs enfans ; en forte que : l'injure qu'ils leur font e(l punie plus giieV ) vement que fi elle étoit faite à une autre i perfonne : du refte , les anciens maîtres ne peuvent prétendre d'eux aucun fervice ni droit fur leurs perfonnes & biens , ni fur leur fucceflion. Enfin , l'édit accorde aux affranchis les mêmes droits , privilèges & immunités dont jouiffènt les perfonnes nées libres. L'édit du mois d'octobre 17 16 , en confirmant celui de 1685 , ordonne que lorfqu'un maître voudra amener en France un efclave nègre , foit pour le fortifier dans notre religion, foit pour lui faire apprendre quelque art ou métier , il en obtiendra la permiflion du gouverneur ou comman- dant ; qu'il la fera enrégiffrer au greffe de la jurifdiction du lieu de fa réfidence avant fon départ, & en celui de l'amirauté du lieu du débarquement , huitaine après l'ar- rivée en France. La même chofe doit être obfervée lorfque les maîtres envoient leurs efclaves en France ; & au moyen de ces formalités , les efclaves ne pourront pré- tendre avoir acquis leur liberté fous pré- texte de leur arrivée en France , & font tenus de retourner dans les colonies quand leurs maîtres jugent à propos. Il eft auffi défendu à toutes perfonnes d'enlever ni de fouffraire en France les ef- claves nègres de la puifîànce de leurs maî- tres , à peine de répondre de la valeur , & de 1000 livres d'amende pour chaque con- travention. Les efclaves nègres de l'un & de l'autre fexe , amenés ou envoyés en France , ne peuvent s'y marier fans le confentement de leurs maîtres ; & en vertu de ce confente- ment , les efclaves deviennent libres. Pendant le féjour àes efclaves en France, tout ce qu'ils peuvent acquérir par leur induftrie ou par leur profefîîon , en atten- dant qu'ils foient renvoyés dans les colo- nies, appartient à leurs maîtres , à la charge par ceux-ci de les nourrir & entre- tenir. Si le maître qui a amené ou envoyé des efclaves en France vient à mourir , les ef- claves reftent fous la puifîànce des héritiers du maître décédé , lefquels doivent ren- iôo5 ESC voyer les efclaves dans les colonies , arec les autres biens de la fucceflion , confor- mément à Tédit du mois de mars 1685 ; à moins que le maître décédé ne leur eût accordé la liberté par teftament ou autre- ment ; auquel cas les efclaves feroient li- bres. Les efclaves venant à décéder en France, leur pécule , fi aucun y a, appartient à leur maître. Il n'eft pas permis aux makres de vendre ni d'échanger leurs efclaves en France ; ils doivent les renvoyer dans les colonies pour y être négociés & employés , fuivant l'édit de 1685. Les efclaves nègres étant fous la puhTance de leur maître en France , ne peuvent efrer en jugement en matière civile , que fous l'autorité de leurs maîtres. Il eft défendu aux créanciers du maître de faifir les efclaves en France pour le paie- ment de leur dû ; fauf à eux à les faire faifir dans les colonies, en la forme pref- crite par l'édit de 1685. En cas que quelques efclaves quittent les colonies fans la permiffion de leurs maîtres , & qu'ils fe retirent en France , ils ne peu- vent prétendre avoir acquis leur liberté ; & il eft permis à leurs maîtres de les réclamer par-tout où ils pourront s'être retirés , & de les renvoyer dans les colonies ; il eft •même enjoint aux officiers des amirautés & autres qu'il appartiendra , de prêter main-forte aux maîtres pour faire arrêter les efclaves. Les habitans des colonies qui étant venus en France s'y établifTent , & veulent ven- dre leurs habitations , font tenus dans un an du jour de la vente , & qu'ils auront ceffé d'être colons , de renvoyer dans les colonies les efclaves nègres de l'un & de l'autre fexe , qu'ils ont amenés ou envoyés dans le royaume. La même chofe doit être obfervée par les officiers , un an après qu'ils ne feront plus employés dans les colonies ; >& faute par les maîtres ou officiers de ren- voyer ainfi leurs efclaves, ils feront libres. Voye\ , au digefte, les titres defervo cor- rupto; de fervis exporcandis } ikc.defugi- tivis ; & au code de fervis Ù colonis y fi fervus exponandus veneat; fi mancipium itafuerit aliénation ? &c. fi mancipium ita ESC venierity &c. de furtis Ù fervo corrupto ; Ji fervus extraneo fe emi mandaverit; de fervis reipublicœ manumittendis ; defervo pignori dato manumijjo > & les novelles de Léon , $ y to y zz y zoo & loi. Voyei aujfi Affranchissement, Manumis- sion, Serf, Serviteur. (A). * Esclaves, (Mythologie.) Hercule en étoit le dieu tutélaire. Hérodote dit que Je temple que les Egyptiens lui avoienc élevé , étoit un afyle pour les efclaves. ESCLAVON , f. m. (Hijhue moderne.) ou Langue Esclavonne , eft la langue des Sclaves , anciens peuples de la Scythie Européenne, qui , vers l'année 518 , quit- tèrent leur pays, ravagèrent la Grèce , fon- dèrent des royaumes dans la Pologne & la Moravie, & enfin s'établirent dans l'Illy- rie , qui prit d'eux le nom de Sclavonia. Voyei Langue. VEfclavon paflèpour être, après l'Arabe, la langue la plus répandue depuis la mer Adriatique jufqu'à la mer du Nord , & depuis la mer Cafpienne jufqu'à la mer Baltique. Cette langue eft , dit-on , com- mune à un grand nombre de peuples dirfé- rens , qui defeendent tous des anciens Sclaves ; favoir , les Polonois , les Mcfco- vites , les Bulgares , les Carinthiens , les Bohémiens , les Hongrois , les Pru/ïïens , les peuples de Souabe : cependant chacun de ces peuples a fon dialecle particulier ; &: VEfclavon eft feulement la langue mère de tous ces idiomes particuliers , comme du Polonois , du Ruftien , du Hon- grois , && Suivant une chronique latine de Sclavis^ compofée par Helmod , prêtre de Bofow , & par Arnould , abbé de Lubec , & cor- rigée par M. Leibnitz , il paroît que les Sclaves habitoient autrefois les côtes de la mer Baltique , & que ces peuples fe divi- foient en Orientaux & Occidentaux : dans cette dernière clafte étoient les Rufïïens , les Polonois , les Bohémiens , &c. & dans la première étoient les Vandales. Dom Maur - Orbini Rofer , de l'ordre de Malthe, dans fon hiftoire Italienne des Sclaves , intitulée il regno de gli Slavi 9 imprimée en 1601 , prétend que ces peu- ples étoient originaires de Finlande en Scandinavie. Laurent Pribero de Dalmatie E SC jfbutient , dans un difeours fur l'origine des Sclaves , que ces peuples venoient de Thrace , qu'ils Soient les mêmes que les Thraces , & defeendoient de Thiras , fep- tieme fils de Japhet. Théod. Policarpowitz , dans un dictionnaire Grec , Latin & Efclavon 9 imprimé à Mofcow en 1704 , remarque que le mot fclava y d'où eft formé efclavon y fignifie en cette langue gloire. Chambers. (G) ESCLAVONIE, ( GebgrJ pays d'Eu- rope , qu'il faut diftinguer en ancienne & nouvelle Efclavonie. L'ancienne Efclavonie, comprenoit toute l'Illyrie : la nouvelle eft fituée entre la Sawe , la Drave & le Da- nube : elle a ce dernier fleuve à l'orient , & la Stirie à l'occident : fa longueur de- puis la ville de Koptanitz , jufqu'à la jonc- tion de la Sawe & du Danube , eft d'en- viron cinquante milles d'Allemagne , & la largeur de douze , depuis la Drave juf- qu'à la Saw3. On divife cette nouvelle Efclavonie en fix comtés ; qui font ceux de Pofega , d'Agram , de Sainte-Groix , de Waradin , de Walpon & de Sirmich. Ce pays qui eut autrefois fes rois parti- culiers , appartient aujourd'hui à lamaifon d'Autriche. (4-) ESCOCHER , v. ad. (Bout) c'eft un terme particulièrement à l'ufage de ceux qui pétrifient le bifeuit ; Yefcociier , c'eft en battre la pâte fortement avec la paume de la main , afin de la ramafîèr en une feule maffe. ESCOMPTE , f. m. ( 'Arith. <& comm. J C'eft en général la remife que fait le créan- cier , ou la perte à laquelle il fe foumet en faveur du paiement anticipé qu'on lui fait d'une fomme avant l'échéance du terme. 1. Plusparticuliérement efeompter Yur une fomme ; c'eft en féparer les intérêts qu'on y fuppofe noyés & confondus avec leur capital. 2. Il y a deux manières d'énoncer Yef- compte ; on dit qu'il fe fait à tant pour £ par an ( ou tel autre terme ) , ou qu'il fe fait à tel denier. Nous nous en tiendrons â la première exprefîion qui s'entend mieux, & qui eft la plus ufitée. Quant au moyen de ramener l'une à l'autre , voye\ Intérêt. Nous aurons fouvent occafîon de renvoyer ESC 1007 à cet article , à caufe de l'intime liaifon qu'il y a entre les deux calculs ; & fur-tout parce que l' article INTÉRÊT ( dont l'autre fe déduit) devant naturellement précéder, fi l'ordre alphabétique de cet ouvrage ne s'y oppofoit , la matière s'y trouve traitée plus à fond ; on y aura donc recours , même fans en être averti , s'il fe trouve quelque point qui ne paroifle pas ici fuffi- famment expliqué. 