HARVARD UNIVERSITY. L.IBRARY OF THE MUSEUM OF COMPARATIVE ZOOLOGY. Oejifer^XtA. 1 (û i\'^^^ SEP 16 1899 BULLETIiNS DE L'ACADEMIE ROYALE DES Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts DE BELGIQUE. eS'»^ ANNÉE, 5- SÉRIE, T. XXXV 1898 BRUXELLES, HAYEZ, IMPRIMEUR DE l'aCADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. Rue de Louvain, 112. b^. "'Is^s V- BULLETINS DE L'ACADÉMIE ROYALE DES Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts DE BELGIQUE. BULLETINS DE L'ACADEMIE ROYALE DES Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts DE BELGIQUE. 68"- ANNÉE. — 5- SÉRIE, T. 55. 1898 k BRUXELLES, HAYEZ, IMPRIMEUR DE l'aCADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. Rue de Louvain, 112. 1898 ^\ '4 , SEP 16 1899 BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DES Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. 1898. — N° 1. Discours prononcé au Palais, le i*"'' janvier 1898, par M. le comte Goblet dWlviella, président de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Bel- gique. Sire, Madame, Altesses Royales, L'Académie royale des sciences, des lettres et des l)eaux-arls est heureuse de réitérer en cette occasion les vœux sincères qu'elle forme pour le bonheur et la pros- périté de son Auguste Protecteur et de la Famille Royale. Sire, Connaissant Votre sollicitude éclairée pour tout ce qui est de nature à rehausser le prestige de notre Patrie, l'Académie se félicite de pouvoir constater, parmi les Ô"^ série, tome XXXV. i ( 2 ) événements de l'année écoulée, le succès sans précédent obtenu par la Belgique à l'Exposition internationale, aussi bien dans tous les domaines de l'intelligence que dans la sphère de l'industrie et du travail. Nos artistes, quel que soit leur genre, ont brillamment soutenu le vieux renom de nos écoles nationales dans ce tournoi pacifique où ils avaient à affronter la comparai- son avec l'élite des beaux-arts européens. Nos industries, de leur côté, comprennent de plus en plus qu'elles doivent appeler l'art à leur secours, si elles veulent tenir tête à la concurrence étrangère et rester un facteur important de la prospérité nationale. L'idée de concentrer dans une section autonome tout ce qui a trait aux sciences, indépendamment de leurs appli- cations pratiques, n'est pas seulement une ingénieuse innovation qui a beaucoup contribué au succès général de l'Exposition; elle a encore permis de constater que notre petit pays, par son outillage scientifique non moins que par ses méthodes et ses progrès, tient un des pre- miers rangs dans la haute culture contemporaine. La valeur littéraire d'un peuple ne peut guère se me- surer dans une exposition. Mais, sur le terrain des sciences morales et politiques, en outre des étalages qui, comme ceux duMinislère du Travail et ceux de nos quatre Universités, ont offert un puissant intérêt sociologique ou éducatif, l'activité de nos concitoyens s'est aflirmée dans de nombreux congrès, auxquels les Académies, suivant leur tradition constante, ont ofi'ort l'hospitalité dans le Palais mis à notre disposition par la générosité de Votre Majesté. L'Académie, qui est, en quelque sorte, la représenta- tion officiel le des forces intellectuelles et artistiques du ( 3 ) pays, n'a pas à apprécier elle-même la part qu'elle a prise dans la genèse de toute cette floraison. Mais elle est convaincue de répondre aux sentiments intimes de Votre Majesté en continuant à utiliser dans ce but les modestes ressources dont elle dispose, — ressources qui ne manqueraient pas de s'accroître grâce aux largesses des particuliers, si, profitant de la tendance actuelle à étendre les prérogatives des associations utiles, les Académies royales pouvaient obtenir les avantages de la personnification civile, à l'instar des grandes institutions similaires dans la plupart des États voisins. ci.^ssi<: miH Hcir.î^rw.H Séance du S jcuivier 189S. M. Alf. Gilkixet, directeur pour 1897, occupe le fau- teuil. M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Éd. Dupont, directeur pour 1898; le baron Edm. de Selys Longchamps, G. Dewalque, A. Brialmont, Éd> Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, Fr. Crépin, J. De Tilly, G. Van der Mensbrugghe, W. Spring, L. Henry, M. Mourlon, P. Mansion, P. De Heen, C. Le Paige, J. Deruyts, Léon Fredericq, J.-B. Masius, J. Neuberg, A. Lancaster, membres; Ch. de la Vallée Pou&s'm, associé; A. -F. Renard, L. Errera et P. Francotte, correspondants. (4) MM. Van Bambeke et Lagrange ont niotivé leur absence. M. le Directeur présente aux nouveaux élus, MM. Neu- berg, Lancaster et Francotte, les souhaits de bienvenue, et ajoute que la Classe compte sur leur concours pour j)Oursuivre la mission qui lui est dévolue pour le mouve- ment des sciences en Belgique. Il adresse ensuite les félicitations de la Classe à MM. Briart et de la Vallée Poussin, promus au grade de commandeur et d'officier de l'Ordre de Léopold par arrêté royal du 50 décembre 1897. [Applaudisaemenls.) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique transmet une ampliation des arrêtés royaux : 1" En date du 25 décembre 1897, nommant M. Cli. Tar- dieu, directeur de la Classe des beaux-arts, aux fonctions de Président de l'Académie pendant l'année 1898; ±' En date du 28 décembre 1897, approuvant l'élection de MM. Neuberg et Lancaster en qualité de membres titulaires; 5° En date du 18 décembre 1897, décernant à M. Alph. Briart le prix décennal des sciences minéralogiques, j)our son ouvrage intitulé : Géologie des environs de Fonlainc- i'Évéqne et de Landelies. — MM. Neuberg et Lancaster, élus membres litidaires; ( s ) M. Francotte, élu correspondant; MM. Klein, Salmon, Haeckel, Chauveau, Pfeffer, Flower el de Lapparent, élus associés, adressent des lettres de remerciements. — MM. Julien Delaite el A. Sehamelhout remercienl pour les exemplaires des œuvres de Stas qui leur ont été remis en séance publique de la Classe. — L'Académie royale des Lincées, à Rome, et l'Institut royal supérieur technique de Milan annoncent la mort de leur président et directeur, M. le professeur comman- deur Francesco Brioschi, sénateur du royaume d'Italie et associé de la Classe des sciences, décédé à Milan le 13 décembre 1897. — L'Académie royale des sciences de Lisbonne annonce qu'elle a élu comme secrétaire général perpétuel M. Adrien-Auguste de Pina Vidal. — M. le Ministre de l'Intérieur envoie pour la biblio- thèque de l'Académie un exemplaire de la Revue de l'Uni- versité, deuxième année, n°' 8-10; troisième année, n°' 1-3. — Remerciements. — M. l'ingénieur A. Demanet, de Bruxelles, écrit pour prendre date de ses recherches algébriques qu'il se pro- pose de communiquer à la Classe. — Hommages d'ouvrages : 1° Sur une nouvelle diploxyle'e ; par B. Renault, associé ; 2° Les laboratoires maritimes de zoologie; par René Sand ; ( « ) 5° a) Essais de pureté des réactifs chimiques (édition française); b) Continuité des propriétés colligatives et poly- mérisation de la matière au travers de ses trois états ; c) Intérêt scientifujue de l'expédition antarctique belge ; par Julien Delaite, chimiste à Liège. — Remerciements. — Travaux manuscrits renvoyés à l'examen : l" Sur les distances moyennes dans les océans (avec trois cartes) ; par M. Jean De Windt, docteur en sciences natu- relles. — Commissaires : MM. Renard et Lancaster; 2*^ Recherches sur l'acide phénoxacétique. — Troisième communication : Le phénoxacétate de phényle et ses combi- naisons avec le brome; par M. le D' A.-J.-J. Vandevelde, assistant à l'Université de Gand. — Commissaires : MM. Spring et Henry. ELECTION. La Classe procède à l'élection de son directeur pour l'année 1899. Les suffrages se portent sur M. W. Spring. M. Gilkinet, directeur sortant, remercie pour le con- cours sympathique et bienveillant que lui ont prêté ses collègues pendant la durée de son mandat. Il installe M. Dupont au fauteuil. M. Spring, invité à venir prendre place au bureau, remercie la Classe à son tour. ( 7) PROGRAMME DU CONCOURS POUR 1898. SCIENCES IMATHÉIHATIQtJES ET PHYSIQUES. PREMIÈRE QUESTION. Faire l'exposé des recherches exécutées sur les phénomènes critiques en physique. Compléter nos connaissances sur cette question par des recherches nouvelles. DEUXIÈME QUESTION. Faire V exposé et la critique des diverses théories proposées pour expliquer la constitution des solutions. Compléter, par des expériences nouvelles, nos connaissances sur cette ques- tion, surtout en ce qui concerne l'existence des hydrates en solution dans l'eau. TROISIÈME QUESTION. Apporter une contribution importante à l'étude des cor- respondances (Verwandtschaften) que l'on peut établir entre deux espaces. L'Académie accepterait, par exemple, une étude des connexes à deux séries de quatre variables homogènes, dans le sens des recherches de Clebsch (voir Vorlesungen iiber Géométrie, chapitre VII) ; de même, on pourrait (8) répondre par une étude géométrique et analytique de l'équation «11 J^î -+- ^'22 ^l -+- «33 1! -+- "u ^l -+- 20,4 X, X2 -+- 2«,3 X, X3 -H 2rt,i X, Xt -4- 2O23 Xj X5 -4- 2flij4 Xa X4 -+- 2fl3t Xj Xi = 0, dans laquelle les coelficients sont des fonctions du second degré de variables y^, y. y, y^, Vi- QUATRIÈaiE QUESTION. Déterminer l'influence exercée par le radical nitryle NO^, dans les composés aliphatiques, sur les caractères ou fonc- tions alcool, éther haloïde, oxy-éther, etc. SCIKIVC'CS .'VATIREI.LES. PREMIÈRE QUESTION. On demande de nouvelles recherches, macrochimiques et microchimiques, sur la digestion chez les plantes carnivores. DEUXIÈME QUESTION. On demande des recherches physiologiques jiouvelles sur une fonction encore mal connue chez un animal invertébré. TROISIÈME QUESTION. On demande de nouvelles recherches sur l'organisation et sur le développement d'un Plafode, en vue de déterminer s'il existe ou non des rapports phylogéniques entre les Plaly- helmes et les Entérocœliens. QUATRIÈME QUESTION. Exislc-t-il un noijau chez les Scliizophytes (Scldzophycees et Scltizomijcéles)? Dans l'affwniatice, quelle est sa slruclure et quel est son mode de division'/ La valeur du prix attribué à la solution de chacune de ces questions est de six cents francs, à l'exception de la quatrième question des sciences mathématiques et physiques, pour laquelle cette valeur est portée à huit cents francs. Les mémoires devront être écrits lisiblement et pour- ront être rédigés en français ou en llamand. Ils devront être adressés, francs de port, à M. le Secrétaire perpétuel, au Palais des Académies, avant le l*"" août 1898. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations; les auteurs auront soin, par conséquent, d'in- diquer les éditions et les pages des ouvrages cités. On n'admettra que des planches inédites. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage; ils y inscriront seulement une devise, qu'ils reprodui- ront sur un pli cacheté renfermant leur nom et leur adresse (il est défendu de faire usage d'un pseudonyme) ; faute, par eux, de satisfaire à cette formalité, le prix ne pourra leur être accordé. Les mémoires remis a[)rès le terme prescrit et ceux dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que ( 10 ) les mémoires soumis à sou jugement sont et restent déposés dans ses archives. Toutefois, les auteurs peuvent en faire prendre copie, à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au Secrétaire perpétuel. PROGRAMME DU CONCOURS POUR 1899. SCIEmCES MA^THÉMATIQUES ET PHYSIQUES. PREMIÈRE QUESTION. On demande de nouvelles recherches sur la conductibilité calorifique des liquides et des dissolutions. DEUXIÈME QUESTION. Apporter une contribution importante à la géométrie de la droite (complexes, congruences, surfaces réglées). TROISIÈME QUESTION. Discuter d'une manière approfondie, au point de vue théorique, la question des variations de latitude, de leurs causes, et du sens qu'on doit y attacher. Faire la critique des travaux des géomètres sur ce sujet, depuis Laplace jusqu'à nos jours. ( << ) PREMIÈRE QUESTION. On demande de nouvelles recherches sur le rôle phijsiolo- gique des substances albuminoïdes dans la nutrition des animaux ou des végétaux. Exemples de questions qui pourraient être traitées par les concurrents : Les albuminoïdes peuvent-ils se transformer en graisse dans l'organisme? L'oxydation des albuminoïdes joue-t-elle un rôle dans la contraction musculaire ? Les globulines et les albumines du sang ont-elles la même signification physiologique? Comment s'effectue la synthèse des albuminoïdes chez les végétaux? Quel rôle jouent les albuminoïdes dans la formation des graisses végétales ou des hydrates de carbone, etc. ? DEUXIÏiME QUESTION. On demande des recherches anatomiques et systématiques sur les Insectes du groupe des Apterygotà (Thysanura et Collembola) . TROISIÈME question. Exposer les changements apportée à la classification des dépôts qui constituaient le système laekenien de Dumont et dont la plupart sont habituellement rapportés à l'éocène supérieur. Appuyer de preuves nouvelles la classification adoptée. La valeur des prix attribués à la solution de ces ques- tions est de six cents francs pour chacune. ( 12) Les mémoires devront être écrits lisiblement et pour- ront être rédigés en français ou en llamand. Ils devront être adressés, francs de port, à M. le Secrétaire perpétuel, au Palais des Académies, avant le l'""' août 1899. L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations; les auteurs auront soin, par conséquent, d'in- diquer les éditions et les pages des ouvrages cités. On n'admettra que des planches inédites. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage ; ils y inscriront seulement une devise, qu'ils reproduiront sur un pli cacheté renfermant leur nom et leur adresse (il est défendu de faire usage d'un pseudonyme) ; faute^ par eux, de satisfaire à cette formalité, le prix ne pourra leur être accordé. Les mémoires remis après le terme prescrit et ceux dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que les mémoires soumis à son jugement sont et restent déposés dans ses archives. Toutefois, les auteurs peuvent en faire prendre copie, à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au Secrétaire perpétuel. Pnix Charles Lemaire EN FAVEUR DE QUESTIONS RELATIVES AUX TRAVAUX PUBLICS. (Quatrième période : 1897-1899.) Extrait (h( testament mystique de J/"'' Lemaire en date du 28 novembre 1890, fondant un prix à (a mémoire de son frère, ancien imiénieur : « Je donne à l'Académie des sciences de Belgique la ( ^3 ) » somme de vingl-cinq mille francs pour que les revenus » en soient afl'ectés à la formation d'un prix qui sera » décerné tous les deux ans, sous le nom de prix Charles » Lemaire, à l'auteur du meilleur mémoire publié sur » des questions relatives aux travaux publics. )> En conséquence, un prix de quatorze cent vingt francs est attribué, pour la quatrième période de ce concours, à l'auteur du meilleur mémoire répondant au but de la fondation. Seront seuls admis les ouvrages présentés par des auteurs belges ou naturalisés. Ils devront être rédigés en français ou en flamand, et publiés en Belgique pendant la période du 1" juillet 1897 au 50 juin 1899. Le délai pour la remise des ouvrages expirera le 50 juin 1899; ils devront être adressés, francs de port, à M. le Secrétaire perpétuel de l'Académie, au Palais des Académies, à Bruxelles. Le résultat du concours sera proclamé dans la séance publique de la Classe des sciences, en décembre 1899. Prix Edouard Mailly pour favoriser les progrès DE l'astronomie EN BELGIQUE. (Deuxième péi'iode : 1896-1899.) Un prix de mille francs est attribué à l'auteur du meilleur ouvrage, imprimé ou manuscrit, répondant aux vues du fondateur. Seront seuls admis les travaux présentés par des auteurs belges ou naturalisés. ( ii) Ils devront être rédigés en français ou en flamand , et être adressés, francs de port, avant le 31 décembre 1899, à M. le Secrétaire perpétuel de l'Académie, au Palais des Académies, à Bruxelles. Les ouvrages imprimés devront être publiés dans la période précitée. Les travaux manuscrits devront être datés et porteront une devise, qui sera répétée sur un pli cacheté renfer- mant le nom et le domicile de l'auteur. Le prix remporté par les ouvrages manuscrits ne sera délivré à l'auteur que contre la présentation du premier exemplaire imprimé de son travail. Le résultat du concours sera proclamé dans la séance publique annuelle de la Classe des sciences, en décembre 1900. RAPPORTS. MM. Dewalque, Gilkinet et Henry donnent lecture de leurs rapports sur une communication faite par M. le Ministre de l'Industrie et du Travail au sujet de la sur- vcillance, de la fabrication et de l'emploi de l'acétylène. — Renvoi des rapports au Ministre précité. ( is ) Sur une combinaison de certains terpènes avec les salicylates alcalins; par M. Duyk (1). RnppofI flf Jn . 6B', Spt-tÊtff, pi'finifft' conttnisaaif». « L'auteur a constaté qu'il se produit une substance cristalline quanti on agite une solution de salicylaîe sodique avec un terpène. Cette combinaison est détruite par l'exposition prolongée à une température d'envi- ron 100", ou bien par sa dissolution dans l'eau : le terpène se dégage et il reste le salicylate sodique. Il est donc probable que l'on a affaire à un produit d'addition du terpène, analogue à ceux que ces hydrocarbures donnent avec plusieurs substances déterminées. L'auteur n'a fait encore aucune analyse permettant de déterminer d'une manière précise la formule de ses cristaux; mais il annonce qu'il complétera son travail. Cela étant, la notice que la Classe a reçue, à présent, me paraît avoir pour but principal de prendre date. Les droits de l'auteur me paraissant suffisamment assurés par la publication des rapports des commissaires, je propo- serai, pour éviter un double emploi, d'attendre l'achève- ment de ces recherches avant d'ordonner leur impression. M. Duyk pourra recueillir et développer, de celte façon, les fruils intéressants que lui promet sa découverte. » Ces conclusions, auxquelles se rallie M. Henry, second commissaire, sont adoptées par la Classe. (1) Ce travail a été présenté dans la séance du H mai 1897. ( 16) Recherches anatomiques et physiologiques sur le Tradescantia Virginica; par M. Gravis. « On sait que les Conimélinées possèdent une anato- inie spéciale qui leur assigne une place à part parmi les Monocotylédonées et a justifié la création d'un type particulier de structure, proposée par de Bary et Falkenberg. L'étude de ce type méritait d'être approfondie et élu- cidée dans tous ses détails. C'est la tâche que s'est impo- sée M. Gravis, dans le mémoire soumis à l'Académie. Ce mémoire décrit l'anatomie, l'histologie et même, sur certains points, la physiologie du Tradescantia Vir- ginica, depuis les premières phases de son développement jusques et y compris la formation des inflorescences. Il est divisé en un certain nombre de chapitres dans les- quels la croissance de la plante est suivie pas à pas dans toutes ses phases. Aussi est-il impossible de résumer ici le travail de M. Gravis; il mentionne successivement toutes les étapes parcourues par le végétal, toutes les complica- tions de ses tissus, et une analyse complète devrait être la reproduction du travail entier. Je me bornerai donc à signaler les principaux résultats des recherches de l'auteur. L'étude du spermoderme, exposée avec une clarté rare, mentionne, entre autres faits nouveaux, des contenus cel- lulaires particuliers imprégnés d'une forte proportion de ( 17 ) silice. L'albumen renferme des cellules à contenu pro- téique et des cellules à contenu amylacé. Le sommet végétatif de l'embryon comprend trois his- togènes et non pas deux, comme l'admettaient certains auteurs. La structure de l'axe hypocotylé, qui semble la même pour toutes les Commélinées, est caractérisée par une série de contacts entre le faisceau de la racine, les faisceaux cotylédonaires et les faisceaux foliaires. La gaine supérieure du cotylédon ne constitue pas une région distincte. La torsion des cotylédons pendant la germination semble indiquer l'existence, dans une même espèce, d'in- dividus symétriques, le nombre de plantules à cotylédons dextrogyres étant sensiblement égal à celui des plantules à cotylédons lévogyres. Le parcours des faisceaux, quel que soit le nombre de ceux-ci, appartient à un même type; à l'inverse de la tbéorie généralement admise, les faisceaux foliaires se divisent d'après leur parcours en deux groupes distincts, dont l'un forme les faisceaux considérés jusqu'à présent comme propres à la tige. Le diajdiragme nodal est formé par les faisceaux se rendant au bourgeon axillaire et non par les racines adventives ramifiées. La structure des tiges des Commélinées, bien que constituant un type distinct, se rattacbe cependant au type des Monocotylées. De plus, certaines espèces de Potamogeton rattachées par de Bary au type Commélinées n'ont rien de commun avec ce type. 5'"® SÉRIE, TOME XXXV. 2 ( 18 ) Le sommet végélalif du T. Virginka contient quatre histogènes et le cylindre central ne montre pas une cel- lule initiale unique. Les cellules à raphides et à mucilage ne sont pas fusionnées, contrairement à l'opinion deHan- stein ; le fusionnement est accidentel et produit par la tension du mucilage lorsque, par la section, la résistance est supprimée d'un côté. La longueur des cellules à raphides et à mucilage per- met de déterminer pour chaque région d'un organe un coeflicient d'accroissement intercalaire très précis. Les lacunes ligneuses sont des réservoirs ou des conduites d'eau; elles remplacent dans cette fonction les trachées détruites. Quant au parenchyme interfasciculaire, il pos- sède une fonction aquifère régulatrice. La jeune feuille possède trois histogènes superposés : l'un donne naissance aux épidémies; le deuxième, aux mésophylles interne et externe; le troisième, au méso- phylle moyen et aux nervures. Le développement du parenchyme foliaire fournit à M. Gravis des résultats pleins d'intérêt. Les cloisons latérales des cellules épidermiques des feuilles sont munies de perforations que traversent de fins prolongements protoplasmiques. L'épiderme et l'hypoderme possèdent une fonction aquifère importante; aussi leur volume peut-il diminuer des deux tiers sans que celui des cellules à chlorophylle ait subi de changement. Des solutions salines appropriées peuvent provoquer l'ouverture, puis la fermeture des stomates plongés dans l'eau ; on peut aussi exagérer fortement la turgescence des cellules stomatiques; les cellules annexes semblent avoir ( 1!» ) pour fonction de s'opposer à une augmentation trop accentuée de la courbure des cellules stoinatiques. La structure des tiges de Tradescanlia est dorsi-ven- trale, bien que ce caractère, sensiblement constant dans les espèces rampantes, disparaisse dans la croissance du T. Virginica qui est érigé. La morphologie des inflorescences, très complètement élucidée, permet d'établir quatre catégories distinctes. Enfin l'étude de la racine fournit à M. Gravis des don- nées intéressantes; il y constate notamment la présence de trois bistogènes. Dans ces lignes, je n'ai pu donner qu'une analyse très pâle et très incomplète du beau mémoire de J\L Gravis. Peut-être cependant en aurai-je dit assez pour faire comprendre l'importance de l'énorme travail que j'avais à examiner. J'ajouterai que, comme rigueur scientifique et comme clarté, il ne laisse rien à désirer. Toute la littérature y est mentionnée et discutée judicieusement. Je considère que l'Académie doit être heureuse de rece- voir une œuvre de ce mérite. J'en propose très volontiers l'impression dans les Mémoires in-4°; je propose égale- ment que l'Académie adresse des remerciements à M. Gravis. Le mémoire est accompagné de vingt-sept planches. C'est peut-être beaucoup pour le budget de l'Académie, mais je dois dire que ce n'est pas trop pour le travail de M. Gravis. J'ai vainement cherché si quelque suppression pouvait être faite; toutes les figures sont indispensables. Je propose donc également l'impression des planches qui accompagnent le mémoire. » ( 20 ) ttaft/iut't fie .n . Ei'i'efn, Hecoud coniniitsait'e, (( Après lecture de rimportant mémoire de M. Gravis, je suis heureux de me joindre au savant premier commis- saire pour en demander la publication, ainsi que celle des planches, dans le Recueil in-4" de l'Académie et pour proposer en même temps d'adresser des remerciements à l'auteur. » M. Crépin, troisième commissaire, se rallie aux pro- positions de ses deux confrères. Celles-ci sont adoptées par la Classe. Réaction osmolique des cellules végétales; par F. Van Rysselberghe. Hui'pofl tl» .n . i*. De tgeett, pt'etniet' coinntisaait'e, « Bien que n'étant guère au courant des choses relatives aux sciences qui s'occupent des phénomènes de la vie, j'ai pu me rendre compte du travail considérable de M. Van Rysselberghe. L'importance de ses conclusions ne peut du reste échapper à personne; l'une des plus intéressantes consiste dans ce fait que la réaction osmo- lique finale obéit à la loi de Weber. 11 me parait inutile de copier ici le résumé des con- clusions par lequel l'auteur termine son travail. Nous renverrons à cet effet le lecteur au mémoire lui-même. Il eût sans doute été préférable que la tâche de pre- mier commissaire eût été confiée à un physiologiste, ( 21 ) mais la valeur de cette œuvre me paraît si incontestahie que je n'hésite pas à féliciter l'auteur et à demander l'impression du travail dans les Mémoires in-8°. » Rnppot't ilt) fl. Et't'fffttf deuxième cotttntitaair^. « On connaît rim[iortance capitale des phénomènes osmotiques pour la physiologie et, en particulier, pour la physiologie des plantes, et l'on sait à quel point la théorie physico-chimique de l'osmose s'appuie sur les travaux de botanistes, tels que Dutrochet, INiigeli, Pfefïér et de Vries. Toute solution ambiante exerce sur les cellules, en vertu de sa concentration plus ou moins grande, une certaine excitation osmotique à laquelle les cellules répondent en général — indépendamment des phéno- mènes éventuels de douleur ou des mouvements « tono- taxiques » que M. Massart a si bien étudiés, il y a quelques années, — par une réaction osmotique appro- priée, c'est-à-dire par une modification de leur turges- cence. Dans le travail fort intéressant qu'il soumet à l'Aca- démie, M. Van Rysselberghe s'occupe des relations qui existent entre l'excitation et la réaction osmotiques chez les cellules végétales. Il le fait avec beaucoup de méthode, d'esprit critique et de précision, et avec une abondance d'expériences que l'on ne saurait trop louer. Je crois pouvoir déclarer que son mémoire est l'un des plus approfondis qui aient été écrits sur cette matière. (22) Parmi les résultats dignes d'attention auxquels l'auteur est parvenu, je me contente d'en formuler quelques-uns. Il a démontré : 1" Que, dans les recherches physiologiques, il convient de substituer désormais les coetficients de conductibilité électrique, variables avec la concentration, aux coefficients isotoniques constants de de Vries; 2" Que la réaction osmotique finale de la cellule végé- tale croît en progression arithmétique quand l'excitation osmotique croît en progression géométrique; en d'autres termes, que cette réaction osmotique suit la loi de Weber; 5'^ Que, pour les diverses solutions salines, à des exci- tations osmotiques égales correspondent, chez une même cellule, des réactions osmotiques égales, mais que les réactions sont moindres et croissent moins régulièrement dans les solutions sucrées ; 4° Que de petites quantités de sels pénètrent dans la cellule, même quand le milieu salin extérieur est très dilué, ce qui est important au point de vue de la nutri- tion de l'organisme; S" Qu'à côté de cet accroissement du pouvoir osmo- tique cellulaire par « intraméabilité », le même résultat peut être atteint par des modifications chimiques s'ac- complissant dans la cellule et mettant à sa disposition plus de substances osmotiques ou des substances plus osmotiques. Ce phénomène peut être appelé anatonose. Dans certains cas, l'auteur a même pu établir que l'ana- tonose est due à la formation d'acide oxalique; ailleurs, à la dissolution d'oxalate de calcium qui se trouvait à l'état cristallin; ailleurs encore, à la production de sub- stances non déterminées jusqu'ici; (23 ) 6° Que la diminution du pouvoir osmotique de la cellule doit être attribuée, dans les exemples qu'il a étudiés, non à une émission de substances dissoutes, mais à un pbénomène actif de catatonose : par exemple, une diminution d'acidité du suc cellulaire et une préci- pitation concomitante d'oxalate de calcium; Enfin 7° que les cellules s'adaptent d'autant mieux à un milieu nouveau que leur excès osmotique y acquiert une valeur plus élevée. Les quelques réserves que j'ai à faire sur le mémoire de M. Van Rysselberghe portent principalement sur ce que les deux métbodes dont il s'est servi pour le calcul osmotique de ses solutions (métbode des coefficients iso- toniques constants de de Vries et méthode de la conduc- tibilité électrique variable) ne sont pas assez nettement séparées l'une de l'autre, et sur le choix de l'unité à adopter dans les mesures osmotiques. Si l'auteur se range à mon avis, il lui sera facile de tenir compte de ces remarques au moment de l'impression. Comme le savant premier commissaire, je propose à la Classe de décider la publication dans le Recueil in-8" du mémoire de M. Van Rysselberghe, avec les quelques courbes qui l'accompagnent, et d'adresser des renjercie- ments à l'auteur. « i\l. L. Fredericq, troisième commissaire, déclare se rallier à l'avis de ses deux honorables confrères. La Classe adopte les propositions de ses commis- saires. ( 24 ) Contribution a l'étude des phénoquinones et des quinhy- DRONES. — Phénoquinones mixtes (deuxième communi- cation); par A. Biltris. Hnititofl fie Mt. H'. Sp*'inf/, in'fftttiet' cotnntistnii'^. « Dans sa première communication sur le même objet (1), l'auteur s'était proposé de vérifier si les quin- hydrones qui se forment par l'action des quinones sur les hydroquinones sont des combinaisons atomiques ou des additions moléculaires. A cette fin, il avait préparé des quinhydrones mixtes en faisant réagir, une première fois, une hydroquinone avec un homologue de la quinone et, une seconde fois, un homologue de l'hydroquinone avec une quinone. Dans le cas où les corps résultant de ces réactions eussent été des additions moléculaires, on aurait dû consta- ter des différences de propriétés qui devaient faire défaut aux combinaisons atomiques. L'expérience a prouvé que ces réactions croisées con- duisaient à des produits identiques. Néanmoins, la déter- mination de la grandeur moléculaire de ces produits n'a pas confirmé l'état de combinaisons atomiques : les cjuin- hydrones n'existeraient, d'après les essais de cryoscopie (1) Bull, (le l'Acad. roij. de Belgique, 3« série, t. XXXII, n» 8, pp. 286-301, 1896. (25) et d'ébullioscopie, que dans l'état solide, ainsi que c'est le cas pour nombre de combinaisons moléculaires. En vue d'éclairer ces résultats d'apparence contradic- toire, M. Biltris a varié à présent ses expériences, en faisant agir, ou bien deux phénols différents sur une même quinone, ou bien deux molécules d'un même phénol sur une molécule d'une quinone homologue. Plus particulièrement, il a fait réagir : 1° Le phénol et les crésols para et ortlio sur la qui- none ; et il a obtenu la paracrésophénoquinone sous forme de cristaux fondant à 48% et l'orthocrésophénoquinone, qui fond à 67" ; 2" Le phénol et le thymol sur la quinone, et il a obtenu la thymophénoquinone, fondant à d27°. Procédant ensuite aux réactions inverses, il a fait réagir : l" Le phénol sur la toluquinone, ce qui a donné la phénotoluquinone, fondant à 18"; 2" Le phénol sur la Ihymoquinone, réaction qui a donné la phénothymoquinone, qui est liquide à la tem- pérature ordinaire. Il résulte de ces préparations croisées que les phéno- quinones mixtes, de même composition, obtenues par des réactions réciproques, n'ont cependant pas même point de fusion; elles ne sont donc pas identiques comme l'étaient les quinhydrones réciproques. L'auteur a déterminé aussi par la cryoscopie et l'ébul- lioscopie la grandeur moléculaire des phénoquinones à l'état dissous. Il a constaté la dissociation complète de ces substances; celles-ci n'existent donc, comme les quinhydrones mixtes, qu'à l'état solide. (26) Ces recherches font connaître de nouvelles substances plus intéressantes, sans doute, par leurs caractères phy- siques que par leurs propriétés chimiques; mais, comme le reconnaît l'auteur lui-même, elles n'apportent pas de preuve décisive de la constitution atomique ou molécu- laire des phénoquinones et des quinhydrones. Quoi qu'il en soit, j'ai l'honneur de proposer l'insertion du travail de M. Biltris dans le Bulletin de la séance. » La Classe adopte cette proposition, à laquelle s'est rallié M. Henry, second commissaire. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les termes complémentaires de nutation provenant des actions mutuelles de l'écorce et du noyau du globe; par F. Folie, membre de l'Académie. On verra, dans la théorie de la rotation de l'écorce ter- restre, qui sera très prochainement présentée à l'Aca- démie, que les actions mutuelles du noyau et de l'écorce, sans altérer en rien la précession, introduisent des termes complémentaires de nutation. L'un de ces termes a la forme du terme eulérien, et une période dépendant de l'intensité des actions mutuelles. (27 ) 11 y a tout lieu de présumer que ce terme est celui de 451 jours, trouvé par Cliandier. S'il en est ainsi, la théorie montre que tous les termes dont la période approche de 451 jours pourraient devenir sensihles pour l'écorce, tout en étant absolument inappréciables pour une Terre solide, ou bien seront modifiés, s'ils sont sensibles pour celle-ci. Tel est le cas des termes solaires dépendants de la simple longitude de l'astre, qui seront assez considéra- blement altérés par les actions mutuelles. Il n'y a pas lieu d'être surpris que la négligence de ces termes importants empêche d'arriver à des résultats con- cordants, quant à la valeur de la constante de l'aber- ration. On doit s'étonner même que les sept valeurs déterminées par Struve tombent toutes entre 20". 4 et 20". 5. Est-ce à dire que, quand on aura introduit ces termes complémentaires, ainsi que les deux termes à période de 451 jours, dans les formules de réduction, on aura rendu complètement compte du phénomène de la varia- tion des latitudes? Nous sommes fort éloigné de le croire. Pour nous, — ■ depuis longtemps nous l'avons dit (*), — la cause la plus difticile à formuler de ces variations réside dans les déviations périodiques de la verticale. Il est probable, en effet, à cause des irrégularités de l'écorce, que son centre de gravité ne coïncide pas avec celui du (*) Voir Wellen und Ge^eiten des festen Landes (Jahreshefte des Vereins fur vaterl. Naturkunde in Wurtt., 1897, p. 240), par A. ScHMiDT, où l'auteur mentionne exactement mon opinion sur ce sujet. (28 ) noyau; et, en admettanl même l'invariabilité de ces cen- tres l'un par rapport à l'autre, il est aisé de voir que, par suite du mouvement diurne, la résultante des attractions de ces deux centres, sur un point de l'écorce, décrira journellement un cône autour de la verticale moyenne, que nous considérons comme joignant ce point au centre de eravité de l'écorce. Mais, de plus, l'action du Soleil, et même celle de la Lune, sur ces deux centres, varieront avec la position de ces astres, surtout si la masse de l'écorce diffère assez notablement de celle du noyau : outre des déviations diurnes, la verticale subira donc des déviations annuelles et mensuelles. Ces déviations constituent pour nous un élément impor- tant, auquel on n'a guèie pris garde, et bien délicat à déterminer, des variations de latitude déterminées au moyen de distances zénithales supérieures. Mais on les éliminera par les moyennes obtenues dans deux passages (supérieur et inférieur) consécutifs. Peut-être aussi l'élasticité de l'écorce joue-t-elle un rôle dans ces variations (*). Nous ne pensons pas toute- fois qu'il soit considérable; sans quoi, l'on pourrait affirmer que les termes de nutation, dépendants des doubles longitudes du Soleil et de la Lune, seraient assez notablement modifiés, fait qui n'a pas du tout été révélé par l'observation. '] Voir le travail cité ci-dessus. (29) ]\ote î^elative à la décharge des conducteurs produite par le voisinage d'une source de chaleur; par P. De Heen, membre de l'Académie. On sait que si l'on amène une flamme ou un corps incandescent (par exemple un 111 de platine rougi par un courant) dans le voisinage d'un conducteur électrisé, celui-ci se décharge rapidement, quel que soit du reste le signe ou la nature de l'électricité qui charge ce con- ducteur. On doit donc admettre que ces sources de chaleur développent à la surface de ces conducteurs l'énergie spéciale que nous avons désignée sous le nom à'infra- électricité, laquelle est caractérisée par cette propriété de pouvoir se substituer à l'énergie électrique proprement dite et de n'exercer aucune influence sur l'électroscope. Il ne peut être question ici d'une production d'électricité proprement dite, car s'il en était ainsi, l'électroscope non chargé et exposé à l'influence de ces sources manifesterait l'existence d'une quantité appréciable de cette énergie et, de plus, la décharge ne se produirait pas pour toutes les électricités. 11 se pose ensuite une deuxième question : celle de savoir par quel mécanisme se produit la transmission de cette énergie de la source de chaleur au conducteur. La première pensée qui vient à l'esprit de l'expéri- ( 50) meiitateiir consiste à admettre que les radiations émises par la source sont la cause du phénomène. Cependant il n'en est rien, car si l'on vient à interposer entre le con- ducteur et la source de chaleur une toile métallique à très larges mailles, laquelle laisse passer la presque totalité des radiations, le phénomène est complètement enrayé. On obtient du reste déjà à peu près le même résultat en interposant un simple fil métallique; une tige de verre diélectrique ne produit aucun résultat. Nous voyons donc que la radiation proprement dite n'intervient pas, mais que ces sources développent une émanation particulière qui se transmet dans l'espace comme l'influence électrique proprement dite. En efTet, si l'on soumet un électroscope à l'influence d'une machine électrique, cette influence est complètement enrayée par l'interposition de la toile métallique ou presque complè- tement par l'interposition d'un fil conducteur. L'énergie infra-électrique détermine donc des phéno- mènes d'influence, comme le fait l'électricité proprement dite. L'électroscope dont nous avons fait usage se composait d'une sphère en laiton de 9 centimètres de diamètre; les feuilles d'or étaient remplacées par deux balles de sureau de 1 centimètre de diamètre, suspendues à des fils métalliques. Cette disposition permet de réaliser des potentiels plus élevés et de rendre ainsi le phénomène plus sensible. ( 31 ) Sur l'origine de la fissilité des phyllades et des schistes (note préliminaire); parW. Spring, membre de l'Aca- démie. On a attribué l'origine de la fissilité des phyllades, ou, plus généralement, la sc/iistosité de certaines roches, à la pression qui se serait exercée sur les terrains de sédi- ment, au cours des temps géologiques. Cette théorie s'appuie sur les résultats auxquels plusieurs expérimen- tateurs sont arrivés en soumettant à de fortes pressions de l'argile ou d'autres substances. La compression aurait divisé les corps en feuillets parallèles, le plus souvent, à la direction de la force agissante; le résultat aurait été sur- tout plus marqué lorsque la matière pouvait se laminer, fuir ou s'écouler sous la pression. Je ne relèverai pas, dans cette note, combien peu, au dire des auteurs eux-mêmes, les produits obtenus imitaient la schistosité des roches naturelles, mais je signalerai qu'en répétant les expériences auxquelles je fais allusion, je me suis assuré que la pression seule est hors d'état de créer la schistosité. Si l'on comprime une poudre quelconque, bien homogène, on n'obtient qu'un conglomérat plus ou moins solide, ou, si l'on préfère, plus ou moins friable, suivant la nature des matériaux employés, sans qu'une division en feuillets apparaisse d'une manière évidente. Mais il en est autrement si la (32) poudre manque d'homogénéité: alors il demeure des lieux ou des tranches moins hien solidifiées, correspondant aux substances moins adhésives que renferme la poudre ; ils peuvent donner à penser que l'on a réalisé effective- ment une masse schisteuse, si, toutefois, on ne juge pas le produit avec trop de rigueur. Malgré les lacunes (jue présentent ces expériences, il me parait que la condition première de la formation des feuillets des schistes ou des phyllades n'est donc pas la pression, mais plutôt une succession de compositions diffé- rentes de la roche dès l'époque de sa formation, se répé- tant, pour ainsi dire, indéfiniment dans toute l'épaisseur de la masse. Dans l'état actuel de nos connaissances sur la forma- tion des terrains de sédiment, on n'entrevoit pas l'origine d'une variation, si souvent répétée, dans la composition des dépôts, variation qui aurait pour effet de produire une suite de surfaces de jointure de moindre résistance. Je me permets donc d'appeler l'attention sur un fait que j'ai mis en évidence dernièrement et qui me paraît de nature à jeter quelque clarté sur la question. Dans mes recherches sur le Rôle des composés ferri(jues et des matières humiciues dans le phénomène de la coloration des eaux (1), j'ai constaté que les matières humiques se précipitaient combinées à l'oxyde ferrique et à l'oxyde aluminique, sous l'influence de la lumière solaire, tandis (1) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3e série, t. XXXIV, p. 578; 1897. ( 33 ) que dans l'obscurité leur dépôt était nul , ou à peu près. D'après cette observation, le sédiment formé au fond d'une masse d'eau calme, c'est-à-dire dont le mou- vement ne serait pas une cause de bronUlement, doit varier continuellement le jour et la nuit. Après l'insola- tion, la proportion des matières humiques atteignant le fond de l'eau doit être plus forte; après un temps d'ob- scurité, elle doit, au contraire, être plus faible. Or on sait, par les innombrables observations faites à l'occasion de la recherche des plantes fossiles, qu'il sutïit de la pré- sence d'une feuille fossilifiée pour provoquer le clivage de la roche à l'endroit où le végétal a été emprisonné dans les temps primitifs. Il est donc admissible que des accumulations alternatives de matières humiques et de matières terreuses puissent produire, sous l'influence des agents de solidification qui ont opéré par la suite, des masses rocheuses à surfaces de clivage parallèles comme on en observe dans les ardoises et dans les schistes : chaque feuillet ultime d'une ardoise correspondant, dans cette manière de voir, à une alternative de jour et de nuit. Si cette théorie est vraie, il faut, de toute nécessité, que la composition chimique des surfaces de clivage des phyllades difl'ère de la composition de la masse lorsque les substances carbonées n'ont pas disparu par oxydation ultérieure. Pour m'assurer du fait, j'ai raclé, à l'aide d'un couteau, la surface fraîche du clivage d'un bloc de phyllade revi- nien, noir, des environs de Spa, et j'y ai dosé la propor- tion de carbone en brûlant la poudre dans un tube 5"® SÉRIE, TOME XXXV. 5 ( 54) avec du chromate de plomb pour retenir les composés sulfurés. J'ai trouvé i.47 % de carbone. Alors j'ai pul- vérisé entièrement le phyllade et j'y ai dosé le carbone de la même manière; je n'y ai plus trouvé que 1.07 % de carbone. Celte analyse établit donc que la surface de clivage est plus riche en carbone de 57.6%, car i.47 X 100 = 137.6. 1.07 L'évidence de ce résultat m'a engagé à communiquer provisoirement à l'Académie ma supposition au sujet du rôle de la lumière et des matières humiques dans la fissilité des roches. Je suis occupé, pour le moment, de la reconstitution artificielle des feuillets de sédiment par un procédé reproduisant celui qui me paraît avoir été réalisé dans la nature. Lorsque ces essais qui, selon toute apparence, dureront un temps assez long, seront termi- nés, je ne manquerai pas, quel qu'en soit le résultat, de les faire connaître. C'est alors aussi que je pourrai répondre aux questions subsidiaires de stratigraphie qui se posent naturellement au regard du problème de la schistosité et que j'ai cru devoir laisser intactes dans cette note préliminaire. Liège, Institut de Cliimie généralCy le T janvier 1898. ( 3S } Morphométrie de Ténériffe; par Jean De Windt, docteur en sciences naturelles. La carte sur laquelle nous avons effectué nos mesures est la carte au 200,000*' qui accompagne l'ouvrage de Fritsch, Hartung et Reiss sur Ténériffe; les données d'al- titude qui existaient à cette époque et qui provenaient des mesures de von Buch, de Berthelot et Barker, et d'autres, et leurs propres mesures, y sont consignées et réunies en un tableau; toutefois il importe de remar- quer que la représentation des altitudes olïre sur la carte elle-même des défectuosités , entre autres dans le sud, aux environs d'Adeje. Quant aux contours de l'ile, ils avaient été établis dès 1858 par le capitaine Vidal, de la marine britannique, chargé de dresser la carte pour le service hydrographique dépendant de l'Amirauté. De 1867 à 1889, aucun travail important ne paraît au sujet de l'Ile; en cette dernière année, Rothpletz publie les résultats des études qu'il avait entreprises de 1886 à 1888 dans la vallée d'Oratava, et trace sur la carte qui accom- pagne son travail les isohypses de 100 en 100 mètres. Enfin, en 4894, Hans Meyer donne dans sa monographie de Ténériffe, au milieu de beaucoup d'autres détails, un certain nombre de valeurs altimétriques dont nous avons également tenu compte. tiL ô(i ) I. — Delerniination des valeurs fondamenlales . I.es données dont nous venons de faire l'énumération nous ont permis de tracer des isohvpses équidistantes de ^00 mètres qu'il nous était possible, vu l'échelle de la carte et les observations existantes, de déterminer avec une approximation suffisante. Les surfaces entières com- prises au-dessus de chaque isohypse ont été mesurées directement au moyen d'un planimètre polaire d'Amsler, et les résultats des mesures sont donnés dans le tableau I. Pour remédier aux erreurs résultant de la contraction du papier, nous avons mesuré le trapèze compris entre les parallèles 28'' 10 et ^H^ôO' et les méridiens IG'oO' et IG'^oO'; cette mesure nous permet de déterminer avec exactitude la valeur de l'unité planimétrique. C'était éga- lement en vue d'éviter des erreurs que nous avons mesuré chaque fois la surface entière comprise au-dessus de chaque isohypse. Sur le premier tableau, nous indiquons aussi les longueurs des isohypses, obtenues en considé- rant les arcs de petite dimension comme égaux à leur corde ou à leur tangente, et en soumettant les résultais à une mesure de contrôle au curvimètre. II. — DécUvilé et surface de l'Ue. Le tableau U présente les surfaces des divers étages; ces étages deviennent, en général, moins étendus avec l'altitude; mais la série n'est pourtant pas régulière : les étages de 200 à 100 mètres et de 400 à 600 mètres sont chacun un peu j)his étendu (jue le précédent; vers 1800 mètres, la pente commence à s'adoucir; et l'étage de (57 ) 1 à 18(X) mètres de l!2 kilomètres carrés; la proportion est encore plus forte pour les deux étages suivants; puis, à partir de 2400 mètres, la diminution se fait sentir à nouveau, quoique très lentement. La déclivité n'est pas la même partout; c'est ce qui résulte des relations de pente des divers étages, calculées au moyen de la formule de Finsterwalder : Il A, -+- A» G, 2 ainsi, de 0 à GOO mètres, il y aune légère concavité ; une plus forte de 1800 à 2400 mètres; entre ces deux régions, une pente augmentant de façon égale. Les chiffres ren- seignés dans le tableau permettent de s'orienter avec plus d'exactitude à ce sujet : de 0 à 600 mètres, la pente diminue progressivement, les pentes moyennes de 2(K) en 200 mètres étant respectivement de 10°I2', de 9^44' et de SHo' ; puis la pente, qui se relève assez brusque- ment jusqu'à 10°o9', devient de plus en plus forte jusqu'à 1800 mètres, où elle atteint 16°42', pour retomber à 12"24' entre 1800 et 2000 mètres, à 8°5r entre 2000 et 2200 mètres; à partir de ce moment, le degré de pente augmente de valeur jusqu'à environ 3000 mètres et se tient, au delà de 5000 mètres, stationnaire entre 22° et 24", valeur qu'il dépasse toutefois de 12° dans le voisinage immédiat du pic. Pour rendre le fait plus évident encore, j'ai calculé la pente de 600 en 600 mètres; l'augmen- tation se fait avec la hauteur, avec une interruption entre 4800 et 2400 mètres, où la pente est de 9°oO', alors qu'elle est en moyenne de 12 -'32' dans les trois étages immédiatement inférieurs, de 14°o7' dans les étages immédiatement supérieurs. Quant à la pente moyenne ( 38 ) de l'ensemble, calculée d'après la formule b elle est de 10°o5 . Toutes les données relatives à la pente ont servi à la construction de la courbe hypsoclinograpbique de Fins- terwalder. La mesure de cette courbe permet de déter- miner de combien la surface réelle, en rapport avec la pente, dépasse la surface calculée pour chaque étage; dans le cas que nous considérons, on peut observer la dif- férence considérable de 26,8 kilomètres carrés, qui pro- vient du fait qu'en général les terrains sont fortement inclinés. m. — Volume. La méthode la plus simple consiste dans la mesure de la courbe hypsographique. Les surfaces des divers étages sont portées sur l'arc des abscisses, les hauteurs limites comme ordonnées. La courbe permet par conséquent de déterminer immédiatement, sans la moindre difficulté, quelle est l'étendue de la surface, au-dessus ou au-des- sous d'une altitude donnée, et permet en môme temps la détermination du volume. Celui-ci est proportionnel a la surface de la courbe; toutefois il importe de remar- quer qu'en général le résultat n'est pas absolument rigoureux, une unité planimétrique représentant en général un volume considérable. Les résultats des mesuressontdonnés dans le tableau IlL Le volume total obtenu par sommation est de 18(>:2,o kilo- mètres cubes ; par mesure directe, 1864 kilomètres cubes. On remarque sur le tableau que les volumes des étages décroissent avec la hauteur, ce qui s'explique aisément, (39) chaque étage comprenant au moins le volume d'un cylin- dre ayant pour base la surface inférieure de l'étage immé- diatement supérieur. IV. — Relations entre la surface et l'étendue du contour. Dans le premier tableau, nous avons indiqué la longueur des isohypses qui enveloppent chaque étage; nous savons également quelle est la longueur minimum du dévelop- pement de ces isohypses, c'est-à-dire de celui qu'elles présenteraient dans le cas où les étages seraient délimités par des circonférences, la formule H étant encore applicable ici. Le rapport entre la longueur réelle et la longueur mini- mum possible se trouve aussi consigné dans ce tableau; ce rapport diminue constamment avec l'altitude; cela pro- vient de ce que les irrégularités de contour sont relative- ment plus foites aux étages les plus inférieurs. Une irré- gularité s'observe toutefois aux isohypses de 2200 mètres et de 2400 mètres; la cause doit en être cherchée dans le fait que c'est à cette altitude que se trouvent les Canadas, et que sur une espèce de plateau existent plusieurs élévations de peu d'importance. Une dernière série de données (jui a sa valeur est celle qui indique les distances moyennes à la côte : les zones de 0-5 ii-IO lO-lo ISISk^S comprennent respectivement ll04,i 382,9 237,/i 6Gl'■»^5 ( ^0} I.e maximum de distance possible est le rayon d'un cercle de même surface que l'Ile; la valeur maximum d'accessibilité de l'île est de :25,4'J 18,8 L'examen des diverses zones sur la carte permet de se faire une idée exacte de la configuration de l'île; en effet, l'île se compose d'un corps de forme à peu près régulièrement triangulaire, auquel se soudent les rochers d'Anaga; et ces deux régions sont en réalité séparées l'une de l'autre par une dépression; nous reviendrons plus loin sur cette particularité. V. — La constitution (/éolocjique de Ténérifje. L'île de Ténérilîe, essentiellement volcanique de sa nature, a été édifiée par trois périodes successives d'érup- tion : la partie la plus ancienne est constituée par les rochers d'Anaga, de Teno et d'Adeje; il est très probable que ces trois massifs ont formé trois îles distinctes. Pendant la seconde période d'éruption, ces îles ont été soudées l'une à l'autre, et les coulées volcaniques qui se sont vraisemblablement effectuées suivant la crête des Canadas ont éditié la masse de l'île. A la troisième période appartiennent la masse du Pic de Teyde et des coulées dans les vallées d'Oratava, de Guimar et d'Icod. Ici se présente une question intéressante : un certain nombre d'auteurs, notamment Fritsch et Reiss, ont attri- bué à l'érosion la production des Canadas; la courbe hypsographique nous permet de reconstituer avec une certaine approximation la masse primitive et d'évaluer la quantité de matières qui auraient été érodées; cette masse est de 237,5 kilomètres cubes, ce qui donne un ( 41 ) volume primitif de 2090 kilomètres cubes; un neuvième de ce volume primitif aurait donc recouvert les Cumbre et aurait été enlevé. Cette érosion se serait effectuée dans l'intervalle entre la deuxième et la troisième période volcanique, et paraît bien considérable dans le cas qui nous occupe. Il serait intéressant de pouvoir comparer les données que nous avons obtenues aux résultats d'autres mesures analogues; mais à part l'étude du Vésuve par Peucker, nous ne disposons que de résultats provenant plutôt d'évaluations approximatives que de calculs exacts, et il est, nous semble-t-il, prématuré d'établir des comparai- sons pour le moment. TABLEAU I. ALTITUDE (m). SURFACE comprise par chaque isohvpse (Km--i). LONGUEUR des isohypses (Km). ALTITUDE (m). SURFACE comprise par chaque isohvpse (Kin'-^). LONGUEUR des isohypses (Km). 0 2041 282 2000 291 71 2(J0 1733 269 2200 174 10o,6 400 1426 230 2i00 69 67 600 1113 254,6 2600 36 2o 800 888 190,2 2800 17 17,6 1000 724 li5,6 3000 10 13,4 1200 602 133,4 3200 6 8,8 1400 490 103,6 3400 2 3,6 1600 417 93,6 36l)0 O.i 1,4 1800 360 82 ( 42 ) ALTITUDE (m). RAYON MOYEN LONGUEUR minimum des isoliypscs (Km). DÉVLLOPPEMENT des isohypses. 0 23,49 160,1 1,76 200 23,44 147,5 1,82 4'JO 21,55 133,4 1,70 600 18,84 118,4 2,16 800 lii,71 103,' ) union devaient avoir respectivement la même composi- tion centésimale que les créso-phéno-quinones et la thymo-phéno-quinone. Seraient -ils identiques à ces dernières, conformément à ce que l'on trouve pour les quinhydrones mixtes préparées par des voies différentes? Il était intéressant de l'examiner. ACTION DU PHÉNOL ORDINAIRE SUR LA TOLUQUINONE. Phénotoluquinone. CH3 — C«nA.2CeH,-0H. Ayant dissous dans l'éther deux molécules de phénol pur d'un côté et une molécule de toluquinone de l'autre, et ayant mélangé les deux solutions, j'ai obtenu parl'évapo- ration du dissolvant un liquide sirupeux d'un rouge foncé, mais qui, sous l'exsiccateur, même après plusieurs jours, refusa obstinément de cristalliser. J'ai essayé d'abord d'en retirer quelque chose par sublimation : le même liquide sirupeux vint se condenser sur les parties froides de l'appareil, mais pas de trace de cristaux. J'ai tâché d'obtenir alors la cristallisation par refroidissement, le corps pouvant être en surfu- sion, comme cela arrive souvent pour les phénols. En employant comme mélange réfrigérant le sulfate de sodium (NaoS04 -f- IGH^jO) et l'acide chlorhydrique, le liquide en question s'est pris en une masse cristalline d'un rouge vif. Les cristaux refondus par éloignement du bain réfrigérant et reformés à plusieurs reprises en ayant soin d'enlever chaque fois les portions qui fondent (34) les premières, ont fourni à l'analyse, après dessiccation sur la paraffine, les résultats que voici : Oe^5842 de substance ont (ionné ie'",0490 COj el Og%2IOI 11,0; soit : Calculé pour CjgHjgO^. Oe'-,28Gl C ou 75,51 °/„ C : 75,55 % OeSO-i35 H ou 6,06 "/o H : 5,81 "/, 0 : 20,65 "/o (par différence) O : 20,64 "/o Ces résultats concordent, on le voit, avec la forniule (le la pbénotoluquinone. De plus, ayant chauffé ce corps dans un tube présentant une partie coudée, plongée dans un mélange réfrigérant, je l'ai vu s'y condenser sous la forme du liquide sirupeux rouge dont il a été question plus haut, pour se solidifier bientôt et donner à l'analyse les mêmes nombres. Déjà quand on met en contact du phénol et de la tolu- (juinone, on voit ce composé se former : ainsi, lorsqu'on projette sur du phénol sec et pur, conservé dans une atmosphère bien sèche, de la toluquinone également pure et sèche et qu'on referme immédiatement le récipient qui les contient, la toluquinone devient rouge partout où elle touche l'acide phénique et bientôt le tout fond en un liquide huileux brun-rouge. On arrive d'emblée au même résultat en cbaulïïmt un instant le récipient ou en broyant ensemble les deux corps dans un mortier bien sec. En opérant ainsi avec des matériaux absolument purs et secs en quantité calculée, je suis parvenu à préparer un produit donnant à l'analyse des nombres à peu près théoriques et ayant le point de fusion de 18". Pour déter- ( ss ) miner celui-ci, j'ai introduit la substance dans une large éprouvette munie d'un thermomètre sensible, à 0 exact. Celui-ci était fixé au moyen d'un tube en caoutchouc très souple qui, tout en empêchant l'accès de l'air humide, permettait de se servir du thermomètre comme agita- teur. L'éprouvette était entourée d'un manchon en verre, de façon à interposer entre la substance et le mélange réfrigérant une couche d'air, comme dans les détermina- tions cryoscopiques par la méthode de Beckmann. Le tout avant été plongé dans de l'eau glacée, la substance se solidifia à 49% et après éloignement du bain réfrigé- rant, au moment où les premières traces de fusion appa- rurent, le thermomètre marqua 17%:) : cette tempéra- ture s'est maintenue constante pendant presque toute la durée de la fusion. On peut donc admettre que le point de fusion est situé à 18°. Pour le reste, la phénotoluquinone se comporte abso- lument comme les composés de la classe des corps à laquelle elle appartient. Elle est différente des créso- phéno-quinones, quoiqu'elle ait la même composition centésimale, ainsi qu'il résulte de ce qui précède. De même que ce composé, le produit de 1' ACTION DU PHÉNOL ORDINAIRE SUR LA THYMOQUINONE, La phénothymoquinone ilîr^H > QHA 2CeH,-0ll, (4) L3H7 (2,5) constitue un liquide sirupeux d'un rouge foncé, qui se solidifie par refroidissement à quelques degrés au-dessus de 0 et qui se montre absolument différent de la thymo- ( S(i ) phéno-quinone avec laquelle cependant il a pour formule brute Ljjllj,0^ Il résulte de tout ce qui vient d'être exposé qu'on peut obtenir des pliénoquinones mixtes, soit en combinant deux phénols monoatomiques différents à une même qui- none, soit en faisant agir deux molécules d'un même phénol monovalent sur une molécule de quinone sub- stituée; les phénoquinones de même composition centési- male qu'on peut obtenir ainsi par deux voies différentes, sont différentes entre elles; celles produites suivant la première méthode ont notamment un point de fusion plus élevé que celles qu'on obtient par la seconde. Ce fait renverse-t-il la formule atomique attribuée aux phénoquinones et aux quinhydrones ? Je ne le crois pas : de même que l'identité des quinhydrones mixtes engen- drées au moyen de matériaux difl'érents n'est pas un argu- ment probant de leur constitution atomique, de même la différence des phénoquinones en question n'est pas une preuve absolue de leur nature additionnelle. En effet, si l'on admet pour les phénoquinones la formule de MM. Loring-Jackson et G. Oenslager : 0 — CJL HA— 0 Phénoqiiinoiie ordinaire. on conçoit très bien, puisque la liaison ne se fait que ( S7 ) par une atomicité, que la différence des positions occu- pées par les substituants (qui sont ou dans les phénols, ou bien dans la quinone) puisse entraîner une différence de propriétés. Pour les quinhydrones mixtes, comme je l'ai fait remarquer dans un travail antérieur, il n'est guère pos- sible de déterminer par l'expérience si l'identité des pro- duits obtenus différemment est due à leur constitution atomique ou si elle est engendrée par une transformation des matériaux mis en œuvre, avant leur combinaison. Dans ce dernier cas, puisque, même aux dépens d'une liydroquinone d'homologie supérieure et d'une quinone inférieure, on obtient toujours la quinone supérieure et l'hydroquinone inférieure, on est forcé d'admettre que les hydroquinones moins substituées sont des réducteurs plus puissants que leurs homologues supérieurs, ou, ce qui revient au même, que le pouvoir oxydant des qui- nones décroît à mesure qu'elles sont plus élevées en homologie. Quoique, je le répète, l'expérience ne puisse pas donner de réponse décisive sur cette hypothèse, j'ai fait cependant quelques essais dans ce sens : il m'a notamment paru intéressant d'examiner si, lorsqu'on prépare ces quinhydrones mixtes en solution au moyen de l'hydro- quinone substituée et de la quinone inférieure, la produc- tion de la quinone substituée et de l'hydroquinone simple est ou non instantanée, soit qu'elle ait lieu d'ailleurs par transformation préalable, soit qu'elle s'accomplisse par l'intermédiaire d'une combinaison atomique. J'ai choisi pour exécuter ces expériences la thymohy- droquinone et la quinone ordinaire : la raison en est (fue cette hydroquinone se dissout dans l'eau en quantité ( 88 ) appréciable, de même que la benzoquinone, tandis que la thymoquinone est presque entièrement insoluble dans ce liquide et devait, par conséquent, précipiter au fur et à mesure qu'elle se formerait. lf^',46 de quinone ordinaire pure sont dissous dans un minimum d'eau tiède ayant environ 50''; d'autre part, une quantité équimoléculaire (2^,25) de thymohydroqui- none est dissoute dans de l'eau bouillante. Dès que cette dernière solution s'est refroidie jusqu'à n'avoir plus que 50° (*), on la verse dans la première. Immédiatement et dès que les premières portions de la solution d'hydroqui- none viennent au contact de la solution de quinone, il se produit une multitude de petites gouttelettes huileuses jaunes, qui répandent très fortement l'odeur caractéris- tique de la thymoquinone. Après quelque temps, le refroidissement du liquide continuant, ces gouttelettes se prennent en de petits amas de cristaux jaunes qui, après séparation et dessiccation, présentent quelques points verdâtres. Ayant éloigné ces derniers, on trouve que ces cristaux possèdent le point de fusion exact de la thymo- quinone (45"). Comme contrôle, j'ai épuisé la solution aqueuse par l'éther et j'ai obtenu, par l'évaporation de ce dernier, à côté de quelques cristaux bronzés de quinhydrone mixte, des aiguilles blanches formées d'hydroquinone ordinaire dont elles avaient le point de fusion exact (1(>Î)"). Ce fait était à prévoir : les quantités de thymohydro- quinone et de benzoquinone mises en œuvre étant entre (*) On a soin d'ajouter de temps en temps un peu d'eau tiède pour empêcher la recristallisation de la tliymohydroquinone. ( S9 ) elles dans le rapport des poids moléculaires de ces corps, après la précipitation de la majeure partie de la thymo- quinone formée, il devait nécessairement rester en solu- tion un excès d'hydroquinone. D'un autre côté, comme la thymoquinone n'est pas absolument insoluble dans l'eau, la formation d'un peu de quinhydrone mixte aux dépens de l'hydroquinone présente et de la faible quantité de thymoquinone dissoute dans l'eau, était inévitable. Ayant repris la même expérience avec des solutions froides, nécessairement plus étendues, j'ai obtenu exac- tement le même résultat : de la thymoquinone fut immé- diatement précipitée et il resta dans la solution aqueuse un excès d'hydroquinone ordinaire. La formation de la quinone d'homologie supérieure et de l'hydroquinone inférieure aux dépens de la quinone inférieure et de l'homologue supérieur correspondant de son hydroquinone, est donc instantanée. Cette transfor- mation a-t-elle lieu directement ou par l'intermédiaire d'une combinaison atomique? C'est ce qu'on ne saurait établir expérimentalement par cette méthode. Les expériences, tant ébuUioscopiques que cryosco- piques, que j'avais antérieurement (*) exécutées sur les quinhydrones mixtes, m'avaient montré leur dédouble- ment complet en solution neutre et étendue, ce qui tend à les rapprocher des composés additionnels. C'est pour- quoi je résolus de les soumettre, de même que les phéno- quinones, à de nouvelles déterminations ébu-lioscopiques et de poursuivre celles-ci jusqu'en solution saturée. 11 (*) Bull, de l'Acad. roij. de Belgique, 3« série, t. XXXII, n» 8, pp. 300 et 301, 1896. ( 60 ) suffisait d'obtenir un résultat se rap[>rochanl du poids moléculaire théorique pour pouvoir conclure à leur con- stitution atomique. Pour les phénoquinones, il convenait aussi de faire quelques essais par voie cryoscopique en solution benzolique. La phénoquinone qui, vu sa solubilité, se prête le mieux à ce genre d'expériences, est la paracréso-phéno- quinone; encore cette solubilité dans le benzol à froid est-elle très limitée, comme je devais m'en apercevoir bientôt. C'est elle (jue j'ai mise en œuvre. Pour les cal- culs, je me suis servi de la formule pk Ll dans laquelle : M repi'ésente le poids moléculaire cherché ; p le poids de substance ; k la constante moléculaire du dissolvant (49(X) pour le benzol) ; L le poids du dissolvant ; t l'abaissement du point de congélation. Dans une première expérience, j'ai employé 13f^",748 de benzol (L) dont le point de congélation était à ô",750, et j'ai obtenu les résultats suivants : Poids Températures Abaissements Poids de substance (p)- de congélation. [c). moléculaires (M). 0g%1326 3%291 0%459 ioa,9 0«f^l674 3°,196 0»,554 107,8 OK',2000 5°,i3D 0%617 115,5 Il était impossible d'aller plus loin. La paracréso- ( 61 ) phéno-érature Différence Poids de substance {p). d'ébuUition. [i). moléculaire (M). 0c%2421 0%2-3 0'',231 147,2 5me SÉRIE, TOME XXXV. 5 ( 6« ) Une nouvelle quantité de substance, quoi(|ue faible, introduite en vue de continuer l'expérience, refusa de se dissoudre; déjà à la première détermination, la quin- hydrone s'était très difficilement dissoute ; j'ai donc fait une Deuxième expérience, en partant d'une solution plus étendue, et j'ai trouvé les valeurs suivantes, en pienant 15^'', 09 d'éther (L) qui, à l'ébullition, marquait à l'échelle thermométrique O^jlOy : Poids Températures Différences Poids de substance (/>). d'él)ullilion. U). moléculaires (M). Oe^OOiT 0»,-2oO 0",08l 10», !» {}s\\ràA 0%5^4 0»,l5o 110,0 0g%19l6 0%40 1 O^'lôû 112,5 0^',0o60 de substance, ajoutés pour faire une nouvelle détermination, ont refusé obstinément de se dissoudre, ce qui montre que la limite de solubilité était atteinte. Le poids moléculaire calculé de la quinhydrone ordinaire est 218, dont la moitié, 109, concorde avec les chilfres obtenus. Ces expériences montrent clairement qu'à l'ébulliosco- pie, de même qu'à la cryoscopie, les quinliydrones en solution neutre, môme saturée, sont entièrement dédou- blées en quinone et en hydroquinone, puisque toujours on trouve la moitié du poids moléculaire normal. Il résulte de tout ce qui précède qu'il ne ju'a pas été possible de trouver une preuve directe de la constitution ( «7 ) atomique des phénoqiiinones et des quinhydrones, mais je n'ai rien constaté non plus qui soit de nature à faire rejeter définitivement cette manière de voir. En solution dans les dissolvants neutres, ces corps se comportent absolument comme des combinaisons additionnelles et se montrent entièrement dédoublés; cependant, une formule atomique telle que celle de MM. Loring Jackson et G. Oenslager, qui fait considérer ces composés comme une espèce d'bémiacétals, peut rendre un compte satis- faisant de ce phénomène. Ce travail a été fait dans le laboratoire de M. le pro- fesseur Th. Swarts, qui m'a constamment témoigné la plus grande bienveillance; je tiens à lui en exprimer ici toute ma reconnaissance. ( 68 ) €I..%SSE DKS I.KTTRES. Séance du 10 janvier 1898. M. le comte Goblet d'Alviella, directeur pour 18î)7, occupe le fauteuil. M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. F. Vander Haegeii, Itniijtoê'l fie ff . J. .Slect»€'ff ftfHjriémo cotniitissnit-f « Je suis heureux d'acquiescer à la conclusion si bien justifiée du premier commissaire et je propose également l'insertion au Bulletin du travail de iM. (iuilliaume. » Btapiiorl fie .fi . Il Hmollf, li'oiiiirtiÊe ctnimtixHairf. « Je suis d'accord avec mes savants confrères pour voter 'impression du travail de M. Guilliaume. » Ces conclusions ont été adoptées par la Classe. ( 78) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Les Frisons en Flandre; par Ch. Piot, membre de l'Académie. I. Notre travail intitulé : La Ménapie pendant la conquête de César (1) rappelle un passage de Procope, relatif à l'arrivée en Flandre de populations germaines, venues du Nord. Ce passage dit : Bhenus in Oceanum involvitur. Hic sunt paludes ubi quondam habitarunt Germani, qui nunc Franci appellantur. Quel est ce peuple de Francs men- tionné par l'historien grec? D'où venait-il? A quelle nationalité appartenait-il ? Quelle était sa langue ? Où et quand s'est-il établi dans notre pays? Telles sont les questions que nous lâcberons de résoudre dans celte notice. Le nom de Francs était donné, vers le milieu du VI'' siècle et antérieurement, aux populations d'origine teutonne qui formeront une association d'hommes libres appartenant à cette race et qualifiés en allemand de fri (i) Bull, de VAcad. roy. de Belgique, 3'' sér., t. XXXIV, p. 734, 1897. En reproduisant dans ce travail le passage de Procope, nous citions (p. 767; l'opinion des auteurs allemands qui partagent cette manière de voir. ( 79 ) et (le />7/ (1). Celte association étendit ses ramifications dans tous les pays habités par des Teutons, quels que tussent les lieux de leur séjour et les tribus auxquelles ils appartenaient. Elle se composait de Cbamaves, de Hruclères, de Tenchtères, d'Angivariens, d'Attuaires, de Sicambres, de Chérusques, de Frisons, de Frisiabons, de Quades, de Cattes, etc. ; peu importait le nom du peuple, pourvu qu'il fût germain et reconnu comme tel par ses compatriotes (2). Dans les provinces connues plus tard sous le nom de Pays-Bas, les Bataves seuls ne firent pas partie de cette vaste association, malgré leur origine tudesque. Momen- tanément ils restèrent fidèles au régime romain et atta- chés à leur langue (3), tandis que leurs voisins, tels que les Frisons et les Frisiabons, peuplades libres établies près de la mer du Nord et de la Baltique, se considéraient comme Francs, en prirent le titre et firent usage d'un idiome germain différent. (1) Zeuss, Die Deutschen iincl die Nachbarstâmme, p. 32. Kern, dans son travail concernant les Bataves et les Francs, explique très bien les différentes acceptions du nom de Franc. (Voir son article intitulé : Over de taal der Batavieren en Franken, p. 106, dans les Handelingen en mededeellngen van de BIaatschappu der neder- LANDSCHE LETTERKUNDE TE Leiden, de 1866. Voir aussi au sujet de la signification du mot ÏT^nQ,,\\L\iÇ,z,Elymolo(jisches Worterbuck, p. 87.) (2) VoN DuRiNG donne, dans son livre intitulé : Ein slratccjischer Versnch ûber die Feldzuge der Romerim nordwest lichen Deulschland, pp. 68 et suivantes, des renseignements spéciaux concernant ces populations. — Onno Klopp, dans son livre intitulé : Geschichte Ostfriesiands, 2 vol. in-8", fournit aussi des détails à ce sujet. (3) C'est aussi la manière de voir de Kern. Dans son travail précité, il dit : « De taal der Bataviren en der zoogenaamde salisclie Franken is niets anders geweest dan Nederlandsch. » ( 80) Par suite d'un esprit tl'iiulépendance complète, elles s'installèrent où elles le jugeaient convenable. Procope a par conséquent pu dire, à juste titre, que ces Germains se sont établis dans les marécages de l'Océan, leur élément favori, l'objet constant de leurs convoitises et de leurs désirs. A eux la mer pour la navigation en Angleterre. A eux les marais de la Ménapie pour les endiguer et les convertir en terres labourables ou en prairies fertiles. Arriver par cette voie en Flandre, pays |)Our ainsi dire inbabité, n'était pas une expédition difficile à réaliser. Les Ménapiens installés dans ces parages, submergés en grande partie par les eaux de la mer, des fleuves et des rivières de la contrée, n'étaient ni assez belliqueux, ni assez nombreux pour résister à une invasion. A tous mo- ments ils étaient traqués, cliassés, expulsés de leurs liabi- tations par des populations germaines, avides de leurs possessions stériles et abandonnées. En dépit des efforts faits par les Gaulois et les Romains pour arrêter ces inva- sions, des flots de populations tudesques, poussées, pressées par d'autres émigrants, s'installèrent où elles jugeaient convenable de s'établir. A cette époque, le |)rin- cipe du premier occupant était remplacé par la violence, lésultat nécessaire de l'émigration forcée des nouveaux venus. Les Commentaires de César constatent des inva- sions continuelles de Germains dans la Gaule. Rcpcriehat, dit le général romain , plerosque Behjas esse orlos a Cernuntis, lihenumquc auiiquilus transductos, propler lovi ferlililalein ibi consedisse; Gallosque, qui ea loca incolerent, expulsisse. Solosque esse, qui palrum nostrorum memoria omni (kûUn vexala, Tentones, Cimbrusque intra fines suas ingredi pro- hibuerinl, qua ex re fieri, uli earum rerum memoria maquam sibi aucloritalem, magnosque spiritus in re mililari snme- (81 ) renl. (L. II, c. i.) Plus lard, l'empereur Probus avait beau les vaincre et les repousser devant ses armées victo- rieuses, ils revenaient à la charge jusqu'à ce qu'ils fussent complètement maîtres de la situation (4). Ils voulaient, bon gré mal gré, s'asseoir à la table de la civilisation romaine, selon l'expression d'un bislorien français. Où et comment ces Francs ou Frisons, nouveaux venus dans les marécages du Rhin, parvinrent-ils à se caser? A cette question, à la fois historique et linguistique, Vre- dius répond d'une manière tant soit peu prolixe et em- brouillée. La phrase principale et la plus intéressante de sa dissertation porte : Fresiam, sive Frisiam, hoc tempore appellatam Flandriœ partem marilimam, vidgo Vriam, eamque potissimum, quœ ad orientem vergit, Zelandiam versus et Isendicam, Bierfïetum, quatuor officia, Wasiam itemque Zelandiam totam, atque Hollandiam, docuimus libro prœcedentc, ut et nominis ejus ralionem, a libertate profec- tam, ut Frtj et IV/y, Fries et Vries, si t liber, etc. (2). On le (1) Voir la vie de Probus par Flavien Vopiscus. dans V Histoire d'Auguste. (2) Le travail si compliqué de Vredius au sujet du Franc de Brut^^es, imprimé dans la Flandria Christiana, pp. 234, 237, 274, tendait au but de faire croire que les habitants du territoire de cette admi- nistration avaient fait la conquête des Gaules, thèse que Warn- Kœ.NiG a complètement réfutée dans son Histoire de Flandre, t. II, pp. 162 et suiv. Cet auteur a démontré aussi que les Francs installés en Flandre n'ont pas donné leur nom à la chàtellenie du Franc. Les châtellenics étaient, en effet, simplement des divisions administra- tives, à la tête desquelles étaient placés des fonctionnaires appelés châtelains, charges de remplacer les comtes, d'exercer une certaine juridiction et de conduire les hommes à la guerre. A ce point de vue, les châtelains du Franc de Bruges ne différaient guère des autres châtelains de Flandre. — VonDuri.ng donne des Frisons une meilleure O""^ SÉRIE, TOME XXXV. G ( 8-2 ) voit par ce passage, si Vredius n'a pas résolu complète- ment la question, c'est par suite de la confusion qu'il lait à propos des Francs arrivés en Flandre et de ceux venus par le Rhin, pendant le IV"^^ siècle et le suivant, dans la partie orientale de la Belgique, afin de pénétrer ainsi dans la Gaule. C'est par l'arrivée de ces Frisons dans cette contrée de notre pays que l'on peut s'expliquer facilement les lieux dits de Frise cités dans cette partie de nos provinces. Aux yeux de l'historien de Flandre, la con- quête des Frisons dans la Gaule était uniquement l'œuvre des populations installées dans le Franc de Bruges; ce qui est loin d'être vrai. Point de doute, les Francs de Flandre et ceux arrivés d'Allemagne appartenaient à la même race; mais les premiers ne prirent pas une part active à la conquête de la Gaule, et pour cause. Ne for- mant qu'une fraction minime de la grande association tudesque, ils se contentaient de l'invasion en Flandre. Ainsi que le constatent plusieurs auteurs, tels que Wiarda dans son travail si remarquahie intitulé : définition : Tacitus, dit-il, tlieill sie in grosse und kleine iM-icsen, und nach dem, was er ùber die Ausdehnung dieser Volkerscliaft sagt. scheinen sich ihre Grenzen also zu bestimmen : nordiicli die Nordsee bis zur Weser, wo unserer Ansicht nach, der ingens flexus i die ^vosse Biegung) anfàngt, von welcliem Tacitus in Germ. 35. spriciil; ôstlich begrenzt ihr Gebiet die Weser bis an die Hunte und dièse bis in die Gegenddes lieut'^gen Barnstorf, oder auch Diepholz; von dort sudlich sich wendend das grosse Vechter-Moor, die Lager-Haase bis zum Eintluss in die Ems bei Meppen, etc. » {Loc. cit., pf). 69 et suiv.).Voir aussi Ckesse, Gesla Frisonum, Workum, 1875, Ubbo Emmils et Onno Ki.opp. — Le nom de Frisons était donné aussi aux populations étrangères arrivées plus tard en Flandre, n'importe à quelle époque. On les appelait parfois Wilde Friesen et Wilde Scotlen. Nous en dirons un mot plus loin. J (85 ) AUfrisiscIt ^'urlerbiich. ensuite Siccama, dans sa Lex Frisionum, Lamberlus Schafnaburgcnsis, Petrus Suffri- diis, Schotanus et Winsemius (1), ces populations parfai- tement libres et indépendantes s'installèrenten Hollande, en Groningue, en Frise et en partie dans la Flandre (2). Où s'étaient-elles fixées cbez les Flamands? Ni Vredius, qui se contente de les placer dans le Franc de Bruges, en Zélande, dans les Quatre-Métiers et le pays de Waes, ni d'autres auteurs ne fournissent des explications précises et suffisantes à ce sujet. Winkler fait observer à juste titre que l'élément franc s'est développé surtout en Hollande et en Zélande, spécialement près d'Axel et de Ter Neuze, villes qui ont beaucoup souffert des inondations, et définitivement endiguées au XVH" siè- cle (5). En somme, cet auteur, qui a fait des rechercbes sur place, constate que l'élément frison est très déve- loppé à Bruges, dans le P>anc de cette ville, dans le métier de Furnes et la Flandre occidentale (4). Ces faits sont évidemment le résultat de l'invasion franque, signalée par Procope. (I) De Frisiorum antujuitate; Apologia pro untiquitate et oriçiine Frisiorum; Kerkehjke, ivereldlijkc geschieclenissen van Friesland; His[07iscke geschiedenis van Vricsland. — Winkler, dans son livre intiUilé : Oud Nederland, donne, page 104, une liste des ouvrages publics en Allemagne au sujet des Frisons septentrionaux par Hansen, kolil, Weigclt, Bende Bendsen, Johanssen et Nissen. (5) Voir aussi Winkler, pp. 4o et suiv., et H. V. A., Oudheden en (jesticlUen van Vricsland, 1. 1, p. 2, et rapportant : « In Audoënus, een sciiryver van de zeventiende eeuw, vind men Vrisen by Antwerpen geplaatst, en in een oude brief by Mycrus word Ostende een stad van Vricsland genaemt. » (3) Ibid., pp'. 62 et 297. yi) Ibid., pp. 108 et suiv. ( 84) Examinons à ce propos les annales liisloriques. En ce qui concerne Bruges et son Franc, nous n'avons pas recueilli à ce sujet des éléments suffisants dans l'his- toire civile, tandis que les annales ecclésiastiques répon- dent parfaitement à la question. Nous ferons seulement observer que le Franc s'étendait jusqu'à Damme; nous le démontrerons plus loin par un acte de 1297. II. Selon Henschenius (1), les P'risons s'installèrent en Flandre, près de Hulst, Axel, Biervliet et le Sas de Gand (2). Saint Willibrod, premier évêque d'Utrecht, les rejoignit dans l'île de Walcheren et détruisit à West- kapel les idoles vénérées dans ces parages. Lors de la création de ce siège épiscopal, vers l'an 700, (1) Vie de saint Amand,^ i, n» 23, Ghesquière, Acta sanctoriim, t. III, p. 237, et les Acta sanctorum, t. III, p. xi. Voici ce qu'on lit à ce sujet dans la Vita sancti Eligii, 1. II, pars I, c. III des Acta sanctorum (t. III, p. 231) : « prœter ca Pastoris cura sollicitus lustrabat urbes vel municipia circumquaque sibi commissa, sed Flandrenses atque Andoverpienses , Frisiones et Sucvi et barbari quique circa maris littora degentes, quos velut in extremis remotos nullus adlmc pr.nedi- cationis vomer impresserat, primo cum hostili animo et aversa mente susceperunt, poslmodum vero cum paulatim per gratiam Christi his verbum Dei insinuare cœpisset, pars maxima trucis et barbari populi relictis idolis, conversa est ad verum Deum Cliris- oque subjecta. » La vie de saint Éloi fut écrite vers 698. — Saint Wil- librod, né en 658 dans le Nortbumberland, arriva en Frise, accom- pagné de onze moines. Cette circonstance démontre que le frison était répandu dans la patrie du missionnaire. (2) Janssen a publié des notices historiques sur ces communes. (8S ) saint Willihrod ('tendit sa juridiction ecclésiastique sur les Frisons établis dans la Basse-Saxe, qui comprenait aussi, selon Melis Stoke et Klaas Kolijn, les îles de la Zélande actuelle (1). Habitées par des Frisons, des Suèves ou des Saxons, ces îles rentraient nécessairement sous la juridiction ecclésiastique des évèques d'Utreclit. Ceux-ci pouvaient, par conséquent, réclamer ces populations sor- ties des provinces septentrionales et les suivre pendant leur émigration en Flandre, où elles étaient jui/s nullius en qualité de païens. En règle générale, l'Église suivait les divisions territoriales admises par le pouvoir civil; mais elle adoptait aussi, par suite d'invasions subites et pour des motifs de nationalité, la juridiction personnelle, lorsque la nécessité s'en faisait sentir. Par exemple, l'Église d'Ir- lande, dont sortirent les premiers missionnaires envoyés sur le continent cbez des populations celtiques, par suite de l'identité de leur langage et de celui des convertis, ne connaissait primitivement que la juridiction personnelle. Pendant cette période, Rome ne suivait pas de règles fixes quand il s'agissait d'établir son pcuvoir. Tantôt elle admit le principe du droit personnel, tantôt celui de la juridiction réelle, selon les cas, c'est-à-dire d'après les chances de succès reconnues et admises au moment de la chute du paganisme et du triomphe de la foi nouvelle. Lors de la formation du comté de Flandre, toutes ces circonstances donnèrent lieu à des complications et à des contestations entre les évêchés de Tournai et d'Utrecht. (Il Conférez au sujet des populations anciennes fixées en Zélande : Van QuiKELBERGHE, Antwoord op de vraag : Welke zijn de bewooners van Zeeland geweest tôt aan de vijfliende eeuw? dans les Veuhande- LINGEN VAN HET ZeEUWSCH (iENOOTSCHAP t. II, de 1771. ( 86 ) Dès l'ail 1070, le lilulaire du second de ces diocèses éleva des prétentions à propos de la jin"idiclion spirituelle à Bruges (1). Ces différends, l'histoire nous l'apprend, furent réglés seulement en Ii2()l. Une ligne droite, des- tinée à marquer la séparation des deux évèchés, fut tirée à partir de la démarcation établie entre Watervliet et Peel, dans la direction du Lorynen-|)()l(ler, en laissant Bouchout et Philippine au nord de celte ligne. Utrecht conserva aussi, en vertu du droit personnel, une enclave dans les environs de Bruges, jusqu'au moment de l'érec- tion des nouveaux évèchés pendant le XVI« siècle. Cette enclave formait le territoire occupé par les Frisons arri- vés de Zélande dans le Franc. Un acte du 20 mai ll!2i2, dont nous avons publié le texte complet dans le cartulaire de l'abbaye d'Eename (p. 2:2), constate aussi l8o6, p. 267. (2) Mémoire sur les analyses des langues jlamande, allemande et anglaise, clans les Mémouies de l'Académie royale de Belgique, t. XXIX, pp. 12 et puiv. ( 89 } TH. L'ensemble de ces faits démontre que le territoire de h civitas Menapiorum ne correspondait pas complètement à celui du diocèse de Tournai, et que la langue des Ménapiens était celtique, comme celle des Irlandais. Ces faits constatent aussi que les Frisons ou Francs, installés dans la Flandre, fixèrent leurs habitations dans la partie méridionale de la Zélande, jusqu'aux environs de Furnes. Le pays de Waes, dont la dénomination primitive désigne une terre inculte, fut évidemment l'objet de leurs con- voitises, s'il est permis de s'en rapporter au nom du Friesendijk, sis entre Calloo et Verrebroek (I). Le Vries est cité à Meulenbeek et à Ingelmunster (2). A Thielrode, commune de la Flandre orientale, se trouve une dépen- dance appelée Vriesland (5). Van Lokeren cite Vrie- sale (4) entre les années (Jôl) et GGl. Un acte de 1282, analysé dans V Inventaire des chartes des comtes de Flandre, publié par de Saint-Génois (n' 509), parle du Frankendich devant Saftinge. La même pul)lication men- tionne à l'année 1297 (n" 971) la présence des Frisons à Damme. Nous croyons devoir faire observer à ce sujet que ces dénominations de Fries, Frees et Francs sont parfois des synonymes, ainsi que le constate le passage (1) ilAEPSAET, OEuvres complètes, t. III, p. 56. (2) WiNKLER, loc. cit., p. 106. (3) 1 KWhizw, Dictionnaire géographique de Belgique, p. 310. (4) Cartulaire de l'abbaye de Saint-Pierre. (Kurth, La frontière linguistique, t. I, p. 391.) ( 90 > précité (le Procope. En résumé, toute la Klandre septen- trionale et une partie de la Flandre orientale ont été peuplées par des Frisons. I.e patois de la ville de Pope- ringlie, sise dans la partie méridionale de la Flandre, sans toucher à la mer, et dont Willems donne un échan- tillon très caractéristique, a des accointances avec le frison. A Furnes, les possesseurs de deux liefs sis dans la paroisse de Sainte-Walburge étaient obligés, au moment de l'arrivée du comte de Flandre, d'aller « tout armés de blanc sur le blanc-mont des dunes et rapporter nouvelles des Frisons sauvages ». La garde du pont-levis du château en cette ville était conliée à un autre feudataire, tenu, en cas de reconstruction de ce pont, de le garder « contre les Écossais sauvages » {Wilde Scotten) (1). Mention y est faite aussi du Fresdick (^). IV. Coïncidence singulière, lorsque les habitants des pro- vinces de Zélande, de Frise et de Groningue manifes- tèrent, au XVl« siècle, des tendances à se rendre indé- pendantes et à embrasser le protestantisme, la partie de la Flandre habitée par des Francs ou Frisons fit des efforts semblables. Ceux-ci furent paralysés, grâce à la (1) Primilivemenl, la langue écossaise avait des accointances sin;j;ulièrcs avec le frison, de même ((ue le suédois, le danois et l'irhuidais. (2) (lii.LiODTS-V.VN Severen. CouluiHi's liu (juarticr de Fiimes, t. I, Iiilroduclion, pp. 94 à 96; t. III, p. 54. I (91 ) réaction des provinces wallonnes et au triomphe des armées d'Alexandre Karnèse près de l'Escaut. Bruges et son Franc, Gand et sa banlieue avaient si vivement embrassé le parti des Frisons du nord, pendant le soulèvement des Provinces-Unies, qu'il a fallu arrêter ce mouvement par la lorce des armes des Wallons et des Espagnols réunis. Cette circonstance s'explique parfaitement, en ne perdant pas de vue que les populations soumises anciennement au régime romain sont restées romaines, avant comme après la chute du paganisme. Rome païenne ou catho- lique a toujours conservé chez elles et à toutes les époques son prestige, son influence, ses tendances; tandis que les nations qui ont maintenu leur indépen- dance se sont émancipées au point de vue politique et religieux. Les renseignements que nous avons recueillis au sujet de l'arrivée des Frisons en Flandre se réduisent aux points suivants : ils appartenaient à une fraction des populations du littoral de la Baltique et de la mer du Nord; s'installèrent dans la partie septentrionale de la Flandre, dans le Franc de Bruges et aux environs; éten- dirent leurs possessions près du littoral de la mer du Nord jusqu'à Furnes et de là à l'intérieur du pays, en laissant aux Saxons une partie des côtes maritimes nommées lillus Saxonicum. Mieux que toute autre preuve, leur présence dans la Flandre démontre les tendances d'envahissement des (92) populations germaines au nord de l'Europe, leur esprit entreprenant, actif, Terme et indépendant, la volonté de s'établir dans des pays incultes, pour ainsi dire aban- donnés par la population celtique, et de les convertir en champs fertiles. Elle démontre aussi la filiation intime entre les populations llamandes et celles du nord des Pays-Bas, basée sur une origine commune. Elle explique comment celte contrée, restée dans un état si misérable d'infériorité sous la domination celtique et romaine, a pris tout à coup un développement extraordinaire dans la civilisation de notre pays, grâce à l'élément germain et néerlandais signalé par Procope et constaté par les faits rappelés ci-dessus, (^'est à cet élément à la fois ger- main et néerlandais que la Flandre doit son bien-être, son influence et sa grandeur pendant le moyen âge. 159S. — Quelques notes sur les théories politiques et les Etats généraux aux Pays-Bas sous le règne des archiducs Albert et Isabelle; par V. Brants, professeur à l'Univer- sité de Louvain. Le millésime de 4898 m'a suggéré la pensée de cette lecture. Il y a trois cents ans, les Pays-Bas étaient érigés en principauté sous le sceptre des archiducs Albert et Isabelle. Leur courte souveraineté a laissé dans notre histoire de durables souvenirs. Nous ne songeons pas en ce moment à l'examiner sous ( !>•> ) ses multiples et intéressants points de vue (i), nous nous bornons cette fois à grouper quelques notes sur le rôle des États généraux et les théories politiques qui s'y rapportent. Les rôle des États particuliers de province était considérable; ils devaient intervenir notamment dans le vote des impôts et ils s'occupaient en fait de divers intérêts; les États généraux, assemblée générale composée de délégués des provinces, se réunissaient de temps en temps à l'appel du prince, souvent aussi pour des questions financières; en fait, ils présentaient un caractère plus marqué d'intervention du pays dans la politique générale. Tandis que les États de ))rovince conservent leur action régulière et constitutionnelle, la question de l'assemblée des Etats généraux était très discutée. Charles V les avait réunis fréquemment; après lui, Topposition les désire, Philippe II s'en délie. La question se pose naturellement à l'avènement des nouveaux princes. Les États, qui sont réunis pour leur inau- guration, joueront-ils un rôle politique dans le nouveau règne? C'est le seul point que nous examinerons ici (2). Notre but n'est nullement de refaire l'histoire si connue et souvent redite de ces réunions, non plus que de la célèbre assemblée de 1600, mais uniquement d'examiner la place que les États généraux occupaient alors dans la (1) Nous avons examiné déjà quelques pages de ce règne : Gérard de Courselle. Un cours de droit au XVII<' .slêde (Bull, de l'Acad. roy. DE Belgique, 3^ série, t. XXXIII, 1897). — Jean Richardot. Noie sur les origines de la nonciature du Saint-Siège à Bruxelles et de la légation belge à Rome. (Museon, Louvain, 1891.) — L'établissement des Hollandais aux Indes orientales (1595-1609). (Revue catholique, Louvain, 1884.) (2) Gachard, Collection des documents inédits, t. I. pp. 6"! et suiv. (91 ) pensée des hommes d'Etat et des publicistes de nos provinces. Nous faisons l'hisloire, non des faits politi- ques, mais des idées, des théories du droit public des Pays-Bas, et cette histoire sera toute objective; nous exposerons les idées d'alors, sans les critiquer. L'archiduc Albert, nous dit le jurisconsulte Zypaeus(l), fit examiner par des conseillers belges et étrangers si. dans les constitutions, il n'y avait rien de contraire à la dignité princière, puis, rassuré sur ce point, promit aux Étals de les observer. Cette enquête avait ému les députés, qui avaient proposé de justifier par droit et histoire le régime établi. Nous n'avons pas autrement connaissance de cette con- sultation du prince. Mais nous possédons diverses pièces où des avis et conseils lui sont donnés en vue de son gouvernement. Ces avis ne sont pas signés et peut-être sont-ils des réponses émanées de divers hommes poli- tiques. Ils ne répondent pas absolument à la question telle que l'indique Zypœus, mais renferment des avis sur les mesures à prendre en vue du nouveau gouvernement. Nous y reviendrons bientôt. Il était d'ailleurs facile à Albert d'Autriche de con- naître, à cet égard, le désir de ses nouveaux sujets. A diverses reprises, le défunt roi les avait lui-même con- sultés, et tout récemment, en 1594, Philippe 11 avait provoqué l'avis des notables des Pays-Bas sur la réforme du pays. Les personnages les plus considérables des conseils, de l'Église et des provinces rédigèrent un long (1) Index, éd. An\crs, 1G73, p. 3'26. ' 95 ^ V mémoire adressé à rarchiduc Ernest, alors gouverneur, puis transmis au roi, dont nous avons les apostilles. Ce document est publié (1). (1) Gachard, Lcf. États de HOO, pp. 41o et suiv. Nous devons ici, pour préciser l'état d'esprit, en détacher le fragment politique le plus important : « ... Pour doncques encommcncer de restituer les affaires et les encheminer sur le pied des vrais remèdes est que S. A. ... tienne au faict de i^ouvcrnement le mesme sentier et ordre que feue la royne de Hongrie ... at tenu et observé durant son gouvernement. Quij est que sont esté inviolablement maintenuz les privilèges, lois, ordonnances, cousturaes, stils et forme de gouvernement, anchiens et politicques, faicis dois le commencement que les ducqs de Bour- gogne. ... ont joint en ung corps et Estât tous les pays et province de par deçà ... par oii ils ont tant accrus en piété et religion vers Dieu, en affection et obéissance vers leurs piinces, en concorde et union entre eulx ... et en abondance de tous biens et repos ... Tellement que ])our le bon gouvernement ... les aultres roys ... venoyent admirer celte conduicte et prendre leur forme et manière de vivre et gouverner. Et en entre aultres principales choses dont lesdicts princes ... ou leurs lieutenants généraus se sont servis et adsistez au faict de leur bon gouvernement sont les trois principaulx consaulx de Court, assçavoir ; le Conseil d'Estat, le Conseil privé et celuy des finances... Lesquels consaulx ont tousjours estez composez de naturelz du pays ... et par ad vis et mains desquelz toutes choses se manioyent au grand contentement de tous les subjetz qui aymoyent mieulx destrc gouvernez desdicts naturelz ... plus naturellement affectionnez au bien et repos de leur pays. Auquel Conseil d'Estat se traiclent matières de guerre et de pays et toules aultres matières d'importance, touchant la masse des affaires du pays ou mesmement sont appeliez souvent les chevaliers de l'Ordre [de la Toison d'orj. ( 96) Cet exposé, dont nous citons en note un court frag- ment caractéristique, insiste, on le voit, sur le côté auto- nomiste de la Constitution, il deniande le gouvernement du pays par le pays, ou du moins avec le concours de ses délégués. Confiance est surtout donnée aux gouverneurs, au Conseil d'État, aux États, qui sont les éléments natio- nalistes par excellence. Il n'est au contraire guère ques- tion des éléments centralistes, et cependant, ne l'oublions pas, il y a dans la commission de 1595 des hommes de robe, des docteurs des deux droits. C'est le sentiment du Conseil privé comme des autres (1). D'ailleurs, pour s'assurer que tel est bien le sentiment des provinces, on peut comparer ces réclamations à celles assez analogues adressées dans les provinces rebelles au comte de Leicester, qui, on le sait, portait atteinte aux coutumes traditionnelles et gouvernait en maître (2). Mais ces avis de 1595 ne sont pas les seuls. Peut-être Comme pareillement en choses que touchent les affaires des pro- vinces, les gouverneurs d'icelles en ont accoustumé avoir part Aussy se prend advis d'iceulx sur les charges et gouvernements subalternes de leur province... Aussy, quand il est question de mettre charges et impositions sur le peuple, ou traicter clioses quy touchent grandement la généralité du pays, l'on a recours à la convocation desdicls Estatz : en quoy Sa Majesté, comme tout ses antécesseurs, ont été bien, libéralement et lidèlement servis. » (1) Alexandre, Histoire du Conseil privé, p. 92. (Mém. de l'Acad ROY. de Belgique, collection in-S'', t. l.II, iSOo.) (2) Avis au comte de Leicester (1587). Archives de la maison d'Orange-Nassau, éd. Groen van Prinsterer, 2« série, t. I, pp. 47 et suivantes. ( 97 ) à la suite de la consultation signalée par Zypseus et dont nous ne trouvons pas d'autre mention expresse, Albert reçoit des avis de diverses parts. M. Gacliard, dans le même recueil, publie un curieux écrit non signé, intitulé : S'il est expédient d'assembler les Estatz génércmlx. Le pour et le contre donnés par l'auteur constituent un exposé intéressant des idées régnant alors en certains milieux sur le régime représentatif. L'auteur rappelle que « c'est ancienne coutume belgique , qui donne au prince des- charge, aide et conseil. C'est le vrai appuy de l'autorité en même temps que de l'honnête liberté. Un prince nou- veau surtout ne doit pas modifier ces vieux droits jurés. » Mais, d'autre part, il fait observer que ces assemblées énervent la grandeur du prince au prolit des sujets, le « mettent en ceps », se mêlent d'une foule de choses, du redressement de griefs, et même de la maison des princes. Il n'y a que plaintes et doléances, auxquelles il est impos- sible de pourvoir aussitôt. Le prince, après tout, est la loi vivante, et ce n'est pas aux sujets à le juger (1). On voit quelles sont les théories en présence, que l'auteur se borne k indiquer, comme s'il ne voulait fournir au prince que les éléments d'une solution sur un des points les plus graves. Un autre document, espagnol, donne à l'archiduc des conseils plus positifs, bien qu'assez modérés. Gomme le précédent mémoire, celui-ci n'est pas signé, mais daté de 1600 (2). Il envisage la plupart des questions qui vont (1) Gachard, États de 1600. Introduction, p. viii. C^) Discursns al archiduque Alberto ario 1600. (Trata de materias de ESTADO POR su ORDÈN, TOCANTES A LOS EsTADOS DE FlANDÈS. Navar- .rele, Doaunentos ineditos, t. XLII, pp. 242 sqJ. 3""^ SÉRIE, TOME XXXV. 7 ( 98 } se poser au prince. Dans l'ensemble, il préconise ce qu'on pouvait appeler alors la politique tempérée, la politique de courtoisie. D'après ce conseiller, on a lait triste expérience de la force. Le gouvernement par la force, selon lui, a tout gâté. On a cru bon d'allaiblir le peuple pour fortifier le prince : tout a décliné; le défunt roi a quasi tout perdu pour avoir méconnu privilèges et coutumes. Il faut un gouvernement bienveillant, quoique fort « amor y blan- dura templada con la fuerza, acompanada de la justicia ». La violence n'a pas servi; « todo ha salido in vano ». Il invoque même l'exemple de l'ennemi qui conserve les États antiques, et recommande d'en revenir à la forme de gouvernement des anciens princes. Cependant, quand il s'agit de passer à la pratique, le conseiller espagnol est plus réservé et il est loin de donner raison à toutes les demandes des Belges. Sans doute, il faut que le prince connaisse bien les affaires des provinces; le Conseil d'État a été fait pour cela; mais il est nombreux, trop pour les secrets d'État; aussi faut-il conseiller de prendre un groupe de trois ou quatre personnes sûres; mais le prince ne doit pas vouloir tout faire par lui-même, tentative qui a tant gêné le duc de Parme. Quant aux États généraux, l'auteur n'en est guère par- tisan. Il y voit un remède extremo y ullimo, qui mêle le peuple de choses qu'il ne convient pas qu'il sache; mais il est des circonstances où l'on ne peut s'en passer — et tel est, selon lui, le cas actuel — pour avoir des aides et voir ce qu'il y a à faire. Il n'est pas étonnant que les princes fussent anxieux de ce que faire se devait. Cependant une convocation des États, au moins au début du règne, s'imposait. Albert en ( 99 ) iivait conscience et semble avoir eu, dès le début, le désir de gouverner d'accord avec ses sujets. Dès 1598, à la demande des députés eux-mêmes, il s'y engage. A la requête que les princes convoquent les Etats, Richardot, [trésident du Conseil privé, répond et « declaire que leurs Altezes seront toujours très aises de convoquer les estatz et user de leur bon advis, et l'on ne en doit estre en (loubte ; ainsi se asseurent les estatz qu'ils seront convo- quez plus souvent qu'ilz ne désireront, en tant que fauldra mettre les mains à la bourse (1) •». Quelle que fût la pensée intime qui dicta cette réponse, c'est en acquit de cette parole que furent con- voqués les États de l'an 1600, dont M. Gachard a publié les pièces, avec une de ces savantes « introductions » qui sont des ouvrages de haute valeur. Cette publication, il faut le reconnaître, montre sous un jour peu favorable les dispositions des députés; ils donnèrent certes des subsides et des avis, mais ils furent tracassiers, pointil- leux. A vrai dire, ils en ont quelque excuse en présence du grand nombre de questions inquiétantes et des souf- frances du pays ; il fallait, Richardot en convenait, « suer et travailler ». Mais la fixation des aides se prolongea en controverses interminables qui mirent la patience du prince à une rude épreuve qui la dépassait. La session fut très longue et ce fut la seule du règne. Dans la suite, on demanda encore la réunion des Etats. En 1004, JNicolas de Montmorency écrit de Gand à l'ar- chiduc une lettre intéressante à ce point de vue (2). Il (1) Gachard, Documents inédits, t. I, p. 448. (2) Lettre du 16 septembre t604, aux Archives nationales, Docu- ments historiques, vol. XVII. Cartulaires et manuscrits, n» 172, f» 34. ( 100 ) expose au prince que les Etats de Flandre et de Brabanl insistent pour convoquer les Etats généraux, et que les autres provinces suivront. Un refus pourrait causer « dif- fidence et impression que S. A. veult... se gouverner par aulcuns ou estrangiers ou mal agréables d'ici, dont elles estiment tout leur mal en procéder... » L'avis de Mont- morency est que le prince écarte doucement cette assem- blée générale, sous prétexte de la longueur des négocia- tions, « des grands qui s'y consument » et de la diversité aussi d'opinions et de volontés qui empêche toute bonne résolution ; mais il l'engage à accueillir une délégation de quelques notables, pour ne pas tout refuser, et à leur mander les points à traiter sans parler de subsides, parce qu'on croirait que là est le but, et que le reste n'est que « de couverture ». Il motive son avis; il est prudent d'agir ainsi, car on peut trouver beaucoup de difficultés dans les États, au milieu d'un pays troublé, mais il y a aussi inconvénient à ne donner aucune satisfaction; voilà pourquoi il serait bon d'assembler quelques députés. On préviendra ainsi le mécontentement, au lieu de se laisser arracher une concession, bien que cette mesure ne satis- fasse pas complètement et que « le peuple n'en sera aussi content qu'il le serait de l'assemblée plénière». Si toutefois le prince se décidait à convoquer celle-ci, il devrait d'abord s'entendre avec les États des diverses provinces, d'avance, par personnes discrètes. Les États généraux ne furent pas réunis. Il pourrait paraître intéressant de connaître les idées de quelques écrivains politiques de notre pays sur les États et sur l'utilité d'une assemblée représentative. Les règles de droit public étaient discutées, fortement, vivement, mais elles l'étaient surtout au point de vue ( loi ) positif et dans les applications immédiates au pays (1). Nous en avons donné déjà des exemples. Mais le droit public n'était pas matière officielle d'enseignement spé- cial. A la faculté de Louvain, il n'y eut de chaire de droitpublicqu'auXVIlP siècle, et encore ne subsista-t-elle pas longtemps. Cependant, par le tait même des débats politiques, il semble que des savants eussent dû s'évertuer à dégager les principes de la vie publique. C'est sous le règne des archiducs que le droit poli- tique commence seulement à pouvoir citer quelques noms de jurisconsultes. Ils se multiplieront pendant le XVIF siècle (2). Ce qu'on possède de droit public, c'est aux théologiens et aux canonistes comme aux juristes civils qu'il le faut demander. Les devoirs des princes donnent bien des occasions de traiter les matières politiques. Les traités de la justice et du droit, de Jure et Justitia (5), abordent bien des questions d'administration comme d'économie politique. Ce sont là des éléments précieux de droit public général; bien des questions gagnent à être traitées ainsi dans le voisinage des grands principes auxquels elles se rattachent. On y trouve avec avantage la théorie des charges publiques, des impôts, au point de vue de (1) Britz, Code de l'ancien droit belgique (iVlÉM. de l'Acad., in-i», 1847, passim), cite les auteurs et les ouvrages traitant de ces questions. (2) Britz, Ibid., p. 250. (3) Tel celui bien connu du jésuite Lessius, qui était le livre privi- légié de l'archiduc Albert. Cf. Montpleinchamp, Histoire de l'archiduc Albert, édition de la Société de l'histoire de Belgique, p. 526. ( 102 ; la justice distribiitive, question connexe de droit et d'économie; on y parle de la vénalité des offices; du choix des fonctionnaires; de la clémence; de la répres- sion et des peines. On y parle de la tyrannie et de la grosse question de l'opposition au tyran, de la guerre et des conditions de sa justice. Nous n'entendons d'ailleurs nullement analyser ici les théories de droit public en général (1), mais cueillir quelques idées relatives aux Etats. Nous nous bornerons aux écrits de deux auteurs qui ont vécu à cette époque, bien que la date de leur publi- cation soit plus récente, Zypaîus et Tulden, qui tous deux sont connus dans l'histoire juridique. Un de ces auteurs, qui a écrit sur ces matières un ouvrage spécial, est un juriste de grand renom, Zyp3eus(2). Il a fait le premier manuel de droit belge, dans sa Notitia juris belgici. De même pour le droit public et le droit des gens, il a écrit un traité exposant les devoirs et les charges du magistrat, dans le sens le plus large du mot : Judex, magistratus, senator, lihris IV exhibitus I virlutes, lljuris- dictiojiem, III politiam, 11' autocratiam spectat (ô). Cet ouvrage mérite l'attention. Sans être inconnu, il est trop peu connu, même des historiens. Il renferme (1) Nous nous proposons de le faire dans un travail plus étendu et réservons pour cette étude l'examen du Jus Publicum du professeur Ferez et celui des idées de quelques autres auteurs. (2) F. Van den Zype. Cf. Feye, De F. Zypivi Vita et Mentis oratio. Louvain,Fonteyn, 1852. — Opéra omnia, Antverpiue, Verdussen, 1675. 2 vol. in-fol. (3) Pour ce traité, nous citons l'édition du même, I vol. in-f», 1673. ( »05 ) cependant des données pleines d'intérêt. L'auteur, Fran- çois Van den Zype, occupe une place distinguée dans nos fastes juridiques, bien qu'il n'ait pas appartenu à l'ensei- gnement ni aux magistratures de l'État. Canoniste réputé, il a rempli longtemps diverses fonctions, notamment celles de vicaire général à l'évèché d'Anvers, qu'occupa égale- ment un autre canoniste de valeur, Jean Malderus, et mourut en 1()50 à l'âge de soixante-douze ans. C'est en 1655 qu'il publia le Jadex, et, chose remarquable, c'est aux Ordres qu'il le dédie. Zypaeus est très pénétré du droit national ; son hom- mage lllnstrissimis Belgii ordinihm est expressif et les ter- mes qui le suivent l'accentuent: Ut a natura comparatum, ita ah omnium gentium usu receptum est ut de rébus unde salus et fortunœ publicœ primtœque dépendent, in commune consulatur; creditumque est semper régna ac civitates usque eo prosperum imperium hahuisse, dum apud eos vera consilia valuerunl. Cette atfirmation paraîtra peut-être bien absolue, mais elle semble indiquer nettement les prédilections de l'auteur, La question, une des fondamentales assurément, l'occupe encore, comme de juste, dans le corps de l'ou- vrage. Ne pouvant le suivre dans tout son traité, nous allons chercher à dégager ses principales idées politiques. La forme de gouvernement va être étudiée par lui sous ses dénominations traditionnelles, telles qu'elles figurent dans la Politique d'Aristote. Il reconnaît parfaitement que ces forrnes : monarchie, aristocratie, démocratie, ne sont à l'état pur presque nulle part, ce qui n'empêche que cette division ne soit bonne au point de vue de l'ana- lyse. Mais il y a une foule de variétés locales qu'il laisse aux auteurs de droit positif. Il se livre en plusieurs cha- ( \0i ) pitres à l'analyse de ces formes diverses; il ne consent pas à marquer une préférence absolue. Homme de coutume, il s'en réfère à elle. Il est conservateur par système et c'est ainsi qu'il affirme que la meilleure forme de gouvernement est encore celle que l'on a, quitte à en observer les prin- cipes (1). Retinenda Reip. est forma, quamcumque Deus aut fortuna olim dédit. Mais comme les règles peuvent souvent être méconnues, sœpe ad principia sua resolvenda Resp. Il est clair que l'auteur ne doit dès lors pas être un novateur; il se méfie du cbangement que n'exige pas la nécessité ou une opportunité bien sûre, car il y voit sou- vent une cause de désordre et de ruine. Et il expose, avec une bonhomie un peu malicieuse, qu'autre chose est disserter en scolastique sur la meilleure forme de gou- vernement, autre chose l'améliorer en pratique; que les abus anciens finissent par s'accepter, les laideurs s'em- bellir par l'accoutumance, tandis que les moindres défauts irritent dans un régime nouveau. Aussi faut-il sauvegarder avec soin les principes vitaux du régime existant pour en éviter la ruine. Il faut dire d'ailleurs, et nous allons y revenir, que Zypœus paraît cependant priser le régime belge, le régime représentatif, — est-ce de par son système ? Il est intéressant d'examiner les attributs de la souve- raineté du pouvoir suprême qui ne reconnaît pas de supérieur, de la majesté enfin, de Jure majestatis (2). L'auteur cite beaucoup les anciens, mais les modernes (1) Page 423. (2) Page 305. ( lOo ) lui sont connus et il en use : Cujas, Loyseau et d'autres sont mis à contribution. Le prince qui a le pouvoir souverain, soveranum impe- rium, l'a reçu, non pour en user à son caprice, mais pour le bien. Sa théorie n'est donc pas celle du pouvoir illimité, absolu en lui-même. Il rencontre et combat l'absolutisme intégral d'Albéric Gentilis. Et ses argu- ments sont ici encore empreints de cette sorte de naï- veté tranquille qui laisse parler son bon sens, sans trop s'inquiéter. C'est avec raison, dit-il, qu'Alciat s'ébahit {stoma- chatur Alciat) de la théorie de Gentilis, et qu'on veuille ainsi persuader aux princes que tout leur est permis; il est bien vrai cependant que leur puissance a pour raison l'utilité des citoyens et non la leur propre; il en est de même que pour les médecins, bien que cela amuse Gentilis. Quel peuple serait assez fou pour établir un roi dans la pensée qu'il se servirait de ces droits pour sa destruction ? Il énumère les droits réguliers, les attributs de la puis- sance souveraine. Ceci l'amène à examiner le régime constitutionnel et représentatif. Pour maintenir toutes choses dans leurs bornes rationnelles, on a posé, dit-il, chez bien des peuples des garanties à l'exercice du pouvoir. A Rome, il en était ainsi; les Brabançons, depuis long- temps, ont le droit d'être régis, non par autorité, mais par la loi, non imperio sed lege àtque judicio, et la Joyeuse Entrée contient diverses règles qu'il énumère avec com- plaisance. Il n'y a là rien qui puisse porter atteinte à la dignité du prince. Cette idée avait été soulevée cepen- dant, et Albert fit examiner ce point par des conseillers ( m) même étrangers, qui le rassurèrent sur cette calumnia. On voit bien ici percer sa sympathie pour les garanties d'une monarchie constitutionnelle et tempérée (1). D'abord, au point de vue des impôts, qui doivent être modérés, il loue les princes prudents, qui, bien qu'ayant le droit d'en imposer de nouveaux , voulurent subordonner ce droit au consentement des comices réu- nis suivant la coutume, ce qu'en Belgique on nomme les États (i2). Mais il n'est pas en toute matière ni en tous cas par- tisan des réunions d'États (3). Zypseus est évidemment un prudent. Sans doute la Joyeuse Entrée de Brabant reconnaît des comitia, mais laisse au prince le droit de les convoquer. Il faut en user avec circonspection, et ne pas les assembler à des moments de trouble, où, une ibis réunis, on ne peut plus les séparer, où ils réclameraient à tort et à travers toutes sortes de choses bonnes et mauvaises qu'on ne peut ni accorder ni refuser : qu'on ne peut refuser parce qu'on provoquerait des troubles dans le présent; qu'on ne peut accorder parce qu'on compro- mettrait l'ordre dans l'avenir. Les conseils qu'il donne au prince sur ses devoirs et sa conduite, sont nombreux; il lui déconseille de recourir aux actes d'autorité; mieux vaut procéder par les voies légales : « Non utatur imperio ubi lege agi potest (4). » (1) Paire 326. (2) Page 226. (3) Page 233. (h Page 296. ( <07 ) Certains conseils méritent une attention particulière et concernent les attributions économiques du gouverne- ment. En toutes choses d'ailleurs perce son esprit pra- tique, ennemi des solutions trop absolues. Il approuve les voyages, la visite par le prince des diverses provinces de ses États pour s'instruire de leur histoire, de leurs coutumes, car l'expérience est un grand maître; il ne faut pas vouloir appliquer le même remède partout. Rien mieux que ces visites n'instruira le prince des besoins de ses sujets, quanta varietas rerum locorum geniorumque (1). Mais ces règles diverses demeurent soumises, — faut-il le dire? — aux principes souverains de la justice, loi suprême des États et de leurs chefs. Régna sine justitia magna latrocinia. Non est Judex si non est in eo Justitia. a Qui liment Dominum invenient judicium justum et justi- fias quasi lumen accendent » (Prov. 56) (2). Les théories de droit public demandent à être complé- tées par la question du devoir des sujets, controverse souvent agitée alors et que nous n'avons pas à développer ici. Les qualités requises d'un magistrat l'amènent à donner son avis sur une foule de questions d'organisation politique et administrative. Mentionnons encore un ouvrage de droit public géné- (1) Pages 301, 39. et suivantes (^) Pages 4, 12. ( t<)8 ) rai, dù à un professeur de droil civil, DiodoreTulden, dont nous avons déjà parlé (1) : De Civili Refiiinine libri octo in quibus pleraque Publici Juris capila expUcantur (:2). C'est un traité de Politique écrit dans un ordre métho- dique plus systématique que celui de Zypœus, auquel il est antérieur en rédaction, bien que fort postérieur en édition. Il débute par les origines mêmes et le but de la société civile, après avoir fait une curieuse distinction entre les diverses espèces de politici et donné un coup de gritîe à ce que nous appelons aujourd'hui les politiciens. Il invoque souvent Platon et donne les définitions des termes politiques. L'idée dominante, ici encore, est d'as- signer le bien commun, celui de l'État, comme but à l'autorité suprême. Mais des considérations philoso- phiques se déroulent sur la transmission des pouvoirs. Il y a, dit-il, deux sortes de majestés : l'une qui est inhérente à l'État lui-même, quelle que soit sa forme politique, l'autre qui est personnelle au dépositaire du pouvoir. Et à ce propos, il examine la source des pou- voirs; « la Providence divine, dit-il, en est la cause efficiente, le consentement du peuple en est la cause instrumentaire (5) ». L'un des attributs de la majesté est le pouvoir légis- (1) Un cours de droit au XVII' siècle. (Bull, de i.'Acad. roy. de Belgique, 3« série, t. XXXIII, n" i, tS97. p. 1±] (2) 4 vol. in-fol. Louvain, Denique. Édition posthume de 1702. (3) Providentia enim œterna ut iinperii effectrix, popuii consensus ut instrumentum duintaxat consideratur, lib. I, cap. 12. ( \m ) latif, sauf, bien entendu, à se soumettre à la loi suprême à laquelle personne ne peut se dérober en conscience. Mais même en lois ordinaires, il est bon que le prince consulte les sages; il reconnaît aussi les coutumes et fait bien de les fixer pour éviter les doutes; il permet aussi à des groupes spéciaux de légiférer sur les points qui les intéressent, en les limitant par les principes du droit public. Le droit d'impôt n'est pas contestable, mais ici surgit la question du vote des impôts. Tulden est partisan décidé du vote des contributions par les députés, legati a populo. Il y a là enjeu, dit-il, tant d'intérêts privés qu'il est naturel de consulter les ordines; puis c'est un moyen d'éviter les défiances, les résistances; il y voit contre l'arbitraire une garantie qui lui paraît sans danger pour la bonne administration. Aussi conclut-il que, là où le régime est introduit, il faut le conserver religieusement comme un régime plein d'équité. Tulden, suivant la tradition qui remonte à l'antiquité, examine les divers régimes politiques : monarcbie, aristo- cratie, démocratie. Il en énumère le pour et le contre, citant surtout les anciens. II ne paraît guère pouvoir se décider; il y a tant à dire, dit-il; il est si aisé de faire le panégyrique d'une forme ! Il y a tant de raisons locales et de cbangements successifs! Lui aussi ne veut pas de solution absolue, tous les tempéraments nes'accommodant pas du même régime; mais il penche vers une royauté tempérée, où les autorités sociales et représentants du peuple participent à la gestion des affaires publiques (1), (1) T. IV, p. 39. Quid de tota liac conlroversia statuendum. ( no ) Nous n'avons relevé ici que ce qui concernait spéciale- ment le régime représentatif, dans ces écrits qui mérite- raient une étude plus longue et oîi des réserves seraient de mise; mais, on le voit, leur sentiment peut aussi bien passer pour une apologie modérée des États parti- culiers que des États généraux. L'opinion gouvernementale soulevait, on l'a vu, bien des objections contre la réunion des États généraux. La réunion des États provinciaux était périodique, néces- sitée par les besoins du budget, mais les assemblées générales effrayaient; c'était l'occasion d'une manifesta- tion plus bruyante des opinions, d'une entente entre les provinces; c'était surtout une intervention dans la poli- tique générale. Charles V y avait recouru souvent et avec succès, on lui en était reconnaissant; Philippe II s'y mon- trait peu favorable. Les archiducs, à peine montés sur le trône, appelèrent auprès d'eux les États généraux. L'as- semblée qu'ils convoquèrent en 1600, dit Gachard (1), est sans contredit la plus mémorable comme la plus longue dont nos annales aient à faire mention; elle dura au delà d'une année et l'on y discuta tout ce qui concernait l'état civil, militaire et financier du pays. Il faut savoir gré aux princes de cette consultation, bicîn qu'ils ne l'aient pas renouvelée. Elle eut sa réelle importance et on ne peut méconnaître cet effort fait pour gouverner avec le pays, malgré la difficulté des conjonc- tures et l'agitation des esprits. (1) Documents inédits concernant l'histoire de Belgique. Précis de rés[iine provincial, t. I, p. 64. ( ^ Q-^ 12 _/5J_ 1^ ( ^27 ) Sans parler des six sortes de membres dipodiques, le vers, on le voit, ne comporte pas seulement une dou- zaine de coupes, comme l'enseignent les traités de versification, mais douze tripodies, vingt-quatre tétrapo- dies, quarante-huit pentapodies, quatre-vingt-seize hexa- podies, soit en totalité cent quatre-vingts coupes diffé- rentes. Les membres et les vers se trouvent notés dans le tableau suivant : Dipodiej TrtpocU&s TétrapodL&s Tefiiapodîes îiejcapodies ^Z L 2^ — 5 2^— 5^ « i / ^ 7^ 10 Z - 5^ 8 y // 3^-— 6^— 9 y- 12 1^ 4 7 / ^^ -y13 / Z_ ^ 7 ■7CU- /J -/^f6 / / X ^ ^ / / / ^ ^ C'est donc un travail de très longue haleine que s'était proposé A. Van Hasselt, lorsque, à l'opposé de la ( ^28 ) méthode suivie par ses prédécesseurs (Scoppa, Acker- mann, Ducondut, H. Boscaven, Castil-Blaze, etc.), il avait voulu commencer par la pratique du vers rythmique. Comme il le disait dans l'une de ses préfaces, c'est seule- ment après avoir établi toutes les combinaisons dont ce vers est susceptible, qu'il pourrait produire un essai de théorie qui, au rapport de Fr. Fétis, devait être renfermé dans quelques pages. En l'absence de la plus grande partie de ces matériaux, une théorie du vers rythmique ne peut encore être qu'élémentaire. Les pièces à l'appui sont toutefois suffisantes pour démontrer que le principe d'alternance qui gouverne les syllabes régit également les pieds : entre deux pieds forts, il doit y avoir un pied faible au moins et deux au plus. Pour ceux-ci comme pour celles-là, l'accentuation ne va pas au delà des nombres premiers 2 et 3 et de leurs composés 2 et 2, 2 et 3, 3 et 2, 3 et 3 et 3 fois 2; pour les uns comme pour les autres, les schêmes sont identiques : Syllabes : Mon de im mense. Pieds : Malbrough s'en va -t-en guerre. — \^ \^ — Syllabes : Roi des en fers. Pieds : 0 loi qui pro longeas mes jours. Syllabes : Pre mier plai sir. Pieds : Monde immen se, viens, je t'aime ! Syllabes : Au clair de la lune. Pieds : A peu de gens convient le di adcme. Syllabes : Mon a mi Pier rot. Pieds : Le ciol n'est pas plus pur que le fond de mon cœur. ( 129 ) Syllabes : Le pre mier qui fut roi. Pieds : Prête, sans me troubler, i'oreil le à mes discours. Syllabes : Le ciel n'est pas plus pur Pieds : Que tout mon sang |)Our vous offert en sa crilice. La période. Les mêmes lois président à la formation de la période rythmique : de même que la syllabe est l'élément du pied, le pied l'élément du membre, le membre l'élément du vers, de même le vers est l'élément de la période; le distique répond à la dipodie, le tercet à la tripodie. On peut les figurer au moyen des mêmes signes graphiques : / L'âge qui m'ostc le sang ) Mesle ma barbe de blanc. — N. Rapin. ^ j L'oiseau de l'aube chante aux cieux ( Ses rythmes si joyeux. ! Voici tout le chœur des étoiles qui luit ; La lune si blanche illumine la nuit Et les morts vont si vite, si vite. Le quatrain correspond à la tétrapodie : \ 0 Job, ne crains rien, car c'est t)ieu qui m'envoie ; Je viens t'apporter un message de paix — Je viens t'enseigner à chercher la sagesse Plus haut et plus loin que ton d'il ne i)eut voir. Tandis qu'elle est une superiluité quand elle s'ap[)liqne au pied, au membre ou au vers, la rime peut intervenir eflicacement pour marquer davantage les articulations de la période. Elle remplit alors un rôle analogue à celui O'"^ SÉRIE, TOME XXXV. 9 ( 150 ) de la danse dans l'art des Grecs; elle sert de point de repère pour l'oreille comme les évolutions du chœur antique servaient de rappel pour les yeux : Doucement, à travers la fraiclie ramure, Doucement, à travers les feuilles des bois, — Un frisson amoureux chucliote et murmure, On croirait par moment entendre une voix. Elle difl'érencie ainsi la forme qui précède de celle-ci: Renonce ù tout, mais jamais à la foi. C'est l'astre saint qui nous guide et nous prête Son phare sûr dans les nuits de tempête, Le vrai fanal que notre âme a dans soi. Le cinquain est construit sur les deux formules de la pentapodie : Si foi se doit ajouter Aux changements du vieux temps, — Les dieux souvent déguisés Pour leurs désirs accomplir. Diverses formes ont pris. — Baïf. OU avec la rime : En sonnant leurs grelots d'ivoire, Les muguets sont entrés au bois; — Le printemps va chanter victoire; Hirondelle, ton aile noire Je l'ai vue effleurer les toits. 0 chère sœur, tu m'as donc Laissé dedans le bourbier Du monde vain et trompeur; — Au ciel ton âme montant En terre laisse mon corps. — Daïf. (131 ) Savez-vous, ô blancs nuages, Qui dans l'air toujours roulez, Le vrai but de vos voyages? — Savcz-vous, ô blancs nuages, Savez-vous où vous allez? Le sixain reproduit les schêmes de l'hexapodie : i Vantez-nous les beautés d'Italie Et d'Espagne, pays de folie. Où l'on porte le cœur dans les yeux; — , De Vénus on y pave les routes; / J'en sais une plus belle que toutes, 1 Et c'est celle que j'aime le mieux. iUn frais ruisseau gémit dans les bois Sous les feuilles muettes des aunes. — Les doux ruisseaux écoutent sa voix ^ ^ ^ j Et les fleurs purpurines et jaunes, — / Sa voix qui chante et pleure parfois ' Sous les feuilles muettes des aunes. Dans ces strophes, les rimes, plates ou croisées, sont en parfaite concordance avec le rythme : elles ne s'ap- parient que si elles sont marquées du même signe — ou ^. L'accord subsiste lorsque les vers du distique ou du tercet ont une coupe différente : A l'heure où la nuit sur Venise descend Aux douces clartés de la lune, — La barque-fantôme s'avance en gliss;inl Sur l'eau de la morne lagune. L'alouette a pris son vol dans l'air. Dans l'azur du ciel si pur, si clair. Elle vole, vole, vole; — Et voilà qu'au fond des bois là-bas, Les échos s'en vont chantant tout bas Son doux rythme qui grisolle. ( i52 ) Dans ces vers d'Athalie, les rimes sont plates, tandis que le rythme est croisé : 2.4.6.8.10.12. Celui qui met un frein à la fureur des ttots, 3.6.9.12 Sait aussi des méciiants arrêter les complots; — Soumis avec respect à sa volonté sainte, Je crains Dieu, cher Abner. et n'ai point d'autre crainte. Le contraire se produit dans le quatrain : 2.4.6. 3.6. Ma belle amie est morte, Je pleurerai toujours. — Dans sa tombe elle emporte Les plus beaux de mes jours. Le [_désaccord devient tout à tait choquant dans ce sixain de Déranger, divisé en deux tercets par la rime et en trois distiques par le rythme : 2.4.7. Tandis que, dans sa mansarde, 1.3.fj.7. Jeanne veille et qu'il lui tarde 2.4.7. De voir rentrer son mari, — 1 3.5.7. Maître Jean à la guinguette 2.4.7. A ses amis en goguette 1.3.5.7. Chante son refrain chéri. En résumé, le rythme, issu d'un principe d'ordre et de symétrie, est un fait psychologique, inhérent à l'esprit humain. Ses règles sont identiques, soit qu'elles s'ap- pliquent à la division de la durée en deux ou en trois comme dans les langues de l'antiquité et dans la musique ou qu'elles s'appuient sur les mêmes divisions d'après le degré d'intensité des syllabes, soit qu'elles reposent sur la quantité ou sur l'accentuation. ( <33 ) riiA^SE DES BEAUX- ARTS. Séance du jeudi 6 janvier 1898. M. Th. Vinçotte, directeur pour 1897, occupe le fau- teuil. M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Ch. Tardieu, directeur et président de l'Académie pour 1898; Éd. Fétis, F. -A. Gevaert, Ad. Samuel, G. Guflens, Th. Radoux, Peter Benoît, Jos. Jaquet, J, Demannez, P.-J. Clays, G. De Groot, Gustave Biot, H. Hyraans, Jos. Stallaert, Alex. Markel- bach, Max. Rooses, J. Robie, G. Huberti, A. Hennebicq, Éd. Van Even, Alfred Cluysenaar, le comte J. de Lalaing, J.Winders, Ém. Janlct, II. Maquet, membres; ¥\or. van Duyse, Ém. Mathieu et A. Bourlard, correspondants. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique envoie une ampliation de l'arrêté royal en date du 28 décembre dernier, nommant président de l'Acadé- mie pour 1898, M. Charles Tardieu, directeur de la Classe des beaux-arts pendant ladite année. — M, l'architecte Arthur Welvaert, de Lokeren, envoie une reproduction photographique de son projet ( 134 ) de Nymphéc qui a été couronné par la Classe dans sa séance du î28 octobre dernier. — M. Victor Van der Haeghen, archiviste de la ville de Gand, soumet un Mémoire sur des documents faux relatifs aux anciens peintres, sculpteurs et graveurs flamands. — Commissaires : MM. Hymans, Rooses et Félis. — M. le Ministre de l'Agriculture et des Beaux-Arts fait parvenir trois poèmes pour voix et orchestre, transmis comme envoi réglementaire par M. Martin Luns- sens, lauréat du grand concours de composition musicale de 1895. — Commissaires : MM. Huberti, Mathieu, van Duyse et Benoit. — M. Jean Del ville, lauréat du grand concours de peinture de 1895, envoie de Venise son quatrième rapport {deuxième année d'études réglementaires). — Commis- saires : MM. Stallaert, Hennebicq et le comte J. de Lalaing. ÉLECTIONS. La Classe se constitue en comité secret. Elle procède d'abord à l'élection de son directeur pour l'année 1899 : les suffrages se portent sur M.Jean Robie. M. Vinçotte, directeur sortant, invite M. Tardieu à prendre place au fauteuil. Je remercie, dit-il, mes con- frères pour le concours si cordial qu'ils ont bien voulu ra'accorder pendant l'année écoulée et qui a tant faci- lité ma tâche. J'emporte, continue-t-il, en cédant la place à mon successeur, le souvenir de la vive sympathie dont j'ai été constamment l'objet. ( 135 ) M. Robie, invité par M. Tardieu à venir prendre place au bureau, remercie la Classe et ajoute qu'il chercbera à répondre à la confiance qu'elle veut bien lui témoigner. — La Classe s'occupe ensuite des élections aux places vacantes. Ont été élus : 1° Dans la section d'architecture : membre titulaire, sauf approbation royale, M. J.-J. Van Ysendyck, corres- pondant; 2° Dans la section de musique : associé, M. Edward Hagerup-Grieg, compositeur de musique, membre de l'Institut de France, à Copenbague. coivcouns povn l,f.s i%iv!«ÉEs fl89S et 1899. PROGRAMME DU CONCOURS POUR 1898. PARTIE E,KTTÉa.«IRE. PREMIÈRE QUESTION. Quelles sont les analogies ou les différences qui existent entre l'allégorie et le symbole? Établir et caractériser, par des exemples empruntés à l'histoire de la peinture, les élé- ments essentiels qui rapprochent ou distinguent ces deux conceptions esthétiques. DEUXIÈME QUESTION. Faire l'histoire de la céramique au point de vue de l'art, dans nos provinces, depuis le XV' siècle jusqu'à la fin du XVIIP siècle. ( 136 ) TROISIÈME QUESTION. Écrire l'histoire des édifices cojislruils Crand'place à Bruxelles, après le bombardement de 1695. Exposer les faits, donner ime appréciation esthétique des bâtiments et faire connaître leur importance au point de vue de l'his- toire du style architectonique auquel ils appartiennent. QUATRIÈME QUESTION. Faii'e l'historique de la partie spécialement musicale de la chanson flamande (origine des mélodies et des formes ryth- miques), depuis le haut moyen âge jusqu'aux temps modernes. La valeur des médailles d'or présentées comme prix sera de huit cents francs pour la première question, de mille francs pour la deuxième, pour la troisième et pour la quatrième question. Les mémoires envoyés en réponse à ces questions doivent être lisiblement écrits et peuvent être rédigés en français ou en flamand. Ils devront être adressés, francs de port, avant le l'^' juin 1898, à M. le Secrétaire perpétuel, au Palais des Académies. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage ; ils n'y inscriront qu'une devise, qu'ils reproduiront sur un pli cacheté renfermant leur nom et leur adresse (il est défendu de faire usage d'un pseudonyme); faute, par eux, de satisfaire à ces formalités, le prix ne pourra leur être accordé. Les ouvrages remis après le temps prescrit et ceux dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. ( 137 ) L'Académie demande la plus grande exactitude dans les citations : elle exige, à cet effet, que les concurrents indiquent les éditions et les pages des ouvrages qui seront mentionnés dans les travaux présentés à son jugement. Les planches inédites, seules, seront admises. L'Académie se réserve le droit de publier les travaux couronnés. Elle croit devoir rappeler aux concurrents que les manuscrits des mémoires soumis à son jugement restent déposés dans ses archives comme étant devenus sa propriété. Toutefois, les auteurs peuvent en faire prendre copie à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au Secrétaire perpétuel. ART APPLIQCK. GRAVURE EN TAILLE-DOUCE. On demande le portrait en buste, gravé en taille-douce, d'un Belge contemporain, ayant une notoriété reconnue dans le domaine politique, administratif, scientifique, lit- téraire ou artistique. Le prix sera de 800 francs. Ce portrait doit être absolument inédit. La tète aura 6 à 7 centimètres de hauteur. Les concurrents sont tenus de soumettre deux épreuves au moins de leurs planches, dont une sur chine, et non encadrées ni sous verre. Ils devront y joindre le dessin qui leur a servi de modèle; ce dessin devra avoir été fait d'après nature. Les épreuves soumises au concours resteront la pro- priété de l'Académie. ( )3S ) SCULPTURE. Oïl demande un bas-relief (à figures demi-nature) repré- sentant la Belgique recevant les Nations étrangères à l'occa- sion de l'Exposition internationale de Bruxelles. Le prix sera de 800 francs. Les concours d'art appliqué sont limités aux Belges de naissance ou naturalisés. Les gravures et dessins et les bas-reliefs devront être remis, francs de port, au secrétariat de l'Académie avant le 1«'- octobre 1898. L'Académie n'accepte que les travaux entièrement achevés. Les auteurs couronnés du bas- relief sont tenus de donner une reproduction photographique de leur œuvre, pour être conservée dans les archives de l'Académie. Les concurrents ne mettront point leur nom à leur travail ; ils n'y inscriront qu'une devise, qu'ils reprodui- ront dans un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse. Faute, par eux, de satisfaire à cette formalité, le prix ne pourra leur être accordé. Les travaux remis après le terme prescrit et ceux dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. Un délai de trois mois à partir du jugement des concours est accordé aux auteurs des bas-reliefs pour reprendre leurs œuvres. ( 139 ) PROGRAMME DU CONCOURS POUR L'ANNÉE 1899. PARTIE B.ITTÉRAIRE. ^ PREMIÈRE QUESTION. Rechercher les sources et déterminer la portée du genre satirique, tel qu'il se manifeste dans la peinture flamande au moyen âge et à l'époque de la Renaissance. DEUXIÈME QUESTION. Quel est le rôle réservé à la peinture dans son association avec l'architecture et la sculpture comme élément de la déco- ration des édifices? Déterminer l'influence de cette association sur le déve- loppement général des arts plastiques. TROISIÈME QUESTION. Faire l'histoire, au point de vue artistique, de la sigillo- graphie dans les anciens Paijs-Ras. QUATRIÈME QUESTION. Faire, à l'aide des sources authentiques et avec preuves à l'appui, l'histoire des céroplastes belges au cours du XVl^ et du XV IP siècle. ( UO ) CINQUIÈME QUESTION. Faire l'histoire des habitations du XVI^ siècle dans les anciens Pays-Bas; établir la comparaison entre ces habita- tions et celles de nos jours, tant au point de vue esthétique que sous le rapport de l'emploi des matériaux, du confort et de l'hygiène. SIXIÈME QUESTION. Déterminer l'époque oii le style de la Renaissance prit la place du style ogival dans les provinces de la Belgique actuelle; indiquer les dernières pi'oduclions du style ancien et les premières du style nouveau ; faire ressortir les carac- tères propres et distinctifs des édifices appartenant à cette époque, ainsi que leur valeur artistique. La valeur des médailles d'or présentées comme prix sera de huit cents francs pour chacune de ces questions. Les mémoires envoyés en réponse à ces questions doivent être lisiblement écrits et peuvent être rédigés en français ou en ilamand. Ils devront être adressés, francs de port, avant le I" juin 1899, à M. le Secrétaire perpé- tuel, au Palais des Académies. Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage; ils n'y inscriront qu'une devise, qu'ils reproduiront sur un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse. Il est défendu de faire usage d'un pseudonyme. Faute, par eux, de satisfaire à ces formalités, le prix ne pourra leur être accordé. Les ouvrages remis après le temps prescrit et ceux dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. ( »41 ) L'Académie demande la plus grande exactitude dans les citations : elle exige, à cet effet, que les concurrents indiquent les éditions et les pages des ouvrages qui seront mentionnés dans les travaux présentés à son jugement. Les planches inédites, seules, seront admises. L'Académie se réserve le droit de publier les travaux couronnés. Elle croit devoir rappeler aux concurrents que les manuscrits des mémoires soumis à son jugement restent déposés dans ses archives comme étant devenus sa pro- priété. Toutefois, les auteurs peuvent en faire prendre copie à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au Secré- taire perpétuel. ART api>liqi:k:. PEINTURE. On demande trois projets de vitraux ayant comme sujets : LES Arts, les Lettres et les Sciences, et destinés, éven- tuellement, aux trois fenêtres du fond du grand escalier du Palais des Académies. Les cartons (aquarelle ou peinture à l'huile) seront à l'échelle du quart des dimensions des fenêtres (propor- tions S-", 30 X 5'",50). Prix : mille francs. Ce concours est uniquement réservé aux artistes belges ou naturalisés. gravure en médailles. On demande le modèle, en cire, d'une médaille destinée à récompenser les participants à une Exposition universelle. Le modèle aura 20 centimètres de diamètre. ( 142 ) L'espace réservé au nom des titulaires devra être com- pris dans l'avers. Prix : huit cents francs. Ce concours est uniquement réservé aux artistes belges ou naturalisés. Les envois devront être faits franc de port, à M. le Secrétaire perpétuel de l'Académie, au Palais des Acadé- mies, avant le i" octobre 1899. L'Académie n'accepte que des travaux complètement terminés. Les cartons devront être collés ou attachés sur toile et placés sur châssis, et les médailles sur cadre. Les projets porteront chacun une devise ou une marque distinctive qui sera reproduite sur un pli cacheté renfermant le nom et l'adresse de l'auteur; il est défendu de faire usage d'un pseudonyme. Faute de satisfaire a ces formalités, le prix ne pourra être accordé. Les auteurs des projets couronnés sont tenus d'en donner une reproduction photographique pour être con- servée dans les archives de l'Académie avec les autres pièces du concours. Les travaux remis après le terme prescrit et ceux dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du concours. Un délai de trois mois est accordé aux auteurs des autres projets pour en réclamer la restitution, à leurs frais. Passé ce délai, l'Académie ne se rend plus respon- sable de ces projets. ( 143 ) ipnD^Siii.AiuB>iD:iv voon 1S08 eiv f S99. PROGRAMMA VAN DEN PRIJSKAMP VOOR HET JAAR 1898. EERSTE PRIJSVRAAG. Wellie overeenkomst of uelk verschil bcstaat er lusschen de figuurlijlic voorstelling (allégorie) en het zinnebeeld (sym- bool)? Bij middcl van voorbeelden ontleend aan de geschie- dénis der schilderkunst, de hoofdpunlen vaslstellen en ken- merken, die verwanlschap of onderscheid iusschen beide kunsibegrippcn te icecg brengen. TWEEDE PRIJSVRAAG. Schrijf de geschiedenis der poUebakkerswaren, als kunst- uerken bescliouicd, in onze provincié'n van de XV' tôt het einde der XVJII" ceuw. DERDE PRIJSVRAAG. Schrijf de geschiedenis der geboiuien die opgericht uerden op de Groote Markt van Brussel na de beschieiing van 1695, Zet de feiten uitcen, bcoordeel de kiinstaaarde der huizen en duid hun bclang aan voor de geschiedenis van den boiav- trant, tôt uelken zij behooren. ( iU VIERDE PRIJSVRAAG. Schrijf de gescfiiedenis van het Vlaamscfie lied, meer hepaald van muzikak zijde beschouicd (oorsprong der zang- tvijzen en der rythmische vormen) sedert de vroegste middel- eeuicen lot op onze dagen. De waardedergouden eerepeniiingen, die als prijsdezer vragen wordeii uitgeloofd, bedraagt achlhonderd frank voor de eerste, en duizend frank voor de tweede, voor de derde en voor de vierde vraag. De verhandelingen, als antwoord op deze prijsvragen ingezonden, moetcn duidelijk geschreven zijn en mogen in het Fransch oC in het Ncdcrlandsch opgesteld ^^orden. Zij moeten vôôr 1"" Juni 1898 vrachtvrij aan den bes- tendigen Secretaris, in het Paleis der Academieën, te Brussel, toegestuurd worden. De schrijvers ziillen hunnen naain niet op hun werk vermelden ; zij zullen er alleen eene kenspreuk op zetlen, die zij ziiUen herhalen in ecnen verzegelden l)rief, hunnen naam en hun adres aanduidende. (Het is verhoden eenen schijnnaani te hezigen.) Indien zij dit voorschrirt niet in acht nemen, kan de prijs hun niet toegekend worden. De werken, die na den hepaalden terniijn besteid zijn, en diegene, wier SL-hrijvcrs zich zullen doen kennen, op welke wijze het ook zij, zuMen buiten den prijskanip gesloten worden. De Académie verhmgt de grootste nauwkeurigheid in de aaniialingen : zij eisL'hl te dien einde, dat de mede- dingers de uitgaven en de bladzijden aanduiden der bocken, welke vormeld worden in de verhandelingen, aan hare beoordeeling onderworpen. ( i-^^' ) De onuitgegeven platen zullen alleen toegelaten wor- den. De Académie behoudt zich het recht voor de bekroonde werken uit te geven. Zij acht het nuttig aan de mededingers te herinneren, dat de handschriften der verhandelingen, aan hare beoor- deeling onderworpen, haar eigendom worden en in haar archief blijven berusten. De schrijvers mogen er echter afschrift laten van nemen op hunne kosten, mits zich te dien einde tôt den bestendigen Secretaris te wenden. TOECiEPASTE H.IJ1VST. PLAATSNIJKUNST. Men vraagt het op koper gegraveerde borstbeeld van eenen Belgischen tijdgenoot, die zich een naam verwierf op het gebied van Staatkunde, Openbaar Bestuur, Wetenschappen, Letteren of Kunsten. De prijs zal achthonderd frank bedragen, Het portret zal volstrekt onuitgegeven zijn. Het hoofd zal 6 tôt 7 centimeters hoog zijn. De mededingers zijn verplicht ten minste twee afdruk- ken hunner plaat in te zenden, waarvan één op Chineesch papier, niet ingelijst en niet onder glas. Zij zullen er de teekening bijvoegen, naar welke zij gegraveerd hebben ; deze teekening moet naar de natuur vervaardigd zijn. De afdrukken ingezonden tôt dien prijskamp zullen het eigendom der Académie blijven. 