3. Quand on dit que Yefcompte fe fait à tant pour ~ par an , par mois , par , Ùc. un an y un mois , &c. eft ce que nous nom- merons terme d'efeompte. . 4. Dans toutes les qu eft ion s de ce genre, il entre nécessairement cinq élémens. La fomme due qui fera défignée par.. . a Le nombre ( arbitraire , mais commu- nément 100 ) fur lequel on fuppofe en général que fe fait Yefcompte. . .... à Ce qu'on efeompte fur ce nombre. ... £ Le temps que le paiement eft anticipé. . t Ce qui refte après Yefcompte fait . . . r f. Comme c'eft à exprimer r qu'on fe trouve ordinairement le plus embarrafle , ce point demande quelque éclairciffement. t eft proprement l'expofant du rapport du terme d'efeompte au temps que le paiement a été anticipé , c'eft- à-dire , celui-ci divifé par celui-là. La fraction fubfifte , lorfque le divifeur n'eft pas foumultiple du dividende , elle difparoit dans l'autre cas , qui eft le plus ordinaire. C'eft ce que les exemples feront mieux entendre. 6. Pour avoir rx faites d-\-i t: d: : a: ** v d d+it~^-~a * d+it' Ainfl . . . .- . . r •= a X a = rX D'où l'on tire . .-. -=zdXa~~ ■ = dxa-^-\ 7. Premier exemple. Un homme doit' 1344 liv. payables dans quatre ans; fbn créancier offre de lui efeompter à raifon de 3 pour j par an, s'il paie actuellement; acceptant l'offre , que doit-il payer ? ESC a=. 1344. liv. d=z IOO Î&-4 & fubftituant r =i344XIrrl=i344XH=:L¥8-^::I200- Le même exemple retourné. Un homme qui devoit 1344 liv. exigibles dans un cer- tain temps y s'acquitte en payant actuelle- ment 1200 liv. , Yefcompte étant à 3 pour f par an ; de combien d'années a-t-il anticipé le paiement ? Subftituant dans la quatrième formule , ,~- v l44 - Lli a on trouve t — ■ *oo a yg-^s — 3* — 4- 8. Second exemple. Un homme doit 2.000 liv. payables dans deux ans ; on offre de lui efcompter à raifon de 5 pour | par an , du jour qu'il pourra anticiper le paiement ; il paie au bout de fept mois : quelle fomme doit-il compter? Le paiement eft anticipé de deux ans — fept mois , ou réduifant les années en mois dg 2^ — 7= 17- Prenant donc 17 pour numérateur de la fradion qui (/z°. 5 ) re- préfente t , & lui donnant pour dénomina- teur le terme de/compte un an auffi réduit _ • 7 en mois , on a t — , 1 . a ■=■ 2000 liv. tuant r=20oox _ 17 "h 100 - — IOO -r- 8 1' 1400000 I 18 j ⥰P= 1867 Uv. m. Le même exemple retourne'. Un homme qui devoit 2000 liv. payables dans deux ans , s'eft acquitté en payant au bout de fept mois 1867 liv. & ou 4-^°f-° liv. à combien pour £ par an s'eft fait Yefcompte ? Subftituant dans la troifieme formule , on trouve ( fous une exprefïion que les fra&ions rendent néceflàirement un peu compliquée. ) tooo— 48000 3400 e i|7_ *57 ( . _ _ _ w .4 8? o O O w I 7 t _ _ yîIÉO OOO ( 1 o 4 8 1 6 o 109711 5>« 9. La regte de change n'eft fouvent qu'une règle Yefcompte ,• Ôc cela arrive lorf. ESC que le change fe prend en dedans de la fomme principale. Un homme , par exem- ple , comptant à un banquier , fous cette condition , une fomme de 3000 livres , de combien ( le change fuppofé à 3 pour £ ) fera la lettre qu'il en recevra ? . . . Appli- quant la formule ( & négligeant t qui n'eft ici de nulle confidération ) , on trouve qu'elle fera de 3000 X V$ = ^^ 0} 2912 liv. £ê\ > k banquier retenant pour fon droit 87 liv. ^ . Le même homme , s'il eût voulu que la lettre fût de 3000 liv. en plein y eût dû compter 3090 1. le change montant alors à 90 liv. Mais , demandera-t-on , pourquoi cette différence ? Pourquoi , l'intérêt étant le même , ajoute-t-on dans un cas 90 liv. & que dans l'autre on n'ôre que 87 liv. ^ ? La réponfe eft bien fimple , c'eft que dans les deux cas on opère fur deux fommes différentes. Là , ce font les intérêts de la fomme même de 3000 liv. qu'on lui ajoute ; ici , les intérêts qu'on ôte ne font pas ceux de 3000 liv. , mais d'une fomme moindre qui y eft renfermée & confondue avec eux. Cette fomme même eft 2912 liv. f£ , dont les intérêts à 3 pour £ produifent en effet 87 Ky. j^j , en forte que la fomme & fes intérêts font enfemble 3000 liv. Tout ceci , comme on voit , n'eft que la règle de trois dirigée par le jugement , & maniée avec un peu de dextérité. On ne connok dans le commerce qu'une efpece à'efcompte ; c'eft celle qu'on vient de voir , & qui correfpond à l'intérêt Jimple : néanmoins , comme efcompter n'eft proprement , ainfi qu'on l'a déjà obfervé , que féparer d'un capital un intérêt qui y eft , ou du moins qu'on y fuppofe con- fondu, & que l'intérêt eft de deux fortes, il femble qu'il doit y avoir aufîi deux efpeces à\~ [comptes, relatives chacune à i'ef- pece d'intérêt qu'il eft queftion de démêler d'avec le capital. En adoptant, fi l'on veut, cette idée , nous avertirons que le fuppîé- ment qu'elle femble exiger ( & qui n'eft guère que de pure curiofité ) fe trouve à l'article INTÉRÊT REDOUBLÉ , la féconde des formules qu'on y voit , n'ayant pour objet ESC objet que de retrouver une fomme primi- tive confondue avec les intérêts , & les intérêts d'intérêts. Nous y renvoyons donc pour éviter les redites. Cet article eft de M. Rallier des Ourmes , Con- feiller d'honneur au pré/idial de Rennes. En général , foit ^ l'intérêt d'une Comme S dû au bout d'un an , il eft évident qu'on devra au bout de l'année S ( i -\-^ ) ; foit maintenant t le rapport d'un temps quelconque à une année , il eft évident que dans le cas de l'intérêt fimple ( voye\ IN- TÉRÊT) , on devra au bout du temps Ha fommf S ( i -+- *- ) , & que dans le cas de l'intérêt compofé , on devra la fomme S ( i -t~ ^ )'. Or , fi t = i , ces deux quan- tités font égales ; fi r> i , la féconde eft plus grande que la première , comme il eft aifé de le voir ; fw < i , la première eft plus grande que la féconde. Soit à préfent 5 ce qu'on doit , en escomptant pour le temps t la fomme q > on aura S ( i + J ) = q dans le premier cas , & S ( i + £ )' = $rdans le fécond. Donc , i°. fi t = i , Yefcompte eft le même dans le cas des deux intérêts. 2e. Si t >> i , la remife eft plus grande dans le fécond cas que dans le pre- mier ; c'eft le contraire , fi t < i. Ainfi quand on efcompte pour moins d'un an , il eft avantageux à celui pour qui on efcompte de fuppofer qu'il prête à intérêt compofé ; c'eft le contraire , fi on efcompte pour plus d'un an. C'eft qu'en général l'intérêt com- pofé eft favorable au créancier pour les termes au delà de l'année , & au débiteur pour les termes en deçà. Voye^ Intérêt. On voit aufli que pour trouver X efcompte de ioo liv. payables au bout d'un an , au denier 20 , il faut prendre — ° — - ■=■ ,c°-*° = 95 1. 4 f. 9 d. , & non pas 95 I. comme l'on paie ordinairement. En effet , il faute aux yeux que 95 liv. au bout d'un an doi- vent produire feulement 99 liv. 15 f. au denier 20 , & non pas 100 liv. M. Depar- cieux a déjà fait cette remarque , pag. z o 6 1 1 de fon effai fur les probabilités de la durée de la vie humaine. La raifon arithmé- Tome XII. ESC 1009 ' tique de cette fauflè opération , c'efl eue les banquiers prennent L£fj— - pour la même chofe que 100 ( 1 — ~ ) : or, — J — -, 1-Ttz eft un peu plus grand que 1 —73- , puifque 1 eft un peu plus grand que 1 — ^. (O) ESCOPE , ùf. ( Marine. ) c'eft un brin de bois d'une très -médiocre grofteur , dont on fe fert à jeter de l'eau de Ja mer le long du vaifleau , pour le laver & pour mouiller les voiles ; il eft creufé par le bout & tient de la ligne droite & de la courbe , ayant un manche afïèz long. Escope , Ecope , Escoupe , f. f. (Ma- rine.) c'eft une forte de petite pelle creufe , avec laquelle on puife & on jette Jeau qui entre dans une chaloupe ou dans un canot; elle a le manche très-court , & il n'y en a que ce que la main peut empoiener. CQJ ESCOPERCHE , ( Méch. ) c'eft une machine dont on fe fert pour élever des fardeaux , au moyen d'une pièce de bois , ajoutée fur un gruau , au bout de laquelle il y a une poulie. (-^-) Escoperche, (Méch.) c'eft encore comme un fécond fauconneau élevé fur un gruau ou fur un engin , ou c'eft une pièce de bois ajoutée fur un gruau , au bouc de laquelle il y a une poulie. Ce mot fe dit aufti de toutes les pièces de bois qui font debout, & qui ont une poulie à 1 extré- mité , par le moyen de laquelle on élevé du bois & des pierres. On appelle aufti efeoperene une folive ou autre pièce de bois , qui a une poulie , & dont on eft: quelquefois obligé de fe fervir en des en- droits où il eft impof^ble de placer un engin , ou une grue > quoique cette pièce ne foit pas toujours dreftee debout , mais fouvent planchée comme fur une avance de corniche