3™* SÉRIE, TOME XXXV. ' 40 ( i46 BEELDHOUWRUNST. Men vraagt een halfverheven beeldhouwuerk (met fîguren te halver natuurgrootte) verbeeldende België de vreemde Volkeren onthalende bij gelegenheid der Wereldtentoonstelling van Brussel. De prijs zal achthonderd frank bedragen. Aan de prijskampen van toegepaste kunst mogen alleen geboren of genaturaliseerde Belgen deelnemen. De gravuren, leekeningen en beeldliouwwerken voor deze beide wedstrijden zullen bij bel Secretariaat der Académie vdôr den 1*° October 1898 moeten ingezonden worden. De Académie aanvaardt geene andere dan geheel voltooide werken. De bekroonde mededinger in den prijskamp van beeld- houwkunst is verplichl eene photographische afbeelding van zijn werk te bezorgen, weike in bel archief der Académie zal bewaard blijven. De mededingers zullen Imnne werken niet ondertee- kenen, maar zullen er eene kenspieuk op zetten, die zij zullen herbalen in eenen verzegelden brief, liunnen naam en adres aanduidende. Indien zij dit voorschrift niet in acbt nemen, kan de prijs hun niet toegekend worden. De werken, die na den bepaalden termijn ingezonden worden, en diegene, wier vervaardigers zich zullen doen kennen, op welke wijze bet ook zij, zullen buiten den prijskamp gesloten worden. Een termijn van drie maanden te rekenen van den dag der beoordeeling, wordt verleend aan de mededingers in den prijskamp van beeldhouwkunst om bun werk af te balen. ( 147 ) PROGRAMMA VAN DEN PRIJSKAMP VOOR HET JAAR 1899. l,ETTEni4l]I«DICi CiEDEELTE. EERSTE PRIJSVRAAG. De bronnen nasporen en het uitwerksel bepalen van het hekelend vak, zooals het voorkomt in de Vlaamsche Schil- derkunst gedurende de Middeleeuwen en het tijdperk der Renaissance. TWEEDE PRIJSVRAAG. Welke roi is er voorhehouden aan de Schilderkunst, samemoerkende met de Bouwkunst en de Beeldhouwkunst en aldus bijdragende tôt de versiering der gebouwen ? Bepaal den invloed dezer samenwerking op de algemeene ontwikkeiing der Beeldende Kunsten. DERDE PRIJSVRAAG. Schrijf de geschiedenis van het zegelsnijden in de oude Nederlanden, van het standpunt der kunst beschouwd. VIERDE PRIJSVRAAG. Schrijf met benuttiging der echte oorkonden en steuiiende op bewijzen de geschiedenis der Belgische wasboetseerders gedurende de XVl'' en de XVIP eeuw. ( i48 ) VIJFDE PRIJSVRAAG. Schrijf de geschiedenis der woningen uit de XVl^ eeuw in de oude Nederlanden; vergelijk ze met de woningen onzer dagen, zooivel van bel standpuul der kuiistschoonheid als van dat der gebruikte bouicsloff'en, der geriefelijkheid en der gezondheid. ZESDE PRIJSVRAAG. Bepaal het tijdstip icaarop in de provincièn van het lie- dendaagsch België de Renaissance-stijl in deplaats trad van den spitsbogenstijl; duidde laatste voortbrengselen van den ouden en de eerste van den nieuwen stijl aan; doe de eigen en ondersciteiden kenmerken en de kunstwaarde uilkomen der gebouwen tôt dit tijdstip behoorende. De waarde der gouden eerepenningen, die als prijs dezer vragen worden uitgeloofd, bedraagt achthonderd frank voor elke prijsvraag. De verhandeliiigen, als antvvoord op deze prijsvragen ingezonden, moeten duidelijk geschreven en mogen in het Franscli of in het Nederlandsch opgesteld zijn. Zij moeten uilerlijk vôôr den 1*"" Juni 1899 vrachtvrij aan den heer bestendigen Secretaris, in het Paleis der Aca- demieën, te Brussel, opgezonden worden. De schrijvers zullen hunnen naam niet op hun werk vermeJden. Zij zullen er alleen eene kenspreuk op zetten, die zij zullen herhalen in eenen verzegelden brief, hunnen naam en hun adres behelzende. (Het is verboden eenen schijnnaam te bezigen.) Indien zij dit voorschrift niet in acht nemen, kan de prijs hun niet toegekend worden. ( U9 ) De werken, die na den bepaalden termijn besteld zijn, en diegene, wier sclirijvers zich zullen doeii kennen, op welke wijze het ook zij, zullen biiiten den prijskamp gesloten worden. De Académie verlangt de grootste nauwkeurigheid in de aanhalingen : zij eischt, te dien einde, dat de mede- dingers de uitgaven en de bladzijden aanduiden der boeken, welke vermeld worden in de verhandelingen, aan bare beoordeeling onderworpen. De onuitgegeven platen zullen alleen toegelaten wor- den. De Académie beboudt zich bel recbl voor de bekroonde werken iiit te geven. Zij acht het nuttig aan de raededingers te herinneren , dat de handschriften der verhandelingen, aan bare beoor- deeling onderworpen, haar eigendom worden en in haar archief blijven berusten. De schrijvers mogen er echter afschrift laten van nemen op hunne kosten, mits zich, te dien einde, tôt den bestendigen Secretaris der Académie te wenden. toec;ei>.%ste kunst. SCHILDERKUNST. Men vraagt drie onderwerpen van geschilderde glasramen hebbende tôt onderwerpen : de Kunsten, de Letteren en DE Wetenschappen en kunnende dienen in voorkomende geval voor de drie vensters der voornaamste trapkast van het Paleis der Academieé'n. De kartons (in water- of olieverf) zullen op het kwart ( im ) der grootte van de vensters geschilderd zijn (afmetingen 2'",30 X 5™,50). Prijs : duizend frank. GEDENKPENNING. Men vraagt het model, in ivas, van een eeremetaal bestemd lot belooning der deelnemers aan eene Wereldtenloonstel- ling. Het model zal 20 centimeters in doorsnede groot zijn. De plaats voorbehouden aan den naam der bestemme- lingen zal zich in den voorkant bevinden. Prijs : aclilhonderd frank. Aan de prijskampen van toegepaste kunst mogen alleen geboren olgenaturaliseerde Belgen deelnemen. De teekeningen en de gedenkpenningen voor deze beide wedstrijden zullen bij het Secretariaat der Aca- démie voor den l*"" October 1899 moeten ingezonden vvorden. De teekeningen zullen op doek moeten vastge- maakt en in een raam geplaatst worden, de médailles zullen in een lijst staan. De Académie aanvaardt geene andere dan geheel voltooide werken. De bekroonde mededinger is verplicht eene photogra- phische afbeelding van zijn werk te bezorgen, welke in het archief der Académie zal bewaard blijven. De mededingers zullen hunne werken niet onder- teekenen, maar zullen er eene kenspreuk op zetten, die zij zullen herhalen in eenen verzegelden brief, hunnen naam en adres behelzende. Indien zij dit voorschrift niet in acht nemen, kan de prijs hun niet toegekend worden. ( \M ) De werken, die na den bepaalden termijn ingezonden worden, en diegene, wier vervaardigers zich zulleii doen kennen, op welke wijze het ook zij, zuUen buiten den prijskamp gesloten worden. Een termijn van drie maanden te rekenen van den dag der beoordeeling, wordt verleend aan de mededingers in den prijskamp van beeldhoùwkunst om hmi werk af te halen. QUESTION POUR LE CONCOURS DE 1900. Esquisser l'histoire de la musique dans les provinces bel- giques, y compris la principauté de Liège pendant les XVIP et XVIII" siècles, avec des indications bibliographiques, aussi complètes que possible, des œuvres de cette époque qui ont été publiées. Prix proposé : mille francs. Délai pour la remise des manuscrits : 1" juin 4900. PRIJSVRAAG VOOR 4900. Schets de geschiedenis der muziek in de Belgische provin- ciën, met inbegrip van het prinsdom Luik, gedurende de XV IV en de XVII l" eeuw, met zoo volledig mogelijk biblio- graphische aanduidingen der werken uilgegeven gedurende dit tijdperk. Uitgeloofde prijs : duizend frank. Termijn voor bel inzenden der handschriften : 4"" Juni 4900. ( ^î^2 ) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Goblel d'Alviella (/ec'*"). Ce que l'Inde doit à la Grèce. Des influences classiques dans la civilisation de l'Inde. Paris, 4897; in-8° (200 p.). liormans {S.) et Sclwolmeesters [E.). Cartulaire de l'église Saint-Lambert de Liège, tome III. Bruxelles, 1898; vol. in-4°. Herhomez {Armand d'). Chartes de l'abbaye de Saint- Martin de Tournai, tome I«^ Bruxelles, 1898; vol. in-4". Pelermann [A.]. Rapport sur les travaux de la station agronomique de l'État, à Gembloux, 1896. Bruxelles, 1897 ; extr. in-8° (16 p.). — Les produits chimiques employés à la stérilisation des excréments humains sont-ils nuisibles aux plantes agricoles et aux microbes bienfaisants du sol? Bruxelles, 1897 ; extr. in-8° (16 p.). — Notes de voyage : Station agronomique impériale de Vienne. Institut chimique central du royaume de Hongrie. Laboratoire d'hygiène de la ville de Budapest. Bruxelles, 1897; extr. in-S" (17 p. et i2 pi.). De Jonghe {le t''® B.). Petit gros à l'écu aux quatre lions, frappé à Weert par Thierry, dit Loef de Hornes (f 1390). Bruxelles, 1898; in-8°(8 p.). De Pauw {Napoléon). La Cour d'appel de Gand depuis cinq siècles. Gand, 1897; m-S" (79 p.). Sand {René). Les laboratoires maritimes de zoologie. Bruxelles, 1897; extr. in-8« (91 p.). Delaite {Julien). Essais de pureté des réactifs chimiques. Guide pratique à l'usage des laboratoires de chimie et de ( i53 ) microbiologie, par C. Krauch. Édition française annotée parJ. Delaite. Liège, 1892; in-8» (xvi-264 p.). — Rapport sur les altérations et falsifications des sub- stances alimentaires et produits connexes. Résultats d'ana- lyses. Liège, 1893 et 1896; 2 br. in-8°. — Note sur l'emploi et la valeur du butyroréfractomètre d'Abbé- Zeiss. Rruxelles, 1895; in-8'' (8 p.). — Continuité des propriétés colligatives et polymérisa- tion de la matière au travers de ses trois états. Bruxelles, 1895; in-S» (vi-64 p. et 1 pi.). — Intérêt scientifique de l'expédition antarctique belge. Bruxelles, 1896, in-8° (30 p. et 1 carte). — Une nouvelle falsification du thé. Bruxelles, 1897; in-8» (11 p.). Bruges. Société cC Émulation. Épitaphes et monuments des églises de la Flandre au XV!" siècle, d'après les manuscrits de Corneille Gailliard et d'autres auteurs; par le baron Bethune. Première partie : Oost-Flandre. 1897; in-4». Bruxelles. Société royale de médecine publique. Aperçu historique sur l'hygiène publique en Belgique depuis 1830, par Hyac. Kuborn. 1897. — Congrès national d'hygiène et de climatologie médi- cale de la Belgique et du Congo. Bruxelles, août 1897. Rapport avec le résumé des mémoires envoyés en vue du Congrès. Première partie : Belgique, 1898. — Académie royale de médecine. Tables alphabétiques des matières et des auteurs des tomes I à XX de la 3« série (1867-1886). 1897. — Revue de l'Université, 2« année, n°^ 8-10 ; 3« année, n« 1-3. — Revue générale, 1897. — Ministère de l'Agriculture et des Travaux publics. Rapports des Commissions médicales provinciales, 1896. — Université libre. Notice sur l'exposition universitaire en 1897. In-i" (140 p.). ( iU ) Bruxelles. Ministère de la Justice. Recueil des ordon- nances des Pays-Bas autrichiens, 3« série, tome IX; par J. de Le Court. 1897; in-folio. Gand. Kon. Vlaamsche Académie. Viaamsche bibliogra- phie, 3''" adevcring (Fr. de Potter). 1897. — Toponymische studie over de oude en nieuwere plaatsnamen der gemeente Bilsen (Jef Cuvelier en Camiel Huysmans). 1897. ToNGRES. Société scientifique et littéraire du Limbourg. Bulletin, tome XVII, l*"" fascicule. 1897. Tournai. Société historique et archéologique. Annales, nouvelle série, tome II. France. Benault (Bernai^d) et Roche (A.). Sur une nouvelle diploxylée. Autun, 1897 ; extr. in-8° (23 p. et 4 pi.). Pingaud {Léonce). A propos de la statue de Granvelle. Besançon, [1897]; in-8° (lo p.). Discours prononcés aux funérailles d'Auguste Daubrée. — Ses fonctions et titres honorifiques. — Liste de ses ouvrages. Paris, 1897; in-8° (104 p.). Bézy (le D''). Maladie de Bcrgeron (chorée électrique). Paris, 1897 ; extr. in-8° (^O p.). Besançon. Académie des sciences, belles-lettres et arts. Procès-verbaux et mémoires, 1896. Bordeaux. Société linnéenne. Actes, tome X, 1896. — Société des sciences physiques et naturelles. Mémoires, tomes I et II. — Procès-verbaux, 1894-1896. — Observa- tions pluviométriques et thermométriques, 1894-1896. Cherbourg. Société des sciences naturelles. Mémoires, tome XXX. 1896-1897. Lyon. Société d'agriculture. Annales, 1896. ( 155 ) Lyon. Société linnéenne. Annales, 1896. — Académie des sciences. Mémoires, sciences et lettres, tome IV, 1896. — Univei'sité. Annales : La république des Provinces- Unies, la France et les Pays-Bas espagnols de 1630 à 1650, tome IL 1897; in-8°. — Recherches stratigraphiques et paléontologiques dans le Bas-Languedoc, par Frédéric Roman. 1897; in-8°. — Sur le résidu électrique des condensateurs ; par L. Houllevigue. 1897; in-8°. — Recherches expérimentales sur quelques actino- mètres électro-chimiques; par H. Rigollot. 1897; in-8°. Nancy. Académie de Stanislas. Mémoires, 1896, tome XIV. Nice. Observatoire. Annales, tomeVI. Paris, 1897; in-4<'. Paris. Observatoire. Atlas photographique de la Lune, 2^ fascicule. 1897 ; cahier in-4° et atlas in-plano. — Annales, tome XXII. 1896; in-4». — Catalogue, tome III. — Positions observées, tome III, 1896. 2 vol. in-4°. — Académie de médecine. Mémoires, tomes XXXVI et XXXVli. 1891-95; 2 vol. in-4°. — Rapport général sur les vaccinations et revaccinations pratiquées en France et dans les colonies pendant les années 1894 et 1895. Melun, 1896; 2 br. in-8». — Rapports annuels de la Commission permanente de l'hygiène de l'enfance; par le D"" Charpentier. 1895; in-8°. Rouen. Académie des sciences, belles-lettres et arts. Précis analytique, 1895-1896. Sèvres. Comité des poids et mesures. Procès- verbaux, 1897. Soissons. Société archéologique. Bulletin, tomes III et IV, 1893 et 1894. ( \m ) Italie. Satinas [Emm.). SuUe eslerie del trias di Sicilia. Palerme, 1897; in-S» (12 p. et 1 pi.). Florence. R. Istiluto di studi superiori. Sezioni di filosofia e filologia : La filosofia dell' inconsciente metafisica e morale. Con- tributo alla storia del pessimismo (Adolfo Faggi). 1890. — Notizie storico-biografiche, intorno al conte B. Casti- glione (Cam. Martinati). 1890. Sezioni di medicina e chirurgica : Archivio di anatomia normale e patologica (Giorgio Pellizzari), vol. V, fasc. 1 e 2. 1889-90. — Sul lichen rosso (AU". Minuti). 1891. Sezioni di scienze fisiche e naturali : Sopra i resti di un coccodrillo, scoverti nelle ligniti mioceniche di Montebamboli (Guis. Rislori). 1890. — Suir l'origine e decorso del peduncoli cerebellari (Vitt. Marchi). 1891. Naples. Accademia Ponlaniana. Atti, volume XXVII. 1897; in-8°. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DES Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. 181)8. — N*^ ± r/i.ASSK Di<]^ N€iB<:Fi'ri<:s. Séance du 5 février 1898. M. Ed. Dupont, directeur. M. le elievalier Edm. Marchal. secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. W. Spring, vice-direclcur ; le h:u'on Edm. de Selys Longchamps, G. Dewalque, A. Brialmont, Ed Yan Beneden, C. Malaise, E. Eolie, l'\ IMateau, Fr. Crépin, J. De Tilly, Ch. Van Bambeke, Alfr. Gil- kinet, G. Van der Mensbrugglie, L. Henry, M. Mourlon, P. Mansion, P. De Heen, C. Le Paige, J. Dernyls, Léon Eredericq, J. Neuberg, A. Lanca&icr , membres ; Ch. de la Vallée Poussin, associé; A.-E. Renard, L. Errera, M. Delacre et W Erancotte, corres})ondanls. M. E. Terhy exprime, par écrit, ses regrets de ce ijue son état de santé l'empêclie encore d'assister à la séance -CH2-CHXI. Le nitrile y chloro-butyrique, que j'ai fait connaître antérieurement (*), résulte de la réaction du chloro- bromure de triméthylène CICH^ - CH^ - CH^Br sur le cyanure de potassium. On le transforme en son acétate CN - CH^j - CHo - CHv, (C0H5O.2). Eb. 257° et l'on saponifie celui-ci par de la potasse caustique pulvérulente. L'alcool formé est extrait de la masse par la distillation sous pression raréflée. L'alcool cyano-propylique primaire CN - CHo - CHo (*) Comptes rendus, t. Cl, p. 1158. Année 1885. ( 177 ) -CH2(0H) conslitue un liquide incolore, quelque peu épais, peu odorant, d'une saveur acre, piquante. Il est soluble dans l'eau, dont le carbonate bipotas- sique le sépare sous forme d'buile surnageante. Il se dis- sout aussi dans l'alcool, le cbloroforme, l'acétone, la ben- zine, l'étber; mais il est insoluble dans le sulfure de carbone. Sa densité à 8" est égale à 1 ,0290. Jl bout à 238°-240'' sous la pression de 765 milli- mètres, à ISOMol" sous celle de 68 millimètres, à 140° sous celle de 50 millimètres. Sa densité de vapeur a été trouvée égale à 5,05 à 185'' dans la vapeur d'aniline; la densité calculée est 2,95. Ses dérivés éthérés ont les points d'ébullition suivants : CN-CH2-CH,-(:ii,ci. . . . ni), job» — — — Ciljîr ^lâ-^iU» — — — CFtJ 250" — — — CH,(OC,HJ .... 180" — — — CH,(C2l!302) ... 257" Il réagit avec les divers réactifs à la façon du nilrile CN - CH2 - CH2 - CH5 et de l'alcool butylique normal et primaire CH3 - CtU - CrU - CH^ (OH). Comme son isomère précédent, de nature alcoolique secondaire, CN - CHo - CH(OH) - CH3, ce corps est inerte sur les alkylamines mono- et bisubstituées. Remarques générales. L'existence de ces trois alcools cyanés nous permet de formuler quelques observations d'une portée générale au point de vue de la solidarité fonctionnelle sous le double rapport pbysique et chimique. ( ^78 ) a) Au point de vue physique. La coexistence et les rela^ lions de position des systèmes -CM et C-OH influent puissamment sur la volatilité de la molécule totale. Leur voisinage immédiat est une cause puissante de volatilité. Cette influence cesse par l'interposition d'un et surtout de deux atomes de carbone entre les compo- sants NC - et - C - OH. Il est plus aisé d'apercevoir cette relation dans les acétates que dans les alcools eux-mêmes, l'acétate du dérivé aldéhydique CN-CII(0H)-CHj-Cn3 étant volatil sans décomposition, alors que l'alcool ne l'est pas. En regard des acétates cvanés, il suflit de mettre les acétates butyliques correspondants 1 1 0" 110» OS" 92» H7» CAh -CII2 -Cllî-CHj Eb. 1" CHs - CH, -CIL-CHjiC,HA) 150" CH, -CH, - CH, CII3 + 1" /CH, -CH, -(.H{C,H30,)-(:h, + m» ■CN- CH,- CH, CII3 + 118° CN CH(C ,HA) - (-H. - en. -H 18(i» •CN- - CH, - cil, - en. 118» ..CN- -CM,- CH(C,nA)-eH, 210° CN- CH, - -cH.-cn^ 118" ■CN- -CH- en, cn,(C2n,o,) 255» ( 179) Les trois derniers termes permettent d'apercevoir l'influence de l'écartement des composants - CN et ^(CaHsOg) sur la volatilité de la molécule totale. Dans le dérivé primaire CN - CH2 - CHg - CH2(C2H302), cette influence a totalement disparu. Il y a la même différence de volatilité entre le nitrile et son acétate primaire qu'entre le butane normal et son acétate pri- maire. On remarquera également la différence qu'il y a, sous le rapport de la volatilité, entre les acétates butyliques et ces mêmes acétates cyanés, suivant la structure de la molécule. CH3 - cil, - CH, - CH^f CHsO.) Éb, I ^O" \ ) + 9» CHj-CH, -(:H(C,H,O.0-CH3 - 1H" / CN-CHâ-CHs-CHofCjHsO,) - 255" \ Ci\-CH2-CH(C,H50,)-CH3 - 210" ; \ + 49» i>4» CN-CH(aH502)CH,-CH-, - 186" h) Au point de vue chimique : i° D'abord quant à la stabilité de la molécule sous Faction de la chaleur. Le système bicarboné • CN HC - 011 I est instable sous l'action de la chaleur. Dédoublement aisé en ses composants HCN et HC = 0, acide cyanhy- drique et aldéhyde. ( 180 ) L'interposition d'un seul atome de carbone dans ce système CN HC-OH I fait cesser cette instabilité. Distillation sans décomposi- tion des alcools cyanés CN CN en, et CHi CH - OH CHj ' CH, - OH. 2" Quant aux aptitudes réactionnelles de ihydroxyle alcoolique -OH. Inertie de l'hydroxyle alcoolique C - OH vis-à-vis des alkylamines mono- et bisubstituées H2NX et HNXg. Le voisinage de - CN communique au groupement alcool une aptitude fort prononcée à agir avec les bases ammo- niacales, amidées et imidées, à la façon des radicaux Cl, Br, etc. CN CN I + HNHX' = HOH + 1 HC-OH HC-NHX CN CN I + HNX2 = HOH + I HC-OH HC-NX, Cette aptitude réactionnelle, si remarquable dans le cyanal butylique CN-CH(011)-Cll,-CH3, ( <8I ) disparaît déjà par l'interposition d'un seul atome de car- bone dans le système nitrilo-alcoolique CN -C - OH. I Inertie des alcools cyanés CNs-CHî-CtKOUj-CHj et CN-CH,-(;H, -CH,(OH). M. Heymans, professeur de thérapeutique expérimen- tale à l'Université de Gand, a bien voulu se charger de l'examen de ces trois composés cyano- alcooliques au point de vue de leur action physiologique. 11 m'est agréable de constater, en terminant, la part qu'a prise dans l'élaboration de ce travail, au point de vue expérimental, mon habile et zélé préparateur, M. Auguste De Wael. Sur l'interprétation du principe d'Archimède, fondée sur la parfaite élasticité des liquides; par G. Van der Mens- brugghe, membre de l'Académie. Mes recherches déjà longues sur l'élasticité des liquides m'ont conduit à une nouvelle théorie capillaire, que j'ai eu l'honneur d'exposer dans le temps à l'Académie. En appliquant cette théorie aux faits démontrés en hydro- statique, je suis arrivé à une interprétation bien simple du principe d'Archimède; pour bien la faire comprendre, je vais énoncer d'abord quelques propositions générales. ( <82 , Proposition I. — Si dans un vase cylindrique de base B et contenant un liquide, on plonge un cylindre solide C dont la base h est à une distance h^ du niveau final a b', le niveau primitif ah s'est élevé d'une hauteur h telle que B/t = 6/),. En effet, il suffit de jeter les yeux sur la figure \ pour constater que le volume de liquide déplacé par le corps est égal à h [h y — //) ; c'est ce volume qui s'est élevé laté- ralement autour du corps C à la hauteur h et dans un espace annulaire ayant un volume (B — b) h; on a donc />(/i, —/i) = (B — /;;//, FiG. I. d'où B/» == hJu . Proposition II. — Chaque fois qu'un corps plongé dans un liquide a fait monter le niveau de la hauteur h, les choses se passent, au point de vue des pressions hydrostatiques, comme si la partie plongée du corps était remplacée par un même volume du liquide. La démonstration est évidente; nous pouvons en con- clure que pour connaître l'eflet produit par le corps C plongé de la quantité /jj, on peut suj)primer celui-ci, pourvu qu'on suppose le niveau primitif surmonté d'une couche liquide ayant pour épaisseur B ( 183 ) Proposition III. — Si un élément ^s (fig. 2) de paroi d'un vase contenant du liquide est soumis à une pression V.\s dirigée normalement à As suivant une droite faisant avec la verticale un angle a, celle pression, estimée verticale- ment, équivaut à P.^x, Ax étant la pro- jection horizontale de As. Il suit de là que si les parois d'un vase de forme quel- conque sont soumises à une pression uniforme, et qu'on imagine une portion ABC limitée à un même plan vertical AC, la somme de toutes les pressions esti- mées dans le sens vertical fig. ;i sera nulle; car l'effet des pressions dirigées vers le haut est annulé par celui des pressions agissant en sens con- traire. Proposition IV. — Chaque fois que la surface libre lî d'un liquide de densité ô et à l'état d'équilibre dans un vase V (lig. 4) éprouve un accroissement de pres- sion B. 0. (Ih, provenant d'une couche additionnelle d'épaisseur très petite dli, la résultante verticale de tous les accroissements de pres- sion sur l'ensemble de toutes les parois est égale à B. 0. flh. Soit donc aa' la sectiou de la surface libre B |)ar un ( \Si ) plan veilical; à cause de réiévation infiniment petite dh du niveau, tous les éléments des parois intérieures vont subir des accroissements de pression égaux entre eux; par conséquent, l'effet de ces accroissements, estimé dans le sens vertical, sera nul dans les parties a/>c, a'b'c, cde, c'd'e'; il ne reste que l'effet résultant des portions ef, jf , e'f , lequel est précisément égal à celui de la projection horizontale ik = aa ; faisant de même pour toutes les sections verticales qu'on peut opérer dans la surface libre B, il est clair que l'effet résultant définitif sera pré- cisément égal à B. 0. dh. Corollaire. — Si l'on n'a en vue que les changements de pression dans le sens vertical, sous l'influence d'une très petite élévation du niveau primitif, on peut rem- placer le vase donné par un vase cylindrique ou prisma- tique ayant pour section droite la surface libre B du liquide. Telles sont les propositions sur lesquelles je me suis appuyé pour donner une interprétation facile et claire du principe d'Archimède. Soit donc un vase cylindrique ayant pour section droite la surface B du niveau du liquide; il est évident que, au sein de la masse liquide, les molécules ne peuvent se maintenir à des distances partout égales pour la même température, que grâce à une force élastique capable de conserver le même état de cohésion, abstraction faite de toute force extérieure; mais à cette force élastique qui règne dans toute la masse, il faut encore ajouter un petit excès déterminé, pour chaque élément d'une section horizontale quelconque a^ (fig. 5), par le poids du filet vertical ayant cet élément pour base et pour hauteur la i i dh ^=:±f^-^ i> 1 cl! 511 et- -■"i ] B FiG. s. ( ^«5 ) distance de la section au niveau; il suit de là que le maximum de cet excès de force élastique se trouvera près du fond du vase. En définitive, la masse liquide consti- tue une série de systèmes superposés, parfaitement élas- tiques, et où la force de ressort augmente propor- tionnellement à la distance du niveau. Quant à la réac- tion correspondante au poids total du liquide qui a produit tous ces petits excès de force élastique, elle est fournie par la résis- tance du fond du vase. Cela étant, voyons quel changement se produit dans le liquide quand on plonge une portion d'un cylindre solide C dont b est la base; si rf/ij est la hauteur de la partie plongée, et dh l'élévation du niveau, on aura, d'après la proposition I, de plus, chaque élément ds d'une section horizontale quelconque (x[i subira un excès de pression d .ds.dfi, ce qui produira autour d'un point quelconque de cette sec- tion un même excès de force élastique. La pression exercée par le corps sur le liquide a donc donné naissance à un ressort idéal tendu entre ce corps et le fond du vase. La pression elle-même trouve évidemment sa réaction dans la résistance de la paroi du fond ; mais quel est le rôle, quelle est la valeur de chacune des forces de ressort appliquées l'une contre la base inférieure b du corps C, l'autre contre le fond du vase? ( <86 ) Puisque la base b est à la distance d/ii du niveau, il est clair qu'elle sera soumise à une pression b.d .d/ii dirigée vers le haut. Quant à la force agissant contre le fond du vase, il sullit de nous rappeler la proposition IV, d'après laquelle tout accroissement H'J.clh de pression de la sur- face de niveau détermine sur le fond un accroissement de force élastique mesuré aussi par B-j . dh ; or nous savons que tout se passe comme si le niveau B était sur- monté d'une couche d'épaisseur dli (proposition II); la force de ressort contre la base sera donc également Wà .dh, ou, ce qui revient au même, b^.dh^. On voit donc que les deux forces de ressort sont . égales et contraires; elles peuvent par conséquent servir l'une de réaction à l'autre; la première, qui s'exerce contre la base 6, c'est la poussée constatée par l'expé- rience; le seconde, qui lui est égale et opposée, esl accusée aussi par la balance. Il va de soi que si le cylindre solide C, au lieu d'être plongé d'une très petite quantité, était immergé sur toute sa longueur h^, la poussée serait égale à la dillérencc des pressions supportées par les deux bases, c'est-à-dire h bd. / 2. Or, en particulier, les éléments neutres d'une involu- tion I"_, forment une involution I^:,, et cette dernière involution ne peut posséder de groupes contenant plus de deux éléments multiples associés. On peut néanmoins énoncer le tbéorème suivant : Un élément quelconque du support d'une involution I", considéré comme étant un élément c"'", peut s'associer à , (n - A- H- {♦) M. Lerch, Sit:Mn(jsberichte cler kôn. liôhmischer Gesellscliaft der Wissenschaften (novembre 1885). ( 201 ) groupes de deux éléments midtiples associés, d'ordres a et b, de manière à former autant de groupes de k éléments neutres de l'involution II, quand on a la condition a -t- b -i- c = k. 4. Les groupes de k — 1 éléments neutres d'une I; peuvent s'assembler k — 3 à /c — 3, de la façon sui- vante : li _ 4 éléments arbitraires du support de l'involution peuvent se joindre à ù{"~!'^') éléments A^_3, de manière à former autant de groupes de k — 3 éléments, faisant partie d'un groupe de /f — 1 éléments neutres de l'involu- tion II. La correspondance qui existe entre les /c — 3 éléments A,, Aj, ..., At_ ;, A;._5 est réversible; le nombre des coïncidences est donc 3(A--5)[ _ j Ce nombre représente le nombre des groupes de A; — 1 éléments neutres d'une involution 1^ composés d'un élément [k — 3)"''" et de deux éléments simples. Cas particulier. — En faisant k = n — 1 , nous voyons que le nombre des groupes neutres de n — 12 éléments d'une 1^, qui contiennent un élément [n — 4)"'''" est 3(n — 4). Ce résultat peut encore se vérifier directement si l'on remarque que les groupes de n — 2 éléments neutres d'une l^_, forment une involution V„zl. ( 202 ) 5. Prenons arbitrairement a — 1 éléments du support (l'une Ir, A|, Aj, . . ., Ag _ ,; il leur correspond des groupes de n — a -f- 1 éléments, formant une involution 1";"^'. Cette involution con- tient (4) 36 m groupes de 6 -H 2 éléments neutres {b = k — a — 2), composés d'un élément ô"*"* et de deux éléments simples A,. Ainsi, aux éléments A, (t==i, 2, 3, ...a — i),il corres- pond . !n — A 66 m éléments A„ : la correspondance entre chacun des élé- ments Ai et l'élément A„ est réciproque : le nombre des coïncidences est, par conséquent, fn — k Ainsi une involution \" contient (Jaft (""j"*"*) groupes de A" — 1 éléments neutres composés d'un élément simple et de deux éléments multiples associés, d'ordres a et b. 6. Enfin, prenons c — 1 éléments du support de l'in- volulion I;, A|, Aj, . . ., Aj _ il ( 203 ) il leur correspond des groupes formant une involu- tion I":'t'» qui contient (5) !?i — A' H- 2 iiub _ ô groupes de A- — c éléments neutres, composés de deux éléments a"*"" et 6"'''^ et d'un élément simple A„ avec la condition a -t- b -h c = k — 1. La correspondance entre chacun des éléments A, (î = 1, 2, 3, ...c — 1) est réciproque; par conséquent, le nombre des coïncidences (A,, A^.-.A,.,, A,) est 6u6 r'ri Donc : Les groupes neutres dek — 1 éléments d'une invo- lution It, qui sont composés de trois éléments multiples associés, sont en nombre h, _ A- H- 2\ babc I ) , (a -+- 6 -4- c = A; — I ' Remarque. — On voit que les groupes de A: — 1 éléments neutres d'une involution I; ne peuvent, s'ils sont en nombre fini, contenir plus de trois éléments multiples associés. 7. En continuant les raisonnements que nous venons de faire, on arrive aux théorèmes plus généraux qui suivent. Ces théorèmes peuvent se démontrer à l'aide d'une loi de récurrence, facile à établir. ( 204 ) 1° Une involution I" ne peut contenir, en nombre fini^ des groupes de k — p éléments iieutres, composés de plus de p -+- 2 éléments multiples associés : les ordres de multiplicités Ej (i = 1, 2, 5, ... p H- 2) de ces éléments doivent satisfaire à la condition > (/ = /,■ — n. 2" Le nombre des groupes de k — p éléments neutres d'une involution I^', contenant p -+- 2 éléments multiples associés, est quand on a la condition 3° Un élément quelconque du support d'une I", considéré comme étant un élément (ap^.;)"'", peut s'associer à '"^* fn — I, ■*- p ■*- \\ groupes de p -h '2 éléments multiples associés d'ordres a, (i = 4,2,3, ...2) -+- '2), de façon à former autant de groupes de k — p éléments neutres de l'involution I", quand on a la condition Vérification. — En supposant que l'on ail h = n -- 1, ( 205 ) nous voyons qu'une involulion TJI_, ne peut contenir des groupes neutres de tî — p — i éléments composés de plus de p H- 2 éléments multiples associés : les ordres de multiplicité de ces éléments, a.. (î = 1,2, 5, ...;>-♦- 2), doivent satisfaire à la condition et le nombre de ces groupes est < Nous pouvons vérifier directement ce résultat : en effet, les groupes de n — p — 1 éléments neutres d'une invo- lution T" , forment une involution K'^pU : une telle invo- hition I,','ZL7-!3 ne peut contenir des groupes composés de plus de /) H- 2 éléments multiples associés, et le nombre de ces groupes est (;>-+-2)!iïo,n. 8. Les résultats auxquels nous sommes parvenus trouvent leur application principalement dans la géo- métrie des courbes rationnelles des hyperespaces. Notons cependant l'application suivante, aux courbes ration- nelles de l'espace à trois dimensions. (*) Voir à ce. sujet notre mémoire Sur- la théorie de l'involiUion et de f homographie tmicursale. (Mémoires de la Société royale des sciences DE Liège, 2« sér., t. XVII, pp. 62 et suiv.) S""' SÉRIE, TOME XXXV, 14 ( 206 ) Les plans de l'espace marquent sur une courbe ration- nelle d'ordre m, Cm, des groupes de m points, formant une involution 1" : d'après ce qui précède (2), cette invo- lution contient 2(m — 2) (m — 3) ternes neutres composés d'un point double et d'un point simple. Or les ternes neutres de l'involution I" représentent les trisécantes de la courbe Cm; donc nous voyons qu'il existe 2 (m — 2) ^pi — 3) trisécantes d'une courbe rationnelle de l'espace. Cm, qui sont en même temps tangentes à la courbe. 9, Si nous remarquons que les groupes de k éléments neutres d'une involution I;' sont représentés dans l'espace à n dimensions par les espaces multisécanls d'une courbe d'ordre n de cet espace que l'on peut mener par un espace an — k — 1 dimensions, nous arrivons aux résul- tats suivants : 1° Par un point de l'espace à n dimensions, on peut mener à une courbe normale de cet espace 2ab espaces an — 2 dimensions qui ont avec la courbe deux con- tacts d'ordres a — 1 et b — 1 , quand on a la condition a -J- b = n — 1 ; 2" Par un espace an — k — 1 dimensions, situé dans un espace à n dimensions, on peut mener à une courbe nor- male de cet espace 'n — k -H 1 2ab , 2 espaces linéaires à k — 1 dimensions et qui ont avec la courbe deux contacts d'ordres a — i et h — 1 , quand on a la condition : a -+- b ^= k. Ces théorèmes sont aisément généralisables. ( 207 Du Iracé myographique du cœur exsangue; par Jules Waroux, préparateur de physiologie à l'Université de Liège. § I". — Historique. Marey (1) admet que la contraction musculaire qui cor- respond à la systole ventriculaire chez le Lapin, la Gre- nouille, etc., est une secousse simple, et doit, par consé- quent, fournir un graphique en forme de colline à sommet unique, quand on se place dans des conditions convenables. Si le tracé cardiographique de la systole ventriculaire ne présente pas cette forme, et nous montre d'ordinaire une courbe trapézoïdale, à plateau ondulé, cela provient, d'après Marey, de la présence du sang à l'intérieur du ventricule, et des réactions hydrauliques exercées par la colonne liquide artérielle sur le contenu du ventricule. Marey a constaté, en effet, que le cœur de la Grenouille et celui du Lapin fournissent des tracés à sommet unique, de vrais tracés de secousse musculaire, quand les cavités ventriculaires sont vides. Nous donnons ici deux exemples de tracés recueillis par Marey sur le cœur du Lapin extrait et transmettant son mouvement au levier d'un myographe. (1) Marey, La circulation du sang. Paris, 1881, p. 24. ( 208 ) La (igiire I corresponcl aux contractions spontanées de 'oreillette et du'ventricule. Fir.. 1 (d'après Maheï, />" circulation du sang, lij;. 10, [^-H . Fif.. 2 (d'après Mahey, La circulutiou du samj, fi^. d3, p. 28). La figure 2 nous montre une contraction provoquée par une excitation électrique sur un cœur deLapin excisé (|ui avait cessé débattre. De nombreux physiologistes se s(»nt ralliés à l'ctpinion émise par Marey sur la nature simple de la conlraclion cardiaque et sur son assimila- tion à une secousse musculaire. Ainsi, von Frey (1) considère également la systole ven- iriculaire comme représentant une secousse unique; il en voit la preuve dans les manifestations électriques du ('(l'ur. Si le tracé cardiogiaitliiqne ordinaire présente des ondulations, c'esl (pril csl altère par le courant sanguin. I) VON Vi{\:\, Die ibtlcr.'^iichimii (h\s Puises idiU ilnr Knjchnisse vf iH'snudcu luut hruiikrn Zn.sldiidcn. IJerlin, 189:2. { 209 1 Von Krey publie dans son travail des tracés à ondula- tions, pris sur le cœur normal, et des tracés à une seule colline, pris sur le cœur vide. (Fig. 5îj, p, 115.) Meyer (1) fit des expériences qui le conduisirent à la même conclusion. Il met à nu le cœur d'un Chien, en ouvrant le thorax, en sectionnant le péricarde et en main- tenant l'animal en vie par la respiration artificielle, et il excite le muscle cardiaque par un choc d'induction unique. Ce que l'on remarque sur les tracés comme consé- quence de cette excitation, c'est rap[)arition d'une sys- tole supplémentaire, qui présente tantôt un sommet arrondi, tantôt un sommet ondulé, ou bien encore un sommet légèrement ondulé. Ces trois formes de systoles correspondent à des états physiologiques différents de la cavité ventriculaire. Le sommet de la systole supplé- mentaire est ondulé lorsqu'elle est ellicace, c'est-à-dire lorsqu'elle lance une ondée sanguine; il est arrondi lorsqu'elle est inefticace, et légèrement ondulé lors- qu'elle est insuffisante. La comparaison de ces tracés avec le pouls carotidien vient à l'appui de cette manière de voir. Meyer en conclut qu'il existe un rapport étroit entre l'amplitude des ondulations du plateau et le volume de l'ondée sanguine, et qu'elles ne dépendent pas des parois ventriculaires, puisqu'on ne les obtient pas lors- qu'on inscrit les pulsations d'un cœur excisé et vide de sano. (1) Meyer, Sur la nature (Le La contraction cardiaque. (Archives de PHYSIOLOGIE, 5" série, t. IV. 1892. p. 670.) ( 240 ) Lanlanié (1) a parfois observé, au cours d'une expé- rience de cardiographie, des systoles (jui ne produisaient pas de pulsation artérielle et qui revêtaient la forme d'une secousse musculaire. Cette courbe des systoles vides, dépourvue d'ondulations, correspond sur le tracé à une chute de pression artérielle. Les ondulations systoliques disparaissant quand le cœur fonctionne à vide, dit Laulanié, il en résulte qu'elles sont exclusivement liées à une circonstance purement mécanique, la présence du sang à l'intérieur du cœur. On peut inférer logiquement de cette relation que les ondu- lations du plateau systolique dépendent exclusivement des effets mécaniques de la contraction cardiaque et ne peuvent pas être interprétées comme l'expression de secousses imparfaitement fusionnées, ainsi que le prétend M. L. Fredericq. Pour Laulanié, en ce qui touche le fond de la ques- tion, deux points sont acquis : i" La contraction stérile du cœur est une secousse; 2° La pluralité apparente de la contraction normale n'est que le résultat et l'expression de ses effets hydrau- liques. Le seul caractère qui soit propre à la systole physiolo- gique, c'est sa durée, qui est manifestement plus grande que la durée de la systole stérile. Cet élément particulier est fonction du travail méca- nique accompli par le cœur et du déplacement de la masse de sang qu'il jette dans les artères. (1) Laulanié, Su7- les systoles, stériles et la nature de la contraction cardiaque. (Comptes rendus de la Société de biologie, 9« série, t. IV, séance du 18 juin 1895, p. 537.) (2H ) Le cœur demeure contracté pendant toute la durée de son évacuation. C'est le travail à effectuer qui décide de la durée de la contraction. L'unique différence qui sépare les deux systoles ne suffit pas à établir une différence de nature entre les deux actes. Mais il est vrai qu'elle ne l'exclut pas. La question reste donc ouverte, car les caractères gra- phiques ne suffisent pas à distinguer un court tétanos d'une secousse de même durée. L'uniformité et la conti- nuité du plateau systolique peuvent cacher la discontinuité réelle de la contraction. Pour Léon Fredericq, le tracé cardiographique pré- sente un plateau à ondulations, et ces ondulations, comme il le démontre dans son mémoire sur la Pulsation du cœur chez le Chien (1), ne sont pas dues aux retentisse- ments d'ondes artérielles, car elles persistent sur les tracés obtenus après la ligature des gros vaisseaux artériels ou après leur section; elles persistent encore après la ligature des veines caves et azygos, et ne peuvent être non plus attribuées à des mouvements des valvules auriculo-ventriculaires. La cause de ces ondulations réside pour M. Léo3 Fre- dericq dans la paroi du cœur. La contraction du muscle n'est pas une secousse élémentaire, mais un vrai tétanos résultant de la fusion de trois ou quatre secousses élémen- taires, et ce tétanos ne se transforme en une secousse simple — ce qui se traduit par un tracé à une seule col- line — que dans de mauvaises conditions de nutrition. (1) Travaux du laboratoire de l' Institut de physiologie de Liège, 1887-1888, t. II, p. 35. ( 212 ) . Contejean (1) adopte entièrement la même manière de voir. Comme on le voit, les systoles avortées à tracé simple sont attribuées par Marey, v. Frey, Meyer à l'absence de sang dans les cavités du cœur; par Fredericq, à des con- ditions défavorables de nutrition. Il nous a paru qu'il était possible de résoudre le point en litige, en utilisant le procédé de Langendorff (!2), qui permet d'entretenir en vie un cœur de Chien ou de Lapin excisé sans que le sang pénètre dans les cavités de l'or- gane. Hédon et Gilis (3) ont également obtenu des contrac- tions du cœur après arrêt de ses mouvements. D'une façon générale, le procédé consiste à faire circuler artifi- ciellement un courant sanguin h travers les artères coro- naires. § II. — Procédé opératoire. L'appareil qui nous a servi à produire une circulation artificielle dans le cœur extrait, comprend une bouteille d'assez grandes dimensions, destinée à recevoir le sang (i) Contejean, Sur la forme de la contraction du myocarde. (Comptes RENDUS DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE, 9» série, t. IV, 22 décembre 1894, p. 831.) (2) Langendorff, Unlersîichungen am ûberlebenden Sàugethier- fierzen. (Arch. fur die gesammte Physiol., 189o, vol. LXI, p. 291.) (3) HÉDON et Gilis, Sur la reprise des contractions du cœur après arrêt complet de ses battements sous l'influence d'une injection de sang dans les artères coronaires. (Comptes rendus de la Société de biologie, 9e série, t. VI, séance du 30 juillet 1896, p. 760.) ( 213 ) qui assurera pendant un certain temps la nutrition du muscle cardiaque. A sa partie supérieure, cette bouteille porte deux tubulures; à l'une d'elles est adapté un mano- mètre à air libre, à l'autre un tube en verre coudé, relié à une trompe de Muencke. A sa partie inférieure se trouve une troisième tubulure, à laquelle est fixé un tube coudé vers le haut, muni d'un tuyau en caoutchouc sur lequel se place une pince à pression et portant à son extrémité une canule droite en verre. La bouteille, munie de ses accessoires, plonge dans une cuve en zinc contenant de l'eau maintenue à la température de 40° environ, et un bloc de plâtre creusé d'une cavité ovalaire, dans laquelle on placera le cœur dont on veut obtenir les contractions. Le niveau de l'eau dans la cuve arrive à peu près au bord supérieur du bloc et le maintient, ainsi que le fond de la bouteille, à une température convenable. Au début de nos expériences, ; nous avons eu de nombreux insuccès que l'on peut attri- buer à la nature du sang employé et à la présence dans les artères coronaires de petites bulles d'air qui empê- chaient toute circulation. En effet, nous nous sommes servi d'abord de sang de Cheval et de Bœuf défibriné, injecté à des cœurs de Chien et de Lapin, et nous n'obte- nions, quand elles se produisaient, que des contractions de peu de durée, dégénérant vite en contractions fibril- laires; dans la majeure partie des cas, nous n'obtenions que ces dernières. Langendorff dit pourtant avoir réussi avec ce sang. Toutefois il conseille d'employer le sang de la même espèce animale. C'est ce que nous avons fait, sans cepen- dant employer le sang pur, mais bien étendu d'une cer- taine quantité de liquide physiologique, d'après la méthode (2)4) de W.-T. Porter (1), et nous avons dès lors obtenu d'ex- cellents résultats. Quant aux bulles d'air, nous les avons éliminées par des modifications dans le procédé opéra- toire. Pour faire l'expérience complète, nous procédons de la façon suivante : Une saignée en rapport avec l'animal dont on dispose est pratiquée par l'artère carotide. Le sang obtenu est défibriné et étendu d'un égal volume d'une solution physiologique à 9 ^'/oo. l*ar la veine jugu- laire, on injecte de cette même solution physiologique, on saigne de nouveau, on défibrine et on ajoute le résultat de cette saignée au premier; on peut encore répéter l'opé- ration et saigner cette fois complètement l'animal. Nous nous sommes servi dans nos expériences de grands Chiens qui avaient déjà été utilisés par d'autres expéri- mentateurs et que nous saignions complètement d'après cette méthode; nous prenions alors un Chien beaucoup plus petit que nous saignions encore et duquel nous extrayions le cœur; nous avions de la sorte beaucoup de liquide à injecter. Pour ce faire, après la mort de l'animal, le plastron sternal est enlevé, le péricarde est sectionné et l'aorte dégagée de ses adhérences ; nous plaçons une ligature sur les deux troncs artériels qui partent de la crosse aortique, à savoir l'artère sous-clavière gauche et le tronc commun des carotides et de la sous-clavière droite, et une pince de Péan à la partie supérieure de l'aorte descendante, qui a (1) W.-T. Porter, On the cause ofthe heart beat. (Reprinted from the Journal of the Boston Socikty of médical sciences. No. 10, for Mardi 30, lSi)7.) ( -215 ) pour eiï'et d'empêcher le sang resté dans l'aorte de péné- trer dans une canule en Y que l'on introduit un peu plus bas et de s'y coaguler. Cela fait, on sectionne toutes les adhérences et on transporte le cœur, en l'ayant blessé le moins possible, sur le bloc de plâtre de la cuve. On lait fonctionner la trompe de Muencke; la pression exercée à la surface du liquide sanguin du grand réci- pient s'indique au manomètre et est suffisante lorsque le mercure atteint dans la branche libre une hauteur de 6 à 7 centimètres. Pour empêcher les bulles d'air de pénétrer dans le système vasculaire du muscle cardiaque, il est bon de purger de l'air qu'il contient le tube en caoutchouc par- tant de la tubulure inférieure ; pour cela, on desserre la vis à pression et on laisse s'écouler une certaine quantité de liquide. On réunit alors ce tube, par l'intermédiaire de la canule droite, à l'une des branches de la canule en Y munie comme sa voisine d'un bout de tube en caout- chouc, et on y laisse pénétrer le sang qui ressort par la branche libre, en entraînant l'air qui s'y trouve. On enlève la pince de Péan lixée sur l'aorte, le sang sous pression pénètre dans cette portion et y enlève l'air en sortant toujours par la branche libre. Lorsqu'il semble qu'il n'y a plus d'air, on ferme cette branche au moyen d'une pince de Péan; le sang péné- trant alors dans l'aorte referme les valvules sigmoïdes et s'écoule par les artères coronaires. A partir de ce moment, le cœur commence à battre, et cela pendant un temps qui est en rapport avec la quantit('' de liquide dont on dispose. ! La durée de nos expériences était généralement de quarante minutes. ( 216 ) .^ ni. Résultats obtenus. Nous avons pris sur le cœur se contractant de la sorte un grand nombre de tracés, au moyen du cardiographe à coquille de Marey et de la pince myocardiographique de Fredericq, tracés dont nous reproduisons quelques exemples. La figure 5 représente le tracé de la contraction ventri- culaire, pris au moyen du cardiographe relié à un tam- bour à leviei- inscrivant sur le cylindre enregistreur de Ludwig. FiG. 3. — Tracé de la contraction veiitriculaire du coeur de Chien extrait. — Circulation artificielle. — Cardiographe. Les figures i, 5, G leprésentent des tracés pris au moyen de la pince myocardiographique reliée à un tam- bour à levier inscrivant sur l'enregistreur de Hering. ( 217 ) La partie de la pince destinée à pénétrer dans le cœur est introduite dans le ventricule gauche par une ouver- ture pratiquée en sectionnant l'extrémité de l'auricule et est ensuite rattachée à l'autre partie de l'instrument, de telle façon qu'entre elles le muscle cardiaque soit modérément serré. FiG.'4, o, 6,— Tracés myocardiques. — Ventricule gauche. — Cœur de Chien extrait alimenté par une circulation artificielle. — Pince uiyocardiograi.hique. — Temps en secondes. ( 248 ) La figure 7 est encore un tracé pris avec la pince niyo- cardiographique et l'enregistreur de Ludwig. FiG. 7. — Tracé myocardique. — Ventricule gauche. — Cœur de Chien extrait alimenté par une circulation artificielle. — Pince myocardiographique. Comme le montrent les figures 3, 4, 5, 6, 7 et la ligne supérieure de la figure 8, les tracés de cœur de Chien excisé à cavités exsangues, mais convenablement nourri par une circulation artificielle de sang, pénétrant dans le système des artères coronaires, ne ressemblent pas aux tracés de secousse musculaire. On y voit toujours un plateau systolique plus ou moins ondulé, plus ou moins incliné. FiG. 8. — Ligne supérieure : tracé normal. — Ligne inférieure : tracé pris à la fin de l'expérience, après l'arrêt de la circulation. — Pince myocardiographique. Ce point bien établi, nous avons cherché dans quelles conditions il était possible d'obtenir des graphiques sim- ples à colline unique, semblables à ceux des figures i [ 2i9 ) et 2, empruntées à Marey. Nous avons constaté qu'il suffit de placer le cœur dans des conditions défavorables de nutrition, en arrêtant momentanément le renouvelle- ment du sang dans les artères coronaires (fermeture du tube d'arrivée du sang), pour voir les systoles changer de nature et les graphiques perdre leur plateau et se trans- former en tracés à colline unique. Dans nos expériences faites à ce sujet, nous empêchons le sang d'arriver au cœur en plaçant une pince sur le tube d'arrivée et nous notons le temps de l'occlusion. FiG. 9. — Tracé myocardique. - Cœur de Cliieii extrait — Circulation artificielle» — Pince mj'ocardiographiqiip. — (i secondes avant l'occlusion du tube d'arrivée du sang. FiG. <0. — Tracé myocardique. — Cœur de Chien extrait. — Circulaiion artificielle — Pioce myocardiographique. — 9 secondes après l'occlusion du tube d'arrivée du sang. ( 220 KiG. dl.— Tracé myocardique. — Cœur de Chien extrait. — Circulation artiticielle. — Pince myocardiographique. — 23 secondes api-t-s la réouverture du tube d'arrivée du sang. Quelques instants après, neuf secondes dans le premier exemple, vingt-cinq dans le second, on voit se produire la transformation du tracé à ondulations en tracé à une seule colline, laquelle devient de plus en plus petite à mesure qu'on s'éloigne du temps de l'occlusion, et finirait par se confondre avec l'horizontale au moment de l'arrêt dti cœur. Mais nous ne laissons pas aller les choses à ce point et nous enlevons la pince; le sang revient au cœur et, peu de temps après, le tracé redevient normal, c'est-à-dire présente des ondulations. Les figures 12, 15 et 14 reproduisent la même expé- rience, ainsi que les figures 15, 1(> et 17. Fie. itî. — Tracé myocardique, 10 secondes avant l'occlusion ' '" du tube d'arrivée du sang. ( 221 FiG. 13. — Tracé myocardique, 25 secondes après l'occlusion du tube d'arrivée du sang. FiG. 14. — Tracé myocardique, 11 secondes après la réouverture du tube d'arrivée du sang. 4- Z l 1 2-u:'<;s. FiG, ■15. — Tracé myocardique, au moment de l'occlusion du tube d'arrivée du sang, — 1 représente le moment de l'occlusion. — Pince myocardiogra- phique. 3°* SÉRIE, TOME XXXV. 15 ( 222 ) I\JVhJ\J 'S 17 18 19 FiG. -16. — Tracé myocarclique, 13 secondes après l'occlusion du tube d'arrivée du sang. Il 12 12 iif- W 16 2-11- FiG. 17. — Tracé myocardique, i I secondes après la réouverture du tube d'arrivée du san". 5i IV Conclusions. Nos expériences établissent que le myocardiogramme (lu ventricule du cœur de Chien excisé et fonctionnant à vide présente la même forme générale (trapézoïde à plateau plus ou moins ondulé) que le tracé cardiogra- phique recueilli sur le cœur in situ rempli de sang et fonctionnant normalement. La production de ces myocardiogrammes est indépen- dante de la présence de liquide dans les cavités du cœur. Quant aux myocardiogrammes simples (colline à un sommet semblable au\ tracés de secousse musculaire), ils correspondent à une altération du fonctionnement nor- mal du cœur. Institut de physiologie de l'Université de Liège • ( 223 ) Recherches sur l'acide phénoxacétique. (Troisième com- munication.) — Le phénoxacétate de phényle et ses combinaisons avec le brome; par le D"" A.-J.-J. Vande- velde, assistant à l'Université de Gand. L'action des halogènes sur les substances organiques a été l'objet de recherches très nombreuses, surtout dans la série aromatique, où elle a contribué entre autres à étayer la théorie de l'isomérie de position. Mais on ne s'est guère occupé jusqu'ici de la place que prennent les halogènes lorsqu'on les introduit dans une molécule aromatique renfermant des noyaux différents. Je n'ai trouvé dans la littérature que peu de réactions permettant d'établir une règle à ce sujet. Ainsi, je citerai les recher- ches de Stenhouse (*) et de K. List et H. Limpricht (**) sur l'action du chlore et du brome sur le benzoate de phényle. Ces chimistes, en traitant le benzoate de phényle par le chlore ou le brome, ont obtenu des dérivés mono-, bi- et trisubstitués qu'ils n'ont pu isoler à l'état pur, mais qui, par saponification par la potasse alcoo- lique, donnaient des phénols mono- et bichlorés, mono-, bi- et tribromés, et de l'acide benzoïque dont l'identité fut établie par son point de fusion et l'analyse du sel d'argent. (•) Lieb. A?in., 87, p. 162. (") Ueber das sogenannte Benzocoxyd iind einicje anderc gepaarle Verbindung. (Lieb. Ann., 90, p. 190, 18S4..) Le chlore et le brome agissent donc sur le benzoale de phényle en substituant l'hydrogène du côté phénolique de la molécule. Le benzoate de phényle CgHs — COOCfjHy renferme, en effet, deux noyaux différents, l'un C,;H.-; lié à du carbone et appartenant à l'acide, l'autre CoII-iO provenant du phénol jouant le rôle d'alcool. Les dérivés de substitution sont donc du type CgHg — COOCfjHiX, c'est-à-dire que la substitution se produit du côté alcoo- lique de la molécule. Une réaction du même genre a été décrite par Fr. Sin- tenis (*) ; le chlore et le brome, en agissant sur l'éther mixte du phénol et de l'alcool benzylique CeHs-CH.-O-CeH, donnent le phénol trichloré et tribromé (**) en même temps que du chlorure et du bromure de benzyle, scindant ainsi la molécule. Mais lorsqu'on a soin d'opérer en pré- sence de l'oxyde de mercure, on obtient par simple substitution dans le côté phénolique de la molécule, les composés CfiH, — en, — 0 — QU4CI et Cell» — CHi — 0 - CgH^Br. La formation de ces substances semble montrer que les halogènes, en agissant sur des combinaisons aromatiques dont les molécules renferment deux groupements de nature différente, élisent de préférence domicile dans le groupement phénolique, là où le phénol agit comme alcool. (*) Beitràge zur Kenntniss der Benzylàther. (Lieb. Ann., 161, p. 329, 1872.) 0 Loc. cit., p. 138. ( 225 ) J'ai voulu vérifier si ce fait se reproduisait chez d'au- tres substances du même genre. Je me suis adressé, à cet effet, à l'étlier pliénolique de l'acide phénoxacétique (I) (î) QH5O — Cil, — CO — OCJI5. Ce composé renferme un groupement pliénolique (1) qui est celui de l'acide phénoxacétique, et un groupement phénolique (î2) provenant du phénol qui, dans la prépa- ration de l'éther phénoxacétique, a joué le rôle d'un alcool. J'ai l'honneur de soumettre à l'appréciation de l'Aca- démie l'étude du phénoxacétate de phényle que j'ai pré- paré, ainsi que celle de sa bromuration. Il y a trois moyens de préparer les éthers phénoliques. On peut faire agir, d'après une méthode tout à fait géné- rale, le phénol bien sec sur le chlorure acide de l'acide dont on veut préparer l'éther. On peut aussi, selon la méthode de F. Rasinski {*), faire tomber goutte à goutte de l'oxychlorure de phosphore sur le mélange fondu du phénol et de l'acide employés en quantités équimolécu- laires. On peut enfin, comme l'indique L. Gatterman (**), avoir recours à l'action du phénol et du chlorure acide en présence de la soude. Je me suis servi des deux pre- mières méthodes dans la préparation de mes produits. (*) Ueber die Condensationsprodiikte aus Phenolen und Essigsàure und ïiber eine einfache Darstelluncjsmethode der Suuredther der Phenole. (Journ. F. prakt. Chem., 26, p. 53, 1882.) (**) Die Praxis des organischen Chemikers, p. 249. Leipzig, 1894. V 226 ) Chlorure de pfiénoxacétyle CglIjO — CHj - COCI. R. Anschiitz et W. Berns {*) ont obtenu le chlorure de phénylacétyle CeHs — en , — COCI en faisant agir le pentachlorure de phosphore sur l'acide a toluique en dissolution dans le chloroforme; il ne s'est pas formé de dérivé chloré substitué dans le chaînon ben- zolique. D'autre part, A. Michaël (**), en chauffant l'acide phénoxacétique avec un excès (5 molécules) de pentachlo- rure de phosphore, a obtenu un chlorure acide C.IIoO — (Cl, - COCI, dans lequel la substitution ne se fait que dans le chaînon aliphatique. Je n'avais donc pas à craindre que le penta- chlorure de phosphore produisît un dérivé chloré dans le chaînon CgH-O de l'acide phénoxacétique. J'ai mis en œuvre des quantités équivalentes d'acide phénoxacétique bien sec et de pentachlorure de phos- phore, 100 grammes d'acide et 14,^) grammes de chlo- rure; en chauffant légèrement, il se produit la réaction assez vive habituelle, en même temps que toute la masse prend une couleur très foncée. Quand on distille à pres- (•) Beitràge lur Kennlniss der Phenylessigsdure und des Desoxy- benzoïns. (Chem. Ber., 20, p. 1389, 1887.) (*') Das Verhalten von Essigsâure und einigen Derivaten derselben gegcn Fùnffach-Chlorphosphor. (Journ. f. prakt. Chem., 35, p. 95, 1887.) ( 227 ) sion ordinaire, on sépare d'abord de l'oxychlorure de phosphore, puis environ 50 grammes d'un produit légè- rement jaunâtre, bouillant entre 210" et 230% et le reste se résinifie fortement, avec production abondante de gaz chlorhydrique. Si, au contraire, on opère dans le vide, il se forme, il est vrai, une quantité de résine assez considé- rable, mais le rendement du produit est double; la distil- lation a lieu vers 160^'-170'^' sous une pression de 60 milli- mètres. Une fois séparé des matières résineuses, le chlorure obtenu peut être facilement rectifié à pression ordinaire, sans décomposition bien forte; après plusieurs rectifica- tions, le liquide distille à 225''-226", et à 165° sous un vide de 60 millimètres. II a bien les propriétés d'un chlo- rure acide; c'est un liquide incolore, fumant à l'air en dégageant des vapeurs d'acide chlorhydrique et donnant, après une vive réaction au sein de l'eau, de l'acide phé- noxacétique fondant à 96°. Un dosage de chlore par la méthode à la chaux a fourni le résultat suivant : OB'-, 1680 de substance clonncnl 0eM437AgCl d'où Cl = 0,0555, soil 21,13 "A. Calculé pour CbIIsO -CH, — ceci (170,5) Cl =20,82 »/„ Phénoxacélale de phényle CeHsO — CIL — COUCfilI,. On obtient ce produit par l'action du phénol sur le chlorure de phénoxacétyle, en s'aidant d'une douce cha- leur; quand l'acide chlorhydrique a cessé de se dégager, ( 228 ) il reste dans le ballon on l'opération a été effectuée une masse semi-liquide; celle-ci est agitée avec de la soude caustique moyennement concentrée, qui dissout l'acide phénoxacétique et le phénol sans attaquer le phénoxacé- tate de phényle. Après plusieurs lavages à l'eau, extrac- tion par l'éther, dessiccation sur du chlorure de calcium fondu et évaporation du dissolvant, il reste une substance qui refuse de cristalliser, mais qu'on peut facilement sou- mettre à la distillation. Après trois rectifications, le phé- noxacétate de phényle distille pur à 520*'-525° à pression ordinaire, en se résinifiant partiellement, et à 256" sous un vide de 73 millimètres; il cristallise bientôt en une masse butyreuse que la recristallisation du chloroforme permet d'obtenir à l'état d'une poudre cristalline. Dans des préparations ultérieures, j'ai donné la préfé- rence à la méthode employée par Rasinski (*), en mettant en œuvre un mélange préalablement fondu de 1. "50 gram- mes d'acide phénoxacétique pur et de 80 grammes de phénol bien sec sur lequel j'ai fait couler goutte à goutte, par un entonnoir à robinet, 2G0 grammes d'oxychlorure de phosphore; après réaction, la masse entière, refroidie et semi-liquide, est versée dans l'eau pour décomposer l'excès d'oxychlorure de phosphore, puis traitée comme précédemment par la soude, l'eau, l'éther, distillée et cristallisée du chloroforme. Le rendement dans la première méthode a été de 60 grammes pour 120 grammes d'acide employé; dans la deuxième, qui ne nécessite pas la préparation intermé- (') Lcc. cit. ( 229 ) diaire du chlorure acide, le rendement a été de 65 gram- mes pour 15U grammes d'acide. Le phénoxacétate de phényle se présente sous la forme d'une poudre cristalline. Il est soluble dans le chloro- forme, le benzol et en général dans les dissolvants orga- niques; il est plus soluble à chaud qu'à froid, ce qui per- met de le faire cristalliser rapidement. Le chloroforme est le dissolvant qui se prête le mieux à sa purification; les autres dissolvants et surtout l'éther en dissolvent de trop fortes quantités, et la cristallisation ne peut s'effec- tuer qu'aux dépens d'un liquide très chargé et même siru- peux. Le dosage du carbone et de l'hydrogène par combus- tion a conduit aux chiffres suivants : 06%i047 de substance donnent Oe^SS^O CO» et n8%0505H,O d'où C==0g%0769, soit 75,45»/, H = 0«%0050, soit 5,55 "/o Calculé pour QHsO - CH, — COOQIIs(2-28) C = 75,6» »/„ H= 5,22 7» Le phénoxacétate de phényle n'est pas attaqué à froid par la soude, même concentrée ; la saponification se fait au contraire très rapidement à l'ébullition. Tout se dis- sout, et lorsque, après refroidissement, on ajoute de l'acide chlorhydrique, on obtient un précipité cristallin dont le point de fusion (96") est celui de l'acide phénoxacétique. La phénylhydrazine réagit violemment sur le phénoxa- cétate de phényle quand on opère à chaud en l'absence de tout dissolvant. En présence d'alcool, la réaction se produit très facilement, et après refroidissement, le ( 230 ) liquide abandonne des cristaux blancs qu'on peut purifier par cristallisation de l'alcool chaud. Ces cristaux fondent à I8(> et sont constitués par la phénoxacétylphénylhy- drazide que j'ai décrite dans un travail précédent (*). Le j)hénoxacétate de phényle réagit avec le brome en solution dans le sulfure de carbone, le chloroforme ou le tétrachlorure de carbone, en dégageant de l'acide bromhydrique. .le reviendrai sur cette réaction à la fin de ma communication. Je ferai cependant remarquer ici que le brome, en agissant par une molécule sur une molécule de phénoxacétate de phényle, doit donner l'un des deux isomères suivants : Le phénoxacétate de bromoohénvle CgHsC) — en, — COOC.H.Br et le bromophénoxacétate de phényie CfiH^BiO — Cllî — COOCllj. Afin d'identifier le produit obtenu dans la bromuration du phénoxacétate de phényle, j'ai préparé directement les deux isomères bromes en me servant de l'acide bro- mophénoxacétique et du bromophénol. Je me suis tou- jours adressé aux dérivés en para, espérant obtenir dans la bromuration directe aussi un dérivé en para, comme c'est le cas général ; je ne me suis pas occupé des dérivés en ortho qui prennent certainement naissance en même temps, mais en faible quantité, et qui passent dans les eaux mères de cristallisation. (') Recherches sur l'élher phénoxacétique. — Son action sur l'élher chloracétiqiie. (BuM,. de l'Acad. rov. de Belgique, 3' sér., t. XXXII, no 8, pp. 302-315, 1896.) ( 231 ) Phénoxacétate de parabromophényle Cf,H,0 — CH, — COOC6H4Br(1-4). Le phénoxacétate de parabromophényle a été préparé en faisant réagir molécule à molécule le parabromophé- nol sur le chlorure de phénoxacétyle. Après lui avoir fait subir les mêmes manipulations de lavage et de cristalli- sation que celles que j'ai décrites plus haut à propos du phénoxacétate de phényle, j'ai obtenu un produit blanc cristallin, fondant à 98". Il est soluble dans les dissol- vants organiques, insoluble dans l'eau. Le chloroforme se prête très bien à sa purification par cristallisation. Un dosage du brome par la méthode à la chaux a donné le résultat suivant : OsMDOO (k- subslanci; donnent (îs'-J^lOAi^Br d'où Br = Oe%031 9, soit 26,08 -/„ Calculé pour Q,H,,O-CH,-COOCen,Bi-(307) Br--26,06 '/„ Le phénoxacétate de parabromophényle est décomposé par la soude bouillante en phénoxacétate et bromophé- nate de sodium. L'addition d'acide chlorhydrique pro- voque la précipitation d'acide phénoxacétique fondant à DG" après cristallisation de l'eau, et met en même temps en liberté le bromophénol, bien reconnaissable à son odeur. La phénylhydrazine réagit sur cet éther phénolique en solution alcoolique: il se produit la phénoxacétylphényl- hydrazide, soluble à chaud dans l'alcool et recristalli- sant par refroidissement, fondant à 149,5) Cl = 1 4,23 "/o Br = 32,07 7„ Parabromophénoxacétate de phényle (1-4) CelUBiO — CII2 — COOC^Hs. Cette substance ne se produit que très difficilement par l'action du phénol sec sur le chlorure acide correspon- dant. Le plus souvent, toute la masse entre violemment en réaction et il se produit une résine; en même temps s'échappent des torrents d'acides chlorhydrique etbromhy- drique. J'ai dû par conséquent recourir à la réaction de l'oxychlorure de phosphore sur le mélange d'acide bromophénoxacétique et de phénol. Après lavage à la soude caustique et à l'eau, et dessiccation dans l'éther sur du chlorure de calcium, l'évaporation du dissolvant abandonne des cristaux jaunâtres devenant blancs par des cristallisations répétées de l'alcool. Le dosage des halogènes par la méthode à la chaux a fourni le résultat suivant : Og^^eSO de substance ont donné Oe^l628 AgBr, d'où Br = 0s^0693, soit 26,45 7„ Calculé pour CcH^BrO — CH,— COOC6H5(507) Br = 26,06 "/o ( 254 ) Le bromophénoxacétate de phényle est insoluble dans l'eau, soluble dans les dissolvants organiques; l'alcool, dans lequel il est très soluble à chaud, est son meilleur véhicule de purification. Les cristaux fondent à 73°, l'isomère, le phénoxacétate de parabromophényle, fondant à 98". La soude bouillante produit une rapide saponification ; après addition d'acide chlorhydrique, le précipité qui s'est produit est recristallisé de l'eau bouillante; c'est de l'acide phénoxacétique fondant à 155°. La phénylhydrazine réagit en solution alcoolique sur cet éther phénolique pour donner naissance à l'bydrazide correspondante. Parabroniophmoxacétyle-plié)iylfiijdrazide (1-4) QlIiBiO _ en, — CO — NH — NtiC.U,. Une solution alcoolique de bromophénoxacétate de phényle est chauffée au bain-marie et additionnée de phénylhydrazine. Après refroidissement, il se dépose des cristaux orangés, mais qui deviennent blancs après une série de cristallisations de l'alcool bouillant. Après avoir été desséchés dans le vide, ces cristaux fondent à i 74° et sont constitués par la bromophénoxacétyle-phénylhydra- zide, comme le montre le dosage suivant du brome par la méthode à la chaux : 0e^ O"* SÉRIE, TOME XXXV. jg ( 238 ) CliASSE DES LETTRES. Séance du 7 février ^898. M. F. Vander Haeghen, directeur. M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Ém. Banning, vice-directeur; Alph. Wauters, P. Willems, S. Bormans, Ch. Piot, Ch. Potvin, T.-J. Lamy, Ch. Locjnians, G. Tiberghien, L. Vanderkindere, le comte Goblet d'Alviella, Ad. Prins, A. Giron, le baron J. de Chestret de Haneile, Paul Fredericq, God. Kurth, Ch. Mesdach de ter Kiele, H. Denis, Georges Monchamp, P. Thomas, Ern. Dis- cailles, membres; Alph. Rivier, J.-C. Vollgrair, associés; V. Brants et Ch. De Smedt, correspondants. M. J. Leclercq écrit pour motiver son absence. CORRESPONDANCE. La Classe prend notification du décès de l'un de ses asso- ciés, Charles-Adolplie (Constantin, chevalier von llôfler, ancien professeur à l'Université de Prague, membre de ( -251) ) la Chambre autrichienne des seigneurs, né à Memmingen (Bavière), le 27 mars 1811, mort à Prague le 30 décem- bre 1897. — M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique envoie cinq exemplaires du rapport du jury du concours de littérature dramatique en langue française, pour la période 1894-1896. — Remerciements. — Hommages d'ouvrages : 1° Religiôes (la Lusitania na parte que principalmente se réfère a Portugal ; par J. Leite de Vasconcellos, t. P"^; (pré- senté par M. le comte Goblet d'Alviella, avec une note); 2° Manifestation jubilaire en l'honneur de M. Guillaume Tiberghien, professeur de philosophie à l'Université libre, 1846-1897 [o décembre 1897) (offert par M. G. Tiber- ghien) ; 5° Leçons inaugurales des cours qui constituent rensei- gnement spécial des sciences politiques et socicdes à l'Univer- sité de Bruxelles (premier semestre de l'année 1897- 1898) (présenté par M. Prins, avec une note); 4° Topographie de Delphes; par Th. Homolle, associé, à Athènes ; 5" Critica religiosa e filosofica, vol. I et II ; par V. di Giovanni, associé, à Palerme ; 6" Rapports sur l'état des prisons et sur l'administration de la justice en Suéde, en 1896 ; par C. d'Olivecrona, associé, à Stockholm; 7° La y'uit, poésies; par Iwan (lilkin (présenté par M. le chevalier Marchai, avec une note) ; 8° La Cithare, poésies; par Valère Gille (présenté par M. Discailles, avec une note); ( 24-0 ) 9° La lamine et la mélrique d'Hérodas; par Siniéon Olschewsky ; 10" Prérogatives du vicomte d'Alost {'1430). — Manu- factures établies à Tervueren par Charles de Lorraine et industries créées ou soutenues en Belgique par le gouverne- ment autrichien. — Histoire d'une manufacture de batiste à Nivelles, au XVIIP siècle ; trois brochures de M. Georges Cumont, avec le Souvenir de la manifestation de sympa- thie faite le 20 octobre 1897 en l'honneur de M. Georges Cumont; par J.