on dans une lucarne, (-f-) ESCORTABLE , (terme de Faucon.) fe dit d'un oifeau fujet à s'écarter ; tels que font les plus vêtus & les plus cou- tumiers de monter en eflbr , quand le chaud les prefTe (-^-) ESCORTE , f. f. en terme de guet re y fe dit d'une troupe qui accompagne un officier M mm m mm jo! o ESC ou un convoi pour l'empêcher d'être pris par l'ennemi. Voyez^ Convoi. Les efcortes doivent être proportionnées aux difïerens corps de troupes qu'elles peu- vent avoir à combattre. Si elles font à la fuite d'un convoi , elles doivent être partie à la rê:e , à la queue , & fur les ailes ; elles doivent auffi envoyer des dérachemens en avant & fur les ailes pour examiner s'il n'y a point quelques embufcades à craindre de b part de l'ennemi. (Q) Escorte (droit dJ ) (Droit public & Hiftoire. ) jus conducendi ,• c'eft le droit qu'ont plusieurs princes d'Allemagne dV/- corter, moyennant une fomme d'argenL , 'les marchands qui voyagent avec leurs inar- chanJifes ; il y a des princes de l'i^npire qui ont le droit â'efcorter même fur te territoire des autres. Ce droit tire le. origine des temps où l'Allemagne étou inférée de. tyrans &: de brigands' qui en rendaient les routes peu fures. Suivant les Joix , celui qui a le droit tfefcorter fur le territoire d'un autre , a auffi celui de punir les délies qui fe commettent fur h voie publique ; & fi pour ce droit on jouit du droit de péage , vecligal , on eft tenu d indemnifer des pertes qu'on a fouffertes. (-*-) ESCOT , f m. (Marine .) C'eft l'angle le plus bas de la voile latin? , qui eft trian- gulaire. Çl) ESCOTS , f, m. pi. (Ardoifieres.J C'eft ainfi que l'on, appelle au fond de ces car- rières de petits morceaux d'ardoife qui fontreftés attachés à un banc, après qu'on en a féparé une grande pièce , & qu'on en détache enfui te pour être employés. Yoye\ l'article ARDOISE. ESCOUADE , f. f. dans l'Art militaire; fe dit d'un petit nombre de fantaiTîns ou de foldats à pié. Une compagnie d'in- fanterie eft ordinairement cbvifée en trois efeouades ; ce mot n'eft en ufage que parmi 1 infanterie & non point dans la cavalerie. On dit auffi une efeouade de guet. (Q) Escouade Brisée, c'eft dans l'An militaire une efeouad"- compofée de foldats de différentes compagnies. ESCOUSSOIR, voyez Echanvroir. ESCRIME, f.f. parc de fe défendre eu de fe fervir de l'épée pour bleflèr fon ESC ennemi , & fe garantir foj-m dit que ce monaftere fut bàri par Philippe II , en mémoire de la bataille de Saint-Quentin, gagnée le jour de faint Laurent, & par l'intercefïion de ce faint, que les Efpagnols ont en grande vénération. Le roi & la reine d'Efpagne y ont leurs appartcmens , & le refte eft habité par les moines. La grande partie desa&es de cette cour étoit autrefois datée de VEfcurial. Il y a dans VEfcurial une magnifique égîife , où Philippe IV fit conftruire une très- belle chapelle, appelîée Panthéon, ou Rotonde. Cette chapelle eft le lieu de la fépulture des rois & des reines d'Efpagne quilaifîentdes enfans ; ceux qui n'en laifîènt point, font enterrés dans un autre caveau de la même ég'ife , avec les infans & les autres princes. Pijy^ Panthéon & Rotonde. Dicl. de Trer. & Chamb. Ce monaftere ou palais renferme trois bibliothèques , dans lefquelles on compte dix-huit mille volumes , & enrr'aurres trois mille manufcrits Arabes. Voye\ BIBLIO- THEQUE. On prétend que les dépenfes faites pen- dant trente-huit ans par Philippe II , pour la conftru&ion de VEfcurial, montent à cinq millions deux cents foixante & dix mille ducats, fans parler de plus d'un million qu'il employa pour les ornemens d'églife ; à quoi il faut ajouter les fommes immenfes qu'a coûté la magnifique chapelle bâtie par les ordres de Philippe IV. Une partie de ce fuperbe édifice fut brûlée en 1671- ESCUROLLES, ÇGéog. mod.J petite ville du Bourbonnois , en France. ESDRAS ou EZR'A , Ç Théolog. , nom de deux livres canoniques de l'ancien Tef- tament, dont le premier eft connu fous le nom dEfdras y & le fécond fous celui: de Ne'hémias. Us font auffi appelles du nom de leurs auteurs. Efdras à qui on attribue le pre- mier, fut grand prêtre des Juifs pendant la captivité, & particulièrement vers le temps où ils retournèrent en Paleftine fous le règne d'Arra\erxe Longuemain. Il eft appelle dans l'écriture fcriba velox in legs Moifi 3 c'eft-à-dire , un doreur habile dans ioi6 E S F la loi de Moïfe ; car le motfopher > que la vulgate rend par fcriba y ne lignifie pas un écrivain, mais un docleur de la loi. Ce fut lui qui, félon les conjectures commu- nes , recueillit tous les livres canoniques , les purgea des corruptions qui s'y étoient glifiees , & les diftingua en 22 livres , félon le nombre des lettres de l'alphabet Hébreu: ce qui a donné lieu à l'erreur de ceux qui ont penfé* que les livres de l'ancien Tefta- ment étant perdus, il les avoit* dictés de mémoire. On croit auffi que dans cette ré- vifion il changea quelques noms des lieux , & mit ceux qui étoient en ufage à la place •des anciens; obfervation qui fert de réponfe à plusieurs objeâions de Spinofa. On con- jecture encore que par i'infpiration du S. Efprit , il ajouta certaines chofes arrivées après la mort des auteurs de ces livres. Les deux livres è'EfdrasCont canoniques & reconnus pour tels par la fynagogue & par l'églife. Le troifieme & le quatrième qui fe trouvent en latin dans les bibles ordinai- res après l'oraifon de Manafsès , quoique reconnus pour canoniques en plufieurs pays, & particulièrement chez les Grecs , font regardés comme apochryphes par les Latins & même par les Anglicans. Le troifieme dont on a le texte Grec , eft une répétition de ce qui eft contenu dans les deux premiers. Il eft cité par SL Athanafe , S. Auguftin , S. Ambroife : S. Cyprien même femble J'avoir connu. Le quatrième qu'on n'a qu'en latin , eft plein de virions , de fonges , & de quelques erreurs. II eft d'un autre auteur que le troifieme , & probablement de quel- que juif converti. Le canon d'E/dras eft la collection des livres de l'écriture faite par ce pontife , qui félon Genebrard , de concert avec la grande fynagogue , les diftingua par livres , & ceux- ci par verfets. S. Jérôme dit qu'il les copia en caraâeres Chaldéens qui font les carrés, & laiflà les anciensaux Samaritains. Il paroît que la fynagogue ne s'en eft pas tenue au canon â'Efdrasyk qu'elle y a ajouté d'autres ■livres ; témoin le livre d'Efdras lui-même , .& celui de Néhémias. V. CANON. (G) ESFARAIN , (Géog. mod.) ville du Corazan , en Afie. Long. 9 1 9 $ ; lat. 36, .£$ y félon les tables Arabiques. E. SJ MI ; E, MI LA, ou finalement E S K E , caradere ou terme de mufique , qui indique la note de la gamme que nous appelions mi Voye[ Gamme. (SJ ESKIMAUX , ÇGéogJ peuple fauvage de l'Amérique feptentrionale , fur les cotes de la terre de Labrador & delà baied'Hud- fon , pays extrêmement froids. Ce font les fauvages des fauvages , & les feuls de l'Amérique qu'on n'a jamais pu apprivoifer ; petits , blancs , gros , & vrais anthropophages. On voit chez les au- tres peuples des manières humaines, quoique extraordinaires, mais dans ceux-ci tout eft féroce & prefque incroyable. Malgré la rigueur du climat , ils n'allu- ment point de feu , vivent de chaftè , & fe fervent de flèches armées de pointes faites de dents de vaches marines , ou de pointes de fer quand ils en peuvent avoir. Ils man- gent tout crud , racines , viande & poifîbn. Leur nourriture la plus ordinaire eft la chair de loups ou veaux marins ; ils font aufli très- friands de l'huile qu'on en tire. Ils forment de la peau de ces fortes de bêtes , des facs dans Iefquels ils ferrent pour le mauvais temps une provifion de cette chair coupée par morceaux. Ils ne quittent point leurs vêtemens , & habitent des erous fouterrains, où ils entrent à quatre pattes. Ils fe font de petites tuniques de peaux d'oifeaux , la plume en dedans ? pour fe mieux garantir du froid , & otït pardeffus , en forme de chemife , d'autres tuniques de boyaux ou peaux d'animaux coufues par bandes , pour que la pluie ne les pénètre point. Les femmes portent leurs petits enfans fur leur dos , entre les deux tuniques , & tirent ces pauvres innocens pardefïbus le bras ou pardefïbus l'épaule , pour leur donner le tetton. Ces fauvages conftruifent des canots arec des cuirs , & ils les couvrent pardeffus , laiffant au milieu une ouvertui-e comme àunebourfe , dans laquelle un homme feul fe met; enfuite liant à fa ceinture cette efpece de bourfe , il rame avec un aviron à deux pelles , & affronte de cette manière la tempête & les gros poiflbns. Les Danois ont les premiers découvert les Eskimaux. Le pays qu'ils habitent eft rempli de havres , de ports , & de baies , où les barques de Québec vont chercher en troc ESP troc de clincaillerie , les peaux de loups marins que ces fauvages leur apportent pendant l'été. Extrait d'une lettre de Ste. Hélène, du 30. octobre iJS1' V°yc\ aufîi, fi vous voulez , la relation du Groenland , inférée dans les voyages du Nord , & ceux du baron de la Hontan : mais ne croyez point que ces livres fatisfaflent votre curio- fïté , ils ne contiennent que des fictions ; ce qui n'eft pas étonnant , puifque aucun voyageur , ni aucun armateur , ne s'eft encore hafardé de pénétrer dans le vafte pays de Labrador , pour en pouvoir parler. Ainfi les JEskimaux font le peuple fauvage de l'Amérique que nous connoifïbns le moins jufqu'à ce jour. DE J AU court. ESLAIZER, (terme de monnoyage au marteau. ) c'eft redreffer îe flaon du ré- chauffage en le battant , l'étendant & le drefïànt fur le tas ou enclume à coups de marteau : ce mot vient du verbe grec tXxwa y au futur txkrv , pulfo y ferio , excutio feriundo 9 forger en frappant , d'où iXet, $0 ; lat. /\8 , qo. ESMILIER , v. ad. terme d'ouvrier de bâtiment ,* c'eft équarrir du moellon avec le marteau , & piquer fon parement. (PJ ESMINE on EMINE, f. f. (Commer.J forte de mefure qui fert en quelques en- droits à mefurer les grains & les légumes. Il y a aufli une autre émine qui étoit autre- fois une mefure des liquides. Voye\ He- MINE. (G) ESMOUTIER , (Géogr. mod.J ville du Limoufin , en France. Long. 1$, zz ; ESOTERIQUE , adj. Voye^ Exoté- RIQUE. ESPACE , fubft. m. (Métaphyf) La queftion fur la nature de Vefpace y eft une des plus fameufes qui aient partagé les philofophes anciens & modernes ; aufli eft- elle , félon plufieurs d'entr'eux , une des plus effentielles , par l'influence qu'elle a fur les plus importantes vérités de métaphyfique. Tome XII. ESP 1017 Les philofophes en ont donné des défini- tions fort différentes , & même toutes oppo- fées. Les uns difent que Vefpace n eft rien fans les corps , ni même rien de réel en lui - même ; que c'eft une abftraction de l'efprit, un être idéal; que ce n'eft que l'ordre des chofes en tant qu'elles coexif- tent , & qu'il n'y a point iïefpace fans corps. D'autres au conrraire foutiennent que Vef- pace eft un être abfolu , réel , & diftingué des corps qui y font placés ; que c'eft une étendue impalpable , pénétrable , non fo- lide , le vafe univerfel qui reçoit les corps qu'on y place ; en un mot une efpece de fluide immatériel & étendu à l'infini , dans lequel les corps nagent. Le fentiment d'un ejpace diftingué de la matière a été autrefois foutenu parEpicure, Démocrite , & Leucippe , qui regardoient Vefpace comme un être incorporel , impal- pable, ni aûif ni pafîif. GarTendi a renouvelle de nos jours cette opinion , & le célèbre Loke , dans fon livre de V entende ment hu- main y ne diftingué Vefpace pur des corps qui le remplifïènt , que par la pénétrabilité. Keill , dans fon introduction à la véritable phyjique 3 & tous les difciples de Loke , ont foutenu la même opinion ; Keill a même donné des théorèmes par lefquels il pré- tend prouver que toute la matière eft par- femée de petits efpaces ou interftices abso- lument vuides , & qu'il y a dans les corps beaucoup plus de vuide que de matière folide. L'autorité de M. Newton a fait embraf- fer l'opinion du vuide abfolu à plufieurs mathématiciens. Ce grand homme croyoit , au rapport de M. Loke , qu'on pouvoit expliquer la création de la matière , en fuppofant que Dieu auroit rendu plufieurs parties de Vefpace impénétrables : on voit dans le feolium générale 7 qui eft à la fin des principes de M. Newton , qu'il croyoit que Vefpace éroit Pimmenfité de Dieu ; il l'appelle, dans fon optique 9 le fenforium de Dieu , c'eft-à-dire , ce par le moyen de quoi Dieu eft préfent à toutes chofes. M. Clarke s'eft donné beaucoup de peine pour foutenir le fentiment de M. Newton , & le fien propre fur Vefpace abfolu , contre M. Leibnitz qui prétendoit que Vefpace n'étoit que l'ordre des chofes coexiftantes, Nnnnnn ioi8 ESP Donnons le précis des preuves dont les défenfeurs de ces deux opinions fe fervent, & des objections qu'ils fe font récipro- quement. Les partifans de l'efpace abfolu & réel appuient d'abord leur idée de tous les fe- cours que l'imagination lui prête. Vous avez beau , difent - ils , anéantir toute ma- tière & tout corps , vous concevez que la place que cette matière & ces corps occu- poient fubfifte encore , qu'on y pourroit remettre les mêmes chofes , & qu'elle a les mêmes dimenfions & propriétés. Tranf- portez-vous aux bornes de la matière , vous concevrez au delà un efpace infini , dans lequel l'univers pourroit changer fans celle de place. Y? efpace occupé par un corps , n'eft pas l'étendue de ce corps ; mais le corps étendu exifte dans cet efpace , qui en eft abfolument indépendant ; car Yefpace n'eft point une afFeàion d'un ou de plu- sieurs corps , ou d'un être borné , & il ne paiTe point d'un fujet à un autre. Les efpaces bornés ne font point des propriétés des fubftances bornées , ils ne font que des parties de Yefpace infini , dans lequel les fubftances bornées exiftent. Enfuite ces mêmes philofophes font fentir la difficulté qu'il y auroit pour les corps , de fe mou- voir dans le plein abfolu , contre lequel ils font trois objections principales : la pre- mière , prife de l'impofîîbilité du mouve- ment dans le plein ; la féconde , de la diffé- rente pefanteur des corps ; & la troifieme , de la refiftance par laquelle les corps qui fe meuvent dans le plein , doivent perdre leur mouvement en très - peu de temps : mais l'examen de ces difficultés appartient à d'autres articles ( Voy. Plein , Vuide). Le refte des défenfes & attaques dont fe fervent ceux qui maintiennent X efpace ab- folu , fe trouve expofé dans le paflàge fuivant ; il eft tiré de la cinquième réplique de M. Clarke à M. Leibnitz ; le favant Anglois paroît y avoir fait fes derniers efforts fous fes étendards. « Voici , dit » M. Clarke , voici, ce me femble , la prin- » cipale raifon de la confufion & des con- n tradiâions que l'on trouve dans ce que 9i la plupart des philofophes ont avancé fur » la nature de Yefpace. Les hommes font #> naturellement portés , faute d'attention , ESP >j a négliger une diftin&ion trés-nécefTàire, n & fans laquelle on ne peut raifonnerclai- » rement ; je veux dire qu'ils n'ont pas foin » de diftinguer , quoiqu'ils le dufïent tou- » jours faire , entre les termes abjhaits & 7) concrets y comme font l'immenfité & » l'immenfe. Ils négligent auffi de faire une h diftin&ion entre les idées & les chofes , » comme font l'idée de l'immenfité que n nous avons dans notre efprit , & l'im- m menfité réelle qui exifte actuellement » hors de nous. Je crois que toutes les » notions qu'on a eues touchant la nature m de Yefpace, ou que l'on peut s'en former , » fe réduifent à celles-ci : Yejpace eft un m pur néant ,ou il n'eft qu'une fimple idée , » ou une fimple relation d'une chofe à une » autre , ou bien il eft la matière de quel- » qu'autre fubftance , ou la propriété d'une » fubftance. n II eft évident que Yefpace n'eft pas un pur n néant ; car le néant n'a ni quantité , ni » dirnenfions , ni aucune propriété. Ce » -principe eft le premier fondement de » toute forte de feience , & il fait voir la » différence qu'il y a entre ce qui exifte » & ce qui n'exifte pas. » Il eft aufïi évident que Yefpace n'eft pas » une pure idée ; car il n'eft pas poffible » de fe former une idée de Yefpace qui n aille au delà du fini , & cependant la « raifon nous enfeigne que c'eft une con- « tradicrion que Yefpace lui-même ne foit » pas actuellement infini. H II n'eft pas moins certain que Yefpace » n'eft pas une fimple relation d'une chofe » à une autre , qui réfulte de leur fituation » ou de l'ordre qu'elles ont entr'elles , »> puifque Yefpace eft une quantité , ce qu'on » ne peut pas dire des relations , telles que » la fituation & l'ordre. J'ajoute que fi le n monde matériel eft ou peut être borné , » il faut nécessairement qu'il y ait un efpace jjrtfctuel ou poftible au delà de l'univers. » Il eft aufîi très- évident que Yefpace n'eft » pas la matière ; car en ce cas la matière » feroit néceftairement infinie , & il n'y au- » roit aucun efpace qui ne réfiftât au mou- » vement , ce qui eft contraire à l'expé- n rience. » Il n'eft pas moins certain que Yefpace « n'eft aucune forte de fub fiance , puifque 9f ESP Vefpace infini eft fimmenfité & non pas l'immenfe ; au lieu qu'une fubftance y> infinie eft l'immenfe & non pas l'im- » menfité ; comme la durée