-Th. de Raadt. — Remerciements. Les notes de MM. le comte Goblet d'Alviella, Prins, le chevalier Edm. Marchai et Uiscailles figurent ci-après. NOTES BIBLIOGRAPmQUES. J'ai l'honneur de présenter à l'Académie les Religiôes da Lusitania na parte que principcdmente se réfère a Portugal, par M. J. Leite de Vasconcellos, professeur à la Biblio- thèque nationale de Lisbonne et directeur du Musée ethnographique portugais, tome ^"^ (Lisbonne, 1897, 1 vol. in-4'' de 440 pages). L'accumulation des matériaux et la complexité crois- sante des études biérographiques amènent de plus en plus les savants qui s'occupent d'histoire religieuse à se can- tonner dans un département spécial de leur vaste domaine, à moins qu'ils ne s'attachent à résumer d'une façon géné- rale la synthèse de l'évolution religieuse dans l'ensemble de l'humanité. M. de Vasconcellos a pris entre ces deux partis une position intermédiaire. Il a entrepris de décrire dans sa totalité l'histoire religieuse d'un pays déterminé ( m ) — le sien — depuis les origines jus<|u'à nos jours, et si les connaissances étendues, ainsi que l'esprit méthodique dont il fait preuve dans ce premier volume exclusivement consacré aux temps préhistoriques, se maintiennent jusqu'au bout dans les parties suivantes de l'ouvrage, on peut prédire que l'auteur aura achevé une œuvre monu- mentale, sur un plan, en quelque sorte, sans précédents. En parcourant les pages de ce volume, on est immédia- tement frappé de deux faits : l'un, c'est l'abondance des vestiges que le Portugal a gardés de l'âge préhistorique; l'autre, c'est leur ressemblance avec ceux qu'on rencontre dans le reste de l'Europe et notamment dans notre propre pays. Silex taillés et silex polis, objets en os, coquilles ouvragées, poteries, kjoekkenmoedings, cistes, dolmens, menhirs, urnes funéraires et autres produits des nécropoles à incinération, etc., présentent non seulement les mêmes formes et révèlent les mêmes usages, mais encore offrent les mêmes rapports de succession que dans le nord et le centre de l'Europe, depuis l'âge paléolithique jusqu'à celui du bronze et du fer. L'auteur, toutefois, s'est borné à décrire les objets qui lui paraissent avoir comporté une signitication religieuse, objets en forme de croissant, dents et coquilles avec trous de suspension, crânes trépanés, offrandes aux morts, parois trouées de dolmens, pierres à écuelles, représentations figurées, etc., dont il s'efforce de reconstituer l'usage ou le sens, à l'aide d'ingénieuses hypothèses, basées sur les constatations générales de l'archéologie préhistorique. L'ouvrage, édité avec soin par l'Imprimerie nationale de Lisbonne, est abondamment illustré de gravures et de planches. Comte Goblet d'Alviella. ( 242 ) J'ai l'honneur d'offrir à la Classe des lettres un exem- plaire du volume contenant, pour le premier semestre de l'année académique de 1897-1 898, les leçons inaugurales des cours qui constituent l'enseignement spécial des sciences politiques et sociales à l'Université de Bruxelles. Cette publication, en tête de laquelle ligure le discours rectoral de M. le comte Goblet d'Alviella sur le devoir social des générations nouvelles, comprend la leçon d'ouverture du cours de M. Louis Wodon, sur le régime du travail en législation comparée ; celle de Paul Errera sur le droit constitutionnel comparé; celles de M. F.Cat- tier sur le régime colonial et la législation du Congo; de M. E. WaxAveiler sur l'économie politique et tinancière, et enfin la leçon de M. Paul Hymans sur l'histoire parle- mentaire et législative comparée. On trouvera également à la fin du volume le programme complet de l'enseigne- ment donné et la division des licences. Coordonner dans un ensemble organique les matières qui, tout en ne figurant pas au programme ofiiciel des examens pour la collation des grades académiques, sont cependant indispensables de nos jours à l'éducation de la jeunesse, fournir à cette jeunesse d'une façon objective et impartiale les éléments des graves questions qui s'im- posent à nous, et lui permettre ainsi de mieux com- prendre l'époque où elle vit et de mieux servir sa patrie, est une idée acceptée par tous et dont les autres univer- sités du pays poursuivent également l'application. L'intérêt du volume que je soumets à la bienveillante attention de la Classe réside dans la juxtaposition de ces sujets si divers en apparence et qui ont toutefois un caractère commun : c'est de répondre aux grandes préoc- cupations morales du moment; les leçons données envi- ( :243 ) sagent en effet surtout les aspects essentiels des trois problèmes qui dominent la fin du siècle : la politique coloniale, la politique économique et sociale, la crise du régime parlementaire; elles nous montrent l'Europe à un tournant de son histoire, et comme à toutes les étapes intéressantes de l'humanité, nous voyons se dérouler sous nos yeux des faits dont nous percevons parfois les causes, mais dont nous devinons rarement les résultats ; nous voyons aux prises le cœur et la raison, l'instinct collectif et l'intelligence individuelle, l'esprit de justice et l'esprit d'autorité, et nous comprenons chaque jour davantage que si la force peut donner aux dithcultés présentes une solu- tion soudaine et improvisée, la science seule peut leur donner une solution organique et durable. Tout progrès dans la condition des hommes est venu de la science, et c'est pourquoi l'enseignement des sciences sociales a pris partout une importance si consi- dérable. Les ignorants seuls s'imaginent que l'on peut transporter l'absolu dans le monde réel. Les savants seuls ont la notion de ce que coûte de labeurs, de souffrances et de peines chaque pas en avant fait par notre pauvre humanité. Le mérite de l'enseignement des sciences sociales en général et en particulier de celui dont le volume en ques- tion offre quelques-uns des éléments, c'est de fournir un aliment substantiel aux aspirations de la jeunesse contem- poraine et de l'empêcher de se perdre dans des songes décevants. Aujourd'hui plus que jamais il importe en politique de ne pas concevoir un idéal détaché des nécessités de la vie ou une société qui méconnaîtrait les rapports tradition- nels entre les hommes et les éléments irréductibles de tout État organisé. ( 244 ) Aujourd'hui plus que jamais, c'est le droit et le devoir de chacun de rêver une humanité meilleure, de travailler à l'obtenir et d'atïirmer en même temps, avec Albert Sorel, que le bienfait des idées sociales est en proportion de ce qu'elles contiennent de réalité humaine. C'est à ce titre que l'œuvre de l'enseignement social est une œuvre salutaire de progrès et de conservation et que les modestes efforts dont témoigne ce volume ont leur utilité et leur intérêt. A. Prins. Iwan Gilkin, au nom de qui j'offre à la Classe des lettres la première partie d'une trilogie poétique, n'est pas un nouveau venu pour l'Académie. J'ai déjà présenté en son nom, dans la séance du 3 février 1896, sa bro- chure : Quinze années de littérature. Comme on le sait, Gilkin fut un des fondateurs et l'un des directeurs de cette vaillante Jeune Belgique, laquelle vient de cesser de paraître après plus de dix-huit années de bon combat, pour relever et pour soutenir parmi nous le culte de cette belle poésie française qui a conquis le monde entier par sa suprême élégance de formes et par son admirable clarté. La Nuit — tel est le titre de ce volume — est le début d'une « Collection d'œuvres de poètes français et étran- gers » à la France, dont Georges Barrai, de Paris, vient d'entreprendre la publication. Et ce début est heureux, car Iwan Gilkin est incontestablement déjà l'un de ces jeunes maîtres du Parnasse français, parmi lesquels nous comptons tant de frères par la nationalité. I.es deux autres parties de son œuvre, L'Aube et La Lumière, paraîtront bientôt. ( Ud ) Que les craintes que notre jenne compatriote exprime dans l'Avertissement de son volume s'évajiouissent ainsi que l'ombre projetée par le nuage qui passe. S'il a tenté, comme il nous le dit, d'accomplir à son tour, sur un plan lyrique, le sublime pèlerinage de l'Enfer, du Pur- gatoire et du Paradis, cette lumineuse route qui n'appar- tient qu'à Dante, il n'a pas trop mal réussi. Qu'il se ras- sure donc : ses vers ont un éclat et une sûreté de facture qui vaudront à l'auteur les sympathies de ceux qui applau- dissent aux efforts tentés pour continuer à propager en Belgique le goût de la poésie française. Le Chevalier Edm. Marchal. Au nom de M, Valère Gille, j'ai l'honneur de faire hommage à la Classe d'un volume de poésies intitulé : La Cithare. L'auteur de la Cithare s'est inspiré de l'antiquité hellé- nique. Dans son voyage au foyer de la Beauté, il en évoque les souvenirs avec une grande intensité de vie et un senti- ment profond de la nature. M. Gille vise toujours — et il y réussit souvent — à faire correspondre le paysage avec les personnages qu'il prend dans l'histoire ou dans la mythologie, dans le monde des dieux comme dans celui des philosophes et des poètes, des guerriers et des artistes. Ses vers sont de belle allure ; le rythme en est franc et net, la rime riche et sonore. Parmi les Belges qui se servent de la langue française pour « donner un vêtement de beauté à leur pensée », ( UiS ) il en est dont les préférences vont à ce que l'on a appelé la lilléralure ulilitaire, la poésie servante. L'auteur de la Cithare n'est pas de celte école. Il estime {Avis au public) qu'il vaut mieux placer au- dessus des préoccupations politiques et des controverses sociales le principe de l'art pour l'art, le culte de la forme pure et sereine. C'est l'avis de quelques autres poètes belges, dont la réputation a déjà dépassé nos frontières. Et comme c'est le nôtre également, nous leur souhai- tons, à eux comme à M. \alère Gille, de trouver en Bel- gique autant de lecteurs qu'ils en ont à l'étranger. Ernest Discailles. ELECTIONS. La Classe procède à l'élection du comité de trois mem- bres chargé, conjointement avec le bureau (article 12 du règlement) de former la liste des présentations pour les places vacantes. Sont élus : MM. Wauters, Stecher et Tiberghien. RAPPORTS. 11 est donné lecture des rapports de MM. Vanderkiii- dere, le comte Goblet d'Alviella et P. Willems, sur la iMjende de Deucalion, par M. Gittée. La Classe se prononcera ultérieurement sur les conclu- sions de ces rapports. ( U7 ) Recherches sur la tradition manuscrite des lettres de l'empereur Julien; par MM. J. Bidez et Fr. Cumont. ttap/iot't de m. M*, t'hontat, fit'entift' rointni»tnii-«, ce La correspondance de l'empereur Julien, dont il ne nous est malheureusement parvenu qu'une faible partie, est un des monuments historiques et littéraires les plus intéressants que nous ait légués l'antiquité. Il en a paru plusieurs éditions dans notre siècle, mais aucune, pas même la plus récente, celle de Hertlein, ne répond aux exigences de la science moderne. Constituer le texte des lettres de Julien est, à vrai dire, une tâche singulièrement difficile. Ces lettres sont dispersées dans une foule de manuscrits de nature fort différente : ici, un recueil assez étendu; là, de maigres extraits; telle épitre n'est conservée que dans un seul exemplaire, etc. Ajoutons qu'il s'est glissé dans nos collections des pièces apo- cryphes, que la disposition primitive a été bouleversée par les compilateurs et les scribes byzantins, que nombre de letti'es ont été tronquées, que la plupart de nos manu- scrits sont récents et fautifs, et que chaque morceau a pour ainsi dire sa tradition spéciale. MM. Bidez et Cumont, dans le mémoire soumis au jugement de l'Académie, ont essayé de débrouiller ce chaos. Le succès a couronné leurs elforts : s'ils ont dû renoncer à dissiper certaines obscurités, ils ont réussi à faire la lumière sur les points essentiels et à résoudre, autant que l'état des sources le permet, les problèmes délicats que soulève l'étude critique des lettres de Julien, Leur premier soin a été naturellement d'amasser le plus de matériaux possible. A cet effet, ils ont fait ou fait ( 548 ) faire des recherches dans toutes les grandes bihiiothèques de l'Europe, à Chalcé et à Palmos, et ils ont ainsi réuni peu à peu les collations exactes de quarante manuscrits, dont plusieurs, et des plus importants, étaient restés inconnus jusque-là, comme VAmhrosianus L 75 sup. et le Paliiiiacus 70G, ou n'avaient pas été sutlisaniment exploités, comme le Baroccianus 219. Une fois en possession de ces documents, ils se sont appliqués à les classer. C'est à eux que revient l'honneur d'avoir, les premiers, dressé le tableau généalogique des copies que nous possédons des lettres de Julien, opération extrêmement laborieuse, mais indispensable, et que les éditeurs ont trop longtemps négligée. De la masse des manuscrits existants, vingt-six ont été retenus comme pouvant servir à l'établissement du texte. Ces vingt-six manuscrits ont été répartis en trois classes, qui comprennent chacune plusieurs l'amilles. .le ne puis songer à résumer ici cette partie du travail de MM, Bidez et Cumont, mais je me crois autorisé à dire, après une lecture attentive, que le classement qu'ils proposent est fait selon toutes les règles de l'art et que leurs démonstra- tions, fondées sur une comparaison minutieuse des leçons et sur une analyse ap[Mofondie de la nature el du coiiteim des manuscrits, ne laissent guère de place à la contro- verse. Qu'il me soit permis de signaler quelques-uns des résultats auxquels ils sont arrivés : i" Des copies sans valeur, dont Hertiein avait cru devoir donner les variantes, par exemple le Ihiladnns 154 et V Otlohonianus 90, ont été du coup éliminées. L'usage qu'on peut faire du Parisinm !29(>i, apographe du Vos- sianus, a été nettement déterminé : les auteurs du mé- moire ont découvert que la seconde main du Parisinus a ( "249 ) tout simplement complété ce manuscrit d'après l'édition de Martinius (Paris, loOG). 2" MM. Bidez et Cumont ont restitué avec beaucoup d'habileté et de sagacité les séries de lettres que présen- taient les archétypes des différentes familles de manu- scrits. Ils montrent que l'ordre suivi dans les éditions n'est qu'un effroyable désordre et qu'il est possible de rétablir quelque liaison dans certaines parties de la correspon- dance de Julien. Ainsi ils prouvent à l'évidence que les lettres 74 et 14 n'en font qu'une et se rattachent à la lettre 3. Ils donnent comme spécimen d'une édition critique le texte de la correspondance de Julien avec Libanius, à laquelle ces lettres appartiennent. 3° Grâce à leur classement des manuscrits, on voit quels morceaux n'ont en faveur de leur authenticité que des témoignages peu nombreux et peu probants. Les lettres 64 et 65, reproduites dans la famille de VAmbro- siamis B 4 sup. seulement, sont de simples mots histo- riques, extraits de quelque compilation. La lettre 36 est un fragment qui a passé du dictionnaire de Suidas dans une famille de manuscrits, etc. 4" Bon nombre de lettres étaient données dans la vulgate avec des titres faux : l'examen des manuscrits a permis de rétablir le nom du destinataire. Ainsi l'adresse de la lettre 36 est une adresse de fantaisie ; il faut y substi- tuer celle qui est donnée par Suidas, au mot s-lo-toAti. En tète de la lettre 37, on doit lire 'IpLepîto au lieu de 'A[jiepîw. La lettre 39 est adressée à Eustathe et non à Maxime ; la lettre 42, à Priscus et non à Libanius ; la lettre 48, à Plutarque et non à Zenon. Le titre de la lettre 59 est xa-à NeiXoj, et non Aiovucrico. La lettre 72 est une lettre d'Eustathe à Julien, et non de Julien à Eustathe, etc. ( TM ) 5" La tradition manuscrite étant désormais fixée et chaque copie utilisable mise à son rang, il sera facile, dans un grand nombre de cas, de remonter à la leçon primitive. ()" Les longues et patientes investigations de MM. Bidez et Cumont nous mettent à même d'entrevoir comment s'est formé le recueil des lettres de Julien. Il est vraisem- blable qu'aussitôt après la mort de l'empereur, Libanius et les autres sophistes avec qui il avait été en relations, firent paraître les lettres qu'ils avaient reçues de lui et celles qu'ils lui avaient adressées; que de bonne heure un chrétien d'Alexandrie publia les documents olliciels où Julien manifestait son hostilité contre le christianisme, et que, vers le milieu du V« siècle, ces publications par- tielles furent fondues dans une collection d'une étendue considérable. Cette collection serait, sinon l'unique, du moins la principale source où ont puisé les copistes byzantins. Ceux-ci en ont troublé la disposition primitive en obéissant à deux tendances difierentes : les uns, vou- lant réunir les œuvres complètes de Julien, ont séparé ses lettres de celles de ses correspondants; les autres, et ce sont les plus nombreux, se sont attachés à extraire du grand recueil des modèles de style épistolaire. Après avoir classé les manuscrits, M.NL Bidez et Cumont passent en revue les éditions des lettres de Julien. Ce chapitre est des plus instructifs. Il nous édifie sur l'arbi- traire inoui avec lequel a procédé le premier éditeur, Marc Musurus, et sur les défectuosités de la vulgate. La recherche des sources de l'édition princeps aboutit à des conclusions intéressantes. Dans un premier appendice, MM. Bidez et Cumont publient un fragment inédit de Julien qui se trouve dans un extrait d'Aréthas de Césarée. Le manuscrit (jui con- ( 251 ) tient cet extrait appartient à la bibliothèque synodale de Moscou (1). Le fragment de Julien est tiré probablement du deuxième livre de son Discours contre les chrétiens. Un second appendice est consacré à l'exposé d'une curieuse hypothèse : d'après les auteurs du mémoire, le discours du roi Abenner à son fils, dans le roman de Bar- laam et de Joasaph, serait, en partie, la reproduction plus ou moins fidèle de quelque épître adressée par Julien à un ami qu'il espérait ramener au paganisme. L'hypothèse est ingénieuse sans doute, mais assez fragile. Des tables très soignées terminent le mémoire. La première indique les séries de lettres contenues dans chaque manuscrit ; la seconde, la répartition des séries entre les différentes classes de manuscrits; la troisième est un index des manuscrits, et la quatrième, une liste des copistes et des possesseurs de manuscrits, ainsi que des hellénistes de la Renaissance, cités dans l'ouvrage. Les recherches de MM. Bidez et Cumonl témoignent d'une érudition scrupuleuse, d'une excellente méthode et d'une rare perspicacité. Elles renouvellent entière- ment la critique des lettres de Julien et fournissent une base solide aux études ultérieures dont ces lettres seront l'objet. J'estime qu'elles sont tout à fait dignes de ligurer dans les Mémoires de l'Académie. » Happot't tte in . J .-C. l'otlgfaff, rfeMjr»ê»Mf coiinniauitiftf. « C'est avec bien de la satisfaction que j'ai pris con- naissance de l'important travail soumis à notre apprécia- tion. L'étude de MM. Bidez et Cumont sur la tradition (Ij Une page photographiée de ce manuscrit est jointe au mémoire. ( 25-2 y manuscrite des lettres de l'empereur Julien mérite certai- nement une place dans les Mémoires de l'Académie royale. Grâce à de longues recherches dans un grand nombre de bibliothèques (même à Patmos et à Chalcé) et à des collations minutieuses d'une (juarantaine de manuscrits qu ils ont été les premiers à classer, MM. Bidez et Cumont ont réussi à réunir tous les matériaux nécessaires pour une nouvelle édition critique. En effet, plusieurs de ces documents étaient restés entièrement inconnus au der- nier éditeur, Hertlein. Mon attention a été tout particulièrement attirée par la façon scrupuleuse dont les auteurs complètent, en ce qui concerne les épîtres, la description du célèbre Codex bombycinus Vossianus n° 77, telle qu'elle est donnée par Hertlein. Ayant consacré autrefois à Leyde bien des heures à l'examen de ce précieux archétype, le plus important manuscrit de Julien qui existe, j'ai été à même de contrôler en quelque sorte les données de MM. Bidez et Cumont, et je me plais à rendre hommage à leur zèle et à la sûreté de leur méthode. Je me rallie volontiers aux conclusions du premier commissaire, mon savant confrère M. Thomas. » HaitfiOfl (i2p.). — Manufactures établies à Tervueren par Charles de Lorraine et industries créées ou soutenues en Belgique par ( 2S$6 ) le Gouvernement autrichien. Bruxelles, 1898; extr. in-8*> (23 p.). Cumont [Georges). Prérogatives du vicomte d'AIost (4430). Termonde, 1898; cxtr. in-8° (11 p.) De Raadt (J.-Tfi.). Souvenir de la manifestation de sym- pathie faite le 26 octobre 1897 en l'honneur de M. Georges Cumont. Bruxelles, 1897; in-8° (12 p.). Gille iValère). La Cithare. Paris, 1897; vol. in-18 (215 p.). Gilkin [huan). La Nuit. Poésies. Paris, 1897 ; in-18 (262 p.). Vincent [J.). Nos oiseaux. Bruxelles, 1898; petit in-8'' (21S p., vignettes). Lyon (Clément). Le poète François Coppée, membre de l'Académie française. Charleroi, 1897; extr. in-8'* (40 p.). Bequet [Alfred). Cimetière franc de Pry (Namur), o«-7* siè- cles. Essai historique. Namur, 1897; extr. in 8° (28 p. et 2 pi.). Olschewsky (Siméon). La langue et la métrique d'Hérodas. Bruxelles, 1897 ; in-S" (84 p.). Félix [Jules). Note sur l'action antiseptique et thérapeu- tique des silicates alcalins et des eaux minérales naturelhîs silicatées, suivie de quelques recherches sur la valeur anti- septique du silicate de soude, par P. Coremans Bruxelles, 1897; in-8'>(19 p.)- — Discours prononcé au Congrès d'hygiène. Bruxelles, 1897; extr. in-S" (7 p.V Carte géologique internationale de l'Europe, 49 feuilles à l'échelle de 1 : 1,500,000, 2« livraison, feuilles AV, AVI, BV, BVI, CVI. Berlin, 1896 ; in-plano. Bruxkllks. Observatoire royal de Belgique. Annuaire, 1898. In-16. Université libre. Enseignement des sciences politiques et sociales. Année académique 1897-1898. LouvAiN. Université catholique. Annuaire, 1898. In-16. ( 257 ) Allemagne et Autriche-Hongrie. Berlin. Archaeologische Gesellschaft. 57. Programm. Ueber Copien einer Frauenstatue aus der Zeit des Phidias. 1897; in-4". Cassel. Verein fur Naturkimde. Abhandliingen und Bericht : 42. 1896-97. Presbourg. Verein fur Heil- und Naturkunde. Verhandlun- gen, IX. Heft. 1897. Vienne. Geographische Gesellschaft. iMittheilurigen, 1897. Amérique. Langley {S. -P.). Meinoir of George Brown Goode, 1851- 1896. Washington, 1897; extr. in-8° (30 p. h Washington. Bureau of ethnology. Annual report 14-16, 1892-95. 4 vol. in-4". — United Slates geological Survey. 17"" annual report, part 1 and 2. 1896; in-4°. — Monographs, vols. XXV : The glacial lake Agassiz; XXVI : The (lora of the Amboy Clays ; XXVIl : Geology of ihe Denver bassin in Colorado; XXVIII : the Marquette iron-bearing district of Michigan, vvith atlas. — Bulletin, n<» 87, 127, 130, 130, 135-148. Rio de Janeiro. Observatorio. Annuario, 1897. Saint-Louis. Missouri botanical Garden. 8"' annual report. 1897. France. Homolle (Th.). Topographie de Delphes. Paris, 1897; extr. in-8'' (169 p. et cartes). Fallol (Emm.). Esquisse d'une carte géologique des envi- rons de Bordeaux. Paris, 1895; f. in-plano. ( 258 ") Janel [Ch.]. Sur les rapports des Lépismides myrméco- philes avec les fourmis. Paris, 1896; extr. in-4° (4 p.i. — Sur les rapports du Discopoma cotnata avec le Lasius mixtus Nylander. Paris, 1897; extr. in-4° (4 p.). — Sur les rapports de V Antennopliorus Uhlmanni Haller avec le Lasius mixtus ^y\. Paris, 1897; extr. in-4° (3 p.). — Les fourmis. Conférence. Paris, 1896; in-8° (36 p.). — Études sur les fourmis et les abeilles, 12« et 13« notes. Limoges, 1895-97; 2 br. in-S» (25 et 62 p.). Lefèvre {Théodore). Notices historiques sur le canton de Bernaville (Somme). Amiens, 1897 ; in-S" (239 p.). Paris. Société de l'histoire de France. Chronographia regum Francorum (H. Moranvillél, tome IIL 1897. — Journal de Jean Barrillon(Pierrede Vaissière), tome I^'. 1897. Gkanoe-Bretagxe et Colonies britanniques. LivERPOOL. Biological Society. Proceedings and transac- tions, vol. XL 1896-97. Wellington. New Zealand Instilute. Transactions and proceedings, vol. 29. 1896. Londres. Royal Insiitiile of Hritish Architects. Journal, vol. V. 1897-98, in-4«. Sheffield. Papers printed lo commemorate ihc incor- poration of the University Collège. 1897 (288 p. et 15 pL). (ÎREENW1CH. Royal Otseryafor//. Observations and Results, 1894. 4 vol. in-4°. Calcutta. Meteorological Department. Rainfall of India, 1895. In-folio. Le Cap. Observatory. Annals, vols. III, VI and VIL 1896-97; in-4°. — Meridian Observations, 1861-65. In-8°. - Appendix to Cape meridian observations : Starcorrec^ lion tables, by W.-H. Finlay. ( 259 ) Pays-Bas. HoltestelleiA). Geschiedkundige beschrijving van Tholen en omstreken. Middelbourg, 4897; in-8° (471 p., une carte). Batavia. Obxervatory. Observations, vol. XIX, 1896. [n-4<'. — Nederlandsche RegeerUtg. Regenwaarnemingen, 1896. Harlem. Société hollandaise des sciences. OEuvres com- plètes de Christiaan Huygens, tome VII. La Haye, 1897; in-4". Maestriciit. Société historique et archéologique. Publica- tions, tome 33, ^896-97. Middelbourg. Genootschap van wetenschappen. Zelandia illustrata, 2''« vervolg. 1897. Pays divers. Olivecrona K. d'). Rapport sur l'état des prisons et sur l'administration delà justice en Suède, pendant l'année 1896. Stockholm, 1896; '2 br. in-4°. Leite de Vasconcellos (/.). Religiôes da Lusitania na parte que principalmente se réfère a Portugal, volume I. Lis- bonne, 1897; in-8" (xl-440 p.). Tziolhovsky (C). Ballon dirigeable en fer portant 200 hommes et ayant 210 mètres de longueur. Moscou, 1896 ; in-folio (4 p. et 9 figures). Alyué {P. -José). El baro-ciclono-metro. Manille, 1897; in-S" (6o p., pi.). — Baguios 0 ciclones Filipinos. Manille, 1897; in-S" (307 p., une carte). Stockholm. Musée du Nord. Meddelanden, utgifna af Arthur Hazelius, 1895-96. ( 260 ) LuND. Université. Acta, tom. XXXIII, 1 och 2. 1897; 2 vol. in-4°. Luxembourg. Institut grand-ducal. Publications de la sec- lion des sciences, tome XXV. 1897. San-Fernando. Inslituto y Observatorio de Marina. Anales : Observaciones meteorologicas y magnelicas, 189o. In-4°. Madrid. R. Accadeinia de Ciencias. Memorias, tomoXVII. 4897; in-4«. Saint-Pétersbourg. Kaiserl. mineralogische Gesellschafl Verhandiungen, 32. Band. 189G. Upsal. Kunyl. humanisliska Velenskaps-Samfundet. Skrif ter, Band V. 1897. BULLETIN DK L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DES Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. 1898. — N° 3. ci.Aj«MK ui:^ M€i !<:[«'€;£:» Séance du 5 mars 1898. M. Éd. Dupont, directeur. M. le chevalier Eum. Marchal, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. W. Spring, vicc-direcleur ; le baron Edm. de Selys Longcbamps, G. Dewalque, A. Brialmont, Éd. Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, J.-M. De Tilly, Ch. Van Bambcke, Alfr. Gilkinet, G. Van der Mens- bruggbe, L. Henry, M. Mourlon, P. Mansion, P. De Heen, C. Le Paige, F. Terby, J. Deruyts, Léon Frede- ricq, J.-B. Masius, J. Neuberg, A. Lancaster, membres; Ch. de la Vallée Poussin, associé; A.-F. Renard, L. Errera et P. Francotte, correspondants. 3™* SÉRIE, TOME XXXV. 18 262 ) CORRESPONDANCE La Classe prend notification de la mort : i° De M. Rudolf Leuckart, professeur à l'Université de Leipzig et l'un des associés de la section des sciences naturelles, né à Helmstadt, le 7 octobre 1822, décédé à Leipzig, le 0 février dernier; 2° De M. Mariano de la Paz Graels y de la Agùera, pro- fesseur à l'Université de Madrid et vice-président de l'Académie royale des sciences, décédé le 14 février. — M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Inslruction publique envoie, pour la bibliotbèque, un exemplaire du premier fascicule du tome XV des Ai^chives de biologie. — Remerciements. — La Classe autorise le dépôt sur le bureau d'une liste de souscription pour un monument à élèvera M. Kekulé, à Ronn, et d'une liste semblable pour un monument à M. Buys-Ballot, à Utrecht. — M. le D' F. Stôber, répétiteur à l'Université de Gand, demande le dépôt dans les archives d'un billet cacheté portant la date du o mars 1898. — Accepté. — Hommages d'ouvrages : i** a) Sur le développement des Tortues; b) Sur la qua- trième campagne de la Princesse Alice; c) Sur les observa- toires météorologiques de l'Océan Atlantique; par S. A. S. le Prince Albert P' de Monaco; ( 2()3 ) 2*' La (jéographie dans l'enseignement supérieur en Belgique; par A. -F. Renard, correspondant; 3° Précis de minéralogie, 5^ édition; par Albert de Lapparent, associé, à Paris; 4" Existe-l-il une force vitale? â'^ édition; par Léo Errera ; 5" Recherches sur le développement du foie, du tube digestif, etc.; par A. Swaen; G" Note sur l'architecture des oiseaux et l'instinct; par Emile Hiihlard; 7° a) Des planètes se trouvant vraisemblablement au delà de Mercure et de Neptune; h) Nouvelles recherches astrono- miques; par Serge Socolow. — Remerciements. — Travaux, renvoyés à l'examen : i** Sur quelques dérivés fluorés du toluol (première communication); par Fréd. Svvarts. — Commissaires: MM. Spring et Henry; 2° Sur le mécanisme des précipitations physiques. Préci- pitation de l'antipyrine et de la pyridine par le sulfate d'ammonium, le carbonate de potassium et l'hyposulfite de sodium; par L. Crismer. — Commissaires : MM. Spring et De Heen; 5" Projet de programme de physique mathématique; par P. Berthot, ingénieur des arts et manufactures, à Paris. — Commissaires : MM. De Heen et Le Paige. ( 204 ) RAPPORTS. Sur l'avis verbal de M. Looii l' redericq , une note de M. Daneels, de Naniur, sera déposée aux archives. Sur les déformations que fait naître la pression dans un hémisphère creux métallique; par H. vSchoenljes, profes- seur à l'Université de Gand. ftff/« fief .fffttabi'iigghf. « Dans une note préliminaire que j'ai présentée au nom de mon collègue M. le professeur Sclioentjes, à la séance du 2 août 181)0 (1), et sur laquelle j'ai fait en même temps un lapport favorable, l'auteur a étudié les déformations produites à l'extérieur d'un liémisphère creux métallique par le choc d'un corps dur; je disais dès lors que de pareilles expériences ne pouvaient manquer d'exciter un intérêt réel, d'autant jdus que les essais de Daubrée avaient montré le genre de déformations pro- duites sur une enveloppe flexible par un accroissement de pression intérieure. Aussi, malgré le caractère provisoire du travail de 1890, il a trouvé bon accueil auprès des géologues et des géographes, et a même été cité par M. le professeur Prinz en Belgique et par l'éminent savant M. Giinlher en Allemagne. (1) liiUl. de l'AcaiL roxj. de Belgique, 3' soric, l. XX, p. ^M. ( 265 ) A la (in de sa note préliminaire, l'auteur déclarail avoir l'intention d'examiner dans ses recherches ultérieures les effets dus à des pressions croissantes. C'est le résultat de ces recherches que M. Schoentjes présente aujourd'hui à l'Académie. La plupart des nombreux essais décrits dans la note actuelle ont été laits avec une petite presse hydraulique, parce que ce procédé est rapide; ce n'est que pour pro- duire des efforts déterminés d'avance, et surtout pour mesurer les déplacements correspondants, que l'auteur s'est servi d'un grand levier en fer. Je ne puis naturellement pas décrire en détail les mul- tiples expériences dont M. Schoentjes donne les résultats; j'en indiquerai seulement trois : 1° Lorsqu'on écrase entre les plateaux de la presse hydraulique deux hémisphères de 10 centimètres de dia- mètre, l'un contre l'autre, sommet contre sommet, un seul des hémisphères se déforme : la cavité est sphérique et se moule sur l'hémisphère non déformé; tout se passe comme si l'un des hémisphères était plein. 2" Lors de l'écrasement d'un hémisphère de 15 centi- mètres de diamètre contre un autre de 10, le petit hémi- sphère a pénétré neuf fois sur dix dans le grand ; la cavité était sphérique au début, mais ensuite son bord est devenu polygonal. Dans un cas seulement, qui n'a pu être repro- duit, les deux hémisphères se sont déformés à la fois : le grand a d'abord pénétré dans le petit, mais, pour une pression suffisante, le bord de la cavité a commencé à pénétrer dans le grand hémisphère. 5" Lors de l'écrasement d'un hémisphère par un plan, la déformation normale est hexagonale. ( 266 ) L'auteur a étudié aussi l'influence de certains méri- diens de moindre résistance, quand les hémisphères métalliques sont comprimés par des demi-sphères pleines en bois, ou bien écrasés par un plan. Enfin M. Schoentjes a voulu se rendre compte des etîorts nécessaires pour produire des cavités d'une pro- fondeur plus ou moins grande, et communique à ce sujet des diagrammes intéressants. Cette courte analyse fait voir nettement, je pense, tout l'intérêt qui s'attache au travail complémentaire de M. Schoentjes, et j'ai l'honneur d'en proposer l'impres- sion au Bulletin de la séance, avec les figures qui l'accom- pagnent; au nombre de ces ligures, il y a trois photogra- phies que j'estime grandement utiles pour l'intelligence du texte. » — Adopté. Note sur les sécantes multiples des courbes gauches ration- nelles; par Fr. Deruyts, chargé de cours à l'Université de Liège. Happoi'l fie JV. C te Paigv, pfmnii^i' conttntatnii'm. c( Le travail présenté à la Classe par M. Fr. Deruyts repose sur ce théorème pour ainsi dire évident, que les plans de l'espace déterminent sur une courbe gauche rationnelle C„. la plus générale une involution I". Si une pareille courbe possède des quadrisécantes, c'est-à-dire s'il existe des droites qui la rencontrent en quatre points, ces systèmes de quatre points caractérisent, ( 267 ) parmi les groupes de l'involution Ij", des systèmes par- ticuliers. En effet, à un groupe pareil de quatre points corres- pondent, dans l'involution, une infinité de systèmes de m — 4 points formant une V" *, puisque chacun de ces groupes complémentaires est déterminé par le plan passant par la quadrisécante et par un point arbitraire de la courbe C,„. Le problème est donc ramené à la recherche des groupes neutres de seconde espèce d'une involution I;". En faisant habilement usage du principe de correspon- dance de Chasles et de résultats dont la plupart lui sont dus déjà, M. Deruyts résout cette question d'une manière simple et élégante, et il arrive à cette propriété : Les quadrisécatites d'une courbe (j,„ sont en nombre i /m - 2\ En particulier, lorsqu'il s'agit d'une courbe Cg , ce nombre se réduit à 2 1.2.3 Il est d'ailleurs aisé de voir qu'il en est ainsi dans ce cas. Si une pareille courbe possédait deux quadrisécantes di, d^, ces deux droites et une des trisécantes, en nombre infini, de la courbe, détermineraient un hyper- boloïde qui, ayant onze points communs avec C.;, con- tiendrait la courbe tout entière. L'étude des systèmes de quadrisécantes d'une courbe C,„ conduira certainement à des résultats intéressants. ^ 268 ^ Je me bornerai, [)oiir le faire voir, à signaler quelques- unes (les propriétés du système des quadriséeantes d'une Cg. Appelons 9.1 120 58.2 140 45 4 160 La déformation est quadrangulaire. Dép'acemenis en millimètres. 0 5.-2 6.G 11.9 17.9 25.2 37.2 284 ) 5* Écrasement par H.B.8. Déplacements Pressions en millimètres. en kilogrammes. 0 « 2.5 20 5.0 40 8.2 60 H.9 80 15.5 100 19.5 120 25.5 140 34.2 KiO 41.5 IHO 47.5 200 La déformation reste sphérique jusqu'à 14-0 kilo- grammes; elle devient polygonale (six côtés) au delà. 4" Écrasement par lï.B.lO. Déplacements Pressions en millimètre». en kilogrammes. 0 0 4.2 40 7.8 80 12.7 120 17.3 160 22.0 200 27.8 240 35.4 280 38.8 320 La déformation est sphérique. H. SCHOENTJEP, Hnll. de VAcnd. roy. de Betgi/jut 3- scr., t. XXXV, n» 3, p. 385, 1S98 FiG. n 0 20 40 60 80 100 120 14-0 160 180 200 220 240 260 280 300 520 340 360 380 400 Echelli' (les (n'cssions : I renlimMre pour 20 kilogrammes. — Échelle des déplacements 2,,'): I. ' 285 } 5" Écrasemen par im plan. Déplanements l'rcssious en iriillimèlres. en kilogiiinmips. 0 0 1.3 40 2.4 80 3.4 1 20 4.0 I (H) 5.8 200 7.4 2iO 9.0 280 11.4 520 U8 360 1 7.8 400 La déformation est hexagonale; la distance du fond de la cavité au plan de la base est de 9""",l quand la pres- sion atteint 400 kilogrammes. Il en résulte que le dépla- cement total du sommet est de 40'"'", 9. Dans la ligure 17, j'ai traduit graphiquement ces divers tableaux; l'échelle des pressions est de 0""",5 par kilo- gramme, et celle des ordonnées est de 2.5 : 1. Les diagrammes sont obtenus en reliant par des droites les sommets successifs des ordonnées qui correspondent aux pressions de 20, 40, 00, ... kilogrammes, ou aux pressions de 40, 80, 120, ... kilogrammes, suivant les cas. Les dia- grammes relatifs aux hémisphères IL 15 sont en traits continus; pour H. 10, les traits sont pointillés; ils portent les numéros des tableaux. L'examen des diagrammes donne lieu à des remarques; par exemple : 1" Les efforts nécessaires pour produire une déforma- ( 286 ) lion déterminée sont d'aiitant plus grands que le dia- mètre de la sphère produisant la pression est plus grand. Cette remarque est applicable à H. 15 et à H. 10. 2° Quand la pression est produite par un plan, le déplacement limite du sommet de H.lo est de 42'""', G. Cette déformation est moindre que celle qu'on obtient pour des efforts moindres, même avec H.B.lo. 5" Quand la pression est produite par un plan, le déplacement limite du sommet de H. 10 est de 40""", 9; il résulte de l'allure générale du diagramme o" que cette détbrmalion limite, pour 400 kilogrammes, est moindre que la déformation qui aurait été atteinte avec H.B.IO, si, dans ce cas, les essais avaient été poussés à 400 kilo- grammes. 4" Un même poinçon sphérique produit, pour un même effort, une déformation plus grande dans H. 15 que dans H. 10. 5° L'écrasement par un phn produit, pour un même effort, une déformation plus grande dans H. 13 que dans H.IO. La présente note est accompagnée de trois épreuves photographiques : J, II et III. Les deux premières repré- sentent les hémisphères 1 à 10 de la ligure accompa- gnant ma note de 1890. L'épreuve III se rapporte aux déformations suivantes : 11. — H. 15. Écrasé par un plan. 12. — H.IO. Ecrasé par un plan. 13. — H. 15. Écrasé par H.IO. 14. — H. 15. Écrasé par 11.15. 15. — H. 15. Écrasement par un plan; trois arêtes usées à la lime et faisant entre elles des angles de 120". 15 \A- lù lolypieE, Cailclciii, Tlruxclle» ( 287 Note sur les sécantes multiples des courbes (jauc/ies ration- nelles; par François Deruyts, chargé de cours à l'Uni- versité de Liège. Considérons une courbe gauche rationnelle d'ordre m, C„; nous prendrons ses équations sous la forme X, : X, : Xj : Xj =- a"^ : b"; : c'" : ill\ al', b'", c'", trj étant des formes binaires d'ordre m, et la variable étant le paramètre d'un point de la courbe. Si nous considérons les plans de l'espace, A, X, -+ 7., X, -+- h X3 -H >.i Xi = 0, ils coupent la courbe C^ en des groupes de m points, dont les paramètres vérifient la relation A, a'^' ■+- A, I)'" ■+- A-, r"' H Al d'^' = 0. Cette équation définit, comme on le sait, une invo- lution du troisième rang et d'ordre m, ]'î; remarquons que lorsque la courbe rationnelle ne possède aucune singularité, c'est-à-dire lorsque les formes C, b'", cl\ d^ ne jouissent d'aucune particularité, l'involution I3' est la plus générale; de sorte que l'étude de la plupart des propriétés des courbes gauches revient à l'étude des pro- priétés de l'involution du troisième rang. Nous en avons du reste plusieurs exemples déjà. Ainsi, l'étude des trisécantes revient à l'étude des groupes ( -288 ) de trois éléments neutres : le nombre des trisécantes qui sont en même temps tangentes à la courbe est, comme nous l'avons montré récemment, égal au nombre des groupes d'éléments neutres de première espèce d'une involution Ir qui contiennent un élément double. Actuellement, nous nous proposons de rechercber le nombre de quadrisécantes qu'une courbe rationnelle peut posséder. 1. L'étude des quadrisécantes revient à l'étude des groupes de quatre éléments neutres d'une involution I"; en effet, tout plan passant par quatre points en ligne droite de la courbe est indéterminé. Nous sommes donc ramenés à rechercher le nombre des groupes de quatre points neutres d'une involution Ij", groupes détinis sous le nom de groupes neutres de seconde espèce. Si nous représentons par x, y, z, u les paramètres d'un groupe de quatre points neutres de l'involution \'î dont l'équation est A, o"' -f- Aj h'" -^ Aj c;' +■ Xt rf^' = 0, ces paramètres devront satisfaire aux équations suivantes : o" b: C'x a': bT d: a; f>7 ^7 = 0. K f>: d, <'* L: C'z a': b": d o;" b: c: a"' b: d «r ^: c'; = 0, o.r b; d «u h: c" C'u b: d 0, (A) Le moyen le plus tangible de démontrer qu'il en est ainsi est, d'après ce que nous venons de voir, d'écrire ( 289 ) les conditions pour que quatre points de paramètres X, y, z, u de la courbe C,„, dont les équations sont X, : Xs : X5 : Xj = 0'" : il' : (™ : {/^', soient en ligne droite. Or pour que les trois points x, y, z soient en ligne droite, il faut que l'on ait les conditions :;' />:■ (■:' wr ;" b; c; 0; = 0, . . . . (B) ,„ ;^™ ^.™ ^;,„ et pour que les trois points x, y, u soient en ligne droite, il faut que l'on ait de même a'" b:' '!" (1 «; K r;" d 0"' h: '■'■!' ci -=0. [^') Si les conditions (B) et (C) sont remplies simultané- ment, les quatre points de paramètres x, y, z, a sont en ligne droite; or les conditions (B) et (C) sont équivalentes aux conditions (A). 2. (Chacune des équations (A) représente une involu- tion d'ordre m et du second rang. En effet, si l'on se donne, par exemple, x et y dans la première équation, on obtient une équation ce degré w en 5; cette équation admet les solutions z = x ^i z = y; (\e plus, comme elle est symétrique par rapport à x, y, z, elle représente bien des groupes de m paramètres définis par deux d'entre eux, quels que soient ceux-ci dans le groupe, c'est-à-dire une iinolution I;". Remarquons que le second groupe des équations (A) est identique au premier groupe si l'on fait z = u', le problème revient donc à rechercher les groupes de ' 290 V quatre éléments communs aux deux involutions I" et J^ représentées par les deux premières équations (A) K' /;;;' rr) == 0 (or 'v ^/") = 0. . . . (D) Ces involutions ont en général {""a*)* q»aternes com- muns; mais, dans ce nombre, il s'en trouve qui sont étrangères à la question, puisque les équations (D) sont vérifiées par les groupes de quatre éléments qui satisfont à la condition (or fc;") = = 0 (E) et que ces groupes de quatre éléments ne dépendent que des formes <", 6™, c'est-à-dire d'une partie seulement des données de la question ; il faudra donc décompter les groupes de quatre éléments qui satisfont à (E). Or l'équa- tion (E) représente une involution I," ; nous sommes ramenés, en fin de compte, au problème suivant : Com- bien deux involutions d'ordre m et du second rang lî" et Jj", qui ont en commun les groupes d'une même involution d'ordre m et du premier rang, T", ont-elles de groupes de quatre éléments communs, ne faisant pas partie de groupes de l' involution I,"" ? 3. Soit A un élément quelconque du support des deux involutions ; il lui correspond dans \'ï des groupes de ?n — 1 éléments, formant une involution ir ', qui a en commun avec Jî' les m — 1 éléments correspondant à A dans I". Les deux involutions 17 ' et Jr ont en commun un nombre ('";') {m — 2) de ternes, diminué : 1° du nombre , C'î"') de ternes auxquels donnent lieu les m — 1 éléments communs aux deux involutions I;" et J^' ; â** du nombre des ( 291 ) ternes que pourraient avoir en commun les deux invo- lutions I," et I;""' ; or ces ternes ne peuvent se trouver que dans les m — 1 éléments correspondant à l'élé- ment A dans 1," : leur nombre est encore ('"5"'). Ainsi les deux involutions P," ' et J? ont en commun ""--H s )-n ô )=( 3 ternes ne faisant pas partie de groupes de l'involution 1". A chacun de ces ternes il correspond m — 5 élé- ments B dans J" ; donc à l'élément A il correspond en tout (H) m o éléments B; si un des éléments B coïncidait avec (A), nous obtiendrions un des groupes de quatre éléments com- muns cherchés. La correspondance entre (A) et (B) est réciproque; le nombre des coïncidences est, par suite, (m — ^^ 2 (m — 3) et puisque chaque quaterne commun aux deux invo- lutions absorbe quatre coïncidences, le nombre de ces quaternes sera i hn — -(nj — Dj _ 2 \ o Nous pouvons énoncer ce résultat sous l'une des formes suivantes : Deux involutions d'ordre m et du second rang qui ont en commun tes groupes d'une involution d'ordre m et du pre- mier rang, ont i (m — ôj {"\') quaternes communs ne faisant pas partie de cette involution. ( 292 ) Les quadrisécantes d'une courbe d'ordre m sont en nombre 1 , _. (m — 2i 5 / 1 /» 4. Cas particulier. — Si nous faisons m = 5, on voit qu'une courbe gauche du cinquième ordre ne possède qu'une quadrisécante. Nous pouvons vérifier ce résultat directement en recherchant, par une autre voie, le nom- bre des groupes de quaternes neutres d'une involution I3. Prenons la représentation de l'involution par l'égalité à zéro de deux formes quintilinéaires symétriques, que nous écrirons symboliquement : a^ a,j a. a„ a^ = 0, h, b,j 6, 6„ 6, = 0. Pour que l'élément Y, par exemple, soit indéterminé, il faut que les éléments x, y, z, u satisfassent aux quatre conditions symboliques Qj-Oya^ a„ a, = 0, a^ a,^ a. a„ a^ = 0, 6, b,j b, b„ b, = 0, b, b^ b, ft„ 62 = 0. Chacune de ces équations représente une involution IJ; leur ensemble se composera des quaternes communs à quatre involutions I3; elles en ont, comme on le sait, un seul . Nous pouvons encore montrer, par un autre procédé, que la courbe du cinquième ordre ne peut pas posséder plus d'une quadrisécante. Supposons, en effet, qu'elle en possède un nombre d : considérons la surface réglée, formée par les trisécantes A ( 293 de la courbe; cette surface est du huitième ordre (*) ; elle est coupée par un plan quelconque suivant une courbe du huitième ordre qui possède : i" d points quadruples, provenant de l'intersection du plan avec les d quadrisé- cantes de la courbe; 2° cinq points triples : ces points sont à l'intersection du plan en question avec la courbe gauche, et ces points sont points triples, puisque par chacun de ces points on peut mener à la courbe trois trisécantes (**). Le genre de la courbe est donc 7 C _ Grf — 5.3 =- 6 — 6rf. 2 Si d était supérieur à l'unité, la courbe serait de genre négatif, ce qui est une impossibilité. 5. Les résultats auxquels nous sommes parvenus peuvent se mettre sous une autre forme, qui nous per- mettra d'en donner une autre vérification. Les groupes de quatre éléments neutres d'une involution li" sont en nombre 1 Im — 2\ Ceci posé, considérons une involution \T, d'ordre m et de rang k; â k — 3 éléments du support de cette invo- lution, il correspond des groupes de m — A; -+- 3 éléments, [") En général, la surface réglée formée par les trisécantes d'une courbe gauche d'ordre m est de l'ordre ^{"l^). (**) En général, par un point d'une courbe gauche d'ordre ?«, on peut mener h cette courbe ("*i"*) trisécantes. 3""* SÉRIE, TOME XXXV. 20 ( 294 ) formant une involulion ["~*"^\ D'après l'énoncé précé- dent, cette involution possède t Im — /f -+- I groupes de quatre éléments neutres; nous pourrons donc dire que : k — 5 éléments du support d'une involution l"' peuvent s'associer à i (m — k) ("'~5^') quaternes d'éléments, de façon à former autant de groupes rfe k -h 1 éléments neutres de l' involution \l . 6. Cas particulier. — Faisons k = m — 2; nous pourrons énoncer le théorème suivant : Les groupes de m — 1 éléments neutres d'une involu- tion I;;|_i forment une involution l",',li. Ce théorème peut se vérifier par un raisonnement direct. Prenons la représentation de i'involution I;"_, pai' l'égalité à zéro de deux formes m linéaires symétriques, o, «j, o, ...(/„ o„ = 0 ) bJ>J>. ... t>ul>v = 0 Pour que l'élément v soit indéterminé, il faut que les m — 1 éléments x, y, z ... u satisfassent aux condi- tions symboliques M, ay o, . . . «„ 0, = 0 ) it^ u,^ a, ... o„«. = 0 J b^b^b,...b„b, = 0 i bj,,^b, ..bj>, = 0 ) Chacune de ces équations représente une involu- lion I'":'; leur ensemble forme une involution I^li, ce qui vérifie le théorème énoncé ci-dessus. ■ aiaiiciiiaaic ■ 29S ) CI..A!i»SE DES LiETTRES. Séance du 7 mars 189S. M. F. Vander HaeghEiN, directeur. M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Ém. Banning, vice-directeur; S. Bormans, Ch. Piot, J. Stecher, T.-J. Lamy, G. Tiber- ghien, L. Vanderkindere, le comte Goblet d'Alviella, Ad. Prins, J. Vuylsteke, Paul Fredericq, God. Kurlli, Ch. Mesdach de ter Kiele, H. Denis, le chevalier Ed. Descamps, Georges Monchamp, P. Thomas, Ern. Dis- cailles, membres; Alph. Rivier, J.-C. VolIgrafF, associés; V. Brants, A. Willems et J. Leclercq, correspondants. M. Alph. Wauters écrit que son état de santé l'em- pêche d'assister à la séance. CORRESPONDANCE. La Classe apprend, sous l'impression d'un profond sentiment de regret, la perte qu'elle vient de faire en la personne de l'un de ses membres titulaires, M. Pierre- Gaspard-Hubert Willems, né à Maestricht le 6 janvier 1H40, décédé à Louvain le 23 février dernier. ( 296 ) M. le Directeur, après avoir adressé à la mémoire du défunt le dernier hommage académique, remercie M. Lamy d'avoir bien voulu être l'organe des sentiments de la Classe aux funérailles. Une lettre de condoléance sera adressée par M. le Secrétaire perpétuel à M""' veuve Willems. Le discours de M. Lamy paraîtra au Bulletin. M. Brants accepte de rédiger pour V Annuaire la notice du défunt. — La Société d'histoire et d'antiquités de Leisnig annonce la mort de son premier président, M. Cari Moritz Muller, décédé le 16 janvier dernier. — L'Académie royale des sciences de Berlin fait don d'un exemplaire, en bronze, de la plaquette qu'elle a fait frapper par le graveur B. Kruse, à l'occasion du quatre- vingtième anniversaire de Théodore Mommsen, qui a eu lieu le 50 novembre 1897. — Bemerciements. — M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique envoie une expédition de l'arrêté royal, en date du 12 février, qui proroge jusqu'au 1*' février 1900, sur la proposition du jury et de l'assentiment de M""" veuve Bergmann, fondatrice du prix, la deuxième période du concours pour le prix Anton Bergmann, consacré à la monographie, en néerlandais, d'une ville ou d'une commune flamande du Brabant. La somme de 3,000 francs proposée comme prix de cette période, reste réservée à ce concours. — M. le Ministre de l'Industrie et du Travail envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un exemplaire de l'ouvrage : Travail du dimanche, volume III. ( 297 ) — M. le Ministre de irintérieiir envoie, pour la bibliothèque, le tome X du Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège. — Remerciements. — Hommages d'ouvrages : 1° Gescfiiedenis der Inquisitie in de Nederlanden, deel II ; par Paul Fredericq (offert par l'auteur avec une note qui figure ci-après); 2° Un séjour dans Vile de Java; |>ar J. Leclercq; 5° Testamentsràtten, enligt Svensk Logstiftning ; par le D' K. d'Olivecrona (offert par M. Rivier, avec une note qui figure ci-après) ; 4° M. Tullii Ciceronis. Pro T. Annio Milone, oratio ad indices, 5" édition; par J. et A, Wagener (offert, au nom de M'"*" veuve A. Wagener, par M. P. Thomas, avec une note qui figure ci-après); 5° Le royaume de Bénin. Massacre d'une mission an- glaise; par le marquis de Nadaillac; ()° La delatura; par Nino Tamassia; 7° Contribution à l'étude de l'alcoolisme ; par Hip. Barella. — Remerciements. Discours prononcé aux funérailles de M. Pierre Willems par M. T.-J. Lamy, membre de l'Académie. Messieurs, Au nom de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, je viens rendre un dernier hommage à l'un de ses membres les plus anciens et les plus distingues; je viens dire à sa famille en pleurs et à ( -298 ) ses amis justement affligés la profonde estime que toiis les membres de la Classe des lettres avaient pour la science et le caractère droit et honnête de leur regretté confrère Pierre-Gaspard- Hubert Willems, docteur en philosophie et lettres, professeur et secrétaire de l'Uni- versité catholique de Louvain, officier de l'Ordre de Léo- pold, né à Maestricht le 6 janvier 1840. Après de brillantes humanités au collège de sa ville natale, Pierre Willems vint faire ses études universitaires à la pédagogie du Pape, où mes fonctions de sous-régent me mirent dès lors en relations d'amitié avec lui. Doué de talents peu communs et d'une grande ardeur pour l'élude, il fut bientôt à la tête de ses condisciples et obtint le titre de docteur en philosophie et lettres avec la plus grande distinction. Il alla ensuite se perfectionner dans les langues classiques et dans le sanscrit à Paris et à Berlin. Le recteur de l'Université catholique, M-^' Laforet, qui, comme président du collège du Pape, avait pu apprécier la valeur du jeune Willems, ne tarda pas à l'attacher à l'Université. Dès 18G5, notre futur confrère était chargé des cours d'antiquités grecques et latines et de littérature llamande. Sept années plus tard, il remplaçait M. De Jaer dans les fonctions de secrétaire de l'Université, fonctions qu'il a toujours remplies depuis avec une grande ponctualité. En cette même année, le (î mai 187;2, il fut élu cor- respondant de l'Académie avec son collègue et ami M. Poullet, ravi, lui aussi, trop tôt à la science et aux siens. Les nombreuses publications françaises et flamandes que le jeune professeur avait fait paraître en peu d'années, ( 299 ) t't entre autres son Manuel d'onliquilês ronuiinea, devenu [)lus tard Le droit public roinain, parvenu aujourdliui à sa sixième édition, lui ouvrirent les portes de l'Aca- démie. 11 devint membre effectif cinq ans plus tard. 11 ne cessa dès lors d'assister à nos séances avec la plus i>rande régularité et de prendre part à nos travaux par des lectures, des communications et des rapports, tous marqués au coin d'une érudition sûre d'elle-même. On se souvient encore du discours, lu en séance publique, où il retraça, d'après les fouilles, les élections de Pompéi comme s'il y avait assisté. Ce n'est pas le moment d'en- Irer dans le détail de ses nombreuses publications, mais je ne puis passer sous silence ce grand travail, admiré à l'étranger comme en Belgique, où sa vaste érudition a fait revivre le Sénat romain avec ses attributions et ses l)ersonnages marquants, tel qu'il était durant les derniers temps de la république. Cet ouvrage lui valut, en 1886, le prix quinquennal, qui, cette fois, dut être doublé, car un de ses confrères ayant, durant la même période, jiublié également un ouvrage de première valeur, le jury ne trouva d'autre solution que de demander au Gouver- nement un double prix, ce qui fut accordé avec l'assenti- ment des Chambres. Cette distinction, décernée dans ces circonstances, montre mieux que tous les discours en quelle haute estime on tenait l'érudition de notre savant confrère. Elle me dispense de rien ajouter. Entretemps, il ne négligeait pas les soins de sa famille et des huit enfants qu'une épouse tendrement aimée et digne de lui lui avait donnés. S'il était bon professeur, il n'était pas moins bon père. Mais la dou- leur profonde de ceux à qui il vient d'être si rapidement et trop tôt enlevé me ferme la bouche et ne me permet ( 300 ) pas de raviver une plaie qui saigne encore. Je me borne à dire qu'une mort chrétienne a couronné sa vie si labo- rieuse, si honorable, si bien remplie et si pleine de mérites. Il est mort fidèle à Dieu et à sa foi, fidèle à sa tamille dont il était le soutien, le modèle, la joie et la couronne, dont il était et sera toujours le père aimé et respecté, fidèle à l'Université dont il était une des gloires, fidèle à l'Académie qui louait sa science non moins que sa droiture et son honorabilité. Adieu, cher et vénéré Confrère, adieu, ou plutôt au revoir dans ce séjour d'éternelle béatitude et d'éternelle lumière, où le Dieu des sciences récompense la science qui l'a servi ici-bas. NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. J'ai l'honneur d'offrir à la Classe des lettres le septième fascicule des travaux de mon cours pratique d'histoire nationale, professé à l'Université de Gand. Ce fascicule contient le second volume de mon Histoire de l' Inquisi- tion dans les Pays-Bas avant sa réorganisation par CJmrles-Quint (4). Dans le premier volume, paru en 1891, j'ai étudié l'Inquisition néerlandaise aux XI^, XIP et XIII" siècles. Ce second volume n'embrasse que le XÏV^ siècle. J'y passe en revue les persécutions dirigées contre les (1) Inquisitio haerelicaepravitatis JSeerlandica. — Geschiedenis der Inquisitie in de Nederlanden tôt aan hare herinricliting on03 ) Ail nom de M'"*" veuve Wageiier, j'ai rhoimeur d'onVir ;i la Classe des lettres la troisième édition du Pro Milone annoté par notre regretté confrère. Celui-ci y travaillait (juand la mort l'a frappé. Je me suis chargé d'achever la revision de l'ouvrage et d'en corriger les épreuves. La première édition, qui parut en 1860, était l'œuvre commune de Wagener et de son père. Après la mort de ce dernier, Wagener ne cessa d'améliorer le texte et le commentaire, comme en témoigne la deuxième édition, (ju'il publia en 1876. Ce livre est justement estimé, non seulement en Belgique, où il sert à l'enseignement moyen, mais encore à l'étranger. C'est qu'il est conçu dans un esprit véritablement scientifique et que, tout en repondant aux besoins des élèves, il présente de l'intérêt pour les philologues. Plus je Fai pratiqué, plus j'en ai apprécié les mérites. Dans l'accomplissement de ma tâche, je me suis elforcé de me conformer aux idées et à la méthode du savant éminent qui nous a été trop tôt enlevé. Paul Thomas. CONCOURS ANNUEL (189.S). Il est donné lecture des rapports : 1" De MM. Potvin, Stecher et Brants, sur le mémoire |)ortant la devise : Cependant, et dût-il m'en coûter plus, j'di pris la ferme résolution de suivre la littérature belge, je n'ose pas dire dans son progrés, mais dans sa mardie incer- taine et vacillante (Van de Weyer), en réponse à la question demandant de faire l'histoire de la littérature française en lU'lgique, de 1815 à 1830; ( 504 ) 2» De MM. Giron, Prins et Descamps, sur le mémoire |)ortant la devise : La charité est un devoir social, en réponse à la question demandant de faire l'histoire de l'assistance publique dans les campagnes en Belgique, jusqu'à nos jours. La Classe se prononcera ultérieurement sur les conclu- sions de ces rapports. — M. Alphonse Willems accepte de remplacer M. Pierre Willems, décédé, comme second commissaire pour le mémoire sur Nicolas Cleynaerts soumis au con- cours de Stassart pour une biographie d'un Belge célèbre. — La Classe se constitue en comité secret afin de prendre connaissance de la liste des candidatures pour les places vacantes. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Corrections au texte des lettres de Sénèque à Lucilius (seconde série) (1); par Paul Thomas, membre de l'Académie. I. Ep. i5, 7 : De praesentibus facile iudicium est: si corpus tuum liberum est, sanum est, nec idlus ex iniuria dolor est : videbimus quid futurum sit; hodie nihil negotii habet. Il faut lire et ponctuer avec Madvig (2) : De praesentibus (1) Voir Bull, (te l'Acad. roxj. de Belgique, 3« série, t. XXX, n» 7, pp. 157-171, 1895. (2) Adversaria critica, t. II, p. 464. ( 305 ) facile iudicium est : si corpus tuum liberum et sanum est, nec ullus ex iniuria dolor est, videbimus quid futurum sit; hodie nihil negotii habet. Seulement, je changerais habet en habes. En effet, habet ne peut avoir pour sujet que corpus (1). Or l'expression nihil negotii habere doit s'appli- quer à la personne tout entière, à l'être moral comme à l'être physique. La faute provient de ce que l'attention du copiste s'est flxée sur le mot corpus. II. Ep. 14, 8 : Temerarius gubernator... non sinistrum petit lituSy sed id, quo propior Charybdis maria convolvit. Propior ne se construit pas avec l'ablatif seul, mais avec ab et l'ablatif, ou avec le datif. Madvig (2) écrit : sed id, QUOI propior, ce qui est assez plausible (3). Mais je remarque que plusieurs bons manuscrits, notamment P, ont : sed ita quo propior, d'où il est facile de tirer sed id A quo propior. Cf. ep. 74, 4 : Quisquis ab igné propior stetit. III. Ep. 15, 8 : Ergo utcumque impetus tibi animi suaserit, modo vehementius fac vicinis (4) convicium, modo lentius, (1) L'adverbe hodie ne saurait être le sujet, car on ne l'emploie pas substantivement : Sénèque aurait dit hodiernus dies. (2) Adv. crû., t. II, p. 465. (3) Voir Gertz, L. Annaei Senecae Dialogorum libri XII, praef., p. XXI. (4) Il faut évidemment lire vitiis, avec Pincianus et les anciens éditeurs jusqu'à Schweighaeuser. Voir Madvig, Adv. crit., t. II, p. 466. Cf. ep. 51, 13; 89, 18 et suiv.; 108, 9 {viLiis suis fieri convicium gaudet). ( 306 ) prout vox quoque te horlabitur et latus (1). Modesta, ciun recipies illam revocarisque, descendat, non décidât. Moderu- toris siii temperamentum habeat nec indocto et rustico more desaeviat. Les meilleurs manuscrits donnent mediatorisui (p) ou mediatoris sui (P et d'autres), et n'ont pas temperamentum, qui est une interpolation manifeste. Sénèque recommande à Lucilius : 1" de ne pas laisser tomber la voix {ciun recipies — décidât); S'' de ne pas trop l'élever (... habeat nec — - desaeviat). Le mot modesta n'a rien à faire avec le premier précepte et convient par- faitement au second. Déplaçons-le et mettons-le en tète de la dernière phrase; nous aurons alors : modesta media- torisui habeat. Le verbe habeat veut un régime : ce régime, nous le trouverons en corrigeant modesta en modestixM. l^a recommandation {vox) modestiam... habeat ne peut s'appliquer qu'au cas où l'orateur parle avec chaleur et énergie; nous corrigerons donc mediatorisui en média oRATiONis vi (2). Le texte se présentera alors sous la forme suivante : ... proul vox quoque te horlabitur i* in id latus (incitatus?). Cum recipies illam revocarisque, descendat, non décidât. Modestiam média orationis vi habeat nec — desaeviat. Modestia peut se dire de la voix {voir Quintilien, IV, (1) Les manuscrits portent : horlabitur in id latus (P : in illatis). La correction est incertaine. Je ne puis approuver la conjecture de Madvig (Adv. crit., t. II, p. 466) : ... te horlabitur. In elatis modesta, cum recipies illam, etc. Peut-être in id latus est-il une corruption de INCITATUS. (2) Madvig {lac. cit.) proposait média oris vi. Il n'a pas songé à orationis, qui s'écrivait par abréviation orois. ( 307 ) 1, 55 : Frequoitissime vevo prooemiuin decehit et senlentia- rum et compositionis et vocis et oultus modestia), et ici d'autant mieux que la voix est personniliée {desaeviat). IV. E[). 15, 10 : Delraxi (Un non pusillum negotii : una mercedula et niunus graecum ad Itaec bénéficia accedet. Pourquoi unay A la fin de chacune de ses lettres (à partir de la deuxième), Sénè(jue avait pris l'habitude d'ajouter une maxime recueillie dans ses lectures, avec un bref commentaire. C'est cette espèce de supplément (ju'il appelle mercedula. Il sulïit de rapprocher de notre passage celui de la lettre G, 7 : Inlcrim quo)iiam diurnani tibi mercedidam debeo, pour voir que una doit être corrigé en diurna; la syllabe di — a été omise à cause des lettres — olii qui précèdent. Quant aux mots uiunus (jmecunh, ils rentérment cer- tainement une laute. Les meilleurs manuscrits donnent : ununi graecum, unu)n g raec us, unus graecus. On n'a pas jusqu'ici, que je sache, proposé de correction satisfai- sante (1). Ep. 17, 5. Les manuscrits donnent : « Parare, inquis, unde ricam voto. » Simul et parure disce : si quid te vetat bene vicere, bene mori non vetat. c( Absurde », dit avec raison Madvig (2). Plusieurs (i) La conjecture de Madvig Adi.'. crit.,i. II, p. 4t)7; : ti7ia mercedula et unum prelium, n'est pas heureuse. (2) Mv. cril., i. II, p. 467. ( 308 ) savants ont essayé de corriger ce texte. Celui qui, selon moi, s'est le plus rapproché de la vérité est M. Vander Vliet (i),qui a reconnu dans disce une altération de desine. Mais sa conjecture : simul et vivere et parare desine est trop hardie et n'offre pas un sens très clair. J'écrirais : Semel id parare desine. Semel = « une bonne fois, une fois pour toutes ». La confusion de semel et de simul est, comme on sait, très fréquente dans les manuscrits. Celle de et et de id n'est pas sans exemple. \[. Ep. 22, 1 : Quaedam non nisi < praesenli a > praesente monstrantur. p a non nisi praesente ; les autres manuscrits, non nisi a praesente. L'omission de la préposition a dans le meil- leur manuscrit a fait supposer à Haase l'existence d'une lacune qu'il a comblée en écrivant praesenti a praesente. M. Schultess (2) change simplement praesente en prae- seriTi {non nisi praesenti monstrantur), et il compare au § 2 absentibus. Le changement est très naturel et très simple, e et i étant souvent confondus dans les manu- scrits. Toutefois, j'aimerais mieux écrire, avec la majorité des manuscrits, non nisi a praesente. i° La préposition a a fort bien pu être fortuitement omise dans p. Je constate que le copiste de ce manuscrit a omis ab entre prope et ultimo (ep. 15, 12 à la fin), a entre qui et multis (ep. 56, 2). ad entre avocari et externa (ep. 56, 5) et entre nunc et (1) Mnemosyne, t. X, pp. 241-24'i. (2) De L. Annaei Senecae qiiaestionibus naturalibus et epislulis, p. 43. Bonn, 1872. ( 509 ) illud (ep. 08, 5) (1). Il n'est donc pas nécessaire d'admettre avec Haase que le copiste a sauté depraesenli à praesente. 2° A praesente est préférable à praesenti (conjecture de Scliultess), à cause de l'opposition avec per epistulam, dans la phrase suivante {Non potest medicus per epistulam cibi aut balnei tempus eligere). C'est le sujet logique, l'auteur de l'action de monstrare, qui doit être déterminé par le mot praesens. Le cas est différent au § 2, où le délerminatif se rapporte naturellement à ceux qui reçoivent les conseils et qui sont éloignés, les uns dans l'espace (absentihus) , les autres dans le temps {posteris). Vil. Ep. 25, 7 : Dissimilem te fieri multis oportet; dum tutum tibi non est ad te recedere, circumspice singulos : nemo est, cui non salins sit cum quolibet esse quam secum. p a dum tibi tuum non sit, et la plupart des manuscrits donnent également sit (2). Le texte le plus autorisé est donc : dum tibi tutum non sit. Je crois, avec Schweigliaeuser, que non doit être supprimé (3). Mais cela ne suffît pas pour corriger le (1) Je laisse de côté les cas où l'omission de a peut s'expliquer par une baplographie après — a ou — am (— a', comme ep. 70, 18, entre nunquam et nobis, et ibid., 22. entre etiam et conlcmptissimis. (2) P (d'après Fickertj donnerait est. (3) Je transcris la note de Schweigliaeuser : « Dum tibi tutum sit ad te recedere. Sic ex conjectura scripsi; id est, donec tutum tibi fuerit. Vulgo, dum tibi tutum. non esta te recedere, inde a Mureto; sed sit, non est, habeiit veteres libri omnes. Denique non, ante sit, mea de conjectura ausus sum delere, ut ex scliolio adjectum : nam dum ... ,'iil idem fere valet ac dum ... non est. » S""" SÉRIE, TOME XXXV. 21 ( 510 ) passage; il faut changer la ponctuation el écrire : Dissi- milem te fieri multis oportet, dum tibi tutum sit ad te recedere. Circumspice singulos : nemo est, etc. Voici la pensée de Sénèque : « La solitude est dangereuse pour celui qui n'est pas encore arrivé à la sagesse. Tu dois te rendre différent de bien des gens (ou : de la multitude), en attendant que tu puisses sans risque te retirer en toi- même. Examine, en effet, chacun de ceux qui t'entourent, et tu verras qu'il n'est personne à qui il ne soit plus avantageux de se trouver avec le premier venu qu'avec soi-même. » La phrase : Circumspice singulos : nemo est, etc., explique Dissimilem te fieri multis oportet, etc. VIIL Ep. 27, 2 : Clamo mihi ipse : numera annos tuos, el pudebit eadem velle, quae volueras puer, eadem parare. Je lis : et pudebit < eadem velle. La personne devant être mise en relief (cf. numera annos tuos), le pronom est nécessaire. On s'explique facilement que te ait été omis entre t et e. IX. Ep. 28, 6 : Nam ut loca gravia etiam firmissimam vale- tudinem temptant, ita bonae quoque menti necdum adhuc perfectae et convalescenti sunt aliqua parum salubria. Necdum adhuc est un pléonasme, et d'autre part conva- lescenti n'a pas d'adverbe qui le détermine. Nous remé- dierons à ce manque d'équilibre en transposant : necdum perfectae et adhuc convalescenti. Adhuc a été, dans l'esprit du copiste, attiré par necdum à cause de l'analogie de signification. ( ôll ) X. Ep. 50, 3 : Bassus tamen noster alacer animo est. Hoc pliilosophia praestat, in conspectu morlis hilarem et m quocumque corporis hahitu fortem laelumque nec deficientem, quamvis deficiatur. Il n'y a pas moyen de faire la construction de la phrase : tloc philosopMa praestat — hilarem et — fortem laelum- que, etc. Aussi M. Gemoll (1) propose-t-il d'ajouter esse après hilarem. Mais il n'a pas fait attention qu'il doit y avoir dans la phrase une antithèse entre l'âme et le corps, comme le prouvent les mots in quocumque corporis habitu et nec deficientem, quamvis deficiatur (se. corpore). Il faut donc adopter la correction qui nous est fournie par quelques manuscrits inférieurs, notamment par M : Hunc (i. e. animum) philosophia praestat in conspectu mortis hilarem, etc. (2). Hoc et hunc sont parfois confondus dans les manuscrits; voir, par exemple, Sénèque, De vita beata, 4, 4 (p. 217, 1. 15, éd. Gertz). XI. Ep. 33, 6 : Quare depone istam spem, passe te summa- tim degustare ingénia maximorum virorum : tota tibi inspicienda sunt, tota tractanda. Res geritur et per linea- menta sua ingenii opus nectitur, ex quo nihil subduci sine ruina potest. (1) Adnotationes criticae in L. Annaei Senecae epistulas morales (Programme du gymnase de Kreuzburg O.-S., 1886, p. 9j. (2) On voit que c'est avec intention que, dans la plirase précédenle, Sénèque a ajouté animo à alacer. ( 512 ) Madvig (1) dit : « Nihil omniiio, quod ad hune indis- solubilem totiiis et partium nexiim pertineat, significare possunt verba res gerilur, ad actum et pugnam spectanlia. Scribeiidum est : Bes seritur (conseritur?). » Peut-être : Pieu <.ex rey seritur. Cf. l'expression hella ex bcllis serere. XII. Ep. 45, 8 : Celerum qui interrogatur, an cornua habeat, non est tam stultus, ut frontem suam lemplet, nec rursus lam ineptus aut hebes, ut nesciat, si tu illi subtilissima collectione persuaseris. La fin de cette phrase n'est pas claire. Si manque dans p et a été ajouté au-dessus de la ligne dans P ; au lieu de si, M donne ut. Haase (2) propose : ut nesciat, cum illi, etc. Je pense qu'on aurait un sens satisfaisant en écrivant : ut nesciat (se. utrum cornua habeat an non), Nisi tu illi, etc. i Le mot nisi, écrit par abréviation n et suivant immé- diatement un t [nesciat n tu), a pu tomber devant tu, et certains copistes ou reviseurs, sentant qu'une conjonction de subordination était nécessaire, auront suppléé arbi- trairement si ou ut. XIII. Ep. 54, 5 : Tam ridicule facio, si hoc fine quasi bona valetudine delector, quam ille, quisquis vicisse [se] putal, cum vadimonium distulit. (i) Ulr. crit., t. II, p. 474. (2 Préface du troisième volume de son édition, p. xxvi. ( 313 ) Se manque dans p et dans un autre manuscrit. On ne peut guère s'en passer, mais je crois qu'il a été ajouté par conjecture après vicisse dans la plupart des manu- scrits. D'un autre côté, le relatif général quisquis n'a aucune raison d'être. Nous sommes en présence d'une dittographie qui nous aidera à retrouver la vraie leçon : quam ille, qui se vicisse putat. XIV. Ep. 55, 1 : A gestatione cum maxime venio : non minus fatigatus sum, quam si tantum ambulassem, quantum sedi. Labor est enim et diu ferri, ac nescio an eo maior, quia contra naturam est, quae pedes dédit, ut per nos ambida- remus, oculos, ut per nos videremus. Des deux termes inatura) pedes dédit, ut per nos ambu- laremus et oculos {dédit), ut per nos videremus, le premier est assurément le plus important, puisque l'idée essen- tielle de tout le passage est l'opposition entre la gestatio et Vambulatio : le second ne doit servir qu'à le mettre en relief par une similitude. Or, dans la phrase telle qu'elle est donnée par les manuscrits, l'attention se porte prin- cipalement sur le second terme. Pour rétablir le véritable rapport entre les deux termes, il faut subordonner le second au premier ; nous interca- lerons donc devant oculos le mot sicut, que la ressem- blance des lettres a pu faire omettre par le copiste : ... quae pedes dédit, ut per nos ambularemus, 'C sicut y oculos, ut per nos videremus. ( 514 ) XV. Ep. 56, 6 : NuUa placida est quies, nisi quam ratio composuit : nox exhibet molestiam, non tollit, et sollicitu- dines mutât. Les idées me paraissent mal enchaînées. Je serais tenté de lire : ... composuit : (== etiam) nox exhibet molestiam : non tollit sollicitudines , sed mutât. XVI. Ep. 56, 12 : Habet intus aliquid sollicitudinis et liabet aliquid concepti pavoris, quod illum curiosum facit... Habet... et habet est bien peu élégant; l'anaphore s'indique d'elle-même : habet — sollicitudinis, habet ali- quid, etc. XVII. Ep. 78, 28 : His te cogitationibus recréa et intérim epis- tulis nostris vacando. Veniet aliquando (1) tempus, quod nos iterum iungat ac misceat. Non seulement les mots et — vacando se relient assez gauchement à his cogitationibus, mais encore Sénèque montrerait une présomption pédantesque qui n'est pas dans son caractère, s'il disait à Lucilius : recréa te epistulis nostris vacando. En outre, intérim annonce en quelque sorte la phrase suivante : Veniet, etc. ; il y a là une tran- (1) Aliquando est la leçon de P (voir Châtelain, Étude critique siir les lettres de Sénèque à Lucilius, dans la Revue de philologie, de LITTÉRATURE ET d'histoire ANCIENNES, t. I [1877], p. 145j. Les autres manuscrits ont aliquod. ( 313 ) sitioii qui doit (*'tre exprimée par une proposition indé- pendante, el non par une tournure aussi efTacée que le gérondif uacanrfo. iNous lirons donc : et intérim epistulis tiostris VACA. La fausse leçon mcANDO provient de ali- çMANDO, qui suit presque immédiatement. XVIII. Ep. 88, 45 : Illi mihi non profuturam scientiam tradunt, fii spem omnis scientiae eripiunt. Satins est supervacua scire quam niltit. Illi non praeferunt lumen, per quod acies dirigalur ad verum, lu oculos mihi effodiunt. Je ne puis me défendre de l'impression que la phrase Satins — nihil est une interpolation. Elle rompt malen- contreusement le mouvement du discours, elle affaiblit l'énergie de cette suite d'antithèses : Illi ... Iii ... Illi ... hi ..., sans compter qu'elle est en contradiction avec la phrase finale de la lettre (§ 4G) : Non facile dixerim, utris magis irascar, illis, qui nos nihil scire voluerunt, an illis, qui ne hoc quidem nohis reliquerunt, nihil scire. Pour Sénèque, supervacua scire est la même chose que nihil scire. XIX. Ep. 94, 59 : Necessarium itaque est admotieri et habere aliquem advocatum bonae mentis et in tanto fremitu tumul- tuque falsorum unam denique audire vocem. Pincianus remplaçait unam par veram. Veram est néces- saire, mais imam ne doit pas être supprimé. Je lirais : unam denique audire vocem. Unam est opposé à tanto, et veram à falsorum. Le copiste a sauté veram {uerà) parce que le mot précédent se terminait par — ue. ( ÔI6) XX. Ep. 94, 64 : Ne Gnaeo quidem Pompeio externa bella ac domestica virtus aut ratio suadebat, sed insatms amor magnitudinis falsae : modo in Hispaniam et Sertoriana arma, modo ad coUigendos piratas ac maria pacanda vadebat. Quoi qu'en dise M. Windhaus (1), la leçon coUigendos n'est pas défendable : piratas coUigere ne peut se dire que de celui qui veut se mettre à la tète d'une troupe de pirates. La correction de Muret, cogendos, vaut déjà mieux, mais cogère est un ternie amphibologique. La conjecture de Madvig (2), colligandos, est, à mon avis, plus ingénieuse que vraie : elle réduit Pompée, le com- mandant en chef des forces navales de la république, au rôle d'un gendarme qui empoigne des malfaiteurs. Je crois qu'au lieu de coUigendos nous devons lire cohibendos : cohibendos piratas va très bien avec maria pacanda. XXL Ep. 1)7, 10 : Non pronum eimtibus tantum ad vitia, sed praeceps, et, quod plerosque inemendabiles facit, omnium aliarum artium peccata arti/icibus pudori sunt offenduntque deerrantem : vitac peccata délectant. (1) Varietas leclionis ad L. Annaei Senecae epistiUas e codice Bain- bergensi enotata (Programme du gymnase Louis-Georges de Darm- stadt, 1879), p- "13 : « CoUigere est cogère, conquirere. Cum enim piratae per omnia maria et oras sparsi essent, ex latebris suis pellendi et in unum cogendi erant. » Celte interprétation de coUigere mQ parait liifficile à justifier. (2) Adv. crit., t. II, p. 499. (317 ) Le meilleur manuscrit pour cette partie des lettres de Sénèque, le Bambergensis, donne: Non praenuntius (ae est dans un grattage) tantum ad vitia, sed praeceps. Erasme, Muret et d'autres ont édité : Non pronum iter est tantum ad vitia, sed praeceps (1). Windhaus (2) propose : Non prona est tanttun ad vitia , sed praeceps, ce qui me paraît se rapprocher davantage de la vraie leçon. Pour moi, j'écrirais : Non proclivis tantum ad vitia #^5>ftC^<'~ - — BULLETIN UE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DES Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. 1898. — N° 4. CLAIS!«»E OËiS SCIEIVCES. Séance du 2 avril 1898. M. Éd. Dupont, directeur. M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. W. Spring, vice-directeur ; le baron Edm. de Selys Longctiamps, G. Dewalque, E. Candèze, Brialmont, Éd. Van Beneden, G. Malaise, F. Folie, Fr. Grépin, J. De Tilly, Gh. Van Bamheke, G. Van der Mensbrugghe, L. Henry, M. Mourlon, P. Mansion, P. De Heen, G. Le Paige, F. Terby, J. Deruyls, Léon Frede- ricq, J.-B. Masius, J. Neuberg, A. Lancaster, membres; Gh. de la Vallée Poussin, associé; A.-F. Renard, corres- pondant. M. P. Francottc écrit pour motiver son absence. 5'"® SÉRIE, TOME XXXV. 24 34t) ) CORRESPONDANCE La Classe apprend, sous l'impression d'un profond sen- timent de regret, la perte qu'elle vient de faire en la personne de l'un des membres titulaires de sa section des sciences naturelles, M. Alphonse Rriart, né à Chapelle lez-Herlaimont, le 25 février 1825, et décédé à Morlanwelz, le 15 mars 1898. Elle décide qu'une lettre de condoléance sera adressée à la famille Rriart et vote des remerciements à M. Éd. Du- pont, qui a bien voulu être l'organe de ses sentiments aux funérailles. — Le discours de M. Dupont sera imprimé au Bulletin. M. Malaise accepte d'écrire la notice de M. Alphonse Rriart pour VAîinuaire de l'Académie. — M. le Ministre de l'Intérieur envoie, pour la biblio- thèque de l'Académie, un exemplaire du Recueil de cyto- logie et d'histologie générale : La Cellule, tome XIII, 2^ fascicule. — Remerciements. — Le même Ministre fait savoir que le Gouvernement de S. M. la Reine d'Angleterre invite la Relgique à se faire représenter officiellement à la quatrième session du Congrès international de zoologie, qui s'ouvrira à Cam- bridge le 25 août prochain. M. Edouard Van Reneden, qui a consenti à représenter l'Académie à ce congrès, accepte d'y remplir, éventuelle- ment, la mission honorifique de délégué du Gouvernement belge. : 3i7 ) — Le comité général du IX'" Congrès international d'hygiène et de démographie fait savoir que ses réunions auront lieu à Madrid, du 10 au 17 avril 4898. — L'Académie des sciences de l'Institut de lioloene envoie le programme pour le prix Aldini sur le « Galva- nisme » (Électricité animale), à décerner en 1899. — L'Académie royale de médecine de Belgique et la Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut envoient leurs programmes de concours pour 1898, 1899 et 1900. — M. le Seciétaire perpétuel présente : 1" Au nom de M. Gravis : le volume I des Archives de iinstitui botanique de l'Université de Liège; 2" Au nom de M. le général Bernaert : Commune de Schaerbeek. Etude d'un projet d'évacuation directe de toutes les eaux de la Senne en amont de Bruxelles par les canaux de Charleroi et de Willebroeck agrandis. Mémoire descriptif et justificatif. — Bemerciements. — Les travaux manuscrits suivants sont renvoyés à l'examen de commissaires : 1° Note de M. Gustave Van der Gucht, d'Anvers, relative au Problème de la vue à distance. — Commissaires : MM. Fredericq et De Heen; 2° Lettre de M. E. Solvay renfermant une communi- cation de M. le B' Auguste Slosse sur le Rôle de l'élec- tricité dans les phénomènes de la vie. — Commissaires : MM. Spring et Henry. ( 348 ) Discours p) onoiué avx funérailles de M. Alphonse Briarl par M. Ed. Dupont, directeur de la Classe. La belle existence du confrère qui nous est enlevé se conservera dans ses œuvres. Elles sont nombreuses, con- sidérables et tiennent une place élevée dans notre his- toire scientifique. Après les créations de d'Onialius d'Halloy et les grands travaux d'André Duniont, il devait s'ouvrir à l'étude de notre sol une troisième phase où, dès le début, il y a un tiers de siècle, apparaissaient deux personnalités asso- ciées, si intimement associées qu'elles entraient dans la carrière géologique comme ne taisant qu'un seul et même savant. Briart et Cornet! Pouvons-nous séparer dans notre mémoire deux noms qu'eux-mêmes n'ont jamais sépa- rés, pendant plus de vingt ans, dans leurs recherches, dans leurs méditations, dans une activité commune que la mort seule devait rompre? Après la mort de son ami, nous avons vu Briart, jusqu'au jour où il nous fut ravi à son tour, continuer sans défaillance ses travaux scienti- fiques que couronnait, il y a deux mois à peine, comme un suprême témoignage de son pays, le i)rix décennal des sciences minérales. Oui, elle est belle et touchante cette existence de savant, par sa constante énergie et par sa direction inin- terrompue, sur laquelle plane le souvenir presque poé- tique d'une association confraternelle si prolongée. Beportons-nous à l'année d80i. L'Académie recevait des deux collaborateurs une information fort inattendue et qui lit grand bruit. Le forage d'un puits de charbon- ( 549 ) nage venait de mettre au jour une roche calcarense rem- plie (le fossiles. C'était le « calcaire grossier de Mons ». Il gisait sous les sables landeniens et cependant sa faune semblait rappeler celle du calcaire grossier de Paris. Les deux géologues ne tardèrent pas à reconnaître qu'ils se trouvaient en réalité devant une faune nouvelle, qui devait prendre place, conformément aux superpositions, entre le Crétacé et le Tertiaire, cet endroit critique de la série stratigraphique dans l'échelle des temps. C'est ce qui fai- sait son importance. Avec leur décision ordinaire, ils se mirent à la décrire. Briart était un dessinateur de talent. En exécutant lui- même les dessins de quatre livraisons d'une longue monographie, en ajoutant ainsi par le crayon du natura- liste une rare valeur à la définition précise des types spécifiques qu'il créait, il décrivit, de 1870 à 1887, non moins de deux cent quatre-vingt-six espèces de cette faune. C'est, à coup sûr, l'une des œuvres paléontologiques saillantes qu'ait produites notre pays. Dans l'intervalle, cependant, avaient paru d'autres travaux qui rendaient déjà célèbres les noms des deux associés. A la base du terrain crétacé, à peu près en concor- dance avec la vallée de la Haine, existent d'importants dépôts de sable et d'argile. Briart et Cornet les décrivi- rent, rectifièrent leur classement chronologique et, par une belle analyse de leurs conditions, leur assignèrent une origine continentale, que tendait à établir en fait la découverte de plantes décrites simultanément par l'abbé Coemans, nom qui aussi nous est resté cher. Bientôt la grande découverte des Iguanodons de Bernissart est venue confirmer et préciser ces remarquables conclusions. Les puits de charbonnages continuaient cependant ( 5n0 ) leurs révélations et les deux géologues n'étaient pas hommes à les laisser se perdre. La « meule de Bracquegnies » est décrite [)ar eux sous ses divers aspects, et sa faune alhienne, encore incon- nue chez nous, est figurée à son tour dans un heau mémoire in-l°. Puis voici consécutivement l'étude et la description des divers étages crétacés et tertiaires du Hainaut. Car c'est dans le Hainaut que se concentreront particulière- ment les recherches des deux savants. Aucun terrain ne leur échappera ; tous en recevront de nouvelles lumières, seront déterminés et reclassés par la paléontologie stra- tigraphique et ses lahorieuses investigations. D'autres questions, non moins importantes et pour lesquelles leur province se trouvait remarquablement prodigue en documents, devaient exercer longuement la perspicacité et la sagacité de Briart et de son ami. Les dépôts quaternaires et surtout les œuvres des peu- plades des âges de la pierre leur fournissent aussi de nom- breuses révélations. Avec le concours d'un compatriote, M. Ilouzeau de Lehaie, les inséparables chercheurs découvraient à Mesvin, dès 1867, les silex taillés par l'homme paléolithique, suivant les types de la Seine et de la Somme. Puis venaient l'étude des silex de Spiennes et la reconstitution du mode d'extraction du silex par l'homme néolithique. Ces études aussi firent sensation. Mais le terrain houiller, principalement par les prodi- gieuses dislocations qu'il a subies, par les indications qu'on peut en retirer sur les conditions faites à ses dépôts par le soulèvement de l'Ardenne, ne pouvait échapper à l'attention de géologues placés à la tète de grandes exploitations industrielles. 11 était l'objet de leui's préoc- cupations constantes. ( 351 ) Aux travaux en commun publiés en 1877 était réser- vée une suite éclatante dans laquelle Briart exposa, en 1894, les conclusions que lui ont lait ac(|uérir cin- quante années de contact journalier avec les houillères. Deux mémoires paraissent cette même dernière année sur la coordination des grandes tailles qui y dénatm-ent la succession des couches. L'un, décrivant la Structure du bassin hoiùller du Hai- uaut dans le district du Centre, a l'honneur d'être publié simultanément dans trois revues. L'autre, traitant de la Géolor/ie des environs de Lande- lies et de Fontaine-l'Èrèqiie, reçoit en 1897 la haute dis- tinction du prix décennal. Il sulïit du reste de jeter les yeux sur la bibliographie académique pour mesurer l'œuvre de Briart dans son ensemble, dans son étendue comme dans son importance et sa variété. Le fruit de trente-quatre années de travail s'y exprime en soixante-quatorze publications, dont nous n'avons rappelé que les plus saillantes. Le champ d'action, c'est le Hainaut embrassé dans toutes ses époques, dans tous ses événements et devenu une terre qu'on peut justement qualifier de classique. Peut-on trouver une carrière mieux remplie, plus vivace? Tout y reflète une invincible vaillance, des facultés superbement pondérées, un ardent enthousiasme des choses de la nature. Il s'agit manifestement d'un homme d'avant-garde dans la science. Au moment de quitter notre confrère Briart, nous nous inclinons devant le caractère du savant et de son œuvre avec une admiration respectueuse. ( 55-2 ) RAPPORTS. La courbure et la torsion dans la collinéation et la récipro- cité; par Cl. Servais, professeur à l'Université de Gand. Hapitot't df Min. .%'euhei'g fl Mnttaioi». « Dans ce mémoire, notre savant collègue de l'Uni- versité de Gand étudie les relations entre les éléments infinitésimaux correspondants de deux courbes ou de deux surfaces soit collinéaires, soit réciproques. En partant de l'égalité des rapports anharmoniques des quaternes homologues, il parvient à retrouver, en quel- que sorte par une méthode uniforme, des propositions dues à MM. Mehmke, Mannheim, d'Ocagne, Fouret, Demoulin, Lamarle, Appell, etc., et à établir un grand nombre de théorèmes nouveaux. Ce qui fait la fécondité et l'élasticité de la méthode de M. Servais, c'est que ses formules fondamentales renfer- ment des éléments arbitraires; en particularisant ceux-ci, il obtient sans peine des propositions spéciales remar- quables. Pour montrer l'intérêt du nouveau travail que M. Ser- ( 355 ) vais soumet au jugement de la Classe, nous n'avons qu'à citer quelques-uns des résultats qui lui sont propres. Si "^ et t' sont les rayons de torsion en deux points M et M' d'une cubique gauche, d et d' les distances des points M' et M respectivement aux plans oscillateurs à la courbe en M et M', on a ni- = r'd'\ Soient K^, Kt, K^ les courbures totales en trois points quelconques A, B, C d'une même génératrice d'une surface réqlée, et a, P, y les plans tangents en ces points. On a BC' siiiV-P siii^ar K,^ K„ K^ = _ AB'-AC sin^pr sin°(3r. sinVa- sin'otS BC". CÂ'. ÂB" Les recherches de M. Servais forment une contrihution importante à un chapitre intéressant des transformations. Nous proposons volontiers d'insérer ce travail dans les Mémoires in -8° et d'adresser des remerciements à l'auteur. » — Adopté. ( 5ni ) Sur quelques dérivés fluorés du lotuol (première commu- nication) ; par F. Swarts. Hapiiot't de n . II'. fipÊ'ing, fireêëtiet' cotntni*snii'e. « M. V. Swarts nous envoie une première communica- tion au sujet (le recherclies qu'il a entreprises sur la réaction du fluorure d'aluminium et du toluène trichioré Il a constaté la formation d'un produit fluochloré CgHgCFKiCl, dont l'examen est réservé, et la production de toluène trifluoré C,;H-.CFl5; l'étude de cette dernière substance fait l'objet du présent travail. Le toluène trifluoré est un liquide incolore, mobile, à odeur de toluène, n'attaquant pas le verre. Son point d'ébullition est à 105", 5; sa densité est 1.1965:2 à 14°, et sa densité de vapeur, normale. Son activité chimique est moindre que celle du corps trichioré dont il dérive, en ce sens que le groupe -CFI5 paraît doué d'une stabilité très grande. Néanmoins l'auteur a pu en obtenir quelques dérivés; parmi ceux-ci, je mentionnerai surtout le nitro-trifluortoluol, l'aniline correspondante, l'acétanilide, le dérivé azoïque, le nitrile C6H4.GN.CFI3, puis l'acide trifluortoluique. Ce travail représente une contribution importante à nos connaissances sur les dérivés fluorés organiques; il renferme des données intéressantes, qui sont le fruit de recherches soutenues. J'en propose donc, avec plaisir, l'insertion dans le Bulletin de la séance. » M. L. Henry, second commissaire, se rallie volontiers, dit-il, à cette conclusion, laquelle est adoptée par la Classe. ( 355 ) Projet de programme de physique mathématique ; par P. Berthot, tttt/tpwfl tiff .n. p. Do Bfftt, pt'einief cotniitisiniff. « Dans son intéressant travail, M. Berthot cherche à ^généraliser hi h)i des actions mutuelles des corps. La loi de Newton ne serait qu'un cas particulier de celle qu'il admet pour les atomes et pour les molécules. La fonction de la distance '^ (r) se mettrait sous la forme M<1 r.,— r cp (r) =-. — Mm r„ J- r„ représentant la distance à laquelle l'attraction réci- proque de deux corps ne détermine plus un rapproche- ment. L'auteur dit qu'alors la fonction de la distance devra chanr/er de signe, ce qui revient à dire que l'action attrac- tive se transforme en action répulsive. Une telle conclusion n'est pas conforme à la réalité, car les molécules des gaz s'attirent, ainsi que le calori- mètre le démontre. Et ce n'est que pour des pressions excessives que l'on doit admettre de véritables répul- sions. On doit donc être, en réalité, amené à considérer deux espèces d'actions répulsives : celles qui sont apparentes et celles qui sont réelles. Une pareille complexité de phénomènes ne peut évidemment être exprimée par la formule simple de l'auteur. ( 356 ) A mon avis, cette formule peut être considérée comme une expression empirique (jui présente l'avantage de grouper simplement un grand nombre de faits. Aussi je n'hésite pas à demander l'impression du travail de M. Berthot dans les Mémoires in-S". » nnpitoft fltr m. X/P fnifff, iteconti cotnutignniê'e. « J'ai lu l'intéressant travail de M. Berthot, rempli de vues et de rapprochements ingénieux. Je me joins avec plaisir à mon savant confrère pour en demander la publi- cation dans les Mémoires in-8°. « La Classe adopte la proposition de ses commissaires. Sur le mécanisme des précipitations physiques. — Précipi- tation de Cantipyrine et de la pyridine par le sulfate d'ammonium, le carbonate de potassium et l'hyposul/ite de sodium; par L. Crismer. Hnppot'l tiet lit, %V, Sitfit»g, />»*«>(ftie>* cott»n*iinin4i'f. « M. L. Crismer, professeur à l'Ecole militaire, s'oc- cupe de l'examen d'une question très intéressante de la physico-chimie, celle de savoir comment varient, en fonc- tion de la température, la concentration et les volumes des liquides où un précipité physique commence à appa- raître à la suite de l'addition d'une solution d'un sel sans action chimique sur la substance primitivement dissoute. L'étude des conditions dans lesquelles cette précipitation a lieu permet de reconnaître jusqu'à quel point on peut ( 357 ) assimiler celle-ci à la condensation d'une vapeur à laquelle on enlèverait l'espace nécessaire à son existence. II s'agit donc d'un problème posé par la théorie moderne des solutions, ensuite de laquelle la dissolution d'un corps est regardée comme sa volatilisation dans l'espace ofiert par le dissolvant. Suivre l'auteur dans ses expériences m'obligerait à abuser des moments de la Classe; je me bornerai donc à mentionner les résultats principaux qui ont été acquis; ils peuvent s'énoncer comme il suit : 1° Le volume total du liquide dans lequel la précipitation a lieu est sensiblement inversement proportionnel à la tem- pérature absolue. Cette loi est indépendante des concen- trations des solutions aussi bien que de la nature des sels précipitants; 2° A température constante, si l'on dilue de plus en plus les solutions, les conditions pour la rupture de l'équilibre sont telles que le produit du précipité et du précipitant par unité de volume, diminue proportionnel- lement à la dilution primitive; 5" Le rapport des quantités des différents sels préci- pitants qui agissent sur une même quantité de la sub- stance à précipiter dans l'unité de volume, est indépen- dant de la nature de la substance précipitée ; 4" Si une même quantité du corps dissous est en équi- libre en solution avec deux sels, elle l'est également avec les produits de leur double décomposition et de leur dissociation hydrolytique et électrolytique. On le voit, ces résultats présentent un grand intérêt pour l'étude des propriétés colligatives de la matière; je propose donc bien volontiers à la Classe d'ordonner l'im- ( 358 ) pression des recherches de M. Crismer. L'auteur promet d'ailleurs de leur donner une suite qui ne manquera pas non plus d'importance. Le travail de l'auteur me paraissant dépasser l'espace offert par le Bulletin, je crois qu'il est tout désigné pour le recueil des Mémoires in-S". » La Classe adopte les conclusions du rapport de M . Spring, auxquelles a adhéré M. P. De Heen, second commissaire. Note sur la configuration formée par les qiiadrisécantes d'une courbe gauche rationnelle du sixième ordre; par François Deruyts, chargé de cours à l'Université de Liège. iStipftot't titf .fff. C, ÊLe Faig^y pfetniet' eointniatnife. « J'ai lu et étudié avec un vif intérêt le nouveau tra- vail présenté à la Classe par M. François Deruyts. Ce travail complète, sur un point important, l'étude que j'ai eu l'honneur de présenter à la dernière séance de la Classe. J'en propose très volontiers l'insertion au Bulletin de la séance. )> M. Neuberg se rallie à ces conclusions, qui sont adoptées par la Classe. ( 559 ) Recherches curdiofjraphiques chez les oiseaux; par le D' R. Rubbreclit. ÊSnppofl tie .n. té»»» râ-fitefictj, pi-fênief comntisiinéi'*. « Les physiologistes ne sont entièrement d'accord ni sur la signification des tracés cardiograpliiques, ni sur la forme de ces tracés. C'est ce qui a engagé l'auteur du travail soumis à notre ap[)réciation, à reprendre la ques- tion, en s'adressant à un groupe d'animaux, les oiseaux, pour lesquels cette étude n'avait pas encore été faite. M. Rubbreclit a eu à surmonter des difficultés techniques considérables, dues à l'exiguïté du calibre des vaisseaux et à la fragilité de leurs parois, mais surtout à la sensi- bilité exagérée que présente le cœur des oiseaux aux excitations mécaniques, inséparables de l'introduction des appareils explorateurs. M. Rubbrecht est cependant parvenu à introduire dans le ventricule gauche, par l'intermédiaire de l'artère axil- laire, une sonde reliée à un appareil inscripteur, et à enregistrer, en même temps que le tracé de la pression intra-ventriculaire, celui du choc du cœur ou de la pul- sation carotidienne. Les résultats auxquels il est arrivé concordent sensiblement avec ceux obtenus par Chauveau et Marey sur le cheval, et par Hiïrthle et l'auteur de ces lignes chez le chien : identité des tracés de pression et des tracés de choc du cœur (contestée par Martius, von Frey, etc.); forme trapézoïde des tracés cardiographiques normaux (contestée par von Frey). Une particularité très intéressante présentée par le cœur des oiseaux (oie), c'est la facilité avec laquelle le tracé trapézoïde normal se translbrme en tracé plus simple, à colline unique, ( 360 i sous l'influence de causes perturbatrices extérieures (pression artérielle trop basse, irritation mécanique du cœur). Le travail présente encore une série de données inté- ressantes sur l'action du pneumogastrique. Je propose à la Classe de voter la publication du travail de M. Rubbrecht, ainsi que des graphiques qui l'accom- pagnent, dans le Bulletin de la séance. » M. J.-B. Masius, second commissaire, se rallie à ces conclusions, qui sont adoptées par la Classe. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les nilriles chlorés en C5 et en C4 (*) et la volatilité des nitriles chlorés en général; par Louis Henry, membre de l'Académie. Nitriles es C3. Au nitrile propionique CN - CH^ - CH5 correspondent deux dérivés chlorés : Un secondaire, CN - CIICl - CH3 . . . . r Un primaire, CN-CHo-CH,Cl p Le dérivé chloré a, encore peu connu, a été obtenu en (*) Voir, pour les analyses et les développements concernant ces composés, mon mémoire sur Les nilriles-alcools, lequel sera publié dans le tome LVII des Mémoires in-8' de l'Académie. ( 361 ) 187G par MM. H. Reckuits et R. Otto (*) en déshydratant l'amide chloro-propionique a CH3 - CHCl - C < ^„ par l'anliydride pliosphorique. Ils n'ont donné de ce produit qu'une description fort sommaire. On l'obtient très aisément par la réaction de PCI5 sur le nitrile lactique ordinaire CH3 - CH(OH) -CN, produit de l'addition de IlCiN à l'éthanal CH5- CHO. C'est un liquide incolore, mobile, d'une odeur et d'une saveur piquantes, insoluble dans l'eau. Densité, 1,0792 à 10^ Il bout à i^a^-lâo" sous la pression de 744 milli- mètres. Densité de vapeur trouvée, 5.06; calculée, 5.09. Le dérivé chloré (3 CN - CH^ - CH^CI résulte de l'action (lu Iri- ou du penlacMorure de phosphore sur le nitrile lactique primaire CN - CHo - CH2(0H). C'est un liquide incolore, d'une odeur agréable, insoluble dans l'eau. Sa densité à 18", 5 est égale à 1.1445. Il bout sous la pression de 752 millimètres à 174''-176''. Sa densité de vapeur a été trouvée égale à 2.89; la densité calculée est 5.09. NiTRILES EN C4. îl s'agit exclusivement ici des composés normaux. Au nitrile Imhjrique CN - CH^ - Ctï^ - CH5 correspondent trois dérivés chlorés : 1° Deux secondaires, CN- CHCI-CH.-CH. a CN- CH, -CtlCI-Cfl-, 3 (*) Bulletin delà Sociclc chimique de Berlin a. IX, p. 1592; 1876. 5'"^ SÉRIE, TOME XXXV. 25 ( 362 ) 2° un primaire, CN- Cn,-CH,-CH,CI r A. — Dérivés secondaires. 1° Le dérivé a CN- CHCI-CH2-CH5 résulte de l'action de PCI3 sur le nitrile oxy-butyrique a CN - CH(OH) - CH^ - CH5, produit de l'addition de HCN au propanai CH3 -CH2-GHO. La réaction est aisée et fort nette. C'est un liquide incolore, mobile, d'une odeur piquante, d'une saveur très piquante. Sa densité à 9° est égale à 1 .0440. Il est insoluble dans l'eau. Il bout sous la pression de 760 millimètres, à la tem- pérature de 142°- 145°. Sa densité de vapeur a été trouvée égale à 3.55; la densité calculée est 5.57. 2° Le dérivé (3 CN - CH^, - CHCl - CH5 résulte de l'action de PCI5 sur l'alcool cyano-butylique secondaire (3 CN - CH^ - CH(OH) - CH5. Il est extérieurement analogue au précédent. Sa densité à 9° est égale à 1.0772. Il bout à 475°-176'' sous la pression de 760 millimètres. Sa densité de vapeur a été trouvée égale à 5.58; la densité calculée est 5.57. B. — Dérivé primaire y. Le nitrile butyrique y chloré CN - CHo - CH^ - CH^Cl (*) résulte de la réaction du chloro-bromure de triméthylène CHoCl - CH^ - CHgBr sur le cyanure de potassium. (*) Comptes rendus, t. CI, p. H08; 188S. ( 363 ) C'est un liquide incolore, peu odorant, d'une saveur piquante, insoluble dans l'eau. Sa densité à 11° est égale à i.4620. 11 bout à 195» sous la pression ordinaire. Densité de vapeur trouvée, 5.62; calculée, 3.57. Remarques générales. Les nitriles chlorés sont intéressants à considérer au point de vue de la question générale de la volatilité dans les composés carbonés. J'ai déjà fait voir (*) que la coexistence de l'azote et du chlore, flxés sur le carbone, en un point des molécules carbonées, constitue une cause puissante de volatilité. Elle est à son maximum à l'étage C^, alors que N et Cl, fixés sur le même atome de carbone, sont au maximum de rapprochement. Elle est, dans ces conditions, assez puissante pour déterminer le renversement des relations normales de volatilité que l'on observe entre un composé hydrogène et son correspondant chloré. HjCH Eb. - 164" H3C - Cl - 25» NCH + 26» NC-Cl + 15" 141» i)" Elle s'exerce encore, mais plus faiblement, à l'étage C) Comptes rendus, t. C, p. 1502; 1885. ( 364 ) Cg, alors que N et Cl sont fixés sur des atomes de carbone distincts, mais directement unis l'un à l'autre. H5C - CH3 H3C - CH,C1 Eh. - 90" \ \ + 102 NC-CH3 NC - CH.Cl H- 82° \ -H 124° / ) + 42 Elle s'efface totalement, ou presque totalement, aux étages C3 et C4 par l'interposition dans le système NC-CH2CI d'wn ou de deux chaînons intercalaires >CH2. Étage C3 H^C - CHa -CH, - CHîCI El) - 40" \ + 40" / \ -h 86- NC - CH, - NC ~ CH, -CHj - CH,C1 Étage C4 -h 98° ^ + 175» 1 ) + 77- H5C — CHj H3C - CHj - CHj — CHj -cns-CHXi Éh. 4- 1- \ + 78° / ).77. NC - Cfl, - NC-CH2- CHj-CHj CHs - CH,CI + H8° \ + t95« / ) + 77° ( 365 ) Alors que le chlorure de bulyle secondaire CH3 - CHCI - CH.2 - CH3 est unique de son espèce, il existe deux butyro-Jiitriles secondaires différents quant aux rapports de situation des composants - CN et - GHCl, à savoir : CN-CHCI-CHj-Clls et Ci\-CH,-CHCI-CH,-,. Ces deux nitriles chlorés montrent à l'évidence la relation de la volatilité de la molécule totale avec le degré de rapprochement des chaînons - CN et - CHCI. CN-Cllî-CH^-CHj El). 118° \ \ CN- ClICl-CH.-CIJ; 142°/ ) 57" CN -CIL- CHCI -CH, 475" / On remarquera encore qu'à l'étage C3 et à l'étage C4, les différences entre les dérivés nitriles chlorés secondaires et primaires sont plus considérables qu'entre les dérivés chlorés simples correspondants. Étage C^. Cn,,-CH,-CH,CI Eb 46" CH,-CHCI-CHj 56" CN-CH,-CH,C1 175" CN-CHCI-CH, 122» 10" 55" ( 366 ) Étage C^ CH3-CH,-CH,-CHjCl Éb. 78° CH5 - CH, - CHCl - CH, 09» CN-CH, -CH.-CHaCl 195" CN-CH2-CHCI-CH, 175» CN-CliCl-ClL- eu. 142" 9" 20" oô" Il n'est pas inutile d'attirer l'attention sur les diffé- rences de volatilité que l'on constate entre les divers termes de la série des éthers haloïdes C„H2„^.,C1 et les dérivés correspondants nitrilés. Éthers haloïdes. Nitrilés chlorés. H3C-CI Éb. -!25\ NC-CI Éb. 15\ )do° >'i09" HsC-CH.CI +12»; NC-CHiCI \U\ )ôi» > 31" H-C-CH,-CH,C1 +46"/ NC-CH, CH,CI 175° \32" ) 20" H3C-{CH2),-CH,(:i + 78°/ i\C-(CH,),-ClI,Gl 195» Je ferai une dernière observation. La notion de l'homo- logie, dans son sens réel, ne peut être établie entre les composés que pour autant que les relations de position des composants - CN et - CCI soient identiques. (367 ) Les composés suivants sont homologues et diffèrent, quant à la volatilité, par le module ordinaire, envi- ron 20° : CN - CHCl - eu, CN-CHCI-CIIJ-CH3 Eb. 122" \ - 142» / ) + 20' CN - CH2 - cn.ci CN - CH, ~ CH, - CH.CI - 475° \ -.- 195° / ) ^ 20' Mais les composés suivants : CN-CHCI-CII3 Éb. 122" CN- CH.-CHCl-CH-, - 175° et CN-CH,C1 124» CN-CH,-CHX1 175» 53" 51' ne peuvent pas être regardés comme de véritables homo- logues. En terminant, je tiens à exprimer à mon assistant, M. De Wael, mes vifs remerciements pour toute la part qui lui revient dans l'élaboration de ce travail. ( 3()8 ) Note sur le mécanisme de la décharge électrique d'un con- ducteur, produite par les radiations infra-électriques en général; par P. De Heen, membre de l'Académie. Dans des notes précédentes, nous avons montré que des foyers d'ét)ranlement de l'élher, tels que des corps incandescents, des flammes, ou encore une toile métal- lique frappée par l'effluve électrique, émettent dans l'es- pace des rayons, lesquels développent à la surface des corps l'énergie que nous avons désignée sous le nom d'infra-éleclrique. Les rayons X se comportent sous ce rapport de la même manière. On peut se demander si les rayons qui émanent d'un corps incandescent, par exemple, et qui déterminent ces phénomènes, appartiennent au spectre que nous connais- sons. ÏI est bien difticile d'admettre qu'il puisse en être ainsi: en effet, un lil de platine chauffé au rouge sombre détermine déjà la décharge d'un conducteur chargé néga- tivement (il faut atteindre le rouge vif pour des charges positives). Or le spectre des rayons calorifiques ou lumi- neux émis par ces corps est beaucoup moins complet que le spectre solaire, et l'on devrait conclure que ces rayons solaires ont une action plus accusée. L'expé- rience démontre le contraire : ces rayons ne déterminent pas de décharge sensible, même lorsqu'ils sont concentrés par une forte lentille (1). (1) M. le D' Le Bon a cependant reconnu que si le conducteur de l'électroscope est en zinc, lequel vient d'être parfaitement décapé, la décharge se produit encore. Cette expérience montre que les radia - lions solaires renferment encore une faible proportion de radiations infra-électriques. ( 501) ) Il faut donc admettre que ce ue sont pas les radiations calorili(jues et lumineuses que nous connaissons qui déter- minent la déchari^e, mais une espèce particulière de radiations absorbée par l'atmosphère solaire ou terrestre. Ces rayons {lossèdent, au point de vue électri([ue, toutes les propriétés des rayons X; ils n'en diffèrent probable- ment que par la longueur d'ondulation, et l'on peut se demander si nous ne sommes pas ici en présence des vibrations longitudinales qui accompagneraient nécessai- rement les vibrations transversales. Nous désignerons ces rayons sous le nom de tat/ons infra électriques. Quelle que soit l'opinion que l'on se fasse à cet égard, il est intéressant de rechercher par quel mécanisme ces rayons déchargent un conducteur. M. Perrin avait déjà émis cette proposition fondamen- tale que la décharge d'un conducteur a lieu lorsque les rayons rencontrent des lignes de force. Les expériences que nous avons faites conlirment non seulement cette proposition, mais indiquent que c'est à peu près unique- ment par ce procédé (]ue se produit la décharge d'un conducteur. ©^e^-e^-^o^ B FlG. i. Considérons un conducteur C ((ig. 1 ) et l'une quelconque ( 570 ) de ses lignes de force ab. Si ce conducteur est plongé par exemple dans l'air, chacune des molécules placées sur cette direction va s'électriser par influence, ainsi que l'indique la figure 4. Cela étant, lorsqu'un faisceau de radiations infra-électriques AB vient couper cette ligne de force, les molécules se déchargent et une nouvelle quantité d'énergie doit être empruntée au conducteur pour la recharger. Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons remplacé une molécule d'air par un fil métallique /^ très fin (fig. 2), isolé et placé entre le conducteur c et le conducteur c' d'un électroscope à feuille d'or. La pile sèche ;) permet- tait de décider du signe de l'électricité du conducteur c'. / c' O /' Fig. ± Cela étant, on charge c en mettant c' en communica- tion avec la terre, puis on enlève cette communication. A l'aide d'un fil métallique, on décharge ensuite f. On remarque alors que le conducteur c se décharge et que c' prend l'électricité de nom contraire. Or on observe le même phénomène si on répète la même expérience en enlevant le fil f et en approchant, par exemple, la flamme d'un bec de Bunsen du système. Dans ces conditions, ( 371 ) les molécules d'air jouent le rôle du fil f, et la décharge par le contact avec la terre est remplacée par la décharge produite par les radiations. Rappelons que le rôle de ces radiations ne se borne pas à décharger les diélectriques, mais que ceux-ci s'infra- électrisent. Si donc, par un procédé mécanique ou par diffusion, ces molécules viennent rencontrer un conduc- teur, elles le déchargent également. Mais cette condition n'intervient que d'une manière négligeable dans les expé- riences qui suivent. La conséquence immédiate de ce que nous venons de dire est que la décharge se produit d^aiitant plus rnpidc- vient que la h'gne de force soumise aux raisons sera elle- même plus longue. Afin de vérifier cette conséquence, nous avons disposé le conducteur c (fig. 5), suspendu à un fil de soie et muni d'un électroscope à balles de sureau, dans une cage en toile métallique, laquelle limitait la longueur des lignes de force à la distance qui sépare le conducteur de la toile. Il en résulte que, dans ces conditions, la décharge sous l'action des rayons X doit s'opérer beaucoup plus len- tement que si la cage n'existait pas; de plus, si l'on accroît les dimensions de la cage, la vitesse de décharge doit s'accroître également, pour devenir à peu près ce qu'elle est dans les conditions normales, si la cage, au lieu d'envelopper leconducleur, enveloppe le tube à rayons X. Voici les résultats que nous avons obtenus en nous ser- vant de cages en toile métallique dont la partie libre de la maille avait 5 millimètres de côté et les fils de fer l.o millimètre de diamètre : 1° L'électroscope à balles de sureau c (fig, 5), ayant 10 centimètres de diamètre, suspendu à un fil de soie, ( "2 ) retombe en 20" de lemps lorsqu'il est soumis à l'action des rayons X sans être enveloppé par une cage. 2" L'électroscope est placé sous une cage en toile métallique ayant 24 x 24 centimètres de côté et 60 cen- timètres de hauteur. L'électroscope retombe sous l'action des rayons en 205" de temps, alors que, en tenant compte du rapport qui existe entre la surface totale de la toile et la surlace des vides, rapport qui est 1.04, il devrait retomber en 20" X 1.64 = 52", 8 de temps. 5° L'électroscope est placé sous une cage ayant la même hauteur, mais mesurant 48 x 48 centimètres de côté. L'électroscope retombe en 1)1" de temps. 4" L'électroscope est libre comme dans la première expérience, mais le tube à rayons est placé dans la cage. Dans ces conditions, on n'observe plus de retard dans la cliute. c A -0+ -O- -O^ ^ i, ., + -O-O* Fie. Reprenons maintenant l'expérience avec la petite cage et électrisons celle-ci de même signe que l'électroscope f 575 ) (fig. 3). Il est facile tic voir que, dans ces conditions, grâce aux vides de la toile, la ligne de force ne sera plus interrompue; aussi observe-l-on que l'influence de la cage disparait à peu près complètement. Si, au contraire, la cage et l'éleclroscope sont élec- trisés de noms contraires, la décharge se produit plus lentement que si la cage n'était pas chargée. Il importe dans cette expérience de ne pas communi- quer à la cage des charges trop élevées, sans quoi, dans la première expérience, lorsque les électricités sont de nïème nom, a neutralise h, influence qui se transmet de proche en proche et décharge rapidement l'électroscope. Toutes ces expériences peuvent se répéter, non plus avec les rayons X, mais avec les rayons émanant d'un corps incandescent ou d'une flamme. Nous pouvons encore déduire comme corollaire la con- séquence suivante : Si les radiations infra-électriques déchargent les lignes de force, celles-ci perdront par cela même une partie de leur énergie; en d'autres termes, un champ électrique se comportera pour elles comme un milieu absorbant. A cet effet, nous avons placé entre la source de radia- tions et l'électroscope à balles de sureau l'extrémité du H,0, soil 08',0I135 II on 2,29 "/o- Ces teneurs en carbone et en hydrogène correspon- dent à la formule qui exige une teneur en carbone et en hydrogène de 45,88 "/o et de 2,09 °/o. La détermination de la densité de vapeur a d'ailleurs confirmé les résultats de l'analyse. Elle a été faite dans la vapeur de nitrobenzol (point d'ébullition, 207°). ( .^88 ) Poids de substance Température. Volume réduit à 0°. Pression réduite à 0°. Densité. Poids moléculaire déduit. 0e>-,U4o m» eo-^^- \\',mmQ «5,6 191 Poids moléculaire théorique, 190.9. Le nitrolrifluorloluol est un liquide incolore, d'une odeur analogue à celle du nitrobenzol, bouillant à201'\5 et ne se congelant pas à — 20". Sa densité à 15° est de 1,43571, son indice de réfraction à la même température de i, 47582. Beilstein et Kuhberg (*) ont entrevu, dans la réaction du trichlortoluol sur l'acide nitrique, le métanitrotri- chlortoluol. Seulement ce dernier se compose immédia- tement quand on verse le produit brut de la réaction dans l'eau et il se forme de l'acide métanitrobenzoïque. Le nitrofluortoluol résiste, au contraire, très bien à l'action de l'eau. Quand on le surchauffe, il se décompose avec violence; aussi n'est-il pas prudent de pousser la distillation jus- qu'à dessiccation du ballon distillatoire. Le nitrotrifluortoluol se laisse réduire par le chlorure stanneux, avec production de l'aniline correspondante. Pour réaliser cette réaction, j'ai dissous le nitro-dérivé dans trois fois son poids d'alcool. D'autre part, la quantité d'étain calculée nécessaire à (*) Beii.stkin une! Kuhberg, Liebig's Ann., t. CXLVI, p. 233. , 389 ) la réduction, fut dissoute dans cinq fois son poids d'acide chlorhydrique de densité 1,18, et cette dissolution, après addition de ^/g de son volume d'alcool, fut intro- duite dans un grand ballon. J'y laissai couler, par petites portions, à l'aide d'un entonnoir k robinet, la dissolution alcoolique de nitro- trifluortoluol, et j'agitai énergiquement après cbaque introduction du dérivé nitré, jusqu'à disparition complète de celui-ci. Au début, la transformation est très lente, mais peu à peu le ballon s'écliauffe et alors la réaction devient plus rapide. L'introduction du nitro-dérivé doit cependant être assez lente pour que la température ne s'élève pas au-dessus de 40"; au besoin, on refroidirait par immersion dans l'eau froide. Après introduction de tout le nitrotriflurtoluol, ce qui, pour 60 grammes de produit mis en œuvre, demanda environ deux lieures, le ballon fut chauffé au bain-mai'ie pendant une heure. Quand l'opération est bien conduite, tout le nitro-dérivé doit avoir disparu et l'on ne peut plus percevoir son odeur. Après refroidissement, j'ajoutai au liquide une solution à 50 % de soude caustique, en ayant soin d'éviter une élévation trop notable de la température, jusqu'à ce que tout l'oxyde stannique fût dissous. 11 se sépara à la surface du liquide une solution alcoolique d'aniline. On pourrait décanter celle-ci et la distiller séparément, mais il est cependant préférable d'entraîner l'aniline par un courant de vapeur d'eau, sans isoler la solution alcoolique. Il ne se sépara dans le ballon récipient qu'une faible portion de l'aniline, à cause de la grande quantité d'alcool que renfermait le distillât. J'y ajoutai son volume d'une solution à 50 "/o de chlorure de sodium, puis je ( 390 ) secouai avec de Téther, qui enleva l'aniline et une partie de l'alcool. La solution éthérée fut desséchée sur du sulfate de soude anhydre, puis distillée au bain-marie pour éliminer l'éther et l'alcool. L'aniline restante fut distillée à feu nu. Elle passa à la distillation entre 185° et 190^ En recti- fiant, j'obtins un produit absolument pur, bouillant à 187°, 5 sous 764 millimètres de pression. Le rendement est très bon ; 00 grammes de nitrotrilluortoluol donnent 45 grammes d'aniline. On peut aussi réduire le nitro-dérivé à l'aide d'une solution aqueuse de chlorure stanneux, mais l'opération est beaucoup plus longue. La trifluortoluidine est un liquide incolore, jaunissant à peine à la longue. Elle bout à 187°, 5 et la distillation est accompagnée d'une légère corrosion du verre. Sa densité est de 1,50467 à 1:2°, 5; son indice de réfraction, de 1,4847 à la même température. Sa densité de vapeur, prise à 184°, a donné les résul- tats suivants : Poids ! de i Température, substance j Volume réduit à 0° Pression réduite à 0'. Densilé. Poids moléculaire déduit. 08>-,0b3 184° SK^jïJ i72mm^7 o,38 loo Le poids moléculaire théorique est 161 ; le poids molé- culaire trouvé est un peu trop faible, mais il est à remar- quer que la trifluortoluidine attaque légèrement le verre ( 391 ) à sa température d'ébullition, ce qui a pu donner lieu à cette minime erreur. Elle ne se congèle pas à — 20". Ce corps est un peu soluble dans l'eau, qui en dissout environ 0,4 "/o. Aussi est-il peu avantageux, quand on le prépare, de se contenter de précipiter le distillât alcoo- lique par l'eau. Ce procédé entraîne des pertes notables; il vaut mieux extraire par l'éther. La trifluortoluidine se combine aisément aux acides. Quand on y ajoute de l'acide chlorhydrique étendu, il se produit un magma cristallin de chlorhydrate, formé de paillettes blanches, nacrées. Ces paillettes sont solubles dans beaucoup d'eau, mais presque tout à fait insolubles dans l'acide chlorhydrique concentré. Le produit, après essorage à la trompe, est purifié par plusieurs cristallisations de l'alcool dans lequel il est facilement soluble. On l'obtient à un haut degré de pureté en le précipitant par l'éther de sa solution alcoo- lique. C'est un tel produit qui m'a servi à l'analyse pour identifier l'aniline. UeSD99 de substance onl donne OeV-904 AgCI, soilO«s071097 CI ou 17,82 «/„. CFI Calculé pour C6H4 ( 596 ) Dans la solution de cyanure cuivreux ainsi préparée et chauffée au bain-marie, j'ai fait couler, en mince filet, la dissolution, maintenue à 0°, de chlorure de diazotri- fluortoluol. La réaction se produisit immédiatement, avec dégagement impétueux d'azote et formation d'une émul- sion blanchâtre. Après introduction de tout le chlorure de diazotrifluortoluol, le produit de la réaction fut encore chauffé au bain-marie pendant une demi-heure, puis distillé dans un courant rapide de vapeur d'eau. Il se condensa dans le ballon récipient une huile jaune, plus lourde que l'eau. Après distillation de la moitié du liquide, les vapeurs condensées donnant un liquide d'une limpidité parfaite, la distillation fut interrompue et le distillât fut refroidi à 0°. L'huile se figea en une masse cristalline compacte et le liquide surnageant fut décanté. Les cristaux, qui fondaient à une température peu supé- rieure à 0", furent dissous dans l'éther; cette solution éthérée fut séchée sur du chlorure de calcium et l'éther distillé ensuite au bain-marie. Comme le produit de la réaction était légèrement solu- ble dans l'eau, la portion aqueuse du distillât fut secouée avec de l'éther, celui-ci séché sur du chlorure de calcium et distillé. J'obtins ainsi encore une certaine quantité de substance. Après deux épuisements par l'éther, le liquide aqueux ne céda plus de quantité appréciable de produit. J'obtins ainsi 40 grammes de produit brut qui fut dis- tillé à feu nu. La distillation commença à ITO"; le ther- momètre s'éleva assez rapidement à 187", pour se main- tenir pendant la plus grande durée de la distillation entre 187° et 193°. Entre ces limites de température passa la majeure partie de la substance (50 grammes environ), sous forme d'un liquide très légèrement verdâtre; puis le ( 397 ) thermomètre monta, (rabord lentement, ensuite rapide- ment, jasqu'à îiSO", température à laquelle distilla une très petite quantité d'un produit liquide et sirupeux, obtenu en proportions trop faibles pour que j'aie pu l'étudier. Le produit principal cristallisa vers 10° en grandes lamelles; je me suis appuyé sur cette propriété pour l'obtenir tout à fait pur. En le congelant à plusieurs reprises, puis en laissant subir aux cristaux une fusion par- tielle et en décantant chaque fois le liquide surnageant, j'ai obtenu un corps à point de fusion tout à fait con- stant (li",ô). Il fallut quatre cristallisations pour arriver à ce résultat. Le produit pur était tout à fait incolore et bouillait à 189*. J'y ai dosé le carbone et l'hydrogène. OE^oGOO de substance ont donné 0e^760^ CO^, soit 0gs20T5 C ou 56,04 "/o, et 0P%0848 H,0, soit Oe^ODiSH on 2,54 "/»• Cal( ;ulé pour (:oH4<^5'' C 56,02 »/„ II 2,54 -Vo Le rendement en trifluortolunitrile est assez bon. Nous savons que la réaction de Sandmeyer ne donne en général pas de résultats théoriques; c'est ainsi que, dans la préparation du tolunitrile, le rendement est de 70 % environ. Le trifluortolunitrile a une odeur agréable d'amandes amères, il est un peu soluble dans l'eau. Sa densité à 20° est de 1,2812(3; son indice de réfraction à la même température, de l,450i8. (398 ) Sa densité de vapeur est normale, comme le prouvent les données suivantes : Poids de substance . Température. Volume réduit à 0°. Pression réduite à 0". Densi;é. Poids moléculaire déduit. 0êr,538 ■ 184" 64".6 U^mm[ o,T9 169,7 Poids moléculaire théorique, 171. J'ai utilisé le tritUiortolunitrile que j'avais préparé pour essayer d'obtenir l'acide correspondant, dont l'étude me paraissait intéressante à faire au point de vue de son activité chimique. J'ai donc saponifié le nitrile en employant d'abord l'acide sulfurique et l'eau. 12 grammes de trifluortolunitrile furent versés dans un ballon muni d'un réfrigérant ascendant et additionnés de 120 grammes d'acide sulfurique à 75 %. Le ballon fut chauffé au bain de sable, de manière à obtenir l'ébul- lition du liquide, et cette ébullition fut maintenue jusqu'à ce que tout le nitrile eût disparu et que des cristaux sublimassent dans le réfrigérant. La réaction s'accom- pagne d'une légère carbonisation; en même temps, le verre est attaqué et il se produit assez bien de silice. Après refroidissement complet, le produit fut versé dans l'eau, ce qui donna lieu à une abondante précipita- tion d'un composé cristallin qui fut essoré à la trompe et lavé à l'eau. Les cristau.x furent ensuite traités par l'alcool, qui les dissout très bien à chaud, mais en aban- ( 399 ) donna la majeure partie par refroidissement, sous forme d'aiguilles. Celles-ci furent séchées dans le vide, puis soumises à la sublimation. Elles fondirent assez facile- ment, puis donnèrent un sublimé formé de très belles aiguilles blancbes, tandis qu'un résidu, beaucoup moins volatil, cristallisait sur les parties inférieures de l'appareil à sublimation. Le produit non sublimé fut redissous dans l'alcool et précipité de cette dissolution par l'eau ; ce traitement fut répété deux fois. J'obtins ainsi une poudre cristalline blanche, qui fut sécbée dans le vide. Cette substance ne fondait pas à KX)°, mais subissait à cette température une demi -fusion, qui ne devenait complète qu'au-dessus de 300'', tandis que les aiguilles sublimées fondaient à 99°. Comme la saponification du nitrile par l'acide sulfu- rique avait été accompagnée d'une corrosion du verre, il était possible que le chaînon - CFI3 eût été attaqué. La présence d'un corps ne fondant qu'au-dessus de 500° semblait confirmer cette hypothèse, car elle permettait de supposer la formation d'acide isophtalique, qui ne fond en effet qu'à cette température. Cependant l'analyse du produit ne conduisit à aucun résultat; la purification n'était pas suffisante. Elle fut donc poursuivie. Les cristaux furent dissous dans une solution de car- bonate de sodium et précipités de cette solution par l'acide acétique. Le précipité, essoré et séché, fut dissous dans l'alcool et la solution alcoolique soumise à la préci- pitation fractionnée par l'eau. Aux dépens des portions que précipitaient les premières, j'obtins une poudre ( 400 ) blanche fondant au-dessus de 300° et qui, à l'analyse, s'est trouvée être un acide phtalique. En effet, 0«f,i408 de substance ont donné Oe'-,30M CO^, soit 06r,082l C ou 57.6 7„ , et 06^0497 H^O, soit Oe',0552 H ou 3,9 %. Calculé pour CSH6O4. C 57,82 "'. H 3,62 »/. Un dosage acidimétrique a confirmé ces résultats. En outre, j'ai préparé le sel de sodium dont j'ai fait l'analyse. 0?%2187 de substance ont donné 0e^^424 Na,SOi, soit 0e'-,048l9 Na ou 22,05 •/„. Calculé pour CsH404Na.j. 21,95 Vo Cet acide est l'acide isophtalique. En effet, l'acide téréphtalique se sublime sans se fondre et l'acide ortho- phtalique fond à 128°. En outre, la solution du sel de sodium ne précipitait pas par le chlorure de baryum, caractère qui différencie l'acide isophtalique et permet de le séparer de l'acide téréphtalique et orthophtalique. Le produit sublimé et fondant à 99° fut dissous dans l'eau bouillante, dans laquelle il fond d'abord, puis se dissout. Il cristallisa par refroidissement de cette disso- lution chaude. Après avoir répété cette opération plu- sieurs fois, j'ai séché les cristaux dans le vide. Ce corps se sublimait facilement et attaquait le verre I I ( Ai)\ ) au rouge. L'analyse a prouvé que c'était l'acide trifluor- toluique. 0«^3I de substance ont donné 0e'-,5705 de COj, soit 0, 15359 Cou 50,19%, ei Oe',0759 U^O, soit 0^,00843 H ou "2,70 "/.• CFl Calculé pour ''6H4n. Si nous voulions déterminer la constante de dissocia- lion électrolytique de la trifluortoluidine, il nous suffirait de remplacer ft„^y par sa valeur probable : 2,28 x 10- *^. Nous trouverions ainsi : /f = 7,28.10-'^ La trifluortoluidine est donc une base des plus faibles. L'influence du remplacement de l'hydrogène par du fluor est ici beaucoup plus marquée que dans l'acide toluique. Ce fait n'a rien qui doive nous étonner. Le (*) Bredig, Zeitschrift fiir physik. Chein., t. XIV. p. 289. ( 41/p ) chaînon - CH3 possède, en effet, la propriété d'exalter le caractère basique des anilines quand il est dans la méta- position. C'est ainsi que la constante -j^^ est Vs f^^is plus grande pour la métatoluidine que pour l'aniline. D'un autre côté, il déprime à peine le caractère acide dans la niétaposilion; c'est ainsi que la constante de dissociation électrolytique de l'acide métatoluique est 0,00514; celle de l'acide benzoïque, 0,00(). Le remplacement dans une aniline d'un chaînon à caractère basique, comme le méthyle, par un chaînon aussi métalloïdique que - CFI3, doit avoir pour effet de diminuer considérablement le caractère basique de la substance. Il résulte des faits signalés dans ce travail, que le chaînon - CFI5 possède dans les substances aromatiques une action acidifiante prononcée,- mais cependant bien inférieure à celle que j'ai pu constater pour les chaînons - CFICL2, CFlBrCl dans les acides de la série acétique. Son pouvoir d'orientation semble être le même que celui du carboxyle et de - CCI3. Ce groupement est en outre remarquable par sa stabi- lité et diffère par là complètement du chaînon similaire - CCI7,. Presque toutes les réactions faciles à réaliser avec le chloroforme benzoïque ne réussissent pas dans les mêmes conditions, avec le chloroforme correspondant. D'autre part, grâce à la résistance du groupement - CFI3 aux différents agents chimiques, j'ai pu obtenir une série de dérivés aromatiques trisubstitués dans le méthyle et dont il n'existe pas de similaires pour les autres balogènes. Celte stabilité remarquable du cbaînon - CFI5, qui fait I ( 41o ) que le fluor ne quitte le carbone que sous l'action des agents les plus énergiques, comme l'acide sulfurique con- centré et chaud, est due à cette affinité spéciale et si énergique du fluor pour le carbone, affinité que j'ai eu à maintes reprises l'occasion de signaler. Je ne crois pas qu'on puisse en inférer à une différence entre le fluor et les autres halogènes, et rapprocher le groupement - CFI3 du carboxyle. Dans l'histoire des composés organiques du fluor, trop de faits prouvent que le fluor est un halogène véritable. A l'aide des déterminations d'indice de réfraction et de densité que j'avais faites, j'ai calculé l'indice de réfraction moléculaire des cinq corps liquides que j'ai obtenus et j'en ai déduit l'indice de réfraction atomique du fluor. Pour la trifluoraniline et le trifluortolunitrile, j'ai admis, comme indice de réfraction atomique de l'azote, les valeurs trouvées par Briihl (*) pour les anilines et les nitriles aromatiques, savoir 3,21 et 5,56. Comme les indices de réfraction de l'azote et de l'oxy- gène ne sont pas encore fixés dans les dérivés nitrés, j'ai déduit la réfraction atomique du fluor dans le tri- fluornitrotoluol en comparant la réfraction moléculaire de ce dernier à celle de l'orthonitrotoluol déterminée par Briihl (**). Dans le tableau suivant, je donne les résultats des mesures et les constantes qui en sont déduites. (') Brùhl, Berichte, XXVIII, p. "2390, et Zeitschrift fur physik. Chem., t. XVI, pp. 497 et oI2. (*') Brohl, Zeitschrift fur physik. Chem., t. XVI, p. 193. ( 416 ) X X -c £ - b.x b^»>:. i£.0 ;jz t-;u UiC V V V (417 ) Cette valeur moyenne, ainsi que chacune des valeurs individuelles de l'indice de réfraction atomique du fluor, concordent parfaitement avec la valeur 1,08 que j'ai trouvée précédemment pour les combinaisons fluorées saturées. Je rappellerai que dans les composés non saturés que j'avais étudiés et dans lesquels le fluor était fixé sur un atome de carbone portant une double soudure, j'avais trouvé pour réfraction atomique du fluor la valeur 0,775. Dans le mémoire que j'ai publié sur ce sujet, je pré- voyais que dans les combinaisons à doubles soudures, dans lesquelles le fluor ne serait pas fixé sur le carbone non saturé, l'indice de réfraction atomique de cet halo- gène serait environ 1 ,08, c'est-à-dire le même que dans les composés saturés. Les déterminations dont je viens de donner les résul- tats confirment pleinement ces prévisions; il faut que le fluor soit fixé sur le carbone non saturé pour que son indice de réfraction tombe à 0,775. Pour expliquer ces variations dans l'indice de réfrac- tion atomique, j'indiquais qu'on pourrait admettre que dans les composés non saturés, le fluor mettrait enjeu un nombre de centres d'attraction supérieur à un et ferait sauter la double soudure de carbone à carbone. On sait que la plurivalence du fluor a été admise par plusieurs chimistes pour expliquer notamment la densité de vapeur anormale de l'acide fluorhydrique, l'existence des fluorures doubles et des fluosels. Mais si l'explication que j'avais indiquée est l'expres- sion de la vérité, il faudrait que dans les corps dans ( 418 ) lesquels les atomicités supplémentaires du fluor seraient saturées par d'autres éléments, l'indice de réfraction atomique du fluor fût toujours le même, que cet élément fût fixé sur un atome de carbone à soudures simples, ou sur un atome de carbone portant des doubles soudures. Seulement, nous ne connaissons aucune substance de ce genre; le fluor n'est jamais uni qu'à un seul élément. L'élément spectro-chimique de l'azote fournirait peut- être la solution de la question. Briihl, qui a longuement étudié la réfraction atomique de l'azote, a trouvé que celle-ci variait, suivant le nombre de valences de l'azote saturées par des chaînes hydrocar- bonées, suivant la nature des éléments combinés à l'azote, et aussi suivant le nombre d'atomicités par lesquelles l'azote était fixé au carbone. Mais ce qui m'intéresse le plus dans les remarquables recherches de ce savant, c'est qu'il observe dans les aminés primaires un indice de réfraction atomique de l'azote différent, suivant que le groupement NH.2 est fixé sur un atome de carbone saturé ou sur un carbone por- tant une double soudure. C'est ainsi que dans la benzyl- amine, il trouve un indice de réfraction atomique de l'azote égal à 2,29; dans les toluidines, cet indice s'élève à 5,21. Ces différences se répètent pour tous les dérivés de NH^), qu'ils soient aliphatiques ou aromatiques. L'azote se comporte donc absolument comme le fluor : pour lui aussi, la présence de la double soudure du carbone au carbone n'influence la réfraction atomique que pour autant que cette double soudure affecte l'atome de carbone sur lequel il est fixé. ( 419 ) On peut faire pour l'azote la même hypothèse que pour le lluor, et cette hypothèse a déjà été émise par Nasini (*). Cet auteur avait également observé des variations de rétraction atomiques de l'azote et du soufre, suivant que ces éléments sont combinés à un atome de carbone saturé ou non. Il fait remarquer que l'azote et le soufre sont certainement des éléments à atomicité variable et que dans les corps qu'il a étudiés, ces deux éléments ne mettent pas en jeu toutes les valences dont ils disposent. Il admet que les valences « potentielles « auraient pour effet de diminuer la solidité de la double soudure du carbone au carbone, en provoquant une attraction de l'atome de carbone vers l'élément, azote ou soufre, à valences libres. Cette attraction serait insuffisante pour diminuer la valeur chimique de la double soudure, comme le prouve la constance de fonction chimique de l'anneau benzolique, mais aurait physiquement une influence sur ce double lien, influence suffisante pour modifier l'indice de réfraction et le pouvoir dispersif. Pour l'azote, le contrôle de l'hypothèse peut se faire plus facilement que pour le fluor. Si elle est exacte, il faut que, dans les composés dans lesquels toutes les valences de l'azote sont saturées, comme dans les nitro-dérivés par exemple, les indices de réfraction atomique soient les mêmes, que la combinaison soit saturée ou non. Briihl nous fournit à cet égaid des documents expéri- mentaux nombreux, mais cet auteur s'étant réservé la discussion de ses résultats, il ne m'appartient pas d'eni- (*) ^kSiM,Zei!schrift fur physik. Cliein., t. XVII, p. 589. ( 420 ) piéter sur son terrain et de véritier ici l'exactitude de l'hypothèse que j'ai émise. On pourrait également étudier les combinaisons sul- furées et voir si, dans les dérivés sulfoniques, dans lesquels toutes les valences du soufre sont saturées, l'indice de réfraction varie avec la nature de l'atome de carbone sur lequel le soufre est fixé. En terminant, je ferai remarquer que les points d'ébul- lition des dérivés fluorés que j'ai obtenus sont tous infé- rieurs à ceux des composés hydrogénés correspondants, sans que cependant je puisse trouver quelque régularité dans l'abaissement de la température d'ébullition. C'est ce que montre le tableau suivant : Dérivés fluorés. Point d'ébullition. Dérivés hydrogénés. Point d'ébullition. Différence. CgHs-CFI^. lOH» C0H5 - CH5. 110» 7° CoHg-CClFI,. 143» CeHs-CClH,. 176» 23» t-cHi-CNH. i3) 187» ,. H ^^"r, (1). 497° 10^ '■6H4 300° >60» Gand, le i" mars 1898. ( 4.24 ) Note sur la configuration formée par les quadrisécantes des courbes gauches rationnelles du sixième ordre; par François Deruyts, charité de cours à l'Université de Liège. Dans un travail antérieur, nous avons montré qu'une courbe gauche rationnelle d'ordre m jouit de la pro- priété de posséder m — ô /m — 5 ^i groupes de quatre points situés en ligne droite. Dans le rapport qu'il a fait sur notre travail, M. Le Paige a bien voulu signaler (*), par de nombreux exemples, l'intérêt qu'il y avait à étudier les figures for- mées par les quadrisécantes, ainsi que par certaines droites remarquables, annexes à ces quadrisécantes. C'est pour répondre au vœu formulé par notre savant maître que nous avons l'honneur de présenter la pré- sente note. Nous étudions, en particulier, la courbe gauche du sixième ordre; nous démontrons, entre autres, que la courbe peut être considérée comme étant l'intersection d'une même surface cubique avec un système de surfaces réglées du quatrième ordre; chaque surface réglée ayant /*) Bull, de l'Acad. roy. de Behjique, 3" série, t. XXXV, n» 3, 1898. ( 422 ) en commun avec la surface cubique six droites, les six quadrisécantes de la courbe gauche sont six droites d'un même doubie-six de la surface cubique. Nous montrons le moyen de construire ces surfaces. 1. Si nous prenons, comme arêtes opposées du tétraèdre de référence auquel une courbe gauche ration- nelle d'ordre m est rapportée, deux quadrisécantes de cette courbe, il est visible que ses équations pourront se mettre sous la forme : i-r. X,: X,: x, = /la'r ' : rX-' : ftc: - ' : ?id7-*; • • (I) les racines des formes /"^ et 9* sont les paramètres des points de la courbe situés sur les quadrisécantes Xi =0, X2 = 0 et ^3 = 0, j?4 = 0, et les racines des formes a""\ b'"~\ c"'~\ C'* sont les paramètres des points où les faces du tétraèdre de référence rencontrent la courbe en dehors des deux quadrisécantes choisies. Les plans passant par les quadrisécantes ont pour équations X, — AXo = 0, ils coupent la courbe en des groupes de m — 4 points dont les paramètres sont les racines des équations fl™ - * — A^7 - * = 0. Ces groupes forment donc deux involutions d'ordre m — 4 et du premier rang : ces involutions ont en com- ( 425 ) niun (m — l^f couples d'éléments. Nous voyons ainsi que, sur deux quadrisécantes d'une courbe gauche ration- nelle d'ordre m, il s'appuie (m — 5)- bisécantes de celte courbe. Si nous éliminons entre les équations (1) les formes /'* et œî, il en résulte que les coordonnées des points de la courbe donnée satisfont aux équations .r- c" ~ Si, de plus, nous éliminons entre ces deux dernières équations la variable x, nous obtenons un résultant d'ordre 2(m — 4) par rapport à x^, x.2, x^, x^; ce résul- tant représentera, en général, une surface réglée d'ordre 2(m — 4) ; donc la courbe gauche rationnelle d'ordre m est située sur une surface réglée d'ordre 2(m — 4). 2. En particulier, considérons le cas de m = 6. Nous voyons que : 1" Une courbe gauche d'ordre six, C^, est située sur une surface réglée du quatrième ordre : les droites de cette surface sont les intersections des plans homologues des deux faisceaux Xi — AX.^ == 0, Xi — fiXi = 0, dont les paramètres l et p. sont reliés entre eux par une ( An ) équation biquadratique exprimant que le résultant des deux formes est nul. L'équation de la surface sera donc ^)QX^ — OoT. 6,X, — «,X_, ^«r, — (/4X2 0 (/o3 3 — ^oï"t <^-^5 — <"iJ 4 '/jars - CjXi 0 0 (/0X3 — ioi\ i^^X-^—C^X^ (^X^ — f^X^ = 0. 2" Une courbe Cg possède six quadrisécantes : deux quelconques d'entre elles ne peuvent se rencontrer; sur deux quadrisécantes, il s'appuie une seule bisécante de la courbe. Si nous convenons de représenter par «1, «4, f'3, a<, f'B, Os les quadrisécantes de la courbe et de représenter par a,t la bisécante qui s'appuie sur a, et a*, nous obtenons le groupe de quinze bisécantes Remarquons que deux bisécantes a.^ et a.i., dont un des chiffres ligurant dans l'indice de la droite est le même pour les deux bisécantes, ne peuvent se rencontrer. En ( 425 ) effet, par exemple, les droites a^j et a^g n'ont aucun point commun, sans quoi le plan qui les unirait contiendrait huit points de la courbe C,). Pour étudier la configuration formée par ces quinze droites et les six quadrisécantes, il est nécessaire que nous établissions quelques considérations préliminaires. 3. Soient deux couples de droites fixes, ne se rencon- trant pas, ai, a.2 et a^, a^ : les plans d'une gerbe S coupent ces couples de droites en des couples de points Al, Aq et A3, A4 : le lieu du point de rencontre des droites di = (Ai A2), ^3 = {^0 A4) est une surface du troi- sième ordre qui passe par ai, a^,, a^, a^. En effet, prenons une droite arbitraire d; les plans tangents communs aux deux surfaces du second ordre qui ont pour directrices «,, 02, d, «ô. ^'i: d, forment une développable de la troisième classe; par le point S, il i)asse trois plans de cette développable : ce 3ont les plans de la gerbe qui donnent lieu aux points de la surface situés sur la droite d. La surface passe par les droites ai, a^, a^, a^ données; car si l'on considère les plans que l'on obtient en joignant le point S aux génératrices des surfaces réglées du second ordre qui ont pour directrices respectives «1, "2, 03. a,, «a. fli, 0,, a-,. Oi. ô""* SÉRli:, TOMK XXXV. 20 ils donnent lieu aux points de la surface situés sur les droites respectives «3, "i^ Oj, «i- 4. Ceci posé, considérons une courbe gauche du sixième ordre, Cq, et quatre de ses bisécantes, a^, a<^, a-, a^; des points de la courbe, menons les transversales aux deux couples de droites ay, a.2 et a^, a^, et recher- chons quelle est la développable formée par les plans qui unissent ces transversales. Prenons, à cet effet, un point quelconque P : les plans menés par ce point marquent sur les droites a^, a^, «3, a^ des points A^, A2, A5, A4; le lieu du point d'intersection des droites rfj ^ (A^, A2), rf^ == {A3, A4) est (n° 3) une sur- face cubique passant par ai, a^, 03, 04. Cette surface rencontre la courbe donnée, Cg, en dix-huit points, dont seize se trouvent sur les quadrisécantes ai, a^, a-^, a^ de la courbe. Si nous décomptons ces seize points, puisqu'ils restent fixes, quel que soit le point P choisi, nous voyons que la développable cherchée est de la seconde classe, c'est-à-dire que ses plans enveloppent un cône du second ordre. Nous pourrons donc énoncer la propriété sui- vante : Si (les points d'une courbe gauche rationnelle du sixième ordre on mène des transversales à deux couples de quadri- sécantes de cette courbe, les plans de ces transversales enve- loppent un cône du second ordre. 5. Soit S1034 le sommet du cône formé quand on con- sidère les deux couples de quadrisécantes ai, a.2 et a3, 04. Les plans qui passent par ce point S1254 marquent sur les ( 427 ) deux couples de droites Oj, a<2 et a^, a^ des couples de points dont les jonctions se coupent aux points d'une surface cubique passant par «i, a<^, a^, a^. Cette surface cubique contient la courbe gauche C^, puisque les plans qui enveloppent le cône du second ordre qui a pour sommet 85234, sont compris dans la gerbe de plans dont le centre est le même point : nous déduisons de là immé- diatement que les droites «r;, a^ sont aussi des droites de la surface, puisqu'elles ont en commun avec elle quatre points : ce sont les points où elles s'appuient sur la courbe C^; de plus, les droites ai, a^, %, a^, %, Og sont six droites d'un double-six de la surface, puisqu'elles ne se rencontrent pas. Nous avons ainsi démontré le théo- rème suivant : Les six quadrisécantes d'une courbe gauche rationnelle du sixièîne ordre sont six droites d'un double-six d'une sur- face cubique passant par la courbe. 