n'eft pas une » fubftance , parce qu'une durée infinie eft m l'éternité & non un être éternel ; mais « une fubftance dont la durée eft infinie , t> eft un être éternel & non pas l'éternité, » Il s'enfuit donc néceflài rement de ce » qu'on vient de dire , que Vefpace eft une p propriété de la même manière que la n durée. L'immenfité eft une propriété de » l'être immenfe , comme l'éternité de » l'être éternel. » Dieu n'exifte point dans Vefpace ni dans » le temps , mais fon exiftence eft la caufe w de Vefpace & du temps qui font des » fuites néceflàires de fon exiftence , & non » des êtres diftin&s de lui dans Iefquels il » exifte. Voyez Temps , Eternité. "Vefpace } difent au contraire les Leibni- tiens , eft quelque chofe de purement re- latif, comme le temps ; c'eft un ordre de coexifians y comme le temps eft un ordre des fuccejfions ; car CiV efpace étoit une pro- priété ou un attribut , il devroit être la propriété de quelque fubftance. Mais Vefpace vuide borné que l'on fuppofe entre deux corps , de quelle fubftance fera-t-il la pro- priété ou l'afFeétion? dira-t-on que Vefpace infini eft l'immenfité ? alors Vefpace fini fera l'oppofé de l'immenfité , c'eft-à-dire , la menfurabilité ou l'étendue bornée : or , l'étendue doit être l'affe&ion d'un étendu ; mais fi cet efpace eft vuide , il fera un attri- but fans fujet. C'eft pourquoi en faifant de Vefpace une propriété , on tombe dans le fentiment qui en fait un ordre de chofes , & non pas quelque chofe d'abfolu. Si Vef- pace eft une réalité abfolue , bien-loin d'être une propriété oppofée à la fubftance , il fera plus fubfiftant que les fubftances. Dieu ne le fauroit détruire , ni même changer en rien. Il eft non feulement immenfe dans le tout , mais encore immuable & éternel en chaque partie. Il y aura une infinité de chofes éternelles hors de Dieu. Suivant cette hypothefe , tous les attributs de Dieu con- viennent à Vejpace ; car cet efpace , s'il étoit poflible, feroit réellement infini, immuable, incréé , néceflàire , incorporel , préfent par^ lout. C'eft en partant de setçe fuppofition , ESP 1019 que Raphfon a voulu démontrer géomé- triquement que Vefpace eft un attribut de Dieu , & qu'il exprime fon eflence infinie & illimitée. De toutes les démonftrations contre la réalité de Vefpace > celle que l'on fait valoir le plus eft celle-ci : fi Vefpace étoit un être abfolu , il y auroit quelque chofe dont il feroit impoftible qu'il y eût une raifon fuffifante. Ecoutons M. Leibnitz lui-même dans fon troifieme écrit contre M. Clarke. « Vefpace eft quelque chofe d'abfolument » uniforme , & fans les chofes qui y font n placées , un point de Vefpace ne diffère » abfolument en rien d'un autre point de n Vefpace. Or , il fuit de cela ( fuppofé que » Vefpace foit quelqu'autre chofe en lui— » même que l'ordre des corps entr'eux ) » qu'il eft impoftible qu'il y ait une raifon » pourquoi Dieu , gardant les mêmes fitua- » tions des corps entr'eux , ait placé les » corps dans Vefpace ainfi & non pas autre- » ment , & pourquoi tout n'a pas été pris » à rebours , par exemple , par un échange » de l'orient & de l'occident.Mais fi Vefpace » n'eft autre chofe que cet ordre au rap- » port , & n'eft rien du tout fans les corps y) que la pofîibilité d'en mettre ; ces deux 7> états , l'un tel qu'il eft , l'autre pris à re- » bours , ne différeroient point entr'eux. » Leur différence ne fe trouve donc que « dans la fuppofition chimérique de la réa- » lité de Vefpace en lui-même ; mais dans la » vérité , l'un feroit précifément la même n chofe que l'autre , comme ils font abfo- t> lument indifcernables , &c. n M. Clarke répondit à ce raifonnement , que la fimple volonté de Dieu étoit la raifon fuffifante de la place de l'univers dans Vefpace , & qu'il n'y en avoit point d'autre. On fent bien que les Leibnitiens nefe payèrent pas de cette raifon, ce qui au fond ne prouve rien contr'elle. Voici , félon les Leibnitiens , comment nous venons à nous former l'idée de Vefpace; cet examen peut fervir , félon eux , à dé- couvrir la fource des illufions que l'on s'eft faites fur la nature de Vefpace. Nous fentons que lorfque nous confidé- rons deux chofes comme différentes , 6c que nous les diftinguons l'une de l'autre p nous les plaçons dans notre efprit l'une hors Nnnnnn % io2o ESP de l'autre ; ainfi nous voyons comme hors de nous tout ce que nous regardons comme différent de nous ; les exemples s'en pré- fentent en foule. Si nous nous repréfentons ! dans notre imagination un édifice que nous n'aurons jamais vu , nous nous le repré- fentons comme hors de nous , quoique noiis fâchions bien que l'idée que nous en avons exifte en nous , & qu'il n'y a peut- être rien d'exiftant de cet édifice hors de notre idée ; mais nous nous le repréfentons comme hors de nous , parce que nous fa- vons qu'il eft différent de nous ; de même , fi nous nous repréfentons idéalement deux hommes , ou que nous répétions dans notre efprit la reprtfentation du même homme deux fois , nous les plaçons l'un hors de l'autre , parce que nous ne pouvons forcer notre efprit à imaginer qu'ils font un & . deux en même temps. Il fuit delà que nous ne pouvons nous ' repréfenter plufieurs chofes différentes comme faifant un , fans qu'il en réfulce ; une notion attachée à cette diverfité & à j cette union des chofes ; & cette notion j nous la nommons étendue : ainfi nous j donnons de l'étendue à une ligne , en tant j que nous faifons attention à plufieurs i parties diverfes que nous voyons comme { exiftant les unes hors des autres , qui font unies enfemble , & qui font par cette rai- fon un feul tout. Il eft fi vrai que la diverfité & l'union font naître en nous l'idée de l'étendue , que quelques philofophes ont voulu faire paffer notre ame pour quelque chofe d'étendu , parce qu'ils y remarquoient plu- fieurs facultés différentes , qui cependant conftituent un feul fujet , en quoi ils fe trompoient : c'eft abufer de la notion de l'étendue , que de regarder les attributs & les modes d'un être comme des êtres féparés , exiftans les uns hors des autres ; car ces attributs & ces modes font infé- parables de l'être qu'ils modifient. Pour peu que l'on faffe attention à cette notion de l'étendue , on s'apperçoit que les parties de l'étendue , confédérées par abftraction , & fans faire attention ni à leurs limites ni à leurs figures , ne doivent avoir aucune différence interne ; elles doi- vent être fimilaires , & ne différer que par ESP le nombre ; car puifque pour former ridée de l'étendue on ne confidere que la plu- ralité des chofes & leur union , d'où naît leur exiûence l'une hors de l'autre , & que l'on exclut toute autre détermination , toutes les parties étant les mêmes quant à la pluralité & à l'union , l'on peut fubfti- tuer l'une à la place de l'autre , fans dé- truire ces deux déterminations de la plu- ralité & de l'union , auxquelles feules on fait attention ; & par conféquent deux parties quelconques d'étendue ne peuvent différer qu'en tant qu'elles font deux , & non pas une. Ainfi toute l'étendue doit être conçue comme étant uniforme , fimi- laire , & n'ayant point de détermination interne qui en diftingue les parties les unes des autres , puifque étant pofées comme l'on voudra , il en réfultera toujours le même être ; & c'eft delà que nous vient l'idée de Xefeace abfolu que l'on regarde comme finn'aire & indifcernable. Cette notion de l'étendue eft encore celle du corps géométrique ; car que l'on divife une ligne , comme & en autant de parties que l'on voudra , il en réfultera toujours la même ligne en raffemblant fes parties , quelque tranfpofition que l'on faffe entre elles : il en eft de même des furfaces & des corps géométriques. Lorfque nous nous fommes ainfi formé dans notre imagination un être de la di- verfité de l'exiftence de plufieurs chofes & de leur union , l'étendue , qui eft cet être imaginaire , nous paroît diftinâe du tout réel dont nous l'avons féparée par abs- traction , & nous nous figurons qu'elle peut fubfifter par elle-même , parce que nous n'avons point befoin , pour la concevoir , des autres déterminations que les êtres , que l'on ne confidere qu'en tant qu'ils font divers & unis , peuvent renfermer ; car notre efprit appercevant à part les déter- minations qui conftituent cet être idéal que nous nommons étendue y & concevant enfuite les autres qualités que nous en avons féparées mentalement , & qui ne font plus partie de l'idée que rfous avons de cet être , il nous femble que nous por- tons toutes ces chofes dans cet être idéal , que nous les y logeons , & que l'étendue les