6. Il nous reste à déterminer combien il existe de telles surfaces du troisième ordre passant par la courbe. Pour cela, considérons les deux bisécantes a^^ et 054 de la courbe Cg qui s'appuient sur les couples de quadri- sécantes ai, aç, et a^, a4. Si des deux points de Cg situés sur aiç), nous menons les transversales aux couples de droites ai, a.2 et a-, a^, les plans qui unissent ces trans- versales se coupent suivant ai^; or ces plans doivent passer par le sommet 81^34; donc ai^ passe par 81034; il en est de même de a34; par conséquent, ai2 et a^^ se rencontrent. On peut le démontrer encore autrement : par le point S1234, menons la transversale rfi2 aux deux droites aj, a2 : les plans tangents au cône S1204 qui passent par la ( 428 ) droite dj^ rencontrent a^ et a^ en des couples de points dont les jonctions rencontrent djo en deux points, appar- tenant à la courbe Cg; dj^ est donc une bisécante de la courbe Cg qui s'appuie sur a^ et a^; elle doit nécessaire- ment coïncider avec a^^- Les six droites a^, a^,, a-, a^, ag, «y, quadrisécantes de la courbe Cg, peuvent se grouper quatre à quatre des quinze manières suivantes : «la^/jr/^; a,a.2«;Og; atO^Os^g; (/lOof/iC/j; 0,0.^0^0^; aiMsajOe; 0,030405; 0,030406; OiOsOjWb; aïO^o^o,;; a^a^a^U;i•, o^OjO^ag; OîUsOsOg; OsO^OsOe; «jO^OiOe. Considérons le groupe de quatre droites O,- Qi Ui o„,. Ce groupe peut se diviser en couples de deux droites de trois manières : lîi, o*; a,, a,„; «o Oj; "4, a„; Si des points de la courbe Cg, nous menons les trans- versales aux couples de droites de ces groupes, les plans de ces transversales enveloppent trois cônes du second ordre : De là il suit que^si nous considérons les quinze groupes de combinaisons des six quadrisécantes de la courbe Cg, nous obtenons quarante-cinq cônes du second ordre. ( 429 ) D'après ce que nous avons vu, si du sommet S,i,„ nous menons les transversales communes aux droites a, a, et (Il a„., les droites obtenues sont les bisécantes a.^ et a,,^; ces bisécantes se rencontrent. Donc : Les quarante-cinq cônes du second ordre auxquels donne lieu la courbe Ce ont leurs sommets situés six à six sur une même bisécante de la courbe. Ainsi, par exemple, la bisécante «i^ contient les six sommets Nous pouvons remarquer de plus que deux bisécantes «.*î «/ml dont les indices ne contiennent pas un même chiffre, se rencontrent en un point, qui est un sommet d'un plan tritangcnt d'une surface du troisième ordre passant par la courbe, et que deux bisécantes dont les indices contiennent un même chiffre ne se rencontrent pas. A première vue, il semble que l'on puisse faire passer par la courbe Cg quarante-cinq surfaces cubiques : nous allons prouver que ces surfaces ont le même réseau de vingt-sept droites, en montrant que ces vingt-sept droites dépendent uniquement de la courbe C,; ; nous aurons ainsi démontré que ces surfaces coïncident. 7. Considérons, en particulier, la surface du troisième ordre engendrée par le procédé indiqué au n" 5, en pre- nant pour centre de la gerbe le point 8,2.-4. ^ous avons déjà dit que cette surface passait par les six quadri- sécantes ff,, a.,, tfj, ffi, ff,, «c; elle passe de plus par les quinze droites an,. En effet, par exemple, la droite a^ s'appuie en deux points de la courbe ( 430 ) donnée, en même temps que sur les deux droites de la surface a, et a^; elle est donc tout entière située sur elle. Nous pouvons maintenant observer que les groupes de cinq plans situés sur une même ligne horizontale du tableau ci-après, se coupent suivant une même droite : (aî"lî), {"ô^'iz\ {"iau\ («5"l5). (il6f'i6\ («,«,2^ {a-^ai^), («iCii), {fi^a.,), (««f/jg), {(Ui, IJz, (fi> (Js- ^6 les six droites de la surface auxquelles donnent lieu les six groupes de cinq plans indiqués ci-dessus, nous voyons que la droite 6, rencontre les droites a^ dont l'indice A' est différent de i et, de plus, qu'elle rencontre toutes les droites a,„, dont un des chiffres de l'indice est /. Nous voyons ainsi que le réseau des vingt-sept droites de l'une quelconque des quarante-cinq surfaces qui passent par la courbe C,; est, en définitive, composé : 1" des six quadrisécantes de la courbe C^; 2° des quinze bisécantes de la courbe qui s'appuient sur les quadri- ( 431 ) sécantes prises par couple; enfin 5° des transversales communes aux quadrisécantes, prises quatre à quatre. Ces transversales se réduisent à six, car des deux trans- versales qui s'appuient sur quatre quadrisécantes, l'une s'appuie sur la cinquième et l'autre sur la sixième quadrisécante. De plus, ces droites ne peuvent rencontrer la courbe Cq. Ainsi, les quarante-cinq surfaces coïncident : nous croyons utile de donner le tableau des quarante-cinq plans tri tangents de cette surface pour la classification des courbes Cq, au point de vue de leurs quadrisécantes qui peuvent être réelles ou imaginaires conjuguées par couples. fll«12^î aidi^b^ aiUiibi 01015^5 aiaiA, 02012^1 a^îCiizbz a^a^ibi flaflao^o a^a^A az^izài aMrobi «ôflôi^i «3«33*3 a3«36^6 aiUubi fliflai^s Oiflâi^S aiflisôs a4«46^6 a^iUi^bt «^5^23^2 ûo'iss^ô «sais^i 0S«5R*6 «6«16^1 a6«26^2 dea-oeh dadièbi a6«o6^3 fllSÛôi^ofi ai^a^asG aud^^ase 01 5023» te ai6«23a4S «««ôoOiB ûisAssaie aua25«3c aroiiaa-.o «10«2ia3o aiidzcAK ai3«2C«iïï anaaeflsr, drAie^zi «16a23«34 ( 432 ] Les sommets des quinze derniers plans tritangents sont les quarante-cinq sommets S^^^^ des quarante-cinq cônes dont il a été question plus haut. 8. Nous pouvons remarquer qu'il existe six droites qui sont axes de faisceaux dont les plans rencontrent la courbe gauche du sixième ordre en six points, situés sur une même courbe du second ordre. Prenons, en effet, une des droites &,. Tout plan mené par 6^ rencontre la surface du troisième ordre, passant par la courbe, en une courbe du troisième ordre qui se décompose en une conique et la droite b^; ce plan rencontre la courbe gauche du sixième ordre en six points, situés sur la section de la surface par le plan. Or aucun de ces points ne se trouve sur la droite 6,; ils se trouvent donc tous sur la conique. Parmi les plans de chaque faisceau (6,U il s'en trouve cinq qui rencontrent la courbe en six points, situés sur deux droites : ce sont les cinq plans tritan- gents de la surface cubique qui passent par l'axe du faisceau. Si nous menons les plans qui passent par les bisécantes o,i, ils coupent également la surface cubique en des coniques C^; mais, en général, cette conique ne contient que quatre points de la courbe du sixième ordre. En effet, les coniques C^, obtenues par les sections des plans du faisceau {(i,^) avec la surface cubique, coupent la droite n,^ en des couples de points formant une involu- tion If; en général, les deux points de la courbe gauche Gg, situés sur a^, ne sont pas deux couples de points correspondants de l'involution. 9. Nous pouvons classilier les courbes gauches du { 433 ) sixième ordre en prenant comme point de départ l'exis- tence réelle ou imaginaire des quadrisécantes de cette courbe. Nous ferons les hypothèses suivantes : 1° Les deux couples de quadrisécantes ^i, r/.j et r/3, oj, ainsi que leurs communes transversales 65, 6,;, sont réelles : dans ce cas, en consultant le tableau des plans tritangents de la surface cubique passant par la courbe, on voit que toutes les bisécantes fr^t et les transversales/»,, ainsi que les deux quadrisécantes restantes, sont réelles, 2° Les deux couples de droites a^, a^, et a-^, n^ sont réelles; leurs communes transversales 6g, &g sont ima- ginaires conjuguées. Dans ce cas, les deux quadrisécantes r/-;, a^, sont ima- ginaires conjuguées; les bisécantes qui s'appuient sur les quadrisécantes réelles et sur les quadrisécantes imagi- naires conjuguées sont réelles, ainsi que les transversales 61, b.2, 63, 64 ; les autres bisécantes sont imaginaires. 3° Les quadrisécantes ai, «o sont réelles; les couples 05, a^ et 63, 6(5 sont imaginaires conjuguées. Dans ce cas, a^^, «ig et a^-;, 02,-, sont imaginaires conju- gués; de là suit que la droite a-^^ est réelle comme inter- section de deux plans imaginaires conjugués («15, aae), (aifi, a.2:ij : on conclut que Ct, «G, «151 «W, «Ib- «16, «2J' «24. «J5î «ÎG, «Î5 , «Î6> «45 5 «i5 sont imaginaires, et que «12» «Si 5 «56) ^1» ^2 sont réelles. i° Gi, Œçi, 65, bg, réels; a^, a^, imaginaires conjugués. ( A5i ) Les deux quadrisécantes a«, a^ sont réelles; les bisé- cantes Ou, a,5, «,«, «M. «iG» «56. "31 sont réelles, les autres imaginaires : 61, 63 réelles; ^5, 64 imaginaires conjuguées. 5° Enfin ai, a.i ; «3, a^ ; 65, 6y imaginaires conjuguées. Dans ce cas, les deux quadrisécantes 05, Qq sont ima- ginaires, de même que toutes les bisécantes à l'exception de «12. "si, a^6• Car les deux plans (%, fcg) {«g, ^3), par exemple, sont imaginaires conjugués; donc leur droite d'intersection âge est réelle. Les droites ^i, 63 et 63, 64 sont imaginaires conjuguées. De l'examen de ces cinq cas, nous déduisons que : 1° les bisécantes qui s'appuient sur deux quadrisécantes réelles ou sur deux quadrisécantes imaginaires conjuguées, sont réelles; 2° les bisécantes qui s'appuient sur une quadri- sécante réelle et une quadrisécante imaginaire, sont ima- ginaires; 3° les deux transversales h,, dont l'une ne s'appuie pas sur une quadrisécante imaginaire et dont l'autre ne s'appuie pas sur la quadrisécante imaginaire conjuguée, sont imaginaires conjuguées ; 4° les transver- sales b„ qui ne s'appuient pas sur une droite réelle, sont réelles. On peut résumer ce qui précède dans le tableau suivant : ( 4.5S ) Transversales /;, imag. conjuguées. •f ^^1 -al ^'l 03 t/j în "P a i-, "4! ^"1 ■^1 o • — — C3 ~ S 11 a" 0^ "^ c c II c c = 4! ^ i2 se ç_ ç ^ c* c II I2 s. « C C ïE c c^ ^ c" c ■^ "o '"^ II Ci c* Se 5 c c 1 S § c -0 c OJ c" § -a OC •r S = -5 •" "E" B^ cl cl c"l a 0 € s c -s à 1 te el ^ cl ^ ■s "S s- t.. = 1 a al cl cl cl cl cl cl cl cl cl -a V ! aa ( 436 ) 10. Nous pouvons construire des surfaces réglées du quatrième ordre sur lesquelles se trouve la courbe gauche du sixième ordre Cg; nous ferons pour cela usage du théorème suivant : Soient deux droites Ci, c^ et deux autres droites fixes c<2, C5 : les plans tangents d'un cône du second ordre marquent sur Cj et c- des points C2 et C3; le lieu de la droite d'intersection des plans (ci, Co), {c^, C5) est une surface réglée du quatrième ordre, possédant trois droites doubles. En effet, si des points d'une droite quelconque d, nous menons les transversales aux couples de droites Cj, C2 et C5, Ci, ces transversales marquent sur Cg et c^ deux ponctuelles projectives; le lieu des droites qui unissent les points correspondants de ces ponctuelles est une surface réglée du second ordre : la surface de la seconde classe enveloppe des plans tangents de cette surface a, en commun avec les plans tangents du cône donné, quatre plans. Ces plans correspondent aux points de la surface situés sur la droite d. On peut démontrer autrement que la surface est du quatrième ordre : d'un point M quelconque de la droite d, menons le plan {^\c^\ qui coupe la droite c^ en C2 : les deux plans tangents menés de C^ au cône coupent c- en des points Cj, C^; les plans (C5, C4), {Cj, c^) rencontrent d en deux points N', N"; la correspondance entre les points M et N est réciproque; le nombre des coïncidences, égal au nombre des points de la surface situés sur la droite d, est de quatre. 11. Les droites C] et c^ sont des droites doubles de la surface : en effet, d'un point M de Cj, menons le plan ( 457 ) (Mci) rencontrant c^ en C-, : les deux plans tangents que nous pouvons mener au cône du point C3, donnent lieu à deux droites de la surface, passant par M : le point M est donc un point double. On prouverait de même que tout point de la droite c^ est un point double de la surface. Soit S le sommet du cône du second ordre donné : si nous menons la transversale rf^s de S aux droites C2 et Cj, les plans tangents au cône menés par cette droite d.23 donnent lieu à une même droite k de la surface, qui est ainsi une droite double. Si nous supposons que les droites Cj, c^, c^, t'4 sont, par exemple, les quatre quadrisécantes a^, a^, a^, a^ d'une courbe gauche du sixième ordre Cq et que le cône du second ordre soit le cône S1234 qui est enveloppé par les plans unissant les transversales menées à ai, a^ et «5, 04 des points de la courbe Cg, nous voyons que cette courbe Cq est elle-même située sur la surface réglée du quatrième ordre. Il est de plus facile de s'assurer que la droite double k est une bisécante de la courbe Q, et puisque cette bisécante s'appuie sur a^ et a^, c'est la droite que nous avons désignée par la notation ai^. 12. Si nous prenons pour cône générateur le cône qui a pour sommet le point S1254, nous pouvons prendre pour les droites Ci, c.2, C3, C4 respectivement les quatre groupes suivants : «,, «s, «3, t/4, "i- O,, (/3, O4, i'i, O), Wi, O3, "1 • O2, «i, Or,. Comme il existe quarante-cinq cônes du second ordre ( 458 ) analogues à S1254, nous pourrons énoncer la propriété suivante : Toute courbe gauche rationnelle du sixième ordre peut être considérée comme étant l'intersection d'une même surface cubique avec cent quatre-vingts surfaces réglées du quatrième ordre qui ont chacune, comme droites doubles, trois droites de la surface cubique. Remarque. — Les surfaces réglées du quatrième ordre que nous venons de rencontrer jouissent de propriétés intéressantes, sur lesquelles nous comptons revenir inces- samment; une des plus curieuses est qu'elle est coupée, en général, par un plan quelconque suivant une courbe (le genre nul. Recherches cardiographiques chez les oiseaux ; par le D' Raphaël Rubbrechl. I. Les célèbres recherches de Chauveau et Marey sur la pulsation du cœur (1) datent déjà de plus de trente ans. Depuis cette époque, un grand nombre de physiologistes ont répété leurs expériences et les ont variées, en s'adres- sant tantôt aux mammifères (cheval, chien, chat, lapin), tantôt à la grenouille. Cependant l'accord n'est pas entièrement fait, ni sur la signilication des tracés cardio- graphiques, ni, ce qui est plus étonnant, sur leur forme (1) Châiveau et Marey, Appareils et expériences cardiographiques. (Mém. de l'Acad. de Méd. de Paris, 1863.) ( 459 ) même. Je ne referai pas ici riiistoriqiie complet de la (jiiestion, que l'on peut d'ailleurs trouver à l'article Car- diographes, paru récemment dans le Dictionnaire de Physiologie de Richet. Je me borne à signaler deux points sur lesquels les expérimentateurs sont en désaccord. Tandis que la plupart admettent, avec Chauveau et Marey, que le tracé de la pression intraventriculaire représente, pendant la systole, une courbe trapézoïde, offrant un plateau systolique bien marqué, plus ou moins horizontal, von Frey et Krehl (1) affirment, au contraire, que le tracé correct de la pression, pendant la systole ventriculaire, représente une colline à sommet unique. De même, l'identité des tracés de pression intra- ventriculaire et des tracés de choc du cœur recueillis à l'extérieur, admise par Marey et Chauveau, et confirmée par Fredericq et d'autres, cette identité a été mise en doute par certains expérimentateurs (2) et formellement niée par d'autres (5). En présence de ces divergences de vues, il m'a paru intéressant de reprendre les expériences de cardiographie sur un groupe d'animaux, les oiseaux, dont on ne s'était pas encore occupé jusqu'ici. (i) Von Fuey, Die Untersuchung des Puises, Berlin, -1892, et Arch. f. Physiologie, 1893. (2) Roy et Adami, Hearlbeal and Pidse-wave (The Practitionner, Feb. to July 1890). (3) Mautius, Zei7.se/ir. f. klin. Med., 1888, XIII, et 1890, XIX; von Fuey, Die Untersudumy des Puises, 1892. ( 440 ) II. Mes expériences ont été faites sur des oies de 2 à 5 kilo- gramnies. J'avais constaté que le canard et le dindon conviennent moins bien. Les animaux étaient anesthésiés par une injection intrapéritonéale de 1^',5 à :2 grammes d'hydrate de chloral, en solution aqueuse. Dans certains cas, je soutenais l'anestliésie en faisant respirer de temps en temps de petites quantités de bromure d'éthyle. Le chloroforme ne convient guère pour les oiseaux. L'anesthésie a pour effet d'accélérer considérablement le rythme cardiaque. Le nombre de pulsations montera, par exemple, de 90 ou 100 à la minute, à 180, 200 ou même 240 à la minute. Pour explorer et enregistrer les variations de la pres- sion intraventriculaire, je me suis servi d'une sonde qui n'est autre qu'un tube de laiton de 10 centimètres de long, légèrement incurvé, ouvert à une extrémité, fermé à l'autre. Près de l'extrémité fermée (destinée à être introduite dans le cœur) se trouve latéralement un petit orifice ovalaire. L'extrémité ouverte de la sonde est reliée par un tube flexible, inextensible (bouts de tubes de verre reliés les uns aux autres par un tube de caoutchouc épais), avec un manomètre métallique de Gad, qui inscrit la pression sur le cylindre de Ludvvig. L'appareil est rempli entièrement d'une solution saturée de MgSO^. L'extrémité aveugle de la sonde, munie de son orifice latéral, est destinée à pénétrer dans le ventricule gauche, par l'artère axillaire droite, i)réalablement mise à nu. Pour cela, l'oie, convenablement anesthésiée, est liée sur ( -441 ) le dos par les pattes et les ailes, dans la gouttière d'opé- ration ; un aide maintient la tête. Je divise la peau sur la ligne médiane par une incision longitudinale, s'étendant sur toute la longueur du sternum. Je fais une seconde incision, transversale, perpendiculaire à la première, et au niveau de l'os coracoïdien. Ace moment, j'abandonne le scalpel et, au moyen du thermocautère Paquelin, je détache les muscles pectoraux qui recouvrent toute la poitrine, et cela suivant les deux lignes que je viens de décrire. Cette opération est souvent interrompue par la production d'hémorragies assez fortes. Il faut les arrêter immédiatement, car elles épuisent vite le cœur. En rabat- tant la couche musculaire en dehors, le thorax est mis à nu suivant une surface triangulaire; au niveau de l'angle externe de celle-ci, on voit émerger de la poitrine les deux branches de division de l'artère brachio-céphalique, c'est-à-dire l'artère axillaire en avant, l'artère thoracique en arrière. J'isole ces deux artères. Cette dissection doit se faire avec beaucoup de précautions, d'abord parce que les parois artérielles sont très friables, ensuite parce qu'on risque de blesser les veines. Je place une ligature défini- tive sur le bout central de la thoracique externe et une autre sur le bout périphérique de l'axillaire. Une pince à pression est placée sur le tronc brachio- céphalique. Je fais une boutonnière dans l'artère axillaire, aussi près que possible de la ligature qui y a été placée. J'introduis la sonde par cette boutonnière jusque contre la pince à pression; l'œillet qui se trouve à la partie infé- rieure de la sonde est alors complètement recouvert par la paroi artérielle. Un aide glisse un lil sous l'artère et fait une ligature sur la sonde. Il faut que cette ligature 3*"' SÉRIE, TOME XXXV. 50 ( 44-2 ) soit suffisamment forte pour empêcher le sang de jaillir le long de la sonde, et en même temps assez lâche pour permettre à la sonde de glisser facilement dans le canal artériel. En même temps, j'introduis l'auriculaire de la main gauche dans la cavité thoracique, en glissant le long du tronc brachio-céplialique jusqu'au point où celui-ci naît de l'aorte, A ce moment, l'aide lève la pince à pression, et j'introduis doucement la sonde, en poussant d'abord directement en dedans, puis de bas en haut et d'avant en arrière. J'arrête quand je sens les contractions du ventri- cule au bout de la sonde. L'introduction de la sonde dans le ventricule est une opération délicate et qui exige beaucoup de précautions. Les artères sont excessivement friables; le trajet à par- courir est formé par deux lignes, réunies à angle droit. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de perforer le tronc brachio-céphalique au point où il naît de l'aorte. Il est indispensable de glisser un doigt, l'auriculaire de la main gauche, dans la cavité thoracique, le long de l'artère, pour guider la sonde et la soutenir constamment. Le procédé que je viens de décrire est le seul qui m'ait permis d'enregistrer convenablement les variations de pression intraventriculaire. J'avais essayé sans succès de pénétrer dans le cœur, soit par la carotide, soit par la veine jugulaire. Une méthode qui permet de pénétrer sans difficultés dans le cœur, mais qui ne donne pas de bons tracés, consiste à faire une large ouverture abdominale, sous le bord inférieur du sternum, et à introduire par cette ouver- ture une sonde métallique pointue présentant un pas de ( Viô ) vis en lire-bouchon. On la fait pénétrer comme un tire- bouchon à travers les parois musculaires du cœur, jusque dans le ventricule gauche. La sonde est fenêtrée; elle est remplie de solution saturée de MgSO^ et reliée exté- rieurement au manomètre de Cad. Malheureusement, il se produit des hémorragies à côté de la canule; le cœur s'épuise vite, et l'on ne peut prolonger l'expérience. Les tracés obtenus ainsi ne valent pas ceux fournis par la sonde introduite par l'axillaire. Pour recueillir le /race c^tt cfwc du cœur, je me sers d'une petite capsule métallique, fermée par une mem- brane de caoutchouc, soutenue par un ressort à boudin. La capsule communi(|ue par un tube en plomb avec un tambour de Marey. La capsule est introduite à l'intérieur du thorax, jusque contre le cœur, par un orifice pratiqué à la paroi abdominale, immédiatement sous le bord infé- rieur du sternum. Le choc du cœur agit sur la membrane de la capsule. La plume du tambour à levier inscrit sa courbe en regard de celle de la pression intraventriculaire. Le temps, en quinzièmes de seconde, est inscrit au moyen du signal Marcel Deprez et de l'interrupteur Kronecker, intercalés tous deux dans le circuit d'un ou deux accumulateurs Tudor. IIL — Tracé de la pression intraventricidaire . Quand on introduit la sonde dans le ventricule, on obtient le plus souvent un tracé de très petite étendue, qui ressemble parfois à un tracé de pression artéiielle, et d'autres fois représente des courbes de forme variable et ( 444 ) irrégulière. Dans certains cas, ces tracés se produisent pendant une ou deux minutes, puis le cœur s'arrête; dans d'autres, la pression se relève au bout de quelques instants, puis on obtient des tracés réguliers que je con- sidère comme représentant les variations normales de pression dans le ventricule. Les premiers tracés pro- viennent de ce que l'entrée de la sonde dans le cœur y produit des contractions anormales et irrégulières. Dans bien des expériences même, le cœur s'arrête dès que la sonde pénètre dans le ventricule. Le cœur des oiseaux est excessivement sensible au contact des corps étrangers, et je puis dire que, par suite de cette extrême sensibilité, j'ai eu, au cours de mes expériences, plus d'insuccès que de succès. Les tracés que j'ai obtenus peuvent se diviser en deux groupes : dans les uns, la systole ventriculaire se tradui- sait par une ondulation unique, tout à fait semblable aux tracés décrits par von Frey. (Voir fig. 1.) FiG. i. — Tracé du choc du cœur (C.) et de la pression intraveutriculaire (V.) chez l'oie. Temps en quinzièmes de seconde. Les autres avaient une forme trapézoïde, comme ceux obtenus par Marey et les autres auteurs. Je crois que les ( 4.4r> ) derniers seuls représentent le tracé normal de la [iression inlraventriculaire. Les premiers n'ont été obtenus que chez des animaux dont l'état laissait beaucoup à désirer, surtout chez ceux où j'avais eu h combattre de fortes hémorragies au cours de l'opération, et qui avaient une pression sanguine faible. Les oies sont fort sensibles aux pertes sanguines : celles-ci entraînent rapidement un notable affaiblissement du cœur. J'ai obtenu également des tracés à une ondulation, en employant la sonde en forme de lire-bouchon. Ici aussi le cœur était dans des conditions anormales. La ligure 2 nous en montre un exemple. Fie. 2. — Tracé de pression inlraventriculaire recueilli au moyen du trocart en tire-bouchon relié au manomètre de Gad. Au contraire, quand l'oie était en bon état, que les pulsations cardiaques étaient vigoureuses et la pression sanguine élevée, j'obtenais des tracés de forme trapézoïde; les expériences pouvaient alors être poursuivies fort longtemps, et jamais l'arrêt du cœur, quand il survenait, n'était occasionné par l'introduction de la sonde; il pro- venait d'une autre cause, par exemple de l'application de la capsule destinée à enregistrer le choc du cœur. J'admets que seuls les tracés de forme trapézoïde correspondent aux variations normales de la pression inlraventriculaire, lors de la svslole. ( 446 ) Les figures 5, 4 et 5 nous en montrent des exemples. FiG. 3 et 4. — Tracés de pression intraventriculaire recueillis chez l'oie. A droite, la graduation du manomctre en centimètres de mercure. FiG. o. — Tracé de pression du ventricule gauche de l'oie. On y voit que chez l'oie, comme chez les mammi- fères, la courbe de pression intraventriculaire monte brusquement au début de la systole, pour atteindre son niveau le plus élevé (201) millimètres de mercure environ) en un temps fort court de seconde par exemple). La pression se maintient ensuite à ce niveau élevé, en présentant des ondulations (deux ou trois) plus ou moins marquées. La durée de ce plateau systolique ( 447 ) varie considérablement d'un animal à l'aiilre Vi2. Vi4, Vie, V50 t^e seconde en moyenne oies. L'excitation du bout [périphérique du trique augmente, comme chez les mauimirèi tlu plateau systolique. Au plateau systolique fait suite une ligne descendante fort rapide, présentant parfois une ondulation située dans sa partie déclive. (V. fig. 7.) La pression devient ensuite négative (vide post-systoli- que), puis se relève et pré- sente une ondulation posi- tive. On pourrait être tenté de rattacher cette dernière ondulation positive à la pul- sation suivante, et de la considérer comme représen- tant la systole auriculaire de cette pulsation. Cette expli- cation ne peut convenir ici. Il est facile de voir que cette ondulation appartient, non au début de la pulsa- tion suivante, mais à la fin de la pulsation précédente. Il suffît, pour s'en con- vaincre, d'arrêter pendant quelques secondes les batte- ments du cœur par excita- : j'ai trouvé chez quatre pneumogas- es, la durée (448 ) tion du pneumogastrique. On constate alors que la systole auriculaire n'est marquée par aucune ondulation appréciable sur la pulsation qui suit l'arrêt du cœur, tandis que la dernière pulsation avant l'arrêt est suivie d'une ondulation positive (qui peut-être dépend unique- ment d'une vibration propre de l'appareil enregistreur). (Voir fig. ().) J'ajouterai que les effets cardiaques de l'excitation du bout périphérique du pneumogastrique sont les mêmes chez l'oie que chez les mammifères. L'atropine paralyse également ici les terminaisons intracardiaques du vague : aussi l'excitation du vague reste sans effet sur le cœur chez l'animal atropinisé. Les oiseaux supportent, comme on sait, des doses considérables d'atropine. J'injectais la dose de 5 centigrammes d'atropine à une oie de poids moyen. La section d'un seul pneumogastrique suftit pour accé- lérer les battements du cœur. Comparaison du tracé du choc du cœur avec celui de la pression intravenlric\daire. J'ai recueilli simultanément les deux tracés chez l'oie et constaté que le tracé du choc du cœur présente égale- ment une forme trapézoïde analogue à celle de la pres- sion intraventriculaire. L'identité ne peut être complète, puisque le tracé du choc du cœur représente une combi- naison de la courbe de durcissement du muscle cardiaque avec la courbe de volume du cœur. (Chauveau et Marey.) Ce qui est important, c'est la correspondance des deux courbes en ce qui concerne le commencement (début de ( U9 ) la ligne d'ascension) et la fin ((lél)ul de la ligne de descente) de la systole ventriculaire. Cette correspon- dance est des plus satisfaisantes, comme le montrent les tisures 1 , 7 et 8. Pi,,_ -^ _ En liant, tracé dépression venLiiculaire (V); eii has, choc du cœur (C). Fi„. 8. — Tracés du choc du cœur (C) et de la pression iniraventriculaire (V) lecueillis siinultanément chez l'oie. Temps en quinzièmes de seconde La ligure 9 nous montre la comparaison du tracé du ( 450 ) choc du cœur et de celui de la pression carotidienne recueillis simultanément avec points de repère. PiG 9. _ Tracés du choc du cœur (C) et de la pression carotidienne [-2^ ligne) recueillis simultanément chez l'oie. Temps en quinzièmes de seconde. IV. — Conclusions. L'enregistrement du tracé de la pression intraventri- culaire rencontre chez les oiseaux des difficultés tech- niques considérables. Il en résulte fréquemment une altération de la forme noruiale de ce tracé. Le tracé de pression correspondant à la systole ventri- culaire présente chez l'oie la même forme générale trapé- zoïde que chez les mammifères. La correspondance entre le tracé de la pression intraventriculaire et celui du choc du cœur est ici aussi satisfaisante que chez le cheval (Chauveau et Marey) ou chez le chien (Léon Fredericq). Travail de l'Institut de Physiologie de l'Université de Liège. ( 451 ) CliASSE DES LETTRES. Séance du 4 avril 1898. M. Em. Banning, vice-directeur, occupe le fauteuil. M. le chevalier Edm. Mauchal, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. S. Bormans, Ch. Piot, Ch. Potvin, J. vStecher, T.-J. Lamy, G. ïiberghien, L. Vanderkindere, le comte Goblet d'Alviella, Ad. Prins, J. Vuylsteke, A. Giron, le baron de Chestret de Haneffe, Paul Fredericq, God. Kurth, Ch. Mesdach de ter Kiele, H. Denis, le che- valier Ed. Descamps, Georges Monchamp, D. Sleeckx, P. Thomas, Ern. Discailles, membres; Alph. Rivier, J.-C. Vollgraff, associés; Ch. De Smedt et J. Leclercq, correspondants. M. F. Vander Haeghen, directeur, et M. A. Wauters écrivent que leur état de santé les empêche d'assister à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique offre à l'Académie, de la part de S. M. le Roi de Serbie, un exemplaire de la reproduction en fac-similé de l'Évan- géliaire de saint Miroslav, écrit au XII*" siècle et qui a ( 452 ) été offert à ce souverain, lors de sa visite au monastère de Hernanga, par les religieux du monastère serbe de Hilandar. La Classe prie M. De Smedt de bien vouloir émettre son appréciation sur ce manuscrit, appréciation qui sera communiquée à S. M. le Roi de Serbie en même temps que les plus vifs remerciements de l'Académie pour ce magnifique cadeau. — Le même Ministre envoie pour la bibliothèque de l'Académie les ouvrages suivants : i° Inventaire analytique et chronologique des archives de la ville de Saint- J rond, tome VI, S*" livr. ; par Fr. Straven ; 2° Éléments de paléographie, 1'^' fascicule; par le chanoine Reusens ; 5° Bulletin de la Commission centrale de statistique, tomeXVÏI, avec annexe; 4" Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Bibliographie, tome Vin. — \L le Ministre de la Justice envoie deux exemplaires des : Coutumes de la ville et chàtellenie de Fumes, tome IV; par Gilliodts-Van Severen. — M. le Ministre de l'Industrie et du Travail adresse, également pour la bibliothèque : Travail de nuit des ouvrières de l'industrie dans les pays étrangers; par Maurice Anciaux. — Remerciements. — Hommages d'ouvrages : 1° Onbekende bijzonderheden over de oplichting uit de hoogeschool van Leuven van Philips Willem, graaf van ( 453 ) Buren, zoon van Willem tien Zicijger, prins van Oranje; par Edw. Van Kven (avec une note) ; 2° Estancias y viajes de (larlos Y (desde el dia de su nadmiento hasta el de su muerle); par Manuel de Foronda y Aguilera (avec une note de M. Piot) ; 3" Essais de philosophie el de littérature; par (;h. Saroléa (avec une note de M. le comte (loblet d'AIviella); 1° Droit commercial roumain; par Joan BohI (avec une note de M. Rivier); 5° La maison de Créhange et sa connexité avec les de Beaucourt de Noorlvelde; par Robert de Beaucourl de Noortvelde; G° Les esclaves publics chez les Bornains ; par Léon H al k in. — Remerciements. Les notes susmentionnées figurent ci-après. NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. Le prince d'Orange Guillaume le Taciturne n'avait eu de sa première femme, Anne d'Egmont, qu'un seul enfant, Philippe-Guillaume, comte de Buren. A l'âge de onze ans, son père le plaça à l'Université de Louvain, pour lui faire commencer ses études littéraires. C'était en 156(3. Héritier des immenses possessions de sa mère, fille unique de Maximilien d'Egmont, ce jeune écolier allait devenir l'un des princes les plus riches et les plus impor- tants des Pays-Bas. Dans le but de le soustraire à l'inlluence de son père, l'ennemi mortel de Philippe H, el de le conquérir à la cause de celui-ci, le cardinal de Granvelle conseilla à son ( 454 ) souverain de le faire enlever à Loiivain et de le faire élever en Espagne, sous les yeux du gouvernement. Philippe H approuva la proposition et chargea le duc d'Albe de la mettre à exécution. La mesure était extrêmement grave, parce qu'elle violait les privilèges de l'Université, placés sous la pro- tection du pape et du roi. Le monarque n'en tint pas compte. Lorsque les députés de l'Université arrivèrent chez Vargas pour protester contre la décision royale, ce farouche Espagnol leur cria : Non curamus privilegios vestros ! Le jeune prince, alors ègé de treize ans, fut arrêté dans sa demeure, le refuge de l'abbaye de Saint-Trond. Il partit sous bonne escorte, accompagné de son gouver- neur, le G février 1568, et arriva sain et sauf en Espagne, où on le garda jusqu'en 1595. Il ne revit jamais son père, qui ne cessa de protester contre cet abus de pou- voir. L'affaire eut un grand retentissement, non seule- ment en Belgique, mais aussi dans les pays voisins. J'ai retrouvé dans les archives de Louvain des rensei- gnements qui jettent un jour nouveau sur plusieurs points de l'événement. Je les ai réunis dans un petit travail que je prie la Classe des lettres de l'Académie de bien vouloir accepter. Éd. Van Even. Les livres publiés en Espagne et traitant de l'histoire de ce pays pendant le XVI'' siècle et les suivants jusqu'au XVIIP inclusivement, intéressent autant la Belgique que ce royaume. Bien de plus naturel : l'Espagne et les Pays- Bas furent soumis, pendant une grande partie de cette période, aux mêmes souverains. A ce titre, nous devons ( 455 ) mentionner la publication — dont l'auteur m'a chargé de présenter à la Classe l'exemplaire ci-joint — intitulée : Estancias y via j es de Carlos V, par D. Manuel de Foronda y Aguilera, de la Junta directiva de la Sociedad geogra- phica de Madrid. Elle concerne les séjours et voyages de Charles-Quint, depuis sa naissance jusqu'à sa mort, c'est-à-dire du 124 fé- vrier loOO au 21 septembre 1558. L'auteur a fait usage des travaux des écrivains belges et espagnols dont il produit la liste dans son introduc- tion, sans faire mention des ouvrages allemands qui se rapportent à la question. Par exemple, la correspondance si intéressante de Charles-Quint, publiée par Lantz, n'est pas indiquée. En général, il a écrit les noms des localités d'après l'orthographe admise dans son pays. Si un doute se pré- sente à ce sujet, il a placé un [)oint d'interrogation à côté du nom. Il a cru devoir faire une distinction entre Tervuren et Vura ; Berchem est écrit Berchen. Malgré ces petites incorrections, cette publication ne laisse pas d'intéresser vivement notre pays; elle sera consultée avec fruit par les historiens. Ch. Piot. J'ai l'honneur de présenter à l'Académie un volume de M. Charles Saroléa, intitulé : Essais de philosophie et de littérature (Bruxelles, Weissenbruch, 1 vol. gr. in-8° de 505 pages). L'auteur, bien que jeune encore, est un de nos compa- triotes qui se sont fait connaître et apprécier à l'étranger. 11 s'était déjà fait remarquer par une thèse brillamment ( /pîiH ) soutenue à l'Université de Bruxelles sur La liberté et le déterminisme dans leurs rapports avec la théorie de l'évolu- tion, lorsque, en 1894, l'Université d'Edimbourg lui conlia les cours de littérature française et de philologie romane. Depuis lors, il s'est particulièrement attaché à favoriser entre les lettrés des deux côtés de la Manche un rappro- chement basé sur la comparaison et l'échange des idées. Cette préoccupation, qui l'a amené, il y a deux ans, à fonder la Revue française d' Edimbourg , se traduit dans plusieurs des essais qu'il vient de réunir en volume — notamment un aperçu ingénieux sur Le commerce des idées entre la France et l' Angleterre ; un parallèle fort ori- ginal sur Le caractère anglais et le caractère français, où il s'efforce d'établir les influences que la France et l'Angle- terre ont exercées l'une sur l'autre, quantitativement et qualificativement; enfin une réponse à M. Marcel Prévost sur La culture intellectuelle du public anglais, assez légère- ment contestée par le spirituel romancier français. Les autres travaux du volume se rapportent à deux ordres d'idées où M. Saroléa a également aflirmé de bonne heure sa personnalité d'écrivain : la philosophie et la sociologie, que, du reste, il ne paraît pas disposé à séparer l'une de l'autre. Coblkt d'Alviella. Notre confrère M. Bohl m'a fait l'honneur de me charger d'offrir en son nom à la Classe un nouveau volume, dont le contenu, de caractère composite, n'est qu'en partie nouveau. Il est consacré surtout, comme l'indique son titre principal (car il en a plusieurs), au droit commercial de la Roumanie, si justement estimé. II fait suite ainsi (4.57 ) au Code de commerce roumain, offert à la Classe en 1895. On y trouve la loi roumaine sur les faillites, promulguée en juin 18î)5. Cette partie principale, qui compte environ 180 pages, est précédée d'une centaine de pages sur le roi Charles ]"', qui sont connues de la Classe, puisqu'elle en a eu la primeur, et suivie d'une autre centaine de pages, intitulées : Les Dynasties, où l'on trouve une série d'études sur Guillaume I*"', empereur d'Allemagne, sur Guillaume lïl, roi des Pays-Bas, et Napoléon 111, entin sur la Patrie, c'est-à-dire sur la Roumanie et les Rou- mains, sur la Néerlande et sur diverses autres choses. La traduction de la loi sur les faillites est accompagnée de renvois aux articles correspondants de plusieurs codes européens, ce qui en augmente incontestablement l'uti- lité. Alph. Rivier. La Classe se constitue en comité secret, pour la dis- cussion des titres des candidats aux places vacantes et pour l'adoption de candidatures nouvelles. SÉRIE, TOME XXXV, 7)1 ( 458 CLASSE DES BEAUIL-ARTS. Séance du 7 avril 4898. M. Ch. Tardieu, directeur, président de l'Académie. M. le chevalier Edmond Marchal, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. J. Rohie, vice-directeur ; Éd. Fétis, F, -A. Gevaert, G. Guffens, Th. Radoux, Jos. Jaqiiet, J. Demannez, P.-J. Clays, G. De Groot, H. Hymans, Th. Vinçotte, Jos. Stallaert, Alex. Markelhach, Max. Rooses, G. Huberti, A. Hennebicq, Éd. Van Even, Alfred Cluy- senaar, le comte J. de Lalaing, J. Winders, H, Maquet, J. Van Ysendyck, membres; Alb. De Vriendt, C. Hermans et Ém. Mathieu, correspondants. MM. Samuel et Biot motivent, par écrit, leur absence. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Agriculture envoie, pour la biblio- thèque de l'Académie, un exemplaire des ouvrages sui- vants : 1" OEuvres de Grélry, 22*^ livraison : La Caravane du Caire, opéra-ballet en 5 actes; ( 459 ) 2° Ville d'Ostende. Catalogue descriptif illustré : Casino (Hôtel de ville); 5° Les Musées royaux du Parc du Cinquantenaire et de la Porte de liai, livraisons 6-9. — Remerciements. — Hommages d'ouvrages : Parsifal (2* édition, 1895); Tristan et Iseult (5^ édition, 1894) ; Lofiengrin (4*^ édition, 1895) ; Les Maîtres chanteurs de Nuremberg, de Richard Wagner (1898); par Maurice Kufreratii (présentés par M. Ch. Tardieu, avec une note qui ligure ci-après); Tfie middle and laler Renaissance; par G. Aitchison, associé, à Londres; ]\os artistes à l'étranger. Josse de Corte, sculpteur yprois, 1627-1679; par Maurice Rekaert (présenté par M. Mar- chai) ; Conseil de perfectionnement de l'enseignement des arts du dessin. Session de 1896-1897. Procès-verbaux, docu- ments et rapports. NOTE BIBLIOGRAPHIQUE, M. Charles Tardieu, directeur, président de l'Aca- démie, offre à la Classe des beaux-arts, au nom de M. Maurice Kufferath, quatre volumes appartenant à la série d'essais d'esthétique littéraire et musicale consacrés par l'auteur au « Théâtre de Richard Wagner, de Tann- hàuser à Parsifal. » C'est, dans l'ordre de publication : Parsifal, Lohengrin, Tristan et Iseult, Les Maîtres chanteurs ( 460 ) de Nuremberg. D'autres études ont déjà paru : La Walkijrie et Sieçjfried, mais, pour les présenter à la Classe, l'auteur attend d'avoir achevé l'analyse de la trilogie du Bing du Nibelung. La littérature wagnérienne a pris un prodigieux essor depuis la première représentation intégrale de cette triloeie à Bavreuth, en 1876, littérature internationale s'il en fut, qui chaque année s'enrichit de quelque pro- duction nouvelle. La seule énumération des publications wagnériennes en langue française dépasserait le format d'un bulletin mensuel de l'Académie. Dans cette littéra- ture, et bien qu'elle compte de véritables maîtres, en France comme en Allemagne, en Italie comme en Angle- terre, les travaux de M. Maurice Kufferath occupent un rang éminent. Cela tient pour une part à l'originalité de son plan. Plutôt que de dédier à la mémoire de Richard Wagner une synthétique étude d'ensemble, notre com- patriote a procédé par la méthode analytique. A chacun des drames lyriques du poète-compositeur se rattache un volume de M. Maurice Kufferath, — à l'exception toute- fois des partitions de jeunesse, Les Fées et La Défense d'aimer, et même de deux ouvrages qui comptent : Bienzi et surtout « Le Hollandais volant » [Vaisseau fantôme) . On pourrait critiquer cette élimination des prodromes d'une illustre carrière, si le souvenir ne s'en évoquait au cours de ces éludes, en des pages qui attestent la notion exacte de leur valeur relative et de leur signification prophétique. D'autre part, il a commencé par la fin, Parsifal, se réservant peut-être de finir par le commencement. Mais en dépit de sa bizarrerie apparente, le procédé lui per- met de se tenir au courant de toutes les recherches de la critique wagnérienne et de rattacher les plus récentes à ( 461 ) ses propres trouvailles, quel (|ireii soit l'objet, étant donné qu'en lait de wagnérisme tout se tient. Mais la supériorité de ces essais tient essentiellement à la double compétence de l'écrivain, dont l'éducation musicale, faite à bonne école, théorique et pratique, est fort au-dessus des à peu près de l'amateur, et dont l'érudition littéraire, embrassant la connaissance des sources auxquelles a puisé Wagner, est initiée aux poèmes chevaleresques ou mystiques du moyen âge français et à leur interprétation allemande, et d'autant mieux à même d'en pénétrer le caractère que les idiomes originaux ne sont pas pour la déconcerter. Ces études, tout ensemble biographiques et critiques, très au fait de l'évolution du théâtre et de l'art musical, méritent à tous égards d'être accueillies avec honneur dans la bibliothèque de l'Académie. RAPPORTS. Il est donné lecture du rapport de la section de sculp- ture sur le buste en marbre de feu Jules Van Praet, com- mandé par le Gouvernement à M. Pickery fils, pour la galerie des bustes des académiciens décédés. — Renvoi à M. le Ministre de l'Agriculture et des Travaux publics. ( 462 ) Mémoire sur des documents faux relatifs aux anciens peintres, sculpteuj's et graveurs flamands; par M, Victor Vander Haeghen, archiviste de la ville de Gand. « Après une première communication au Congrès néerlandais tenu à Anvers en 189G et une seconde à la Société d'histoire et d'archéologie de Gand (5*= année, 1897), M. Victor Vander Haeghen adresse à l'Académie un mémoire ayant pour objet d'établir, avec preuves à l'appui, la fausseté d'un ensemble de pièces appartenant aux Archives gantoises, pièces utilisées, à plus d'une reprise, depuis un demi-siècle, par des historiens de l'art llamand. En premier lieu, c'est le Registre de la corporation plas- tique de Gand, comme l'intitule feu notre confrère Edm. De Busscher, dans la publication qu'il consacre à ce docu- ment, au premier voliune de ses Recherches sur les peintres gantois. Il résulte du travail de M. Victor Vander Haeghen que la liste publiée par M. De Busscher est fausse d'un bout à l'autre ! Le procédé auquel a eu recours le faussaire est fort simple. Possesseur d'un registre datant vraisemblable- ment du XVP siècle, où se rencontre une petite liste de noms anciens, il a commencé par faire disparaître les cotes des feuillets pour ramener à la tête du volume les pages restées blanches et s'en servir ensuite pour sa nomenclature. Où il a puisé les éléments de sa fraude, c'est-à-dire la ( 465 ) liste prétendue des artistes gantois, de 1339 à 1540, M, Vander Haeghen nous le montre par la comparaison des textes utilisés avec la transcription qu'il en a faite et dans laquelle se retrouvent les erreurs commises, notamment par Dierickx. Van Vaernewyck est encore un des auteurs mis à contribution. La corporation gantoise aurait, pendant deux siècles, compté des artistes qui, de père en fils, procèdent à l'élection de leur doyen , reçoivent des maîtres et des apprentis, sans que rien de tout cela ait existé ailleurs que dans l'imagination du faussaire ! Aux maîtres les plus connus, et dont il puise les noms dans les annales gantoises, il donne une filiation, comme on la trouve dans quantité de matricules du genre. Un système analogue a présidé à la confection d'autres documents, par exemple un prétendu règlement daté de 1338, en quelque sorte calqué sur des pièces ana- logues existant pour diverses corporations de métiers. Il n'a fallu rien moins que la grande expérience qu'a M. Vander Haeghen des sources gantoises, pour arriver à la divulgation des coupables agissements du faussaire. Pourtant l'auteur du mémoire a peine à comprendre qu'avec le manuscrit sous les yeux, quelqu'un ait pu être dupe de la supercherie. Mais voilà ! Si l'erreur se propage avec une facilité extrême, en revanche rien n'est difficile comme d'en faire justice. En plus, il faut tenir compte de l'illusion de quiconque détient un texte et songe à le vulgariser au profit de quelque œuvre nouvelle, appelée à élucider un point d'histoire. Telle fut, pour De Busscher, la reconstitution du passé artistique de la ville de Gand. Les faux auto- ( 464 } graphes, si bénévolement acceptés pour vrais par un savant illustre comme M. iMichel Chasles, nous éclairent à sulïisance sur la possibilité de semblables méprises. C'est en 1845 que le faux registre des peintres entra aux Archives gantoises. Il provenait de J.-B. Delbecq, dont le nom occupe une place honorable dans les annales de la curiosité et dont la précieuse collection d'estampes, hautement prisée par M. Duchesne, conservateur du Cabinet de Paris, eut l'honneur d'être inventoriée par Bùrger. Plusieurs de ses raretés appartiennent au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale. Delbecq lui-même avait-il confectionné le faux registre, vendu seulement après sa mort? M. Vander Haeghen incline à le croire, non sans de bonnes raisons. Avec une patience égale à son érudition, il arrive à établir que Delbecq doit être positivement envisagé comme l'inventeur de la légendaire histoire des peintres flamands, versifiée par Lucas de Heere, document cité déjà par Van Mander comme perdu à l'épocjue où lui- même écrivait son Schilderhoek, et qu'à plus d'une reprise on nous assure, depuis un demi-siècle, avoir été aperçu par des auteurs, à la façon du serpent de mer par les nautoniers. Le Bulletin de l'Alliance des arts, de Paris, affirme sa présence dans les papiers de Delbecq et en publie même des extraits utilisés notamment par de Reiffenberg. Ici encore le faux est absolu! M. Victor Vander Haeghen prend, comme on dit, l'auteur du méfait la main dans le sac. Les vers attribués à Lucas de Heere sont empruntés partiellement au texte de Van iMander, partiellement à d'autres auteurs. Bien qu'une suspicion légitime s'attache, dès lors, à ( 465 ) tout ce qui procède de Delbecq, M. Vander Haeghen n'hésite pas à tenir pour authentiques les dessins d'Arend Van Wynendaele appartenant aux Archives gantoises, et dont cependant fut détenteur celui que son travail met en si fâcheuse posture. Wynendaele ligure sur les listes authentiques de la cor- poration des peintres; ses œuvres portent le caractère de leur époque, tant pour le dessin que pour la calligraphie et même pour le papier. En l'espèce, il y a moins d'importance à attacher à la mention du recueil au cours du XVIP siècle. ï/auteur du mémoire le dit avec raison, l'époque où vécut Delbecq abonde en mystifications du genre de celles dont il doit être envisagé comme l'auteur. Le cata- logue Fortsas est un monument de l'espèce. On peut rappeler aussi les Leçons de Ruhens, ces frag- ments d'une correspondance prétendue avec un abbé imaginaire de Gembloux, Charles-Réginald d'Ursel, où successivement le grand peintre émet des jugements, absurdes il est vrai, sur la religion, la peinture et la politique. Il n'y a point longtemps, un écrivain non dénué de mérite faisait encore état de cette correspondance sup- posée dans un travail consacré à Rubens. Un autre mystificateur gantois duquel s'occupe M. Van- der Haeghen est le nommé Schellinck, journaliste, mort en 18G7. Celui-ci avait du moins l'excuse de la pauvreté. De son propre aveu, il forgea nombre de documents faux relatifs à l'histoire des arts. Ce fut lui, par exemple, qui fit paraître en 1845, sous le nom de P\-E. de Caesemaeker, un opuscule sur ( 466 ) les verres de lunettes, connus, à l'en croire, dès le XIV^ siècle et utilisés à la cour de Louis de Maie! Ce n'est qu'en 1894 que fut définitivement établie la fausseté de ce travail, grâce à l'intervention d'un professeur d'oculistique à l'Université de Modène. La race des mystificateurs est-elle éteinte? Espérons-le, sans trop oser le croire. Le mot « mystificateur » n'est qu'un terme adouci. Ils sont plus nombreux qu'on ne pense ceux qui, de propos délibéré, accommodent les sources au profit des thèses plus ou moins hasardeuses qu'ils soutiennent. Autre chose, sans doute, est la fabrication de pièces manifestement fausses. Pour faire justice de ces dernières, il faut une somme de savoir et de pénétration que beaucoup hésitent à mettre au service d'une cause ingrate, à laquelle se mêlent toujours des questions de personnes, délicates à soulever. M. Victor Vander Haeghen fait preuve d'un courage dont il y a lieu de le féliciter. La publication de son mémoire par les soins de l'Académie me parait d'autant mieux indiquée que c'est sous le patronage de notre Compagnie que parurent les travaux de M. Edm. De Busscher, précisément fondés sur les pièces dont son successeur aux Archives gantoises établit la fausseté. » iM. Max, Rooses, second commissaire, se rallie com- plètement, dit-il, à l'appréciation et à la conclusion de M. Henri Hymans, concernant le « consciencieux et remarquable travail de M. Victor Vander Haeghen ». ( 407 } Kappoft lie n. FéliSy It'oiaiônte fotmitisanifc. « Les soupçons étaient depuis longtemps éveillés sur le peu de confiance que devaient inspirer les documents relatifs aux anciens peintres gantois. M. Victor Vander Haeghen vient de donner le coup de grâce à ces pièces apociyphes dont il a démontré la fausseté par des preuves formelles, irrécusables. Le mémoire qu'il soumet à l'Aca- démie est un travail plein d'érudition, de sagacité et de conscience. Nous demanderons seulement si, la fausseté de la liste étant démontrée, il était bien nécessaire de la reproduire avec cliangement de l'ordre cln-onologique en ordre alphabétique. Cette liste n'offre plus aucun intérêt, après les judicieuses explications dans lesquelles M. Van- der Haeghen est entré pour dévoiler les manœuvres des faussaires par qui elle a été établie. Elle allonge inutile- ment le mémoire, en retardant la lecture des pages où sont examinés des points curieux de la question des fraudes i)ratiquées sur l'ensemble des documents passés en revue par l'érudit archiviste gantois. Qui est l'auteur de ces fraudes? Voilà le côté principal de la question, et c'est celui sur lequel insiste moins M. Vander Haeghen. Les preuves manquent, mais non pas les présomptions, pour dévoiler le coupable. On voit bien que l'opinion du judicieux critique est faite à cet égard, mais on comprend que s'il l'exprime avec réserve, c'est qu'il lui faut mettre en cause une personne qui a occupé une certaine position dans la ville de Gand, où lui- même réside, où il remplit des fonctions publiques et où chaque jour peut faire naître, pour lui, des occasions de rencontre avec des |)arents ou des amis de la famille de ( 468 ) celui qu'il a été, à maintes reprises, obligé d'appeler le faussaire, et qu'il finit par nommer à son corps défen- dant, en s'exprimant ainsi : « Delbecq, si bonhomme d'après tout ce qu'on sait de lui, a-t-il réellement fait mauvais usage du remarquable talent de calligraphe que tout le monde lui connaissait, pour falsifier des documents anciens tels (jue le registre des peintres de Gand, qu'il avait en sa possession? Il nous en coûte de devoir conclure de tout ce qui précède, que les apparences sont contre lui. » Et , quelques pages plus loin. M, Vander Haeghen ajoute « que si Delbecq n'est pour rien dans toutes ces falsifications, on doit reconnaître qu'il était absolument hors d'état de distin- guer une pièce fausse d'un document authentique ». C'est bien ici le cas d'appliquer l'axiome de droit : lUi fecit cni prodest. Il est certain que M. Vander Haeghen, dans la perquisition qu'il a dû faire, dans les hypothèses qu'il a pu former, n'a découvert aucun indice qui le mît sur la voie d'un autre coupable présumé. Delbecq, cela est bien prouvé, avait seul intérêt à commettre les fraudes successives par lesquelles il se trouva en possession d'un ensemble de documents qui, si on les admettait pour vrais, ce qu'il espérait, auraient acquis une valeur consi- dérable de leur présence chez un amateur dont les collec- tions étaient renommées. M. Vander Haeghen aura rendu un signalé service à ceux qui s'occupent de l'histoire de nos écoles d'art locales, en dissipant les derniers doutes qui pouvaient exister sur la valeur des documents à l'authenticité desquels on s'était cru, pendant un certain temps, auto- risé à avoir confiance. Le chapitre du mémoire de M. Vander Haeghen con- ( 409 ) sacré au journaliste Schellinck renferme sur ce personnage, qui eut son heure de notoriété, certaines particularités étrangères au principal objet des recherches de l'archiviste gantois ; mais cette addition au travail soumis à l'Acadé- mie se justifie par le récit des excursions que l'écrivain en question fit dans le domaine des arts et où il fit preuve de plus d'imagination que de sincérité. Faisons le meilleur accueil au travail de M. Vander llaeghen. 11 était temps vraiment qu'on replaçât sur le terrain de la vérité l'histoire artistique de l'une de nos provinces les plus intéressantes sous ce rapport et où d'audacieuses falsifications de documents avaient intro- duit le mensonge et l'erreur. » La Classe décide l'impression du mémoire de M. Victor Vander Haeghen dans le recueil des Mémoires in-8°. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Le contrat pour l'exécution du triptyque de Thierry Bouts, de la collégiale Saint-Pierre, à Louvain (1464); par Edward Van Even, membre de l'Académie. Le tableau de Thierry Bouts, figurant la Cène, qui orne la collégiale Saint-Pierre, de Louvain, est, on le sait, l'une des plus glorieuses compositions de l'École flamande du XV« siècle. Dans le principe, il formait un triptyque. Mais il a subi la même mutilation que V Agneau mystique de Van Eyck : les vantaux en ont été enlevés. ( 470 ) Ces volets existent encore, mais ils se trouvent malheu- reusement hors du pays, l'un au Musée de Berlin, l'autre à la Pinacothèque de Munich. Né à Haarlem, dans la première année du XV^ siècle, Thierry Bouts, généralement considéré comme le plus brillant élève de Jean Van Eyck, se fixa à Louvain et y fournit toute sa carrière d'artiste. Il y épousa, avant 1448, une demoiselle de bonne maison, Catherine Van- der Bruggen, dite Metten Gelde, qui lui donna quatre enfants : deux garçons et deux filles. L'autorité urbaine, qui le tenait en haute estime, créa pour lui le poste hono- rifique de pouriraiteur ou peintre de la commune, et le chargea de l'exécution de plusieurs œuvres destinées à l'hôtel de ville, dont la construction venait d'être achevée. A Louvain, Bouts se trouvait dans une situation pro- spère : il avait pignon sur rue et bien au soleil. L'artiste occupait une vaste demeure, située rue des Récollets, sur l'emplacement actuellement occupé par l'église des pères Jésuites. Vers 1470, Bouts perdit sa femme. Peu de temps après, il épousa en secondes noces une honorable personne de la ville, Elisabeth Van Voshem, veuve de Jean Van Thienen, en son vivant bourgmestre de Louvain. L'artiste avait enseigné la peinture à ses fils Thierry et Albert. Ses filles Catherine et Gertrude prirent le voile de l'ordre de Saint-François, au monastère de Dommelen, dans le Brabant septentrional. Bouts travaillait vaillamment à une peinture destinée à l'hôtel de ville, lorsque la mort vint le surprendre, le 6 mars 1475. Puis le silence et l'oubli s'étendirent peu à peu sur le grand coloriste. Dans la suite, le chef-d'œuvre qui nous occupe fut tour à tour attribué à Roger Vander ( ^71 ) Weyden, à Juste de Gand, à Haiis Memling, à Hans Holbein, et, ce qui est plus étonnant encore, à Quentin Metsys. Ce ne fut qu'en 1858 que nos découvertes dans les archives nous permirent de le restituer avec certitude à son véritable auteur (1). Le triptyque fut commandé à Bouts par la confrérie du Saint-Sacrement, qui comptait à la collégiale Saint- Pierre deux chapelles, l'une dédiée au Saint-Sacrement, l'autre à saint Erasme. Pour ce dernier oratoire, l'artiste exécuta également un triptyque qui existe encore et qui représente le martyre de saint Érasme. Ayant appris qu'un jeune ecclésiastique qui a l'amour du passé, M. le vicaire Eugène Vander Heyden, allait entre- prendre le classement des archives que l'église Saint- Pierre possède encore, nous le priâmes de vouloir nous signaler tout ce qu'il pourrait rencontrer concernant les objets d'art appartenant ou ayant appartenu à ce temple. Ses perquisitions furent couronnées de succès; il eut notamment la chance de mettre la main sur le contrat pour l'exécution du triptyque de Bouts. L'aimable prêtre s'empressa de nous montrer le document et de nous en fournir une copie. Comme cette découverte concerne une œuvre capitale de l'un de nos plus grands artistes du XV^ siècle, nous avons cru qu'il convenait d'en offrir la primeur à la Classe des beaux-arts de l'Académie royale de Belgique. En utilisant le document au profit de l'histoire de l'art, nous considérons comme un devoir d'exprimer à M. Yander Heyden nos plus vifs remerciements. (1) Voyez noire ouvrage intitulé : L'ancienne école de peinture de Louvain. Louvain, 1870, p. 157. ( 472 ) Le contrai est un cliirographe rédigé en flamand, écrit sur une feuille de papier très fort, dans le langage simple, naïf, archaïque de l'époque. Nous avons essayé de le rendre en français. Nous faisons suivre cette traduction du texte original flamand , au bas de la page 474. La pièce porte la date du 15 mars 4464. Voici notre version : « Connaissance esl donnée à tous ceux qui verront ou auront lecture du présent chirographe, que le quinzième jour du mois de mars 4 464, selon la manière d'écrire en la vénérable Cour de Liège, un certain accord a été fait entre les (juatre maîtres de la confrérie du Saint- Sacrement, en l'église Saint- Pierre, à Louvain, au nom et de la part de ladite confrérie, d'une pari, à savoir : Érasme van Baussele comme maïeur, Laurent van Winghe, Renier Stoep ainsi (jue Eustache Roelof, boulanger, et maîlre Thierry Bouts, peintre, d'autre pari, pour l'exéculion d'un superbe triptyque en peinture concernant Phisloire du Saint-Sacrement ; dans lequel travail il y aura, à l'intérieur, la Cène de Noire-Seigneur avec les douze apôires; sur chaque volet, à l'intérieur, deux scènes de l'ancien testament; l'une, la récolte de la manne, l'autre, l'offrande de Melchisédech, la troisième, le prophète Élio, et la (pialrième, le repas de l'agneau ( 473 ) pascal, selon l'ancienne loi. Item, sur chacun de ces volets, à Texlérieur, il y aura une scène; sur Tune la scène des douze pains qu'on donnait à manger exclusivenienl aux prêtres, sur l'autre {ici existe une lacune) et ledit maiire Thierry a accepté d'exécuter le triptyque en y consacrant ses plus hautes qua- lités artistiques, n'y épargnant ni labeur ni temps, mais y faisant apparaître tout le talent que Dieu lui a octroyé, et ce d'après les indications véridiques sur la matière qui lui seront données par les révérends maîtres Jean Varenacker et Égide de Baillœuil, professeur de théologie. — Il est con- venu que le prédit maître Thierry, dès qu'il aura commencé le travail, ne pourra plus entreprendre une autre œuvre picturale avant que le triptyque ne soit achevé. Pour ce travail, on donnera et paiera audit maître Thierry la somme de 200 flo- rins du Rhin, à 20 sols pièce ; savoir : 25 florins du Rhin, dès (lu'il aura commencé ledit tri- ptyque; ensuite, un semestre après, 25 florins du Rhin, et lorsque le travail sera achevé, encore oO florins du Rhin; puis, dans le courant de l'an- née suivante ou trois mois après celte année, les autres et derniers 100 florins. Mais s'il arrivait S""* SÉRIE, TOME XXXV. 3^ ( 474 ) que, par la grâce de Dieu, les bonnes gens accor- dassenl leurcharilé el leurs aumônes plus libérale- ment en faveur de l'œuvre, qu'il y eût moyen de le payer inlégralemenl et que l'argent restât improductif, en attendant l'échéance, il sera soldé dès qu'il aura livré. Présents : lesdils révérends professeurs, sire Nicolas de Saint-Géry, chevalier, maître Laurent van Malcote, prêire, et maître Gérard Fabri, maître des écoles. » Sur le dos, on lit : « Ceci est le contrat de martre Thierry, pour l'exécution du tri- ptyque (1). » (1) Voici cette pièce, dans laquelle nous avons conservé aux lettres les formes (majuscule ou minuscule) que le scribe leur a données. La fin de chaque ligne est marquée par un trait vertical. « Gond ende kenlyc zy allcn don ghenen die dit tegen- woirdige cyrografl' selen sien off hoiren lescn dat op / den XV'«" dach van meerle int jaer XIIll'^ LXiiij na costume van scrieven inden eerwerdigen hove van luydic / eene zekere vorwerde ende condicie gesciet ende gemaect is tusscen de vier meesters der bruederscap van den / heiligen sacra- menie inder kerken van sinte peters te loevcnen inden name ende van wegen der selver bruederscap / In deen zyde te vveten Rase van baussele als meyer Laureyse van wynge Rcyner stoep ende slas roelofs beckere/ Ende meester Diericke bouts schildere in dander zyde Om een costelike ( 475 ) Ce document est d'un haut intérêt, non seulement pour l'histoire de Bouts, mais aussi pour celle de la peinture flamande au XV'' siècle. Il nous apprend une fois de plus tafele gemaecl te hebben van potraturen / aengaende de malerie vanden heiligen sacramente In welker tafelen binnen staen sal den avontmaeltyt ons liefs / heren met syne XII apostelen Item in eiker dueren binnen twee figue- ren uuten ouden testamente Die eenen vanden hemelscen / brode Die andere van melchisedech die derde van helyas ende die vierde vande etene des paeschlams in die / oude wet Item op elc van desen dueren sal buyten staen een figuere Op die eene die figuere vanden XII broden dienien alleene den priesters teten gaf ende op die andere . . . [lacune). Ende heeft die voirscreven meester dieric aangenomen dese tafele te / makene na allen synen besten vermoegenen egheenen arbeit cost noch tyt dair inné sparende Mars zyn uterste macht / na de kunst die hem god verleent heeft dair inné te thoenen in alsulker vuegen ende waerheit als hem die / eerwerdige heren meester jan vaerenacker ende meester gielys bailluwel professeurs inde godheit overgeven selen / op die voirscreven materie Ende is vorwerde dat de voirscreven meester dieric als hy dese tafele voirscreven begonst sal / hebben gheen ander tafelwerc aennemen en sal voir dat dese voirscreven tafele volmaect zyn sal Dair af men / geven sal ende betalen den selven meester diericke de somme van tweehondert rynsche guldenen te twintich stuvers / stuck te wcten XXV rynsche guldenen dair af also haosle hy dese voirscreven tatle beghinnen sal ende voirt binnen / eenen halven jare dair na noch XXV rynsce gulde- nen ende als dvverck volmaect sal zyn noch vyftich rynsce guldenen / ende dan binnen eenen jare dair na oft onbe- ( 476 ) qu'à cette brillante époque de nos annales, toute œuvre de valeur était le résultat de l'alliance étroite qui existait entre l'érudition et l'habileté artistique. C'était toujours un travail commun, où le savant tout autant que l'artiste avait sa part. Dans le but évident d'obtenir une composition irrépro- chable au point de vue historique, la confrérie s'était adressée à deux hommes de grand savoir, Jean Varen- acker et Egide de Baillœuil. Le premier siégeait dans le conseil de l'Université, le second, après avoir été pro- clamé primus de la faculté des arts, devint lecteur- régent de théologie et laissa des écrits importants. La pièce nous fait connaître combien on aimait alors dans nos villes la belle peinture. Lorsque la confrérie louvaniste contracta avec Bouts pour l'exécution du retable, elle était loin d'être en mesure de le payer, mais elle était sûre du concours de la population, et ce con- grepen drie maende na djaer die ander ende leste honderd Mair / waert also dat byder gracien gods de goede liede tôt den voirscreven werckehunne carictale ende aelmoessenen alsoe / mildelyc bewysden datmen dese voirscreven somme den voirscreven meester diericke soude moegen vol beta- len alst / volmaect sa! wesen ende dat tgell dair stille soude liggen verbeydende die termyne voirgenoemt soo is vor- werde / dat men den voirscreven meester Diericke ter stont vol betalen zal na dat hy volievert sa! hebben Hier / vvaren over de voirscreven eerweerdige hère professeurs Her claes van sinle goericx ridder Meester laureys van maelcote priesterende meester gheert fabri scoelmeesler. » Siw le dos de la feuille on lit : « Dits van meester Dierick t verdi ngen van den tafelen. » ( ^77 ) cours ne lui fit pas défaut : le pauvre comme le riche avait une obole pour aider à payer une œuvre destinée à orner la principale église de la commune, considérée comme le bien de tous. La confrérie du Saint-Sacrement voulait jouir aussitôt que possible de l'œuvre de Bouts. De là les conditions passablement sévères qu'elle imposa à l'artiste. Ainsi il lui était défendu de commencer une autre peinture avant que le triptyque ne fût achevé. Afin de garantir l'exécution ponctuelle de l'engagement, la confrérie y fit intervenir le plus puissant citoyen de la commune, sire Nicolas de Saint-Géry, maïeur de Louvain. Comme nous l'avons vu par le contrat, chaque volet du triptyque olïrait deux sujets, l'un superposé à l'autre. Le volet qui se trouve à la Pinacothèque de Munich a été divisé en deux : 1" La récolle de la manne; 2" Abraham et Melclmérlech (n°' 44 et 55). Le volet qui orne le Musée de Berlin est également divisé en deux : 1" Élie dans le désert nourri par l'ange, et 2° La célébralion des pâques juives (n"' 553 et 539). Il serait intéressant de faire vérifier si les revers des volets ont été ornés de peintures, comme le prescrivait le contrat. La confrérie paya le triptytjue 200 florins du Rhin, à 20 sols pièce. Malheureusement, il ne nous est pas possible de déterminer d'une manière certaine la valeur de cette somme en numéraire de notre temps. Le florin du Rhin était une monnaie de compte à peu près comme la livre sterling, c'est-à-dire susceptible de toutes les variations du change. Le florin allemand de cette époque était une pièce d'or qui vaut aujourd'hui, au poids, de 8 à 9 francs. Le sol était une pièce en argent très mince. ( m ) Les premiers paiements eurent lieu en 14G5. Il est à regretter que le compte de cette année soit perdu. Dans le compte de 1466, que nous avons retrouvé dans les archives de l'église Saint-Pierre, on constate encore des dons en faveur du travail : un citoyen donna un florin du Rhin; une honne femme, qui ne déclina pas son nom, offrit un demi-écu d'or (1). D'après le compte de 1466, Bouts fut payé par acomptes : le 4 juillet, il reçut 15 florins du Rhin; le G août, 8 florins du Rhin. Plus tard, il toucha encore 29 florins du Rhin (2). Lors de ce dernier payement, Bouts délivra une quittance que nous eûmes le honheur de retrouver. Elle est écrite de sa propre main sur une feuille du compte de la confrérie du Saint-Sacrement pour 1468. Nous la traduisons littéralement, tout en reproduisant le texte original au bas de cette page : Je Thierry Bouts me déclare satisfait et entièrement PAYÉ DE l'oeuvre QUE j'aI EXÉCUTÉE POUR LE SaINT-SaCRE- ment (5). (1) « Item, ontfaen eenen rynsgulden die ons gliegevenes tôt onser Tafelen, 10 september 1466. — Item, ontfaen 8 stuvers voer Vi scilt, die een goede vrouw ghegeven heeft totter Taefele. » Comptes de la confrérie du Saint-Saci'ement. (2 « Item, betaelt meester Diercken Bouts, op 't werck van onser Taefelen, 13 rynsgulden, stuck te 20 stuyvers, 4 daghe in julio 1466. — Item, .. op den 6 dach van augusto, meester Diercken Boutss, op 't werck van onser Taefelen, 8 rynsgulden, stuck le 20 st. — Betaelt aen meester Dieru: van der Tafelen, 29 rynsgulden. van 20 stuvers. » Comptes cités. (3) « le Dieric Bouts kenyie mi vernucht en vol betaelt als van den wercdat ic gheinaect hebbeden Heilichen Sacrament. » ( 479 ) Après ces lignes d'une écriture ferme et claire, on lit l'annotation suivante : Cette cédule est la quittance écrite de la propre main de maître Thierry, par laquelle il reconnaît et déclare être entièrement payé par les quatre maîtres de la confrérie du Saint-Sacrement, savoir : Jean Auderogge, Gérard Rede- mans, Érasme van Baussele et Pierre Heykens (1). Le contrat nous fait connaître l'époque exacte de l'exécution du retable : commencé en mars 1464, il se trouvait en place à l'église au mois de février 1468. C'est à cette date, d'après le compte que nous venons de citer, que le dernier payement eut lieu. Le vaillant artiste, qui comptait alors 68 ans, était donc parvenu à achever en quatre ans ce grand triptyque dont l'originalité de la composition, la beauté du dessin, la splendeur du coloris et la finesse incomparable de l'exécution font l'objet de l'admiration de tous ceux qui s'intéressent à notre glo- rieuse école du XV^ siècle. (1) « Item, dit is die sele van messter Dryeric, kent en lyt dat hy es voel(vol) betaelt, en selve gheschreven met synder hant. van den iiij messters van den Scakermente, te Loven, dat was Jan Ouwe Rogge,en Groet Retemans,en Raes van Bausselle,en Pieter Heykens. » Voyez : Doude Boeck van den Meyerien van den Bruederscap van den heyligen Sacraments van S'« Peeters, te Loven, beghinnende in den jare ons Heren XIIIJ en LXVJ,aprilis xxj» (21 avril 1466). La quittance se trouve folio H r», après la date du 9 février 1468. ( 480 ) Quelques considérations sur l'histoire de la sculpture belge; par le chevalier Edm. Marchai, secrétaire perpétuel de l'Académie. L'histoire artistique d'un pays n'est pas bornée aux limites géographiques de celui-ci ; elle s'étend aussi aux institutions ou aux corporations fondées à l'étranger par ses nationaux, en souvenir de la mère patrie, ainsi qu'aux artistes dont la renommée a rejailli sur la ville qui les a vus naître. Ce sont ces considérations qui m'engagent à appeler l'attention de l'Académie sur les deux opuscules suivants, que M. Maurice Bekaert, attaché à la direction des beaux-arts du Ministère de l'Agriculture et des Travaux publics, m'a chargé de lui offrir en son nom. Le premier porte pour titre : ine confrérie flamande à Florence, du X Vl" au X Vlll" siècle; le second : Nos artistes à l'étranger. Josse de Corle, sculpteur yprois, 16^7-1619. Ces deux opuscules constituent une nouvelle et inté- ressante contribution à l'histoire des sculpteurs belges, qui n'a pris réellement corps que depuis peu d'années, et qui se complète, à chaque instant, comme le cas se présente encore actuellement, par des monographies qui permettront un jour d'écrire l'histoire générale de la sculpture en Belgique, d'après les documents les plus authentiques. Le premier opuscule de M. Bekaert a pour objet la confrérie des Tedescld et Fiammiwjlii, dont le siège était dans la chapelle Sainte-Barbe et Saint-Quirin de l'église de la Santissima Annunziata, et dont le plus ancien docu- ( 4-81 ) ment (archives de Florence) porte la date de 1420. Les sculpteurs flamands étaient fort recherchés bien avant cette époque, autant dans la capitale de la vieille Toscane que dans d'autres villes d'Italie, telles qu'Orvieto , où ils collaborèrent à l'ornementation de la cathédrale, commencée en 1200 : Roland de Bruyn y travaillait en 1293. D'autre part, Perkins, dans l'appendice à ses Sculpli'urs italiens (traduction d'Haussoullier), cite un Pier Giovanni Tedesco ou de Bramantia (Brabant), qui sculpta, pour l'ancienne façade du Dôme de Santa Maria del Fiore, élevée par Giotto entre les années 1354 h 1536, un ange « pro opéra (del Duomo?) », un saint et quatorze saints couronnés, ainsi que quatre docteurs de l'Église, destinés à quatre tabernacles de cette partie de l'édifice. Cet important travail prouve la faveur dont ce Pier Gio- vanni Tedesco de Bramantia jouissait à Florence ; ce com- patriote dut exercer une grande influence sur ses confrères, à l'époque où furent exécutées ces statues (1586-1591). C'est par centaines qu'on a compté, au XV% au XVP et au XVII^ siècle, la présence d'artistes flamands en Italie, comme l'a suflisamment prouvé Bertolotti (1). Et c'est à bon droit qu'on considère Pier Giovanni Tedesco comme le précurseur immédiat de Donatello, des délia Robbia et de Ghiberti, ces maîtres suaves et profondément humains par leur réalisme, qui donnèrent une si belle orientation à la sculpture florentine. (1) Arlisti beU/i ed olandesi a Roiiia nei secoli XVI e XVll. Firenze, 1880, 1 vol. in-12. — Giiinte agli arlisti belgi ed olandesi in Rovia nei secoli XVI e XVII. Roma, 1885, in-4''. [Estratto dal giornale II Btio- narotti, série III, vol. 2. Quaderni 3, 4- e 5, 1885.] — Le arti minori alla cor te di Mantova nei secoli XV, XVI e XVII. Milano, 1889, gr. in-8o. [Estralto dall' Archivio Islorico Lombarde, anno XV, fasc. 1, 2 e 3, ( 482 ) M. Bekaert rapporte dans les termes les plus heureux la création, le développement et la lin de la corporation flamande dont, indubitablement, Jean Bologne a dû faire partie et qui fut dissoute le 29 mars 1785, en même temps que toutes les autres confréries laïques de la Toscane, par un décret du grand-duc Léopold ^^ On voit donc que ce souverain était d'accord, en ce qui concerne son grand-duché, avec son frère l'empereur Joseph II, lorsque celui-ci décida, la même année, dans ses Pays-Bas autrichiens, la suppression des corpo- rations qualifiées d'inutiles par le décret promulgué. C'est à quelques mètres seulement de distance de la chapelle de Sainte-Barbe et de Saint-Quirin que Jean Bologne (1) ou Gian Bologna, comme disent les Italiens, repose au pied de son grand crucifix de bronze et des six superbes panneaux sur lesquels il a retracé la Passion. La chapelle dite de Notre-Dame de Bon Secours et le monument funéraire de l'illustre sculpteur douaisien furent ériges d'après ses dessins et à ses frais, comme le rappelle l'inscription suivante, gravée sur la pierre lumu- laire, « dans le but de lui servir de lieu de sépulture, » ainsi qu'à tous les artistes flamands qui mourraient à » Florence. » J. C. R. Joannes Bolotjna Belga Mediceor P. P. R. nobilis alumnus, eqiies militiae J. Christi, sculptura et architedura dams, virtute notas, moribus et pietate insignis, sacellum Deo semp. sibi cundisque Belgis earumdem artium cultoribus. P. anno Duin. M. D. I. C. (1) loU tl608 ( 4. édition, 1895; Les Maîtres chanteurs de Nuremberg. Paris-Bruxelles, 4 vol. pet. ïn-S" de 302, 373, 234 et 310 pages. Sommervogel {Cfi.}. Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Bibliographie, tome Vill, 1898; in-4°. Sti'aven {Fi\). Inventaire analytique et chronologique des archives de la ville de Saint-Trond, tome VI, 2« livr. 1898. Reusens {Le clian.]. Eléments de paléographie, l""^ fasci- cule. Louvain, 1897 ; in-8°. Permeke [H.-L.]. Ville d'Ostende. Catalogue descriptif illustré : Casino (Hôtel de ville). 1897; in-18«(50 p.). Collection complète des œuvres de Grétry publiée par le Gouvernement belge. XXII« livraison : La Caravane du Caire, opéra-ballet en 3 actes. Leipzig-Bruxelles, 1897; in-4''. HalUn {Léon). Les esclaves publics chez les Romains. Bruxelles, 1897; in-8M2ol p.). Bekaert (Maurice). Nos artistes à l'étranger. Josse de Corte, sculpteur yprois, 1627-1679. Bruxelles [1898]; in-8» (21 p. ill.). Steinlen (liod.). Ueber einen leicht herzustellenden Vacuumtractionirapparat. Côthem, 1898; extr. in-8<'(3 p.). Leonville [Gaston de) [Beaucourt de Noortvelde {Robert de)]. La maison de Créhange, baron de Beaucourt, en Lorraine, et sa connexité avec les de Beaucourt de Noortvelde. Bru- xelles, 1893; in-8°(31 p.). Destrée (J.), Kymeulen et Ilannotiau. Les Musées royaux du Parc du Cinquantenaire et de la Porte de Hal, à Bru- xelles : Armes et armures. Industries d'art, livraisons 6-9 [1898]; in-folio. (497 ) BruhakL Louis de Pauw, conservateur général des collec- tions de l'Université de Bruxelles. Mons, 1898; extr. in-8° (24 p., planches). Bruxelles. Ministère de la Justice. Coutumes de la ville et châtellenie de Furnes, tome IV (Gilliodls-Van Severen). 1897; in-4». — Ministère de l'intérieiir. Bulletin de la Commission centrale de statistique, tome XVII, avec annexe (Album de statistique graphique, démographie et hygiène de la ville de Bruxelles, par le D'" E. Janssens). 1890-96, in-4". — Ministère de l'Industrie et du Travail. Travail de nuit des ouvrières de l'industrie dans les pays étrangers. Rap- port, par Maurice Ansiaux, 1898. — Ministère de r Agriculture et des Travaux publics. Con- seil de perfectionnement de l'enseignement des arts du des- sin. Session de 1896-97. Bruxelles, 1898; in-8°. Charleroi. Société paléontologique. Documents, tome XXI. 1897. LouvAiN. Im Cellule, recueil de cytologie et d'histologie générale, tome XIII, 2^ fascicule. 1897; in^". Mons. Société des sciences, des arts et des lettres. Mémoires, tome IX. 1897. Liège. Institut holaniciuc de l'Université de Liège. Archives, vol. 1. Bruxelles, 1897. Commune de Schaerbeek. Etude d'un projet d'évacuation directe de toutes les eaux de la Senne en amont de Bruxelles par les canaux de Charleroi et Willebroeck agrandis. Mémoire descriptif et justificatif. Bruxelles, 1898; in-S" (103 p., plans). Hasselt. Société des Mélophiles. Bulletin, 33« volume. 1897. ( 4-98 ) Al,l,KMAGNE ET AuTRICHK-HoNGRlR. Albrechl {Th.). Berichl ùber den Stand dcr Erforschung der Breitenvariation, im Deccmber 1897. Berlin, 1898; in-4° (36 p., 1 pi.). LiMnEf-G. Institut Ossolinski. Calalogus codicum manu- scriptum, tom. III. 1898. Prague. Gesellschaft der Wissenschaflen. Sitzungsberichte und Jahresbcricht fur 1897. Grâtz. lUstormher Vercin. Miltheilungen, 45. H. und Beitrâge, 28. Jahrgang. Vienne. Internationale Erdmessung. Astronomische Ar- beiten, Band IX. 1897; in-l" — K. k. Militàr-geographisches Institut. Die astrono- mische-geodâtische .Arbeiten, Band X. 1897; in-4". Stuttgart. Forststatistichc Miltheilungen aus Wùrltem- berg, 1896. In-4". WuRZROiiRG. Historischer Verein. Archiv, 39. Band. 1897. Amérique. Buenos-Ayres. Ojicina meteorologica argentina. Anales, tomo XI. 1897 ; in-4°. Indianapolis. Academy of Sciences. l*rocccdings, 189(). Washington. Surgeon-general's Office. Index-catalogue of the library, vol. 11,1897. ( 499 ) Grande-Bretagne. Colonies britanniques. Aitchisuii (G.). The middle aiul later Henaissaiice. Lon- dres, 1898; extr. in-4° (2 p.)- Williams {Stanley): A Catalogue of tlie magnitudes of 1081 stars, lying betwoen -30" decl. and the soutli pôle. Londres, 1808; in-8° (xi-43 p.). Londres. Entomoloyical Society. Transactions, 1897. Association fur the advancememenl of Science. 67"' mee- ting, hcld at Toronto, 1897. Ottawa. Meteoroloyical Service. Report for 1893. In-4". Italie. Delitola {Glus.]. Gontributo allô studio del problema di Polhenol. Turin, 1898; extr. in-8« (l!2 p., 1 pi.). Pise. R. Scuola normale. Annali, tilosolia o filologia, vol. XIL Bologne. R. Accademia délie scienze. Memorie, tomo V, 1895-96. ln-4°. Pays-Bas. RoJil (Joan). Le droit commercial roumain. Précédé du discours : Charles l" de Roumanie. Suivi du traité : Les dynasties. Paris, 1897 ; in-8° (376 p.). Utrecht. Historisch Genootschap. Werken, n" 60 : Docu- ments concernant les relations entre le duc d'Anjou et les Pays-Bas (15761584). 1897. ( 500 ) Pays uivehs. Ckolodniak [Johannes). Carmina sepulcralia latina, Saint- Pétersbourg, 1897; in-S" uii-62o p.). Évangéliaire ancien serbe du prince Miroslav, écrit au Xll^ siècle. Fac-similé in-folio (ix-229 p.). Skwortzow {Jr.). Soleil, terre et électricité. Un chapitre delà théorie nouvelle de l'univers. Kharkow, 1898; in-8° (8 p.). Foronda y Aguilera {Manuel de). Estancias y viajes de Carlos V (desde el dia de su nacimiento hasta el de su muerte). Madrid, '189o; in-8" (47 p.). Bergen. Muséum. Aarbog, 1897. Stockholm. Offentliga Bibliolhek. Tioars-Uegister, 1886- 1895; 1898. - inslilut météorologique. Observations, vol. XV, i"> li- vraison, 1896. ln-4o. Zurich. Polyleclinikum. Katalog der Bibliotliek. 1896. f BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DES Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. 1898. — N« 5. CITASSE nVlS SCIEIVCES. Séance du 10 mai 1898. M. Éd. Dupont, directeur. M, le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. W. Spring, vice-directeur ; le baron Edm. de Selys Longchamps, G. Dewalque, E. Candèze, Brialmont, Éd Van Beneden, C. Malaise, F. Plateau, Fr. Crépin, J. De Tilly, Ch. Van Bambeke, Alfr. Gilkinet, G. Van der Mensbrugghe, L. Henry, M. Mourlon, P. Man- sion, P. De Heen, C. Le Paige, Ch. Lagrange, F. Terby, J. Deruyts, Léon Fredericq, J.-B. Masius, J. Neuberg, A. Lancaster, membres; Ch. de la Vallée Poussin, asso- cié; L. Errera, Julien Fraipont et P. Francotte, corres- pondants. D""-" SÉRIE, TO-MK XXW. 34 ( 502 ) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique communique une lettre du comité qui s'est formé à La Haye pour y organiser, en juillet prochain, une exposition des œuvres de Simon Stévin. Le comité précité exprime le désir d'être renseigné sur les manuscrits, documents, lettres, imprimés et livres qui ont appartenu à Simon Stévin et qui se trouvent dans les archives, bibliothèques et autres institutions scienti- fiques. — Il transmet : 1° Cinq exemplaires du rapport du jury qui a décerné le prix décennal des sciences minéralogiques (période transitoire de 1892-1897). 2° Bulletin du Cercle des naturalistes hutois, 1897, n°' 1-2; 5° Flora Batava, livraisons 519 et 520; 4° Musée botanique de Leyde, par Suringar, livraisons 4-8. — Remerciements. — M. le Ministre de l'Industrie et du Travail adresse, pour la bibliothèque, un exemplaire de la Carte géologique de la Belgique au 40,000'' (5" envoi). — M. E. Briart remercie, en son nom et au nom de sa famille, pour les sentiments de condoléance qui lui ont été exprimés par la Classe lors du décès de son père. ( 505 ) — La Sociélé batave de philosophie expérimentale, à Rotterdam, adresse le programme de son concours pour 1900. — Hommage d'ouvrages : 1° A propos de l'Église et de la Science. — Réponse à un vitaliste; par Léo Errera; 2" Essai sur la théorie des machines électriques à influence; par V. Schafï'ers (présenté par M. Van der Mensbrugghe, avec une note qui figure ci-après) ; 3" Intorno alla analomia délia Canapa, I e H; par Giov. Briosi et Fil. Tognini (présenté par M. Léo Errera); 4° a) Étude sur les ressorts à spirale et les ressorts à hélice; b) L'architecture métallique au XIX'' siècle; c) Le pont de mille mètres ; d) Longerons en treillis et longerons à arcades; e) Le pont Vierendeel, etc. ; par A. Vierendeel. — Remerciements. — Travaux manuscrits à l'examen : i° Sur les salicijlates doubles de métal et d'anlipyrine, deuxième communication, par M.-C. Schuyten (contenu d'un billet cacheté déposé en février 1898 et ouvert à la demande adressée aujourd'hui par l'auteur). — Commis- saires : MM. Jorissen et Spring; ià" Les épisodes de la science balistique. Période nouvelle : application de l'électricité à la guerre; par C.-J. Tackels, otïicier retraité. — Commissaire : M. Brialmont; 3" Sur l'acide dibromfluoracélique ; par Fréd. Swarts. — Commissaires : MM. Spring et Henry; A" Influence de la concentration sur la vitesse de réac- tion; par Alexandre de Hemptinne. — Commissaires : MM. Spring et De Heen ; ( 504 ) 5° Sur les courbes parallèles à l'ellipse; par le professeur Gomes Teixeira, à Porto. — Commissaires : MM. Neu- berg et Mansion ; 6° Lettre de M. le professeur Victor de Ziegler, sur la Loi de la répartition de l'eau et de la terre ferme sur notre globe. — Commissaires : MM. Folie et Van der Mens- brugghe. ÉLECTION. M. Fr. Crépiii est réélu délégué de la Classe auprès de la Commission administrative. NOTE BIBLIOGRAPHIQUE. J'ai l'honneur de présenter à l'Académie, au nom du P. V. Schaffers, un mémoire imprimé, ayant pour titre : Essai sur la théorie des machines électriques à influence. Depuis longtemps, les physiciens ont négligé l'étude si difficile de l'électricité statique, pour s'adonner à des recherches sur les faits innombrables de l'électricité dyna- mique. Et pourtant, bien des phénomènes électro-statiques attendent encore leur explication véritable : en ce qui concerne notamment les machines électriques à influence, les observateurs ont proposé des théories très disparates, parmi lesquelles on ne sait ni comment ni pourquoi faire un choix déhnitif. A cet égard, c'est une bonne fortune que de rencontrer un ouvrage de coordination, qui nous donne une idée exacte du plan sur lequel on pourra édilîer une théorie durable. Or, c'est cet ouvrage qui a été entrepris avec ( 505 ) ardeur el persévérance par le P. Schaffers, en s'appiiyanl toujours sur des expériences nombreuses et variées. Je n'iiésile pas à affirmer que l'auteur a l)ien mérité de la science encore si mystérieuse de l'électricité statique. G. Van der Mensbrugghe. RAPPORTS. Sur le rapport verbal de MM. L. Fredericq et J.-R. Masius, la Classe décide l'impression au Bulletin des deux communications suivantes : 1° Sur la paraglobuline du sérum sanguin (communication préliminaire); par Prosper van de Kerckhof; 2" Influence de l'occlusion de l'aorte descendante sur la valeur des échanges respiratoires; par Hector Rulot et Léon Cuvelier. Lettre de M. K. Solvay sur le Rôle de l'électricité DANS LES PHÉNOMÈNES DE LA VIE. Rnpitoi't tie mn. f/. Heêtt-y et II'. Spfittg. MM. Henry et Spring proposent l'insertion au Bulle- tin de la séance de la lettre de M. E. Solvay, à titre d'information préliminaire. Ils font remarquer que les faits invoqués à l'appui de la synthèse d'un sucre et de l'urée sous l'influence de l'effluve électrique, leur parais- sent demander un complément de démonstration. — Adopté, ( 506 ) Appareil pour la détermination du coefficient moyen de dilatation linéaire; par L.-N. Vandevyver, répétiteur à l'Université de Gand. naft§iot't de n . Van de»' Menthwufiffhe, ftfe»nie»' coitnni*»ntt'o. ce Ce travail a pour objet la détermination expérimen- tale des coefficients moyens de dilatation linéaire des métaux. On sait combien sont longues, difficiles et coû- teuses les opérations relatives à la détermination très approchée de ces coefficients. Le dispositif imaginé par l'auteur me paraît oflVir une grande simplicité, jointe au double avantage d'être peu coûteux et de donner rapidement des résultats très satis- l'aisants. Il consiste essentiellement à mesurer à l'aide du sphé- romètre l'allongement du métal entre deux températures déterminées aussi exactement que possible. Bien que l'idée de l'emploi du sphéromètre pour des mesures analogues ait déjà été mise en pratique par mon savant confrère et ami M. De Heen, j'estime que l'appa- reil de l'auteur mérite d'être vulgarisé. J'ai d'ailleurs été témoin des soins multiples avec lesquels M. Vandevyver a exécuté ses opérations; aussi je n'hésite pas à proposer à la Classe l'impression de son travail au Bulletin de la séance. )> M. De Heen, second commissaire, se rallie à cette pro- position, qui est adoptée par la Classe. ( 507 ) Note relalwe au problème de la vue à distance ; par M. G. Van der Gucht. itaftpofl df m, f*. ne Been. « J'ai lu avec intérêt le travail de M. Van der Gucht, dont les idées me paraissent ingénieuses. Cependant je regrette de ne pouvoir demander l'impression de la note, le projet de l'auteur n'ayant été soumis à aucune vérifica- tion expérimentale. Je propose en conséquence le dépôt aux archives. » — Adopté. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les éthers des dérivés monochlorés de l'acide butyrique normal et la volatilité des combinaisons chloro-oxy gênées en général; par Louis Henry, membre de l'Académie. J'ai fait connaître récemment (*) les trois dérivés mono- chlorés du nitrile butyrique normal CN - CH^ - CH^ - CH3, à savoir : a CN - CHCI - GHj - CH, 3 CN-CHs CHCI-CH3 y CN - CH, - CHj - CH^CI. •) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3« série, t. XXXV, 1898, p. 3(30. ( S08 ; Il sera aisé de passer de ces composés aux trois acides butyriques normaux monochlorés a, (3 et y correspondants : (HO)CO-CHCI-CH2-CH3 (H0)C0-CHj-CHCI-CH3 (HO) CO - CH, - CHî - CH,CI (*). Ces corps, de constitution certaine, sont évidemment de ceux que l'on peut regarder comme intéressants, au point de vue général, à divers titres. J'en ai fait commencer la préparation et l'étude dans mon laboratoire. En attendant que je puisse présenter à l'Académie les résultats de ces recherches, qui viennent d'être entre- prises, j'ai pensé qu'il ne serait pas inutile, au point de vue des études que je poursuis sur la volatilité dans les composés carbonés, de faire connaître, dès à présent, les dérivés monochlorés «, [3 et y des butyrates de méthyle, d'éthyle et de propyle normaux. Ces éthers s'obtiennent aisément par l'action de l'acide chlorhydrique ou de l'acide sulfurique sur les nitriles, ou les amides correspondantes, en présence des alcools. Il se forme en même temps un sel ammoniacal. Tous ces corps sont extérieurement les mêmes. Ce sont des liquides incolores, mobiles, d'une odeur forte rappelant celle de l'éther butyrique, insolubles dans l'eau, solubles dans l'alcool et l'éther. La potasse caustique alcoolique les saponifie aisément {**). (*) J'ai fait connaître le dérivé y, en même temps que son nitrile, en 1885. Voir Comptes rendus, etc., t. CI, p. 1158. {**) La méthode de Carius ne s'étant pas montrée fort avantageuse dans le cas présent, on a utilisé cette réaction pour déterminer guon- titalivement le chlore dans ces composés. Il suffit de les chauffer au bain d'eau, pendant quelque temps, dans i ( 5'()9 ) Les tableaux suivants résument ce qui se rapporte à leurs propriétés et à leur analyse. A. — Dérivés méthyliques C4H6C1(CH5)02. «. '-. r- CHs-CHa-CHCl CHs-CHCl-CHs CHjCl-fCHj)» -CGlGCHs). -COIOCHs). -COlGCHs). ÉbuUition. . . i45o-'146<'p.756™"' ioSo-lSGop.ToO""" i7o' -ITCop 764" Densité à «0. . 1,0979 i,09i6 1,1268 Indice de réfrac- tion . . . . l,i2o28 1,42729 1,43729 Densité de vapeur. Calculée, 4,7i Substance .... Pression barométrique Mercure soulevé . . Tension de la vapeur. Volume de la vapeur. Température . . . Densité trouvée . . ,0319 0e%0322 0B^032H 763">"> 74Gn.lI. 760'">n ceg-n-n 650'n"> 663"'"' 94mD, 96™™ 97mm 62c^' (i6« 63«.5 130O 130° 130" 4,73 4,43 4,6S un tube à essai, muni d'un lube ascendant servant de réfrigérant, avec la solution alcaline de moyenne concentration. La liqueur alcoolique où s'est formé le précipité de chlorure potassique, étendue d'eau et acidulée d'acide azotique, fournit avec la solution argentique le précipité de chlorure AgCl. Nous croyons cette méthode, aussi aisée qu'expédilive, applicable dans bien des cas analogues. ( 510 Analyse. Cl % 26,00. Substance AgCl Chlore °/o. I. 06',2a30 06^.2171 05M790 II. Os'-.^OIS 0«^2776 0s^2251 I. Osr,2460 o«^23^3 OB'. 1875 IL Os'.mS 0gr,2934 0gs2329 I. 26,07 26,3S 2b,88 H. 26,19 26,14 23,83 B. — Dérivés éthyliques QHeCl (GsHs)!)^. «. ^. r. CHs-CHa-CHCl CHs-CHGl-CHj CHïCI-(CHj)j -COlOCjHs). -COlOCsHs). -COlOC^Hs). Ébullition. . . 163''-164'> p. 7t50"<™ 168»- 169» 186» p. 760™" Densité à 130. . I,0o6 1,060 1,114 Indice de réfrac- tion . . . . 1,4-2430 1,42925 1,43731 Densité de vapeur. Calculée, ei,20. Substance .... Pression barométrique Mercure soulevé . . Tension de la vapeur Volume de la vapeur Température . . . Densité trouvée . . Ob',0314 08^,0309 Og',0328 750"" 749mm 749""" 665"'" 663" ■" 661°"" 85"'" Simm 88"" 62cc,4 62«,8 63«,o 130» 130» 130» 5,15 3,18 3,16 m\ ) Analyse. Cl °/o 23,59. Substance. AgCl Chlore •/» . 08',2868 ûs%2676 0g^3430 [I. Og',ii828 0gr,2()22 03^2690 0sr,2680 0g^2oS2 08^,3228 II. 0sVi21t) 08%2i75 06',2rMt) 23,61 23,38 23,29 II. 23,60 23,35 23,14 Dérivés PROPYLiQUES C4HQCI (CjHyJOs (*). CH5-CHJ-CHCI GH3-CHCI-CH2 CH.Cl-(CH.)ï -C0(0C5H7). -COlOCsH^). -COiOCsH^). Ébullition à 7oi""' . 182o-184» Densité à lo» . . . 1,036 Indice de réfraction . 1,42925 82» - 183» 197» - 198» 0,989 1,088 1,42727 1,44929 Densité de vapeur. Calculée, 5,<>8. Substance .... Pression barométrique Mercure soulevé . . Tension de la vapeur Volume de la vapeur Température . . . Densité trouvée . . 0Br,0303 0g^0298 Os^osas 753mm 7S6mm 764"™ 708°"» eiO""" 716""» 45aim 46nim 48m m 110'^'^ 108'=» 103<=^G 130» 130» 130» 5,31 5,22 5,73 (*) Il s'agit ici des éthers de l'alcool propylique primaire (H0;CH2 - CH2 - CH3. (*') Produit de l'action de HCl sur l'acide crotonique solide fus. 72". (Voir plus loin.) ( 51^2 ) Analyse. Cl % 21,58. Substance Of',1418 0P',i882 06'-,7141 AgCl 0s%d238 0§',1606 0s^62o6 Chlore o/„ 21,48 21,68 21,67 Ces éthers sont intéressants à examiner au point de vue de la volatilité dans ses rapports avec la présence simultanée de Voxygéne et du chlore fixés sur le carbone de la molécule. Je considérerai d'abord et spécialement les dérivés méthyliques : a CH5-CH,-CHCl-CO(OCH3) Éb. 145" x p. CHs-CHCI-CHî-COfOCHs) 155° . ) 20° r. CHîCI-CH,-CH,-C0(0CH3) 175» ^ CH3 - CH, - CH, - CO (OCH5) Éb. \ 02° ■ 45° a. CH5-CH,-CHCI-C0(0CH3) U5« CHs - CH, - CH, - C0(0CH3) Éb. 102° ) 55* ^. CHs-CHCl-CH.-COfOCHs) 155° CH3-CH,-CH,-CO(OCH3) Éb. 102° \ ) 75° 9. CHjCl-CHî-CH, -C0(0CH3) 175° / Notons les points d'ébullition des chlorures de bulyle ( 513 ) primaire et secondaire normaux, par rapport au butane normal. CHs-CH^-CH.-CH, Eb. V CH3 - CH, - CHCl - CH, liS" CH3 - eu, - CH, - CH, Éb. 1" CIU-€H,-CH,-CHiCI 78" 07" 77" Le rapprochement de ces chiflres montre à l'évidence l'intluence volatilisante exercée par le voisinage de l'oxy- gène et du chlore dans la molécule. La comparaison des deux dérivés secondaires a et (3 prouve l'influence décroissante de la coexistence de ces éléments sur la volatilité de la molécule totale, à mesure I que les composants CO et CCI s'éloignent l'ini de l'autre dans la molécule. Le dérivé 7 montre que cette influence volatilisante a cessé totalement par l'interposition du systènje - C - C - entre les composants CO et - C Cl. CHj-CH.-CHj-CHj Eb. 1° CH3 - CIL, - CH2 - CH,C1 78" CHs-CH.-CH, -CO(OCH-) Éb. 102" CU,C1 - CH., - CH„ - C0(0CI1,-) 175" 77" 73" Il est intéressant de rappeler comment les choses se passent dans la série des dérivés chlorés du nitrile buty- ( 514 ) rique normal CN - CH2 - CHo - CH5, quant à la volatilité relative des divers termes qui la composent. Je les considérerai d'abord par rapport aux dérivés éthérés méthyliques. Nitriles chlorés. Éthers méthyliques chlorés. «. CN - CHa - CHa - CH^ Éb. 4 18»\ CHg - CHj - CH, - C^ç.y_ Éb. 102«\ 24» ' WS" CN -CHCI-CH.2-CH5 1420/ CH3-CH2-CHC1-C()ç.f, 145''/ !3. CN - CH» - CH. - CH5 Éb H8o\ CH3 - CH., - CH^ - Cq^(j_ Ëb. I02oi 570 " |54» CN-CH9-CHC1-CH., no»! ch3-chci-cHj-Cq(,jj_ isew y. CN - CH.^ - CHg - CH3 Éb. ilSoi CHg - CH. - CH.^ - c[|(, jj_ Éb. 102»^ 177" " ]'!¥ CN-CH^-CH.-CHXl 19b«| CHgCl- CH2-CH2- Cqj,jj_ -176»; Le remplacement de H par Cl, dans le chaînon >CH2, dans les dérivés a, détermine une élévation dans le point d'ébullition de 24° dans le nitrUe et de 45° dans Véther mélhylique. Si l'on tenait compte de la différence des poids moléculaires des composés qui subissent cette substitution Nitrile G9 N 14 Éther mcihyliquc . 102 O^OCHs) . . 47 on devrait s'attendre à constater un rapport inverse/car, toutes choses égales d'ailleurs, l'élévation déterminée dans le point d'ébullition d'un composé C„H,„ par le remplacement de H par un radical X, plus lourd, est ( 5i5 ) d'autant plus considérable que le poids moléculaire du composé primitif est plus faible et subit par conséquent une augmentation plus considérable. Il est donc évident par là que l'influence volatilisante exercée par le système chloro-azoté NC - C Cl est plus A puissante que celle qui s'attache au système équivalent chloro-oxygéné CIC - C0{0CH3). A Mais celte différence ne s'étend pas loin; elle a disparu par l'interposition d'un groupement >CH2, et surtout de deux, entre les systèmes chloro-azoté NC - C Cl et chloro-oxygéné [ÇM'^0)OC - C Cl. On remarquera encore combien, à la suite de cette différence d'intensité volatilisante, sont différents eux- mêmes les rapports de volatilité entre les nitriles en C4 et les éthers méthyliques correspondants. ISilrile butyrique. Éiher méihyl-lmtyrique. Différences. Simple. . Éb, 118» Simple. . Éh. iO'2' - iH" p chloré . 175» p chloré . 156» -19° r chloré . 195° j3 ehloré . 176" -19° Ces différences sont, comme on le voit, suffisamment concordantes. Il n'en est pas ainsi entre les dérivés a CH-CHCI-CH,-CH; ^ ^ 0CH,-CHCI-C1I.,-C]K où cette différence est d'ordre inverse. + 5;i /i» ( 31 0" p. eu, CIlCl- cil, - (:0(OC,l!,) 182» ^ \ l(i» y. (:ii,ci - cii,-(:ii,-co(cr3ii:) los» / On renuuiiuera tout d'abord la eoiuordance qui existe entre la volatilité des élliers méthylique, étbylique et propyli(jue, et celle des dérivés a chlorés correspondants. La transformation du système -CH2-CO(OC„H2„ + ,) en - CHCl -CO(OC,.H,„ + ,) élève le point d'ébullition invariablement d'environ 40''. La même concordance s'observe entre les dérivés (3 et les dérivés 7; la différence dans les points d'ébullition est représentée respectivement par 20°, 18" et IG"; la diflë- rence dans les points moléculaires explique cette décrois- sance. Mais il n'est pas possible de n'être pas frappé de la différence que l'on observe entre les points d'ébullition des deux dérivés d'ordre secondaire, « et [3, dans le groupe des éthers méthyliques, éthyliques et propyliques. orivcs niélhyliqucs . . . . 10 à H" — clliyliqiies. . . 5° ~ propyliques . . . ±0" L'intensité de l'influence de l'éloignement des systèmes >C0 et >CHC1 sur la volatilité va donc en décroissant, et cela d'une manière régulière, à mesure que s'élève le poids atomique de l'étber, du chef du radical C^H^,, ^i qu'il renferme. Pour en finir avec ce genre de comparaison, je rappro- cherai les points d'ébullition des dérivés méthylique, éthylique et propylique dans ces divers groupes de composés. ; Mé. . . El). 102" \ \ ; 18° Élhcrs bu lyriques < El . . . 120» \ 22» 1 Pr . . . 142° / 3™® SÉRIE, TOME XXXV. 35 ( S<8 ) Dérivés chlorés a. Dérivés chlorés p. Dérivés chlorés v. Mé. Et . Pr . Mé. Et . Pr. Mé. Et . Pr . Eb 145° 164» 182" Éb. 156» 108° 182° Éb. 176» 186° 198» 19» 18° 12» 14» 10° 12» Les variations sont de même ordre et concordantes dans les groupes des dérivés «, [3 et y, mais décroissent progressivement, à cause de l'élévation graduelle du poids moléculaire. Avant de terminer, je tiens à faire remarquer que les composés cMoro-butyriques [3 peuvent être obtenus par d'autres voies encore que l'hydratation du nitrile correspondant CN - CH^ - CH Cl - CH5, produit de l'action de PCI5 sur l'alcool cyano-isopropyUque CN - CH>> - CH(OH) - CH5. a) Il y a d'abord à mentionner l'addition de Vacide ddorhydrique HCl à l'acide crotonique ordinaire, solide, lus. 72° (*), dans les conditions habituelles de tempé- rature. {■) F.-W. Bruhi-, Préparation du chloro-butxjrate cféthyle C^HoCl (C2H5)02, cb. 168", par Vacticn de IICl sur Vacide crotonique en pré- sence de C2H5-OH. (Liebig's Annalen der Chemie, t. GCIII, p. 27, année 1880.) ( 519 ) J'ai constaté l'ideutité parfaite des éthers mélhylique el élhylique, obtenus par l'une et l'autre de ces Kiéthodes. Dérivés méthyliques ^ CH3-CHCI-CH2-C0(0CH3). Ébullilioo. Indice de réfraction. Densité, Du nitrile iStio-'tS?» p. 760""" 4,4272'J 1,08 à 13« De l'acide crotonique . ISSo-lSti» p. 700™"' 1,42627 1,10 à 13" Dérivés éthyliques P CH3-CHC1-CH2-C0(0C2H5). Ébullition. Indice de réfraction. Densité Du nitrile leSo-iee» p. 760™"" 'l,4292o 1,060 à 13° De l'acide croloniquc . 168M69o p. 760™"' 1,42927 1,044 à 1 3» Sous le rapport de l'odeur, il n'y a aucune différence à percevoir entre ces produits, quelle qu'en soit l'origine. On voit par là que lors de l'addition de l'acide HCI à l'acide « crotonique fus. 72«, CH^-CH -= CH-C' AiujKSle Slosse en faisant agir, pendant cinq heures, l'effluve électrique sur an mélange gazeux contenu dans un ozonisateur ordinaire de Berlhelot; ce mélange était com- posé d'un volume d'oxyde de carbone pur et sec pour deux volumes d'hydrogène pur et sec. Pour produire l'effluve, M. Slosse s'est servi d'une bobine de Ducretet ayant une longueur d'étincelle de 12 millimètres et d'un courant de 110 volts avec inter- [(osition d'une résistance formée par quatre lampes à incandescence de cinquante bougies chacune. Dès les premières minutes, on constate l'apparition, sur les parois du tube contenant le mélange gazeux, de quelques gouttelettes d'un liquide limpide et incolore. Le mélange gazeux subit une rétraction notable qu'il faut constamment compenser par l'introduction de quantités proportionnelles de gaz. En prolongeant la réaction, on constate, en certains points, le long des parois, un dépôt de petits corps cris- tallins, sans forme définie. Après la cinquième heure, à l'ouverture du tube, il se dégage une odeur assez pro- noncée de cassonade. Les cristaux ne se dissolvent pas dans l'eau froide. Après fîltration, la solution aqueuse obtenue rougit faible- ment le papier de tournesol et présente les réactions caractéristiques suivantes : a) Bouillie et refroidie à la température ordinaire, elle réduit faiblement la liqueur de Fehiing fraîche. h) Elle réduit le nitrate d'argent ammoniacal. c) Bouillie pendant assez longtemps pour ne plus contenir de gaz et refroidie ensuite à la température ordinaire, elle fermente en présence de la levure fraîche; cette fermentation produit un dégagement de fines bulles ( 549 ) gazeuses que l'analyse démontre être de l'acide carbo- nique. d) Avec la phénylhydrazine en milieu acétique, elle forme une combinaison solide, sans forme cristalline délinie, soluble dans l'eau bouillante et insoluble dans l'eau froide. Des essais répétés n'ont pas permis d'ob- tenir des cristaux mieux définis. Le point de fusion de l'osazone se trouve dans le voisinage de lOO C. et il n'a pas été possible de le préciser davantage, à cause de la minime quantité du produit. M. Slosse estime que les réactions conduisant à cette synthèse pourraient être liypothétiquement formulées comme suit : 1° CO + H* =: CH-0 (aldéhyde frirmique dont la présence a été constatée). ;2o CO -4- H* H- H- = CH^Oll (alcool méthylique dont la présence a été constatée). (CH-O + CH-0)", produits de polymérisation à groupement hypothétique en H'>- ces écarts moyens n'atteignent du reste au maximum que deux ou trois unités de la liuitième décimale ((jua- Irième chittre significatif). ^^ ( 5d8 ) métaux, cet écart n'est pas grand, mais il n'est pourtant pas négligeable et, dans certains cas, peut modifier la huitième décimale et quelquefois la septième. Aussi, pour faire disparaître cette cause d'erreur en même temps que l'inconvénient signalé plus haut, j'ai modifié l'appareil comme il suit : La barre centrale est en laiton et sert dans toutes les expériences ; mais elle est composée de trois parties : A, B, C. Sa longueur totale est d'environ 1 mètre. 3 I La partie A est terminée par un appen- dice DD', en forme de demi-cylindre creux dans lequel glissent les parties B et C. On détermine d'abord avec le plus grand soin le coetTicient de dilatation de la barre totale, ]/vA^ puis on remplace la partie B, qui a environ FiG. ± ^0 centimètres, par une barre de même lon- gueur du métal sur lequel on désire opérer. D D Formule. — - Représentons par s'y la longueur à 0° des deux parties A et C réunies ; par /^ la longueur à 0° du métal en expérience ; par a le coefticient supposé connu de A et de C, et par a' le coefficient à déterminer. On a pour la longueur totale : L, = A"'o(i -*- «0 -+- 'o(i -+- *'<); de même, L,,= {'0(1 -^- «<') -+- ^o(i -+- ■*'<'); d'où l'on déduit sans peine : , A — sV«' — /) /«(«' — t) ( od9 ) I VALEURS trouvées par différents opérateurs 1930 Fizeau. HIO Fizeau. 2882 Kllicot. 1098 Fizeau. 3400 Struve. opérations. ■allons soigneusement oyenne. i( g =" -S S ^ S- « S^ -r- o i.-5 CO o ai „ — 0,0000 v: " S 3 a p o o § S K S î? g g I.Î 3 « 1^ - -ï; :s 3 -M •-- --0 3 o '" O -O -T- ^ CO T^ _ =" ^■~ cT — r 0~ Ci O _ 3 3 OOCÎOr-. o c«3qj "-' o i3 - s s 2 s ^ s 5 ë ^ o 'S "3 o l' j^ o s* o~ o o~ o" d — "S "^ o "Vf 0™,8004 0,8004 0,8004 0,80'J4 0,8004 0,8004 eux parties 1942 qui a nttrès cou < S a: < 3 a 3 .2* ■3 'a - § , ?" -s J -9; -a: a. Cuivre rouge des aris . , Zinc du commerce . . . Ziuc fondu (|)ui') .... {■) La longueur \ 0 des c (*•) Le coefficient 0,0000 exécutées; les résultats élaie ( 560 ) Pour contrôler les résultats donnés par l'appareil ainsi modifié, j'ai pris une barre qui m'a servi d'étalon; elle est en argent chimiquement pur. Le résultat qui se trouve consigné, parmi d'autres, dans le tableau ci-dessus, me parait de nature à inspirer une grande confiance. Il va de soi que toutes les opérations que j'ai indiquée; doivent être exécutées avec grand soin. Ce n'est qu';i cette condition et moyennant l'accord de deux ou trois résultats consécutifs, que l'on peut adopter le chiffre obtenu comme coefficient moyen de dilatation linéaire. Toutefois, je regarde comme très important de faire remarquer que la série des opérations relatives à un même métal ne peut se répéter qu'à des intervalles d'au moins vingt-quatre heures; car, comme on devait s'y attendre, l'expérience m'a prouvé que l'équilibre molé- culaire intérieur du barreau, modifié par les écarts de température, ne se rétablit que très lentement. Le tableau suivant donne du reste un spécimen de la marche complète d'une opération. Mardi 2^ mars 1898. Matin. Barre d'argent chimiquement pur : /o -= 0"", '200-2 ; .s'u = 0'",8004 ; a = 0,0000 1 942. ( 561 ) HEURES. 9>'!2()' 9>>33' 9h47' 9''oV lOh 8' 10''17' 10''25' 10h34' 41'' 4' '11''12' Hh20' UIVISIONS du sphérornètre. 13 19 26 30 32 33 33 33 ■140 140 Corrections ig;21 1G,63 n,oo 17,26 17,40 17,50 17,56 17,oa 17,56 15,80 16,35 16,72 16,97 17,13 17,20 17,26 17,26 17,26 16,30 16,80 17,05 17,27 17,40 17,49 17,513 17,5B 17,56 Moyenne t = n°46. OBSERVATIONS. 100,22 100,22 -0,n.-i5 100,175 100,175 -0.01 100,225 100,223 -0.065 100,163 100,163 100,160 A 10''44', la vapeur soi't à la parlie inférieure; les trois thermomètres inarquent 100°. La pointe du sphérornètre a été abaissée de (i tours complets; donc A = 3 tours -+-(140- 35) = 0'°,001605. Moyenne i> = 100;163. 0,0111605 - 0,8004 X 0,00001942 fl00.1(> - 17,46) '' 0,2002 (100,16 - 1 7,46^ = 0,000019327. Gand, 4 mai 1898. ( 562 Sur la paraglobuline du sérum sanguin (communication préliminaire) ; par Prosper van de Kerckhof. Halliburton {*) a montré que chez la plupart des Mam- mifères, l'albumine du sérum est un mélange de trois substances, «, (3, y, caractérisées par des températures de coagulation différentes, a se coagule à 70°-73°; [i, à 77°-78»; y, àSSo-SS" C. L'albumine a manque dans le sérum du Bœuf, du Mouton, du Cheval (Ongulés). Le fait a été confirmé par d'autres expérimentateurs et explique jusqu'à un certain point les valeurs différentes trouvées pour le pouvoir rotatoire spécifique de l'albumine du sérum chez dif- férents animaux (**). On est au contraire d'accord pour attribuer à la para- globuline du sérum, avec Hammarsten, Weyl, Hallibur- ton (***), l'unique température de coagulation de -+- 75° C. , et pour la considérer comme formée par une seule matière albuminoïde, identique chez les différents animaux (même pouvoir rotatoire de — 47^,8 chez le Cheval, le Bœuf, le Chien) ('^). C) Halliburton, The Tproteids of sérum. (Journal of Physiologie, 1884, t. V, pp. 152-194.) (**) Léon Fredericq, Le pouvoir rotatoire de Ualbumine du sang de Chien. (Archives de biologie, 1881, t. II, pp. 379-385.) (*") Halliburton, loc. cit., pp. 160 ei suivantes. ('") Léon Fredericq, Recherches sur les substances albuminoides du sérum sanguin. (Archives de biologie, 1880, t. I, p. 462, et Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 5 septembre 1881.; ( yes ) J'ai repris la (|ueslion de la température de coagulation de la paraglobuline. J'ai préparé la paraglobiiline de sérum de Bœuf, de Mouton, de Porc, de Chien, soit au moyen de la saturation par MgS04 (méthode de Denis et de Hammarsten), soit par demi-saturation par Am^SO^ (méthode de Kauder). La substance était purifiée par trois ou quatre précipi- tations et redissolutions successives. Avec cette globuline, je faisais une solution modérément concentrée (1 à 2 "/o), ayant toujours une réaction légèrement acide. La solution était graduellement chauffée au bain d'eau dans un tube à réaction (avec thermomètre). Le bain d'eau lui-même, constitué par un vase de Berlin, était chauffé au bain-marie (avec thermomètre). A chaque coagulation, le liquide était maintenu pendant 15 à 30 minutes à la même température, puis il était retiré, filtré, replacé dans un tube et soumis à une nouvelle élévation de température. Voici les résultats obtenus : Température de coagulation. Paraglobuline de Bœuf (par MgSOiî . — — (par Am^SOi) . Paraglobuline de Porc (par SlgSO^). . — — (par AmaSOii . Paraglobuline de Chien (par MgSO^) . Paraglobuline de Mouton (par MgSOJ. — — (par AmaSO^l La paraglobuline parait donc chez les Mammifères, tout comme l'albumine, constituer un mélange de trois ou a P y 0 65'' » 70» 74° 64° » 68° 74° 64° « 70» 75° 63o » 69" 75° 64" 670 70° 73° » 67° 72" 750 » 67° 71° 75° ( 564. ) quatre globulines, caractérisées par des températures de coagulation différentes (*) : a se coagulant à (33° - 05% (* ) Si, bien entendu, on admet la validité du procédé des coagula- tions fractionnées par la chaleur pour séparer les différentes substan- ces albuminoïdes ])résentes dans un liquide. Haycraft et DuGGAN {Ueber die Gerinnung von Eiweiss, Serum- albinuine, Vilellin iind Seruiu-globidinedurch Hitze, Centralblatt fur Physiologie, 1889, t. III, pp. 472-47Sj ont soutenu que ce procédé no pouvait avoir aucune valeur. Pour eux, une solution ne contenant qu'une seule substance albuminoïde doit nécessairement, si on la chauffe, donner des coagulations successives à des températures dif- férentes, attendu, disent-ils, qu'une première coagulation, intéressant une partie de la substance dissoute, dilue le liquide et met de l'alcali en liberté, deux conditions qui ont pour effet d'élever la température à laquelle les portions suivantes de la même substance se coaguleront. L'argument de Haycraft et Duggan me parait de nature théorique et absolument contredit par le résultat de mes expériences. En effet, si, comme le disent Haycraft et Duggan, la cause de l'augmentation de la température de coagulation résulte de la produc- tion d'alcali et de la diminution de concentration de la solution, il est évident que ces deux phénomènes se produisant lentement et pro- gressivement auraient pour résultat de faire augmenter dans les mêmes mesures la température de coagulation de la substance encore en solution, c'est-à-dire qu'il devrait se coaguler une portion de globuline à toute élévation de température, et il ne pourrait pas y avoir de séparation nette entre deux coagulations consécutives. Mais la coagulation dans ce cas devrait être continue à toutes les tempéra- tures intermédiaires entre 64» et 75" C; or on constate des différences de 3" à 5» C. entre deux coagulations successives, ce qui semble pi'ouver que ces substances sont bien différentes. Toujours les liquides étaient légèrement acides depuis le commen- cement de l'opération jusqu'à la fin. Par conséquent, ce n'est pas la production progressive et presque imperceptible d'alcali qui peut faire augmenter la température de coagulation de plusieurs degrés à la fois. De plus, ayant trouvé chez le Chien quatre coagulations, je ne puis expliquer ce fait qu'en admettant la présence d'une quatrième espèce de globuline dans le sérum de cet animal. En outre, le fait d'avoir séparé par précipitation fractionnée (par ( 565 ) (3 à ()7'', 7 à ()8''-72'', d à 74°-7o". (3 manque dans le sérum du Bœuf et du Porc, a manque dans celui du Mouton. J'ai essayé de séparer ces globulines par des précipita- tions fractionnées, en saturant graduellement le sérum au moyen de NaCI, de MgS04 ou de Am2S0i, et en i\aCl, MgSOi, AmjSOi) des portions de paraglobuline se coagulant en deux ou une fois, nonobstant le degré de concentration assez forte et d'acidité assez nette des solutions, montre que ces globulines sont bien différentes et que ni la production d'alcali ni le degré de con- centration n'interviennent pour augmenter le nombre de coagulations de la paraglobuline. J'ai fait une autre série d'expériences dont les résultats contre- disent la théorie de ïtaycraft et Duggan. J'opère sur une portion de paraglobuline de Bœuf non fractionnée. Après avoir obtenu une première coagulation par la chaleur, j'ai précipité ce qui restait en solution dans le fdtraf par MgSO|. Avec ce précipité recueilli sur un fdtre, je forme une nouvelle solu- tion de concentration et d'acidité analogues à celles de la solution initiale. Soumis à la coagulation par la chaleur, ce liquide ne m'a plus donné que deux coagulations. En opérant d'une façon identique après la première et la seconde coagulation, j'ai formé une solution ne donnant plus qu'une seule coagulation par la chaleur. Or si les arguments de Haycraft et Duggan étaient exacts, il faudrait obtenir un nombre considérable de coagulations, vu que, après chaque coagulation, je remettais ce qui restait de paraglobuline en dissolution dans le filtrat, dans des conditions presque identiques de concentration et d'acidité que pour la solution initiale. Or, malgré ces précautions, ces solutions ne donnaient plus que deux coagulations, après une première coagulation de la substance a et une coagulation après séparation de a et y ([3 n'existant pas dans la paraglobuline du sérum de Bot^uf ). Ce qui me semble prouver qu'on a réellement affaire à des paraglobulines différentes, ayant chacune un point de coagulation fixe et différent. 3"'"^ SÉRIE, TOME XXXV, 58 ( 566 ) recueillant séparément les premières et les dernières portions précipitées. Je n'ai pas réussi complètement ; cependant les der- nières portions précipitées ne me fournissaient plus que deux, parfois une seule coagulation. Voici quelques résul- tats. Dernières portions de globuline donnant deux coagula- tions : a P Y 0 Paraglobuline de Bœuf (par AmaSOj éliminée n'existe pas 70" 74" Paraglobuline de Bœuf (par MgSOi) éliminée n'existe pas 70" 73" Dernières portions ne donnant qu'une coagulation : a p Y û Paraglobuline de Bœuf (par MgSOi) éliminée n'existe pas 70" éliminée Paraglobuline de Mouton (par MgSOi) n'existe pas éliminées 73'' Une solution de paraglobuline de Bœuf est traitée par iNaCl (saturation). Une portion de la paraglobuline se précipite ; je la recueille sur un filtre. Une partie de paraglobuline est restée en solution; je la précipite par AnuSOj. Je soumets respectivement ces deux globulines redis- soutes dans de l'eau à la coagulation par la chaleur. Voici les résultats : P y Paraglobuline de Bœut précipitée par NaCl . 64" n'existe pas éliminée 73" Paraglobuline de Bœuf précipitée par AmsSOi éliminée n'existe pas 67" 74" ( S67 ) Cette expérience permet de constater que NaCI ne |)récipite pas la globuline 7, qui est laissée en solution et qu'on retrouve en précipitant ce qui reste dans le filtrat par Am^SOi- Le pouvoir rotatoire des portions de paraglobuline |)récipitées en dernier lieu par MgS04 paraît moins élevé (|ue celui de la paraglobuline prise en bloc. Ainsi une solution de globuline à 3.10 °/o, précipitée en dernier lieu parMgSOj (pesée du coagulum alcoolique), me donna au polarimètre Laurent une déviation de l°,i2, d'où a[D] = — 37°, 9. au lieu de a[D | = — 49%04 trouvé par moi pour la solution de paraglobuline (6.79 %) non fractionnée. Conclusion. — La paraglobuline du sérum des Mam- mifères paraît être un mélange de trois globulines dif- férentes (quatre pour le Cbien), si l'on s'en rapporte aux résultats de la méthode des coagulations fractionnées par la chaleur. (Travail de l'Institut de physiologie de l'Université de Liège.) Infuence de l'ocdusion de l'aorte descendante sur la valeur des échanges respiratoires ; par Hector Rulot et Léon Cuvelier, étudiants en médecine, à Liège. Le présent travail fait partie d'un ensemble de recherches exécutées à l'Institut de physiologie de l'Uni- versité de Liège sur les elfels physiologiques de l'occlusion de l'aorte descendante chez le Chien et de l'anémie aiguë, qui en est la conséquence, dans l'arrière-train de l'animal. ( 568 ) Léon Fiedeiicq et Colson (1) ont étudié, chez le Chien, les modifications que l'occlusion de l'aorte amène dans le fonctionnement des centres nerveux de la moelle épinière, dans la circulation du sang et le rythme respiratoire. Nous nous sommes proposé de rechercher l'intluence qu'exerce la même opération sur la valeur des échanges respiratoires, en dosant chez le Chien la quantité d'oxy- gène absorbé et d'anhydride carbonique exhalé par la respiration pulmonaire, tant avant que pendant l'occlu- sion de l'aorte pratiquée à différents niveaux. Nous avons également déterminé la valeur du chimisme respiratoire après la désocclusion. Ch. Bohr et Henriques (2) ont publié sur le même sujet une série d'expériences qui leur ont fourni des résul- tats fort inattendus. L'occlusion de l'aorte thoracique, qui exclut cependant un vaste territoire, tout l'arrière- train de l'animal, de la participation à la production de l'anhydride carbonique et à l'absorption de l'oxygène, n'exerce, d'après Bohr et Henriques, qu'une influence insignifiante sur la valeur des échanges gazeux de la res- piration pulmonaire. (1) Léon Fuedekicq, L'anémie expérimentale comme procédé de dissociation des propriétés motrices et sensitives de la moelle épinière. (Trav. du lab., 1889-1890, t. III, pp. 5-12, et Arch. de biologie, t. X, p. 131.) — Colson, Recherches physiologiques sur l'occlusion de l'aorte thoracique. (Tuav. du lab., 1889-1890. t. III, pp. 111-164, et Arch. de biologie, t. X, p. 431, 8 fig.) (2) Ch. Bohr et Henriques, Arch. de physiologie nor)iiale et patho- logique de Brown-Séquard. avril 1897. ( 569 ) Ces expérinieiilateurs en ont conclu que le principal foyer de la combustion organique avait, jusqu'à présent, été localisé à tort dans les ditïérenls organes et tissus de l'organisme, et devait être replacé dans le poumon, comme on l'admettait dans le commencement du siècle. Nous avons eu recours à la méthode qui consiste à mesurer au compteur (compteur d'Elster et compteur de la Dansk Maalerfabrik de Copenhague), pendant un temps donné, — 5, 6 ou 10 minutes par exemple, — le volume d'air qui traverse les poumons par suite de la respiration naturelle de l'animal, et à analyser un échantillon bien mélangé de l'air de l'expiration. Le Chien est anesthésié par le chlorhydrate de morphine et par le chloroforme. On met la trachée-artère à nu et on y introduit une canule en verre en forme de T, destinée à séparer l'air de l'inspiration de l'air de l'expiration (canule à valvulves de Speck, faites au moyen de bouts d'intestin de Chien ou de Porc). L'orifice d'inspiration s'ouvre libre- ment à l'air extérieur, tandis que la branche de la canule par laquelle l'animal fait ses expirations est mise en communication avec un compteur à gaz; celui-ci est relié à un grand sac en caoutchouc destiné à recueillir un échantillon d'air de l'expiration. Le sac est ouvert à ses deux extrémités, de sorte qu'il est traversé par le courant d'air de l'expiration. Pour recueillir un échantillon de gaz destiné à l'analyse, il suffit de fermer l'orifice de sortie et d'attendre que la respiration de l'animal ait rempli le sac. Le sac était ensuite fermé et séparé du compteur, de manière à fournir les échantillons destinés à l'analyse. Voici comment on obstrue l'aorte. La sonde métallique. ( 570 ) munie à une de ses extrémités d'une ampoule en caout- chouc, est poussée par l'artère crurale dans l'aorte jusqu'à la crosse. Cette ampoule est distendue ensuite par du liquide physiologique à 9 "/oo, jusqu'à ce que le pouls disparaisse dans l'artère crurale de l'autre côté. Le sani> ne peut donc plus parcourir que les vaisseaux se rendant à la poitrine, aux membres antérieurs et à la tête. 11 se produit cependant une faible circulation collatérale. 11 s'agit donc de comparer les échanges respiratoires avant et pendant l'occlusion ainsi qu'après la désocdusion de l'aorte. Au cours de l'expérience, on prélève durant un certain temps — o,()oul0minutes — un échantillonde l'air expiré avant l'occlusion ; on fait de même pendant l'obstruction et après la désocdusion. La quantité d'air qui a traversé le poumon pendant ce laps de temps est donnée par le compteur. Chaque échantillon est ensuite analysé au moyen des burettes et pipettes de Hempel [Gasanahjtische Methoden. Braunschweig, 1890) (1). Les tableaux suivants contiennent les résultats numé- riques de nos expériences. Dans tous ces tableaux, les volumes des gaz sont ramenés à 0° C. et à la pression barométrique normale de 760 millimètres, en se servant des tables de Hesse. (1) Léon Frederico, Sur la tension des gaz- du sang artériel, etc. (Trav. du lau., 1893-1895, t. V, p. TiO, fig. 3, et Arch. de biol., î. XIV, pp. 105 et suiv.i ( S7t ) O Q. t _3 1 ? 7 3 ^ 5i 1 1 ! 1 ç r o — 5» lio ^r; ^ ^ <Û S E te o ■X O - o «yi 3; = ?^ ?, S? c ? ;-5 î2 î:: si ^ '^^ -^ e-i t" ■7! Quantité d'air expiré en 6 minutes. If. C t. O t 1--, cr. -74 — = !C T< 30 «J -: -!- -r- -r- ■» ^' "S. X '•< o -. - n : î Ci 30 t~ -j; ." ■^ -T> T- 3 — • — -T3 o 2 = as u .3 § *l ". o- 8 ^ r? T^< f» o Q 1 1 "sojpuinij '^ ûa ( 572 ) ^ Ô ^ '^'^ S: Si Si — 5: i: 23 2 ** 1 1 1 1 j 1 1 ^ ? S 2 1 s =^ 'tê 5 3? S g ÎS o~ o" cT cT o" =r 3 2 2 « 15 a. va o O ■g 00 -îi -r-. e-i -,D 5-1 2 o Ci :c — ic ■* . 'ï^ fM -T- •?! rc " •a y. o O •§--♦• ---r 00 L-î ;■= t^ rJ Quanti 16 d'air expiré en 10 minutes. o ɧ8 3 S S3 55 i ^ ■- so 50 'S» « — * t-* -a o C O .. -. -. ^: =-. S il -- = --- Il o 3,7 3,9 2,2 3,2 3,5 1. — Occlusion U. — Cessation •sojpumsj t' =à ( 573 ) X ^ -« o <5 c 3 o o3 ï^ Ci F- S^ IÇ ^ -5< i_3 ëi C3 3 ô ô ^ 1 j 1 1 1 1 ^ o rô ôb Te ^ •^7 ie ^ ÇO SO Ci Ci ô ô é ^ Ci ^ o iO Ci o o :o r- t- 00 » =: o o~ cT o" = 3 o ?0 'S 3 O 1 2 ? ^ 5 ^ c; ' ^ -5 -yi ^1 G-i ce — ■j O) o i2 3 t- r- CO o -s^ 5^ a oo çg t- 00 îc ce -0 _. •J -^ Quantité d'air expiré en 6 minutes. p 3 •■= CO -jf Ci -r« ie S^" o a"? < =^ le 00 00 1-^ x^ ci__ s-O '^ "o ----- ^« O 3,83 3,9 3,6 3,2 3,2 3.62 1. — Occlusion i. — Cessation ■so.iainn\j "^ S3 C ^74 ) o -^ M _ O ■s CL r?» -T- — "S ^ n g- a g -r- -r- -^ -r- Q u 9 3,7 ■4 3,i 3,52 3,(1 1. — Occlusion 1. — Cessation ( •S0J3U1I1M — •' zz = >■' >■" (S76 ) Il résulte de ces expériences : 1" Que les échanges respiratoires sont réduits à peu près de moitié après l'occlusion de l'aorte thoracique au niveau de la crosse ; 2° Que le quotient respiratoire s'élève après l'occlusion de l'aorte. Après la désocclusion, il diminue généralement; cependant on remarque quelquefois une augmentation. Dans une autre série d'expériences, nous avons obstrué l'aorte à des niveaux différents, en commençant par sa terminaison et en remontant jusqu'à la crosse. En procé- dant de cette manière, nous avons exclu du territoire de la circulation sanguine, des parties de plus en plus grandes de l'organisme. Ces expériences nous donnent les résultats suivants : Lorsque l'occlusion de l'aorte se fait à sa terminaison, les échanges respiratoires diminuent faiblement; plus on avance vers l'origine de l'aorte, c'est-à-dire vers la crosse, plus ces échanges diminuent, pour atteindre un minimum lorsque l'obstruction se fait au niveau de la crosse. Si nous procédons à l'obstruction de l'aorte en com- mençant par sa terminaison, le quotient respiratoire augmente faiblement de valeur, pour arriver à un maximum pendant l'occlusion au niveau de la crosse. Après la dés- occlusion il diminue généralement, mais quelquefois il augmente encore de valeur. Voici les tableaux présentant les résultats de ces expériences : (877) £ Sb o ©I <0 CL I ^ àc 0 àh w irx ^■l c. £ 1 1 OJ O 00 iC 0 se IQ rc Ç' ce ^- ®» ^ ^ « " "■ OS t~ 00 0: |o se o 0 o*' se 0' vu J2 £ S O s t^ 0 5^ ,^ -. s G-l Vj- JD 0^ ^ _. ce rc ^i §?? •53 .^ « -5 '^ 3 ai = ô S.0 C0T3 0 o 05_ 00 ce •<:^ ®l 2^'ê s.'î* se t-^ I— * se s "— Ô "^ ■^ ■^ l>" ■§ :2-S:f 'S. JS =î ; >" ^5' Oî <;i ( 578 ) ^ ^ 0 ^ G^ F- C5 ^ M "^ •?i •* en ô 3 ô Z. z. :^ ■^ ^* "^ ■^" ^» 1 1 1 1 1 1 V H © 0 5» r- 0 iO '?' '^ iC ÇO è. ô s ô ^ z. " "^ ro pç 0 |o 56 0" 0* 0* 0' 0' 00 0 ■^ J2 ^ S -C Ji 1 i i i 0 s o u •X ça te • > > '^ 53 -^ . ( 579 ) ta o 10 O ^ ■j: c B _i 1 1 1 1 1 1 1 o ô ^ 5> 5» Ç( 5i ^ Se ■?' -r- 00 CD Cî ^5 5(5 »~ ;Dcocoî-'î_t- oor- es o o o o~ o" o" o o 3 S _o 3h o re O Ccnl. cubes. 271 276 256 266 145 175 356 289 X o Cent, cubes. 168 170 176 151 115 155 268 196 énales à 11 ''23'. Quant ité d'air expiré en 10 minutes. Mires. 17,06 18,04 16,11 15,17 12,89 15,67 22,37 18,8 anl des artères i crosse à 12''17'. 12''55'. e 15,4 15,3 15,4 14,7 16,3 16,35 15,4 15,6 de l'aorle en av au niveau de la le l'occlusion à O 4,1 3,9 4,5 4,1 3,7 4,1 4,2 4,3 1. — Occlusion >'. — Occlusion }. — Cessation ( •soj^uiiixi ~ = E S: ^' ? =■ = ^ =c o ( 580 ) o ■< ^ o 1^ jb ^ ^ ùh 3b 5s ■f* 5 ■^ se o5 ô ô ô o ô z. 1 1 1 1 1 1 1 H 00 05 - •^" — °;- <» 3 • s» ( â«l ) Nous avons traduit dans les deux graphiques suivants les variations de l'absorption de l 'oxygène corresj)ondantes à nos diflerentes expériences. TtJO 6o0 600 ëSO 500 450 -iOÛ ;-!oO 300 350 200 doO . i / 1 lï 1 ! li—- -— Tn \ / 1 1 -,:,\ /'/ 1 . --' --._ n -, \ V y !/ ""• ¥ ; ' X ^^- /' '' / II y ' 1 1 1 1 1 ' ! i i 60 oO 40 ;-!0 20 10 A 10 20 m W oO 60 I''iG. 1. — Consonimation de l'oxygène, en ceiitimèlres cubes, par kilogramme- lieure (expériences l-V), avant, pendant et après l'occlusion de l'aorte au niveau de la crosse. — A correspond au moment de l'occlusion. Le temps est compté en minutes à partir de A (tant avant qu'après A). — B correspond au moment de la désocdusion. Les traits pleins ou pointillés réunissent les valeurs appar- tenant à une même expérience. Les résultats que nous avons obtenus sont d'accord avec la théorie classique. Celte théorie considère la com- bustion interne comme étant interstitielle et comme se produisant dans tous les tissus de l'économie, et non p;is, comme disent Ch. Bohr et V^ llenriques, comme s'etfec- tuant en majeure partie, les quatre cinquièmes ou lesdeux iiers, dans les poumons. SERIE, TOME XXXV. .",«) ( S82 ) , / 1 630 / f j 1 i / j uoU 1 c 1 ' IX" -,B f. 1 ■lOU \ -, / / 1 4UU YT B, \ - // Cl .... m- ,.- B \ M'--' ' / ^ ^ / / 1 1 .iUU B\] ' V V^\ ^ ^ : , z&U d 21)0 ■ 1 1 OU 10 i ^0 • 10 ( 50 { )0 ^ t'j : iO 20 iO A 10 !20 30 40 à 0 60 FiG. 2. — Consommation de l'oxygène, en centimètres cubes, par kilogramme- heure (expériences Vl-lX), avant, pendant et après l'occlusion de l'aorte à différents niveaux. — A correspond au moment de l'occlusion au niveau de la crosse. Le temps est compté à partir de A (tant avant qu'après). — lî correspond au moment de l'occlusion aux différents niveaux de l'aurle descendante. — G correspond au moment de la désocclusion. Les expériences précédentes nous montrent que lors- qu'on procède à l'occlusion de l'aorte au niveau de la crosse, on obtient une réduction des échanges respiratoires de moitié à peu près. En partant de la terminaison de l'aorte, si on l'obstrue en des endroits de plus en plus rapprochés de la crosse, la diminution dans les échanges se l'ait aussi progressivement, et c'est quand la poitrine, les membres antérieurs et la tête sont seuls traversés par le courant sanguin, que l'on observe le minimum des échanges respiratoires. Travail de l'Inslilut de pliysiologie de l' Univers i lé de Liège. ( o85 ) CXAiSiSE DES l^ETTRES. Séance du 9 mai 4898. M. F. Vander Haeghen, directeur. M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Ém. Banning, vice-directeur; S. Bormans, Ch. Piot, Ch. Potvin, J. Stecher, T.-J. Lamy, Cil. Loomaiis, G. Tiberghien, L. Vanderkindere, lecorate Goblet d'Alviella, Ad. Prins, J. Vuylsteke, A. Giron, le baron de Chestret de Haneffe, Paul Fredericq, God. Kurth, Ch. Mesdach de ter Kiele, le chevalier Ed. Des- camps, Georges Monchamp, D. Sleeckx, P. Thomas, Ern. Discailles, membres ; Alph. Bivier, J.-C. VoUgraff, associés; V. Brants, C. De Smedt, Alph. Willems et J. Leclercq, correspondants. CORBESPONDANCE. La Classe apprend, sous l'impression d'un profond sentiment de regret, la perte qu'elle vient de faire en la personne de son doyen d'ancienneté, M. Alphonse Wauters, élu correspondant le 9 mai 1860 et membre titulaire le 11 mai 18() criminelle ou d'une peine disciplinaire. Le barreau est régi par une loi de 1895. Une loi sur la procédure non conlcnlieuse est en préparation (1). On travaille au Code civil depuis 1870. Un avant- projet fut élaboré par M. Boissonade; il a été publié en français, de 1882 à 1885. Vers la même époque, un juriste allemand, appelé à Tokio en qualité de conseiller au Ministère des Affaires étrangères, M. Roesler, lédigea Tavant-projet du Code de commerce (1881-1884, 1887). Discutés et modifiés par une commission de spécialistes d'abord, puis par une assemblée de bauts fonctionnaires, ces deux codes fuient promulgués en 1890, pour entrer en vigueur, le Code de commerce dès le 1*" janvier 1891, le Code civil dès le !•" janvier 1895. Mais une revision fut, déjà en 1892, jugée indispensable. Une grande com- mission extra-|)arlementaire, composée de membres des deux Chambres, de professeurs, de fonctionnaires, d'avocats et de quelques négociants, fut chargée du Code civil. Trois de ses membres, au nombre desquels était M. Tomii, rédigèrent le nouvel avant-projet; la première partie de leur travail, examinée et discutée par la com- mission au fur et à mesure de son achèvement, a été pré- sentée à la Diète en janvier 1896, adoptée avec quelques légères modifications, et promulguée le 28 avril de la même année. Elle comprend les trois premiers livres du Code civil, c'est-à-dire les dispositions générales, les droits réels et les obligations. Le projet des deux der- (1) Les institutions judiciaires du Japon ont fait, dans la Revue de droit international, t. XXV, pp. 338-356, l'objet d'une élude par M. Kentaro Kaneko, membre de la Chambre des pairs, actuellement vice-ministre de l'agriculture et du commerce. — On nomme, comme rédacteur du premier i)rojet de Code de procédure civile, M. Kirk- WOOl). ( 5S»I ) niers livres (droit de famille et. .successions) , achevé en 1897, et le projet revisé du Code de commerce seront très probablement votés et mis en vigueur à bref délai (1 ), ainsi qu'une loi sur la publicité des droits réels immobi- liers et une loi contenant diverses règles générales du droit civil, notamment des dispositions de droit interna- tional privé, et correspondant au titre préliminaire du Code Napoléon. Les études juridiques ont été mises en harmonie avec les études européennes. Elles vont même, à certains égards, au delà; les législalions étrangères sont ensei- gnées dans plusieurs écoles publiques et privées, telles que l'Ecole de droit anglais, celle de droit japonais et français, et celle de la Société des études allemandes. On donne, à l'Université de Tokio, des cours de droit civil national; de droit français, anglais, allemand; de droit romain; de philosophie du droit, de droit public et administratif, de droit des gens, de droit international privé; en outre, des cours spéciaux de statistique, de science linancière, etc. Le corps professoral compte plu- sieurs étrangers, Français, Anglais, Allemands, Italiens. D'autre part, nombre de jeunes .Japonais sont envoyés aux universités d'Europe et d'Amérique, et s'y distinguent; M. Tomii est lauréat de la Faculté de droit de Lyon. Plusieurs sociétés, plusieurs revues sont consacrées à la science juridique. L)e bons livres de droit sont écrits en japonais, ou traduits du français, de l'anglais, de l'alle- mand (2). (1) M. Tomii l'annonçait en février dernier pour le mois de juin. (2) Sur les études juridiques au Jai)on, voyez Pateunostuo, Revue de droit international et de législation comparée, t. XXIII, pp. 195-199. HL Paternostro écrivait en 1891 ; le progrè.s n"a pas discontinué depuis lors. ( 592 ) On pourrait se demander si l'œuvre sortie de ce vaste travail de réorganisation et de législation, dont je ne prétends point avoir su donner une idée exacte, est véritablement une œuvre mûrie, non hâtive ni factice, mais vivante et saine, promettant des résultats durables et féconds. Il serait téméraire sans doute d'affirmer ce que révélera l'avenir. Mais il n'est pas inutile de rap- peler que le terrain était propice, bien préparé pour la réforme. Le Japon est un pays de vieille civilisation, de culture juridique très ancienne. Soixante-dix ans après que l'Empire romain d'Orient eut été doté de la compi- lation de Justinien, dès l'an 604 de notre ère, l'Empire japonais avait un Code de lois; il n'a cessé depuis lors d'être régi par une législation régulière (1). II. C'est le Code civil qui forme la partie la plus ini por- tante de la législation nouvelle, dont il est le couronne- ment et en quelque sorte la pierre de louche. De prime abord, on constate sa supériorité, au point de vue systématique, sur le Code Napoléon et ses imita- tions diverses. Le plan général en est rationnel dans ses grandes lignes, simple et clair; c'est, en somme, celui qui est suivi traditionnellement dans la plupart des manuels de Pandectes et d'Institutes, et qu'a récemment consacré l'œuvre qui réalise peut-être le moins imparfai- tement aujourd'hui l'inaccessible idéal d'un Code excel- lent, le Code civil de l'Empire allemand du 18 août 189G, (1) Ainsi s'exprime M. Kentaro Kaneko, dans l'étude précitée. (■ 093 ) qui servira sans doute de modèle aux codifications futures, comme auparavant le Code Napoléon (1). Plus fidèles même à la tradition que le Code allemand, les rédacteurs du Code japonais ont placé les droits réels après la partie générale et avant les obligations, et je crois qu'ils ont bien fait. Le livre premier, intitulé : Dispositions générales, traite des personnes, c'est-à-dire des personnes physiques ou naturelles et des personnes juridiques, des choses, des actes, des délais et de la prescription tant acquisitive qu'extinclive. Le livre H, intitulé : Des droits réels, contient, outre (juelques dispositions générales, les principes de la pos- session, de la propriété, de la superficie, de l'emphytéose, des servitudes, du droit de rétention, des privilèges, du gage et de l'hypothèque. Le livre III, qui traite des obligations, porte un titre plutôt dogmatique : Du droit de créance. Le premier cha- pitre est consacré aux dispositions générales concernant l'objet du droit de créance, l'effet de ce droit, sa cession, son extinction, et les divers cas de pluralité de sujets : obligations solidaires, cautionnement, ainsi que les obli- gations indivisibles. Le chapitre II est consacré aux contrats; les chapitres III et IV, aux quasi-contrals (enrichissement indu, gestion d'affaires); le chapitre V, aux actes illicites. L'ordre observé dans l'énumération des divers contrats diffère autant de celui du Code alle- mand que de ceux du Code Napoléon et du Code suisse des obligations. On remarquera diverses particularités, (1) Ainsi, par exemple, en Grèce. ( 594 ) telles, par exemple, que la place assignée au cautionne- ment, à la donation, et, dans la vente, au pacte de réméré, qui paraît avoir, au Japon, une importance spé- ciale, à la garantie de l'éviction et des défauts, qui parait un peu elfacée. On remarquera aussi une tendance générale à coor- donner plutôt qu'à subordonner, ce qui d'ailleurs n'olï're guère d'inconvénient, un Code n'étant pas un manuel. Le Code se distingue par sa brièveté. Toutes les matières que je viens d'indiquer sont contenues en 7:2i articles, qui correspondent à 1296 articles du Code allemand et à plus de lo(M) articles du Code Napoléon. Cette brièveté est significative. Le Code se borne le plus souvent à poser les principes directeurs, sans entrer dans le détail. Et ces principes, qui doivent remplacer pour les étrangers résidant ou trafiquant au Japon leurs lois nationales et s'appliquer également aux Japonais, sont, en général, les juincipes du droit romain, dont le carac- tère de raison écrite se manifeste ainsi une fois de plus, comme il y a huit siècles, au moment de la renaissance de l'industrie et du commerce en Italie, et comme il y a cinq ou six siècles en France, aux temps des Pierre de Fontaines et des Jean Bouteillier; et d'une manière plus frappante qu'alors, puisque ce caractère est proclamé par une nation de l'Extrême-Orient, entièrement étrangère à notre race et d'une civilisation antique et affinée, tota- lement différente de notre civilisation occidentale, gréco- romaine et chrétienne. On est surpris, en parcourant ces trois premiers livres du Code, du petit nombre des dispositions offrant un caractère étranger, rellétant un état social ou économique différent du nôtre. Sans doute qu'à l'abri et sous l'égide ( 595 ) des principes directeurs rationnels et romains, les par- ticularités coutumières, nationales et locales trouveront dans la jurisprudence la place et la prise en considéra- tion auxquelles elles ont droit. Sans doute aussi que le droit de famille et le droit de succession, que nous pos- séderons bientôt, auront, par la force même des choses, un caractère beaucoup plus national (1). Je ne puis songer à taire ici l'analyse du Code au point de vue de ses dispositions. Il sulïira de dire qu'elles sont empreintes d'un esprit libéral et progressif; on le constate dès l'article 2, qui pose la capacité civile de l'étranger en règle : « Les étrangers ont la jouissance des droits privés, à l'exception de ceux qui leur sont refusés par les lois et ordonnances ou par les traités. » Les personnes juridiques sont traitées en une cinquantaine d'articles, largement et amplement, ainsi que mainte autre matière que le Code JNapoléon a négligée. De ce nombre est la possession, dont les règles sont mêlées à celles de la revendication. Pour les droits réels immobi- liers, le principe de la publicité est proclamé, et pour les droits réels mobiliers, celui de la tradition. Plusieurs questions controversées, dans la doctrine romaniste sur- (1) L'idée si juste de séparer du droit en quelque sorte cosmopolite qui régit les oblii^alions et les droits "réels (droit des biens, jus coin- mercii), le droit qui concerne la famille (jus connubii) etles successions, lequel doit être national ou régional, a été réalisée pour la première fois par le 1res remarquable Code monténégrin (de 1888, complété récemment), qui est, comme on sait, l'œuvre de M. Bogichiïch. L'éminent auteur et rédacteur a d'ailleurs exercé, dans cette direction, une influence immédiate sur la législation japonaise; dès 1878, il a émis un avis motivé, favorable à la division, et rallié complètement à sa manière de voir le haut fonctionnaire japonais (jui le consultait. ( 596 ) tout, sont tranchées, généralement dans le sens le plus simple ou dans celui que Vusus modernus a consacré. La traduction fait honneur à MM. Tomii et Motono. Certains termes employés par eux, certaines formules sont critiquables, mais il convient de tenir compte de ce qu'eux-mêmes ont déclaré dans la préface : « Quelques incorrections ou inélégances de langage ont pu subsister dans notre traduction; elles tiennent au vif désir que nous avons toujours eu de faire passer en français, non seulement le sens général du texte japonais, mais encore la forme même que le législateur a cru devoir donner à sa pensée... (1). » llî. Le Code civil du Japon, outre sa valeur intrinsèque, a pour les Etats de l'Europe et de l'Amérique et pour leurs ressortissants une importance très grande, qu'il partage d'ailleurs avec les autres codes, à raison du changement qui va se produire dans l'administration de la justice relativement aux Européens et Américains dans l'Empire japonais. Chacun sait qu'en matière d'ad- ministration de la justice, les pays dits hors chrétienté se trouvent vis-à-vis des États chrétiens dans une situation d'infériorité, caractérisée par la juridiction consulaire et (D Ainsi s'explique sans doute la teneur des articles détinissant les divers contrats, dont s'étonne notre logique latine : « Le dépôt. prodiiii effet par le fait que l'une des parties a reçu de l'autre une chose qu'elle s'engage à garder pour celle-ci. » (Art. 657.) « La vente produit ef[et par l'engagement que prend l'une des parties, etc. » ;Art. 5o5.) — Les néologismes prester, prestation, gagiste (pour créan- cier nanti du gage) étaient-ils bien nécessaires? . . ( 597 ) l'application des lois étrangères. Les consuls européens et américains sont juges de leurs nationaux selon leurs lois nationales; cette juridiction qui, pour eux, est à la fois un privilège et une charge onéreuse, porte évidem- ment une grave atteinte au principe de l'indépendance des États, principe fondamental du droit des gens actuel, reconnu hors de la Société des nations comme dans le sein de cette Société, — atteinte d'ailleurs absolument justifiée dans la plupart des pays hors chrétienté, surtout dans les pays musulmans, qu'il importe de distinguer, à cet égard comme à d'autres, de ceux où règne le boud- dhisme. Le Japon y voit, en ce qui le concerne, une humi- liation imméritée; voilà plus de vingt ans qu'il poursuit la revision des traités qui la lui infligent. Depuis long- temps des voix autorisées lui donnent raison; un juris- consulte italien très compétent le déclarait en 1890 : c( En réclamant la suppression de la juridiction consu- laire, le Japon est dans la plénitude de son droit, puis- qu'on ne peut contester que son organisation judiciaire et ses institutions judiciaires sont à la hauteur de tous les progrès accomplis par les nations occidentales (1). » La situation s'est encore grandement améliorée dès lors, comme il résulte de l'aperçu sommaire qui précède. Aussi la plupart des Étals, l'Allemagne en 1889 d'abord (2), puis en 189G, l'Angleterre, les Étals- Unis et l'Italie en 1894, la Russie et le Danemark en 1895, la Belgique, les Pays-Bas, la Suède-.Norwège, la France, la Suisse, l'Autriche-Hongrie en 1896, puis l'Espagne, (1) Paternostro, Revue de droit internuiwnal, article cité. (2) Ce traité n'a pas été ratifié. O*?