reçoit & les contient comme un vaîe ESP reçoit la liqueur qu'on y verfe. Ainfi en tant que nous coniïdérons la pofîibilité qu'il y a que plufïeurs chofes différentes puiiïènt exifter enfemble dans cet être abftrait que nous nommons étendue , nous nous formons la notion de Vefpace , qui n'eft en effet que celle de l'étendue , jointe à la pofîibilité de rendre aux êtres coexif- tans & unis , dont elle eft formée , les déterminations dont on les avoit d'abord dépouilles par abftraction. On a donc rai- fon , ajoutent les Leibnitiens , de définir | Vefpace y l'ordre des coexiftans , c'eft-à- dire , la reffemblance dans la manière de coexifrer des êtres ; car l'idée de Vefpace naît de ce que l'on ne fait uniquement attention qu'à leur manière d'exifter l'un hors de l'autre , & que l'on fe repréfente que cette coexiftence de plufïeurs êtres produit un certain ordre ou refTèmblance dans leur manière d'exifter ; en forte qu'un de ces êtres étant pris pour le premier , un autre devient le fécond, un autre le troifîeme , &c. On voit bien que cet être idéal d'éten- due , que nous nous formons de la plu- ralité & de l'union de tous ces êtres , doit nous parokre une fubftance ; car en tanr que nous nous figurons plufïeurs chofes exiftantes enfemble , & dépouille'es de toutes déterminations internes, cet être nous paroît durable ; & en tant qu'il eft poffible , par un acte de l'entendement , de rendre à ces êtr^s les déterminations dont nous les avons dépouillés par abf- traction , il f<*nble à l'imagination que nous y transportons quelque chofe qui n'y e*toit pac> & alors cet être nous paroît modifiable. II eft donc certain , continuent les fec- t*:eurs de Leibnitz , qu'il n'y a à'efpace qu'en tant qu'il y. a des chofes réelles & coexiftantes ; & fans ces chofes il n'y auroit point tfefpace. Cependant Vefpace n'eft pas les chofes mêmes ; c'eft un être qui en a été formé par abftra&ion , qui ne fubfîfte point hors des chofes , mais qui n'eft pour- tant pas la même chofe que les fujets dont on a fait cette abftraction ; car ces fujets renferment une infinité de chofes qu'on a négligées en formant la notion de Vefpace. Vefpace eft aux êtres re'els , comme les ESP 1021 nombres aux chofes nombrées , lefquelîes chofes deviennent femblables & forment chacune une unité à l'égard du nombre , parce qu'on fait abftraction des détermi- nations internes de ces chofes , & qu'on ne les confidere qu'en tant qu'elles peuvent faire une multitude , c'eft-à-dire , plufïeurs unités ; car , fans une multitude réelle des chofes qu'on compte , il n'y auroit point de nombres réels & exiftans , mais feule- ment des nombres poffibles: ainfi de même qu'il n'y a pas plus d'unités réelles qu'il n'y a de chofes a&uellement exiftantes , il n'y a pas non plus d'autres parties ac- tuelles de Vefpace , que celles que les chofes étendues a&uellement exiftantes défignent ; & l'on ne peut admettre des parties dans Vefpace actuel , qu'en tant qu'il exifte des êtres réels qui coexiftent les uns avec les autres. Ceux donc , ajoutent nos Leibni- tiens , qui ont voulu appliquer à Vefpace actuel les démonftrations qu'ils avoient déduites de Vefpace imaginaire , ne pou- voient manquer de s'engager dans des la- byrinthes d'erreurs dont ils ne fauroient trouver l'iiTue. Telles font les deux opinions contraires fur la nature de Vefpace; elles ont l'une & l'autre des partifans diftingués parmi les philofophes. Je finirai cet article par une remarque judicieufe d'un grand phyficien , c'eft M. Muflchembroek , qui s'exprime ainfi. « A quoi bon toutes ces difputes fur » la pofîibilité ou l'impoffibilité de Vefpace? » car il pourroit arriver qu'il feroit feule- » ment poflible , & qu'il ne fe trouveroit n nulle part dans le monde , & alors toutes » ces difficultés ne deviendroient- elles pas » inutiles ? Il en eft de même à l'égard de » tout ce que les philofophes difent tou- » chant la pofîibilité : plufïeurs d'entr'eux i> perdent ici bien du temps , prétendant » que la philofophie eft une feience qui » doit traiter de la pofîibilité : certainement » cette feience feroit alors fort inutile & » aftujettie à bien des erreurs. En effet , n quel avantage me reviendroit-il d'em- » ployer mon temps à la recherche de tout » ce qui eft poffible dans le monde , tan- » dis que je négligerois de chercher ce qui » eft véritable ? d'ailleurs notre efprit eft t> trop borné pour que nous puiffions jamais 1022 ESP » connoître ce qui eft poffible ou ce qui 7) ne I'eft pas ; parce que nous connoiffons « fi peu de chofes , que nous ne pré- » voyons pas les contrariétés qui pourroient » s'enfuivre de ce que nous croirions être » poflible. » Cet art. eft tire des papiers de M. For- me y , qui l'a compofé en partie fur le recueil des Lettres de Clarke , Leibnitz , Newton, Amfierdam , ij^o ; & furies in fi. de Phyfique de madame du Châtelet. Nous ne prendrons point de parti fur la queftion de Yefpace ; on peut voir , par tout ce qui a été dit au mot ÉLÉMENS D£S Sciences, combien cette queftion obfcure eft inutile à la géométrie & à la phyfîque. Voy. TEMS , ÉTENDUE , MOUVEMENT, Lieu, Vuide, Corps, ùc ESPACE , en Géométrie , fignifie l'aire d'une figure renfermée & bornée par les lignes droites ou courbes qui terminent cette figure. Vefpace parabolique eft celui qui eft renfermé par la parabole : de même Yef- pace elliptique , Yefpace conchoïdal , Yefpace cifloïdal font ceux qui font renfermés par I'ellipfe , par la conchoïde , par la cifîbïde , &c. Voye\ ces mots; voye\ aujji QUA- DRATURE. Sur la nature de Yefpace, tel que la géométrie le confidere , voye\ V ar- ticle ÉTENDUE. ESPACE , en Méchanique > eft la ligne droite ou courbe que l'on conçoit qu'un point mobile décrit dans fon mouvement. Espace , (Droit civil. J étendue indé- finie de lieu , en longueur, largeur, hauteur & profondeur. On met au rang des immeubles Yefpace , qui de fa nature eft entièrement immo- bile. On peut le divifer en commun & par- ticulier. Le premier eft celui des lieux publics , comme des places , des marchés , des tem- ples , des théâtres , des grands chemins , Ùc. l'autre eft celui qui eft perpendiculaire au fol d'une pofTeflion particulière, par des lignes tirées tant du centre de la terre vers fa furface , que de la furface vers le ciel. La pofTèffion de cet efpace , auffi loin qu'on peut y atteindre de delEis terre , ESP eft abfolument néceftàire pour la poiTeflion du fol ; & par corsféquent l'air qu'il ren- ferme toujours , quoique fujet à changer | continuellement , doit aufli être regardé comme appartenant au propriétaire , par rapport aux droits qu'il a d'empêcher qu'aucun autre ne s'en ferve ou n'y mette rien qui l'en prive , fans fon confenrement : cependant en vertu de la loi de l'huma- nité, il eft tenu de ne refufer à perfonné un ufage innocent de cet efpace rempli d'air , & de ne rien exiger pour un tel fer vice. Chacun a aufli le droit naturel d'élever un bâtiment fur fon fol , aufli haut qu'il le veut ; il peut encore creufer dans fon fol auffi bas qu'il le juge à propos , quoi- que les loix civiles de certains pays ad- jugent aufifc ce qui fe trouve dans les terres d'un particulier à une profondeur plus grande que celle où peut pénétrer le foc de la charrue. Il faut au refte obferver les lignes per- pendiculaires tirées de la furface du fol , tant en haut qu'en bas : ainfi comme mon voifin ne fauroit légitimement éle- ver un bâtiment, qui, par quelque endroit, reponde directement à mon fol, quoiqu'il n'y foit pas appuyé, & qu'il porte fur des poutres prolongées en ligne horizon- tale ; de n-^me je ne puis pas , à mon tour , faire un» pyramide dont les côtés & les fondemens s'étendent au delà de mon efpace 9 à mo'^s qu'il n'y ait à cet égard quelque convei*i0n entre mon voifin & moi ; c'eft à qucfi, pour le bien public , les loix s'oppofent : t«ç loix font fort fages en général , & les homtnes tou- jours infatiables & fort injuftes en parti- culier. Article de M. le chevalier DE Jjjj- COURT, Espace , en Mufique > eft cet intervalle qui fe trouve entre une ligne & celle qui la fuit immédiatement , en montant ou en defcendant. Il y a quatre efpaçes entre les cinq lignes de la portée. Voye\ Por- tée. Guy Arétin ne pofa d'abord des notes que fur les lignes; maisenfuite, pour éviter la multiplication des lignes & ménager mieux la place , on en mit aufli dans les efpace s. Voye\ Lignes. (S) ESP ESPACE. On appelle ainfi , dans Tufage de Y Imprimerie, ce qui fert à féparer dans ; la compoiîtion les mots les uns des autres : ce font de petits morceaux de fonte de 1 epahTeur du corps du caractère pour