^ SÉRIE, TOME XXXV. 40 ( 598 ) le Portugal, d'autres encore ont consenti à signer des traités, d'ailleurs avantageux, où ils ont déclaré renon- cer, à partir d'une date prochaine, à leur juridiction consulaire, laquelle fera place à la juridiction des tribu- naux japonais jugeant selon les lois japonaises. Malgré les réserves que plusieurs bons esprits ont estimé devoir faire quant à l'opportunité de ces renonciations (i), je pense que les codes japonais, le Code civil en particulier, ainsi que la préparation scientifique des juges et des avocats du Japon, doivent nous inspirer une suffisante confiance, en même temps qu'une sympathie respec- tueuse pour la nation richement douée, les hommes d'État éclairés, le souverain aux vues élevées et libérales, qui ont su réaliser en si peu de temps de si grands progrès. Alph. Rivier. RÉSULTATS DES CONCOURS POUR 1898. Concours annuel de la Classe. DEUXIEME QUESTION. Faire lliistoire de la littérature française en Belgique de 1815 à 1830. Un mémoire portant pour devise : ...Cependant et dùt- il m'en coiiter plus, fai pris la ferme résolution de suivre la littérature belge, je n'ose pas dire dans ses progrès, mais (l) Voir notamment une étude de M. J. Dubois, dans la Revue générale de droit international public, t. II, pp. lH-118 (1893). ( 599 ) dans sa marche incertaine et vacillante (Van de Weyer), a été reçu en réponse à cette question. a L'Académie n'a reçu qu'un mémoire en réponse à la deuxième question du concours de 1898. Cela sauve toutes les dillicultés, car l'auteur expose au jury qu'il a été empêché d'y mettre la dernière main, et l'indulgence qu'il réclame ne pouvant aller jusqu'à lui décerner le prix, nous pouvons, sans nuire à personne, lui offrir toute une année pour lui permettre de donner à son œuvre les soins dont il reconnaît qu'elle a besoin. Je propose la remise au prochain concours. » Rai*iturl rfe HT. SIechf', rf«'MXi>««e ioututi»S€iiff. « Ce mémoire de 495 pages contient à peu près tous les faits qui intéressent l'histoire de la littérature belge de 1815 à 1850; ingrate période de vagissement dont Van de Weyer (d'après l'épigraphe topique du mémoire) dit : « Je n'ose pas dire ses progrès, mais sa marche incertaine et vacillante. « Néanmoins, je conclus avec le premier commissaire qu'il faut proroger le concours. En effet, l'auteur de ce mémoire, le seul que l'Académie ait reçu, déclare lui- même préliminairemenl « qu'il n'a pas eu le temps de coordonner ses idées, d'en disposer l'arrangement de façon à éviter les répétitions et de donner à son style la correction et la variété nécessaires. » Dans un an, s'il y a prorogation, le concurrent aura ( 600 ) pu rédiger détiiiitiveinent son mémoire, indiquer plus nettement ses sources, éviter des phrases bizarres, des tours obscurs, voire incorrects, et mieux vérifier certains faits. Pour ne citer qu'un exemple de précipitation, à la page 591, il l'ait apparaître en 1819 l'auteur des Champs- Elysées, mort en 1805, et le confond absolument avec Pierre de Grave, un des fondateurs du Messager des Sciences et Arts, de Gand. » ttapfiofl tÊf n. ttraÊtl», lÊ'ui»iêtnt9 Cl Le seul mémoire présenté au concours contient une foule de renseignements sur une période littéraire qui ne mérite guère ce nom. Ces recherches ont été labo- rieuses; elles ont dû souvent manquer de charme. Il semble ditïicile de s'éprendre d'une matière si peu bril- lante. L'auteur a fait preuve d'une incontestable érudi- tion; il y a dans son travail les matériaux abondants d'un mémoire aussi intéressant que peut le comporter le sujet. Il y a lieu d'encourager ces elforts. Mais je suis d'avis, comme Messieurs les premier et deuxième Com- missaires, qu'il est utile de lui laisser le temps de mieux mettre en œuvre les éléments qu'il a réunis si patiem- ment, de perfectionner son travail, de polir et d'affîner son exposé et son style, de préciser les contours, de mar- (|uer les reliefs, de faire la toilette de son mémoire. Je propose donc également de proroger d'un an le con- cours. )) La Classe décide de reporter cette question au pro- gramme du concours de 1909. 601 SEPTIÈME QUESTION. Faire l'histoire de l'assistance publique dans les campagnes en Uelgique, jusqu'à nos jours. Un mémoire portant pour devise : La charité est un devoir social, a été reçu en réponse à cette question. itfftfiofl €lf .If. tarait, pfftniff contêiiintniff. « L'Académie a mis au concours l'histoire de l'assis- tance publique dans les campagnes en Belgique. Un seul auteur a répondu à cette question, qui prête à des développements énormes et sur laquelle on pourrait écrire des volumes. Son mémoire porte la devise suivante : Im charité est un devoir social. Tl comprend deux parties, dont l'une est consacrée au régime de l'assistance publique dans les campagnes depuis les origines jusqu'en 1794 ; la seconde traite de l'assistance publique depuis 1794 jusqu'à nos jours. Dans le premier chapitre de la première partie, l'au- teur expose quelle était la condition des habitants des campagnes pendant la période qui a suivi la chute de l'empire romain. Il analyse les droits et les obligations des cinq classes de personnes qui résidaient dans les domaines féodaux, savoir : les serfs, les colons, les lides, les hospites et les hommes libres devenus les vassaux des seigneurs. Il ne pouvait être alors question d'assistance publique. Dans le cas où le serf, le colon ou l'hospite venait à être ( 602 ) dépouillé des fruits de son travail par un événement cala- miteux, le seigneur dont il dépendait avait le devoir d'assurer sa subsistance. Les Capitulaires de Charlemagiie lui en imposaient l'obligation expresse. Au XII'' siècle, les villas franques tirent place aux communes rurales, et l'émancipation progressive des serfs déchargea les seigneurs et les propriétaires terriens de l'obligation de pourvoir à la nourriture de leurs hommes. C'est alors que se posa la question de l'assistance publique dans les campagnes. Dans le second chapitre, l'auteur du mémoire rap- pelle les efforts considérables que les abbayes et les monastères ont faits pour soulager les pauvres pendant toute la durée du moyen âge et jusqu'à la tin du siècle dernier. Leur action charitable était surtout grande dans les régions agricoles. Faire l'aumône était une obligation que les statuts de chaque ordre religieux imposaient aux monastères. La distribution des secours était confiée au portier de l'éta- blissement et se faisait à la porte ou au porche extérieur. Les clients ne manquaient pas. Au XVII'" siècle, l'ab- baye de Postel, en Campine, donnait à chaque pauvre un pain d'une livre et demie, un pot de bière et un morceau de viande. Il en arrivait un millier par semaine. A l'ab- baye d'Averbode, on comptait jusqu'à douze cents indi- gents par jour. Les abbayes avaient aussi organisé l'assistance pour les voyageurs et les malades. Les maisons religieuses devinrent autant d'hôtelleries ouvertes à tous les besoins. ( 603 ) Cette mission charitable fut poursuivie par nos monas- tères jusqu'à la fin de l'ancien régime. Dans les campa- gnes, où les ressources de la bienfaisance étaient peu abondantes, ils n'ont cessé de soulager de nombreuses misères et de venir en aide à d'innombrables infor- tunes. Il est une question que l'auteur du mémoire a négligé de traiter et qui aurait dû cependant attirer son attention. Les abondantes distributions de victuailles et d'argent qui se faisaient à la porte des couvents n'ont-elles pas encou- ragé indirectement le paupérisme? N'ont-elles pas suscité ces légions de misérables, de loqueteux, de faux estropiés qui, au moyen âge, avaient fait de la mendicité une profession et qui vivaient, en dernière analyse, aux dépens des gens laborieux? En 1550, Jean, roi de France, ordonna que les men- diants et les vagabonds valides, refusant de travailler, fussent expulsés du royaume, attachés au pilori en cas de récidive et, la troisième fois, marqués au front d'un fer brûlant. Dans notre pays, Philippe le Bon rendit, vers le milieu du XV^ siècle, une ordonnance qui ne le cédait point en sévérité à celle du roi Jean (ordonnance du II août 1459, dans les Placards du Brabant). Au commencement du XVI" siècle, le nombre des mendiants et des vagabonds s'était accru au point que l'industrie et l'agriculture man- quaient de bras, ainsi que l'atteste une ordonnance en date du 22 décembre 1515. La progression de la mendicité n'avait-elle pas pour cause la facilité avec laquelle les monastères accordaient des aumônes à tout venant? C'est une question que l'auteur ( 604 ) du mémoire aurait dû examiner et résoudre dans un sens ou dans l'autre. Il n'en dit pas un seul mot. Le chapitre III est consacré à l'institution des tables des pauvres ou du Saint-Esprit. Les lois canoniques, d'accord avec les Capitulaires de Charlemagne, voulaient qu'une partie de la dotation des églises paroissiales servît à nourrir, vêtir et entretenir les pauvres. Des dons et des legs accrurent successivement la part réservée aux pauvres. Les curés et les autorités locales se mirent d'accord pour créer des administrations spéciales chargées de gérer le bien des pauvres, et ces administra- tions prirent le nom de tables du Saint-Esprit. La gestion des biens fut confiée à un ou plusieurs mambours désignés soit par le curé, soit par le seigneur, soit par les communautés d'habitants. Les mambours, dit le mémoire, administraient sous le contrôle et la surveillance du curé et de l'autorité locale. Il entre à ce sujet dans des détails qui ne manquent pas d'intérêt. Mais il omet de signaler l'Ordonnance générale de la charité, qui fut édictée par Charles-Quint le 7 octo- bre 1551 (1). Cette ordonnance interdisait la mendicité. Elle ordon- nait de former dans chaque communauté d'habitants une bourse commune pour la recette et la distribution des secours; et pour alimenter cette bourse, elle voulait que (1) Placards de Flandre, tome l", p. ISi. ( 60a ) des troncs destinés à recevoir les aumônes fussent placés dans toutes les églises et qu'on y fît des quêtes habi- tuelles. Puis elle chargeait les magistrats de chaque commune d'établir des maîtres de charité qui pourvoiraient à l'en- tretien des nécessiteux. Cet édit, qui a organisé d'une manière uniforme les tables des pauvres ou du Saint-Esprit, aurait mérité une mention dans le chapitre qui est consacré à l'histoire de cette institution. Dans le chapitre IV, l'auteur s'occupe des établisse- ments hospitaliers qui, depuis le XIF siècle, ont recueilli les diverses catégories de malades et d'infirmes, et qu'il divise en trois classes, savoir : les hospices destinés aux pèlerins, les asiles consacrés aux malades et les léprose- ries ou maladreries. Il entre à ce sujet dans des détails circonstanciés. Il fournit même la liste des hospices qui ont été fondés dans nos communes rurales antérieurement à la Révolu- tion française. Mais il s'est abstenu de parler de la transformation que le régime des hôpitaux a subie au XIV'' siècle, grâce à l'initiative du pape Clément V. Auparavant, l'administration de la charité publique était concentrée tout entière dans les mains du clergé : règlement, exécution et surveillance des fondations, régie des biens et disposition des revenus, distribution des secours, discipline intérieure des hôpitaux, en un mot, toutes les fonctions hospitalières étaient confiées à des ecclésiastiques. Il en résulta des abus énormes. Nombre d'hôpitaux 606 ) furent érigés en bénéfices, et leurs revenus servirent à alimenter les bénéficiaires. D'autres furent envahis par des moines et des religieuses, et les biens dont la piété des fidèles les avait dotés pour le soulagement des pauvres furent détournés de leur destination. Ces désordres croissants provoquèrent l'intervention pontificale. En 1311, un concile général fut convoqué à Vienne, en France, par le pape Clément V, à l'effet de délibérer sur les maux de l'Église et particulièrement sur la réformation des hôpitaux. Le Concile de Vienne décréta ce qui suit : « L'expé- » rience ayant prouvé maintes fois que les administrateurs )) d'hôpitaux laissent dépérir ou se perdre les fonds et >) tomber en ruines les édifices qui leur appartiennent; )) qu'oubliant le but dans lequel ces pieux asiles ont été » fondés et dotés par les fidèles, ils refusent inhumaine- » ment d'y recevoir les pauvres et les malades; qu'au » lieu d'en appliquer les revenus au soulagement des » malheureux, ib les détournent à leur propre et coupable » usage, » Nous, Clément V, etc., défendons de concéder l'ad- » ministration des hôpitaux en bénéfice à des clercs » séculiers, nonobstant tout usage contraire. En consé- » quence, l'administration des hôpitaux et des aumône- » ries sera désormais confiée à des laïques soigneux, » capables et de bonne renommée, qui sachent et qui » veuillent diriger lesdits établissements, régir conve- » nablement les biens qui en dépendent et faire un » emploi fidèle de leurs revenus. » Le Concile de Vienne n'a pas sécularisé la charité publique, mais il a introduit l'élément laïque dans l'ad- ( 607 ) ministration des hôpitaux, et par là il a exercé une grande intluence sur le régime de ces établissements. L'auteur du mémoire que j'analyse aurait dû, me semble-t-il, signaler la réforme opérée par Clément V et rechercher quelles en ont été les conséquences dans notre pays. Il n'en a rien fait. Son travail présente, sous ce rapport, une lacune regrettable. La deuxième partie du mémoire traite de l'assistance publique à dater de la réunion des provinces belges à la France. L'auteur débute par un exposé historique où il énu- mère les maux que la conquête française a fait subir à nos aïeux, les circonstances difliciles quiontsuivi la révolution de 1830, la misère qui a sévi dans les Flandres en 1815 et 1846 à raison de la décadence de l'industrie linière, enfin les incjuiétudes qu'inspire la crise agricole qui sévit en Belgique depuis quinze ou vingt ans. Dans le chapitre 11, l'auteur décrit minutieusement le régime légal auquel l'assistance à domicile a été soumise dans les campagnes depuis 1794 jusqu'à nos jours. Le chapitre III est consacré à l'organisation légale des établissements hospitaliers. Le chapitre IV traite de la bienfaisance privée et des œuvres qu'elle a créées. Enfin, le chapitre V est consacré aux institutions que l'État a fondées en vue de réprimer le vagabondage et la mendicité. L'auteur de ce mémoire s'est complu à accumuler des faits, des dates, des renseignements de toute espèce, tels, par exemple, que le relevé complet des hôpitaux et hospices publics ou privés qui existent dans les campagnes de la Belgique. ( 6U8 ) On peut lui reprocher de n'avoir pas su grouper ces matériaux, à l'effet d'en déduire des enseignements utiles pour l'avenir. 11 ne s'élève jamais à des considérations générales. L'esprit critique lui fait défaut. Le côté philo- sophique de l'histoire de la charité échappe complètement à sa perspicacité. J'ajouterai que son style est souvent lâche et négligé. On y rencontre des phrases comme celle-ci : « Dans nos campagnes, où l'influence religieuse est » prépondérante de la mise en pratique des préceptes )) chrétiens, faire l'aumône est une ohligation impérieuse, )) et au village elle se distribuera à celui qui a faim, à » celui qui est sans vêtement. » Malgré ces imperfections, j'estime qu'il y a lieu de tenir compte à l'auteur du labeur considérable auquel il s'est livré pour traiter, dans le cadre restreint d'un mémoire académique, le sujet trop vaste qui fait l'objet de son travail. Je propose donc de lui décerner la récompense pécu- niaire offerte par l'Académie, mais j'estime qu'il n'y a pas lieu d'insérer son mémoire dans nos annales. » U*t/tpofl He m. ft'init, ttfujriéitu* comntimnir». « Je me rallie à l'opinion de M. Giron en ce qui concerne la valeur du mémoire. Je pense avec mon savant collègue que ce travail présente des lacunes et manque d'ampleur et d'élévation. Le style aussi est médiocre. Je ne partage pas l'avis de M. Giron quand il propose de décerner la récompense pécuniaire offerte par l'Aca- ( 609 ) demie, pour tenir compte à l'auteur du travail consi- dérable auquel il s'est livré. J'estime que nous n'avons à apprécier et à juger que les résultats et non les etï'orts dépensés pour y arriver. Assurément le sujet proposé est vaste et difficile, et réclame des connaissances variées, puisées à la fois dans l'histoire, l'économie sociale et le droit. Peut-être en posant la question l'Académie a-t-elle trop présumé de la science des concurrents dans ce domaine, et alors le plus simple serait de ne pas reproduire la septième question au programme de 1899. Mais en attendant, nous ne pouvons couronner qu'une œuvre utile au progiès des connaissances, et ici la disproportion me semble trop forte entre ce qui a été fait et ce qui aurait dû être fait. •» îffiaiètnv cuiinnitsnit'tf. « Je me rallie à l'opinion de M. Giron. La bonne coordination, les vues générales, le style manquent trop souvent à l'œuvre que nous avons examinée. Mais il y a dans ce mémoire, malgré certaines lacunes, un ensemble de matériaux précieux dont le récolement atteste de nombreuses recherches et de féconds résultats. La récom- pense pécuniaire offerte i)ar l'Académie me parait à ce dernier point de vue jusliliée, tandis que l'insertion dans nos collections dépasserait, ce semble, le mérite général de l'œuvre. » La Classe décide qu'il n'y a pas lieu de décerner le prix proposé. (610) PRIX DE STASSART, POUR UNE NOTICE SUR UN RELGE CÉLÈBRE. • (Huitième !)ériode, 1893-1898.) Un mémoire, portant pour devise : Viribus unitis, a été reçu en réponse à la huitième période du concours de Stassart pour une notice sur un Belge célèbre (Nicolas Clénard). KappoÊ't *t« M, Th.'J. t^timy, pt'vtnier' eam»ni»aaif4). « Le mémoire soumis à notre appréciation est divisé en six livres et terminé par cinq appendices. L'auteur traite successivement de la biographie de Clénard, des ouvrages de Clénard pour l'enseignement du grec, de la méthode latine de Clénard, des études orientales de Clénard, de sa croisade pacifique, enfin de ses lettres et de ses poésies. Les appendices sont consacrés à la bibliographie et contiennent une liste alphabétique des personnes citées dans les lettres de Clénard. La biographie est rédigée d'une manière succincte, mais fort exacte, d'après les lettres de Clénard, qui sont la principale et presque l'unique source qui nous fasse connaître l'illustre enfant de Diest. Notre regretté confrère Félix Nève, à qui l'auteur a soin de rendre hommage, avait déjà traité ce sujet avec sa compétence spéciale en ce qui concerne les écrivains belges de la Renaissance. L'auteur n'a eu qu'à suivre ses traces en le complétant. i 6H ) Nicolas Cleynarts ou Cleynaerts, en ialin Clenardus, est communément rendu en français par Clénard. C'est le nom constamment employé dans le mémoire. Nicolas Clénard naquit à Diest vers la Saint-Nicolas (6 décembre) 1494. On possède peu de renseignements sur sa jeunesse. On sait qu'il étudia à Louvain, fut promu à la licence en théologie et à la prêtrise, et donna des cours de grec et d'hébreu au collège de Houterlé. 11 obtint la cure du béguinage de Diest, mais il en fut évincé après un procès qui dura huit ans. Il n'en attendit pas la fin pour se rendre, en 1530, à Paris, où il donna quelques leçons privées de grec et d'hébreu. Le mémoire nous fournit de curieux détails sur le séjour de Clénard à Paris et sur la vente des ouvrages de grammaire grecque et hébraïque qu'il venait de publier. Revenu à Louvain, il n'y demeura pas longtemps. Il était parvenu à apprendre sans maître, à l'aide du Psautier de yebhio, l'alphabet et quelques mots arabes. Le francis- cain Almeïda lui avait appris que l'arabe s'enseignait à Salamanque, en Espagne. Il brûlait du désir d'apprendre cette langue. Le fils de Christophe Colomb lui offrit l'occasion de réaliser son désir en allant en Espagne. L'auteur pense que les querelles religieuses suscitées en Belgique par le luthéranisme et les sévérités que déployaient le gouvernement espagnol et les théologiens firent prendre à Clénard le séjour de Louvain en dégoût; mais ses lettres n'en disent absolument rien et ne donnent que les motifs indiqués plus haut. D'ailleurs, l'Inquisition était beaucoup plus sévère en Espagne qu'en Belgique. Il est même à remarquer que le premier évêque de Ruremonde, Lindanus, fait dire, dans un ( 612) Dialogue, au grand théologien Ruard Tapper, qu'on n'est nulle part si libre qu'à Louvain pour discuter les questions religieuses. Le mémoire retrace le voyage de Clénard en Espagne en 1531 avec ses incidents. Un chapitre est consacié à l'Université de Salamanque, où il s'adonna à l'arabe et enseigna le grec avec un succès extraordinaire. Mais bientôt chargé de l'éducation du prince Henri, frère du roi de Portugal Jean III, il dut quitter Salamanque pour Évora, où il arriva à la fin de 1555. L'auteur nous dépeint Clénard dans ses nouvelles fonctions, puis résume son voyage, quatre ans plus tard, à Coimbre, à Braga, à Saint-Jacques de Compostelle et à Salamanque. En 1558, Clénard, sa tâche terminée, quitte la cour et se rend à Grenade pour étudier l'arabe. C'est là qu'il conçut le projet de passer en Afrique et de travailler à ce qu'on a appelé sa « croisade pacifique ». L'auteur passe légèrement sur ce sujet, pour y revenir plus au long au livre V. En 1540, Clénard passa donc en Afrique et se rendit à Fez. Le mémoire retrace cette période extrême- ment agitée de sa vie, les dangers qu'il courut durant un séjour de deux ans, les privations, les misères et les épreuves très dures qu'il subit, ses vains efforts pour se procurer des manuscrits de grammaire arabe, enfin son retour à Grenade, où la mort vint le surprendre en septembre 1542, au moment où, dans le plus grand dénuement, il méditait un nouveau voyage en Afrique et pensait à la conversion des mahométans. L'auteur me parait avoir esquissé très exactement et plus complètement qu'on ne l'a encore fait la vie de Clénard d'après ses lettres. Peut-être eùt-il rendu son (613) esquisse plus intéressante en traduisant quelques-uns des plus beaux passages des lettres de Clénard. Car elles sont fort attrayantes. La biographie est terminée par un por- trait physique et moral de l'illustre enfant de Diest, qui nous le dépeint au vif. Le livre second est consacré aux deux ouvrages de Clénard qui servirent pendant deux siècles de manuels dans les écoles pour l'enseignement du grec : les Inslitu- tiones in linguam graccam, qui parurent à Louvain en 1530, et les Méditât iones graecanicae, qui virent le jour l'année suivante. L'auteur donne le plan et l'analyse détaillée des Institutiones ; elles constituent une gram- maire claire, courte et facile de la langue grecque, avec une brève syntaxe à l'usage des étudiants. Les Meditationes forment le complément et l'application pratique de la grammaire à l'usage des jeunes gens privés du secours de l'enseignement oral. Comme le dit très bien l'auteur du mémoire, le texte de l'Épître de saint Basile à saint Grégoire de Nazianze sur la vie dans la solitude, accom- pagné de l'interprétation latine de Budé et d'une traduc- tion latine mot à mot, tel est le fond des Meditationes. Autour de lui sont groupées une infinité de noies. Elles renvoient fréquemment aux Institutiones et renferment, sous forme d'un commentaire perpétuel très développé, un grand nombre d'explications grammaticales et une analyse très détaillée des formes. Si Clénard avait eu à sa disposition l'édition de cette lettre de saint Basile (1) donnée plus tard par les Bénédictins, avec les variantes des manuscrits, il aurait ajouté certaines observations et 1^1) Voir MiGNE, Pairol. graeca, t. XXXII. col. 2'^3 et suivantes. 3""^ SÉRIE, TOME XXXV. 41 ( 614 ) en aurait corrigé d'autres; mais il a dû travailler sur le texte, d'ailleurs correct, qu'il avait sous les yeux. Le mémoire discute ensuite la valeur des deux ouvrages grammaticaux de Clénard, montre son but et sa méthode. Clair et concis, Clénard ne vise pas à être complet, mais à mettre les jeunes gens à même d'apprendre facilement et rapidement le grec et à l'aimer. C'est bien là, croyons- nous, ce qu'a voulu et ce qu'a fait Clénard. Le mémoire consacre d'intéressants chapitres à montrer les progrès que Clénard a lait faire à la grammaire grecque et l'influence qu'il a exercée sur son enseignement durant deux siècles. Il le compare aux grammairiens qui l'ont précédé, les uns trop élémentaires, les autres trop savants et trop obscurs, comme Théodore de Caza, Chripolaras et Lascaris. Clénard est ensuite mis en parallèle avec ses contemporains, Amirot, Céporinus, Metzles, Macropedius, Lomier; puis avec les grammairiens postérieurs, Néander, Ramus, Crusius, Sanchez, (ioll, Sursin, Gretser, Weller, Huidrich, Furgault, Lancelot, Verwey. Ln chapitre est consacré aux auteurs qui ont fait des ouvrages de Clénard la base de leur enseignement et les ont enrichis de notes. Ces scholiastes sont : Guillon, Antesignan, Sylburg, Estienne, Scot, Morel, Berchet, Baxe, Moquet, Mérigon. Mes savants confrères chargés d'apprécier le mémoire seront sans doute d'accord à dire que nous avons ici un travail de beaucoup de savoir et qui n'avait pas encore été fait sur les deux écrits de Clé- nard et sur sa méthode grecque. Le livre III offre moins d'intérêt. La méthode latine de Clénard n'a pas eu le succès de sa méthode grecque. Il en est tout autrement du livre IV, où l'auteur s'occupe des études orientales de Clénard. ( «is ) Je crois, contrairement au mémoire, que Clénard n'a pas appris l'iiébreu seul, mais a suivi, sinon des cours publics, au moins des leçons privées. Car dans la préface de sa grammaire, il parle des conseils qu'il a reçus de ses maîtres : « praeceptorum fretus consilio » ; et il ajoute : (c Quare cum privatim fado periculo doctus essem, pau- culis horis adolescentum studia posse juvari, operae pretium milii visum est si in re adeo sacra et pia operam publicam pro mea tenuitate navarem, et ista velut grati- tudine praeceptoris olïkio responderem dum quod ab aliis gratis accepissem, aliis quoque gratis elargirer. » Clénard enseigna l'iiébreu avec non moins de succès que le grec. Le mémoire nous parle avec érudition et une juste critique de la Tabula in Grammaticen hebraicam, qui parut à Louvain en 1529 et eut tant d'éditions. Clénard avait aussi pensé à l'étude du chaldéen, mais rien ne le pous- sait de ce côté : c'était l'arabe qui était l'objet de toutes ses préoccupations. On n'enseignait pas cette langue à Louvain et personne ne la connaissait. On n'avait même aucun livre arabe, sauf le texte des psaumes sans points-voyelles qui se trouvait dans le psautier en cinq langues appelé Psalte- rium nebbiense. Clénard, seul, sans maître, s'y prenant comme Champollion plus tard pour déchiffrer les hiéro- glyphes, parvint à connaître l'alphabet et les premiers éléments de la langue arabe. Le mémoire retrace, d'après les lettres de Clénard, les patients efforts du prêtre diestois pour arriver à ce premier résultat; puis il le suit en Espagne, le montre à Salamanque à l'école de Nunius, puis à Évora chez le médecin Philippus, faisant de grands progrès dans l'arabe, écrivant une grammaire et un dictionnaire, ensuite à ( 6I«) Grenade, où il apprend à parler et à écrire correctement l'arabe, au point que, passé en Afrique, il étonna les Arabes de Fez par la facilité et la pureté de sa diction, et donna des leçons à un juif. La lecture du Coran avait fait naître chez Clénard le projet de combattre le mahométisme en réfutant les doc- trines du Coran et de l'Islam dans des ouvrages écrits non en latin que les Arabes ne comprennent pas, mais en arabe. Il voulait fonder à Louvain un établissement consacré dans ce but aux études arabes. C'est ce que Thonissen a appelé la « croisade pacifique » méditée par Clénard. C'est à exposer ce noble projet que le mémoire consacre son livre V. Le livre VI et dernier a pour objet les lettres de Clénard. Félix Nève avait déjà traité ce sujet avec sa grande compétence (1). L'auteur dit avec raison : « Les lettres de Clénard sont et resteront un monument litté- raire qui , indépendamment de sa valeur historique , charmera longtemps encore tous ceux qui aiment à goûter les saillies spirituelles d'un esprit primesautier. » Pour ne rien omettre, l'auteur consacre un chapitre aux courtes poésies latines de Clénard. Cinq appendices, fruit de nombreuses et patientes recherches, terminent le mémoire : I. Bibliographie des biographies et de l'iconographie de Clénard. IL Bibliographie de la grammaire hébraïque de Clé- nard. L'auteur en signale vingt-deux éditions. Je n'ai pas vu mentionner l'édition in-4° de C. Estienne, Paris, 1559, (I) La Renaissaiwe, pp. 269 et suiv. ( «17 ) que possède la bibliothèque de Louvain. Cette biblio- thèque possède quinze éditions de la grammaire hé- braïque. [H-IV. Bibliographie des Epislolœ. Elle ne mentionne pas l'édition in-12, 41 feuillets, de Louvain, looO, apad Marlinuin Rotnriiiin, que possède la Bibliothèque de Lou- vain. La date des lettres, les personnes auxquelles elles sont adressées et les personnes citées forment trois listes ajoutées à la bibliographie. V. Bibliographie des Imlitationes (près de cent édi- tions) ; des Medilaiioncu (trente-six éditions) ; des deux réunies (trente-six éditions). Cette analyse montre que le travail qui nous est sou- mis est complet; l'auteur n'a rien laissé de côté : la vie, les écrits, la bibliographie, rien ne manque. L'auteur montre une critique saine et judicieuse, son style est clair, correct et concis. Je propose de lui décerner le prix et de voter l'impres- sion dans notre recueil des Mémoires couronnés. » ttapiiOfi dm HË . Atphotftf tVilIfum, ttmtiarièê»»^ rotntMtatati'm. « Le volumineux mémoire soumis à l'Académie n'est pas, à proprement parler, une notice sur Clénard. Une observation générale est à faire d'abord. Quand on songe qu'à part quelques traités pédagogiques, tout le bagage de Clénard se compose d'un recueil de lettres de 258 pages, et que c'est de là qu'on tire tout ce que l'on peut savoir à son sujet (car ses contemporains ne se sont guère occupés de lui), on se demande où l'auteur a trouvé la matière d'une enquête si copieuse. (618) Cela tient à l'idée absolument exagérée qu'il s'est formée de son modèle. Si, d'une part, il ne nous fait grâce de rien et renchérit sur chaque détail, c'est qu'à ses yeux les moindres particularités prennent ici de l'impor- tance. Que si, d'autre part, il excède à tous coups les bornes de son sujet, c'est qu'aucun cadre ne lui paraît assez vaste; et en effet, on dirait, à le lire, que le XVI'^ siè- cle pivote tout entier autour du grand homme. Nul écrivain, nul érudit de cette époque n'a été l'objet d'une pareille glorification. On lui prête toutes les vertus, toutes les supériorités. Rien de curieux à cet égard comme le chapitre intitulé : Portrait de Clénard. Non content de nous dépeindre l'âme aimante du savant, sa franchise, son patriotisme, son désintéressement, sa piété, sa tolé- rance, on nous apprend que « ses conceptions étaient le fruit d'une intelligence supérieure et tellement en avance sur son siècle, qu'en lisant ses écrits il nous semble causer avec un contemporain». Voilà déjà qui dépasse la mesure; mais ce n'est rien encore au prix de la conclusion : « Cachés sous une écorce un peu rude, la puissante intelligence, la volonté prompte à exécuter, le cœur débordant de charité et d'amour de cet apôtre, ce martyr de la science et de la religion, n'ont pas été prisés à leur valeur par ses contemporains.» Clénard, un apôtre! parce que, avec quantité d'autres, il s'était épris de cette chimère qu'on a surnommée la « croisade pacifique», et qui consistait à convertir les musulmans à la foi du Christ en les réfutant dans leur propre langue. Clénard, un martyr de la science et de la religion! parce que le désir de se perfectionner dans l'arabe lui avait suggéré l'idée de passer en Afrique; et il n'est que d'ajouter qu'après dix-huit mois de séjour à Fez, il revint en Espagne, où il mourut paisiblement dans son lit. ( 6i9 ) Sur ce simple aperçu, on peut se figurer comment l'auteur a entendu son sujet. Car le mémoire entier est. monté à ce ton. Le Clénard savant ne le cède pas au Clénard martyr. Certes il y aurait mauvaise grâce à mar- chander l'estime et la sympathie à cet excellent homme, qui eut en partage le savoir et le talent, et plus encore l'esprit d'initiative et de propagande. Mais il importe de remettre les choses à leur point. Quoi qu'en dise l'auteur, (Renard ne fut ni un grand philologue ni un grand écri- vain. Joseph Scaliger nous paraît l'avoir parfaitement défini : doctissimus grammaticus potius quam dodus in tilla lingiia. C'est en effet un habile vulgarisateur, plus recommandable par son zèle et sa diligence que par l'étendue et la profondeur de son érudition. Le livre auquel il doit le meilleur de sa renommée est une grammaire grecque, la première où les matières aient été présentées avec clarté, méthode et précision. Parue à Louvain en 1530, cette grammaire, qui ne comptait primitivement que 112 pages, fut adoptée partout, et son succès, attesté par une centaine de réimpressions, se . maintint pendant près de deux siècles. Mais il convient de dire qu'elle fut sans cesse tenue à jour par d'éminents savants, parmi lesquels il faut citer surtout Toussaint Ber- chet et l'illustre Gérard Vossius : dans les réimpressions données par ce dernier, elle n'a pas moins de 400 pages. Sans doute l'idée première et le plan de cette méthode appartiennent à Clénard, et c'est un titre qu'on ne saurait lui contester, mais il n'y a pas de quoi crier au miracle. D'autres livres classiques sont dans ce cas : pour nous en tenir au grec, nous citerons les Particules de Devarius, les Idiotisincs de Vigier, les Ellipses de Bos, qui, successi- vement revus, amplifiés, corrigés par une pléiade dé ( 6:20 ) patients philologues, sont restés en usage et rendent encore aujourd'liui de précieux services. Cette grammaire, l'auteur l'analyse (l'analyse d'un rudiment!) avec autant de soin et de scrupule que s'il s'agissait des théorèmes d'Euclide. Était-ce bien la peine de consacrer pareil résumé, qui seul formerait une bro- chure, à un livre complètement oublié? Quel intérêt cela peut-il avoir pour nous? Mais quoi, peut-on assez insister sur ce qui sort de la plume du Maître? Et l'on marque la même déférence pour ses moindres élucubrations. En voulez-vous un exemple? Deux lettres de Clénard contiennent quelques médiocres vers latins (cent cinquante en tout, si j'ai bien compté), lesquels ne valent guère la peine d'être lus. Il n'en faut pas davan- tage pour qu'on nous gratifie d'un chapitre de quatre pages sur les Poésies de Clénard. Autre exemple : plus de trente ans après la mort de notre humaniste, un éditeur mis en goût par le succès de la grammaire grecque, s'avise d'extraire de la correspon- dance certaines lettres contenant des conseils pratiques pour inculquer le goût du latin aux enfants. Ce livret, retrouvé par l'auteur du mémoire, est pompeusement intitulé : Nova melhodus docendi piieros analpimbeticos (Francfort, 1576). C'est proprement une supercherie, une pure spéculation de libraire. Néanmoins elle nous vaut un chapitre de sept pages, sous ce titre : La Méthode latine de Clénard. Signalons enfin le livre IV, consacré en entier aux Études orientales de Clénard : entendez surtout par là un simple manuel pour l'enseignement de l'hébreu, lequel, paru en iot29, fut réimprimé une vingtaine de fois. Toujours, on le voit, la même tendance à grossir le rôle ( 621 ) et l'importance du linguiste flamand et à faire de lui une sorte de fanal, projetant sa lumière sur son siècle et sur les siècles suivants. C'est là, à mon avis, le défaut capital du mémoire, et qui le rend inacceptable, du moins sous sa forme actuelle. 11 me peine, je l'avoue, d'avoir à porter ce jugement sur un travail qui a coûté de longues recherches et qui, malgré quelques taches légères (1), témoigne d'une très sérieuse érudition. Pour obtenir la sanction académique, il faudrait, selon moi, que l'auteur se décidât à élaguer, à sacrilier les développements inutiles, c'est-à-dire à réduire son œuvre de plus de moitié, mais surtout il lui faudrait consentir à mettre une sourdine à son admira- tion. Il y a des mesures et des degrés. C'est manquer son but que de réclamer une statue en pied pour qui ne mérite qu'un simple buste. Si méritoires soient-elles, une grammaire grecque et une cinquantaine d'épîtres latines ne constituent pas, comme on l'écrit expressé- ment, des « titres à l'immortalité ». HnftfiOft m. #>. 'l'hotnatf lê'oiaièntf fOÊttutitanirm. « Ma tâche est singulièrement délicate en présence d'avis aussi divergents que ceux de mes honorés confrères, M^'" Lamy et M. Alph. Willems. Une circonstance aug- mente encore mon embarras : c'est que, le mémoire m'ayant été communiqué assez tard, le temps m'a manqué pour en faire un examen approfondi. Je ne puis consigner ici que des impressions générales. (i) Ainsi Augusta Taurinoriim, Turin, rendu par Tours. { ()"2^2 ) Je ne reprocherai pas à l'auteur, comme l'a fait le deuxième commissaire, d'avoir développé outre mesure son sujet : une monographie du genre de celle qui est mise au concours doit, à mon sens, être aussi complète que possible, ne négliger aucun détail, offrir, en un mol, le caractère d'un travail définitif. Je dirai même que certaines parties du mémoire me paraissent écourtées : j'aurais voulu qu'on nous fît mieux connaître l'esprit et le style de Clénard, qui fut l'un des épistoliers les plus distingués de la Renaissance; les chapitres relatifs à ses livres pour l'enseignement du grec sont un peu super- ficiels, en dépit du luxe des renseignements bibliogra- phiques, etc. (l). Le deuxième commissaire trouve que l'auteur a fort exagéré les mérites de son héros et l'importance du rôle qu'il a joué. Je ne partage pas entièrement cette manière de voir, mais je reconnais que le ton de la notice est parfois celui du panégyrique et qu'il y aurait lieu de sup- primer ou d'atténuer des termes admiratifs qui frisent l'hyperbole. Clénard ne fut pas un grand homme : ce fut un homme d'esprit et de bon sens, un travailleur infati- gable, un maître excellent, un cœur généreux, un carac- tère énergique et droit. Il convenait de dire cela tout simplement. L'auteur du mémoire fait preuve de beaucoup d'érudi- tion, et je suis porté à croire que ses recherches ont été bien conduites. Le livre consacré aux études orientales de Clénard me semble le plus solide, le plus neuf et le plus intéressant. (1) Il y a de grossières fautes d'accentuation, pp. 84, 97, 109. ( 623 ) Mais si, pour le tond, je pense que l'œuvre qui nous esl soumise est, en somme, estimable, je serai beaucoup moins indulgent que le premier commissaire pour ce qui concerne la forme. Le style est négligé, incorrect, inégal, tantôt emphatique, tantôt trivial. Plus d'une page est déparée par des naïvetés d'écolier et par des réllexions qui font sourire. Le mémoire devrait être soigneusement revu et corrigé. A cette condition seulement, je me ral- lierais aux conclusions du premier commissaire. » La (îlasse décide qu'il n'y a pas lieu de décerner le prix proposé. COMMUNICATION ET LECTURE. L' Évangéliaire du prince Miroslav; par Cli. De Smedt, correspondant de l'Académie. Messieurs, Vous avez tous admiré, à la dernière séance, le joyau vraiment royal dont s'est enrichie la bibliothèque de l'Académie par la libéralité de Sa Majesté le roi Alexandre L' de Serbie. Ce prince a daigné lui offrir un exemplaire de la reproduction en fac-similé, exécutée par ses ordres, de l'évangéliaire serbe écrit en caractères cyrilliens dans la seconde moitié du Xl[^ siècle pour le prince Miroslav, frère du roi de Serbie Stéphane Néma- nya. Le précieux manuscrit était conservé au monastère de Hilandar, fondé au Mont Athos par le même roi; il ( 6-24- ) fut donné par les religieux de ce monastère au roi Alexandre, lors de la visite dont ce souverain les honora en 1896. On a bien voulu me demander de fournir quelques notes sur le contenu du superbe volume. Si j'ai accepté cette tâche, malgré mon ignorance des langues slaves, c'est que je savais pouvoir compter sur le bienveillant concours de l'un de mes collègues de la Société bollan- dienne. A lui revient tout le mérite des renseignements que j'ai l'honneur de communiquer à la Classe. Le volume s'ouvre par une courte préface de M. Ljubomir Stajanovic, professeur de philologie slave à l'Université royale de Belgrade, à qui a été confiée la direction de l'édition. Celte préface, écrite en serbe, est accompagnée d'une traduction française due à M. Dieu- donné Popovié , qui enseigne l'histoire générale de la littérature à la même Université. Suit la reproduction du manuscrit, page par page, les plus remarquables données, si je ne me trompe, en grandeur naturelle et remplissant chacune une page de l'édition, les autres réduites de manière qu'une page de l'édition en renferme deux du manuscrit. Celui-ci contient, comme son titre l'indique, la suite des leçons tirées des évangiles à lire à l'olTice divin dans tout le cours de l'année. La première partie (pp. 1-294 du manuscrit, 1-166 de l'édition) comprend ce qu'on appelle le Propre du temps, c'est-à-dire la série des leçons propres à chacune des périodes de l'année liturgique. La seconde partie, bien moins considérable (pp. 294-348 du manuscrit, 166-194 de l'édition) est consacrée au Propre des saints. Une troisième partie ou appendice (pp. 349- 3(>0du manuscrit, 194-200 de l'édition) donne des évan- ( 625 ) giles à réciter sur les malades et quelques autres se rapportant à diverses circonstances particulières. Là se termine le manuscrit. Viennent ensuite, dans l'édition, cinq notes de M. Sto- janovic. La première (pp. 203-^04) nous renseigne sur les caractères du manuscrit et sur le plan de l'édition; la seconde (p. :204) et la troisième (pp. 204-207) signalent respectivement les particularités paléographiques et les particularités grammaticales spécialement intéressantes pour la philologie slave. Dans la quatrième (pp. 207-214) sont relevées, par comparaison avec d'autres manuscrits ou éditions, les variantes remarquables dans le texte évangélique et la version suivis dans le recueil. Enfin, dans la cinquième, le savant professeur étudie ce qu'il a|)pelle l'ordonnance des leçons, cest-à-dire la façon dont elles ont été découpées dans les évangiles. Le volume se termine par trois tables donnant respec- tivement l'ordre des leçons suivant les jours de l'année ecclésiastique (pp. 216-224), la série des chapitres des évangiles auxquels elles sont empruntées (pp. 224-226), et leur suite d'après la pagination du manuscrit (pp. 226-229). Je me bornerai à cette rapide analyse. Pour apprécier pleinement la valeur de cette magnifique publication, il faut une connaissance spéciale de la philologie et de l'an- cienne littérature slaves que nous ne pouvons guère nous attendre à trouver dans notre pays. Ce dont nous pouvons mieux juger par nous-mêmes, c'est la justesse de la remarque faite par M. Stojanovié à la suite de l'éminent philologue et archéologue russe, M. Théodore Buslaeff, et consignée dans sa préface : « Cet évangéliaire n'est pas seulement un des plus anciens monuments de notre littérature, c'est en même ( 626 ) temps, par la façon dont sont exécutées ses initiales avec leur ornementation et leurs figures (et d'autres exem- plaires semblables ayant péri selon toute probabilité), un ouvrage unique dans notre littérature, sans d'ailleurs avoir son pareil dans aucune des littératures slaves de la même époque, ni même des époques postérieures d'un ou deux siècles. Un connaisseur célèbre. M, Buslaeff, appréciant une reproduction des initiales copiées sur quelques pages de cet évangéliaire, disait que l'ornemen- tation de cet évangéliaire présentait un caractère tout particulier, tout exceptionnel, et qu'on aurait cru impos- sible dans les manuscrits slaves écrits en caractères cyrilliens au XII" siècle, ou même à des époques beaucoup plus récentes. L'ornemaniste diflérencie, à l'instar des peintres, les animaux et les oiseaux selon leurs espèces, et leur prête, ainsi qu'à ses figures bumaines, des atti- tudes de mouvement ou de calme qui leur conviennent; il paracbève artistement les détails de ses miniatures; il a un sentiment très vif du coloris, non moins que de la convenance et de l'barmonie des couleurs, tout comme les maîtres de la peinture en Occident aux XII" et XIII'' siècles, ou bien encore comme leurs prédécesseurs des premiers siècles du cbristianisme en Occident aussi bien qu'en Orient, qui avaient encore conservé la tradi- tion classique. » La singularité de ce fait frappe d'autant plus que, dans ce manuscrit même, comme l'a observé encore M. Sto- janovic, il se trouve exceptionnellement, à la première page, une miniature représentant les trois évangélistes saint Mattbieu, saint Marc et saint Luc, et une lettre ini- tiale, traitées suivant les traditions de ce qu'on est convenu d'appeler l'art byzantin et formant ainsi un contraste ( 627 ) saisissani avec les nombreuses iigures qui se rencontrent dans la suite du manuscrit et qui manifestent si claire- ment l'influence des artistes occidentaux. Par ce côté, l'évangéliaire publié par les soins de Sa Majesté le Roi Alexandre l^', offre un intérêt vraiment général, et l'Académie tiendra, sans aucun doute, à s'as- socier aux témoignages de la reconnaissance du monde savant envers l'Auguste éditeur, à qui il est redevable de cette contribution si précieuse, en particulier, pour l'his- toire de l'art pendant le moyen âge. ELECTIONS. La Classe se constitue en comité secret pour procéder à ses élections annuelles. Les résultats des concours et des élections seront pro- clamés en séance publique. PREPARATIFS DE LA SÉANCE PUBLIQUE. Conformément à l'article 15 du règlement de la Classe, MM. le chevalier Descamps et J. Leclercq soumettent leurs communications inscrites au programme. ( 628 ) CLASSE DES LETTRES. Séance publique du 11 mai 1898. M. Ém. Banning, vice-directeur, occupe le fauteuil. M. le chevalier Edmond Marchal, secrétaire perpétuel. M. Éd. Dupont, directeur de la Classe des sciences, prend également place au bureau. Sont présents: MM. S. Bormans, Ch. Piot, Cli. Potvin, T.-J. Lamy, Ch. Loomans, G. Tiberghien, le comte Goblet d'Alviella, J. Vuylsteke, A. Giron, Godefr. Kurth, Mesdach de ter Kiele, H. Denis, le chevalier Éd. Descamps, G. Monchamp, D. Sleeckx, P. Thomas, Ern. Discailles, membres; Alph. Rivier, J.-C. Vollgraff, associés; Ch. De Smedt, Jules Leclercq, H. Pirenne, Ern. Gossart et Poly- dore De Paepe, correspondants. Assistent à la séance : Classe des sciences. — MM. G. Dewalque, Éd. Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, Fr. Crépin, J. De Tilly, Ch. Van Bambeke, G. Van derMensbrugghe, Louis Henry, M. Mourlon, P. De Heen, C. Le Paige, F. Terby, J. Deruyts, L. Fredericq, A. Lancaster, membres; Ch. de la Vallée Poussin, associé; P. Francotte, correspondant. ( 029 ) Classe des beaux-arts. — MM. Ch. Tardieu, directeur, président de l' Académie; J. Robie, vice-directeur; Ed. Fétis, F. -A. Gevaert, God. Guffens, Th. Radoux , Joseph Jaquet, J. Demannez, G. De Gioot, Gustave Biol, H. Hynians, Jos. Stallaerl, Alex. Markelbaeh, G. Huberti, Éd. Van Even, Ait". Cluyseiiaar, J. Wiuders, Ém. Janlet et H. Maquet, membres. L'évolution de la neutralité en droit international ; par M. le chevalier Descamps, membre de l'Académie. La constitution moderne du régime de la neutralité internationale a souvent été signalée comme une des plus belles conquêtes du droit des gens. La localisation plus facile des conllils, une meilleure sauvegarde des droits et des intérêts de la paix en temps de guerre sont les fruits naturels de cette conquête. Il semble qu'un avenir plus riche encore lui soit réservé. L'étude des grandes étapes qui ont marqué l'évolution du droit inter- national dans cet ordre présente un vif attrait et une haute importance. D'aucuns prétendent, il est vrai, que les éléments d'une telle étude font singulièrement défaut et qu'il n'y a guère lieu de parler d'histoire lorsqu'il s'agit d'une notion essentiellement moderne (1). Mais ce point de vue (1) « On peut à peine parler d'une histoire de la neutralité et il semble que ce droit ait \Au.s d'avenir que de passé. » Hilty, Dte Ncii- tralital dcr Schweizin ihrer heutigen Aulfassiimj, trad. Mentha, 1889, }). 13. — Compar. Schweizeu, Geschichtc dcr sdnueizerischen Neu- tralitat, 1895, p. 15; Richaud Ki.een, Loix et usages delà neutralité, 1898, t. I, p. 2. 5""* SÉRIE, TOME XXXV. 42 ( 630 ) trop absolu conduirait à la méconnaissance de faits his- toriques incontestables. Comment d'ailleurs soutenir qu'un régime ne commence à exister que lorsqu'il porte un cachet de haute perfection? A ce compte, on pourrait nier toute histoire des sciences et des institutions, surtout des institutions internationales. Il s'en faut d'ailleurs de beaucoup que le droit moderne de la neutralité soit par- venu à un degré d'avancement qui fixe ses horizons. Tl est lui-même en évolution et nul doute qu'il ne paraisse bien imparfait aux générations qui nous suivront. Gar- dons-nous donc d'exalter trop le présent aux dépens soit du passé, soit de l'avenir. Et ne nous hâtons pas davan- tage de conclure de la formation lente et imparfaite de la théorie scientifique sur tel point donné à l'inexistence de faits, de relations et de coutumes sur lesquels est pré- cisément appelé à s'exercer le travail de la science. Ce qui est vrai, c'est que les rapports entre belligérants et non-belligérants sont loin d'avoir toujours été envisagés de la même manière. De profondes, d'heureuses transfor- mations se sont opérées dans la loi régulatrice de ces rapports. Les changements se sont réalisés peu à peu, à travers mille vicissitudes, les succès alternant avec les revers. Pour de multiples raisons, dont quelques-unes sont saisissables de prime aspect, les progrès sont plus lents à se produire en droit international que dans les autres branches du droit. Ils peuvent même échapper à l'observation de ceux qui bornent leurs regards à un petit nombre de faits et à un court laps de temps. Cependant, en dépit des échecs partiels et des reculs momentanés qui tendent à entraver leur marche, ces progrès sont incontestables. A d'anciennes pratiques, définitivement abandonnées, succèdent des coutumes V 651 ) meilleures sanctionnées par l'adhésion de tons. Des traités généraux, vraiment déterminateurs d'un droit des gens nouveau, substituent des règles plus parfaites à des règles reconnues défectueuses. Des conventions particu- lières, après avoir servi de norme aux parties contrac- tantes, finissent par être universellement acceptées. Les actes de l'autorité publique dans les divers États, en tant qu'ils ont une portée internationale, peuvent à leur tour concourir à l'élaboration et à la manifestation d'un droit commun aux nations. La conscience juridique internationale s'épure à la lumière des travaux des juris- consultes; elle se reflète dans la sagesse des hommes d'État vraiment dignes de ce nom ; elle trouve de puissants auxiliaires dans tous les facteurs économiques et moraux, politiques et sociaux qui concourent au rayonnement de la civilisation dans le monde. Ainsi s'opère l'évolution progressive du droit des gens. C'est elle que nous vou- drions essayer de suivre à la trace dans une matière d'intérêt capital. Précisons bien notre dessein. L'histoire détaillée de tous les faits où s'est trouvée engagée l'idée de neutralité serait une entreprise immense. Mais sur le fondement de ces faits, il est possible de mettre en lumière la genèse et l'évolution du droit des neutres dans une synthèse historique où chaque phase distincte ;de développement apparaisse avec sa physionomie propre et se rattache aux événements ou aux institutions qui la représentent par excellence. Telle est la tâche que nous abordons. ( 632 ) PHASE INITIALE. l'absence de place autorisée pour le droit de neutralité DANS LES rapports INTERNATIONAUX. Lorsqu'une guerre éclate de nos jours entre deux États, rien ne semble plus naturel que l'attitude d'autres États s'abstenant de prendre parti pour l'un ou pour l'autre des belligérants. Cette attitude n'a pas toujours été con- sidérée comme légitime en soi. Au point de départ de l'institution que nous étudions, nous constatons plutôt l'absence de place autorisée pour le droit de neutralité dans les rapports internationaux. Sans doute les peuples antiques connaissaient — à côté de certaines immunités analogues aux neutralisa- tions modernes — la situation d'États qui restaient ou voulaient demeurer étrangers à une guerre entre d'autres États. Et l'on peut recueillir des témoignages où cette situation est appréciée d'une manière qui n'est pas étrangère aux vues modernes sur la neutralité. Les livres saints des Hébreux, les lois de Manou, les annales de l'antiquité classique renferment à cet égard des passages significatifs et qui ont donné lieu à d'ingé- nieux rapprochements (1). (1) ISAïE, XXX, 7, 13. — Lois de Manou, chap. VII, art. 135, 138, 177, 180, 211. - HÉRODOTE, VII, 150; VIII, 22, 73. — Thucydide, II, 72. — TiTE LivE , XXXV , 48. — Voy. Schweizer , Geschichte der schweixerischen Neutraliliit, 1895, pp. 17 et siiiv. ( 655 ) Mais ces éclairs précurseurs ne sont pas l'expression de principes de droit généralement reconnus, moins encore d'institutions arrivées à un certain développement organique. La neutralité constituait plutôt un fait occa- sionnel qu'un status juridique. Les obstacles aux communications par terre et par mer réduisaient singulièrement, dans la plupart des cas, la sphère où il pût être effectivement question d'opter entre la participation ou la non-participation aux hostilités. Même dans le cercle ainsi restreint de la vicinilé interna- tionale, on ne pouvait guère attendre une attitude analogue à la neutralité que d'Etals peu organisés pour la guerre ou déterminés par des circonstances spéciales à un repos momentané. Et lorsque d'aventure se dessinait pareille attitude, elle n'avait guère de chance d'être acceptée ou tolérée par les belligérants, pour peu qu'ils eussent quelque raison de ne la point admettre et la force néces- saire pour ne la point supporter. Les situations intermé- diaires s'elfaçaient ou menaçaient de devenir suspectes à chacun des États en lutte, péril extrême aux époques de violence. La [xilitique romaine, inspirée [)ar un long dessein de domination universelle, était la négation même du prin- cipe de la neutralité. Rome excellait à diviser les peuples pour les dompter les uns après les autres et les uns par les autres, mais elle ne tolérait pas plus que des nations observassent la neutralité contre ses intérêts qu'elle.n'en- tendait éventuellement la garder elle-même. Aux nations qu'elle aspirait à grouper sous son sceptre, — et ses visées étaient sans limites, — la Cité de la Eorce ne laissait point de refuge inviolable. « Il faut avoir les Romains [»oui alliés ou [tour ennemis, leur disait-elle au ( 654 ) besoin : il n'y a point de voie moyenne (1). » Et lorsqu'un peuple entrait comme allié dans l'unité de son empire, Rome lui imposait cette double obligation : respecter la majesté du peuple romain, n'avoir d'amis ou d'enne- mis que ceux de ce peuple. La situation de neutre, dit M. Rivier, « était expressément exclue dans les traités d'amitié que Rome faisait avec les autres peuples. Qui n'est pas pour moi, disait Rome, est contre moi (2). » Il en fut fréquemment de la sorte à l'origine des temps modernes et même, dans une certaine mesure, à une époque plus rapprochée de nous. Il ne faut pas con- cevoir, en effet, les phases que nous étudions comme parquées dans des cadres chronologiques séparés, sans aucune compénétration. Ces phases se distinguent par des traits caractéristiques; elles se rattachent à des insti- tutions ou à des événements saillants qui marquent une date et colorent une époque. Mais les vieux errements n'abdiquent pas ordinairement d'un coup et laissent longtemps, dans toutes les directions, des traces de leur ancien empire. Être allié en (juelque manière ou être ennemi : telle était donc l'alternative initiale, celle que connut, pra- tiqua, systématisa par excellence l'antiquité romaine. Il est manifeste qu'en de telles conjonctures et dans la mesure où pouvaient prévaloir de semblables exigences, le régime de la neutralité n'avait pas où prendre pied; il sombrait dans la négation de la donnée même qui lui sert de point de départ. (1) « Romanos aut soeios aut hostes habeatis oportet : aiedia iiuUa via est. » Tite Live, HisL, XXXII. (2) Rivier, Principes du droit des gens, 1896, § 210. ( 635 ) SECONDE PHASE. LA NEUTRALITÉ RECONNUE SOUS UN RÉGIME IMPARFAIT ET INÉGAL. En émergeant lentement de l'état initial que nous venons de faire connaître, le régime des rapports entre belligérants et non-belligérants a traversé une seconde phase : celle de la neutralité reconnue sous un régime imparfait et inégal. Remarquons bien le caractère dis- tinctif de cette période nouvelle: le droit de neutralité n'est plus nié en lui-même, — et c'est un point capi- tal, — mais il se présente à nous sous un aspect déprimé et altéré; déprimé par les exigences des belligérants, altéré par les comportements des neutres. Pour saisir cette phase d'évolution, nous devons fixer nos regards sur la partie occidentale de l'Empire romain, foulée d'abord par les barbares, puis démembrée par eux en royaumes distincts, germes des souverainetés euro- péennes. C'est sur ce théâtre, en effet, que vont se pour- suivre, avec les destinées générales de la civilisation humaine, les progrès de l'existence internationale, en attendant le moment où ces progrès rayonneront puis- samment soit sur les contrées moins avancées de l'ancien monde, soit sur des mondes nouveaux ouverts à l'expan- sion civilisatrice. Le monde romain, nous l'avons observé, n'offrait point de cadres de cantonnement à la neutralité. Rome voulait des sujets ou des alliés et non des neutres. Et l'on sait que toute la portion du globe connue des anciens fut à ( 636 ) peu près comprise dans la sphère de Ja domination romaine. Le monde barbare, incarnation à l'origine de la force brutale sans frein ni règle, ne fournissait pas davantage à la neutralité les éléments d'une évolution progressive. Mais quand se fut formé sur le sol de l'Europe un ensemble de royaumes indépendants ayant une certaine cobésion el possédant, avec l'énergique sentiment d'un droit propre, quelque conscience d'une solidarité com- mune et d'une justice réciproque, lorsqu'il y eut de fait une société des nations chrétiennes, le terrain se trouva préparé au développement de l'institution de la neutralité. Ce développement ne pouvait être d'abord que fort incomplet et le stage de la neutralité sous un régime imparfait et inégal devait être long. La constitution du droit des neutres sur une base solide est en effet le fruit d'une civilisation internationale avancée. Il est même le signe par excellence d'une telle civilisation : n'atleste- t-il pas, en effet, l'existence d'une pondération, difficile à réaliser entre toutes dans une société d'Etats souverains, entre les éléments conservateurs de la paix juridique et tous les facteurs qui tendent à l'exaltation de la force par la guerre? On peut étendre la seconde phase d'évolution de la neutralité jusqu'à l'époque des alliances de neutralité armée à la iin du XVIIP siècle, en attachant à cette der- nière date la marque d'une orientation nouvelle plutôt que la signification d'un brusque point d'arrêt. Le trait saillant de cette époque, c'est la prédominance abusive des prétentions des belligérants sur les revendi- cations des neutres. Emportés par la fureur de la lutte, ne voyant que le but à atteindre, — nuire à l'ennemi et ( 637 ) le réduire, — les États en guerre, rencontrant sur leur chemin les droits de peuples pacifiques souvent plus faibles, ont toujours été portés à faire litière de ces droits. L'histoire nous les montre outrant sans cesse les exigences de la guerre et ne s'arrètant le plus souvent, dans la voie des mesures arbitraires à l'égard des neutres, que devant la crainte de résistances trop vives ou devant l'intérêt qu'ils pouvaient avoir, dans certains cas, à ménager tel ou tel peuple. Ajoutons qu'il s'est rencontré des jurisconsultes assez prévenus par le spectacle de continuelles violences ou assez dominés par le désir de justifier à tout prix les pro- cédés de leur pays, pour soutenir les prétentions les plus exorbitantes des belligérants et pour les étayer de quelque appareil scientifique. C'est ainsi qu'on a essayé, à grand renfort d'arguments, de légitimer, dans la guerre conti- nentale, la violation du territoire neutre, et, dans la guerre maritime, les entraves les plus radicales au com- merce et à la navigation de tous les peuples. Tant que la guerre put être considérée comme « un état permanent de violences indéterminées entre les hommes », — suivant la sinistre et rétrograde définition que nous en a laissé Martens (I), — une telle concep- tion exerça sur le régime des neutres de fatales répercus- sions. L'organisation de la neutralité suppose en effet quelque frein posé à la fureur des combats, une situation où il n'y a plus équation entre la guerre et tout ce que peut la force. Reconnaissons, d'autre part, que la configuration de (1) G. -F. DE Martens, Preci!; du droit des gen,s, § 263. ( 638 ) rancienne Europe, avec ses morcellements et ses enclaves, explique à certains points de vue, sans les justifier, nombre d'actes de flagrante injustice commis en violation du droit des neutres chez eux, sur leur territoire. En C8 qui concerne le commerce des neutres, surtout le commerce maritime, la facilité pour certaines Puis- sances d'imposer leur loi sur mer et les avantages attachés à une telle hégémonie nous fournissent l'explication de multiples vexations. Toutes les entreprises n'étaient-elles pas d'ailleurs favorisées par l'absence d'un équilibre international assez aff"ermi pour empêcher les États forts de contraindre les autres à subir à merci les conséquences de la guerre? Les abus furent extrêmes, monstrueux, innombrables; et l'on vit, dit M. de Martens, des Puissances déclarer la guerre dans le seul but de porter un coup au commerce des neutres (1). Fait digne de remarque : dans cette situation troublée, les États neutres n'entendaient guère mieux les devoirs inhérents à leur position que les belligérants ne compre- naient les leurs. 11 n'est pas rare de voir ces États, tout en prétendant demeurer étrangers à une lutte armée, commettre ou autoriser des actes hostiles à tel ou tel bel- ligérant, — levées de troupes, équipements de corsaires, subsides, ^ soit en vertu de stipulations antérieures à la guerre, soit même indépendamment de telles stipula- tions. Pour les neutres aussi, l'intérêt, la crainte d'être attaqués constituaient le plus souvent, en fait, la limite (1) F. DE Martens, Traité de droit international, traduit i)arI,éo, l. III, }.. 318. C 639 ) des comportements à observer à l'égard des Etats en guerre. Au fond, c'était des deux côtés, dans une fort large mesure, le régime de la licence avec ses incertitudes et ses surprises. Ce régime trouve sa formule scientifique dans la thèse de l'inconciliabilité des droits respectifs des belligérants et des neutres, avec cette conclusion : l'aban- don des uns et des autres à leurs tendances opposées, avec leurs prétentions mal définies et non réglées, quitte à chacun à se tirer comme il peut de l'aventure où il se trouve éventuellement engagé. Régime d'aventure en etfet, où la politique primait le droit et dont le résultat pratique le plus clair était la dictature des belligérants sur les peuples pacifiques. L'établissement d'un régime plus conforme à la raison et à la justice s'est développé à travers mille obstacles, par une série de conquêtes sur les prétentions des belli- gérants. Conquêtes toujours difficiles, car les Etats les plus portés à outrer les droits de la guerre sont ordinai- rement (les États puissants, auxquels il est malaisé de prouver que la raison du plus fort n'est pas toujours la meilleure. Certaines Puissances avaient d'ailleurs un si grand intérêt à continuer leurs errements, surtout en matière de guerre maritime, que l'on comprend sans peine leur acharnement à défendre des abus devenus traditionnels et pour le maintien desquels les prétextes spécieux ne manquaient point. Ne fallait-il pas empê- cher par tous moyens tout renforcement de l'adver- saire et la nécessité n'était-elle pas la loi suprême de la guerre ? Cependant, au milieu des violences où sombrait à ( 040 ) chaque instant le bon droit, un regard observateur pou- vait démêler certains élén)ents qui préparaient le terrain à une heureuse évolution, certains facteurs qui devaient travailler persévéramment à réaliser le progrès. T. — Dans quelle mesure l'action du christianisme s'est-elle exercée ici en vue de l'acheminement à un état meilleur? Cette question ne semble pas pouvoir être élucidée sans faire quelques distinctions. En frappant au cœur la doctrine ancienne qui voyait dans l'étranger un ennemi, le christianisme a détruit un des plus grands obstacles à la reconnaissance du droit des neutres. En opposant d'une manière incessante, sur tant de terrains, la force morale à la force brutale, en méritant d'être appelé par excellence la grande école du respect, il a puissamment concouru, dans un monde livré en proie à toutes les violences matérielles, à la consolidation de cet empire du droit, sans lequel on ne conçoit point le respect stable de la neutralité. A un point de vue plus spécial, on sait les efforts déployés par les autorités chrétiennes pour adoucir et pour limiter le fléau de la guerre à une époque où la fièvre des combats était universelle. Entre de tels efforts et le déve- loppement des institutions protectrices de la neutralité, la connexion est grande et l'on doit reconnaître que tout ce qui a été accompli dans le premier ordre a pro- duit, dans le second, les plus favorables conséquences. S'il est vrai, d'autre part, comme le fait observer M. de Martens, que le lien est des plus intimes entre la notion de la neutralité et la notion de la communauté ( 6il ) internationale (1), comment méconnaître l'inlluence bien- faisante exercée sur l'évolution du régime que nous étu- dions par l'institution qui a donné naissance à la com- munauté des nations chrétiennes? Toutefois, remarquons-le, dans le système international de l'Europe au moyen âge, la neutralité appliquée aux grands conflits avec le monde infidèle ne pouvait appa- raître que comme une atteinte à la solidarité des peuples qu'unissaient une foi commune et de communs périls. Même à l'intérieur de la chrétienté, les applications éventuelles de la neutralité ne procédaient pas d'une règle de stricte indifférence, d'un principe d'abstention obliga- toire en présence d'abus de la force, de violation du droit des faibles ou d'atteintes portées à des intérêts considérés comme généraux pour les membres de la société interna- tionale. Et l'on saisit combien pouvait se restreindre, dans ces conditions, le cercle de la neutralité. Cela posé, on peut reconnaître qu'une neutralité indépendante dans les conflits armés entre certains États se présentait en soi, abstraction faite d'éléments déter- minateurs particuliers, comme une attitude aussi haute- ment chrétienne que justement humaine : car elle était la non-participation à un mal que l'autorité religieuse s'efforçait de combattre et de restreindre par l'arbitrage, par les paix et trêves de Dieu, par nombre d'immunités personnelles et locales, par une foule d'institutions pro- tectrices de la vie pacifique des nations. Tous ces faits peuvent et doivent être constatés, en (1) « La notion de la neutralité est inséparable de la notion de communauté internationale. La première ne s'explique que par la dernière. » F. de Maktens, Traité de droit international, t. III, p. 315. ( 642 ) même temps que l'on doit rappeler les ruines accumulées durant des siècles par les ambitions, les rivalités, les discordes, qui désolèrent la communauté des États chré- tiens et, plus tard, par le déchaînement des guerres de religion dans la chrétienté divisée contre elle-même. IL — Les progrès du commerce international et l'extension générale des rapports entre États doivent être signalés comme une très puissante cause de l'avènement d'un régime meilleur en matière de neutralité. L'attitude initiale des belligérants à l'égard du commerce du neutre avec l'adversaire n'avait pas été transigeante. Soumettant fréquemment leurs nationaux à une règle de prohibition absolue en matière de trafic avec l'ennemi, les belligérants furent d'autant plus portés à imposer cette même loi aux neutres, que ceux-ci se trouvaient davantage sous leur coupe. Ils cherchèrent même à donner aux mesures prohibitives, au moyen de conventions, une ampleur et une efficacité que ne pou- vait leur assurer une réglementation d'origine purement nationale. Comme exemple de lois prohibitives nettement sanc- tionnées, Hautefeuille nous signale les ordonnances anglaises de 1515 et de 1557, interdisant le commerce des neutres avec les Écossais, alors en guerre avec les Anglais, sous peine de retrait de tous les privilèges et de destruc- tion de tous les établissements des nations contrevenantes. Dans l'ordre des conventions internationales, le même auteur nous rappelle qu'en 1504, la France, étant en guerre avec la Flandre, conclut avec l'Angleterre un traité par lequel cette dernière s'obligeait à rompre tout com- merce avec l'ennemi de la nation française. Dix ans p