lequel j ils font fondus, & qui , étant plus bas que : la lettre , forment le vuide qui paroît dans \ fimpreiïion entre chaque mot. Les efpaces font de différentes épaiflèurs ; il y en a de fortes , de minces & de moyennes , pour donner au compofiteur la facilité de juftifier. Kqyeç Justifier. ESPACEMENT ,-f. m. (Architeci.) c'eft dans l'art de bâtir , toute diftance égale entre un corps & un autre : ainfi on dit Yefpacement des poteaux d'une cioi- fon , des folives d'un plancher , des che- vrons d'un comble , des baluftres d'un appui , &c Efpacer tant plein que vuide , c'eft laifter les intervalles égaux aux fo- lides. (P) ESPACER. (Jardinage.) On fe fert de ce terme pour marquer l'intervalle que l'on doit laifTer d'un arbre à un autre. On efpace ordinairement ceux des allées à 12 pies ; on les met dans la campa- gne à 17 & à 24 pies de diftance. Les arbres à fruits de demi-tige , dans les ef- paliers , fe mettent à 12 pies avec un nain ou buiftbn entre deux ; lorfqu'ils font de haute tige ils demandent un efpace de 4 toifes avec un arbre entre deux : dans les vergers on les plante à 17 & à 24 pies. (K) ESPADE ou ESPADON , f. m. ÇCor- dier.J eft une palette de 2 pies de lon- gueur , de 4 à cinq pouces de largeur , & de 6 à 7 lignes d'épaiflèur, dont on fe fert pour efpader le chanvre fur le chevalet. Voyei CORDERIE. Espade , eft une façon que l'on donne à la filafte après qu'elle a été broyée ; elle confifte à mettre du chanrve fur l'entaille du chevalet , & à le battre avec Yefpade jufqu'à ce qu'il foit entièrement net. Cette préparation a plufieurs avantages ; elle débarraflè la filafte des petites parties de chenevottes qui y reftent , ou des corps étrangers , feuilles , herbe , pouftiere , €?c & elle fepare du principal brin l'étoupe la plus groïïiere , c'eft-à-dire les brins de chanvre qui ont été rompus en plufieurs ESP 1023 parties , ou très - bouchonnés. En fécond lieu , elle fëpare les unes des autres les fibres longitudinales , qui , par leur union , forment des efpeces de rubans. Il y a des provinces où , au lieu à'ef- pader le chanvre, on le pile avec des maillets. ESPADEURS , f. m. pi. (Corderie.) Ce font les ouvriers qui travaillent à donner à la filafiè la préparation nommée Yefpade. Voye\ Corderie. ESPADON , EMPEREUR , fubft. m. (Hijî. nat. Ichthiolog.) xiphias Yeugladius; poiffon de mer qui a le bec fort alongé & fait en forme de glaive ou d'épée à deux tranchans , longue de deux coudées & dure comme un os. On pourroit le dif- tinguer de tout autre poiftbn par ce feul caractère qui lui eft particulier. Il eft auili grand qu'un cétacée ; il pefe plus de cent livres , & quelquefois même p!us de deux cents , & il a cinq aunes de longueur. Le corps eft allongé & rond , & fort épais près de la tête : c'eft la mâchoire du def- fus qui fe prolonge au point de former l'épée dont vient le nom tfefpadon ; on croit qu'il a été appelle empereur , parce qu'on repréfente les empereurs avec une épée en main. La mâchoire du deftbus eft pointue par le bout ; il n'a qu'une na- geoire fur le dos , mais elle s'étend pref- que d'un bout à l'autre : la queue eft échancrée , & a la figure d'un croiflant. Ce poiftbn a une paire de nageoires au- près des ouies , & deux autres nageoires qui font au delà de l'anus : fa peau eft rude & luifante , de couleur noire fur le dos , & blanche fur le ventre. L'efpa- don eft très- fort ; il enfonce fon bec pointu dans les navires , & il perce les plus grands poifions cétacées Rai , fynop. meth. pife. Rond. kifl. despoijfons. V POISSON. (I) Espadon , ( Fourbijf.) grande & large j épée qu'on tient à deux mains. Voye\ ^PÉE * ESPADOT , f. m. terme de Pêche , ufité dans le reftbrt de Pamira\uté de Ma- rennes ; c'eft un inftrument formé d'un petit fer d'environ 2 pies & demi de long , crochu par le bout , lequel on em- manche dans une petite broche d'environ ^ pies de long , plus groflè par le bout , qui 1024 ESP fert de poignée. Les pêcheurs fe fervent de cet infiniment dans les éclufes où ils vont la nuit avec des brandons de rofeaux ou de paille ; & quand ils apperçoivent des poifîbns, il les retirent avec le bout de Vefpadot , & les tuent enfuie avec le même infiniment. Les langons font des efpeces d'efpadots formés de petites pointes ébarbelées , fichées au bout d'une perche : les fouannes eu fougnes ' reflemblent à celles qu'on trou- vera décrites à X article Fouanne; & les faucilles ne font fouvent que ces fortes de couteaux à fcier des grains quand ils font hors de fervice , ou quelques mor- ceaux de fer crochus. ESPAGNE , (Géog. hifl.)f royaume con- fidérable de l'Europe , borné par la mer , le Portugal & les Pyrénées : il a environ 240 lieues de long fur 200 de large , Long, s , m; lat. 36, 44. t Je laiflè les autres détails aux géogra- phes , pour retracer ici le tableau qu'un grand peintre a fait des révolutions de ce royaume dans fon Hiftoire du Jîecle de Louis XIV. UEfpagne } foumife tour-à-tour par les Carthaginois , par les Romains , par les Goths , par les Vandales , & par les Arabes qu'on nomme Maures , tomba fous la domination de Ferdinand , qui fut à jufte titre furnommé roi d'Efpagne , puisqu'il en réunit toutes les parties fous fa domina- tion ; l'Arragon par lui-même , la Caftille par Ifabelle fa femme , le royaume de Gre- nade par fa conquête fur les Maures , & le royaume de Navarre par ufurpation : il décéda en 15 16. Charles-Quint fon fucceflèur forma le projet de la monarchie univerfelle de notre continent chrétien , & n'abandonna fon idée que par l'épuifement de fes forces & fa démiffion de l'empire en 1556. Le vafte projet de monarchie univerfelle, commencé par cet empereur , fut foutenu par Philippe II , fon fils. Ce dernier voulut , du fond de l'Efcurial , fubjuguer la Chré- tienté par les négociations & par les armes ; il envahit le Portugal ; il défoîa la France ; il menaça l'Angleterre : mais plus pro- pre à marchander de loin des efclaves qu'à combattre de près fes ennemis , il np ESP put ajouter aucune conquête à la facile in- vafion du Portugal. Il facrifia de fon aveu quinze cents millions , qui font aujourd'hui plus de trois mille millions de notre mon- noie , pour aflervir la France & pour rega- gner les fept Provinces - Unies ; mais fes tréfors n'aboutirent qu'à enrichir les pays qu'il voulut dompter: il mourut en 1598. Sous Philippe III , la grandeur Efpagnole ne fut qu'un vafte corps fans fubftance , qui avoit plus de réputation que de force. Ce prince , moins guerrier encore & moins lage que Philippe II , eut peu de vertus de roi: il ternit fon règne & affoiblit la mo- narchie par la fuperftition , ce vice des âmes foibles ; par les nombreufes colonies qu'il tranfplanta dans le Nouveau - Monde , & en chaflant de fes états près de huit cents mille Maures , tandis qu'il auroit dû au contraire le peupler d'un pareil nombre de fujets ; il finit fes jours en 1621. Philippe IV , héritier de la foiblefle de fon père , perdit le Portugal par fa négli- gence , le Rouffillon par la foibleffe de fes armes , & la Catalogne par l'abus du def- potifme : il mourut en 1665. Enfin l'inquifition , les moines , la fierté oifive des habitans , ont fait paffer en d'au- tres mains les richefïès du Nouveau- Monde. Ainfî ce beau royaume qui imprima jadis tant de terreur à l'Europe , eft par grada- tion tombé dans une décadence dont il aura de la peine à fe relever. Peu puiffant au dehors, pauvre & foible au dedans , nulle induftrie ne féconde en- core dans ces climats heureux , les pré- fens de la nature. Les foies de Valence , les belles laines de PAndaloufie & de la Caf- tille , les piaftres & les marchandifesdu Nou- veau-Monde, font moins pour YEfpagne que pour les nations commerçantes ; elles confient leur fortune aux Efpagnols , & ne s'en font jamais repenties : cette fidélité fin- guliere qu'ils avoient autrefois à garder les dépôts , & dont Juftin fait l'éloge , ils l'ont encore aujourd'hui ; mais cette admirable qualité , jointe à leur parefîè , forme un mélange , dont il réfulte des effets qui leur font nuifibles. Les autres peuples font fous leurs yeux le commerce de leur monarchie ; & c'eft vraifemblablement un bonheur pour l'Europe que le Mexique , le Pe'rou , & le Chiîy , ESP Chily , foient pofTédés par une nation pa- reflèufe. Ce feroit fans doute un événement bien fingulier, fi l'Amérique venoit à fecouerle joug de YEfpagne , & fi pour lors un habile vice-roi des Indes , embrafTant le parti des Américains , les foutenoit de fa puiffance & de fon génie. Leurs terres produiroient bientôt nos fruits ; & leurs habitans n'ayant pkis befoin de nos marchandifes , ni de nos denrées , nous tomberions à peu près dans le même état d'indigence , ou nous étions il y a quatre fiecles. UEfpaghe, ie l'avoue, paroît à l'abri de cette révolution , mais l'empire de la fortune eft bien étendu ; & la prudence dos hommes peut-elle fe flatter de prévoir & de vaincre tous fes caprices ? Voye\ ECOLE (philofophie de V.) Article de M. le Chevalier de Jaucourt. * ESPAGNOLETTE , f. f. (Drap.) étoffes de laine qui fe fabriquent particuliè- rement à Rouen , à Beauvais & à Châlons. Les réglemens du commerce les ordonnent à Beauvais de laines d'Efpagne pour la trame, eu des plus fines de France & du pays , fans agnelins ni peignons ; les croifées à cin- quante-fix portées, trois quarts & un feizè de large, vingt-fept aunes de long, pour revenir foulées à demi-aune demi-quart de large , fur vingt-deux à vingt-trois aunes de long ; & les non croifées à trente -fix portées , trois quarts & demi de large , vingt-fept aunes de long , pour revenir foulées à demi-aune demi-quart de large , fur^vingt-deux à vingt- trois aunes de long. Voye\ les Règlement du Commerce. . * Espagnolette , (Econ. domefiiq. ù Serrurer.) efpece de fermeture de fenêtre. En général , cette fermeture confifte en une longue barre de fer arrondie , attachée fur celui des deux battans de la fenêtre qui porte fur l'autre , & le contient ; à cette barre eft unie , vers le milieu , une main qui fait mouvoir la barre fur elle-même ; les extrémités de la barre font en crochet. Quand Ta barre eft mue fur elle-même , à l'aide de la main , de droite à gauche , les crochets font reçus & retenus dans des gâ- ches ; la main qui fe meut aufli circulaire- ment & verticalement fur une de ces extré- mités , peut être arrêtée dans un crochet Tome XIL ESP 1025 mobile attaché fur l'autre battant , & la fenêtre eft fermée. Pour l'ouvrir, on fait fortir la main de fon crochet , & par fon moyen , on fait enfuite tourner la barre fur elle-même de gauche à droite; alors fes extrémités fortent de leurs gâches , & la fenêtre eft ouverte. ESPALIER , f. m.ÇJard.) c'eft une fuite d'arbres fruitiers régulièrement plantés contre des murs , afîujettis par un treillage , & conduits avec intelligence pour former une tapifTerie de verdure naturelle qui donne de beaux fruits , & qui fait le principal or- nement des jardins potagers. XJefpalier a aufli l'avantage de préferver les arbres de plufieurs intempéries , & d'avancer la ma- turité du fruit. Mais il faut des foins fuivis, une culture entendue , & beaucoup d'arc pour conduire les arbres en efpalier ; c'eft le point qui décelé ordinairement l'ignorance des mauvais jardiniers , & c'eft le chef- d'œuvre de ceux qui ont afTez d'habileté pour accorder la contrainte que l'on impofe à l'arbre avec le rapport qu'on en attend. Tous les arbres à- fruit ne font pas propres à former un efpalier .- les fruits à pépin y conviennent moins que ceux à noyau , dont quelques efpeces y réunifient fort bien , & entr'autres le pêcher, qui mérite fur-tout d'y être employé , quoiqu'il foit le plus- difficile à conduire. La première & la prin- cipale attention , lorfqu'on veut planter un efpalier 3 doit être de bien proportionner la diftance des arbres, attendu que tout l'agré- ment & l'utilité qu'on peut fe promettre d'un efpalier _, dépendront de ce premier arrangement. La diftance des arbres, en pa- reil cas , doit fe régler fur plufieurs circonf- tances auxquelles il faut avoir égard , comme à la hauteur des murs, à leur expofitiony à la qualité du terrein , à la nature des ar- bres . Oc. Les murs qui n'ont que huit à neuf pies , ne peuvent admettre que des arbres de baffe tige , qu'il faut efpacer à douze ou quinze pies. Si les murs ont environ douze pies d'élévation , on peut mettre alternativement entre chacun de ces arbres , d'autres fruitiers de fix pies de tige pour garnir le haut des murailles. La bonne ou mauvaife qualité du fol doit décider du plus ou. du moins de diftance. L'expoficion Oooooo ioi6 ESP au nord , où les arbres pouflent plus vigou- reufement qu'au midi , en demande da- vantage : tout de même , quelques efpeces d'arbres occupent plus defpace que d'au- tres ; il faut plus de place à l'abricotier qu'au pêcher , beaucoup plus au figuier , &c. La forme que l'on doit donner aux arbres en efpalier , n'eft pas un objet indifférent: jl femble d'abord qu'un efpalier y dont tous les arbres en fe réunifiant garniroient entièrement la muraille de verdure , devroit former le plus bel afpecl: ; mais cette uni- formité n'eft pas le but qu'on fe doit pro- pofer, parce qu'elle contrarieroit la produc- tion des fruits qui doivent faire le principal objet. Il faut au contraire que tous les ar- bres d'un efpalier foient distinctement dé- tachés les uns des autres , & qu'ils foient placés à une diflance fuffifante , pour per- mettre pendant toute leur durée d'étendre & d'arranger leurs branches , fans que la rencontre de celles des arbres voifins puiflè y faire obftacle. 11 a donc fallu leur appro- prier une forme particulière, qui, en fe rapprochant le pins qu'il étoit pofïible de Il façon dont les arbres prennent naturelle- ment leur accroifîèment , fût autant agréable à l'œil que favorable à h production du fruit. La figure d'une main ouverte , ou d'un éventail déplié, a paru la plus propre à remplir ces deux objets. Cependant comme la fève fe porte plus volontiers dans les bran- ches de l'arbre qui approchent de la ligne droite , que dans celles qui s'en écartent beaucoup , on doit avoir attention de iailTer prendre aux arbres en efpalier plus de hau- teur que de largeur : très-difrc'rens en cela des arbres en contrefpaîier , auxquels il eft d'ufage de donner plus d'étendue en largeur .qu'en hauteur , par des raifons de conve- nance. Voye\ Cc-NTRESPAI.IER. (c) ESPALLEMENT, f. m. terme en iifage parmi les commis des aides 3 & qui fignine la même chofe que jaugeage. V~cye\ Jaugeage. Efpallcmem ne fe dit pourtant guère eue du me fur âge qui fe fait- dans les braf- feries , lorfque les commis jaugent Jes .cuves , bacs & chaudières , dont fe fervent les bra-fTcurs pour former leurs bières , afin de faire l'évaluation des droits du roi. ESP L'article z, du titre de l'ordonnance des aides de 1680, concernant les droits fur la bière , défend aux bralTeurs de Paris & du refte du royaume , de fe fervir des cuves ^ chaudières & bacs, que Yefpalk- ment n'en ait été fait avec le fermier ou les commis. Diâ. de Commerce y de Trévoux & Chambers. ÇG) Efpallement fe dit auft» de la comparai- fon qui fe fait d'une mefure neuve avec la mefure originale ou matrice , pour en- fuite l'étalonner & marquer de la lettre courante de l'année , fi elle lui eft trouvée égale & conforme. Ce terme en ce fens n'eft en ufage que pour la vérification des mefures rondes qui fervent à mefurer les grains, graines, fruits, légumes fecs. Louis XIV ayant ordonné , par un édit du mois d'octobre 1669 , la fonte de nou- veaux étalons fur lefquels fe pût faire à l'avenir Yefpallement àes mefures de bois qui ferviroient à la diftribution & vente de toute nature de grains par le moyen de la trémie , régla aufîi la manière de faire cet efpallement ou vérification , ainfi qu'il s'enfuit. Le juré mefureur-étaîonneur met d'abord dans la trémie la quantité d'un minot & demi de graine de millet, & non autres, qu'il laiftè couler dans l'étalon du minot à bled , jufqu'à ce qu'il foit comble. L'ayant enfuiteradé , fans laiflèr grains fur bord , le millet qui refte dans ct-tee me- fure matrice eft de nouveau mis dans la trémie pour en remplir une féconde fois le même étalon , où le grain eft encore rade comme auparavant ; après quoi il eft verié aufti par la trémie dans le rrùnov'" qui doit être étalonné , & qui l'eft en effet , & marqué de la lettre courante de l'année , s'il eft trouvé de tonne conte- nance & de la même mefure que l'étalon. \J efpallement des autres mefures , moin- dres que le minot, fe fait à proportion, de 1a même manière. Voye^ MESURE (3 MlNOT. D'clionnaire de Cos;?;?:erce tj de Chambers. ÇG). ESP ALME-R , (Marine.) c'eft nettoyer, laver , & donner le fuir" depuis la quitte jufqu'à la ligne de l'eau , pour faire voguer ESP un bâtiment avec plus de vîteflè. C'eft la même chofe que caréner ; mais le mot d'efpalmer s'appliquoit autrefois particuliè- rement aux galères , & caréner aux vaif- feaux. (Z) ESP Ï027 ESPARTS. Nom que l'on donne dans les carrières aux quatre petits morceaux qni , dans la civière à tirer le moellon , font emmortaifés avec les œaîtrelfes pièces. Fin du Tome XII Vv* » «/ »\ - Ta. \ ?•# 1Éi*5 WA Mm